enquête sur une institution rennaise

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enquête sur une institution rennaise
COMMERCES EN CENTRE-VILLE
RÉSISTER POUR ÉVOLUER
BROCÉLIANDE
À LA DÉCOUVERTE
DES RUINES DE
L’AÉRODROME
NAZI
TOUR D’HORIZON DES ENJEUX ET DES
NOUVEAUTÉS DU PREMIER CENTRE
COMMERCIAL DE BRETAGNE
lemensuel.com
Numéro 75 / Décembre 2015/ 4,40€/
Jean-Paul
Le Tensorer
Portrait
du patron
de la police
judiciaire
R 28039 - 075 F : 4,4 €
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ENQUÊTE SUR
UNE INSTITUTION RENNAISE
NUMÉ
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LE MENSUEL
DE RENNES
1 quai Lamennais, 35000 Rennes
Tél : 02 99 79 04 65 - Fax : 02 99 79 04 48
Courriel : [email protected]
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Sur les réseaux sociaux :
Facebook : Mensuel de Rennes
Twitter : @MensueldeRennes
DIRECTION
Directeur de la publication
Killian Tribouillard
Directeur artistique
Thomas Dubois
Rédacteur en chef photo
Romain Joly
Rédacteur en chef délégué
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RÉDACTION
Chef de rédaction
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Journalistes
Claire Staes, Julien Joly
Photographe
Adrien Duquesnel
Graphistes
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Secrétaire de rédaction
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Relecture
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Dessinateur
Morvandiau
Ont participé à cette édition
Olivier Marie, Aurore Kroll, Solenne Durox,
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PUBLICITÉ
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Le Mensuel Abonnement – 89 bd de la Paix
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RH & ADMINISTRATION
SPO - 89 bd de la Paix 56000 Vannes
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IMPRESSION
Etic Graphic, Laval – Imprimé sur du papier PFEC
DIFFUSION
Dépôt central de presse
A. Duquesnel
Dépôt légal : à parution ISSN : 2101-8936
Commission paritaire : 0516 I 89863
Le Mensuel de Rennes est édité par SPO, SAS au
capital social de 100 000 € en formation, Siège
social : 7 voie d’accès au Port, 29600 Morlaix – 02 97
47 84 74 – RCS en cours – APE : 5814Z.
Toute reproduction, intégrale ou partielle, est
strictement interdite sans autorisation de l’éditeur.
© 2015 SPO SAS
SOMMAIRE
B
DÉCEM15
20
26
AGORA
06. VOS PHOTOS
08. VOS DÉBATS
L'ACTU
10. ÇA S’EST PASSÉ LE...
14. BRUZ
Multiplexe : les raisons
d’une annulation
15. RENNES / ATTENTATS
15
L’après 13 novembre, bien
différent de « l’après Charlie »
16. LYCÉE DE COËTLOGON
1er bilan d’un an
sous vidéosurveillance
18. AUTO OMNIA
Le projet de restaurants annulé
19. BRÉAL-SOUS-MONTFORT
Guéguerre chez les libertins
20. ATTENTATS
Trans musicales : un plan
sécurité à 60 000 €
22. PENDANT CE TEMPS-LÀ...
AU TRIBUNAL
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À CHARTRES
-DEBRETAGNE
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
3
42
57
ABONNEZ-VOUS
LE MAG
RENDEZ-VOUS P. 09 & P.35 OU SUR
LEMENSUEL.COM/BOUTIQUE
26. COMMERCES
EN CENTRE-VILLE
RÉSISTER POUR ÉVOLUER
36. JEAN-PAUL LE TENSORER
Le « Patron »
42. EN COUV : CERCLE PAUL BERT
EN SUPPLÉMENT
POUR NOS ABONNÉS
Enquête sur une institution rennaise
48. BROCÉLIANDE
De l’air à la poussière
54. CINÉMA
Séries B comme Breizh
MON RENNES
Un Hiver à Rennes #1
Le guide incontournable
pour profiter à fond
de votre région !
60. GUY PAPE
« Rennes est une ville
qui entreprend »
36
62. TENDANCE CULINAIRE
Le comptoir des paysans
56
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CASHLESS PO
VEULENT
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PLUS DE VOTR
LA POÉSIE
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SUR TABLE
JOUE CARTES
4 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
A. Duquesnel / F. Tijou
CULTURAMAQUOI
AGORA
vosphotos.lemensuel.com
VOS PHOTOS
Pêche à pied
par Frédéric Scheiber
Frédéric nous propose une vision décalée du marché des
Lices de Rennes. Posant son regard sur les reflets d’une
flaque d’eau dans les allées des poissonniers, sa photographie nous dévoile l’activité des étals. Inversant les
éléments, il crée une illusion d’optique dans la lecture de
son cliché. Seuls les pieds des personnages sont en visée
directe tandis que leurs silhouettes à l’envers se superposent dans les pavés.
Déposez vos images sur
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Créé en octobre 2011 pour vous permettre de publier vos photographies, le photoblog du Mensuel accueille toutes les images.
Lieu d’échanges et de débats, il est aussi ouvert à vos commentaires. Seules exigences : un peu d’imagination et d’ambition
esthétique. Chaque mois, la rédaction sélectionne une photographie et la publie en rubrique Agora du magazine. Retrouvez toutes
les infos sur vosphotos.lemensuel.com ou sur le site internet du magazine lemensuel.com.
6 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
AGORA
Toute l'actu de Rennes et sa région
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SATISFACTION
COMMUNIQUE
Le Mensuel de Rennes
rejoint le groupe
Télégramme
Le 18 novembre, le tribunal de commerce de Rennes a accepté la proposition de reprise,
par le Télégramme, des magazines édités par Scrib. Voici le communiqué du groupe de
presse breton.
Mercredi 18 novembre, le tribunal de commerce de Vannes a accepté la proposition de reprise, par
le groupe Télégramme, du Mensuel de Rennes et du Mensuel du Golfe du Morbihan, ainsi que du
Journal des propriétaires de la baie de Quiberon et leur gamme de suppléments.
Créés à Vannes en 2004, puis à Rennes en 2009, les deux mensuels avaient été placés en redressement judiciaire en juillet dernier, confrontés à des difficultés de trésorerie. Ils emploient au total quatorze salariés à Vannes, où est édité Le Mensuel du Golfe du Morbihan (tirage : 6 000 exemplaires),
et à Rennes, où Le Mensuel de Rennes est diffusé à 9 000 exemplaires. Scrib édite également
chaque année une quinzaine de suppléments thématiques locaux par an.
L’offre de reprise par le groupe Télégramme se caractérise par la poursuite de l’activité des deux
mensuels. Leur ligne éditoriale sera conservée et la pérennité des emplois sauvegardée. Killian
Tribouillard continuera à diriger les différentes publications.
RÉACTIONS
« Je vais me dépêcher
de me réabonner »
FOX-BOY FAIT
LA UNE DU MENSUEL
DE RENNES !
En six ans, Le
Mensuel de Rennes
est un journal indépendant qui s’est
imposé comme
LE magazine de
la ville. C’est donc
un sacré honneur d’y retrouver Fox-Boy en
couverture du
numéro de novembre,
pour illustrer un dossier sur la
représentation de Rennes dans les
arts (littérature, peinture, musique,
ciné, photo, BD, musique...)
LAURENT LEFEUVRE
ÉCRIVEZ-NOUS
Le Mensuel de Rennes
1, quai Lamennais, 35000 Rennes
Tél : 02 99 79 04 65
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RÉAGISSEZ
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Vous avez été nombreux à commenter la reprise du Mensuel par le groupe Télégramme.
Nous vous livrons ici un florilège de ces témoignages. Nous en profitons pour vous
remercier pour le soutien témoigné durant toute cette période compliquée !
Dans un bon journal auquel je suis abonné j’apprends aujourd’hui
une nouvelle rassurante au sujet du Mensuel. Rassurante oui, car je
crois que Le Télégramme est un bon partenaire, solide et honnête
qui vous respectera tant que vous serez viables.
Alors je vous souhaite bon vent et... je vais me dépêcher de me
réabonner !
Salut à toute l’équipe
JEAN P.
J’ai vu que Le Mensuel était racheté par Le Télégramme. Après plusieurs années d’indépendance, c’est sans doute un nouveau virage
mais aussi une opportunité (…). Je souhaite à tout le monde bonne
chance dans cette nouvelle aventure.
ANNE-EDITH P.
Longue et belle continuation de vie au Mensuel ! Vive le pluralisme,
si utile à notre belle région !
PAUL C.
8 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
Ouf ! Vous nous avez fait bien peur ! Vivement le prochain numéro !
CÉLINE M.
Pas de changement je l’espère dans la ligne mais cependant cette
superbe nouvelle tombe bien, après cet été et la (...) possible disparition du Mensuel.
GETDON LE ROUX
J’me souviens encore de mon stage de licence en 2008. J’en garde
un excellent souvenir. Bon vent à vous !
NOLE
L’excellent travail journalistique du @MensueldeRennes et du
@MensuelduGolfe va pouvoir continuer !
OLIVIER PÉROU @OLIVIERPEROU
@MensueldeRennes et @MensuelduGolfe, magnifique aventure de
presse portée par une belle équipe, et qui doit vivre !
