Recommandations pour le traitement des pancréatites félines

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Recommandations pour le traitement des pancréatites félines
Laboratoire IDEXX Alfort
Diagnostic
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Recommandations pour le traitement des pancréatites félines
Contexte
Les pancréatites sont des maladies difficiles à cerner et sont
donc sous-diagnostiquées. Ceci, pour plusieurs raisons. Les
chats avec une pancréatite présentent des signes cliniques assez frustres, incluant léthargie, une baisse d’appétit, une déshydratation et une perte de poids. Les conclusions de l’examen
clinique et des examens de routine de laboratoire sont non spécifiques, et jusqu’à récemment il y avait peu d’outils diagnostiques disponibles pour le praticien pour diagnostiquer les pancréatites de manière non invasive. Ces difficultés diagnostiques
expliquent aussi pourquoi les solutions thérapeutiques n’ont pas
toujours été clairement définies.
La Spec fPL™ (lipase pancréatique spécifique du pancréas) est
maintenant disponible grâce aux Laboratoires IDEXX, et peut
contribuer au diagnostic et au suivi des pancréatites félines. Notre compréhension de cette maladie s’améliorant, de nouvelles
modalités de traitement spécifiques vont émerger. Pour l’instant,
l’accent est mis sur le suivi des chats, car nous avons maintenant un outil disponible pour évaluer avec plus de précision la
réponse au traitement.
Les études placébo réalisées en médecine humaine révèlent que
les seules stratégies thérapeutiques ayant prouvé leur efficacité
sur les pancréatites sont les thérapies liquidiennes, le contrôle
de la douleur et le support nutritionnel. Il s’agit également de la
base du traitement chez les chats. Toutefois, selon les études,
les recommandations thérapeutiques sont moins claires pour
les pancréatites chroniques, qui représentent environ 2/3 des
pancréatites félines [1,2]. En outre, de nombreux chats présentent des maladies concomitantes (par ex. diabètes, lipidose hépatique, cholangiohépatite et maladie inflammatoire chronique
intestinale) [3-5]. Le diagnostic et le suivi des pancréatites, ainsi
que des maladies associées, sont déterminants pour une issue
favorable [6].
Thérapie liquidienne
La perfusion intraveineuse est la clef pour maintenir un patient
avec une pancréatite. L’objectif principal est de s’assurer que le
pancréas soit perfusé de manière adéquate. Les premiers fluides doivent corriger la déshydratation durant les 12-24 premières heures, et en même temps compenser les pertes liquidiennes dues aux vomissements, à la diarrhée et aux effusions (par
ex. péritonéales secondaires aux pancréatites). Les anomalies
acido-basiques et électrolytiques doivent aussi être suivies de
près et corrigées. Si une hypocalcémie est notée sur un chat
avec une pancréatite aigue nécrotique, il faut administrer du gluconate de calcium par voie intraveineuse à des doses de 20-150
mg/kg pendant 12-24 heures. Les concentrations en calcium ionisé doivent être suivies pendant le traitement. Les colloïdes tels
que le dextran ou l’hetastarch peuvent être utilisés pour contrôler
la pression oncotique, en particulier chez les patients à hypoalbuminémie. La plasmathérapie, bien que moins disponible chez
les chats que chez les chiens, peut être utilisée en présence
de coagulopathie ou de coagulation intravasculaire disséminée
(CIVD).
Contrôle de la douleur
La douleur abdominale est fréquemment observée chez les
chiens atteints de pancréatite, alors qu’elle s’exprime rarement
chez les chats.
Néanmoins, de nombreux chats présentent une amélioration clinique après un traitement antalgique. Cela explique pourquoi
de nombreux spécialistes considèrent que la douleur doit être
contrôlée chez tous les chats atteints de pancréatite aiguë. Il est
conseillé d’utiliser un traitement aux opiacés.
Les patchs transdermiques au fentanyl sont devenus populaires pour soulager la douleur car ils fournissent une analgésie
plus longue. Il est nécessaire d’attendre au moins 6 heures
pour atteindre les concentrations adéquates en fentanyl pour
un contrôle optimal de la douleur ; c’est pourquoi un protocole
recommande d’administrer un autre antalgique, telle que la buprénorphine en voie intraveineuse, au moment où le patch de
fentanyl est placé. Le chat est alors suivi étroitement pour vérifier
s’il est nécessaire de rajouter un autre traitement anti-douleur.
En présence de pancréatites chroniques, les chats peuvent
également bénéficier d’un contrôle de la douleur, et les options
thérapeutiques à l’extérieur de la clinique comprennent un patch
de fentanyl, de la buprenorphine sublinguale, du butorphanol
oral ou du tramadol.
