Physe des fontaines de Banff (Physella johnsoni)
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Physe des fontaines de Banff (Physella johnsoni)
Mise à jour Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la Physe des fontaines de Banff Physella johnsoni au Canada EN VOIE DE DISPARITION 2008 Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante : COSEPAC. 2008. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la physe des fontaines de Banff (Physella johnsoni) au Canada – Mise à jour. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. vii + 59 p. (www.registrelep.gc.ca/Status/Status_f.cfm). Rapports précédents : COSEPAC. 2000. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la physe des fontaines de Banff (Physella johnsoni) au Canada – Mise à jour. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. Ottawa. v + 31 p. (www.registrelep.gc.ca/Status/Status_f.cfm). LEPITZKI, DWAYNE A.W. 1997. COSEWIC (Draft) status report on the Banff Springs Snail Physella johnsoni in Canada. Committee on the Status of Endangered Wildlife in Canada. 1-31 pp. Note de production : Le COSEPAC aimerait remercier Dwayne A.W. Lepitzki, Ph.D., qui a rédigé la mise à jour du rapport de situation sur la physe des fontaines de Banff (Physella johnsoni) (Clench, 1926), en vertu d’un contrat avec Environnement Canada. Robert Forsyth, coprésident du Sous-comité de spécialistes des mollusques du COSEPAC, a supervisé le présent rapport et en a fait la révision. Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s’adresser au : Secrétariat du COSEPAC a/s Service canadien de la faune Environnement Canada Ottawa (Ontario) K1A 0H3 Tél. : 819-953-3215 Téléc. : 819-994-3684 Courriel : COSEWIC/[email protected] http://www.cosepac.gc.ca Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Update Status Report on the Banff Springs Snail Physella johnsoni in Canada. Illustration de la couverture : Physe des fontaines de Banff — Photo par Mark et Leslie Degner. ©Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2008. o N de catalogue CW69-14/168-2008F-PDF ISBN 978-0-662-04144-3 Papier recyclé COSEPAC Sommaire de l’évaluation Sommaire de l’évaluation – Avril 2008 Nom commun Physe des fontaines de Banff Nom scientifique Physella johnsoni Statut En voie de disparition Justification de la désignation Il s’agit d’une espèce endémique canadienne dont l’aire de répartition est entièrement située dans les cours supérieurs de moins de cinq sources thermales du parc national Banff, en Alberta. Ces sources ne comprennent qu’une seule population, ce qui rend celle-ci très vulnérable à un événement catastrophique. L’espèce, dont la durée de vie est courte, subit des fluctuations naturelles annuelles de plus de deux ordres de grandeur. Toutes les sources thermales occupées actuellement ou historiquement par l’espèce ont été touchées par l’exploitation de nature anthropique. Cette espèce est associée à un habitat très spécifique et nécessite un approvisionnement stable en eau chaude de source thermale contenant une forte concentration de minéraux dissous ainsi qu’une communauté microbienne complexe qui lui fournit de la nourriture et un habitat. L’espèce et son habitat sont actuellement protégés contre la perturbation et la destruction en vertu de la Loi sur les espèces en péril et de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, mais des activités illégales, telles que la baignade dans les eaux thermales, qui risquent d’écraser l’espèce et les œufs et de perturber l’habitat, ont toujours lieu. On estime que l’augmentation de la fréquence de l’assèchement des sources thermales attribuable aux changements climatiques, observée au cours de la dernière décennie, constitue une menace importante à la survie de l’espèce. Cependant, l’espèce fait l’objet d’un suivi rigoureux par Parcs Canada. Répartition Alberta Historique du statut Espèce désignée « menacée » en avril 1997. Réexamen du statut : l'espèce a été désignée « en voie de disparition » en mai 2000 et en avril 2008. Dernière évaluation fondée sur une mise à jour d’un rapport de situation. iii COSEPAC Résumé Physe des fontaines de Banff Physella johnsoni Information sur l’espèce La physe des fontaines de Banff (Physella johnsoni [Clench, 1926]) est un petit gastéropode aquatique à coquille globulaire, spiralée vers la gauche (senestre) et mesurant jusqu’à 11 mm de longueur. Des analyses morphologiques et moléculaires donnent à croire qu’il s’agit d’une espèce valide, mais le statut de ce taxon ne fait pas l’unanimité. La différenciation de cette espèce serait survenue il y a 3 200 à 5 300 ans, ce qui explique la faible divergence génétique observée entre elle et ses ancêtres. Répartition La physe des fontaines de Banff est confinée à quelques sources thermales situées près de Banff, dans le Parc national du Canada Banff (Alberta). Décrite en 1926, elle a été récoltée dans neuf sources thermales distinctes. Sa présence a été signalée à deux autres sites dans le passé, mais ces mentions résultent d’une opération de pompage d’eau ou sont erronées. En 1996, l’espèce n’occupait plus que cinq sources thermales, dont quatre se trouvent dans un secteur très achalandé, le lieu historique national du Canada Cave and Basin (LHNC&B). En 2002 et en 2003, elle a été réintroduite dans deux sources thermales d’où elle avait disparu, et elle y forme aujourd’hui deux sous-populations autosuffisantes. Ces deux sous-populations peuvent être considérées aux fins de l’évaluation de la situation de l’espèce en vertu des lignes directrices du COSEPAC sur les populations manipulées. Tous les sites abritant ou ayant déjà abrité l’espèce – 100 p. 100 de sa répartition mondiale – se trouvent au Canada, dans le Parc national du Canada Banff. La superficie combinée des sept sites actuellement occupés par l’espèce équivaut à l’espace qui s’étend entre la ligne bleue et la bande arrière la plus proche d’une patinoire de hockey sur glace de dimensions nord-américaines. iv Habitat La physe des fontaines de Banff est une espèce spécialiste des sources thermales qui a besoin d’un apport continu d’eaux thermales chaudes (environ 30 à 38 °C) contenant de fortes concentrations de minéraux dissous, en particulier de sulfure d’hydrogène, et abritant une communauté microbienne complexe jouant le double rôle de source de nourriture et d’élément structural de l’habitat. La plupart des individus se tiennent à l’interface air-eau, fixés à des tapis flottant d’algues, de bactéries, de débris ligneux et de feuilles ou sur les arêtes de roches émergentes, les parois en béton et les toiles en caoutchouc des bassins ou le bord des sources. Comme l’espèce vit uniquement dans des sources thermales et presque exclusivement dans les tronçons supérieurs de ces sources, son habitat est naturellement fragmenté et dispersé. Toutes les sources thermales qui ont déjà abrité ou qui abritent actuellement l’espèce ont été touchées par diverses activités de développement, mais certaines ont retrouvé un état plus naturel. Biologie La physe des fontaines de Banff est un organisme hermaphrodite (chaque individu porte les caractéristiques des deux sexes). En aquarium, l’espèce peut se reproduire dès que la longueur de la coquille atteint 3 mm de longueur (à l’âge de neuf semaines). Les œufs sont déposés sur divers supports à l’interface air-eau, sous forme de petites capsules (environ 2 mm × 5 mm) transparentes en forme de croissant contenant en moyenne 12 œufs. L’éclosion survient dans les 6 jours suivant la ponte. La physe des fontaines de Banff se reproduit fort probablement durant toute l’année dans les sources thermales. Elle se nourrit des diverses espèces qui composent la communauté microbienne, et tout particulièrement d’une bactérie filamenteuse blanche qui oxyde le soufre. Des physes adultes ont survécu durant 11 mois après avoir été introduites dans des aquariums. Taille et tendances des populations On ne dispose d’aucune estimation de la taille des sous-populations historiques de la physe des fontaines de Banff. Toutefois, depuis janvier 1996, les sous-populations existantes font l’objet d’un dénombrement toutes les 3 ou 4 semaines. Ces souspopulations subissent d’importantes fluctuations annuelles qui peuvent excéder 2 ordres de grandeur. Elles atteignent leur niveau le plus bas en été, et leur niveau le plus élevé à la fin de l’hiver. Depuis le début des suivis, des creux annuels d’aussi peu que 30 et 43 individus ont été observés dans différentes sources thermales. En revanche, près de 34 000 individus ont été dénombrés en décembre 2005. Cette valeur est la plus forte jamais observée. Des hausses significatives (P < 0,05) des tailles minimales, maximales et moyennes de la population ont été observées, mais seulement après l’ajout des 2 sous-populations réintroduites aux 2 sous-populations initiales. Une modélisation démographique fondée sur les données de dénombrement amassées au cours d’une période de 7 ans a permis de déterminer le risque de disparition après 40 ans pour chacune des 5 sous-populations initiales. Ce risque varie de 3 p. 100 à près v de 30 p. 100 selon les sous-populations considérées, mais il est nul si les 5 souspopulations initiales sont combinées. Il faut toutefois faire preuve de prudence dans l’interprétation des résultats fournis par les modèles démographiques et tenir compte des hypothèses inhérentes à ces modèles. Facteurs limitatifs et menaces Les menaces naturelles (N) et anthropiques qui pèsent sur l’espèce et son habitat, qu’elles soient liées à l’exploitation des installations (EI) dans certains réseaux de sources thermales ou à d’autres activités humaines (Hu), ont été déterminées et cotées par ordre décroissant de gravité comme suit : interruptions (N), réductions ou fluctuations (N/EI) et dérivations (N/EI) de l’écoulement des sources thermales; habitat limité ou de piètre qualité (N/EI); immersion et baignade (Hu); effondrement des souspopulations et reproduction consanguine (N); piétinement et perturbations locales (Hu); trempage des mains et des pieds (Hu); événements stochastiques (N); autres menaces (prédation, compétition, récolte, extraction de l’eau par redressement des branches d’arbres au printemps) (Hu/N). Importance de l’espèce La physe des fontaines de Banff est endémique aux sources thermales du Parc national du Canada Banff, un des quatre réseaux de sources thermales naturellement occupés par des gastéropodes aquatiques de la famille des Physidés au Canada. Elle est une indicatrice de la santé de l’écosystème des sources thermales, et elle est peutêtre une espèce clé de la communauté d’organismes aquatiques associée à cet écosystème. Le fait qu’elle soit confinée à un parc national lui confère une importance encore plus grande, compte tenu du rôle essentiel que doivent jouer les parcs nationaux dans l’atteinte des engagements nationaux et internationaux du Canada liés à la conservation de la biodiversité et des espèces en péril. Protection actuelle ou autres désignations de statut La physe des fontaines de Banff figure à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP) et est de ce fait protégée en vertu de cette loi et de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Elle est classée dans la catégorie de risque la plus élevée aux échelles tant mondiale (G1) que provinciale (S1 en Alberta). Depuis janvier 1996, le programme de recherche et de rétablissement visant cette espèce est mené selon les orientations énoncées dans le plan de gestion des ressources approuvé par Parcs Canada. Les orientations futures du programme sont précisées dans le Programme de rétablissement et plan d’action visant la physe des fontaines de Banff au Canada. vi HISTORIQUE DU COSEPAC Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le Comité a été créé pour satisfaire au besoin d’une classification nationale des espèces sauvages en péril qui soit unique et officielle et qui repose sur un fondement scientifique solide. En 1978, le COSEPAC (alors appelé Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) promulguée le 5 juin 2003, le COSEPAC est un comité consultatif qui doit faire en sorte que les espèces continuent d’être évaluées selon un processus scientifique rigoureux et indépendant. MANDAT DU COSEPAC Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) évalue la situation, au niveau national, des espèces, des sous-espèces, des variétés ou d’autres unités désignables qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes comprises dans les groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, arthropodes, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens. COMPOSITION DU COSEPAC Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes responsable des espèces sauvages des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, le ministère des Pêches et des Océans et le Partenariat fédéral d’information sur la biodiversité, lequel est présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des sous-comités de spécialistes des espèces et du sous-comité des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit au moins une fois par année pour étudier les rapports de situation des espèces candidates. Espèce sauvage DÉFINITIONS (2008) Espèce, sous-espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d’animal, de plante ou d’une autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s’est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans. Disparue (D) Espèce sauvage qui n’existe plus. Disparue du pays (DP) Espèce sauvage qui n’existe plus à l’état sauvage au Canada, mais qui est présente ailleurs. En voie de disparition (VD)* Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente. Menacée (M) Espèce sauvage susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitants ne sont pas renversés. Préoccupante (P)** Espèce sauvage qui peut devenir une espèce menacée ou en voie de disparition en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle. Non en péril (NEP)*** Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles. Données insuffisantes (DI)**** Une catégorie qui s’applique lorsque l’information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l’admissibilité d’une espèce à l’évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce. * Appelée « espèce disparue du Canada » jusqu’en 2003. ** Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000. *** Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999. **** Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ». ***** Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999. Définition de la catégorie (DI) révisée en 2006. Environnement Canada Service canadien de la faune Environment Canada Canadian Wildlife Service Canada Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC. vii Mise à jour Rapport de situation du COSEPAC sur la Physe des fontaines de Banff Physella johnsoni au Canada 2008 TABLE DES MATIÈRES INFORMATION SUR L’ESPÈCE .................................................................................... 4 Nom et classification.................................................................................................... 4 Description morphologique .......................................................................................... 4 Description génétique .................................................................................................. 8 Unités désignables .................................................................................................... 10 RÉPARTITION .............................................................................................................. 11 Aires de répartition mondiale et canadienne.............................................................. 11 HABITAT ....................................................................................................................... 15 Besoins de l’espèce en matière d’habitat .................................................................. 15 Tendances en matière d’habitat................................................................................. 19 Protection et propriété ............................................................................................... 25 BIOLOGIE ..................................................................................................................... 26 Cycle vital et reproduction ......................................................................................... 26 Prédation, parasites et compétition............................................................................ 28 Physiologie ................................................................................................................ 29 Déplacements et dispersion ...................................................................................... 29 Relations interspécifiques.......................................................................................... 31 Adaptabilité ................................................................................................................ 31 TAILLE ET TENDANCES DES POPULATIONS ........................................................... 33 Activités de recherche ............................................................................................... 33 Abondance, fluctuations et tendances ....................................................................... 34 Effet d’une immigration de source externe ................................................................ 38 FACTEURS LIMITATIFS ET MENACES ...................................................................... 38 Interruptions, réductions, fluctuations ou dérivations de l’écoulement des sources thermales................................................................................................................... 