OLIVIER SIOU @OLIVIERSIOU1
ÇA S’EST PASSÉ LE...
10 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
Toute l’actualité de Rennes et sa région
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SAMEDI 14.11
LE CHOC
A. Duquesnel
RENNES. Vendredi 13 au soir, six attaques
terroristes ont frappé le centre de Paris et SaintDenis, faisant 130 morts et plus de 300 blessés.
Malgré les mises en garde des forces publiques,
qui craignaient d’autres violences, une centaine
de Rennais se recueillent samedi soir, devant la
mairie. Certains répriment un sursaut quand une
voiture passe en trombe dans la rue adjacente.
Les bougies crépitent dans l’air humide, rempart
frémissant contre la nuit qui tombe. Devant la
niche de l’Hôtel de ville où s’enroule un drapeau
en berne, l’odeur de la paraffine rappelle les
deuils de janvier 2015. Sur un bout de papier
déposé parmi tant d’autres, une main anonyme
a écrit : « Même pas peur. »
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
11
ÇA S’EST PASSÉ LE...
MERCREDI 11.11
CHRISTIANE TAUBIRA
ACCUEILLIE PAR DES
PRO-MIGRANTS
RENNES. La ministre de la Justice, Christiane
Taubira, est invitée à la halle Martenot de
Rennes pour les 90 ans de la Ligue de l’enseignement. A son arrivée, elle est attendue par
une centaine de personnes qui manifestent
en soutien aux migrants. Aucun débordement
n’est à déplorer. Le collectif Si on s’alliait était
également présent dans la salle pour tenter
d’obtenir un rendez-vous avec la préfecture.
Mission réussie.
SAMEDI 14.11
FERMETURE DU
PASSAGE À NIVEAU :
LES HABITANTS
PROTESTENT
12 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
SAMEDI 20.11
YAOUANK RASSEMBLE LA
BRETAGNE AU PARC EXPO
BRUZ. Le plancher du Parc expo vibre sous
les pas des danseurs venus clôturer la 17e
édition de Yaouank. Cette année encore,
le festival dédié aux musiques bretonnes
accueille des pointures venues de toute la
Bretagne, de 17 h à 5 h du matin : Startijenn,
Plantec, IMG… Comme en 2014, Yaouank
s’agrandit et met en place une scène dédiée
aux artistes émergents. Durant les semaines
précédentes, le festival a investi d’autres lieux
culturels de Rennes comme le 4 Bis. De quoi
fêter dignement les trois ans de l’inscription
du fest-noz au patrimoine culturel immatériel
par l’Unesco.
A. Duquesnel / J. Joly / C. Staes
SAINT-MEDARD-SUR-ILLE. Plus de
300 personnes manifestent contre la
fermeture du passage à niveau décidée
par le préfet. En octobre 2011, un accident
entre un poids lourd et un TER y avait fait
trois morts. Les opposants contestent une
décision prise « sans concertation », qui
couperait la commune en deux et « intensifierait le trafic routier près des écoles ».
Toute l’actualité de Rennes et sa région
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VENDREDI 13.11
GARDAREM SAINT-MARTIN RENNES. Vers 9 h, le face à face entre les policiers et une trentaine de jeunes n’aura duré que
quelques minutes. Quand la police, en sous-nombre, menace d’embarquer tout le monde au
commissariat pour vérifier les identités, les membres du collectif Prairies libres partent prendre
leur petit-déjeuner plus loin. « Nous manifestons contre ce projet de parc urbain qui démarre
en catimini », explique Paul, un manifestant. Commencé il y a une dizaine de jours, l’abattage
des arbres dans les prairies Saint-Martin a été stoppé il y a une semaine suite à des dégradations sur le chantier. Les travaux du parc urbain (29,4 ha) démarreront pleinement en 2016.
DIMANCHE 15.11
LA BARRE-THOMAS SE TRANSFORME
RENNES. La première pierre d’une nouvelle usine Cooper standard est posée à Rennes, sur
le site historique de la Barre-Thomas. La construction de ce bâtiment de 12 000 m² intervient
dans un contexte de réorganisation du site. Un plan social attendu pour janvier prévoit 66
départs volontaires et le transfert de 264 postes à Vitré. Cet investissement est notamment
financé par la vente d’une partie du site existant. Spécialisé dans les systèmes antivibratoires,
le nouvel outil de production devrait entrer en service en 2016 et emploiera 450 salariés.
VENDREDI 13.11
LES MÉDECINS
LIBÉRAUX
MANIFESTENT
RENNES. Dès 10 h, une centaine de
médecins répondent à l’appel à la grève
des syndicats pour dénoncer le projet de
loi santé de la ministre Marisol Touraine. Un
« black Friday » marqué par une opération escargot sur la rocade, tout comme à
Reims et à Brest. Les médecins manifestent
ensuite devant la caisse primaire d’assurance-maladie, cours des Alliés. Le projet de
loi santé prévoit notamment la généralisation du tiers-payant.
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
13
L'ACTU
Toute l’actualité de Rennes et sa région
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BRUZ
MULTIPLEXE : LES RAISONS
D’UNE ANNULATION
C’était un projet qui devait augmenter l’offre cinéma autour de Rennes.
A Bruz, CGR voulait ouvrir un multiplexe en 2016. Le projet a été retoqué.
Le maire veut déposer un recours.
Bruz, la bataille des municipales
a tourné autour d’un projet : le
cinéma. L’équipe du maire sortant Philippe Caffin (divers
gauche) défendait un projet de multiplexe
porté par Cinéville. Celle d’Auguste
Louapre, son challenger UMP, lui préférait
un projet de CGR de huit salles. « Il était
plus simple, plus cohérent, défend toujours
Augustre Louapre, aujourd’hui maire. CGR
achetait le terrain et faisait un cinéma. Il
n’y avait pas d’histoire de bâtiment mixte
avec au rez-de-chaussée un cinéma et audessus des logements [comme dans le
projet Cinéville]. » Une fois aux commandes, l’équipe de Louapre a donc
demandé au CGR de peaufiner son offre
pour la déposer devant la commission
d’aménagement commercial d’Ille-etVilaine. Celle-ci a donné son feu vert le 1er
juin dernier. « Dans le sud de Rennes, tout
le monde réclame un cinéma. Il y a un
vrai manque. »
Mais une rafale de recours est venue perturber le scénario. Au total, six ont été
déposés devant la commission nationale
d’aménagement commerciale (Cnac). Ils
étaient portés par l’association Cinéma 35,
qui fédère 35 des 36 cinémas associatifs
d’Ille-et-Vilaine. Mais aussi directement
par les cinémas Espérance à Chartres-deBretagne, Le Sévigné à Cesson-Sévigné,
La Bobine à Bréal-sous-Montfort, Cinéville
Colombier à Rennes, ou le Bretagne à
Guichen. Ceux-ci craignaient notamment
que les films généralistes et « art et essai
porteurs » (qui constituent le gros de leurs
recettes) soient programmés en priorité au
multiplexe par les distributeurs.
Le 7 octobre, la Cnac a finalement rejeté le
À
14 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
DANS LE SUD DE
RENNES, TOUT LE
MONDE RÉCLAME UN
CINÉMA AUGUSTE LOUAPRE,
maire de Bruz
projet de CGR. En cause, plusieurs motifs.
Elle invoque entre autres que parmi les
cinémas ayant déposé des recours, certains
ont réalisé ces dernières années d’importants travaux de modernisation, largement
subventionnés. De plus, la présence du
multiplexe concurrencerait trop les autres
salles. L’emplacement du projet serait également à revoir. Enfin, l’indice de fréquentation de la zone de Bruz serait supérieur au
niveau national. Un nouveau cinéma généraliste ne pourrait donc que saturer l’offre.
« On ne peut pas comparer un indice d’une
aire métropolitaine avec une moyenne
nationale. Les territoires n’ont rien à voir,
fulmine Auguste Louapre. Quand on voit
que l’indice de fréquentation à Rennes est
de 6,9 entrées par habitant et par an, et que
nous en sommes à 3,7 dans notre zone, on
peut clairement les augmenter ! »
Le CGR compterait déposer rapidement un
recours devant le conseil d’Etat. Le nouveau maire de Bruz ne lâche pas plus le
morceau : « Pas question d’abandonner
notre partenaire CGR au milieu du gué. »
Pourrier architecte
Un nouveau multiplexe concurrencerait trop les autres salles.
Toute l’actualité de Rennes et sa région
L'ACTU
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RELIGION
UN LIVRE POUR
LA PAIX
RENNES / ATTENTATS
Comme dans le
reste du pays,
sécurité maximale
à Rennes après
les attentats du
13 novembre.
L’APRÈS 13 NOVEMBRE, BIEN
DIFFÉRENT DE « L’APRÈS CHARLIE »
Une nouvelle fois en 2015, des attentats terroristes, perpétrés
dans la capitale française, font sentir leurs effets dans tout le pays,
Bretagne comprise.
endredi soir, vous avez volé la vie d’un
être d’exception, l’amour de ma vie, la
mère de mon fils, mais vous n’aurez
pas ma haine. » Dans le silence, Martin
Bouligant, de l’école d’art dramatique du Théâtre
national de Bretagne déclame le texte d’Antoine
Leiris, posté sur Facebook après la mort de sa
femme, Hélène, assassinée au Bataclan le
13 novembre. Le message a fait le tour du monde
via les réseaux sociaux. Ce vendredi
20 novembre, il est lu, dans un profond silence,
place de la mairie de Rennes. Une nouvelle fois
en 2015, des attentats terroristes, perpétrés dans
la capitale française, font sentir leurs effets dans
tout le pays, Bretagne comprise.