Antiémétiques
Les vomissements, caractéristiques des pancréatites canines,
peuvent être absents ou intermittents chez les chats. Lorsqu’ils
sont présents, les vomissements doivent être contrôlés ; s’ils
sont absents, un traitement antiémétique peut être administré
pour traiter les nausées. De nombreux antiémétiques sont disponibles. Le métoclopramide est populaire chez les chats et est
toujours utilisé par de nombreux praticiens. Toutefois, le métocloproamide est un antagoniste de la dopamine ; il inhibe les
vomissements en bloquant les récepteurs à la dopamine du
système nerveux central (SNC) dans la trigger zone des chémorécepteurs (TZCR). Ce n’est probablement pas un très bon
antiémétique chez les chats car ils ont peu de récepteurs à la
dopamine dans le SNC dans la TZCR. Le dolasétron et l’ondansétron agissent sur les récepteurs 5-HT3 de la sérotonine et sont
très efficaces chez les chats. Récemment, bien que le citrate de
maropitant n’est autorisé que chez le chien, il est devenu un antiémétique populaire et efficace chez les chats sur les récepteurs
à la neurokinine (NK) dans le centre du vomissement et peut être
utilisé à la moitié de la dose du chien.
Diététique
Les spécialistes recommandent un support nutritionnel chez
tous les patients atteints de pancréatite. La recommandation de
ne pas alimenter per os les animaux avec une pancréatite n’est
plus d’actualité. En outre, les chats peuvent développer une lipidose hépatique si l’apport calorique est inadéquat. Le nouveau
consensus actuel est celui-ci : si le tractus intestinal fonctionne
: utilisez-le ; et si le patient vomit, administrer un antiémétique
afin de pouvoir garder l’aliment. La nutrition entérique stabilise
la barrière gastro-intestinale, améliore la santé des entérocytes
et la fonction immunitaire, le péristaltisme intestinal, empêche
le catabolisme et diminue la morbidité et la mortalité. Chez les
chats atteints d’une pancréatite et n’ayant pas d’appétit, l’apport calorique est insuffisant. Une alimentation forcée n’est pas
conseillée car il est difficile d’atteindre le niveau calorique approprié, et cela peut conduire à une aversion pour la nourriture
[7]. La nutrition entérique peut être réalisée avec de nombreuses
sondes alimentaires, comme les sondes nasogastriques, nasooesophagiennes, œsophagiennes, gastriques ou jéjunales.
Si les vomissements ne peuvent pas être contrôlés, la nutrition
sera alors parentérale partielle (NPP) ou totale (NPT) afin de couvrir tout ou une partie des besoins caloriques du patient. La NPT
n’est généralement disponible que dans les cliniques ouvertes
24h/24 alors que la NPP est plus facilement accessible. Toutefois, bien que la nutrition parentérale couvre les besoins caloriques du patient, elle ne nourrit pas les entérocytes. Ainsi, certains spécialistes recommandent de fournir une « micronutrition
» entérique avec un « filet » de liquide alimentaire en utilisant une
sonde d’alimentation pour nourrir le tractus gastro-intestinal. Il a
été montré que même une petite quantité d’aliments administrée
par voie entérique peut prévenir les complications de l’absence
totale d’alimentation orale.
Sélection d’aliments
Il n’y a pas d’études permettant d’orienter les choix alimentaires
lors de pancréatites félines. Les experts en nutrition ne croient
pas que les aliments riches en graisses sont à l’origine des pancréatites félines. Toutefois, certains internistes évitent les aliments
riches en graisse car ils ont mis en évidence une association de
manière empirique. Les aliments liquides sont utilisés avec des
sondes nasogastriques, nasooesophagiennes et jéjunales. L’aliment liquide Clinicare® Chien/Chat (Abbott) est riche en graisse
mais communément utilisé. Les aliments liquides de médecine
humaine sont trop pauvres en protéines pour être utilisés chez
les chats. Les aliments en boîtes « pauvres en résidus », pauvres
en graisse et faciles à digérer peuvent être utilisés avec les sondes œsophagiennes et gastriques.
Les recommandations pour nourrir les chats avec une pancréatite sont fondées aussi sur l’opinion personnelle. Il est souvent
nécessaire d’essayer et de se tromper avant de trouver l’aliment
adéquat pour un chat donné. La difficulté, c’est que les pancréatites félines sont souvent associées à d’autres maladies. Un aliment pauvre en résidus pourrait être l’aliment idéal chez un chat
avec seulement une pancréatite, mais si une maladie intestinale
est associée, il serait peut-être préférable de choisir un aliment
riche en protéines « nouvelles ».