39 Habitat limité ou de piètre qualité............................................................................... 41 Immersion et baignade .............................................................................................. 41 Effondrement des sous-populations et reproduction consanguine ............................ 41 Piétinement et autres perturbations locales............................................................... 42 Autres menaces......................................................................................................... 42 IMPORTANCE DE L’ESPÈCE ...................................................................................... 43 PROTECTION ACTUELLE OU AUTRES DÉSIGNATIONS DE STATUT..................... 44 RÉSUMÉ TECHNIQUE................................................................................................. 45 REMERCIEMENTS ET EXPERTS CONTACTÉS......................................................... 49 SOURCES D’INFORMATION ....................................................................................... 50 SOMMAIRE BIOGRAPHIQUE DU RÉDACTEUR DU RAPPORT ................................ 58 COLLECTIONS EXAMINÉES ....................................................................................... 59 Liste des figures Figure 1. Dessin au trait et photo de physes des fontaines de Banff (Physella johnsoni)....................................................................................................... 6 Figure 2. Photographie illustrant la morphologie péniale d’une physe des fontaines de Banff (Physella johnsoni) récoltée en juin ou juillet 2002 dans la source Lower Middle, au Parc national du Canada Banff ........................................ 7 Figure 3. Application de l’algorithme UPGMA aux distances génétiques non biaisées de Nei entre trois espèces de Physidés du Parc national du Canada Banff, telles que révélées par des analyses des allozymes .................................... 9 Figure 4. Aire de répartition mondiale de la physe des fontaines de Banff (Physella johnsoni) ..................................................................................... 11 Figure 5. Sources thermales abritant ou ayant déjà abrité la physe des fontaines de Banff (Physella johnsoni) près de Banff, dans le Parc national du Canada Banff (Alberta) ............................................................................................ 12 Figure 6. Physicochimie de l’eau aux points d’origine des sources thermales occupées historiquement par le Physella johnsoni ..................................... 16 Figure 7. Température de l’eau au point d’origine de la source Kidney, mesurée automatiquement toutes les heures et durant les relevés de population entre mai 1998 et le 9 septembre 2006. ..................................................... 17 Figure 8. Physicochimie de l’eau au point d’origine de la source Kidney, mesurée à l’aide d’un multimètre et d’un spectrophotomètre portables entre mars 1998 et décembre 2005. ..................................................................................... 17 Figure 9. Microrépartition du Physella johnsoni à la source Upper C&B de 1996 à 2001. Les physes ont été dénombrées dans quatre microsites, situés dans le bassin d’origine et l’exutoire. .................................................................. 19 Figure 10. Moment et durée des interruptions du débit de sources thermales survenues entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 2006 au Parc national du Canada Banff ........................................................................................ 21 Figure 11. Nombre de Physella johnsoni dans chaque source thermale et dans les sept sources combinées, de janvier 1996 à mai 2007 ....................................... 35 Figure 12. Effectif annuel minimum, maximum et moyen de chaque sous-population (à l’exception des sous-populations des sources Upper Middle et Kidney), des cinq sous-populations initiales combinées et de toutes les sous-populations, incluant les sous-populations réintroduites dans les sources Upper Middle et Kidney, de 1996 à 2005.............................................................................. 37 Liste des tableaux Tableau 1. Zone d’occupation* et données sommaires sur les sous-populations de physes des fontaines de Banff**, de janvier 1996 à mai 2007 .................. 15 Tableau 2. Menaces pesant sur la physe des fontaines de Banff et son habitat à chaque source thermale dans le Parc national du Canada Banff (d’après Lepitzki et Pacas, 2007)............................................................................ 39 INFORMATION SUR L’ESPÈCE Nom et classification Nom scientifique : Physella johnsoni (Clench, 1926) Nom commun français : physe des fontaines de Banff Nom commun anglais : Banff Springs Snail Le document faisant autorité pour la classification des mollusques aquatiques des États-Unis et du Canada est l’ouvrage de Turgeon et al. (1998). La classification actuellement acceptée de l’espèce est la suivante : Embranchement : Classe : Sous-classe : Ordre : Famille : Sous-famille : Genre : Espèce : Mollusques Gastéropodes Pulmonés Basommatophores Physidés Physinés Physella Physella johnsoni Bien que Turgeon et al. (1998) aient assigné à l’espèce le nom commun anglais striate physa (« physe striée »), le nom Banff Springs Snail – physe des fontaines de Banff –, considéré comme plus descriptif de la répartition et de l’habitat de l’espèce, est utilisé par l’autorité compétente, l’Agence Parcs Canada et par le COSEPAC. Clarke (1973, 1981) a utilisé le nom scientifique original de l’espèce, Physa johnsoni, dans sa monographie et son livre sur les mollusques du Canada. Dans sa révision de la famille, Te (1978) a transféré la plupart des espèces du genre Physa dans le genre Physella, mais d’autres auteurs (Dillon, 2000; Wethington et Guralnick, 2004) classent encore l’espèce dans le genre Physa. Les opinions diffèrent également concernant la synonymie possible du Physella johnsoni avec le P. gyrina, espèce généraliste apparentée qui, de tous les Physidés, est celle qui présente la plus large répartition au Canada (voir les sous-sections Description morphologique et Description génétique). Description morphologique Toutes les espèces de la famille des Physidés ont une coquille senestre (spiralée vers la gauche). Lorsqu’on oriente la spire (pointe ou apex) de la coquille vers le haut, l’ouverture de la coquille se trouve du côté gauche. Chez toutes les autres familles nord-américaines de gastéropodes d’eau douce à coquille conique, la coquille est dextre et s’ouvre du côté droit. La description originale fournie par Clench (1926) et reproduite par Clarke (1973) s’énonce comme suit : 4 [Traduction] « Coquille senestre, petite, globuleuse, à test mince, brun rougeâtre foncé, parfois faiblement striée. Tours de 4½ à 5, convexes et distinctement arrondis, avec le tour embryonnaire plus foncé. Spire relativement courte, terminée en pointe aiguë. Ouverture bien arrondie, légèrement évasée à la base. Lèvre palatale très mince, rarement labiée. Lèvre pariétale consistant en un dépôt mince seulement sur le dernier tour. Columelle passablement étroite, non tordue, inclinée vers la gauche, ne se terminant pas brusquement dans le dernier tour mais suivant graduellement le contour général. Sutures bien marquées, légèrement dentées. Sculptures constituées de très fines stries d’accroissement, sans stries transversales. Comme indiqué précédemment, la perte de l’épiderme sur certaines des plus importantes stries d’accroissement confère un aspect strié à la coquille. Bandes variqueuses peu nombreuses, plus évidentes vues de l’intérieur de l’ouverture. » Te (1978) décrit la coquille comme petite, ovée allongée et ornée de stries d’accroissement bien marquées et irrégulières (figure 1). La longueur maximale de la coquille indiquée dans la littérature est de 8,8 mm (Clarke, 1973), mais des physes vivantes dont la coquille mesurait jusqu’à 11 mm de longueur ont déjà été observées. La coloration de la physe des fontaines de Banff varie de brun clair à noire (Lepitzki, données inédites). Lepitzki (1998) a mesuré la longueur de la coquille d’individus vivants des espèces P. johnsoni (n=157), Physella gyrina (n=168) et d’un autre Physidé, fort probablement le Physa megalochlamys (n=80), à l’aide d’un micromètre oculaire, sous un grossissement de 10x. Ces spécimens avaient été récoltés au Parc national du Canada Banff en 1997 en vue d’analyses des allozymes et de l’ADNmt. Les rapports largeur/longueur (F2,402 = 63,795, P < 0,001) et spire/longueur (F2,402 = 6,759, P = 0,001) de la coquille étaient significativement plus élevés (P < 0,05, comparaisons par paires) chez le P. johnsoni que chez les deux autres espèces. Chez le P. johnsoni, la coquille la plus longue mesurait 9,2 mm. 5 Figure 1. Dessin au trait et photo de physes des fontaines de Banff (Physella johnsoni). (Dessin : D.A.W. Lepitzki; photo : B.M. Lepitzki) 6 Outre la morphologie de la coquille, la classification des Physidés utilise la morphologie péniale. Te (1978) a observé chez les deux spécimens de P. johnsoni qu’il avait disséqués les Var-1 et Var-2 du complexe pénial de type c, caractéristique du groupe Physa acuta. Un complexe pénial de type c est caractérisé par la présence d’une glance préputiale et d’une gaine péniale non glandulaire unipartite. Par contre, Wethington et Guralnick (2004) ont rangé le P. johnsoni dans le groupe P. gyrina, correspondant au complexe pénial de type b décrit par Te (1978), caractérisé par une glande préputiale et une gaine péniale bipartite à composantes glandulaire et non glandulaire. Taylor (2003) a également classé le P. johnsoni dans le groupe P. gyrina, sur la base de sa gaine péniale bipartite. Taylor n’a toutefois ni examiné ni vérifié personnellement la morphologie de spécimens de P. johnsoni ou de P. gyrina, et les raisons qui l’ont incité à ranger le P. johnsoni dans le groupe P. gyrina demeurent obscures. Lepitzki (données inédites) a disséqué deux autres spécimens de P. johnsoni qui présentaient un complexe pénial de type b caractéristique du groupe P. gyrina (figure 2). Figure 2. Photographie illustrant la morphologie péniale d’une physe des fontaines de Banff (Physella johnsoni) récoltée en juin ou juillet 2002 dans la source Lower Middle, au Parc national du Canada Banff, et maintenue dans un aquarium chauffé muni d’un système de circulation d’eau continue au LHNC&B jusqu’à sa mort naturelle le 8 février 2003. Les portions non glandulaire et glandulaire de la gaine péniale bipartite sont bien visibles. Chaque unité de l’oculaire mesure 100 microns. (Photo : D.A.W. Lepitzki) 7 Description génétique Des analyses des allozymes et de l’ADNmt ont été effectuées chez la physe des fontaines de Banff. Hebert (1997), utilisant les spécimens récoltés et mesurés par Lepitzki (1998), a évalué chez 20 individus de chacune des cinq sous-populations la variation des allozymes sur 12 loci : Apk, Fum, Got-m, Got-s, Gpi, Idh, Ldh, Mdh-m, Mdh-s, Mpi, Pgm-1 et Pgm-2. Dans son rapport inédit, auquel font référence Remigio et al. (2001), il affirme n’avoir observé aucune variation des allozymes sur les locis Apk, Got-m, Mpi et Pgm-2. Le polymorphisme intraspécifique était également faible chez le P. megalochlamys, aucune variation n’étant décelée chez cette espèce. La variation chez les P. gyrina et P. johnsoni était limitée au locus Idh. En dépit d’un polymorphisme limité, une divergence génétique prononcée était apparente chez ces taxons. Le Physa megalochlamys se distinguait facilement des deux espèces de Physella par ses allèles caractéristiques Gpi1.32 et Fum1.16. Des substitutions d’allèles ont été observées au locus Got-s et aux deux loci Mdh chez les populations de P. johnsoni et de P. gyrina. Selon Hebert (1997), l’analyse de la distance génétique a confirmé l’existence d’une affinité génétique étroite entre les populations conspécifiques, et la présence d’une divergence génétique importante entre les trois taxons. Son diagramme inédit illustrant la distance génétique entre les trois taxons est reproduit à la figure 3. Hebert a également affirmé que chacune des espèces étudiées présentait un polymorphisme limité. Un tel constat n’a rien de surprenant, puisque ces espèces sont hermaphrodites et par conséquent capables de se reproduire par auto-fécondation. La divergence génétique était limitée entre les populations de chaque espèce, mais prononcée entre les espèces, et des marqueurs allozymiques diagnostiques permettaient de distinguer de façon fiable chacune des espèces. Selon Hebert, les résultats de ces analyses démontraient qu’il y avait très peu de chance que le P. johnsoni soit simplement un écotype du P. gyrina associé aux sources thermales et qu’il fallait plutôt considérer le P. johnsoni comme une espèce endémique présentant un niveau de divergence évolutive substantielle par rapport au P. gyrina. 8 Figure 3. Application de l’algorithme UPGMA aux distances génétiques non biaisées de Nei entre trois espèces de Physidés du Parc national du Canada Banff, telles que révélées par des analyses des allozymes. Les spécimens des sources Basin, Lomid (=Lower Middle), Upper C&B, Cave et Lower C&B étaient des P. johnsoni. Les Physa sp. 1 et Physa sp. 2 étaient fort probablement des Physa megalochlamys et ont été récoltés dans les étangs Hay Meadow et Rat Hole, entre les deuxième et troisième lacs Vermilion. Les Physella gyrina 1 à 5 ont été récoltés aux endroits suivants : 1 = marais C&B; 2 = sources Vermilion Cool; 3 = étang 5-mile; 4 = lac Herbert; 5 = lac Muleshoe. Reproduit avec l’autorisation de Hebert (1997). Des analyses de l’ADNmt ont ensuite été effectuées sur le même échantillon de physes. Remigio et al. (2001) ont déterminé la séquence des gènes mitochondriaux 16S et COI chez un seul individu de chacune des populations (les analyses ayant révélé la présence de séquences identiques chez deux P. johnsoni de la souspopulation de la source Cave, ces auteurs ont décidé d’utiliser seulement un individu de chaque sous-population). Ils ont constaté que les caractéristiques génétiques permettant de différencier le P. gyrina du P. johnsoni ressortaient seulement dans les analyses de parcimonie des données combinées sur les gènes 16S et COI et que les individus de la sous-population de la source Cave étaient toujours regroupés à part des autres échantillons de P. johnsoni. Wethington et Guralnick (2004) ont utilisé les séquences de Remigio et al. (2001) enregistrées dans la GenBank. Leur étude allait au-delà des travaux de Remigio et al. (2001), car elle englobait d’autres Physidés récoltés dans des sources thermales et des grottes dans diverses régions des États-Unis. Ces auteurs ont également séquencé les gènes mitochondriaux et étudié la morphologie péniale de 2 autres spécimens de P. johnsoni récoltés dans la localité type par Lepitzki en août 2001. Ces dissections et analyses de l’ADNmt ont démontré clairement que le P. johnsoni appartient au groupe P. gyrina. Ces auteurs ont conclu que le P. johnsoni, du fait qu’il ne forme pas un groupe monophylétique distinct, ne peut être distingué des autres espèces de l’ouest des États-Unis rangées dans le groupe P. gyrina. L’individu aberrant provenait de la sous-population de la source Cave. Un P. gyrina de la localité type, en Iowa, a également été inclus dans le groupe P. johnsoni, avec les 2 autres spécimens récoltés 9 dans la localité type par Lepitzki. L’échantillonnage est proposé comme explication au fait que le P. johnsoni ne formait pas un groupe monophylétique (n = 8 P. johnsoni : 6 de Remigio et al. [2001], et 2 de Wethington et Guralnick [2004]). Les 3 autres espèces de Physidés du groupe P. gyrina récoltées dans des sources thermales formaient toutes des groupes monophylétiques, mais il convient de rappeler que les analyses ont porté sur seulement 2 individus de chaque espèce. La conclusion aurait peut-être été différente si les analyses avaient porté sur un plus grand nombre d’individus des autres espèces ou un plus grand nombre de sous-populations de chaque espèce. Une autre hypothèse avancée pour expliquer le faible niveau de différenciation génétique entre le P. gyrina et le P. johnsoni est le jeune âge du P. johnsoni. Selon Remigio et al. (2001), le P. gyrina et le P. johnsoni sont des espèces distinctes qui se sont différenciées tout récemment, depuis le retrait des glaces à la fin de la dernière glaciation, il y a environ 10 000 ans. De nouvelles preuves obtenues plus récemment par datation au 14C portent à croire que les sources thermales occupées par le P. johnsoni sont encore plus jeunes et ne coulent que depuis 3 200 à 5 300 ans (Grasby et al., 2003). Cette courte histoire évolutionnaire pourrait expliquer pourquoi Wethington et Guralnick (2004) sont parvenus à la conclusion que le P. johnsoni est indifférenciable du P. gyrina et contredisent les conclusions de Hebert (1997) et de Remigio et al. (2001), qui considèrent le P. johnsoni comme une espèce valide. La plus récente hypothèse phylogénétique proposée par Wethington et Lydeard (2007), fondée sur l’analyse de deux séquences d’ADNmt (16S et CO1) et sur une comparaison de la morphologie péniale, regroupe les Physidés présentant une morphologie péniale de type b en un clade formé de deux espèces, et réunit sept taxons différents, dont les P. wrighti et P. johnsoni, sous l’espèce P. gyrina. Unités désignables Aucune unité désignable infraspécifique n’existe. Si la synonymie entre le P. johnsoni et le P. gyrina était établie, la population des sources thermales de Banff pourrait alors être considérée comme une unité désignable du P. gyrina en raison de son caractère biogéographique distinct et de ses adaptations biologiques à l’environnement rigoureux que constituent les sources thermales. Ces gastéropodes spécialistes des eaux chaudes pourraient représenter des unités écologiques et/ou évolutionnaires uniques et importantes (c.