Voyage en terre lointaine, l`Arabie Heureuse, au coeur d`un

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Voyage en terre lointaine, l`Arabie Heureuse, au coeur d`un
Yemen
1984
Voyage en terre lointaine, l’Arabie Heureuse, au coeur d’un
royaumefabuleux et de la légende de la Reine de Saba
Calepin de Voyage
Dominique Epiney
Chalet La Tour
CH-3961 Saint-Jean – Suisse
[email protected]
+4179 433 04 38
YÉMEN DU NORD, printemps 1984
TERRE DE SABLE AUX RIVAGES ABYSSAUX
Cette contrée est connue comme le Royaume de la Reine de Saba, souveraine
légendaire désignée sous le nom de Bilkis dans la littérature arabe. La Bible et le
Coran relatent sa visite au roi Salomon à qui elle offrit des aromates qui
poussaient en abondance dans la région. Le Yémen est un état d'Asie situé au
Moyen Orient, il domine la Mer Rouge et l'Océan Indien.
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Au-delà de la plaine de la Tihama qui s'étire le long de la Mer Rouge, s'élèvent des
chaînes de montagnes avec de hauts plateaux fertiles pouvant atteindre 3000 m.
d'altitude avant de se dilater en désert vers l'Est.
carte de la
péninsule arabique
Lors de ma visite en 1984, le territoire est scindé en deux pays, le Yémen du Nord
(République Arabe du Yémen) et le Yémen du Sud (République Démocratique et
Populaire du Yémen). Ses hautes montagnes basaltiques aux sommets vertigineux
témoignent bien des convulsions de la Terre.
Sa superficie totale est de 527'970 km2 et la population
yéménites est d'env. 18'000'000 habitants. La capitale du Nord est
Sanaa et celle du Sud, Aden, port stratégique situé entre la Mer
Rouge et le Golfe d'Aden. La langue officielle est l'arabe et la
monnaie, le rial yéménite (chf 0,50 = rials 1.-- en 1984). En hiver,
l'heure de Sanaa = GMT + 2 heures par rapport à la Suisse.
La population islamisée se concentre sur les hauteurs de la Mer Rouge et dans les
capitales Sanaa et Aden.
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Les ressources du pays sont le pétrole, l'élevage ovin et caprin, la pêche du
poisson et des perles, les cultures du millet, sorgho, dattes, fruits tropicaux et le
khat.
Cultivé depuis l'Antiquité dans la péninsule arabique, le khat (ou qat) y est
consommé de manière rituelle et ancestrale car ses feuilles et ses tiges
contiennent un léger psychotrope. Pour l'ingérer, on mâchouille les feuilles jusqu'à
en faire une boule qu'on garde ensuite dans le coin de la bouche pour en aspirer le
jus. Ses effets varient d'une personne à l'autre : coupe-faim, euphorie, effet
stimulant, tout dépend mais ils ne sont pas dangereux pour la santé. La
consommation du khat est la même que celle de la feuille de coca : même manière
d'ingestion, même genre d'effets et même origines ancestrales.
le vendeur de khat
Le Yémen fut une importante place tournante pour le commerce du café qui donna
son nom au port de Mokka sur la Mer Rouge. Depuis quelques années, les cultures
en terrasse des arbustes du khat ont largement remplacés celle des caféiers
devenus peu rentables. Les implications économiques sont complexes car cette
culture permet à de nombreux Yéménites d'avoir un revenu fixe. Ce marché se
chiffre annuellement par dizaines de millions de dollars.
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Le Yémen est réputé pour produire un khat de très bonne qualité, environ 80 %
des hommes et 50 % des femmes broutent ces feuilles qu'il est possible
d'acheter librement sur les marchés. Sa consommation a aussi des implications
sociales et économiques importantes, sociales surtout car mastiquer le khat est
l'occasion de se réunir entre amis. Dans les maisons traditionnelles il y a toujours
une pièce équipée de grands coussins spécialement consacrée à ce rituel.
muffredge - le salon yéménite
Selon les historiens, la Péninsule arabique des temps anciens était un pays
verdoyant jusqu'à ce que les masses glaciaires se retirent gentiment vers le Nord.
Le soleil commença alors à assécher les rivières, à calciner les végétations et le
désert s'étala à perte de vue. Les Sud-Est et Sud-Ouest côtiers sont humides et
on y vit comme dans les oasis, une existence paysanne et sédentaire alors que le
reste de la population doit nomadiser avec ses troupeaux pour survivre dans une
nature hostile. Le trafic par caravanes et par bateaux permis aux Yéménites leur
développement économique et culturel car à l'époque, leurs richesses fabuleuses
voyagèrent jusqu'en Méditerranée.
On chantait alors l'Arabie Heureuse qui désignait pour les Grecs et les Romains le
Yémen,, région humide grâce à ses montagnes et à un système d'irrigation
astucieux qui garantissait la survie aux portes du désert. C'était aussi le centre
de la riche civilisation des Sabéens, courant religieux antérieur à la conquête
musulmane.
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Pour les Romains, l'Arabie Heureuse représentait une terre fabuleuse où vivait le
phénix (oiseau doué de longévité au pouvoir de renaissance qui symbolisait les
cycles de la mort et de la résurrection) et aussi une région miraculeuse d'où
provenait l'encens consumé lors des actes religieux. C’était aussi un pays fertile
qui produisait une grande variété d'épices. Cette terre fut une étape importante
sur les routes maritimes vers l'Inde et l'Extrême Orient. De nos jours, le Yémen
est une terre ingrate par rapport aux sables d'Arabie Saoudite qui produisent
beaucoup d'or noir et ceci provoque un contraste sans pareille entre ces deux
civilisations. Seules la langue arabe et la religion islamique unissent encore les
habitants de cette péninsule.