En novembre, l’après attentat s’est cependant
révélé bien différent de l’après-Charlie. A Rennes,
la manifestation monstre du 11 janvier ne s’est
pas renouvelée. Après le 13 novembre, préfecture
et mairie ont joué la prudence, en déconseillant
les rassemblements citoyens, pour faciliter le
travail des forces de sécurité. Alors qu’en janvier,
Rennes figurait parmi les villes françaises à s’être
le plus mobilisée, cette fois elle est restée très en
retrait sur la carte des mobilisations publiées par
nos confrères nationaux.
La capitale bretonne n’a cependant pas été
V
A. Duquesnel
«
épargnée de quelques contrecoups. Comme
partout en France, les services de police y ont
procédé à plusieurs perquisitions, dans le
cadre de l’état d’urgence. Dans la nuit du 16 au
17 novembre, un homme de 32 ans, soupçonné,
selon la préfecture, d’entretenir des liens avec
les salafistes a notamment été perquisitionné.
« Cela n’a rien donné. Il n’a pas été interpellé, on
n’a pas trouvé de drogues ou d’armes », a précisé
la préfecture.
La cité a aussi été le théâtre de fausses alertes
significatives. Ainsi, le 20 novembre, le TGV
reliant Marseille à Rennes a été évacué en gare
de Massy par la BRI. Trois personnes, signalées
suspectes par les passagers, ont été interpellées
et le train passé au peigne fin. Quelques heures
plus tard, tout le monde est arrivé à bon port. Et
les interpellés ont été relâchés. Une cellule d’aide
psychologique a cependant été créée pour les
passagers choqués. Le 24 novembre, c’est la place
de la République qui a été bouclée. Dans la matinée, une femme avait entendu dire par un jeune,
au téléphone dans le métro, qu’un attentat était
en préparation place de la République pour 14 h.
Entendu par les fonctionnaires, la femme a été
jugée crédible et un important dispositif monté
à 13 h 30. Vu le contexte, rien n’est négligé.
Le 4 novembre, neuf jours avant
les attentats qui ont frappé Paris,
Pierre d’Ornellas, l’archevêque de
Rennes, cosignait un livre sur « la
paix des religions » avec JeanFrançois Bensahel, président de
l’Union libérale israélite de France.
Certes, l’ouvrage, qui s’intitule Juifs
et chrétiens, frères à l’évidence,
(éd. Odile Jacob) ne traite pas
directement de l’Islam. Il commémore les 50 ans de la Nostra
Aetate,
déclaration
de l’Eglise
catholique
qui affirmait
le lien de
parenté
judéochrétien.
Le lecteur
y trouvera
cependant
un message
applicable à l’entente entre toutes
les confessions.
« Aujourd’hui, résument les
auteurs, nombre de conflits
semblent obéir à des raisons
religieuses, et le monde paraît submergé par les fondamentalismes. »
Raison de plus pour « promouvoir l’entente et le dialogue ». Et
notamment avec les musulmans,
dont Jean-François Bensahel
affirme qu’ils « portent nos valeurs
d’humanité et nos engagements ».
Pierre d’Ornellas semble de son
côté voir d’un bon œil le chrétien
qui se plonge dans le Coran, pour
« mieux entrer en relation avec les
musulmans » et dont il « recevra
certainement beaucoup ».
Les deux auteurs rappellent pour
terminer les liens étroits entre
l’Islam et la philosophie grecque.
Leur conclusion porte d’ailleurs
une invite aux Musulmans à « lire
avec nous les textes de l’Islam et
monter que ceux-ci, dans leurs
liens avec la Bible, tissent la fraternité entre croyants et Dieu ».
Julien Joly
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
15
L'ACTU
Toute l’actualité de Rennes et sa région
LYCÉE DE COËTLOGON
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Après avoir installé deux caméras fin 2014, la direction du lycée
professionnel a décidé d’étendre le dispositif à 18.
1 BILAN D’UN AN SOUS
VIDÉOSURVEILLANCE
Seul établissement rennais équipé de vidéosurveillance, le
lycée de Coëtlogon doit renforcer son dispositif dans les
mois à venir. Jugé efficace, le système de caméras provoque
toutefois le débat.
Le lycée professionnel rennais de
Coëtlogon, à Villejean, est le premier établissement scolaire de la
capitale bretonne à s’être équipé
de vidéosurveillance. Face aux incivilités,
deux caméras fonctionnent depuis
décembre 2014. Dans les mois qui viennent,
leur nombre sera porté à 18. Elles filmeront
en continu les couloirs de ce lycée de 1 000
élèves. En Ile-de-France, 60% des établissements du second degré sont déjà sous
vidéosurveillance. En Bretagne, ce choix
reste marginal.
Ce sont des déclenchements d’alarmes
à répétition, ainsi que des tags et deux
intrusions de personnes extérieures,
qui ont conduit la proviseure, Françoise
Jouany, à cette décision : « Depuis septembre 2013, environ 160 alarmes incendie
ont été déclenchées. On a pu faire sortir
les élèves jusqu’à trois fois dans la même
journée ! » Le 3 novembre 2014, elle installe
une caméra test, afin de vérifier la netteté
de l’identification. Concluant, le procédé est
doublé le mois suivant. Conséquence : une
L
16 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
LA MÉTHODE PARAÎT
EFFICACE. ELLE FAIT
AUSSI DÉBAT
baisse significative des déclenchements
d’alarmes est remarquée dès janvier 2015.
La direction souhaite cependant intensifier
le dispositif. Un groupe de travail est mis
en place et une déclaration de vidéosurveillance, obligatoire, déposée auprès de la
Commission nationale de l’informatique et
des libertés (Cnil), le 27 mars 2015.
En novembre, le conseil d’administration
de l’établissement a validé l’installation
des 18 caméras. « Elles filmeront tous les
couloirs mais nous ne visionnerons qu’en
cas de problème », indique la chef d’établissement, qui détaille le protocole d’utilisation défini par la Cnil : « Les salles de cours,
foyer, cantine… ne peuvent pas être filmés,
des panneaux informatifs sont obligatoires
et les images ne doivent pas être conservées
plus d’un mois. » Elles pourront servir à
la vie scolaire pour établir des sanctions,
mais aussi à la police si des intrus pénètrent
les locaux.
La méthode paraît efficace. Elle fait aussi
débat. Ainsi, certains membres de l’équipe
éducative craignent « une dérive sécuritaire » qui risque de « fragiliser le rapport de
confiance avec les élèves ». A la CGT éducation de Coëtlogon, le syndicat majoritaire,
on recontextualise : « Il y a deux ans, les
profs avaient vraiment du mal à faire cours,
soutient Mohammed Gharbi, représentant
syndical. Or depuis la rentrée de septembre
2015, il n’y a eu que trois déclenchements
d’alarme. Nous pouvons regretter le tout
répression mais que faire face au manque
de moyens à l’échelle nationale ? Une
caméra nous posait problème, car elle
devait être placée dans l’internat qui est
un lieu d’intimité pour les pensionnaires.
Mais on a réussi à la faire retirer. »
Ces 18 caméras ont un coût. Pour Coëtlogon,
l’investissement estimé oscille entre 12 000
et 15 000 €, uniquement financé en interne.
Un diagnostic de sûreté des alentours est
aussi à l’étude, en lien avec la préfecture de
police. Enfin, comme le lycée est à proximité du métro, le système de vidéosurveillance de la Star pourrait aussi produire des
indices en cas d’intrusion d’individus encagoulés. Actuellement « aucun autre collège
ou lycée rennais n’a fait de déclaration »,
informe la Cnil. Aurore Krol
Adrien Duquesnel
ER
L'ACTU
Toute l’actualité de Rennes et sa région
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SAINT-GRÉGOIRE
SUCCÈS POUR
LA PISCINE
C.S.
18 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
AUTO OMNIA
LE PROJET DE
RESTAURANTS ANNULÉ
L
e groupe Le Duff (Brioche dorée, Del
Arte…) ne pourra pas construire ses
restaurants à côté du Roazhon park.
En tout cas, pas prochainement (lire
Le Mensuel de novembre 2014).
L’an dernier, la société de Louis Le Duff avait
manifesté son intérêt pour racheter le terrain
d’Auto Omnia, vendeur de pièces automobiles
situé route de Lorient à côté du stade. Objectif :
construire un complexe comprenant trois ou
quatre restaurants d’ici à 2019. Un accord avait
été trouvé. Les salariés des entreprises attenantes
à Auto Omnia avaient même été informés qu’ils
ne travailleraient plus Route de Lorient en septembre 2016.