-à-d. des unités désignables aux termes de la LEP) qu’il conviendrait de protéger. Cette question taxinomique pourra être étudiée plus à fond à l’aide de marqueurs moléculaires qui évoluent plus rapidement que les marqueurs ADNmt (c.à-d. de marqueurs ADN microsatellite). 10 RÉPARTITION Aires de répartition mondiale et canadienne L’aire de répartition du P. johnsoni se limite à seulement quelques sources thermales. Toutes ces sources se trouvent dans la portion sud des Rocheuses, dans le voisinage immédiat de la ville de Banff, dans le Parc national du Canada Banff, en Alberta (figures 4 et 5). Burch (1989) inclut à tort l’Alberta, le Montana, le Wyoming et le Colorado dans l’aire de répartition de l’espèce, vraisemblablement d’après les données de collecte de spécimens de musée. D’autres auteurs ne mentionnent pas la présence du P. johnsoni au Montana (NatureServe, 2006), au Colorado (Wu, 1989) ou au Wyoming (Wu et Beetle, 1995). Toutes les sous-populations historiques et existantes de l’espèce se trouvent au Canada. Figure 4. Aire de répartition mondiale de la physe des fontaines de Banff (Physella johnsoni). Le point correspond au Parc national du Canada Banff en Alberta. 11 Figure 5. Sources thermales abritant ou ayant déjà abrité la physe des fontaines de Banff (Physella johnsoni) près de Banff, dans le Parc national du Canada Banff (Alberta) : 1 : source Upper Hot (population disparue); 2 : source Kidney (sous-population réintroduite en novembre 2003); 3, 4 et 5 : sources Gord’s (population disparue), Upper Middle (sous-population réintroduite en novembre 2002) et Lower Middle (population présente); 6, 7, 8 et 9 : sources Basin, Cave, Lower C&B et Upper C&B, au lieu historique national Cave and Basin (populations présentes); 10 : sources Vermilion Cool (actuellement occupées par le Physella gyrina); 11 : site de l’hôtel Banff Springs (fort probablement issu d’un pompage d’eau; n’existe plus); I, II et III : lacs Vermilion. Photographie reproduite avec l’autorisation de Lepitzki et Pacas (2007). Les spécimens types proviennent de la source Middle (Hot Sulphur Springs), Banff, Alberta (Clench, 1926) (figure 5). Un deuxième lot ne contenant que des coquilles décolorées a été récolté par E.C. Case dans un dépôt en aval du bassin de natation (Clench, 1926). Clarke (1973) rapporte la collecte de l’espèce dans les endroits suivants : Upper Hot Springs, Banff, Alberta (1927, T. Ulke), source Middle (Hot Sulphur Springs), Banff, Alberta (lot type), source Kidney (Hot Sulphur Springs), sources de Cave and Basin, et source Cold (lac Vermilion), Banff (tous les spécimens récoltés en janvier 1927 et janvier 1929, O. Bryant). Comme les sources Middle et de Cave and Basin englobent un certain nombre de sources (figure 5), on ne peut déterminer avec certitude quelles sources abritaient l’espèce. En outre, les dates des expéditions de collecte de Bryant, 1927 et 1929, sont vraisemblablement erronées, car les spécimens ont été reçus en août 1926 par Clench au Museum of Comparative Zoology, de la 12 Harvard University (Cambridge, MA). Ces spécimens ont donc été récoltés avant 1926 (Baldinger, comm. pers., 2001; Clarke, comm. pers., 2001). Depuis ces premières collectes, l’espèce a été récoltée à deux reprises : dans un exutoire de la source Middle, à 0,8 mi à l’est de la source Middle (c.-à-d. 300 verges au sud de l’hôtel Banff Springs), par H.D. Athearn, le 23 juillet 1965 (Clarke, 1973), et dans les « sources Middle », le 1er octobre 1975 (Iredale, comm. pers., 1975). Selon Clarke, la description du site de l’exutoire est exacte (Clarke, comm. pers., 1996); Athearn a confirmé l’exactitude des renseignements se rapportant au site (Athearn, comm. pers., 1996). Comme aucune autre source n’a été examinée en 1965 (Athearn, comm. pers., 1996), on ignore combien des sites originaux abritaient toujours l’espèce lorsque Athearn a effectué son expédition de collecte. En 1996, l’espèce était encore présente à deux endroits, dans cinq des sites historiques, soit la source Lower Middle et les quatre sources thermales du lieu historique national Cave and Basin (LHNC&B) - Cave, Basin, Upper C&B et Lower C&B (Lepitzki, 1997a,b). On considère que toutes ces sources thermales distinctes abritent une seule et même population, même si tout indique que l’espèce ne peut franchir l’habitat terrestre qui sépare les sources à moins d’être transportée par des oiseaux ou des humains, dans des conduites ou des contenants (voir la sous-section Déplacements et dispersion). L’exutoire qui coulait à proximité de l’hôtel Banff Springs n’existe plus et se trouve actuellement sous une aire de stationnement. On soupçonne également que ce site avait été créé par pompage vers l’hôtel Banff Springs d’eau de la source Kidney (Lepitzki, obs. pers.; Van Everdingen, 1972), et non des sources Middle, dont l’exutoire coule au nord de l’hôtel. De nombreuses coquilles de P. johnsoni sont présentes le long de l’exutoire de la source Upper Middle (figure 5) (Lepitzki, obs. pers.), ce qui porte à croire que l’espèce s’y rencontrait encore récemment avant 1996. Moins de 10 coquilles de Physidé, fort probablement de P. johnsoni, ont été trouvées par Lepitzki dans la source Gord’s, source thermale jusque-là non décrite qui coule dans le secteur des sources Middle (figure 5). Moins de 10 coquilles ont également été découvertes dans la source Kidney, et moins de 5 coquilles ont été trouvées incrustées dans le tuf à la source Upper Hot au cours des 10 dernières années. Ces observations donnent à croire que la disparition de ces sous-populations remonte à un certain nombre d’années. On ignore également si les spécimens récoltés à la source Upper Hot au cours des années 1920 étaient vivants ou morts (coquilles vides). Une espèce de Physidé vit actuellement dans les sources Cool, au lac Third Vermilion (figure 5), mais il s’agit du P. gyrina (Lepitzki, 1997a,b; Hebert, 1997; Remigio et al., 2001). Il y a lieu de douter que le P. johnsoni ait déjà habité les sources Cool, car celles-ci sont actuellement occupées par le P. gyrina, et leur physicochimie diffère de celle des sources qui abritent actuellement le P. johnsoni (voir la sous-section Besoins en matière d’habitat). L’existence d’autres sources thermales abritant l’espèce paraît extrêmement improbable, étant donné la fascination des humains pour les sources thermales et l’utilisation intensive des sources existantes au Parc national du Canada Banff. Toutes 13 les sources thermales connues qui coulent le long de la faille de chevauchement du mont Sulphur (Grasby et Hutcheon, 2001; Grasby et Lepitzki, 2002), point d’origine des sources thermales du mont Sulphur (figure 5), incluant la source Forty Mile (qui coule entre les monts Brewster et Norquay, au nord) et six sources thermales moins chaudes jusque-là non décrites qui coulent dans le secteur des sources Middle (Lepitzki, données inédites), ont été inspectées (Lepitzki, obs. pers.). Lepitzki (données inédites) a également examiné les sources thermales Miette dans le Parc national du Canada Jasper (Grasby et al., 2000), et d’autres auteurs ont inspecté la source Mist Mountain (Grasby et al., 2000). Toutes ces recherches se sont révélées vaines (Lepitzki, données inédites; Grasby, comm. pers., 2001). La zone d’occurrence de l’espèce a été calculée à l’aide du logiciel Oziexplorer GPS Mapping Software (D & L Software Pty Ltd., Australie, 2002) à partir de coordonnées GPS obtenues au moyen d’un récepteur GPS portatif (±10 m) (figure 5). Si l’on inclut dans le polygone tous les sites historiques (manuel des opérations et des procédures du COSEPAC, 2006), à l’exception du site de l’hôtel Banff Springs et de la source Vermilion Cool, la zone d’occurrence s’établit à 345 409 m2 (=0,345 km²). En 1996, la zone d’occurrence ne couvrait plus que 32 579 m² (=0,0326 km²), et l’espèce n’occupait plus que 5 sources. En 2006, par suite de la réintroduction de 2 souspopulations autosuffisantes (sources Upper Middle et Kidney, voir la section Taille et tendances des populations), la zone d’occurrence s’élevait à 176 755 m2 (=0,177 km²). Si l’espèce était réintroduite dans les sources Upper Hot et Gord’s (Lepitzki et Pacas, 2007), la zone d’occurrence se rétablirait à son niveau historique. En plus de présenter une répartition extrêmement limitée, comme l’indique la faible valeur de la zone d’occurrence, le P. johnsoni présente une microrépartition très restreinte à l’intérieur des sources thermales où il vit (Lepitzki, 2002a) (voir la prochaine section). En incluant les 2 sous-populations réintroduites, la zone d’occupation, telle que calculée à l’aide d’une grille de 1 × 1 km, s’élève à 5 km2 (A. Filion, avril 2008). La zone d’occupation réelle, biologiquement plus défendable, s’établit à 595,4 m² (= 0,0006 km²) (tableau 1). L’espace entre la ligne bleue et la bande arrière la plus proche d’une patinoire de hockey sur glace de dimensions nord-américaines couvre approximativement la même superficie (595,25 m²) (Wikipedia, 2006). Cet habitat occupé correspond à l’habitat essentiel de la physe des fontaines de Banff (Lepitzki et Pacas, 2007). 14 Tableau 1. Zone d’occupation* et données sommaires sur les sous-populations de physes des fontaines de Banff**, de janvier 1996 à mai 2007. Les sous-populations des sources Upper Middle et Kidney ont été réintroduites en novembre 2002 et 2003, respectivement. La sous-population de la source Basin comprend les physes ajoutées dans l’exutoire en automne 2005. Source Zone d’occupation (m2) Population annuelle minimale 10 ans+ 8 16 30 474 162 147 43 1561 1561 Population annuelle maximale 10 ans+ 8 852 16 247 4 221 5 657 10 242 3 268 4 619 16 427 33 915 Kidney 25,6 Upper Middle 176,2 Lower Middle 22,4 Cave 190,4 Basin 80,5 Upper C&B 31,3 Lower C&B 69,0 5 sous-populations initiales combinées 393,6 5 sous-populations initiales combinées + 2 sous595,4 populations réintroduites *La zone d’occupation a été calculée à l’aide du logiciel SigmaScan Pro (Systat, 2004), à partir de cartes détaillées établies à l’aide de rubans à mesurer et de boussoles. La superficie de tous les microsites où au moins une physe des fontaines de Banff a été observée entre 1996 et 2006 a été mesurée trois fois; la moyenne du total de tous les microsites dans chaque source est indiquée. **Les nombres indiqués pour chaque sous-population correspondent aux nombres totaux d’individus observés au cours des dénombrements; la plupart de ces individus étaient matures. HABITAT Besoins de l’espèce en matière d’habitat Au Canada, on trouve des sources thermales uniquement dans les secteurs montagneux des régions cordillériennes de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest (Van Everdingen, 1991). Ces écosystèmes fragiles de superficie restreinte sont caractérisés par des conditions microclimatiques rares déterminées et conditionnées par l’activité géothermique locale et peuvent être considérés comme des milieux hostiles (températures élevées, fortes concentrations de minéraux dissous et faibles concentrations d’oxygène dissous) (Brues, 1924, 1927). À l’exception de la source Vermilion Cool, les sources thermales du mont Sulphur coulent le long de la faille de chevauchement du mont Sulphur, le long d’un gradient altitudinal s’étendant des sources Upper Hot à Cave & Basin (figure 5). La source Vermilion Cool se trouve le long de la faille Bourgeau (Grasby et Lepitzki, 2002). On croit que les sources thermales du mont Sulphur sont alimentées par les précipitations qui tombent sous forme de pluie et de neige sur le mont Rundle, voisin du mont Sulphur (Grasby et Lepitzki, 2002). Cette eau météorologique s’écoule jusqu’à une profondeur d’environ 3,2 km; la chaleur et les minéraux dissous proviennent du roc avoisinant (Grasby et Lepitzki, 2002). De façon générale, les sources thermales situées plus en altitude sont les plus chaudes (Upper Hot), la température maximale de l’eau diminuant le long du gradient altitudinal (figure 6). Les paramètres physicochimiques de 15 l’eau fluctuent de façon saisonnière, et les fluctuations les plus importantes se produisent généralement dans les sources situées plus en altitude. La température de l’eau atteint sa valeur maximale en hiver (figure 7), alors que l’infiltration résultant de la fonte de la neige et de la glace est réduite. Durant la période de ruissellement printanier, l’apport additionnel d’eau souterraine peu profonde entraîne une hausse des débits, du pH et des concentrations d’oxygène dissous et une baisse de la température de l’eau, de la conductivité et des concentrations de sulfure d’hydrogène (figure 8). Ces fluctuations provoquent des changements saisonniers chez les communautés microbiennes des sources thermales (Van Everdingen, 1970; Grasby et Lepitzki, 2002). Figure 6. Physicochimie de l’eau aux points d’origine des sources thermales occupées historiquement par le Physella johnsoni. Les moyennes, les erreurs-types de la moyenne et les intervalles des paramètres physico-chimiques mesurés entre mars 1998 et décembre 2005 (à partir de janvier 2001 à la source Gord’s Pool) à l’aide d’un multimètre portatif et d’un spectrophotomètre portatif (sulfure) durant les dénombrements des physes sont présentés. Les intervalles importants résultent de l’assèchement des sources et/ou de fluctuations saisonnières des débits. 16 Figure 7. Température de l’eau au point d’origine de la source Kidney, mesurée automatiquement toutes les heures (ligne continue) et durant les relevés de population (points) entre mai 1998 et le 9 septembre 2006. Les plongeons du tracé en 1998 et 1999 sont erronés : le premier plongeon, en 1998, a été causé par la sortie de l’enregistreur hors de l’eau, et les autres résultent d’un mauvais fonctionnement de l’appareil. Le plongeon du tracé en 2002 a été causé par l’assèchement de la source. Figure 8. Physicochimie de l’eau au point d’origine de la source Kidney, mesurée à l’aide d’un multimètre et d’un spectrophotomètre portables entre mars 1998 et décembre 2005. L’absence de mesures au début de l’année 2002 résulte de l’assèchement de la source. 17 Des fluctuations spatiales touchant la communauté microbienne (Lepitzki, obs. pers.; Londry, 2005a, b) et la physicochimie de l’eau – diminution de la température de l’eau et des concentrations de sulfure, et hausse du pH et des concentrations d’oxygène dissous - se produisent également d’amont en aval, depuis le bassin d’origine en amont jusqu’à l’exutoire (Lepitzki, 2002a; Londry, 2005a, b). La présence de ces gradients biotiques et abiotiques pourrait expliquer la microrépartition particulière de la physe des fontaines de Banff dans les sources thermales où elle vit, la plupart des individus d’une sous-population donnée demeurant durant une bonne partie de l’année dans le bassin d’origine de la source ou dans son voisinage immédiat (figure 9). La physe des fontaines de Banff est dès lors considérée comme un spécialiste des sources thermales qui a besoin d’un apport constant d’eaux thermales chaudes contenant de fortes concentrations de minéraux dissous, en particulier de sulfure d’hydrogène, et abritant une communauté microbienne complexe jouant le double rôle de source de nourriture et d’élément structural de l’habitat. La plupart des individus se tiennent à l’interface air-eau, fixés à des tapis flottant d’algues, de bactéries, de débris ligneux et de feuilles ou sur les arêtes de roches émergentes, les parois en béton et les toiles en caoutchouc des bassins ou le bord des sources. Bien que les tronçons supérieurs et les bassins d’origine des sources thermales constituent l’habitat naturel et préféré de l’espèce, des physes ont très bien survécu dans des aquariums munis d’un système de circulation continue de l’eau, dans de l’eau thermale naturelle, avec ou sans apport de nourriture pour poissons, et dans de l’eau du robinet chauffée, avec apport de nourriture pour poissons (Lepitzki, 2003a, b, 2004; voir la sous-section Adaptabilité). Comme l’espèce vit uniquement dans des sources thermales, son habitat est naturellement fragmenté et dispersé, et seuls les tronçons supérieurs des sources sont préférés. De façon générale, la diversité des autres composantes de la flore et de la faune dépendant des sources thermales augmente plus on s’éloigne des bassins d’origine. Des travaux récents ont mené à la découverte de 2 espèces de demoiselles rares (Rice, 2002; Acorn, 2004; Hornung, 2005; Hornung et Pacas, 2006) et d’un certain nombre d’espèces de mousses et d’hépatiques rares (Krieger, 2003). Les sources abritent également une grande diversité d’algues (de 40 à 50 espèces réparties dans 26 genres; Hebben, 2003) et de nouvelles souches de bactéries, dont bon nombre sont peut-être endémiques aux sources thermales de Banff (Yurkov et Bilyj, 2005). Au moins 2 plantes vasculaires, soit le panic laineux (Panicum acuminatum) et la fougèreaigle (Pteridium aquilinum), semblent avoir disparu, car les plus récentes observations de ces 2 espèces au LHNC&B remontent à 1899 (Wallis, 2002). Une sous-espèce de poisson, le naseux des rapides de Banff (Rhinichthys cataractae smithi), endémique aux sources du LHNC&B, a également disparu (COSEPAC, 2006). 