SES DESERTS ET SES WADIS
Les déserts de sable, les paysages en terrasses sont traversés par des fleuves
desséchés nommés wadis qui restent secs presque toute l'année sauf lors des
violents orages qui provoquent des crues dangereuses. Le Yémen est situé au sud
des montagnes de l'Azir qui s'élèvent de 600 à 1000 m. d'altitude dans la plaine
de la Tihama, longeant la Mer Rouge. Vers le Nord, la région du Hedjaz s'étire
jusqu'à Aquaba et au Sud de la péninsule, des chaînes de collines se dispersent
dans l'immensité des monts du Rub al Khali. La côte du Golfe d'Aden est parsemée
d'îles proches de la côte iranienne qui forment le Détroit d'Hormuz. Seuls les
fleuves des régions côtières sont alimentés toute l'année grâce au sol karstique
composé de roches solubles carbonatées et grâce au climat des lieux. Les fleuves
de l'Azir sont nourris par les pluies de la mousson en été mais s'assèchent souvent
avant d'atteindre la mer, alors que le fleuve Hajr de l'Hadramaout au Nord-Est,
s'écoule jusqu'à son delta durant toute l'année.
SA FAUNE
Les grands animaux sont menacés de disparition et le lion a été exterminé.
L'autruche et la gazelle disparaissent peu à peu du désert Rub al Khali car il y a la
tradition des armes à feu et car il n'existe aucune réglementation en faveur de la
chasse. Le bouquetin vit encore dans les montagnes et est toujours chassé avec
cérémonie selon les anciennes traditions. On trouve aussi dans l'Hadramaout et en
Azir des chats sauvages et des léopards ainsi que des babouins.
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On dit que les sangliers et les renards sont tellement détestés par la population
islamique qu'elle refuse de leur sacrifier une seule balle de leur fusil. Il y a aussi
des oiseaux aquatiques et des reptiles qui supportent bien le climat sec et des
sauterelles comestibles, véritable fléau lorsqu'elles déferlent par nuages entiers
sur les cultures. On dit aussi que le chien est détesté par les Arabes car il serait
la réincarnation d'un être qui était mauvais !
mon prénom
Dominique, écrit
en arabe
SON CLIMAT
Nous avons choisit le printemps pour voyager dans ce pays car c'est la meilleure
saison (de décembre à mai) vu que le climat est encore supportable. Cerclé par la
mer, le Yémen est constitué d'immenses étendues désertiques. La zone centrale
avec ses déserts de sable et de pierre est la plus chaude du monde alors que la
sécheresse de l'air et la chaleur du climat sont supportables malgré les vents de
sable qui assombrissent la clarté du ciel.
La température passe de 24° à 50° en été et tombe à 4° en hiver mais, sans jamais
descendre au-dessous de 0°. Certaines années, aucune goutte de d'eau ne tombe
même si parfois des pluies torrentielles se déclenchent subitement. La région
côtière de la Mer Rouge a des températures de 31 à 37° en août, mois le plus
chaud de l'année car l'humidité de l'air et la brise de mer n'apportent que peu de
fraîcheur si ce n'est des pluies occasionnelles. En hiver, le thermomètre descend
peu et durant janvier, le mois le plus frais, la température se maintient autour de
27° à 28°. Les hautes régions de l'ouest yéménite sont presque aussi chaudes que
dans les plaines mais les variations de température journalières sont plus
marquées que sur la côte. Les mois d'hiver sont rudes, il y a parfois du gel et de la
neige en altitude.
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SA POPULATION
la yéménite
La population est accueillante mais méfiante et, gardienne de traditions
millénaires. Les indigènes sont répartis en deux genres, le type yéménite, petit,
gracieux que l'on rencontre dans l'Ouest et le type arabe des plateaux élevés,
plus grand et plus fort. Sur les rivages, les mélanges asiatiques, africains sont
issus du trafic maritime intense déployé depuis la nuit des temps dans la région.
Les esclaves africains déportés et le brassage des populations islamiques venues
avec les caravaniers et les pèlerins ont également métissé la population.
Yéménites
Les minorités indiennes ne sont pas assimilées, elles ont conservé leurs mœurs,
coutumes et parlent leurs langues. Il y a peu d'Erythréens même si l'Ethiopie est
juste en face du Yémen, séparé par la Mer Rouge.

mes notes de voyage au Yémen du Nord, mars-avril 1984
Je travaille chez Air Afrique et bénéficie régulièrement de billets d'avion
gratuits grâce à M. Mackoubily, notre gentil directeur, d’origine congolaise.
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En mars 1984, Jacqueline, ma collègue, Evelyne son amie, hôtesse chez Air France
et moi-même embarquons gratuitement sur un vol d'Air France pour Paris puis
pour Sanaa à bord de la compagnie Yéménia Airways (IY), pour un voyage périlleux
et hors du temps…
Tout au long de ce séjour insolite, tous nos sens seront sans cesse sollicités.
