Hector Berlioz
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Hector Berlioz
Hector Berlioz (La Côte–Saint–André Isère, 1803—Paris, 1869) Vie erlioz commence ses études dans son pays natal à l’âge de 12 ans en s’intéresssant immédiatement à la composition. Il s’établit à Paris en 1822 pour faire des études de médecine qu’il néglige et abandonne en 1826 pour entrer au Conservatoire où il étudie avec Lesueur et Reicha. Lesueur (1760–1837) avait été, avant la révolution, maître de chapelle à Notre Dame et dès 1804 à la cour de Napoléon. Parmi ses élèves au Conservatoire, outre Berlioz, il faut mentionner Gounod et Ambroise Thomas. Dans sa musique, surtout d’époque révolutionnaire, il développe un style grandiose avec de nombreux effets de masse et qui aura une influence notable sur Berlioz. Son activité d’écrivain et journaliste musical commence en 1823. En 1830 il obtient le Prix de Rome (séjour à Rome en 1831–32). À son retour, il épouse l’actrice irlandaise Harriett Smithson dont il était tombé amoureux cinq ans auparavant. Ce mariage fut malheureux et il se remariera après la mort de sa première épouse avec la cantatrice Maria Recio. Dans les années successives il développe ses activités musicales en suscitant l’estime de Liszt, Wagner et Paganini, qui le considérait comme la réincarnation de Beethoven. En 1839 il devient le conservateur de la Bibliothèque du Conservatoire et en 1842 il entreprend des tournées à l’étranger qui contribuèrent à répandre en Europe sa renommée en tant que compositeur (non sans la contribution de Liszt). B Carrière et contexte cette époque, le monde musical français était conditinné par des conventions stylistiques très fortes. Berlioz se démarque de cette tendance grâce à sa conception supérieure de la musique, qui n’est pas sans rappeler celle de Wagner par le désir d’unifier tous les arts en un seul. Il fut mieux compris à l’étranger qu’en France. En 1835 Schumann rédige son célèbre commentaire de la Symphonie Fantastique (d’après la version de Liszt) et son influence fut durable en Russie, où ses tournées lui avaient valu l’appréciation du public et des musiciens. Dans sa musique, Berlioz puise amplement dans l’inspiration littéraire, qui lui permet de remodeler les formes traditionnelles, créant sa renommée de musicien éversif, image qu’il cultivait lui–même dans ses articles de journal et dans ses essays. Les influences qu’il a subies sont hétérogènes: on y retrouve des traces de Gluck (dont il recopie les œuvres à la Bibliothèque Nationale), Spontini, Weber (dont il réalise la version française du Freischütz, sous le titre de Robin des bois) et Beethoven (ses compositeurs préférés). Chez Meyerbeer, il apprécie surtout l’orchestration et l’harmonie. Au point de vue littéraire, le mélange d’art et d’autobiographie, le goût du grotesque et la nostalgie classiciste pour l’Énéïde de Virgile (dont il tirera sa cantate pour le Prix de Rome et un’immense Tragédie Lyrique) correspondent aux tendences de ce groupe de poètes que les critiques définissaient «les phrénétiques» (Gérard de À Nerval, Théophile Gauthier, le jeune Victor Hugo), tous animés de sentiments visionnaires associés à l’initiation occulte. La passion de Berlioz pour Shakespeare est indicative de cette esthétique, vu le fait qu’elle commence lors des représentations parisiennes de 1828 par la compagnie théâtrale anglaise dont faisait partie sa future épouse, et qui étaient données en anglais, langue que Berlioz ne comprenait pas. Le plaisir qu’il éprouvait lors de telles représentations était donc tout intérieur, dans l’imaginaire, alimenté par la vue et le son pur d’une langue incompréhensible. Les relations entre littérature et musique furent essentielles pour le développement de la poétique de Berlioz. Sous l’apparence échevelée et agitée propre au caractère du compositeur, il adopte les principes de calcul propres à la poésie, tels qu’ils sont exposées par Poe et repris par Baudelaire. La position de Berlioz le porte à dépasser la logique de l’évolution stylistique, puisque chez lui la théorie esthétique prime sur toute autre considération. Il met en œuvre des mécanismes rationnels pour mettre en forme l’inspiration irrationnelle. Son caractère d’autodidacte virtuel se manifeste dans l’indifférence avec laquelle il se sert des traditions musicales à ses fins, sans s’inscrire dans aucune de ces traditions, et ce dès le commencement de sa carrière. Pour lui, tout pouvait servir à ses fins. Ainsi, parmi les paramètres musicaux, à savoir : mélodie, harmonie, rythme, timbre et attaque, ces deux derniers prennent la première place. C’est ainsi qu’avec Berlioz prend forme la technique moderne de l’orchestration, codifiée dans son Grand traité d’instrumentation et d’orchestration modernes (1844). Son œuvre a Symphonie Fantastique date de 1830. Dans cet ouvrage, le symphonisme de dérivation beethovénienne est alimenté par la dissociation de la personnalité par la passion et la drogue. La première version du programme avait été publiée sur Le Figaro en 1029 et contient des références à la passion pour l’actrice Smith et aux Confessions d’un opiomane publiées en 1821 par l’anglais Thomas de Quincey (1785–1859). La Symphonie est comme un drame, traversé par l’idée fixe symbolisant l’éternel féminin. Le premier mouvement, Rêveries et passions, suit le schéma d’un mouvement de sonate et est suivi de deux mouvements (un bal et Scène aux champs) à l’aspect serein, mais trop serain, comme une sorte d’ironie. Viennent ensuite la Marche au supplice et le Songe d’une nuit de sabbat où l’idée fixe revient entièrement déformée. Le langage formel de la symphonie lie ensemble de nombreux éléments issus de références culturelles diverses (comme anticipation de l’esthétique du décadentisme): la représentation dramatique, la musique de salon, le romantisme (scène aux champs), la marche révolutionnaire napoléonienne, la fugue classique revisitée dans le Dies iræ avec sa référence à la liturgie catholique et au moyen âge. Lors des représentations de 1832 la Symphonie fut complétée, sous le titre de Épisode de la vie d’un artiste, par le mélodrame Lélio, ou le retour à la vie. Le mélodrame comprend de nombreux morceaux de son répertoire, dont une Fantaisie sur la «Tempête», inspiré de Shakespeare, et faisant référence à la pianiste Camille Moke, à cause de laquelle Berlioz fut au bord du suicide. Pendant la période romaine, Berlioz compose plusieurs ouvertures, faisant référence à Byron, Shakespeare et Walter Scott. Un autre produit du séjour italien est Harold en Italie, avec alto concertant, encore inspiré de Byron. La structure en est analogue à celle de la Fantastique : un premier mouvement plutôt traditionnel, suivi de L morceaux de couleur, une marche, une sérénade avec cor anglais, le retour des thèmes des trois premiers mouvements dans le dernier et l’usage du thème de Harold comme une sorte d’«idée fixe» qui traverse toute l’œuvre. La dernière grande composition symphonique de Berlioz est la Grande symphonie funèbre et triomphale (1840), composée à l’occasion de la translation des victimes de la révolution de 1830. L’œuvre est monumentale, l’orchestration est à base d’instruments d’harmonie, avec des cordes ad libitum et un choeur, et était destinée à l’exécution en plein–air. L Grande messe des morts (1837) et le Te Deum (1855) appartiennent au même genre monumental. Cet aspect les rend inaptes à la liturgie, sinon à une liturgie laïque de type révolutionnaire et en ce sens anticipent sur le Requiem de Verdi. Pour la Messe des morts, Berlioz prévoyait entre quatrecent et huitcent choristes accompagnés d’un orchestre géant comprenant quelques 20 trompettes, 16 trombonnes, 6 ophicléïdes, 16 timbales, quatres gong, deux tambours, etc… Lors de la création, aux Invalides, l’orchestre fut divisé en cinq parties, disposées aux quatre coins et au centre de l’église. Les rapports de Berlioz avec le théâtre ont été plutôt agités. Son Benvenuto Cellini fit un fiasco en 1838, et le compositeur par la suite se tourna vers des genres plus libres, tels la symphonie dramatique Roméo et Juliette (1839), où les parties chantées sont celles du récit, la légende dramatique La damnation de Faust ( 1846), la trilogie sacrée L’enfance du Christ (1854) d’inspiration préraphaélite, et enfin la Tragédie Lyrique Les Troyens à Carthage (première représentation sous forme d’oratorio en 1863) qui ne fut représentée dans son intégralité qu’en 1899. Le dernier ouvrage théâtral fut un opéra–comique : Béatrice et Bénédict (1862). Avec l’opéra, Berlioz se trouvait face à un monde hautement stylisé, qui ne lui laissait pas la liberté de développer son art étérogène. Sa vocation dramatique trouva ainsi une issue dans des genres divers, parfois originaux (symphonies dramatiques) parfois hérités du passé (cantates pour le Prix de Rome, oratorios, tragédie lyrique). Signalons enfin, dans le domaine de la musique vocale, les belles mélodies de Berlioz : Neuf mélodies irlandaises (1830), les Nuits d’été (1834) sur des textes de Théophile Gautier.