18 Figure 9. Microrépartition du Physella johnsoni à la source Upper C&B de 1996 à 2001. Les physes ont été dénombrées dans quatre microsites, situés dans le bassin d’origine et l’exutoire. La physe des fontaines de Banff tolère, dans une certaine mesure, les perturbations naturelles et elle est capable de s’adapter aux fluctuations saisonnières naturelles des paramètres physicochimiques de l’eau et aux cycles naturels de la communauté microbienne. Elle a résisté aux travaux d’aménagement au LHNC&B (voir la sous-section Tendances en matière d’habitat). Toutefois, au cours des 70 années qui ont suivi sa découverte, elle a disparu d’au moins la moitié des sites où elle vivait, et ce, même si tous ces sites se trouvaient dans un parc national. Tendances en matière d’habitat Les paramètres physicochimiques de l’eau de certaines des sources thermales du mont Sulphur sont mesurés depuis 1916 et 1917 (Satterly et Elworthy, 1917; Elworthy, 1918). De façon générale, les valeurs de température de l’eau mesurées au tournant du siècle dernier se comparent aux valeurs enregistrées plus récemment. La température et les paramètres chimiques de l’eau des sources thermales sont habituellement constants dans le temps (Grasby et al., 2000), mais dans un contexte géologique, la disparition de certaines sources est possible. Brues (1928) a démontré qu’un très grand nombre de très grandes sources aujourd’hui disparues coulaient dans des secteurs qui contiennent encore des sources. Même dans le secteur des sources Middle, certains 19 signes nous indiquent qu’au moins une source s’est asséchée définitivement, il y a peut-être des centaines d’années (Lepitzki, obs. pers.). Les gros blocs de tuf qui se trouvent près de l’origine actuelle de la source Upper C&B sont en réalité les vestiges d’une caverne effondrée (Grasby et al., 2003). Le gros amoncellement de tuf à la source Upper Hot donne à croire que le débit était normalement plus élevé ou plus dispersé qu’il l’est aujourd’hui, bien que l’installation de conduites et de bassins destinés à retenir l’eau des sources d’eau ait également favorisé la croissance d’une végétation vigoureuse sur le dépôt (Grasby et Lepitzki, 2002). Bien qu’il soit normal que les débits diminuent à mesure que les réserves d’eau souterraine s’épuisent à la fin de l’hiver et au début du printemps (Van Everdingen, 1970, 1972; Grasby et Lepitzki, 2002), l’assèchement de sources thermales se produit de plus en plus fréquemment. Le seul cas historique documenté touchant une source du mont Sulphur est celui de la source Upper Hot, qui a cessé de couler entre le 12 mars et le 11 mai 1923 (Elworthy, 1926; Warren, 1927). Depuis 1996, la source Upper Hot s’est asséchée au cours de huit hivers (figure 10), pendant des périodes variant d’environ 1 semaine à 32 semaines (Grasby et Lepitzki, 2002, Lepitzki, données inédites). Des précipitations anormalement faibles en 1922 seraient à l’origine de l’assèchement de la source Upper Hot en 1923 (Warren, 1927). Le même phénomène pourrait expliquer les interruptions de débit récentes (Grasby et Lepitzki, 2002). L’année la plus sèche documentée à ce jour (2001) (Grasby et Lepitzki, 2002) a été suivie par la plus longue interruption de débit à la source Upper Hot et, pour la première fois, par l’assèchement de la source Kidney (Lepitzki et Pacas, 2003). Bien qu’on puisse s’attendre à ce que les sources situées le plus en hauteur le long de la faille de chevauchement s’assèchent en premier (Grasby et Lepitzki, 2002), de façon inexplicable, la source Upper Middle a cessé de couler pendant au moins 12 semaines au cours de l’hiver 1995-1996 (Grasby et Lepitzki, 2002), et la source Gord’s Pool s’est asséchée au cours des automnes et hivers 2005-2006 et 2006-2007, alors que toutes les autres sources thermales du mont Sulphur continuaient de couler (figure 10). En ce qui a trait aux précipitations, les prévisions liées aux changements climatiques pour le Parc national du Canada Banff laissent entrevoir une diminution en été et une augmentation en hiver et au printemps (Scott et Suffling, 2000; Scott et Jones, 2005). Par conséquent, le débit des sources thermales du mont Sulphur devrait se maintenir approximativement au niveau actuel ou diminuer légèrement (Scott et Suffling, 2000). Si les dix dernières années sont une indication de ce que nous réservent les changements climatiques à venir, il faut s’attendre à d’autres anomalies des écoulements, dont des interruptions. 20 Figure 10. Moment et durée des interruptions du débit de sources thermales survenues entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 2006 au Parc national du Canada Banff. L’assèchement de la source Upper Hot, qui a duré du 12 mars au 11 mai 1923, est le seul autre cas documenté d’assèchement d’une source thermale au mont Sulphur. Les lignes continues entre les repères verticaux correspondent aux périodes durant lesquelles les sources se sont asséchées (confirmées par des observations directes et les données de température enregistrées automatiquement). À la source Gord’s, la surveillance a commencé seulement en janvier 2001. Toutes les sources thermales anciennement ou actuellement occupées par la physe des fontaines de Banff ont été touchées par les activités de développement, mais un certain nombre d’entre elles ont retrouvé un aspect plus naturel. La source Upper Hot alimente la seule installation thermale où la baignade publique est encore permise dans le Parc national du Canada Banff, et elle a été utilisée sans interruption à cette fin depuis au moins 1918 (Van Everdingen, 1972). Près de 300 000 personnes se sont baignées dans la source Upper Hot au cours de l’année financière 1995-1996 (Davidson, comm. pers., 1996). Les taux de fréquentation actuels semblent comparables. À l’origine, plusieurs exutoires ont contribué à la formation de l’important amoncellement de tuf à la source Upper Hot, mais à la fin des années 1800, l’eau de la source a été acheminée par des conduites vers une citerne souterraine en béton (Grasby et Lepitzki, 2002). On laisse l’eau s’écouler à la surface du sol en amont de l’avenue Mountain jusqu’à ce qu’elle rejoigne l’eau de bassin usée et chlorée et rejaillisse à la surface en aval de l’avenue Mountain pour se jeter dans l’exutoire seulement lorsqu’un excès d’eau s’accumule dans la citerne ou lorsque l’eau est trop fraîche pour être utilisée dans le bassin de baignade. En aval, l’exutoire se jette dans la rivière Spray (figure 5). Le pavillon principal et le bassin ont fait l’objet d’importants travaux de rénovation et de réaménagement en 1996. Le réseau de sentiers reliant la source Upper Hot et l’aire de stationnement du téléphérique du mont Sulphur a également été réaménagé, et une clôture en lisse et une promenade en bois enjambant l’exutoire ont été construites en amont de l’avenue Mountain. Durant leur marche vers le bassin de baignade, les visiteurs sont invités à profiter d’une ouverture dans la clôture pour toucher aux eaux thermales naturelles. 21 Avant 1927, les eaux de la source Kidney, située à environ 200 m au nord de la source Upper Hot (figure 5), se déversaient dans une petite citerne en béton (~ 0,87 m x 0,87 m) pour être pompées vers la piscine de l’hôtel Banff Springs (Van Everdingen, 1972). On ne sait pas exactement à quel moment cette activité a pris fin, mais les vieilles conduites rouillées sont encore visibles sur le site et le long du pipeline menant à l’hôtel Banff Springs. Au cours des 10 dernières années, des inconnus ont excavé l’origine de la source, située sur une paroi de falaise, permettant à l’eau de ruisseler à la surface du sol jusqu’à la petite citerne en béton et dans une petite conduite souterraine. De nombreux visiteurs s’arrêtaient à la citerne pour se baigner. L’existence de cette citerne est même mentionnée dans un guide récent sur les sources thermales de l’Ouest canadien (Woodsworth, 1999). La baignade est aujourd’hui interdite dans la source Kidney, et en prévision de la réintroduction de l’espèce, une clôture a été érigée en novembre 2001 autour de la source. Après l’adoption d’une série de mesures visant à protéger l’habitat, une diminution significative (P < 0,05) de la gravité des altérations de l’habitat causées les humains a été constatée durant les relevés réguliers de dénombrement (Lepitzki et Pacas, 2002, 2003). On a également inséré un déversoir à échancrure triangulaire dans la conduite qui achemine l’eau vers la citerne en béton en avril 2002, alors que la source était asséchée, afin de permettre une mesure plus précise du débit de la source (Lepitzki et al., 2002a; Hayashi, 2004; Schmidt, 2005). Parmi les sources thermales du mont Sulphur, ce sont probablement les sources Middle qui ont été les moins perturbées par les travaux d’aménagement et qui ont le plus conservé leur état original (Van Everdingen, 1972). Selon une croyance populaire, les eaux des sources Middle auraient été utilisées par le sanatorium du Dr Brett, érigé entre 1886 et 1888 sur le site actuellement occupé par le bâtiment d’administration du parc (Van Everdingen, 1972). Selon Elworthy (1926), les sources Middle étaient encore intactes en août 1923. Marsh (1974) estime que l’eau utilisée au sanatorium et commercialisée sous le nom de Lithia Water par le Dr Brett provenait d’un site en aval des sources Middle. Les eaux des sources Middle ont ensuite été captées et détournées vers une alevinière au début des années 1940 (Marsh, 1974). Bien que rapidement abandonné, le projet a altéré le tracé et le débit des sources (Marsh 1974). À une certaine époque, l’eau des sources Middle était également pompée vers le LHNC&B (Parcs Canada, 1958). Des vestiges de tuyaux et des morceaux de béton jonchent encore le sol dans le secteur des sources Middle, en particulier à proximité des points d’origine des sources. La totalité du secteur des sources Middle a été désignée site écologiquement fragile en 1988 (Environnement Canada, 1988) et est actuellement comprise dans le corridor faunique du mont Sulphur (Parcs Canada, 1997). Cette désignation reconnaissait le fait que les sources Upper Middle et Lower Middle étaient les seules sources thermales encore relativement intactes sur le mont Sulphur, que leurs eaux minérales chaudes procuraient un habitat exceptionnel à des plantes et invertébrés rares et que le Service des parcs devait prendre des dispositions pour faire l’acquisition de la propriété sur laquelle se trouvent les sources Middle en vue de la ramener à son état naturel (Environnement Canada, 1988). 22 Au cours de l’été 1995, des problèmes de pollution fécale humaine ont entraîné la fermeture au public des sources Middle à proximité des cavernes de la source Upper Middle (Pacas et al., 1996). En juin 1997, le directeur du parc a ordonné la fermeture du secteur des sources Middle pour protéger la physe des fontaines de Banff contre les perturbations anthropiques. Même après la fermeture au public du corridor faunique du mont Sulphur en novembre 1997, des gens ont continué d’utiliser illégalement les sources thermales. À la source Kidney, l’ampleur des perturbations anthropiques a diminué de façon perceptible seulement après l’adoption de mesures additionnelles au début de 2002, en prévision de la réintroduction de la physe (Lepitzki et Pacas, 2001, 2002, 2003). Des déversoirs à échancrure triangulaire ont également été installés dans les exutoires des sources Upper Middle et Lower Middle en juillet 2002. Le plus célèbre réseau de sources thermales au Parc national du Canada Banff se trouve au LHNC&B. Son développement a débuté avec la « découverte » de la caverne en 1883 (Parcs Canada, 1998). Le site, berceau du réseau des parcs nationaux du Canada (Parcs Canada, 1998), a fait l’objet de nombreux travaux de développement (Van Everdingen, 1972) et d’aménagement. [Traduction] « Les conditions naturelles du secteur ont été irrévocablement altérées par la construction des installations existantes. Le rejet incontrôlé d’eau thermale ne peut plus être autorisé en raison des dommages qu’une telle pratique risque d’occasionner aux installations. Il est donc impossible de rétablir l’état naturel original du secteur. Tout ce que l’on peut espérer, c’est de recréer des conditions quasi naturelles permettant de récupérer et de réguler entièrement les rejets d’eaux thermales. » (Van Everdingen et Banner, 1982). Plus récemment, Grasby et Bednarski (2002) ont donné plus de poids à cette conclusion en affirmant que pour préserver ce site, pour des raisons historiques et écologiques, il faut le maintenir artificiellement. Avec le temps, la caverne devrait finir naturellement par s’effondrer (Grasby et al., 2003), mais en raison des préoccupations soulevées par la préservation de l’intégrité commémorative du site, on ne laissera pas pareil scénario se produire (voir la section Protection et propriété). Les derniers travaux importants de réaménagement au LHNC&B ont été entrepris en 1985, en prévision du centenaire de la création du premier parc national du Canada. Une série de promenades menant aux points d’origine des sources thermales et enjambant les exutoires de ces sources ont été construites, un nouveau réservoir avec revêtement en caoutchouc, le bassin Billy’s, a été aménagé à la source Lower Cave & Basin, et le bassin Basin a été reconstruit. À l’heure actuelle, les eaux thermales sont entièrement confinées dans des bassins construits et des exutoires de surface. Une série de drains, de conduites et de vannes assure la régulation du débit de l’exutoire avant que celui se jette dans le marais Cave and Basin, désigné Zone 1 - Préservation spéciale (Parcs Canada, 1997). Le LHNC&B a accueilli près de 165 000 visiteurs au cours de l’année financière 1998-1999 (Parcs Canada, données inédites). Les taux d’affluence annuelle ont toutefois chuté à environ 100 000 visiteurs au cours des dernières années (Parcs Canada, 2006). 23 Au cours des dix dernières années (Lepitzki et al., 2002b; Lepitzki et Pacas, 2007), le resserrement des mesures de protection de l’habitat a permis d’améliorer la qualité de l’habitat au LHNC&B. La baignade est désormais interdite dans les bassins Basin et Cave; de nouveaux panneaux de signalisation et de nouvelles vannes à articulation ont été installés, des lattes verticales ont été ajoutées sur les promenades à plusieurs sites, et des dispositifs de surveillance électronique, des projecteurs détecteurs de mouvement et des alarmes sonores ont été installés à certains autres sites clés. Un ordre d’activité restreinte émis en 2002 par le directeur du parc interdit à quiconque de manipuler ou de perturber toute forme de matière organique et/ou d’organismes aquatiques dans toutes les sources et exutoires au LHNC&B et à la source Kidney. Malheureusement, cet ordre n’est pas encore entièrement respecté (Lepitzki, données inédites; Parcs Canada, données inédites). Comme aux autres sources thermales, un déversoir triangulaire a été installé dans l’exutoire de la source Basin en novembre 2005 dans le but d’améliorer la qualité de l’habitat en prévision de l’ajout des physes élevées en captivité et d’accroître la précision des mesures des débits (Lepitzki, 2005). Les sources Cool, au lac Third Vermilion (figure 5), représentent le dernier site historique apparent de l’espèce (figure 5). Bien que le tracé naturel de ces sources ait été détruit durant les années 1950 lors de la construction de la route transcanadienne, (Holroyd et Van Tighem, 1983), les eaux chaudes de ces sources continuent de maintenir une zone du lac exempte de glace en hiver. En novembre 2005, un des bassins d’origine des sources s’est asséché, mais ses eaux ont resurgi à la surface de l’autre côté de la route longeant les lacs Vermilion (figure 5), fournissant une autre démonstration de la nature dynamique des écosystèmes des sources thermales. Bien que les causes et le moment exact de la disparition de l’espèce aux sources Upper Hot, Kidney, Upper Middle et Gord’s depuis 1926 ne seront jamais connues, l’assèchement de ces sources apparaît comme une explication plausible. L’assèchement d’une source thermale peut être assimilé à une perte d’habitat ou à une grave réduction de la qualité de l’habitat à court terme, mais seulement si cette source se remet à couler. Pour la physe des fontaines de Banff, la probabilité de survie en pareil cas dépend de la durée de l’assèchement et de la période de l’année durant laquelle il se produit. Toutes les sous-populations disparues occupaient des sources thermales qui se sont asséchées depuis 1996 pendant des périodes variant entre une semaine à plus de six mois (figure 10). Selon les renseignements dont on dispose, aucune source, à l’exception de la source Upper Hot, ne se serait asséchée avant 1996. Comme on ignore à quel moment et à quel endroit les physes ont été récoltées à la source Upper Hot et si elles étaient vivantes ou mortes (coquilles vides) au moment de leur récolte, il est impossible d’associer la disparition de la sous-population de la source Upper Hot à l’assèchement de cette source en 1923. On ignore également si des épisodes d’assèchement plus anciens et non documentés ont entraîné la disparition d’autres sous-populations. Des réductions saisonnières et normales de débit, couplées au captage et à la dérivation de volumes d’eau importants, pourraient avoir contribué à la disparition de l’espèce à certains sites. 