L'aventure commence déjà à l'aéroport de Genève-Cointrin. Côté français, un sac
abandonné provoque une alerte à la bombe et nous assistons au dynamitage du sac
en question dans la salle des guichets, c’est rasssurant. Plus tard, dans l'avion,
Evelyne, petite blonde rondouillette qui adore attirer l'attention, brandi de son
sac une bouteille de vin rouge pour la boire durant le repas servi en vol, et
demande sans discrétion au personnel de cabine un tire-bouchon ! Je plonge la
tête sous le siège pour tenter de passer inaperçue.
mon visa
A peine parties et nous voilà déjà repérées, je suis morte de honte. Aucun ustencil
de ce genre n'est trouvable dans l'avion mais du coup tous les passagers non
chrétiens nous mitraillent du regard. Nous sommes en pays musulman traditionnel
et il serait bon de ne pas choquer la population par une tenue impudique ou des
manières insensées.
Nous débarquons à Sanaa le matin. L'aéroport est situé à 10 km de la ville et le
taxi coûte très cher, rials 100.-- (chf 50.--) jusqu'à notre Hôtel Al Zohra situé
dans le vieux Sanaa. L'hôtel revient à rials 125.-- (=chf 62.50) pour une chambre à
3 lits avec une douche. Ce logement ressemble à un lodge, pas trop pouilleux.
Après notre installation et une bonne douche, nous prenons un taxi direction Air
France Sanaa, pour offrir du chocolat suisse à Malik, un Yéménite collègue
d'Evelyne. Tout content, il nous invite pour un souper au restaurant pour festoyer
avec ses amis.
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Nous acceptons, il semble sympa et très occidentalisé avec son joli costard gris
clair. Plus tard, Malik débarque comme prévu avec deux amis Ali et Zaki dans une
longue Mercedes noire reluisante. Ils sont tous vêtus de la tenue yéménite, la
fouta, sorte de pagne-jupe accroché à la taille par une ceinture ornée de la
djanbiyya, le poignard traditionnel à lame recourbée, finement sculpté, l'armement
des mâles du pays. Seules manquent les babouches. Ils portent des chaussures en
cuir noir avec des chaussettes blanches ce qui contraste avec leur garde-robe
typique.
Ici les hommes portent souvent une veste de costume occidental sur une chemise.
Leur tête est couronnée d'un turban, le keffieh en arabe, ‫ك وف ية‬. Ce look fait
effet, notre confiance s'estompe un peu envers ses hommes inconnus mais Evelyne
nous réconforte en nous rappelant que Malik travaille chez Air France et que nous
ne risquons rien vu qu'elle le connaît. De plus, nous irons manger dans un
restaurant, lieu censé être sûr ! Nous embarquons donc dans la Mercedes mais je
ne suis pas tranquille, Jacqueline non plus, d'ailleurs. Ils sont trois hommes et
nous, trois femmes… Trop tard, la voiture fonce à travers la ville, passe un checkpoint aux gardes armés jusqu'aux dents et nous voilà sur une piste de terre
battue en train de gravir une colline sur le Djebel Nogûm, proche de Sanaa. Nous
débarquons sur un terrain vague où une dalle de béton sert de terrasse… de
restaurant à toute une équipe de mâles yéménites assis en rond à même le sol.
Tous sont armés de la djanbiyya et parfois d'une kalashnikov ou d'un pistolet,
craignos… Dès 6 ans, les petits yéménites arborent fièrement une petite
djanbiyya et dès 14 ans ils reçoivent leur première kalachnikov, symbole de virilité.
De tous temps les Yéménites ont très vite dû apprendre à se défendre contre les
envahisseurs, d'où cette tradition.
Un feu crépite dans un coin et une broche tourne lentement sur des braises avec
le méchoui, préparé en notre honneur. Des musiciens tambourinent sur un daff,
sorte de tambour et pincent les cordes d'un ûd, un instrument à cordes, style
mandoline. A mon avis, les sons jaillissent grinçants des instruments tout comme
l'ambiance qui règne ici haut. Les hommes ingurgitent de l'alcool, soit de la bière
soit du whisky et sont déjà tous bourrés. Je commence à me sentir mal et
j'attrape la crampe de la peur, celle que nous n'avons pas souvent, qui tord les
tripes et crispe le ventre. C'est la première fois de ma vie que j'ai une telle
angoisse de l'inconnu.
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J'imagine déjà les manchettes des journaux en Suisse annonçant un scoop du
style, …trois jeunes femmes disparues au Yémen… La panique s'empare de moi, de
plus, Jacqueline me lance des regards inquiets alors qu'Evelyne la blondasse
s'amuse comme une petite folle avec son décolleté ouvert sur ses gros seins tout
roses. D'un coup, elle se lève et photographie le groupe ! La réaction est
immédiate, des hommes se fâchent, se lèvent d'un bond et gesticulent mécontents
car c’est ici, dans ce lieu, qu’ils se retrouvent discrêtement les vendredis pour
boire de l'alcool en cachette, loin des regards de la ville. Les photos d'Evelyne ne
sont donc pas vraiment les bienvenues. Je bondis sur mes pieds et crie à Evelyne
de cacher son décolleté et de planquer son appareil photo afin d'éviter des
problèmes. Elle se rassied, toute confuse !
Le calme revient et le vieillard près de moi commence à servir la nourriture.