Oui mais... c’était sans compter sur la ville de
Rennes. « Sébastien Séméril, l’adjoint à l’urbanisme, nous a expliqué que la municipalité
nourrissait une grande réflexion pour la route
de Lorient, explique un cadre de Del Arte. Il nous
a fait comprendre qu’il ne permettrait pas l’aboutissement de notre projet. En n’accordant pas de
permis de construire par exemple. » Résultat : la
vente entre Auto Omnia et Le Duff n’a jamais été
signée. Les deux parties ont suspendu d’ellesmêmes leur accord. La ville n’a pas usé de son
droit de préemption. Contactée, elle n’a pas souhaité faire de commentaire.
Pour Auto Omnia, « c’est le statu quo », affirme
Gille Baratte, directeur du magasin de pièces
automobiles. « On reste installé à cette même
place. Il n’y a pas de projet de vente. » C.S.
A. Duquesnel
Un an après l’ouverture de la piscine de Saint-Grégoire, l’heure est
au premier bilan. « Nous sommes
hyper satisfaits de la
première année
d’exploitation »,
livre Pierre
Breteau,
maire.
« Nous
sommes
au-delà
des chiffres
espérés. »
Entre octobre
2014 et octobre 2015,
le complexe aquatique de SaintGrégoire a enregistré plus de 1 000
abonnements aux activités et
98 000 entrées payantes. Alors que
le contrat passé avec l’exploitant
Spadium fixait le seuil à 850 abonnements et 95 000 entrées lors de
la deuxième année d’activité.
En revanche, pour les scolaires,
le bilan est moins bon. Aucune
classe des communes alentour n’a
utilisé l’équipement. La faute aux
vieilles rancœurs politiques dues
à l’abandon du projet de piscine
intercommunale, initialement prévu
à Montgermont.
« Non, je ne crois pas, balaie Pierre
Breteau. D’abord, nous avons fait
très peu de publicité, car nous
souhaitions que les élèves de
Saint-Grégoire soient les premiers
servis. Ensuite, nos tarifs sont
trop élevés par rapport aux autres
piscines. Nous allons revoir cela. »
Si dans deux ans, les créneaux
réservés aux scolaires ne sont
pas plus occupés, la municipalité
les revendra à l’exploitant qui les
commercialisera pour les clubs ou
les particuliers. « Nous ne sommes
pas inquiets. Vu le déficit de bassins
dans l’agglomération rennaise et
vu la croissance démographique…
Notre piscine qui totalise 15%
d’entrées de plus en octobre et
novembre que l’an dernier, va nous
coûter moins cher que prévu. »
Toute l’actualité de Rennes et sa région
Depuis 2007, les bâtiments de l’ancienne discothèque
le Quartz à Bréal-sous-Montfort étaient inoccupés.
Aujourd’hui, un club libertin doit s’y installer.
BRÉAL-SOUS-MONTFORT
GUÉGUERRE CHEZ LES LIBERTINS
L
ovée en contrebas de la route entre
Bréal-sous-Montfort et Mordelles,
en bordure de quatre-voies, l’ancienne discothèque Le Quartz s’apprête à renaître. Fermé en 2007, inoccupé
depuis, le bâtiment a été racheté il y a
quelques mois par un entrepreneur de la
région rennaise.
Ce dernier souhaite y ouvrir un club échangiste. A Bréal-sous-Montfort, la nouvelle s’est
répandue comme une traînée de poudre. Des
travaux de rénovation de l’établissement
ont été menés. Pourtant, le club ne sera pas
ouvert avant plusieurs mois. En cause : un
embrouillamini administratif lié à un permis
de construire. Le dossier se trouve actuellement sur le bureau du service compétent à
A. Duquesnel
20%
L'ACTU
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la municipalité de Bréal.
Ce nouveau club échangiste portera à deux
le nombre d’établissements dans la région.
Détail significatif : le porteur de projet de
Bréal s’avère aussi être le propriétaire des
murs du Declyc’x, l’autre club libertin de la
région rennaise, situé à Bain-de-Bretagne.
Autrement dit, le propriétaire –qui n’a
pas donné suite à nos sollicitations- s’apprête à concurrencer ses locataires. « Nous
allons continuer à travailler sérieusement,
indiquent ses derniers. Nous verrons lequel
des deux clubs fonctionne le mieux. »
Claire Staes [email protected]
Rennes veut porter à 20% la part du vélo dans les
déplacements rennais d’ici 2020. Le 23 novembre,
la municipalité a adopté un « plan vélo » pour faciliter
l’usage de la petite reine. La Ville veut notamment créer
une « maison du vélo » d’ici fin 2016. Et mettre en place 33 km de
liaisons supplémentaires entre les principaux quartiers et le centre-ville. Sceptiques,
certains aficionados du biclou pointent la dangerosité des bandes cyclables sur la
chaussée. Sylviane Rault, adjointe à la mobilité, promet que la Ville veut « travailler sur
tous les points noirs ».
LA POSTE DE
RÉPUBLIQUE EN
BRETON
Le bureau de poste de
République, en travaux
pendant six semaines, va
se doter mi-décembre de
panneaux français-breton,
comme cela se fait déjà
à Carhaix. Les postes de
Croix-Carrée et de Cleunay
sont aussi concernées. Les
panneaux seront placés audessus des espaces retirerenvoyer (tapout-kas) ou
accès pros (tud a vicher
da gentañ). Les machines
resteront en français.
CESSON-SÉVIGNÉ
UNE NOUVELLE
SALLE D’ESCALADE
Block’Out ouvrira en janvier
2016 une salle d’escalade près
de Rennes. Ou plutôt une « salle
de bloc », des petites structures
pour s’exercer. Le site spécialisé
Krimpadenn évoque « un local de
1 050 m² au sol pour une surface
grimpable d’environ 800 m² », avec
aussi une salle de musculation, un
sauna et un bar-restaurant.
Block’Out compte ouvrir d’autres
salles à Rouen, Nantes et Toulouse.
Le réseau demande des garanties
solides à ses franchisés, dont un
apport personnel de 100 000 €. De
quoi rassurer les sportifs échaudés
par les fermetures à répétition de
salles d’escalade « artisanales » à
Rennes. Début 2014, Crush avait
déclaré faillite après seulement six
mois d’existence. En 2012, Les Arts
du roc, à Saint-Grégoire, avait mis
la clé sous la porte.
Rennes dispose de ses accros de
la grimpe. Ils s’entraînent dans
les anciennes carrières d’Ille-etVilaine ou sur les falaises finistériennes. Des structures artificielles
rennaises existent, comme la tour
des Maths à Beaulieu. Mais leur
nombre restait plutôt limité.
Julien Joly
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
19
L'ACTU
C’est un film partisan. Le documentaire Le Dernier continent,
de Vincent Lapize, prend place
à Notre-Dame-des-Landes. Plus
précisément, sur la Zad. Une Zone
d’aménagement différé, renommée
« Zone à défendre » par ceux qui
y vivent. « Plusieurs centaines de
personnes », affirme le réalisateur,
sur 2 000 ha de forêt et de prairie.
Vincent Lapize a voulu rendre
compte du quotidien de ces
« anciens habitants, paysans,
sympathisants, constructeurs,
combattants et activistes » qui « y
partagent un quotidien et luttent
ensemble ».
Il a fallu trois ans d’écriture et de
tournage pour produire ce portrait
d’utopie. Le projet, aujourd’hui en
salles, a pu voir le jour grâce au
financement participatif de 346
internautes contributeurs qui ont
réuni 8 000 €. Un financement qui
rappelle celui des documentaires
Le surcoût de sécurité comprend les renforts
et les horaires avancés d’une demi-heure.
ATTENTAT
TRANS MUSICALES :
UN PLAN SÉCURITÉ À 60 000 €
Pour assurer la sécurité des festivaliers après les événements
du 13 novembre, les Trans musicales ont dû débloquer entre
40 000 et 60 000 € supplémentaires. Une dépense imprévue
qui plombe le budget.
as question d’annuler le premier
grand événement rock après les
attentats du 13 novembre à Paris.
Mais pas question non plus de lésiner
sur la sécurité.
Fin novembre, les organisateurs des Trans
musicales ont annoncé des mesures renforcées. Des 2 au 6 décembre, les visiteurs devront
arriver trente minutes à l’avance sur les différents sites : le Parc Expo, l’Aire libre, l’Ubu et
le Triangle. Appareils photos, caméras type
GoPro et perches à selfie interdits. Idem pour
les gros sacs. Le nombre d’agents de sécurité
a été renforcé, même si leur nombre demeure
confidentiel. Béatrice Macé, codirectrice des
Trans, reconnaît que ces mesures imprévues
entraînent un surcoût qui grève les finances
déjà fragiles du festival.
P
syndicalistes du XXe siècle où les
militants « payaient leur place à
l’avance » pour couvrir les frais
de tournage.
Au final, le film s’intéresse moins
à la lutte qu’à ceux qui la mènent.
Leurs parcours et leur diversité.
« Quand j’ai vu que cette terre
risquait d’être détruite, je me
suis dit : faut que je vienne, y’a
pas à chier (sic) ! » La femme qui
témoigne ne montre pas son visage,
mais ses mains et sa voix trahissent
qu’elle a roulé sa bosse. « Je me
sens comme un soldat, affirme-telle, qui vient défendre quelqu’un. »
Julien Joly
20 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
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LE PRIX DU BILLET N’AUGMENTE PAS
« Nous avons bouclé le budget au printemps.