24 Protection et propriété Tout l’habitat de la physe des fontaines de Banff se trouve dans le Parc national du Canada Banff, propriété fédérale, ce qui fait que suffisamment d’habitat pour assurer la survie à long terme de l’espèce devrait être protégé. Toutefois, 4 des 5 souspopulations naturelles se trouvent dans le LHNC&B, secteur touristique très fréquenté où le maintien de l’intégrité écologique (Patrimoine canadien, 1994) n’est pas le seul principe directeur. L’intégrité écologique est définie comme un état où la structure et le fonctionnement d’un écosystème sont restés intacts en dépit des activités humaines et sont susceptibles de le demeurer (Patrimoine canadien, 1994). Le LHNC&B a été désigné lieu historique national en 1985 (Parcs Canada, 1998), et bien qu’il soit situé dans le Parc national du Canada Banff et assujetti à la Loi sur les parcs nationaux du Canada et à la Loi sur les espèces en péril et à leurs règlements d’application, il est également géré (Lepitzki et Pacas, 2007) de manière à préserver son intégrité commémorative conformément au plan de gestion du site (Parcs Canada, 2006) et à l’énoncé d’intégrité commémorative (Parcs Canada, 1998). Le concept d’intégrité commémorative signifie protéger, mettre en valeur et gérer les resources culturelles (Lepitzki et Pacas, 2007). Au cours des dix dernières années, le LHNC&B a éprouvé des difficultés à concilier ses objectifs liés à l’intégrité écologique et à l’intégrité commémorative. Dans le Programme de rétablissement et plan d’action visant la physe des fontaines de Banff (Lepitzki et Pacas, 2007), il est indiqué que « le fait que les sources thermales servant d’habitat à cette espèce se trouvent à la fois dans le PNB [Parc national du Canada Banff] et le lieu historique national du Canada Cave and Basin (LHNC&B) fait en sorte que le rétablissement n’est envisageable que si les valeurs d'intégrité commémorative et d’intégrité écologique sont entièrement intégrées. » Il y est également mentionné qu’un des principaux enjeux liés à la mise en œuvre de ce programme de rétablissement et plan d’action consiste à protéger et à restaurer les populations de physes et les sources thermales qui leur servent d’habitat tout en préservant l’intégrité commémorative du LHNC&B. Cette tâche pourrait devenir encore plus ardue, car l’ébauche de plan de gestion du LHNC&B prévoit pour les trois prochaines années une hausse de 5 p. 100 du nombre annuel de visiteurs, qui s’établit actuellement à plus de 100 000 (Parcs Canada, 2006). La source Upper Hot est un autre secteur très fréquenté où l’espèce a déjà été présente. Les interruptions du débit et les protocoles qui régissent actuellement l’exploitation des installations réduisent la qualité de cet habitat historique pour la physe (voir la section précédente), et avant de songer y réintroduire l’espèce, il faudra apporter des correctifs importants (Lepitzki et al., 2002b) pour préserver l’intégrité de cet habitat et assurer un apport constant d’eaux thermales d’une température et qualité appropriées. Les travaux visant à déterminer si la réintroduction de l’espèce à la source Upper Hot est réalisable se poursuivent (Lepitzki et Pacas, 2007). Le développement et l’exploitation des installations ont également compromis la qualité de l’habitat pour l’espèce au LHNC&B. La restauration et l’amélioration des exutoires au LHNC&B sont au nombre des mesures prévues dans le programme de rétablissement de l’espèce (Lepitzki et Pacas, 2007). 25 Le Programme de rétablissement et plan d’action visant la physe des fontaines de Banff (Lepitzki et Pacas, 2007) prévoyait également l’élaboration d’un plan d’intervention en cas de destruction de l’habitat et d’assèchement des sources thermales. Ce plan d’intervention évoquait la possibilité de laisser certaines souspopulations disparaître avant d’intervenir (Lepitzki, obs. pers.; Parcs Canada, 2005a). Le Programme de rétablissement et plan d’action visant la physe des fontaines de Banff réitère cette idée en indiquant que l’objectif du plan d’intervention est de « maintenir un ensemble de sources thermales dans le cas d’une catastrophe entraînant une perte d’habitat pouvant toucher une ou plusieurs sources simultanément. » (Lepitzki et Pacas, 2007). Les autres sources thermales occupées par l’espèce, dont les sources Kidney et Middle, se trouvent dans des zones interdites d’accès aux personnes non autorisées. L’accès à ces zones est protégé par d’excellents dispositifs de surveillance électronique. Les contrevenants sont passibles de poursuites devant les tribunaux en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et de la Loi sur les espèces en péril. BIOLOGIE Aucune publication primaire consacrée exclusivement à la biologie de la physe des fontaines de Banff n’existe ou n’a été élaborée depuis le début du programme de recherche et de rétablissement concernant l’espèce, il y a dix ans. Toutefois, un certain nombre de données biologiques sur l’espèce sont présentées dans le rapport de situation original du COSEPAC (Lepitzki, 1997a), le rapport de situation de l’espèce en Alberta (Alberta Status Report) (Lepitzki, 2002b), la publication décrivant les travaux de séquençage de l’ADNmt (Remigio et al., 2001) et les articles traitant de l‘hydrogéologie des sources (Grasby et Lepitzki, 2002; Grasby et al., 2003). Les données recueillies en date de 2002 sur tous les aspects de l’espèce, y compris sa biologie, ont été incorporées au plan de gestion des ressources approuvé par Parcs Canada en vue du rétablissement de l’espèce (Lepitzki et al., 2002b); un sommaire des données plus récentes a été présenté dans le Programme de rétablissement et plan d’action visant la physe des fontaines de Banff (Lepitzki et Pacas, 2007). Les données recueillies en date de 2001 sont consignées dans les rapports d’étape annuels présentés à Parcs Canada (Lepitzki, 1997b, 1998, 2000a, 2002a) et au Fonds de rétablissement des espèces en péril (Lepitzki, 1999, 2000b, 2001, 2003a,b, 2004). Des données plus récentes figurent dans des sommaires mensuels et annuels présentés à Parcs Canada (Lepitzki, données inédites) ou font encore l’objet d’analyses et d’une synthèse. Cycle vital et reproduction Les Pulmonés sont habituellement des organismes annuels et semelpares (ils se reproduisent une seule fois, puis meurent) (Brown, 1991; Dillon, 2000). En général, lorsque les températures sont élevées, ils croissent plus rapidement, se reproduisent plus tôt et peuvent produire plusieurs générations au cours d’une même année (McMahon, 1983). Le P. johnsoni est fort probablement un hermaphrodite simultané, à 26 l’instar d’autres membres de la famille des Physidés (Clarke, 1973; Dillon, 2000). Chez d’autres Physidés, l’accouplement n’est pas réciproque, c’est-à-dire qu’un partenaire joue le rôle du mâle, et l’autre, celui de la femelle, et les rôles sont souvent interchangés (Wethington et al., 2000). La fécondation croisée est plus fréquente (Dillon et al., 2002). Chez d’autres espèces du genre Physella, le reproduction est liée à la température (DeWitt, 1955, 1967; Sankurathri et Holmes, 1976). On ignore si ces généralités s’appliquent au P. johnsoni. Des capsules d’œufs, transparentes et en forme de croissant, ont été trouvées dans toutes les sources thermales occupées par l’espèce, à l’exception de la source Lower Middle, et durant toute l’année (mais pas tous les mois au cours d’une même année) dans le bassin de la source Basin. De très petits individus (coquille d’environ 1 mm de longueur) ont également été observés à la source Cave durant la plupart des relevés, ce qui laisse croire que la reproduction pourrait ne pas être saisonnière. La nature cryptique des capsules d’œufs pourrait contribuer au fait que leur abondance paraît fonction de la densité, des analyses de régression ayant révélé l’existence d’une corrélation faible, mais significative (P < 0,05) entre le nombre de physes et le nombre de capsules d’œufs aux bassins Cave et Basin (voir la section Taille et tendances des populations). Les capsules d’œufs ont toujours été observées à la surface de l’eau ou légèrement au-dessus, sur divers supports (parois en béton du bassin, poteaux en bois, tapis microbiens flottants, feuilles, bâtons, coquilles de gastéropodes vivants). Une telle répartition donne à croire que l’oxygène atmosphérique joue un rôle essentiel dans le développement des œufs. Dans des aquariums munis d’un système de circulation continue de l’eau (39,7 litres, ou 10 gal US) contenant de l’eau de la source Cave, les capsules d’œufs mesuraient en moyenne 2,3 mm de largeur sur 5,2 mm de longueur (ETM : ± 0,03 et ± 0,05 mm, intervalle : 1 à 4 et 3 à 8, n : 280 et 282, respectivement) et contenaient en moyenne 12,3 ± 0,2 œufs (intervalle : 2 à 23, n = 262). Elles étaient déposées partout dans les aquariums, ce qui n’est pas le cas dans les sources thermales. Les plus fortes concentrations d’oxygène dissous dans les aquariums pourraient expliquer cette disparité. Les embryons se sont développés pour donner des individus complètement formés dont la coquille mesurait de 0,5 mm à 0,8 mm. L’éclosion est survenue dans les 3 à 10 jours (moyenne de 5,9 ± 0,2 jours, n = 66) suivant la ponte. Les capsules observées initialement dans les aquariums étaient nettement plus petites que celles trouvées dans les sources thermales et avaient été produites par des individus présentant une longueur de coquille d’aussi peu que 3 mm. Les physes semblent donc capables de se reproduire dès que leur coquille atteint 3 mm. En aquarium, les physes ont atteint cette taille en 6 semaines et ont commencé à se reproduire après seulement 9 semaines. L’écart entre le nombre de capsules d’œufs déposées et le faible nombre de physes néonates observées en aquarium donne à croire que les taux de survie des œufs ou des individus néonates sont faibles, à tout le moins en aquarium ou en conditions de forte densité. Le cannibalisme pourrait être en cause, car des physes adultes ont été observées en train de dévorer des embryons dans des capsules d’œufs. On ignore toutefois si ce comportement était accidentel ou non. La durée de vie de cette espèce est inconnue, mais des individus 27 adultes ont survécu jusqu’à 11 mois après avoir été placés dans des aquariums. Le rythme de croissance des populations est examiné à la section Taille et tendances des populations. Prédation, parasites et compétition La prédation de physes des fontaines de Banff par d’autres animaux n’a jamais été observée directement, mais la sauvagine et d’autres espèces d’oiseaux sont soupçonnées d’être les principaux prédateurs naturels de cette espèce. L’incidence potentielle des maladies et des parasites sur la mortalité du P. johnsoni est inconnue, la présence de parasites n’ayant jamais été vérifiée chez cette espèce. Les Physidés servent d’hôtes intermédiaires à un certain nombre de vers plats parasites des voies gastro-intestinales dont les hôtes définitifs (hôtes du parasite adulte) sont des vertébrés (p. ex. des canards) (Olsen, 1974). Comme d’autres espèces de Physidés (DeWitt, 1955; Clampitt, 1970; Brown, 1991), la physe des fontaines de Banff se nourrit probablement en broutant la matière végétale ou les aufwuchs (film biologique formé d’un mélange d’algues, de champignons et de bactéries) fixés sur les supports solides (McMahon, 1983). Des individus ont été observés en train d’ingérer des bactéries filamenteuses blanches. Utilisant des isotpes stables de carbone et d’azote, Londry (2005a, b) a montré que la physe des fontaines de Banff se nourrit principalement d’une bactérie filamenteuse blanche oxydant le soufre (Thiothrix), bien qu’elle consomme également des cyanobactéries. Les larves de certaines espèces de Diptères de la famille des Stratiomyidés fréquemment rencontrées dans les sources thermales du mont Sulphur (Lepitzki et Lepitzki, 2003) ont un régime alimentaire (Pennak, 1978; Clifford, 1991) semblable à celui de la physe des fontaines de Banff et consomment principalement des bactéries Thiothrix spp. et des cyanobactéries (Londry, 2005a, b). Une compétition pour la nourriture pourrait donc exister entre la physe des fontaines de Banff et les larves de Stratiomyidés. De façon générale, les larves de Stratiomyidés atteignent leur taille maximale à la fin de l’hiver et au début du printemps, alors que s’amorce le déclin des sous-populations de la physe des fontaines de Banff (voir la section Taille et tendances des populations). Les effets de ces facteurs de mortalité naturelle sur les populations de physes des fontaines de Banff sont inconnus, mais ils pourraient contribuer au déclin printanier des effectifs de l’espèce (voir la section Taille et tendances des populations). Ces facteurs pourraient également contribuer à la disparition de sous-populations s’ils survenaient durant des périodes d’abondance minimale. L’élaboration d’un plan d’intervention destiné à réduire les pressions dues à la prédation et à la compétition lorsque les effectifs de l’espèce sont à leur plus bas niveau est l’une des nombreuses mesures prévues dans le Programme de rétablissement et plan d’action visant la physe des fontaines de Banff (Lepitzki et Pacas, 2007). 28 Physiologie La microrépartition restreinte de la physe des fontaines de Banff dans les sources thermales nous autorise à formuler certaines hypothèses concernant la tolérance physiologique ou, à tout le moins, les préférences de l’espèce. La physe des fontaines de Banff préfère les tronçons supérieurs des sources thermales, où l’eau est significativement (P < 0,05) plus chaude que dans les tronçons inférieurs (occupés par moins d’individus) et présente de plus fortes concentrations de sulfure, mais de plus faibles concentrations d’oxygène dissous et valeurs de pH. Paradoxalement, à la source Cave, la physe des fontaines de Banff est également abondante dans des sections où l’écoulement est plus lent et où la température de l’eau se maintient normalement entre 20 et 26 °C, à un niveau plus bas que dans le bassin de la source (de 27 à 33 °C). Cette présence dans la source la plus fraîche (figure 6) actuellement occupée explique peut-être les légères différences génétiques observées entre cette sous-population et les autres sous-populations (voir la sous-section Description génétique). Les préférences thermiques de l’espèce ont été examinées dans le cadre d’expériences réalisées dans 3 aquariums munis d’un système de circulation continue de l’eau et contenant de l’eau de la source Cave. Après que chaque aquarium eut été subdivisé en 9 quadrants et 27 cellules volumétriques, un chauffe-eau submersible a été placé dans le coin d’un des 3 aquariums. Une hausse de la température de l’eau a été enregistrée dans l’aquarium chauffé. Des différences significatives (P < 0,05) entre les cellules volumétriques ont été observées seulement dans l’aquarium muni du chauffe-eau (la température dans les cellules variait de 32,5 à 34,4 °C dans l’aquarium muni du chauffe-eau, et de 31,1 à 31,5° C dans les 2 autres aquariums). La présence de ce gradient thermique n’a pas eu d’incidence sur la microrépartition des physes. Aucune différence significative n’a été observée entre les cellules pour tous les paramètres de l’eau mesurés (pH, oxygène dissous, conductivité), ni dans l’aquarium muni d’un chauffe-eau, ni dans les autres aquariums. La résistance de la physe des fontaines de Banff à la dessiccation n’a pas été mesurée expérimentalement. Des observations sur le terrain révèlent cependant que l’espèce réagit généralement à des baisses ou des hausses graduelles du niveau de l’eau en suivant la ligne d’eau. En revanche, en cas de baisse subite et importante du niveau de l’eau (p. ex. 50 cm en moins de 15 minutes), de nombreux individus ne parviennent pas à suivre la ligne d’eau et meurent. Des baisses de cette ampleur se sont déjà produites après que l’on ait dû ouvrir les vannes assurant la régulation des niveaux d’eau dans les bassins des sources Basin et Cave pour prévenir l’inondation de constructions. Les fluctuations du niveau de l’eau représentent également une grave menace (dessiccation et/ou gel en cas de baisse, asphyxie en cas de hausse) pour les capsules d’œufs qui adhèrent aux parois en béton des bassins. Déplacements et dispersion La dispersion active (par reptation) est limitée dans les sources, et extrêmement improbable entre les sources. L’observation de la microrépartition des sous-populations 29 de physes réintroduites prouve que l’espèce est capable de migrer en rampant vers le haut des sources. La plupart des physes se sont dirigées vers le haut de la source immédiatement après avoir été introduites dans la source Upper Middle. Toutefois, elles ont mis 17 semaines pour atteindre la caverne située en amont de la source Upper Middle (environ 5,6 m à partir du point d’introduction), et 45 semaines pour occuper toute la périphérie de la caverne (environ 7,8 m du point d’introduction). À la source Kidney, les premières physes ont été observées sur la paroi de la falaise 40 semaines après avoir été introduites dans la citerne, située à 4,2 m en aval. Pour remonter le cours de la source Kidney, certaines physes ont emprunté la conduite souterraine, et d’autres, les eaux de surface de la source. La dispersion vers l’aval, également fréquemment observée, peut être active ou, plus vraisemblablement, passive, les physes se laissant emporter par le courant. Des physes se détachant de leur support pour se laisser emporter par le courant ont été observées. Comme l’abondance des physes chute rapidement en fonction de la distance à partir du point d’origine des sources, l’importance des individus présents en aval pour la sous-population de chacune des sources demeure incertaine. Bien qu’elles semblent avoir joué le rôle de « puits » démographiques au cours des 10 dernières années de son étude, Lepitzki (2006) a conclu que ces zones situées en aval pourraient devenir des foyers démographiques si le point d’origine des sources thermales venait à se déplacer ou était exposé à des catastrophes très localisées n’atteignant pas ces zones. La dispersion passive par les oiseaux, documentée chez d’autres espèces de gastéropodes (Roscoe, 1955; Rees, 1965; Malone, 1965a, b, 1966; Dundee et al., 1967; Boag, 1986), est l’une des hypothèses qui a été proposée pour expliquer la colonisation de nouvelles sources thermales après évolution de l’espèce in situ dans les sources Basin et Cave (Remigio et al., 2001). La dispersion de l’espèce s’est peut-être produite de façon passive, par les conduites reliant les sources Middle au LHNC&B (voir la section Tendances en matière d’habitat). À une certaine époque, des conduites reliaient également les sources Upper C&B et Lower C&B à la source Basin (Van Everdingen, 1972; Van Everdingen et Banner, 1982). Des conduites relient encore les bassins d’origine aux exutoires au LHNC&B. L’existence de ce lien a été confirmée par l’analyse des paramètres physicochimiques de l’eau, l’utilisation de traceurs colorants et l’observation de physes au cours des 10 dernières années. Ainsi, une semaine après la désobstruction d’un drain effectuée conformément aux dispositions d’une évaluation environnementale entreprise d’urgence (Leeson 2001), une augmentation sans précédent, mais éphémère du nombre de physes a été observée dans l’exutoire de la caverne est. Cette hausse était vraisemblablement attribuable à la dispersion passive de nombreuses physes dans les conduites. Certains auteurs, dont Tischendorf (2003), ont proposé de transférer des physes d’une source à l’autre, estimant que cette stratégie permettrait de réduire le risque de disparition de certaines sous-populations. Compte tenu des faibles taux de dispersion naturelle entre les sous-populations et de l’homogénéité génétique naturelle de ces dernières (voir la section Description génétique), cette stratégie paraît discutable. 