Comme nous sommes les invitées, nous recevons de la bière, du whisky et la graisse
du mouton grillé. Tout le monde nous observe manger avant d'entamer le repas, si
bien qu'il est impossible de refuser ces bouts de cellulite. J'ai cru mourir en
goûtant cette chose horrible mais je n'avais pas le choix, il valait mieux ne pas
vexer nos hôtes encore une fois ! Nous buvons nos bières et les hommes sont tous
étonnés de voir que nous ne sommes pas aussi saoules qu'eux. On leur explique que
nous avons l'habitude de consommer de l'alcool en mangeant chez nous. Nous
discutons en anglais le temps du repas et assez rapidement, tous se lèvent pour
repartir. Nous apprenons alors que la majorité de ces hommes étaient des
autorités importantes de Sanaa, entre autre des policiers, et qu'ils étaient ravis
d'avoir mangé avec des femmes occidentales pour les accueillir et échanger des
points de vue sur nos vies tellement différentes. Que de stress pour rien, j'aurais
pu éviter cette peur si nous avions été présentés dès notre arrivée.
Nous saluons nos nouveaux amis et repartons en Mercedes. Nous pensions rentrer
chez nous mais impossible, Malik et ses copains veulent nous faire visiter les
alentours de Sanaa. Nouveau passage d'un check-point puis nous roulons un
moment dans la montagne jusqu'à une plantation de khat. Malik en achète un petit
bosquet pour le prix de… US$ 200.-- ! Il veut absolument que nous goûtions cet
arbre aux vertus stimulantes pour découvrir les coutumes de son peuple. Nous
continuons notre route jusqu'au sommet d'une colline et d'un coup la Mercedes
s'immobilise devant la maison d'Ali. Le jardin est fermé par des fils barbelés et le
site est complètement isolé.
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C'est la maison familiale des fins de semaines. A nouveau, je sens la peur
m'envahir les triples mais que faire, nous ne pouvons pas nous enfuir, nous sommes
dans un endroit désertique et inconnu, à leur merci. Après une petite visite de la
maison et du jardin, les hommes s'installent confortablement dans le jardin
intérieur et se calent sur de gros coussins pour boire du thé, fumer le narghilé et
préparer le khat, rituel qui a lieu en général dans l'après-midi à l'heure de la
sieste. Durant ces heures, c'est tout le pays qui est paralysé par ce phénomène.
Impossible d'y échapper, nous devons tester ces feuilles amères et relaxer pour
essayer de sentir l'effet euphorique de cette plante. Khater est tout un art.
les brouteurs
de khat
Une fois mastiquées, les feuilles ne doivent pas être avalées mais stockées contre
la joue pour former une boule déformant les traits du visage. Le jus est alors
aspiré lentement. Je ne sens rien car il faut un temps d'adaptation. Du coup, les
hommes deviennent tous gentils et essaient de nous approcher. Evelyne semble
ravie de trouver de la compagnie mais Jacqueline et moi n'avons pas du tout envie
de roucouler avec eux. Nous restons très calmes, je me lève et commence à
discuter en anglais avec le plus âgé des trois nommé Zaki, un noble vieillard très
sympa. Je lui explique que chez nous en Europe il n'est pas dans nos habitudes de
tromper nos conjoints et que cela n'est pas correct. Une longue discussion
s'ensuit et finalement il explique à ses copains la situation et ils nous laissent en
paix. Nous ne risquons plus rien, ils ont essayé, pas pu et nous nous quittons tout
de même bons amis. Ouf ! Ils nous ramènent en fin de journée à notre hôtel et
nous nous terrons dans notre chambre. Que d'aventures pour ce premier jour de
voyage, qu'elle journée incroyable !
SANAA LA BELLE
Dès le lendemain, nous commençons notre visite du pays et partons à la découverte
de Sanaa. Capitale du Yémen du Nord, quelques 150’000 habitants y vivent.
Perchée à 2350 m. d'altitude au pied du Djebel Nogûm (montagne de la colère) sur
lequel se serait aussi échoué l'Arche de Noë et dont le fils Sem aurait fondé la
ville. On dit qu’elle serait l'un des premiers sites de peuplement humain.
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Connue dès le 2e siècle de notre ère, elle est considérée comme la plus belle ville
d'Arabie car aucune cité n'est si raffinée et ne lui ressemble. C'est une cité
légendaire et mythique. La ville ancienne jaillit comme une perle dans son écrin
alors que les quartiers modernes sont assez glauques. L'architecture est unique et
représente la fine fleur des créations. L'une des caractéristiques de ses
constructions est la multiplicité des niveaux. Les étages inférieurs des bâtiments
sont construits en pierre et les autres étages en briques pisé. L'épaisseur des
murs à la base atteint parfois plus d'un mètre. Les fenêtres sont larges et
surmontées de décorations en plâtre djouss colorées de vitraux originaires de la
ville de Mokka sur les bords de la Mer Rouge. La technique de construction, faite
d'un mélange de paille et de terre est la mieux adaptée pour ce pays car les
briques séchées au soleil sont peu coûteuses et forment des murs isolants.
Souvent de fausses fenêtres en trompe l'œil ornent les façades pour l'harmonie
et le plaisir des yeux. Chaque bâtisse a minimum 7-8 étages aussi bien en ville que
dans les villages de montagne. Certains palais ont parfois plus de 10 étages et les
marches sont si hautes qu'il est difficile d'y grimper.
Le rez-de-chaussée sert à entreposer des marchandises et comme étable ou
comme parking. Les étages supérieurs abritent les pièces communes et le salon
des Yéménites, le muffredge est placé tout au sommet des édifices car il offre
une vue imprenable sur la ville. Près de 6500 maisons ont été érigées il y a plus de
quatre siècles.