Il faut insister avec les propriétaires sur le fait que le chat doive
manger. Donc si leur chat ne mange aucun de ces aliments, ils
doivent revenir à n’importe quel aliment fourni précédemment.
Stimulants de l’appétit
Les stimulants de l’appétit peuvent contribuer à fournir l’apport
calorique nécessaire et à diminuer, voire éviter, l’alimentation par
sonde.
La mirtazapine (Remeron®0) peut être utilisée hors AMM à la
dose d’¼ de comprimé de 15 mg une fois tous les trois jours.
La cyproheptadine est autorisée pour l’utilisation chez les chats,
mais doit être administrée 2 fois par jour.
Glucocorticoïdes
Les chats atteints d’une pancréatite présentent souvent d’autres
maladies concomitantes. Le terme « triade » est utilisé pour décrire le complexe cholangiohépatite, maladie inflammatoire chronique intestinale et pancréatite. Le traitement aux anti-inflammatoires (prednisolone, prednisone ou dexaméthasone) n’est pas
contre-indiqué chez ces chats, et peut être efficace. Lorsque les
pancréatites chroniques sont isolées, les chats peuvent en fait
bénéficier des effets anti-inflammatoires des corticostéroïdes.
Antibiotiques
La pancréatite féline est normalement un processus stérile et les
antibiotiques sont rarement indiqués. Les indications pour leur
utilisation incluent les septicémies (peuvent résulter de la translocation bactérienne à partir du tractus gastro-intestinal), les péritonites bactériennes, d’autres infections (par ex. infections du
tractus urinaire) et peut-être dans les cas de cholangiohépatite
suppurée où une pancréatite suppurée est suspectée. Il existe
en outre des raisons pour ne pas les utiliser, car ils peuvent causer des nausées et des vomissements.
Antiacides
Les antagonistes des récepteurs H2 (ranitidine ou famotidine)
ou les inhibiteurs de la pompe à protons (pantaprazole) ne sont
pas conseillés en routine, mais doivent être considérés s’il existe
un risque d’ulcération gastro-intestinale.
Antioxydants
Il est raisonnable d’envisager un traitement aux antioxydants lors
de pancréatites félines. Il est possible de prescrire les vitamines
C et E, la silybine, la S-Adenosylmethionine (SAMe) et les acides
gras omega-3. Les produits vétérinaires Marin™ (vitamine E et
Silybine), Denosyl® (SAMe) et Denamarin® (SAMe et silybine),
fabriqués par les Laboratoires Nutramax, Inc, sont disponibles
pour les chats.
Supplémentation en cobalamine (Vitamine B12)
La cobalamine (vitamine B12) est une vitamine hydrosoluble absorbée par l’ileum. Il est possible d’observer une diminution des
concentrations sériques en cobalamine chez les chats atteints
d’affections gastro-intestinales, telles que les maladies inflammatoires intestinales. Chez les chats avec une pancréatite, il
est commun d’observer des maladies gastro-intestinales ; c’est
pourquoi il est conseillé de doser les concentrations sériques en
cobalamine chez ces chats. Si une déficience en cobalamine
est mise en évidence, elle doit être supplémentée par injection
parentérale. Les formulations génériques de cobalamine sont
facilement disponibles et sont peu coûteuses. La dose recommandée pour les chats est de 250 μg/injection ; avec une dose
hebdomadaire pendant 6 semaines, suivie d’une dose toutes
les 2 semaines pendant 6 semaines, puis des injections mensuelles.
Insuline
Les chats hospitalisés ont besoin d’un suivi régulier. Le poids
corporel et la fréquence respiratoire doivent être contrôlés afin
de s’assurer que les fluides sont bien tolérés. Le volume globulaire moyen (VGM), l’état d’hydratation, les électrolytes, le
calcium total ou ionisé, l’urée et la créatinine, le statut acidobasique, la pression artérielle et le volume urinaire doivent être
évalués tous les jours. Une numération et formule sanguines,
un bilan biochimique et même les concentrations en lactate
peuvent être répétés tous les 2-3 jours jusqu’à amélioration.
Dans les cas sévères ou en présence d’une coagulopathie, il
est important de surveiller le développement de CIVD (temps de
Quick, de céphaline et de thrombine, plaquettes, fibrinogène,
PDF). L’examen des chats doit permettre de vérifier l’apparition
d’un ictère, preuve d’une obstruction biliaire, le développement
d’une hyperglycémie persistante ou progressive ou d’une cétose. En outre, le dosage de la Spec fPL™ tous les 2-3 jours
chez les chats hospitalisés peut aider à évaluer la diminution de
l’inflammation pancréatique.