Il a fallu débloquer une enveloppe de 40 000
à 60 000 € pour couvrir ces frais supplémentaires. » Une fourchette large justifiée par
le fait que toutes les « options » du plan de
sécurité (mis en place avec la Préfecture) n’ont
pas encore été activées au moment où nous
mettons sous presse. Cette enveloppe couvre
les frais de renforts, mais aussi les charges de
personnel entraînées par les horaires avancés
d’une demi-heure.
Le déséquilibre des comptes pourrait s’aggraver si une partie du public décidait d’annuler sa venue. « On ne sait pas encore si les
angoisses générées par les attentats vont dissuader les gens. » Le prix du billet n’augmentera pas en compensation. « Ce n’est pas au
public de supporter le coût de ces mesures. »
Les autres festivals, soumis aux mêmes problématiques, vont certainement regarder
avec attention les chiffres de fréquentation
des Trans cette année. Pour venir en aide au
secteur du spectacle, « le ministère a annoncé
un fonds de dotation de 4 millions d’euros.
Mais parmi les professionnels dans notre
cas, beaucoup estiment que c’est très peu ».
Une chose est sûre : « On n’a jamais envisagé
d’annuler les Trans 2015. C’est résister. C’est
notre manière de vivre. » Julien Joly
A. Duquesnel / D.R.
NOTRE-DAMEDES-LANDES
LE DERNIER
CONTINENT
Toute l’actualité de Rennes et sa région
PENDANT CE TEMPS... AU TRIBUNAL
Toute l’actualité de Rennes et sa région
« VOTRE FRÈRE EST EN VIE,
VOUS AVEZ BEAUCOUP DE CHANCE »
ujourd’hui, votre femme est-elle toujours avec votre frère ? », questionne
l’assesseur. « Oui, je pense », souffle Nourredine, 56 ans. « Et vous avez
accepté ? » « Non. Mais on est divorcé. » Baskets rouges gansées de vert
fluo au pied, pantalon de survêtement noir et blouson de cuir trop large,
Nourredine est jugé pour l’agression de son frère et son ex-femme. En avril
dernier, fou de rage d’apprendre que son épouse s’est mise en ménage avec son
frère, il débarque chez elle à Rennes. Muni d’une batte de baseball, il frappe de
toutes ses forces. Touché à la nuque, son frère s’écroule. Son pronostic vital est
engagé. Transporté entre la vie et la mort par le Samu, Youcef a finalement
survécu. « Aujourd’hui votre frère est en vie. Vous avez beaucoup de chance »,
rappelle le procureur. « Vous auriez très bien pu vous retrouver devant les assises
pour meurtre. »
Le père de famille n’ayant pas de casier judiciaire, le représentant du ministère
public ne requiert que six mois de prison dont trois avec sursis. « Je regrette mon
geste, marmonne Nourredine. J’ai demandé des excuses. » « Vous voulez dire
que vous avez présenté vos excuses ? », interroge la présidente, incrédule. « Oui,
c’est ça… J’ai demandé des excuses », répète Nourredine, sans s’apercevoir du
contre-sens de ses propos. Il écope de huit mois de prison avec sursis
et d’une mise à l’épreuve de vingt-quatre mois.
A
«
BLEU DE GENDARMES
e jour-là, le tribunal correctionnel est
bleu de gendarmes. Il y en a partout. A la
machine à café, dans la salle des pas
perdus, sur les chaises, dans la salle
d’audience. Pendant huit jours la Juridiction
interrégionale spécialisée (JIRS) de Rennes juge
dix-neuf Albanais, dont huit détenus. Ils comparaissent pour trafic de cocaïne. La justice leur
reproche d’avoir organisé des go-fast entre l’Italie et
la France, approvisionnant au passage Marseille,
Toulouse, Nantes et Rennes. Pendant que les
prévenus nient leur implication, vingt-quatre
gendarmes chargés des escortes patientent dans
le tribunal.
A tour de rôle, les militaires engoncés par leur gilet
pare-balles encadrent les prévenus serrés comme
des sardines dans le box. Puis, le reste du temps… Ils
tuent le temps en discutant, buvant un café.
LUNDI 2
NOVEMBRE
2015, TRIBUNAL
CORRECTIONNEL
DE RENNES
« JE SUIS DÉSOLÉ
SI TU T’ES FAIT MAL
EN TOMBANT »
ace au tribunal, Marie fait pitié.
L’air fatigué, le teint cireux, les
deux bras dans le plâtre
jusqu’aux doigts, des bleus
visibles sur le cou… Elle n’est que l’ombre
d’elle-même.
A ses côtés Hubert, 56 ans, paraît
nerveux. D’allure sportive, le quinquagénaire est jugé pour des violences sur son
ex-compagne. « La première fois, c’était
au retour d’une soirée », détaille Marie
d’une voix chevrotante. « Avec ses chaussures de sécurité, il m’a écrasé le pied
et m’a cassé le petit doigt. La seconde
fois, c’était en rentrant d’une course en
voiture, il ne voulait pas sortir du véhicule.
J’ai voulu le faire sortir. Il m’a attrapé les
poignets et m’a balancée avec une
telle force que je suis tombée en
arrière quatre ou cinq mètres
plus loin. » Résultat : ses deux
poignets ont été fracturés. »
Quand Hubert revient à la barre,
il contient sa colère. « Il y a
plein de choses complètement
fausses. » Après avoir répondu
point par point à la version de
Marie. Hubert fait savoir au
tribunal que son-ex-compagne
s’est montrée à « plusieurs
reprises » violente à son égard. Mais
qu’il ne pouvait pas la quitter car il avait
financé le prêt de sa voiture et espérait
récupérer l’argent avancé. « Le nerf de
la guerre, c’était l’argent », répète-t-il
plusieurs fois.
Au moment de conclure son audition, il
insiste de nouveau sur le caractère accidentel de la blessure de Marie : « Je suis
désolé si tu t’es fait mal en tombant. » Le
tribunal condamne Hubert à huit mois de
prison avec sursis. Il devra également se
soigner pour éviter de redevenir violent. Il
a interdiction de rentrer en contact avec
la victime. Claire Staes
F
Istock
C
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22 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
Des crabes
dans la
Vilaine
LA MANIF POUR
TOUS OFFRE UNE
TRIBUNE À LA
DROITE
Le 23 novembre, la Manif
pour tous organisait un meeting à Pacé avec les têtes
de listes aux régionales. Au
final, pas d’invité de gauche.
Seuls Jean-Jacques Foucher
(Debout la France), Marc
Le Fur (Les Républicains)
et Gilles Pennelle (Front
national) étaient présents.
Ils étaient interrogés à tour
de rôle sur leur vision de la
famille, de l’enseignement
privé, et bien sûr du mariage
pour tous. Au final, c’est
Pennelle qui a fait exploser
l’applaudimètre. Le Fur, plus
nuancé, a rencontré moins
d’enthousiasme. Dire qu’il
s’était distingué, en 2013,
en arrachant le calot d’un
gendarme lors d’une Manif
pour tous…
Régionales // Bretagne
À SITUATION EXCEPTIONNELLE,
CAMPAGNE INVRAISEMBLABLE
A l’heure où nous
sortirons en kiosque,
vendredi 4 décembre, la
Bretagne sera à 48 heures
du 1er tour des élections
régionales. Un scrutin, dont
la campagne se sera déroulée
dans une configuration inédite,
bouleversée, en Bretagne plus
qu’ailleurs, par les attentats du
13 novembre et le rôle joué par le
ministre de la Défense, candidat à
sa réélection, Jean-Yves Le Drian.
Le Lorientais a officialisé
qu’il était tête de liste PS le
16 octobre 2015 à Guidel. Sa
campagne s’est terminée 29
jours plus tard, le 13 novembre
un peu avant 22 h, à Lorient. En
plein lancement. Le matin même
paraissait dans la presse une
liste de meetings supplémentaires qu’il s’apprêtait à faire.
Ce soir-là, le candidat mobilisait
ses militants lorsque le ministre
a appris l’événement synonyme
d’empêchement. Reconquérir
la Bretagne tout en continuant
à conduire la Défense de la
France dans un contexte de
menaces majeures ? Possible
ou pas ? Vraisemblablement,
cette interrogation se trouvait
à l’origine du délai d’officialisation de candidature. L’histoire
y a brutalement répondu, le 13
novembre au soir. Conséquence
immédiate : un retard du patron
de la Défense, seul absent1 du
29 jours se sont écoulés entre la déclaration de candidature du
Lorientais et les attentats de Paris.
conseil des ministres extraordinaire convoqué dans la
nuit. Un flottement dans les
équipes du candidat. Meetings
annulés, campagne arrêtée,
programme toujours pas publié
le 23 novembre au matin sur
ledrian2015.bzh…
Contraint par « les circonstances dramatiques », Le Drian
a officialisé le 22 novembre
qu’il devait « se concentrer
sur sa mission de ministre ».