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L'art de l'architecture spontanée semble inné chez les bâtisseurs yéménites et
illustre parfaitement le célèbre ouvrage de Bernard Rudofsky, Architecture sans
architecte.
Avant la sanglante guerre civile de 1962-69, Sanaa était protégée par huit portes,
il n'en reste que quatre à ce jour. La splendide Bab el-Yaman (la porte du sud) est
la plus connue et ses remparts ont été érigés pendant l'occupation ottomane au
16e siècle. Sanaa est divisée en quartiers, le turc Bir el Azab, aux constructions
aérées avec de beaux jardins et parfois un bassin d'eau.
Wadi Dhar
maison à Sanaa
citadelles des montagnes
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L'ancien quartier juif, Qâa el Yahoud abandonné lors de l'exode massif des Juifs
en 1950 a été reconstruit peu à peu au milieu d'un joli souk où les maisons n'ont
que deux étages. Ces Juifs n'ont pas le droit de porter la djanbiyya ni la moindre
arme. Artisans habiles, ils sont forts regrettés dans les souk de Sanaa car
personne n'est plus capable de ciseler les bijoux comme eux. Le travail des
berceaux de cuir, les vitraux et le tressage des paniers étaient leurs spécialités.
En bordure du vieux Sanaa, nous parcourons la rue Abdel Moghni où d'horribles
bâtiments font un sacré contraste avec l'architecture traditionnelle. C'est le
quartier des bâtiment officiels et des loisirs. Il y a 134 mosquées recensées à
Sanaa et toutes sont plus majestueuses les unes que les autres. Jamia el Kebir est
la plus célèbre et date du VIIe siècle, époque de Mahomet. On dit qu'elle a été
construite sur l'emplacement d'une ancienne cathédrale chrétienne, elle est
cernée de quatre minarets et d'une Kaaba sacrée (la maison de Dieu) semblable à
celle de la Mecque.
AU SOUK AL BAQR
Nous passons bien entendu du temps à flâner dans le souk au cœur de la vielle ville
car c'est là que se trouve l'âme de toute la population. C'est aussi le lieu idéal
pour se restaurer car la nourriture y est excellente vu que tous s'y approvisionne.
On y trouve des ganams ou chiche-kebabs, des pains ronds tout chauds, du thé
brûlant, de la viande grillée enrobée de pain, des fruits et j'en passe. Nous
mangeons souvent ici dans une petite gargote qui a trois tables recouvertes de
nappes faites avec des papiers de journaux. Moi qui n'aime pas trop la viande, j'y
ai mangé un matin tôt, la meilleure brochette de ma vie. Très animé, le souk se
trouve près de la Grande Mosquée où la voix caverneuse d'un muezzin lance cinq
fois par jour son Allah Akbar, Allah Akbar pour rappeler la prière. Dans les
environs il y a un hammam qui date de l'époque ottomane très fréquenté les
vendredis, jours de congé. Chaque ruelle abrite différentes corporations
d'artisans. Dans celle aux étoffes, j'achète un pagne rose vif brodé et le fameux
keffieh, un turban vert à pied de poule, celui que portent les hommes des tribus.
Dans la ruelles des bijoutiers je m'offre une paire de créoles en or serties de
pierres roses fluo synthétiques que je m'empresserai de remplacer lors de mon
retour en Suisse, par de véritable yeux de tigre (reçus de ma maman Georgette).
J'échangerai aussi les deux crochets de ces boucles peu solides par des fermoirs
à brisure en or et dépouillerai les anneaux de tous leurs petits pendentifs (qui
étaient mal fixés) en forme de gouttes d'eau, décoration typique des femmes
orientales.
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Les marchandises surgissent des sacs en jute et les gens utilisent encore
d'étranges mesures telles que le rotle, frasla ou l'okka qui correspondent aux
mêmes quantités selon qu'il s'agit de grain ou de sucre. La djanbiyya, le poignard
que tous les yéménites mâles portent sur le ventre est vendu dans des ruelles
spécialement consacrées et est hors de prix car depuis l'exode des Juifs ils sont
devenus plus chers. On trouve aussi des ornements bédouins. Le Marché aux
Voleurs est situé sur une place au centre du souk et chacun peut y vendre ce qui
lui plaît, sans être un marchand attitré, on y trouve de tout ainsi que pleins
d’objets de contrebande.
au souk
LES FORTERESSES DES HAUTS-PLATEAUX
Chaque matin, nous quittons notre hôtel pour visiter les environs de Sanaa en taxi
avec chauffeur et nous payons un prix fixe journalier comprenant l'autorisation
obligatoire pour circuler hors de la ville. Le prix de l'essence est dérisoire et
chose curieuse, les femmes yéménites ont le droit de conduire des véhicules
contrairement à celles d'Arabie Saoudite et du Qatar.
carte des sites
visités
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Cette semaine est consacrée à suivre l'itinéraire au sud-ouest de Sanaa pour
visiter les monts escarpés du Djebel Harraz où sont perchés une myriade de
villages accrochés aux flancs de pics vertigineux, tels des nids d'aigles. Les fiers
montagnards de ces citadelles vivent carrément en autarcie et la culture du khat
représente souvent leur seule richesse avec les figuiers de Barbarie. Les brumes
du matin et l'intensité des rayons du soleil engendrent un climat propice pour ce
type de culture. L'entrée à ces citadelles passe par des portes de bois sculptées,
toutes plus belles les unes que les autres et qui s'ouvrent les matins et se
referment les soirs, comme à l'époque des invasion turques. Les sites sont
escarpés et un seul escalier aux marches taillées dans la roche permet d'accéder
à ces portes. Le peu d'espace utilisable dans ces lieux de sable et de rocs a donné
naissance à ces citadelles de pierres sèches finement décorées de motifs en stuc
qui ressemblent à de fines dentelles, entourées de murs-remparts et édifiées tout
en hauteur pour permettre de surveiller les vallées.