30 Relations interspécifiques La physe des fontaines de Banff dépend de l’eau des sources thermales et de la communauté microbienne qui y vit pour sa nourriture et son habitat. Adaptabilité Les préférences de l’espèce en matière d’habitat et sa tolérance (œufs et physes mobiles) aux fluctuations des niveaux d’eau et à la dessiccation ont été décrites à la sous-section Physiologie. Des données sur le rythme de croissance de la population annuelle et sur le succès des essais de réintroduction de l’espèce sont présentées à la section Taille et tendances des populations. Certaines réactions de l’espèce aux changements touchant son habitat ont été décrites à la sous-section Déplacements et dispersion. La tolérance de l’espèce aux perturbations naturelles et aux fluctuations naturelles des paramètres physicochimiques de l’eau et de la communauté microbienne a été examinée à la sous-section Besoins de l’espèce en matière d’habitat, et les conséquences potentielles d’un assèchement des sources thermales ont été analysées à la sous-section Tendances en matière d’habitat. Des expériences d’élevage ont été tentées dans des aquariums contenant de l’eau thermale et munis d’un système de recirculation de l’eau, mais les résultats se sont avérés variables. Les physes ont fini par mourir dans les aquariums, et ce, même si la moitié du volume d’eau était remplacée chaque semaine. À la suite de ce premier échec, les expériences se sont poursuivies dans 3 aquariums munis d’un système à circulation continue permettant à l’eau pompée de la source Cave de se drainer par gravité. Quatre physes ont été introduites dans chaque aquarium. Les populations ont augmenté jusqu’à un maximum de 120 à 285 physes, sans apport de nourriture. Malheureusement, l’introduction continuelle de physes de l’extérieur dans les aquariums par la pompe à eau, même après l’installation de divers filtres, a compliqué l’interprétation des résultats. Des fluctuations cycliques d’abondance ont été même observées chez les 3 populations. Les déclins semblaient liés à une interruption du comportement de ponte. Une modification des paramètres physicochimiques de l’eau à la source Cave, occasionnée par le nettoyage d’une conduite obstruée entrepris à la suite d’une évaluation environnementale d’urgence (voir la sous-section Dépacements et dispersion), et le changement qui s’en est ensuivi dans le régime d’eau thermale des aquariums, ont entraîné l’effondrement complet du succès de reproduction. Aucune reproduction n’a été observée pendant 21 mois dans les aquariums, même après l’ajout de nourriture et la mise en place d’autres mesures visant à rétablir la situation. Aucun succès de reproduction n’a été enregistré chez 3 nouvelles populations établies dans trois autres aquariums. L’âge des colonies n’était donc pas en cause. On soupçonne qu’un phénomène aussi simple qu’une modification de la diversité de la communauté microbienne, dans laquelle un microbe sécrétant une substance nocive pour les physes se serait établi ou aurait proliféré, pourrait avoir inhibé la reproduction des physes dans les aquariums. Après une pause de près de 2 mois, le programme d’élevage a repris avec l’introduction de 6 physes dans chacun des aquariums. Cette fois, les populations ont connu une croissance sans précédent, atteignant des niveaux records de 1 216 à 31 1 256 individus par aquarium. Une augmentation de l’apport additionnel de nourriture semble avoir causé une hausse de la capacité biotique des aquariums. Les populations de physes se sont toutefois stabilisées après que l’on a cessé d’augmenter continuellement l’apport de nourriture. Une autre expérience a alors été tentée en aquarium. Six physes issues de la population maintenue en captivité ont été introduites dans 2 aquariums contenant de l’eau municipale recirculée. Aucune physe n’a été introduite dans le troisième aquarium, utilisé comme témoin. Cette expérience visait à déterminer si l’espèce peut survivre dans de l’eau du robinet, cette mesure d’urgence pouvant s’imposer en cas d’assèchement d’une source thermale. Les physes se sont reproduites avec succès, les populations grimpant à 479 et 773 individus. Ces valeurs sont toutefois largement inférieures aux seuils enregistrés dans les aquariums munis d’un système de circulation continue de l’eau, et ce, même si une quantité égale de nourriture pour poissons était ajoutée dans chaque aquarium. Une fois réintroduites dans l’eau thermale, dans les aquariums munis d’un système de circulation continue de l’eau, les physes ont continué de se reproduire. Cette expérience a confirmé qu’il est possible de maintenir des physes dans de l’eau du robinet en cas d’urgence. Toutefois, des différences significatives (P < 0,05) ont été observées entre les populations maintenues dans de l’eau du robinet et les populations élevées dans de l’eau thermale dans des aquariums munis d’un système de circulation continue de l’eau : les capsules d’œufs pondues par les physes exposées à l’eau du robinet étaient plus petites, contenaient moins d’œufs et éclosaient plus rapidement que celles déposées par les physes élevées dans de l’eau thermale. La morphologie de la coquille semble également avoir été affectée, mais des mesures additionnelles sont nécessaires pour vérifier cette hypothèse. Les physes élevées en captivité ont été retournées dans l’exutoire de la source Basin à la fin des expériences (Lepitzki, 2005). Au début, la sous-population de cet exutoire a augmenté rapidement pour atteindre un niveau record. On surveille actuellement la situation de près afin de déterminer si l’augmentation de la capacité biotique de l’exutoire résultant de l’amélioration de l’habitat (aménagement d’un déversoir dans l’exutoire et ajout de débris ligneux) se maintiendra. Bon nombre des débris ligneux introduits dans l’exutoire de la source Basin et dans le bassin de la source Lower C&B pour refouler les eaux dans les conduites sont maintenant submergés et ne jouent plus leur rôle de supports émergents pour les physes. Après que l’on ait rétabli le débit de l’exutoire en manipulant une vanne en mars 1999, la sous-population de l’exutoire de la source Basin a démontré de façon éloquente l’adaptabilité ou la capacité de réaction de l’espèce en passant de seulement 4 individus à des niveaux plus normaux. 32 TAILLE ET TENDANCES DES POPULATIONS Activités de recherche Il n’existe aucune estimation des populations historiques, car les quelques personnes qui ont récolté des physes jusqu’en 1996 (voir la section Répartition) n’ont effectué aucun dénombrement. Mis en œuvre en janvier 1996, le programme de recherche et de rétablissement concernant la physe des fontaines de Banff comportait un certain nombre d’objectifs, dont celui de déterminer la répartition et l’abondance de l’espèce. Les sources thermales ayant déjà abrité l’espèce dans le passé (Clench, 1926; Clarke, 1973, 1977, 1981) ont été visitées de façon systématique et périodique, et des recherches visuelles de l’espèce y ont été effectuées selon des protocoles rigoureux. Les sources thermales et les exutoires ont été découpés en sections ou microsites à l’aide de cartes tracées au moyen d’une boussole et d’un ruban à mesurer. Les microsites ont été distingués sur la base de caractéristiques géomorphologiques locales, à une échelle de moins de un mètre. Au cours des inspections visuelles, menées au besoin sous l’éclairage d’une lampe frontale, des précautions ont été prises pour ne pas perturber le substrat. Un compteur manuel a facilité les dénombrements. Certains microsites n’ont jamais été examinés en raison de leur inaccessibilité (p. ex. secteurs adjacents à des parois de falaise, sections de chutes abruptes, conduites acheminant l’eau au LHNC&B, sections situées sous des promenades). Depuis janvier 1997, les bassins d’origine et les exutoires des sources où l’espèce n’a pas été observée en 1996 ne font plus l’objet d’un examen rigoureux, sauf aux endroits où les paramètres physicochimiques de l’eau sont mesurés. Entre janvier 1996 et juillet 2000, les relevés réguliers ont été effectués une fois par trois semaines. Depuis, ils sont réalisés aux quatre semaines (Lepitzki, 2000c). Comme les dénombrements ont tous été effectués par la même personne (D.A.W. Lepitzki) et selon le même protocole adopté en janvier 1996, les résultats des dénombrements devraient être non biaisés et comparables. À l’évidence, un certain nombre de physes échappent à l’attention de l’observateur au cours des dénombrements. En conséquence, les estimations des populations doivent être considérées comme minimales. Des dénombrements répétés ont été effectués durant 5 jours consécutifs en septembre 1996 (Lepitzki, 1997b) afin d’établir la précision (ou la répétabilité) des dénombrements. Les résultats ont varié d’une journée à l’autre (117, 131, 156, 98 et 123), le nombre moyen de physes dénombrées s’établissant à 125 ± 9,5 (ETM) (IC à 95 p. 100 : ± 26,4). Malheureusement, des perturbations engendrées dues à des baignades interdites ont peut-être faussé les résultats. Si l’on ajoute aux résultats une erreur de ± 10 p. 100, les valeurs obtenues au cours de 86 p. 100 et 96 p. 100 des dénombrements additionnels effectués chaque semaine aux 2 sites où l’espèce a été réintroduite (après le déclin initial, voir la section suivante, source Kidney n=28 et source Upper Middle n=24, respectivement) sont comprises à l’intérieur des valeurs obtenues au cours des relevés effectués aux 4 semaines. Ces résultats témoignent de la précision des dénombrements visuels. 33 Abondance, fluctuations et tendances Les résultats des dénombrements effectués toutes les 3 semaines puis toutes les 4 semaines à chaque source thermale et à toutes les sources combinées de janvier 1996 à mai 2007 sont présentés à la figure 11. Bien que ces résultats correspondent aux nombres totaux de physes observées au cours des dénombrements, ils peuvent être interprétés comme des estimations du nombre de physes matures observées, car les physes de plus grande taille sont plus faciles à voir, et il a été démontré que les physes peuvent se reproduire dès que leur coquille atteint 3 mm (voir la sous-section Cycle vital et reproduction). La réintroduction des sous-populations dans les sources Upper Middle et Kidney a été réalisée d’après les orientations fournies dans le plan de gestion des ressources approuvé par Parcs Canada (Lepitzki et al., 2002b), l’évaluation environnementale (Lepitzki et Pacas, 2001) et les réévaluations subséquentes (Lepitzki et Pacas, 2002, 2003). Cinquante individus ont été transférés de la source Lower Middle à la source Upper Middle en novembre 2002; et 50 autres individus (25 de la source Upper Middle et 25 de la source Lower Middle) ont subséquemment été introduits à la source Kidney, en novembre 2003. Après avoir chuté à respectivement 16 et 8 individus dans les 3 et 2 semaines qui ont suivi leur réintroduction, les 2 sous-populations semblent s’être rétablies et paraissent autosuffisantes (figure 11). La sous-population de la source Basin a également été augmentée, conformément aux orientations fournies dans l’évaluation environnementale approuvée par Parcs Canada (Lepitzki, 2005) et dans le permis (BA-2005-859) délivré à D.A.W. Lepitzki en vertu de la Loi sur les espèces en péril. Lorsque le projet d’élevage de physes en captivité a pris fin, entre le 8 décembre 2005 et le 13 février 2006, 7 345 physes ont été introduites dans les tronçons supérieurs de l’exutoire de la source Basin. L’ajout de ces individus explique le pic d’abondance sans précédent enregistré au cours du dernier dénombrement de 2005 (figure 11). Comme il a déjà été mentionné, l’efficacité des mesures prises pour améliorer cet habitat et augmenter cette sous-population (voir la sous-section Adaptabilité) continue de faire l’objet d’un suivi rigoureux. 34 Figure 11. Nombre de Physella johnsoni dans chaque source thermale et dans les sept sources combinées, de janvier 1996 à mai 2007. Les sous-populations réintroduites aux sources Upper Middle et Kidney et la population augmentée à l’exutoire de la source Basin sont incluses. Les relevés de population ont été réalisés une fois par trois semaines jusqu’en août 2000, et une fois par quatre semaines par la suite. 35 Les sous-populations de la physe des fontaines de Banff subissent normalement d’importantes fluctuations annuelles, qui peuvent excéder deux ordres de grandeur. Elles atteignent leur niveau le plus bas en été, et leur niveau le plus élevé à la fin de l’hiver (figure 11). Ces fluctuations saisonnières sont exactement à l’opposé de celles observées chez d’autres espèces nord-américaines de Physidés. Par exemple, les densités maximales sont observées en août et septembre au Michigan chez le P. integra (Clampitt, 1974), et en juin et juillet au Manitoba chez le P. gyrina (Pip et Stewart, 1976). Une limitation générale de ces études découle de l’impossibilité d’échantillonner les populations de ces espèces durant toute l’année à cause de la glace en hiver. Même s’ils n’ont pas échantillonné la population de P. gyrina sous la glace dans leur zone d’étude, Sankurathri et Holmes (1976) sont parvenus à poursuivre les échantillonnages durant toute l’année dans un secteur expérimental d’un lac situé près d’Edmonton (Alberta). Ces auteurs ont constaté que même s’il se reproduisait durant toute l’année dans le secteur expérimental du lac, le P. gyrina atteignait son abondance maximale au cours de l’été. Les causes des fluctuations annuelles de la population de P. johsnoni demeurent incertaines, mais elles pourraient être liées à la disponibilité de la nourriture et/ou à la dynamique saisonnière des écosystèmes des sources thermales (Lepitzki, 2002b). Les tailles minimales et maximales de chacune des sous-populations (incluant les 2 sous-populations réintroduites) au cours des 10+ dernières années (de janvier 1996 à mai 2007) sont présentées au tableau 1. Les droites de régression linéaire de l’effectif annuel minimum, maximum et moyen de chacune des sous-populations (excluant les sous-populations réintroduites) et de toutes les sous-populations combinées (incluant les sous-populations réintroduites) de 1996 à 2005 sont présentées à la figure 12. En raison de l’ampleur des fluctuations enregistrées d’une année à l’autre, aucune de ces régressions n’était significative (P < 0,05), sauf pour la hausse significative de l’effectif annuel maximum de la sous-population de la source Lower Middle et des effectifs annuels minimum et moyen de la sous-population de la source Basin (figure 12). Lorsque les 5 sous-populations initiales sont combinées, une augmentation significative de l’effectif annuel minimum est également apparente. Des hausses hautement significatives (P≤0,005) des effectifs annuels minimum, maximum et moyen sont observées seulement après ajout des 2 sous-populations réintroduites aux 5 souspopulations initiales. 36 Figure 12. Effectif annuel minimum, maximum et moyen de chaque sous-population (à l’exception des souspopulations des sources Upper Middle et Kidney), des cinq sous-populations initiales combinées et de toutes les sous-populations, incluant les sous-populations réintroduites dans les sources Upper Middle et Kidney, de 1996 à 2005. On donne les droites de régression linéaire avec leurs intervalles de confiance à 95 %, ainsi que les coefficients de corrélation au carré et les valeurs de P pour les analyses de variance (test F). 