Message entre les lignes : en
cas de victoire à la Région, si
le président de la République
l’estime nécessaire, « Le Drian
se trouvera en permission
de cumul »2 durant cette
« phase exceptionnelle »,
susceptible de durer jusqu’en
mai 2017. « Chaque Breton
le comprendra », a expliqué
l’intéressé. « Espérons qu’il
comprendra aussi pourquoi il
s’est présenté », s’inquiétait en
« off » l’un de ses colistiers. En
attendant, Le Drian s’appuiera
sur son équipe. Pour mener une
très courte campagne, puis, le
cas échéant, diriger la Région.
Fureur des adversaires.
« Le Drian se moque des
Bretons » (Christian Troadec),
« son comportement est
indigne » (Gilles Pennelle),
« Les Bretons ont le droit de
savoir qui dirigera la Région »
(Marc Le Fur)... Donné gagnant
dans les études d’opinion à
l’heure où nous bouclons,
le brutal empêchement du
ministre de revenir à 100% sur
ses terres est-il susceptible
de faire bouger les lignes ?
Réponse les 6 et 13 décembre.
1. Avec Sylvia Pinel, ministre du Logement
2. Libération, 22 novembre 2015
De mémoire d’élu, c’est une première. Le 23 novembre, en conseil municipal, Ana Sohier, adjointe UDB,
prend la parole en breton pour présenter une délibération sur la politique linguistique de Rennes.
Suivie d’une version en français, au grand soulagement du public. « Mersi braz, Mme Sohier », répond
Nathalie Appéré. Quelques minutes plus tard, c’est Nadège Noisette (EELV) qui prend la parole dans
la langue d’Anjela Duval : « Emaoñ o komz en anv strollad… » Puis Glenn Jégou, adjoint à la jeunesse.
Chez l’opposition, en revanche, personne ne se prête au jeu. Antoine Cressard (Alternance 2020)
qualifie la délibération sur la langue bretonne de « ficelle électoraliste ». Et rappelle que Rennes ne
devait pas « oublier la langue gallèse ». Chiche de faire sa prochaine intervention en gallo ?
24 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
A. Duquesnel
Coming-out des élus bretonnants
OHÉ, MINISTRE ABANDONNÉ
TROADEC VIP À
CHARTRES-DEBRETAGNE
A. Duquesnel
Christian Troadec (en
photo) était comme à
la maison, vendredi 30
octobre à Chartres-deBretagne. Le maire Philippe
Bonnin l’avait invité à un
débat commun sur l’avenir
de PSA.
L’édile socialiste ne craignait-il pas d’embarrasser
son camp en déroulant
le tapis rouge à Michel
Troadec ? Candidat aux
élections régionales du 6
et 13 décembre, celui-ci se
pose en Némésis de JeanYves Le Drian. « Tout ce qui
peut aider PSA m’intéresse », balaie Philippe
Bonnin. Rien à voir, juré,
avec le fait que l’élu soit en
froid avec ses camarades
de Rennes métropole. Lui
et Emmanuel Couet, président de l’agglomération,
s’accusant mutuellement
de la jouer trop perso sur le
dossier PSA. Une posture
qui a coûté à Philippe
Bonnin son portefeuille de
vice-président à l’économie
au conseil départemental.
Michel Troadec a donc pu
peaufiner à peu de frais
son image de héraut de
l’industrie. Et préparer le
terrain à une fusion avec le
PS entre les deux tours, en
cas de poussée du FN aux
élections régionales.
Rennes n’accueille pas tous les ministres de la
même façon. Le 6 novembre, Emmanuel Macron,
ministre de l’Economie, débarque dans la capitale
bretonne pour vanter les mérites du micro-crédit.
A sa descente du TGV, aucun élu de la
Ville n’est présent. C’est le préfet
Patrick Strzoda qui joue les comités d’accueil dans son uniforme
rutilant. Sur la page Facebook
de la maire, un internaute
insinue : « Pourquoi vous
n’assumez pas votre soutien
au gouvernement de M. Valls
en refusant d’accueillir un
ministre ? » En réalité, au
même moment, Nathalie
Appéré est justement occupée
à un raout politique à Lyon avec
le Premier ministre. Un peu plus tard,
Macron est vivement pris à partie par des
syndicalistes de Force ouvrière qui lui reprochent
sa « politique d’austérité ». Les images tournent en
boucle sur le web et grippent sa com’ bien huilée.
Christiane Taubira, ministre de la Justice, a été
moins chahutée par les manifestants lors de sa
visite du 11 novembre. Son hôte, la Ligue
de l’Enseignement, a soufflé ses 90
bougies derrière les épais murs de
la halle Martenot.
Cette fois, Nathalie Appéré
a été de la partie. La Ville a
même mis la main à la poche
en subventionnant la sauterie à hauteur de 15 000 €.
« La Ville subventionne de
nombreux anniversaires, a
justifié la maire. Par ailleurs, je
rappelle effectivement mon attachement à l’éducation populaire. »
Dire que Valls, lors de sa venue en
février, avait dû se contenter d’une vulgaire
galette-saucisse…
Isabelle Thomas championne de l’absentéisme
Les régionales, c’est l’occasion
de distribuer les bons (et les
mauvais) points aux conseillers sortants d’Ille-et-Vilaine
pour leur assiduité. Sansfaute du président Pierrick
Massiot et Christian Anneix
(PS), Henri Gourmelen (UDB)
et Sylviane Rault (EELV), remplacée en cours de mandat
par Yvette Rayssiguier. Bonnet
d’âne pour la députée européenne PS Isabelle Thomas.
La cumularde a été présente
moins de deux séances sur
trois (62%).
La gauche s’est montrée
globalement plus assidue
que les cinq élus brétilliens
de la droite et du centre
(90,8% contre 86,2%). En
raison notamment du faible
« score » de l’UDI Bruno
Chavanat (67%), en retrait de
la vie politique pour raisons
de santé. Le Rennais reste
malgré tout meilleur élève que
les deux ministres : Marylise
Lebranchu (38%) et Jean-Yves
Le Drian (58%).
RUBRIQUE COORDONNÉE
PAR KILLIAN TRIBOUILLARD
ET JULIEN JOLY
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Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
25
LE MAG
26 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
VIRGINIE
JOURDAN
[email protected]
ADRIEN
DUQUESNEL
COMMERCES EN CENTRE-VILLE
RÉSISTER POUR
ÉVOLUER
En 15 ans, le centre de Rennes a perdu une
quarantaine de commerces. Morosité économique,
concurrence de la périphérie, du e-commerce,
travaux à répétition... les raisons ne manquent pas.
Commerçants, Ville et représentants du secteur
tentent de résister. Chacun à sa manière.
En 2015, le centre-ville de Rennes arrive toujours
en tête des pôles commerciaux de Bretagne.
Avec 1 470 commerces recensés en 20141 et
près de 600 millions d’euros de chiffre d’affaires, le noyau historique de la capitale bretonne n’a rien d’un mourant. A lui seul, il
génère un chiffre d’affaires encore supérieur
au total du centre Alma, à l’entrée sud de Rennes, et de la zone
Rive Ouest, à Pacé.
Pourtant, depuis janvier, la municipalité a réuni les principaux
acteurs du commerce rennais autour de la table, comme les
deux associations de commerçants, la fédération de l’habillement et la Chambre de commerce et d’industrie (CCI). Objectif :
bâtir un plan pour « renforcer le commerce en centre-ville »
et « mettre chacun face à ses responsabilités », résume Marc
Hervé, adjoint en charge du secteur.
A l’issue du conseil municipal de novembre, une première action
a été actée. Les commerces rennais pourront rester ouverts le
10 janvier prochain, soit le 1er dimanche des soldes. Une mesure
qui étend à trois dimanches par an, contre deux précédemment,
l’accord local passé en 2015 sur les ouvertures exceptionnelles.
Début 2016, une dizaine d’autres actions devraient suivre. Mais
l’élu indique ne pas vouloir communiquer sur ces mesures « tant
que les textes ne sont pas finalisés et relus par tous ». Il confirme
que des « équipements intra-rocades » seront installés sur les
axes d’entrée dans la ville. Objectif : « communiquer de manière
E
Rue Le Bastard, le
Virgin mégastore a
fermé en 2014.
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
27
LE MAG COMMERCES EN CENTRE-VILLE
dynamique » sur l’accessibilité du centre
et « les places disponibles dans les parkings ». Une manière de répondre aux
reproches récurrents des commerçants et
des Rennais sur la gêne occasionnée par
les travaux, notamment liés à la seconde
ligne de métro (lire p.32).
Autre confirmation,
la relance du projet de
transformation de la zone
Colombia et de la Dalle du
Colombier en lien avec
l’aménagement de la nouvelle gare EuroRennes.
Cette dernière n’accueillera pas de nouveau
centre commercial (lire
p.30). Quant aux regrets
exprimés par le président
du Carré rennais sur « la
faible présence de commerces haut de gamme »
à Rennes, la Ville assure, pour sa part,
« vouloir conserver une offre qui s’adresse
à tous et à tous les portefeuilles ». « Nous
n’avons pas fait deux lignes de métro
pour laisser des commerces imposer
un seul niveau de gamme », explique
spontanément Marc Hervé.