Tous les villages possèdent des bassins de retenues d'eau où les femmes-oiseaux
(appelées ainsi car complètement voilées de noir ou de jolis tissus aux motifs
colorés) et les enfants viennent s'y approvisionner en eau potable. Les jerrycans
de plastique ont malheureusement remplacés les jarres de terre traditionnelles et
ho, horreur, des sachets en plastique bleus flottent partout, au gré du vent. C’est
le paradis de la poussière.
Proche de Sanaa, Rowdah, à 12 km en direction de l'aéroport est un charmant
village ombragé à l'air vivifiant. Un hôtel est situé dans l'ancien Palais de l'Imam
Ahmaa jouxtant une mosquée du XVIIIe siècle et offre un véritable havre de paix
pour les voyageurs fatigués.
A Hadda, situé à 9 km au pied du Djebel Dafar, il y a des maisons en pierres,
cachées au milieu de vergers verts flamboyants et qui illuminent la masse sombre
de la montagne. Des cascades y coulent en été, c'est le lieu privilégié des
Yéménites lors des promenades familiales les vendredis.
Emerveillement visuel à Wadi Dhar, vallée fertile située à 15 km de Sanaa dans un
étroit canyon verdoyant bordé de montagnes désertiques. Un village-oasis est
étalé au pied du majestueux Dar al Hajar (le Palais du Roc) perché en équilibre sur
un piton de grès rouge. Cet édifice est le symbole du pays et depuis le dernier
étage du palais la vue s'ouvre sur toute la vallée.
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Construit par l'Imam Yahya dans les années 1930, il fut sa résidence d'été. Le site
est spectaculaire et abrite un musée. Le taxi s'arrête à l'entrée du village-wadi
car l'unique rue que nous empruntons n'est autre que le lit de la rivière. Des aigles
tournoient sur les hauts de la forteresse.
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Wadi Dhar
Plus loin, en continuant les routes du Wadi Dahr et du Wadi Dulla, on traverse des
cultures en terrasse et des plateaux rocailleux pendant environ 50 km. Puis, on
arrive àThula, village fortifié aux maisons d'une unité architecturale rare dans
lequel trônent une mosquée et une citadelle. Murailles, citernes à ciel ouvert,
façades en dents-de-scie et anciennes maison juives, cette petite cité est
charmante. Nichée au pied d'une forteresse imposante, elle est parsemée de
passages discrets qui serpentent entre les maisons de plusieurs étages aux
façades décorées. Au bout d'une ruelle étroite on aperçoit l'ancien palais d'un
Imam aménagé en funduq, sorte d'hôtel traditionnel. A quelques kilomètres de là,
suivant les traces des ânes et des enfants pendant près d'une heure, on s'enfonce
dans un défilé rocheux qui de marches taillées en escarpements nous amène à près
de 3000 m. d'altitude dans le village de Kaukaban perché au sommet d'une falaise
abrupte. Cette citadelle, fief des Zaïdites* depuis le XIIe siècle, est cerclée
d'une immense muraille défensive.
(*le zaïdisme est une branche du chiisme et ses adeptes reconnaissent Zayd Ben Alî comme 5e
et dernier Imam).
En
chemin,
des
femmes nous crachent
à la figure et nous
insultent !
les cracheuses
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Le panorama grandiose nous fait oublier la méchanceté de ces femmes. On leur
pardonne leur attitude étrange et fanatique. Il n’y a pas beaucoup de touristes par
ici, encore moins de femmes voyageant seules, sans hommes… Bon, on continue
notre chemin. Alternance de cultures en terrasses et de champs en jachère, on
admire une vallée fertile et nous apercevons à l'Est le désert du Rub al Khali, les
plateaux de l'Ouest et le Rocher de Thula massif qui séparent ces lieux de Sanaa.
La vue nous coupe le souffle !
Kaukaban
Kaukaban surplombe la veille ville de Shilam (à ne pas confondre avec la Shilam
située au Nord du Yémen du Sud) et sa grande mosquée, étendue en contrebas de
la falaise.
Sur l'axe Sanaa-Hodeidah, voie historique au cœur du Djebel Harraz, les
montagnes sont découpées, les pentes sculptées en terrasses, et la végétation est
tropicale. A 90 km de Sanaa, nous visitons Manakha, située à 2200 m. d'altitude et
fief des Ismaéliens (un courant minoritaire de l'Islâm shîite). Plus haut perché
dans une falaise, le village de Kahel, petite perle architecturale aux maisonstourelles qui servent de rempart naturel. Ces lieux sont magiques, il y règne une
paix incroyable. En repartant, nous contemplons l'ancienne porte de bois d'un
funduq et un village troglodyte qui doit avoir l'une des plus anciennes mosquées du
pays.
ATihama, on se croirait en Afrique, le climat est subtropical et la population très
mélangée d'indigènes, d'Africains car de tous temps, des marchands y sont
arrivés de tous les coins du monde par caravane ou par bateau.