Le suivi des pancréatites chroniques
La fréquence à laquelle les chats atteints d’une pancréatite chronique doivent être réexaminés dépend de leur amélioration, de
la présence ou non de maladies concomitantes et de leur traitement diététique. Il est raisonnable de fixer des visites bihebdomadaires juste après le diagnostic pour discuter des progrès
avec le propriétaire, en attachant une attention particulière sur
l’activité, l’appétit et le poids corporel. Le choix des examens
de laboratoire dépend des autres maladies associées et de la
concentration en Spec fPL™.
lipidose hépatique isolée [3].
La pancréatite chronique est courante chez les chats et il est nécessaire d’envisager un suivi et un engagement du propriétaire
sur le long terme. En outre, les pancréatites peuvent compliquer
le suivi des maladies associées telles que le diabète, les maladies inflammatoires intestinales et les cholangiohépatites. Le
bien-être de ces chats dépendra de la réussite du suivi de toutes
les maladies associées.
Références
1.De Cock HE, Forman MA, Farver TB, et al. Prevalence and
histopathologic characteristics of pancreatitis in cats.
Vet Pathol. 2007;44:39–49.
2.Hänichen T, Minkus G. Retrospektive Studie zur Pathologie
der Erkrankungen des exokrinen Pankreas bei Hund und
Katze. Tierärztl Umschau. 1990;45:363–368.
3.Akol KG, Washabau RJ, Saunders HM, Hendrick MJ.
Acute pancreatitis in cats with hepatic lipidosis. J Vet
Intern Med. 1993;7:205–209.
4.Goosens, MC, Nelson RW, Feldman EC, Griffey SF. Response
to insulin treatment and survival in 104 cats with diabetes
mellitus (1985–1995). J Vet Intern Med. 1998;12:1–6.
5.Weiss DJ, Gagne JM, Armstrong PJ. Relationship between
inflammatory hepatic disease and inflammatory bowel
disease, pancreatitis, and nephritis. J Am Vet Med Assoc.
1996;209:1114–1116.
6.Whittemore JC, Campbell VL. Canine and feline pancreatitis.
Compend Contin Ed Pract Vet. 2005;27:776–776.
7.Zoran DL. Pancreatitis in cats: diagnosis and management of
a challenging disease. J Am Anim Hosp Assoc. 2006;42:1-9.
8.Ruaux CG. Cobalamin and gastrointestinal disease. Procee dings from: American College of Veterinary Internal Medicine
20th Annual Forum, May 29–June 1, 2002; Dallas, Texas.
9.Kimmel SE, Washabau RJ, Drobatz, KJ. Incidence and
prognostic value of low plasma ionized calcium concentration
in cats with acute pancreatitis: 46 cases (1996–1998).
J Am Vet Med Assoc. 2001;219:1105–1109.
Lors de traitement aux glucocorticoïdes, il est recommandé
d’avoir une référence en Spec fPL™. Un nouveau dosage 10
à 14 jours après le début du traitement est conseillé pour évaluer la réponse. Si le chat présente une amélioration clinique, et
que la concentration en Spec fPL™ a diminué, le traitement doit
être continué. Si aucune amélioration n’est observée et que la
concentration en Spec fPL™ reste inchangée ou augmente, le
traitement ne doit alors pas être prolongé.
Lorsqu’une maladie intestinale est associée et qu’une supplémentation en cobalamine est initiée, il faut répéter le dosage
de la cobalamine et les concentrations en Spec fPL™ un mois
après le début du traitement à la cobalamine.
Pronostic
Le pronostic des pancréatites félines est directement lié à la sévérité de la maladie. Le pronostic est sombre si les chats présentent une pancréatite aiguë et sévère, en particulier si des
complications systémiques sont présentes. L’hypocalcémie est
une complication des pancréatites aiguës nécrosantes pour lesquelles le pronostic est le moins bon [9]. Une étude a révélé que
les chats, avec à la fois une pancréatite aiguë et une lipidose
hépatique, ont un pronostic moins bon que les chats avec une
Laboratoire IDEXX Alfort
L’utilisation des médicaments cités dans cet article doit tenir compte de la législation
vétérinaire. Certains de ces médicaments ne sont en outre pas disponibles en France.
L’information comprise dans ce document a été élaborée uniquement dans l’intention
de fournir un guide général. De même que pour tout diagnostic et traitement, il est
nécessaire d’utiliser toutes les informations résultant de l’examen clinique complet du
patient, l’histoire, l’anamnèse, et les résultats de laboratoire. Par respect des programmes de traitement ou de suivis, il est important de se référer aux recommandations
des fabricants pour la description complète des posologies, indications, interactions
et précautions d’emploi.