37 Tischendorf (2003) a modélisé l’évolution des 5 sous-populations initiales en utilisant les données des dénombrements menés de 1996 à 2002 (7 ans). Les paramètres pour les modèles de population RAMAS GIS ont été extraits et estimés à partir des analyses des séries chronologiques. Mille simulations répétées ont été utilisées pour estimer les risques de disparition du pays des sous-populations et de disparition de l’espèce sur une période de 40 ans. Bien que les risques de disparition de la population augmentent en fonction du temps, fort probablement du fait d’événements stochastiques (Tischendorf, 2003), le risque de disparition pour chaque sous-population sur une période de dix ans était faible (≤ ~ 7,5 p. 100). Après 40 ans, les risques de disparition s’établissaient à environ 4 p. 100 pour la sous-population de la source Basin, et à 3 p. 100 pour la sous-population de la source Upper C&B. Toutefois, pour cette même période, les risques pour les sous-populations des sources Cave, Lower C&B et Lower Middle s’élevaient à environ 21 p. 100, environ 29 p. 100 et environ 27 p. 100, respectivement (Tischendorf, 2003). Pour les 5 sous-populations combinées, le risque de disparition était nul après 40 ans. Bien que ces estimations soient les meilleures que l’on puisse proposer au vu des connaissances actuelles de la biologie, du cycle vital et des besoins de l’espèce en matière d’habitat, bien des incertitudes persistent au sujet des paramètres démographiques de l’espèce, en particulier sa fécondité et ses taux de survie et de dispersion, ces valeurs absolues devant être interprétées avec prudence (Tischendorf, 2003). Effet d’une immigration de source externe Le fait que la physe des fontaines de Banff soit endémique à certaines sources thermales du Parc national du Canada Banff exclut toute possibilité d’immigration de source externe. FACTEURS LIMITATIFS ET MENACES Le P. johnsoni est naturellement confiné aux tronçons supérieurs de quelques sources thermales du Parc national du Canada Banff. Par conséquent, la population totale de l’espèce est très fragmentée. Chacune des sous-populations subit normalement d’importantes fluctuations annuelles qui peuvent excéder deux ordres de grandeur. La migration naturelle d’une source à l’autre est extrêmement improbable, sauf si elle est facilitée par les oiseaux (voir la sous-section Déplacements et dispersion). Les menaces naturelles et anthropiques qui pèsent sur l’espèce et son habitat, qu’elles soient liées à l’exploitation des installations à la source Upper Hot et au LHNC&B ou à d’autres activités humaines (Hu), ont été précisées dans le Programme de rétablissement et plan d’action visant la physe des fontaines de Banff (Lepitzki et Pacas, 2007) et sont énumérées au tableau 2 et examinées brièvement dans les pages qui suivent. La gravité de chaque menace pour chacune des sous-populations a été cotée selon les catégories suivantes : élevée (É), moyenne (M), faible (F). Cette évaluation a été effectuée selon les critères suivants : 38 - réalité de la menace (il a été démontré que la menace a eu, a ou devrait avoir une incidence sur la mortalité ou la survie); - ampleur de l’incidence La gravité des menaces varie d’une sous-population à l’autre. De façon générale, elles sont présentées dans le tableau par ordre décroissant de certitude et de gravité (verticalement). Tableau 2. Menaces pesant sur la physe des fontaines de Banff et son habitat à chaque source thermale dans le Parc national du Canada Banff (d’après Lepitzki et Pacas, 2007). Les menaces peuvent être naturelles (N) ou liées à l’exploitation des installations (EI) ou à d’autres activités humaines (Hu). De façon générale, les menaces sont présentées par ordre décroissant de gravité (verticalement) : élevée (É), moyenne (M), faible (F) (les critères utilisés pour l’évaluation de la gravité des menaces sont précisés dans le texte). La présence de l’abréviation « Inc. » signifie que l’ampleur de la menace considérée est inconnue, tandis que le symbole « - » signifie que la menace n’est pas présente à la source thermale. Les menaces indiquées pour les sources Upper Hot et Gord’s correspondent à celles auxquelles la physe des fontaines de Banff pourrait être exposée si elle y était réintroduite. Menace Écoulement – interruptions Écoulement – réductions/fluctuations Écoulement – réductions/fluctuations Écoulement – dérivations Écoulement – dérivations Habitat limité ou de piètre qualité Immersion et baignade Effondrement des souspopulations et reproduction consanguine Piétinement / perturbations locales Trempage des mains et des pieds Événements stochastiques Autres (récolte, prédation, compétition, extraction de l’eau par redressement des branches d’arbres au printemps) Type Upper Hot Kidney Upper Middle Lower Middle Gord’s Cave Basin Upper C&B Lower C&B N N É É É É É M É F É M É F É F É F É F EI É - - - - É É F M N EI N/EI F É M F M F M F M F M F É M F É M F F M F M M Hu N M Inc. M M M F F M F Inc. M F M F M M F M Hu M/F F F F F M/F M/F M/F F Hu M F F F F M M/F F F N Hu/N F F F F F F F F F F F F F F F F F F Interruptions, réductions, fluctuations ou dérivations de l’écoulement des sources thermales Les interruptions de l’écoulement des sources thermales représentent une menace localisée qui peut toucher plusieurs sources simultanément et avoir des conséquences graves. Il a déjà été démontré que les sources thermales du mont Sulphur se sont déjà 39 asséchées dans le passé et que de tels incidents ont été plus fréquents au cours des dix dernières années. Cette tendance devrait s’accentuer encore davantage sous l’effet des changements climatiques. Bien que l’on ignore si l’assèchement de sources thermales a mené à la disparition de certaines sous-populations depuis la découverte de l’espèce, il y a tout lieu de croire que des interruptions de l’écoulement aient eu une telle incidence. En conséquence, la gravité de cette menace est considérée comme élevée pour toutes les sous-populations. Le débit des sources fluctue normalement d’une saison à l’autre. Des physes mortes ont été observées dans des tronçons inférieurs d’exutoires qui s’étaient asséchés par suite d’une réduction du débit de la source. Comme l’ampleur des réductions et des fluctuations de débit varie d’une source à l’autre, la gravité de cette menace varie également selon les sources considérées. L’évaluation de sa gravité est fondée sur les antécédents récents et sur l’ampleur des fluctuations annuelles du débit de chaque source. L’exploitation des installations entraîne des réductions et des fluctuations de l’écoulement des sources Upper Hot et des sources du LHNC&B. Les eaux de la source Upper Hot sont détournées vers les installations de baignade, laissant bien peu d’habitat favorable pour l’espèce. Van Everdingen (1991) mentionne que les dommages écologiques causés aux sources thermales résultent non seulement de la dérivation des eaux thermales, mais aussi du rejet dans les exutoires des eaux traitées au chlore provenant des installations de natation et de baignade. Au LHNC&B, les réductions et les fluctuations du débit varient en ampleur d’une source à l’autre, mais elles atteignent leur ampleur maximale aux sources où l’écoulement à partir du point d’origine est entièrement régulé par des conduites et des vannes. L’obstruction des conduites et des vannes par des proliférations microbiennes, des débris et des déchets exacerbe les changements naturels et cause des fluctuations artificielles des niveaux d’eau. Les fluctuations du niveau de l’eau ont déjà causé la mort de physes et de capsules d’œufs aux sources Basin et Cave. Les dérivations de l’écoulement peuvent être naturelles ou résulter de l’exploitation des installations. Comme la plupart des dérivations d’origine naturelle sont observées dans les tronçons inférieurs d’exutoires (le passage d’une harde de wapitis [Cervus elaphus] a entraîné une dérivation de l’écoulement de l’exutoire de la caverne est en avril 1998), où les effectifs de la physe sont plus faibles, la gravité de cette menace est également faible. L’accumulation de tuf, la chute d’arbres, le dépôt de débris ou l’érosion peuvent également provoquer des dérivations naturelles de l’écoulement. Les dérivations liées à l’exploitation des installations surviennent aux mêmes sources où des réductions ou des fluctuations de l’écoulement résultant de l’exploitation des installations ont été observées. La cote de gravité est identique dans les deux cas. 40 Habitat limité ou de piètre qualité L’habitat favorable et préféré est naturellement limité pour cette espèce. L’exploitation des installations a entraîné une altération supplémentaire de l’habitat. Par exemple, le rejet rapide d’eau par des conduites en terrain accidenté réduit la qualité et la quantité de l’habitat favorable à l’espèce dans les exutoires. Immersion et baignade Des visiteurs en train de s’immerger ou de se baigner ont été observés à la plupart des sources thermales occupées par l’espèce. L’ampleur de cette menace varie toutefois d’une source à l’autre, principalement en fonction de l’aspect du bassin d’origine des sources. Les baigneurs peuvent écraser des physes et des capsules d’œufs en entrant dans les sources et en sortant de celles-ci. Les tapis microbiens flottants peuvent couler, s’échouer ou se fragmenter sous l’effet des perturbations engendrées par les baigneurs. Des modifications significatives (P < 0,05) touchant la limpidité et la physicochimie de l’eau et la microrépartition des physes ont été observées et mesurées (Lepitzki, 1998, 1999). Une fois délogés, les tapis microbiens peuvent obstruer les conduites et ainsi provoquer des fluctuations du niveau de l’eau. En février 2005, des milliers de physes sont mortes gelées hors de l’eau après que des tapis microbiens délogés par des baigneurs ont obstrué les conduites du bassin de la source Basin et provoqué le débordement du bassin (Lepitzki, comm. pers., 2005.). Un certain nombre de ces physes ont été conservées pour des analyses isotopiques (Londry, 2005a, b). Bien que l’hypothèse demeure à confirmer expérimentalement, on soupçonne que diverses substances chimiques comme les écrans solaires, les désodorisants et les produits insectifuges peuvent avoir des effets nocifs pour les physes et leur habitat. D’autres auteurs (Kroeger, 1988; Lee et Ackerman, 1998; Heron, 2007) ont allégué que l’ajout de substances toxiques (p. ex. savons, shampooings, huiles de bain et écrans solaires, produits insectifuges) utilisées par les baigneurs constitue une menace pour la flore et la faune des sources thermales. Bien que le nombre d’infractions associées à ces activités (interdites par le directeur du parc depuis la fermeture au public de toutes les sources à l’exception de la source Upper Hot) ait diminué depuis la mise en place de mesures d’éducation du public et de protection de l’habitat, les autorités du parc demeurent vigilantes et continuent de faire l’essai de nouveaux dispositifs de surveillance. Effondrement des sous-populations et reproduction consanguine L’effondrement annuel des sous-populations, phénomène caractéristique chez cette espèce, est une menace naturelle qui accroît le risque de disparition, en particulier chez les sous-populations qui ont affiché les plus faibles abondances au cours des 10+ dernières années (figure 11, tableau 1) (tableau 2). Ces effondrements favorisent la reproduction consanguine et le maintien d’un goulot génétique. 41 Piétinement et autres perturbations locales Des dommages dus au piétinement et d’autres perturbations locales comme l’abandon de déchets, le déplacement ou l’enlèvement de supports ou la construction de digues ont été observés au cours des dix dernières années dans toutes les sources thermales ayant déjà abrité une sous-population de l’espèce. La fréquence et l’ampleur des incidences varient en fonction de l’affluence à chacun des sites, mais des effets ont été observés à toutes les sources (tableau 2). Le piétinement de l’habitat riverain fragile et le déplacement ou l’enlèvement de supports comme des tapis microbiens, des roches et des débris ligneux flottants ou émergents peuvent entraîner l’écrasement des physes qui y adhèrent ou leur exposition au gel ou à la dessiccation. Des détritus et des pièces de monnaie, des balles de neige, des morceaux de glace, des pierres et des bouts de bois ont été trouvés dans les sources thermales (Lepitzki et al., 2002b). La présence de pièces de monnaie contenant du cuivre est particulièrement préoccupante, car le sulfate de cuivre a déjà été utilisé comme molluscicide (Swales, 1935). Même en croyant bien faire, des visiteurs peuvent causer la mort de physes et d’œufs s’ils retirent des déchets des sources thermales sans s’être assurés au préalable qu’aucune physe ou aucun œuf n’y adhère. Même si l’installation de promenades et de clôtures au LHNC&B a permis de prévenir en bonne partie ce type de dommages, des personnes continuent de circuler le long des exutoires ou à proximité des bassins d’origine, en particulier durant les week-ends et au plus fort de la saison touristique estivale (Lepitzki et al., 2002b). Autres menaces Le trempage des mains et des pieds est une pratique courante chez les visiteurs du parc, en particulier au LHNC&B (Lepitzki, 2000d; Thomlinson, 2005). D’après une étude des comportements des visiteurs effectuée en 1999 et en 2000 (Lepitzki, 2000b), 73 p. 100 des visiteurs, en moyenne, se sont trempé les mains dans la source Cave (P<0,05). Ce pourcentage était significativement plus faible aux autres sources thermales (12 p. 100, 6 p. 100 et 8 p. 100 aux sources Basin, Upper C&B et Lower C&B, respectivement). La différence pourrait être due au fait qu’à ces 3 endroits, les visiteurs doivent s’agenouiller pour atteindre l’eau. L’étude sociologique de Thomlinson (2005) a confirmé que de nombreux visiteurs se trempent les mains ou les pieds dans les sources Cave et Basin mais que bon nombre d’entre eux semblent ignorer que cette activité est interdite. Comme les baigneurs, ces personnes peuvent écraser des physes et introduire des substances toxiques dans les sources. Cette pratique représente une menace persistante, étant donné les taux d’achalandage actuels et prévus au LHNC&B. Diverses mesures additionnelles destinées à réduire les taux d’infraction et à permettre aux visiteurs de toucher aux eaux thermales sans nuire à l’espèce et à son habitat ont été proposées (Lepitzki et Pacas, 2007). Par définition, les événements stochastiques sont aléatoires et généralement imprévisibles. Toutefois, en raison du caractère fragmenté de son habitat et de l’ampleur des fluctuations annuelles qui touchent ses sous-populations, cette espèce paraît très vulnérable et pourrait connaître des pertes considérables en un seul 42 événement catastrophique imprévisible. Selon Tischendorf (2003), l’accroissement du risque de disparition de la physe des fontaines de Banff serait avant tout lié à une augmentation du nombre d’événements stochastiques. Bien que la prédation et la compétition soient des menaces naturelles avec lesquelles la physe des fontaines de Banff compose depuis fort longtemps, ces facteurs, s’ils s’exercent en synergie avec d’autres menaces, pourraient entraîner la disparition d’une population, en particulier quand les effectifs du mollusque sont à leur plus bas. De la même façon, la récolte illégale de spécimens est considérée comme une menace potentielle, même si son ampleur demeure à quantifier. Les arbres qui poussent directement à côté des exutoires représentent une autre cause naturelle de mortalité. En hiver, sous l’effet de l’accumulation de neige, les branches de ces arbres peuvent se courber et atteindre l’eau des sources thermales, où elles sont colonisées par des bactéries et des physes. Lorsque la neige fond, les branches se redressent, et les bactéries et les physes qui y adhèrent sont entraînées hors de l’eau et périssent rapidement sous l’effet du gel. Plus de 40 et 60 physes gelées ont ainsi été trouvées à 2 occasions distinctes le long des exutoires des sources Lower Middle et Basin (Lepitzki, 1998). IMPORTANCE DE L’ESPÈCE La physe des fontaines de Banff est endémique aux sources thermales du Parc national du Canada Banff. Elle a été proposée comme un indicateur de l’état des écosystèmes des sources thermales dans un rapport sur l’état du Parc national du Canada Banff (Parcs Canada, 2003), et elle est reconnue comme une espèce indicatrice de l’intégrité écologique des sources thermales (Lepitzki et Pacas, 2007). Elle est probablement également une espèce clé, c’est-à-dire une espèce dont la contribution à la structure et aux processus de la communauté est exceptionnellement importante et qui a une incidence disproportionnée sur le reste de la communauté (Meffe et Carroll, 1994). La disparition de cet important brouteur pourrait entraîner de graves perturbations au sein de l’écosystème des sources thermales. Des proliférations d’algues et de bactéries pourraient se produire, et les organismes qui dépendent potentiellement de l’infusion des déjections et des matières coquillières de la physe pourraient subir des torts irréparables. Hebert (1997) souligne que la disparition de cet important brouteur constituerait une perte de biodiversité et occasionnerait une profonde transformation de l’écosystème des sources thermales au Parc national du Canada Banff. 