LA VILLE PRÉPARE
UNE DIZAINE
DE MESURES
EN FAVEUR DU
COMMERCE EN
CENTRE-VILLE
Santé relative
et contexte pesant
Malmené, le commerce en centre-ville
est cependant loin de l’avoir déserté. En
quinze ans, il a perdu une quarantaine
de boutiques. Soit 2,6% de sa surface
de vente. Comme ailleurs en France, la
fringue, la décoration, l’électroménager,
la bricole, la culture et les loisirs ont été
les premiers touchés par la crise. Parmi
les fermetures remarquées : le Virgin
megastore de la rue Le Bastard, en 2014,
le magasin Intersport, qui a migré vers
la périphérie de Chantepie et le pôle
commercial de Cap Malo, à La Mézière,
dans les années 2010. Ou encore, la fin
des rayons bricolage au sous-sol des
Galeries Lafayette situées sur les quais.
D’après Nathalie Guenancia, directrice du
service commerce de Rennes Métropole,
le cœur commercial de la cité suit la
même tendance que « les métropoles de
plus de 100 000 habitants ». Un nombre
de commerces qui baissent le rideau,
mais des enseignes qui se renouvellent
28 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
à un rythme soutenu (lire p.31). Si certaines rues, comme celles du Chapitre,
de Saint-Georges ou encore Victor-Hugo
font grise mine, le taux de vacance des
locaux commerciaux rennais (c’est-à-dire
le nombre de locaux vides) reste encore
inférieur à la moyenne nationale3.
A la CCI, François Eveillard, vice-président au commerce convient de difficultés « modérées par rapport à d’autres
villes comme Saint-Brieuc ou même
Nantes ». Il assume, en même temps,
un « message répétitif sur la dégradation
du commerce en centre-ville rennais » et
observe des « souffrances réelles chez
les commerçants, notamment sur la trésorerie ». Au moins 35% des commerçants rennais interrogés déclarent des
chiffres d’affaire en baisse sur les sept
dernières années. Une chute qu’ils attribuent en premier lieu « à la diminution
du pouvoir d’achat » et à la « conjoncture économique » (dans 48% des cas).
Entre des « achats coups de cœur qui
ont diminué » et « une phase où le pouvoir d’achat ne devrait pas augmenter »,
François Eveillard ne repère d’ailleurs
pas de « réel potentiel de marché » si ce
n’est pas dans les « boutiques de niche »,
comme la création.
Du côté des effets liés au web et à l’ecommerce, les avis divergent. Début
2014, une enquête, menée auprès de 409
commerçants du centre, révèle que plus
de 65% des boutiques de vêtements, de
chaussures et de décoration et équipements de la maison voient la « concurrence d’Internet s’intensifier » sans lui
imputer pour autant une baisse de leur
activité (lire aussi p.33).
La concurrence
guette en périphérie
Au delà du contexte national et des
bouleversements technologiques, la
concurrence de la périphérie est toujours
pointée du doigt. En matière de choix
pour les consommateurs, le centre-ville
n’a plus l’exclusivité sur de nombreuses
enseignes comme Du Bruit dans la cuisine, Quater Back, Zara ou Les P’tites
bombes. Ces enseignes ont également
élu domicile dans des centres commerciaux périphériques.
La concurrence va s’intensifier dès 2017. A
Grand Quartier, au nord de Rennes, la galerie commerciale va s’agrandir de 4 800 m².
A Pacé, la zone commerciale Rive Ouest,
qui accueille déjà la locomotive Ikea,
devrait aménager 60 000 m² supplémentaire le long de la Nationale 12 vers SaintBrieuc. Pour François Eveillard, « une
mise en ordre de bataille » pour « renforcer
l’attractivité du centre de Rennes » s’impose. En mairie, Marc Hervé assure que la
question suscite l’attention. « Notre objectif à horizon 2020 est de renforcer le cœur
IL Y AVAIT DES
TOURISTES PLEIN
LES RUES ET LES
BOUTIQUES ÉTAIENT
QUASIMENT TOUTES
FERMÉES
JEAN-FRANÇOIS GOURLAY,
disquaire
PETITE RENNES
Les commerces
rennais pourront rester
ouverts le 10 janvier, 1er
dimanche des soldes.
de Rennes », assure t-il, avant de rappeler
que le nouveau schéma territorial, le Scot,
« veille à réguler très fortement l’extension
des surfaces commerciales en périphérie
au profit des bourgs et du centre ».
Du côté des magasins, de grandes locomotives envoient des signes positifs. A
la rentrée, l’enseigne Zara, située sur les
quais à République, a rouvert ses portes
sur 3 500 m². A une centaine de mètres,
les Galeries Lafayette annoncent l’arrivée de nouvelles enseignes début 2017
grâce à l’aménagement de leur deuxième
étage, jusque-là réservé à leurs bureaux.
Dans la rue Le Bastard, les locaux du
défunt Virgin Megastore accueillent
désormais un magasin Tati. Quant aux
annonces de nouvelles enseignes telles
que Nespresso, Starbucks, Uniclo ou
Primack en centre-ville, elles vont bon
train. Mais, pour l’heure, aucune confirmation ne filtre.
Symptomatiques de la croissance démographique en cours à Rennes et du profil d’une population dont le pouvoir
d’achat reste élevé, cet attrait interpelle
aussi. D’après Eric Duval, responsable
des emplacements commerciaux chez
Pigeault Immobilier, Rennes est « attractive » et de grandes enseignes cherchent
actuellement des cellules supérieures à
100 m². « Mais ces cellules sont rares dans
le centre », explique-t-il. Une contrainte
liée à un intra-muros conservé et fourni
en bâtiments historiques, compliqués à
réaménager.
Des attentes qui montent
Si l’optimisme sur l’avenir l’emporte chez
les institutionnels, et dans une majorité
de boutiques, la mue du centre-ville n’en
est pourtant qu’à ses débuts. D’après
François Eveillard, le commerce urbain
de proximité doit « trouver une identité
différente de la périphérie » en misant
sur « le design, la restauration, l’artisanat
et la création ». Même son de cloche du
côté de Dominque Fredj, président de
l’association de commerçants le Carré
rennais et patron de la librairie Le Failler,
Situées dans des bâtiments préservés par les bombardements de la
Libération, les cellules commerciales
du centre-ville rennais dépassent
rarement les 60 à 100 m². Des surfaces considérées comme « petites »
par les tenants de l’immobilier commercial et les grandes enseignes.
Avantage ? Ces cellules sont aussi
plus accessibles à la location par
les commerçants indépendants, les
créateurs et les artisans ou fournisseurs de service.
Plus petites et donc plus nombreuses, elles permettent à Rennes
d’afficher un nombre de commerces
important : supérieur, par exemple, à
celui de sa cousine nantaise, dont les
cellules plus grandes intègrent des
immeubles d’hyper-centre largement
reconstruits à partir des années
1950. Inconvénient ? D’après les
agences immobilières, peu d’emplacements historiques correspondent
aux attentes actuelles des grandes
enseignes qui recherchent des
espaces supérieures à 100 m², pour
les nationales, et de 300 jusqu’à
1 500 m² pour les internationales.
Côté loyers et prix de l’immobilier,
malgré la crise de 2008 et la croissance des locaux vides, la tendance
n’est pas à la baisse.
qui observe « une phase de révolution »
liée à « Internet, au recul inéluctable de
la voiture en centre-ville et à des jeunes
en attente d’une offre de consommation
intelligente et éthique ». Reste qu’entre
les magasins fermés les lundi et sur
l’heure de midi et les portes qui ferment
dès 19 h, le fossé entre les modes de
consommation et les propositions des
commerçants se creuse.
Négociée en 2014, la possible ouverture
des commerces trois jours fériés par an
n’a pas convaincu. Pour Jean-François
Gourlay, disquaire associé de It’s only,
l’ouverture du 15 août a même clairement été un « échec symptomatique ».
« Il y avait des touristes plein les rues et
les boutiques étaient quasiment toutes
fermées » et, regrette-t-il, « à 14 h, il était
même déjà trop tard pour d
­ éjeuner ».
1. Source : Audiar-Rennes Métropole-Pivadis,
enquête 2014. Cette donnée n’inclut pas les agences
bancaires, de téléphonie et assurance. En revanche,
le chiffre d’affaires les inclut.
2. La capitale bretonne tourne autour de 7,8% quand
la moyenne nationale est de 8,5. Source : Procos.
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
29
LE MAG COMMERCES EN CENTRE-VILLE
CENTRE COMMERCIAL COLOMBIA
UNE POSSIBLE EXTENSION
Implanté depuis 1986 en plein cœur du quartier Colombier, le centre commercial
Colombia va faire peau neuve. En plus d’une rénovation annoncée pour 2016,
des pourparlers ont démarré sur sa possible extension aux abords de la Dalle.
D’
ici la fin 2016, le Colombia va
se « donner une seconde jeunesse ». Interrogée par
Le Mensuel, la nouvelle directrice du centre commercial annonce que
« des travaux de rénovation » devraient
démarrer dès mars 2016. Objectif ? Le
doter « d’une nouvelle façade » et « agrandir certaines cellules commerciales »
pour attirer des « enseignes plus jeunes
et plus tendance ».
Depuis sa création en 1986, il s’agit de
la seconde rénovation de la galerie. La
première ayant été réalisée à l’occasion du déménagement de la Fnac en
2010. Prévus sur neuf mois, les travaux
devraient s’achever en novembre 2016,
« sans remettre en cause l’accès aux commerces », assure Flore Audine. Au programme également, l’arrivée prévue de
GALERIE LAFAYETTE :
DE NOUVELLES ENSEIGNES
« deux grosses enseignes nationales », en
prêt-à-porter et cadeaux-loisirs, dont la
direction s’est refusée à dévoiler l’identité.