LE VOYAGE A SAADA
Comme nous aimerions visiter le Nord et le Sud du Yémen, nous passons dans les
bureaux de la Yéménia Airways à Sanaa demander des billets d'avion pour Saada
et Taiz. Sur simple présentation de nos cartes d'identité Air Afrique et Air
France, on nous prépare des tickets one-way pour Saada et Taiz. Nous rentrerons
en bus de ces voyages afin de voir tous les paysages !
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Nos demandes de billets d’avion n'étaient pas prévues mais nous avons bien joué
puisque on nous les a attribués sans problèmes et… gratuitement. Au matin du
lendemain, nous sautons dans un taxi pour l'aéroport et embarquerons dans un
avion militaire plein de recrues qui se dirigent vers la frontière avec l'Arabie
Saoudite. Nous sommes très surprises d'embarquer sur un tel vol et sommes les
seules dames de l'avion avec une maman et son enfant. Tous les militaires sont
sympas avec nous et nous atterrirons parmi de grosses turbulences sur une piste
en terre battue de l'aéroport militaire de Saada. Quelle histoire, on se croyait en
mission spéciale. A l'atterrissage, une jeep nous attend et embarque seulement les
dames, la maman, son enfant et nous autres. On nous dépose sur une route
goudronnée où un taxi nous attend pour nous conduire à Saada où nous logerons
dans un hôtel très bizarre tenu par des Chinois où des prisonniers également
chinois effectuent leur peine en travaillant dans cet hôtel pendant quelques mois.
Quelle angoisse ! L'hôtel est sobre et lugubre, la nourriture mauvaise et le
personnel légèrement craignos, ils ont tous des têtes de balafrés et il n'y a pas
une seule femme à l'horizon, à part nous. J'ai à nouveau la crampe de la peur qui
me titille mais rôdée comme je l'ai été depuis mon arrivée dans ce pays, je respire
un bon coup et j'oublie tout cela. Ouah, quelle expérience et quelle idée pour trois
jeunes femmes de visiter un tel pays ! Nous passons quelques jours à Saada avant
de repartir en bus pour Sanaa.
Saada est une ville de hautes maisons en pisé avec une mosquée en pierre. C'est
une ville sainte et son souk est très animé, nous y passons un après-midi sur une
terrasse à observer la vie. Cette région n'a rien à voir avec celle d'où nous venons,
la frontière avec l'Arabie est proche mais la manière de vivre des gens semble
différente. Il s’agit d’une zone interdite, sous contrôle des hommes des tribus ! La
route de 247 km qui mène de Saada à Sanaa est goudronnée et les paysages sont
magnifiques. On passe à travers Al Mundir, petit village quelconque puis on arrive à
Harf, point de départ d'une piste qui mène vers Al Matammah sur la route de
Mareb pas très loin de la frontière avec le Yémen du Sud. Nous traversons
Chaharé, ville très connue pour sa situation étonnante en nid d'aigle, son beau pont
et car plusieurs Imams s'y sont réfugiés au cours des siècles.
Plus loin, à Rayda, on peut voir des inscriptions himyarites (royaume antique du
Yémen) sur des pierres utilisées sur des constructions modernes et à Amran, ville
édifiée sur des ruines sabéennes et entourée d'une muraille en pisé comme une
cité médiévale, il y a le départ d'une piste pour rejoindreTihama.
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Enfin, c'est l'arrivée à Sanaa. Nous sommes fatiguées mais satisfaites de notre
périple aux portes de l'Arabie Saoudite. Demain nous nous reposerons un peu puis
nous partirons vers le Sud, visiter Taiz en autobus (rials 60.-p/pers.) puis après,
nous reviendrons en avion à Sanaa.
Après un jour de repos bien mérité, nous quittons Sanaa en ressortant par la
porte Bal el-Yaman et nous passons à nouveau plusieurs check-points, douane,
sécurité militaire, etc. Routine, nous n'avons jamais eu de problèmes à ces
passages, si ce n'est que des salut de bienvenues et des regards curieux.
Nous roulons sur un beau plateau de montagne avant d'atteindre le col d'Yslah à
2635 m. d'altitude. La route traverse de jolis villages, Mabar, Mawahib, Dhamar
parmi les plus beaux paysages du monde, serpentant entre virages et précipices. A
Bainum, des ruines en forme de fer à cheval s'étendent sur des vallées situées
autour d'un wadi. Nous rêvons au passé et imaginons la grandeur de ces anciens
royaumes. Bainum a été l'une des plus belles villes de l'Arabie du Sud préislamique.
On traverse un tunnel de 150 m. édifié en l'honneur de Dieu. Yarim est l'une des
régions les plus fertiles du pays et Zafar est un village en ruine. Nous passons le
col de la Sumarah (156 km) qui monte à 2708 m. d'altitude avant de redescendre
sur Taiz. Les paysages sont splendides, il y a des cultures en terrasses et des
maisons fortifiées en pierres vertes et rouges. Ibb est à 197 km de Sanaa et
représente l’architecture classique du Yémen. On saute dans un taxi collectif pour
visiter ce coin, le village est bâtit sur un grand plateau qui domine des vallées aux
terres fertiles. On dit qu'à Ibb, les oiseaux dansent de joie tant le ciel est pur.