43 L’importance des espèces vivantes au sein du réseau des parcs nationaux du Canada et du rôle de Parcs Canada dans la conservation de la biodiversité est reconnue dans le préambule de la Loi sur les espèces en péril (Lois du Canada [2002]). Il y est mentionné que les parcs nationaux sont appelés à jouer un rôle essentiel dans l’atteinte des engagements nationaux et internationaux du Canada liés à la conservation de la biodiversité et des espèces en péril. La physe des fontaines de Banff est décrite comme une ressource culturelle au LHNC&B (Parcs Canada, 1998) et pourrait être utilisée comme outil pour sensibiliser les visiteurs à l’importance de protéger la biodiversité et les espèces en péril. À notre connaissance, les peuples autochtones ne connaissaient pas la physe des fontaines de Banff, bien qu’ils utilisaient le LHNC&B avant que l’existence des sources thermales soit révélée au monde entier en 1883 (Parcs Canada, 2006). PROTECTION ACTUELLE OU AUTRES DÉSIGNATIONS DE STATUT La physe des fontaines de Banff figure à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP) et est de ce fait protégée en vertu de cette loi (Lois du Canada, 2002). Originalement désignée « espèce menacée » par le COSEPAC en avril 1997, elle a été reclassifiée dans la catégorie de risque plus élevé « espèce en voie de disparition » en mai 2000 (COSEPAC, 2006). Comme la seule population se trouve dans le Parc national du Canada Banff, l’espèce est protégée en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. En outre, un ordre d’activité restreinte émis par le directeur du parc interdit à quiconque d’introduire, de manipuler ou de perturber toute forme de matière organique et/ou d’organismes aquatiques dans toutes les sources et exutoires du LHNC&B et dans la source Kidney. L’accès au secteur situé immédiatement autour de la source Kidney est fermé au public depuis novembre 2001. Le secteur englobant les sources Gord’s, Upper Middle et Lower Middle se trouve à l’intérieur du corridor faunique du mont Sulphur (Parcs Canada, 1997), et son accès est également fermé au public depuis 1995. L’espèce est actuellement classée G1 à l’échelle mondiale, et S1 en Alberta (NatureServe, 2006), principalement sur la base des renseignements contenus dans le rapport de situation du COSEPAC original (Lepitzki, 1997a) et du rapport sur la situation de l’espèce en Alberta (Lepitzki, 2002b). Depuis janvier 1996, le programme de recherche et de rétablissement concernant la physe des fontaines de Banff est mené selon les orientations énoncées dans le plan de gestion des ressources approuvé par Parcs Canada (Lepitzki et al., 2002b). Les orientations futures du programme sont précisées dans le Programme de rétablissement et plan d’action visant la physe des fontaines de Banff au Canada (Lepitzki et Pacas, 2007). 44 RÉSUMÉ TECHNIQUE Physella johnsoni Physe des fontaines de Banff Répartition au Canada : Alberta Banff Springs Snail Données démographiques Durée d’une génération (âge moyen des parents dans la population) Tendance et dynamique de la population Pourcentage observé de L’AUGMENTATION du nombre total d’individus matures au cours des dix dernières années. Résultats fondés sur les évaluations de régression linéaire de l’effectif annuel minimum, maximum et moyen, de 1996 à 2005 (figure 12). < 1 an Augmentation de 409 % Les 5 populations initiales : maximum de 1996 = 10 608; maximum de 2005 = 16 965 Les 7 populations : minimum de 1996 = 2 536; minimum de 2005 = 9 358 Maximum de 1996 = 6 246; maximum de 2005 = 29 908 Moyenne de 1996 = 3 746; moyenne de 2005 = 19 058 Effectif des 5 sous-populations initiales combinées, minimum : aucune tendance visible de la régression linéaire de l’effectif annuel minimum (P = 0,143); maximum : augmentation importante de la régression linéaire de l’effectif maximum annuel (P = 0,037), et une augmentation de 60 % des évaluations annuelles de régression linéaire de l’effectif maximum entre 1996 et 2005. Effectif des 5 populations initiales + les sous-populations réintroduites, minimum : augmentation de 269 %, maximum : augmentation de 379 %, moyenne : augmentation de 409 % Pourcentage estimé de la réduction du nombre total d’individus matures au cours des dix prochaines années. Pourcentage inféré de la réduction du nombre total d’individus matures au cours de toutes périodes de dix ans, au cours d’une période de temps couvrant une période antérieure et ultérieure. Déclin estimé de la tendance de l’assèchement des sources continu/augmente Est-ce que les causes du déclin sont clairement réversibles? Est-ce que les causes du déclin sont clairement comprises? Est-ce que les causes du déclin ont effectivement cessé? Tendance [observée, prévue ou inférée] du nombre de populations Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures? Des dénombrements détaillés de population ont été réalisés une fois toutes les trois semaines, de janvier 1996 à août 2000, et une fois toutes les quatre semaines par la suite. Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de populations? Nombre d’individus matures dans chaque population Population Une population et les sous-populations Minimum et maximum de 10 ans et plus (de janvier 1996 à mai 2007), dénombrements totaux, principalement des individus matures (tableau 1) Kidney (réintroduite en novembre 2003) Upper Middle (réintroduite en novembre 2002) 45 Sans objet Sans objet Sans objet Sans objet Sans objet Stable Oui Oui Nbre d’individus matures 8 – 8 852 16 – 16 247 Lower Middle Cave Basin Upper C&B Lower C&B Total 30 – 4 221 474 – 5 657 162 – 10 242 147 – 3 268 43 – 4 619 Information sur la répartition Superficie estimée de la zone d’occurrence (km2) En 2006; historique : 0,345 km2; 1996 : 0,0326 km2. Voir à la page 16 pour obtenir plus de détails sur la provenance de ces données. Historique : Les données de 1926 excluent les sites de l’hôtel Banff Springs et de Vermilion Cool; les données de 1996 incluent les 5 souspopulations existantes; les données de 2006 incluent les 5 souspopulations existantes et les 2 sous-populations réintroduites. Tendance [observée, prévue ou inférée] dans la zone d’occurrence De 1996 à 2006, 443 %; déclin historique de 91 % en 1996. Augmentation au cours des 10 dernières années en raison de la réintroduction de 2 sous-populations. Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occurrence? Fluctuations extrêmes possibles en raison de la disparition du pays et de la réintroduction par l’humain des sous-populations existantes. Superficie estimée de la zone d’occupation (km2) Zone d’occupation calculée par Alain Filion, Secrétariat du COSEPAC, en avril 2008 Zone d’occupation biologique, fondée sur la superficie bidimensionnelle de tous les microsites (voir le tableau 1) : 0,0006 km² Tendance [observée, prévue ou inférée] dans la zone d’occupation Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occupation? Fluctuations extrêmes possibles en raison de la disparition du pays et de la réintroduction par l’humain des sous-populations existantes. La population totale est-elle très fragmentée? Nombre d’emplacements actuels Tendance du nombre d’emplacements Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’emplacements? Tendance observée de l’aire ou l’étendue et de la qualité de l’habitat La tendance de l’assèchement des sources diminue la qualité de l’habitat et lui nuit. Une protection additionnelle sous forme de fermetures par les directeurs de parcs, de pose de clôtures, de dispositifs de surveillance électronique et d’avis aux visiteurs a amélioré la qualité générale de l’habitat depuis 1996. 46 0,177 km² Augmentation Oui 5 km2 (grille de 1 sur 1 km) Stable Oui Oui 3 Augmentation Non En déclin Analyse quantitative Modélisation des populations à l’aide du système d'information géographique (SIG) RAMAS réalisée par Tischendorf (2003) et effectuée en utilisant les données démographiques sur une période de 7 ans (de 1996 à 2002) pour les sous-populations séparées et toutes les souspopulations combinées; les sous-populations n'ont pas encore été réintroduites à Upper Middle et à Kidney, et elles ne sont donc pas incluses dans les analyses. Possibilité de disparition du pays de la population et de disparition de l'espèce sur une période de 40 ans estimée à l’aide de mille simulations. Le pourcentage des probabilités de disparition du pays/disparition de l’espèce se situe à la fin de la période de 40 ans. Lower Middle : 27 % Cave : 21 % Basin : 4 % Upper C&B : 3 % Lower C&B : 29 % Les 5 populations combinées : 0 % [0 % de probabilité de disparition du pays dans 40 ans] Menaces (réelles ou imminentes pour les populations ou les habitats) Les menaces ci-dessous (tableau 2 et FACTEURS LIMITATIFS ET MENACES) ont été établies en ordre de certitude et de gravité (ordre décroissant) et sont présentes naturellement (N) ou sont liées à l'exploitation des installations (EI) ou à d'autres activités humaines (Hu): 1. Interruptions de l’écoulement des sources thermales (N) 2. Réductions/Fluctuations de l’écoulement des sources thermales (N et EI) 3. Dérivations de l’écoulement des sources thermales (N, EI) 4. Habitat limité ou de piètre qualité (N, EI) 5. Immersion et baignade (Hu) 6. Effondrement des populations et reproduction consanguine (N) 7. Piétinement et perturbations locales (Hu) 8. Trempage des mains et des pieds (Hu) 9. Événements stochastiques (N) 10. Autres menaces (prédation, compétition, récolte, extraction de l’eau par redressement des branches d’arbres au printemps) (Hu, N) Immigration de source externe L’espèce existe-t-elle ailleurs (au Canada ou à l’extérieur)? Sans objet : L’espèce est endémique aux sources thermales du Parc national du Canada Banff en Alberta. Une immigration a-t-elle été constatée ou est-elle possible? Sans objet Des individus immigrants seraient-ils adaptés pour survivre au Canada? Sans objet Y a-t-il suffisamment d’habitat disponible au Canada pour les individus Sans objet immigrants? La possibilité d’une immigration de populations externes existe-t-elle? Non Statut existant COSEPAC : Menacée (avril 1997) COSEPAC : En voie de disparition (mai 2000) COSEPAC : En voie de disparition (avril 2008) Statut mondial : G1 Statut en Alberta : S1 47 Statut et justification de la désignation Statut : Code alphanumérique : En voie de disparition B1ac(iv)+2ac(iv) Justification de la désignation : Il s’agit d’une espèce endémique canadienne dont l’aire de répartition est entièrement située dans les cours supérieurs de moins de cinq sources thermales du parc national Banff, en Alberta. Ces sources ne comprennent qu’une seule population, ce qui rend celle-ci très vulnérable à un événement catastrophique. L’espèce, dont la durée de vie est courte, subit des fluctuations naturelles annuelles de plus de deux ordres de grandeur. Toutes les sources thermales occupées actuellement ou historiquement par l’espèce ont été touchées par l’exploitation de nature anthropique. Cette espèce est associée à un habitat très spécifique et nécessite un approvisionnement stable en eau chaude de source thermale contenant une forte concentration de minéraux dissous ainsi qu’une communauté microbienne complexe qui lui fournit de la nourriture et un habitat. L’espèce et son habitat sont actuellement protégés contre la perturbation et la destruction en vertu de la Loi sur les espèces en péril et de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, mais des activités illégales, telles que la baignade dans les eaux thermales, qui risquent d’écraser l’espèce et les œufs et de perturber l’habitat, ont toujours lieu. On estime que l’augmentation de la fréquence de l’assèchement des sources thermales attribuable aux changements climatiques, observée au cours de la dernière décennie, constitue une menace importante à la survie de l’espèce. Cependant, l’espèce fait l’objet d’un suivi rigoureux par Parcs Canada. Applicabilité des critères Critère A : Sans objet. Aucun signe n’indique actuellement que la population est en déclin ou subira un déclin au cours des dix prochaines années. Critère B : Correspond au critère B1ac(iv)+2ac(iv) 1 : zone d’occurrence = 0,177 km² (< 5 000 km²) – En voie de disparition 2 : zone d’occupation = 0,0006 km² (< 500 km²) – En voie de disparition a : Population gravement fragmentée et présente à 3 emplacements (< ou = 5, en voie de disparition), c(iv) : fluctuations extrêmes du nombre d’individus. Critère C : Sans objet. Le nombre d'individus, en grande partie matures, varie annuellement (de 1 561 à 33 915), mais la population, dans son ensemble, n'a connu aucun déclin. Critère D : Correspond au critère de la catégorie « menacée », D2. L’espèce a une zone d’occupation très restreinte (5 km²), dont 3 emplacements forment 1 population; elle est une spécialiste de l’habitat qui requiert la régularisation de l’eau par géothermie, de fortes concentrations de minéraux dissous ainsi qu’une communauté microbienne complexe. L’étendue de la population est limitée et exposée aux effets de l’activité humaine ou des événements stochastiques à l’intérieur d’une très courte période. Critère E : Une analyse quantitative a été effectuée et la probabilité de disparition de l'espèce de la nature au cours des 40 prochaines années (fondée sur les 5 emplacements initiaux) est de zéro. La probabilité de disparition de chacune des sous-populations est plus élevée : sources de Lower Middle 27 %, Cave 21 %, Basin 4 %, Upper Cave and Basin 3 %, Lower Cave and Basin 29 %. 48 REMERCIEMENTS ET EXPERTS CONTACTÉS Nous tenons à souligner l’excellent travail accompli sur le terrain par Brenda Lepitzki au cours de la collecte des données qui ont servi de fondement au présent rapport. La mise en œuvre et l’exécution du programme de recherche et de rétablissement concernant la physe des fontaines de Banff depuis 1996 ont été rendues possibles grâce au soutien financier de Parcs Canada (section des écosystèmes aquatiques du Parc national du Canada Banff et Unité d’entreprise des sources thermales), du Fonds des mesures de rétablissement et d’éducation pour les espèces en péril de Parcs Canada (programme financé dans le cadre de la Stratégie nationale de protection des espèces en péril), du Fonds de rétablissement des espèces en péril (parrainé par le Fonds mondial pour la nature Canada, le Service canadien de la faune et le Programme des partenariats du millénaire du Canada), des Amis du Parc national du Canada Banff et du club des naturalistes de la vallée de la Bow (Bow Valley Naturalists). Dave Dalman, Dave Hunter et Joanne Cairns ont joué un rôle important dans la mise en œuvre en 1996 du projet de recherche sur la physe des fontaines de Banff, qui se poursuit depuis sous la direction de Charlie Pacas, spécialiste des écosystèmes aquatiques au Parc national du Canada Banff et président de l’équipe de rétablissement de la physe des fontaines de Banff. L’aide et la participation aux mesures de rétablissement de la physe des fontaines de Banff des employés de soutien de Parcs Canada, du personnel affecté à la protection, des spécialistes en communication, d’autres membres de l’équipe de rétablissement de la physe des fontaines de Banff et des employés du lieu historique national Cave and Basin (LHNC&B) ont été très appréciées. Une liste exhaustive des spécialistes consultés est présentée dans le rapport de situation du COSEPAC original (Lepitzki, 1997a). À cette liste, il convient d’ajouter le nom des personnes suivantes, qui ont été consultées plus récemment durant l’élaboration de la présente mise à jour du rapport de situation : Wayne Nordstrom (Centre d’information sur le patrimoine naturel de l’Alberta, Edmonton), Dave Poll (coordonnateur, espèces en péril, Parcs Canada, Centre de services de l’Ouest et du Nord, Calgary, [retraité]), Kent Prior, Ph.D. (Parcs Canada, conseiller principal, habitat essentiel, Ottawa), Lindsay Rodger (Parcs Canada, conseiller principal, rétablissement, Ottawa), Amy Wethington, Ph.D. (professeure adjointe, biologie, Chowan College, Murfreesboro [Caroline du Nord, É.-U.]), Rob Dillon Jr., Ph.D. (professeur adjoint, département de biologie, College of Charleston, Charleston [Caroline du Sud, É.-U.]), Joe Carney, Ph.D. (professeur adjoint, biologie, Lakehead University, Thunder Bay [Ontario]), et membre du Sous-comité de spécialistes des mollusques du COSEPAC), Gerry Mackie, Ph.D. (professeur émérite, biologie intégrative, University of Guelph, Guelph [Ontario]), et ancien coprésident du Sous-comité de spécialistes des mollusques du COSEPAC), et plusieurs auteurs de communications personnelles mentionnées ci-après. 49 SOURCES D’INFORMATION Acorn, J. 2004. 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Dans le cadre de ses recherches de doctorat, qui portaient sur l’épizootiologie et la transmission des métacercaires vivant dans les mollusques des digéniens parasites des canards Cyathocotyle bushiensis et Sphaeridiotrema globulus, il a travaillé sur les communautés de gastéropodes aquatiques du sud du Québec et du sud-est de l’Ontario. Ses travaux de premier cycle portaient sur le rôle joué par les escargots et les limaces terrestres comme hôtes intermédiaires des parasites des ongulés. Depuis 1996, il agit à titre de chercheur principal dans le cadre du programme de recherche et de rétablissement de Parcs Canada visant la physe des fontaines de Banff. En 1997, il a rédigé le premier rapport de situation du COSEPAC sur la physe des fontaines de Banff au Canada et, en 2002, le rapport de situation sur cette même espèce pour l’Alberta. En 2001, il a attribué des cotes provisoires à toutes les espèces de gastéropodes terrestres et aquatiques d’Alberta. Membre fondateur de l’équipe de rétablissement de la physe des fontaines de Banff, il est le premier auteur du plan de gestion des ressources pour le rétablissement de la physe des fontaines de Banff dans le Parc national du Canada Banff (2002) et du Programme de rétablissement et plan d’action visant la physe des fontaines de Banff au Canada (2007). Il est l’auteur ou le co-auteur de plus de 15 articles publiés révisés par les pairs et de plus de 40 rapprts internes (incluant des évaluations environnementales), et il a présenté les résultats de ses recherches dans le cadre de plus d’une trentaine de conférences régionales, nationales et internationales, de Victoria (Colombie-Britannique) à Liverpool (Angleterre). En 2005, il s’est joint au Sous-comité de spécialistes des mollusques du COSEPAC. 58 COLLECTIONS EXAMINÉES Une liste exhaustive des musées dont les collections ont été consultées ou qui ont gracieusement accepté de prêter des spécimens est présentée dans le rapport de situation du COSEPAC original (Lepitzki, 1997a). À cette liste, il convient d’ajouter Gary Rosenberg (Academy of Natural Sciences, Philadelphie [Pennsylvanie]) et J.B. Burch (University of Michigan). 59