On arrive alors à Jibla, cité harmonieuse et ancienne résidence royale aux
nombreuses mosquées, les plus belles du pays. Ville calme, elle abrite un hôpital
américain et la route continue à descendre par un petit col dans des régions
verdoyantes et toujours plus chaudes. Au km 247, il y a le croisement pour
Rahidah, la frontière avec la République Démocratique et Populaire du Yémen. On
arrive alors à Taiz où nous logerons dans un hôtel nommé De Luxe (rials 135.-- avec
une douche et un WC).
LA VALLEE DES BELLES JABUSABA
Dans le bus nous nous lions d'amitié avec un blond américain, John Kirrene (PO Box
5713 - Taiz - Yemen Arab Republic) anthropologue de métier qui vit au Yémen
depuis plusieurs années.
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Il nous propose une ballade sur son territoire de prédilection et d'étude, le village
des Jabusaba Girls, femmes libres et indépendantes qui règnent et dirigent les
hommes dans leur vallée.
Ici les femmes sont hardies et ne portent pas le voile. Pour accéder à ce village
depuis Taiz, nous empruntons la route du Palais Sala, à gauche et grimpons à pied
dans une jolie vallée toute pentue où se niche le village des femmes.
Nous vivons une magnifique expérience parmi ces dames curieuses et nos contacts
sont privilégiés. Elles me font penser aux femmes Touaregs, musulmanes, libres
comme l'air lorsque les maris nomadisent. C'est le monde à l'envers, spécialement
dans ce pays où les femmes sont peu présentes et où l'islam y est pur et dur.
les belles Jabusaba girls
Après quelques jours, nous prendrons notre vol gratuit pour retourner à Sanaa et
une fois installée dans notre petit hôtel, je décide que j'en ai assez vu et que je
passerai mes derniers jours au Yémen tranquillement. Jacqueline est d'accord
avec moi et pour ce faire nous recherchons un hôtel avec une piscine. Le Sam City
Hôtel situé pas trop loin du nôtre, fera très bien l'affaire. C'est un hôtel moderne
mais il est si cher que Jacqueline et moi y passerons uniquement d'agréables
moments au bord de la piscine. Mais voilà, là encore, il est impossible d'avoir la
paix, il y a toujours un mâle à l'horizon qui bombe le torse et tente de faire
connaissance pour nous inviter quelque part. Pendant ce temps, Evelyne, insatiable,
décide de visiter encore quelques villages dans les parages et loue un taxi avec
chauffeur pour la guider. Nous lui recommandons d'être prudente. Le jour de
notre départ prévu en fin d'après-midi, elle nous quitte pour une dernière visite
touristique et revient toute agitée vers midi. Le chauffeur du taxi a voulu
l'arnaquer sur le prix du voyage. Comme elle refusait de payer plus que le prix
fixé, il a stoppé son taxi et tenté d'abuser d'elle en pleine nature. Elle a malgré
tout réussi à se faire ramener à l'hôtel sans dommage, prétextant qu'elle n'avait
pas assez d'argent avec elle pour le payer. Finalement elle s'est enfuie du taxi et
réfugiée dans notre chambre sans régler sa note.
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Conseil de guerre, nous décidons qu'il vaut mieux quitter les lieux rapidement pour
nous réfugier à l'aéroport et attendre notre vol de retour pour l'Europe, en
sécurité. Chose dite, bagages bouclés, nous sautons dans un taxi et quittons la ville
comme des voleuses car nous ne voulons pas croiser le chauffeur de taxi. A
l'aéroport, les guichets Yéménia Airways sont ouverts si bien que nous
enregistrons nos bagages, passons la douane et nous nous installons dans la salle
d'attente, toutes soulagées. Comme nous étions bien en avance sur l'horaire, le
personnel de la compagnie d’aviation nous a proposé de prendre place dans une
salle VIP prévue pour des groupes d'Anglais et du champagne nous est servi, quel
pied ! Ravies nous oublions nos soucis et relaxons enfin en nous remémorant les
bons et les mauvais souvenirs de ce périple à travers le Yémen mythique.
Une demi-heure avant les préparatifs d'embarquement, nous voyons un groupe
d'agités tenter d'entrer dans la zone où nous sommes installées et nous
reconnaissons avec horreur le chauffeur de taxi d'Evelyne, accompagné d'un
fonctionnaire qu'il semble connaître. Les autorités douanières nous encerclent et
la confrontation commence. Nos sacs sont fouillés et on me réclame les films de
mon Nikon FM. Heureusement, j'ai un film vierge dans mon sac à main que je
remets aux autorités qui m'accusent avoir photographié l'aéroport de Saada et
des check-point militaires, selon les dires du chauffeur de taxi… ce qui est faux !
Nous expliquons toute la situation aux douaniers et finalement nous donnons au
chauffeur de taxi le prix qui avait été fixé pour la course et la monnaie yéménite
qu'il nous reste. Il est satisfait, tout semble rentrer dans l'ordre et nous
embarquons enfin dans notre avion. Nous aurons vraiment eu des tracas jusqu'au
tout dernier moment et souvent par la faute d'Evelyne qui est complètement
inconsciente. Ce fût une bonne leçon, depuis j'ai toujours préféré voyager seule ou
avec ma famille.
13e siècle, marché aux esclaves – BNF Paris
Références


Simon Jargy & Alain St-Hilaire, Yémen, avec les Montagnards de la Mer
Rouge. Editions Mondo SA, 1978.
mes notes de voyage, diapositives & photos
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