A quelle date ?
Mais la mue ne devrait pas s’arrêter
là. Symbole de la modernisation de la
cité bretonne à la fin des années 19601,
le quartier Colombier va à nouveau
connaître des bouleversements liés
à l’arrivée de la ligne à grande vitesse
Rennes-Paris en 2017 et à la sortie de
terre du nouveau quartier EuroRennes.
Si Demeter Concessions a annoncé
début novembre qu’il investirait vingt
millions d’euros dans la rénovation de
la galerie commerciale de la future gare,
Marc Hervé assure « qu’aucun nouveau
centre commercial ne s’implantera à
cet endroit ».
Annoncés en janvier 2015 dans Le Mensuel, les travaux de rénovation des Galeries Lafayette se poursuivent. Une fois achevée
la surélévation du bâtiment de 1930, la restructuration devrait
démarrer en février. La fin des travaux reste annoncée pour fin
2016 avec 1 000 m² gagnés grâce aux déménagements des
bureaux jusque-là installés au deuxième étage. Côté enseignes,
Rémi Guillemot, le PDG du magasin, explique simplement que
l’offre rennaise « rejoindra l’assortiment classique propre aux
magasins de cette taille, comme celui de Nantes ».
30 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
Il confirme, en revanche, qu’une
« refonte du secteur de la dalle du
Colombier », incluant de « nouvelles constructions », sont inscrites
à l’agenda. De quoi voir le Colombia
s’étendre au delà de ses 23 000 m² ?
L’hypothèse est sérieuse : d’après
Flore Audine, « des pourparlers ont
démarré entre Klépierre (propriétaire
du Colombia depuis 2005) et la Ville de
Rennes ». Quant à savoir à quelle date
pourrait démarrer le projet, un observateur proche du dossier indique que « la
diversité des propriétaires, privés ou
publics, implantés sur la dalle centrale
risque de faire durer les discussions ».
1. Archives télévisées du 6 décembre 1972
disponible sur le site de l’Ina (raccourci : http://bit.
ly/1MHmITv)
LE MAIL FRANÇOIS-MITTERAND
TENTE DE DÉCOLLER
Inauguré en mai 2015, le nouveau mail François Mitterand, jusque-là en marge du périmètre de la zone commerciale de centre-ville, dessinée par la Ville de Rennes,
pourrait finalement le rejoindre. Après deux ans de
travaux estimés à 12,5 millions d’euros et la suppression
de 350 places de parking, la nouvelle artère, prisée par
les amateurs de sport de rue, a vu émerger un marché
bio, une brocante bimensuelle et un nouveau snacking du
traiteur local Thierry Bouvier.
LE CENTRE DE
RENNES RESTE
LE PREMIER CENTRE
COMMERCIAL
DU PAYS DE RENNES
Avec près de 600 millions d’euros de chiffre
d’affaires et 1 755 commerces recensés en
2013, le centre-ville de Rennes conserve son
statut de premier centre commercial breton.
En face, les centres Alma, Rive Ouest et
Grand Quartier représentent des concurrents
sérieux avec 713 millions d’euros de chiffre
d’affaires cumulés estimés en 2011.
D’ici 2017, la zone commerciale de Rive Ouest,
sur la route de Saint-Brieuc, s’étendra sur
60 000 m2 aménagés supplémentaires.
Un défi de plus pour le commerce rennais.
LA MÉZIÈRE - ROUTE DU MEUIBLE
LES LONGS-CHAMPS
C.A. > 45 millions
61 magasins
Flux piétons : 1,19 million
RIVE OUEST - PACÉ
CENTRE VILLE
C.A. > 194 millions
57 magasins
Flux piétons : 3,5 millions
C.A. > 600 millions
1 755 magasins
Flux piétons : 16,5 millions
CLEUNAY
C.A. > 122 millions
49 magasins
Flux piétons : 4,9 millions
LA RIGOURDIÈRE - CESSON
C.A. > 182 millions
80 magasins
Flux piétons : 3,5 millions
LA GAITÉ ST-JACQUES
C.A. > 13 millions
45 magasins
Flux piétons : 1 million
SOIT
9%
RENNES
44%
des emplois salariés
du commerce de détail
PAYS DE RENNES
du total des emplois
ROCADE SUD - CHANTEPIE
ALMA
EN TERME D'EMPLOI,
LE COMMERCE DU
CENTRE C'EST :
emplois estimés en 2013
C.A. > 51 millions
5 magasins
Flux piétons : 1,1 million
C.A. > 45 millions
61 magasins
Flux piétons : 1,19 million
salariés rennais
C.A. > 150 millions
62 magasins
Flux piétons : 2,3 millions
C.A. > 243 millions
123 magasins
Flux piétons : 7,5 millions
Source : Chiffre d’affaires 2011 (sauf centre-ville estimé en 2013) hors services, restauration,
essence, pharmacie, tabac, automobile, moto. Pivadis
3 036
VILLAGE OXYLANE - BETTON
LES LONGS-CHAMPS
C.A. > 81 millions
112 magasins
Flux piétons : 1,3 million
MOINS DE PIÉTONS
DANS LE CENTRE-VILLE
La baisse de la fréquentation du centre-ville est
un argument récurrent chez un bon tiers des
commerçants sondés par la Chambre du commerce
et de l'industrie. Dans les faits, les flux piétonniers
mesurés par la Ville attestent cette tendance. Après
une augmentation de 5,3% entre 2007 et 2009, le
nombre de piétons enregistrés à l'heure dans les
rues du centre a baissé de 11%. Dans le même temps,
les espaces exclusivement piétonniers ont peu
augmenté : 2%. D'après la Ville de Rennes, « les micro
déplacements à métro » et « l'extension de la zone
centre » expliquent en partie cette baisse comptable.
FLUX PIÉTONNIER
20,2%
des emplois du
commerce de détail
des 76 communes du
pays de Rennes
Source : Rennes Métropole et estimations Audiar - Emploi salarié hors services et restauration
0
40 00
0
38 00
0
36 00
0
34 00
2008
2007
2009
2010
2011
2012
2013
2014
DES CRÉATIONS QUI NE COMPENSENT PAS LES DISPARITIONS
Depuis 2008, le solde annuel
des nouveaux commerces
créés dans le centre-ville
ne suffit pas à combler les
radiations. Sur cette période,
le centre-ville de Rennes
a perdu une centaine de
boutiques, bars et restaurants.
COMMERCES
250
2008
2009
2010
2011
150
0
2013
2012
2014
50
-50
solde
radiation
création
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
31
LE MAG COMMERCE EN CENTRE-VILLE
COMMERCES ET STATIONNEMENT
LA FIN D’UN DÉBAT
Longtemps considérée comme un frein au commerce, la limitation du
stationnement automobile en centre-ville fait de moins en moins débat.
E
n baisse constante depuis
2012, les places réservées au
stationnement des voitures
dans les rues du centre-ville
sont passées de 2 370 à 1 980 en 2015.
Une diminution que les services de la
Ville de Rennes attribuent à « des réaménagements d’espaces publics et aux
chantiers, en particulier ceux de la deuxième ligne de métro ». Moins 350
places sur le mail François-Mitterand,
moins 62 places sur la Place de Bretagne,
moins 74 places cumulées entre la rue
de Clisson, de la Monnaie et la rue de
Saint-Malo... la majorité des commerçants y voit « l’une des principales raisons de la baisse de fréquentation
commerciale du centre-ville »1.
Porté de longue date par les acteurs du
commerce, ce discours pourrait pourtant faire long feu. Pour Dominique
Fredj, le président de l’association de
commerçants Le Carré rennais, le « recul
de la voiture en centre-ville » est l’une
des trois révolutions majeures que le
commerce de proximité « doit intégrer ».
Selon lui, « l’extension des espaces piétonniers » est même « inéluctable ».
Changement de discours
Invité à participer au groupe de travail
sur le futur plan commerce de la Ville de
Rennes, qui devrait être présenté début
2016, François Eveillard, élu au commerce de la Chambre du commerce et
d’industrie, reconnaît, lui aussi, que « la
question du stationnement en centreville n’est plus centrale ». Une position
qu’il justifie notamment par les taux d’occupation « étonnants » relevés dans les
parkings, comme Chézy-Dinan, Martenot
ou Hoche. Des taux qui, selon le gestionnaire Citedia, plafonnent aux alentours
de 70% en moyenne le samedi.
MOINS DE VOITURES ET PLUS DE VÉLOS
34%
+47%
C’est le pourcentage de places
libres dans les parkings couverts du
centre-ville le samedi. Soit 2 000
places disponibles sur 5 930.
32 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
C’est la hausse enregistrée
pour la fréquentation à vélo de
l’hyper-centre depuis 2011.
Dans les faits, un lien direct entre la
vitalité du commerce et la présence de
la voiture est difficile à établir. D’un côté,
16% des places réservées à la voiture
ont été supprimées ces trois dernières
années au cœur de la ville. En face, les
flux des piétons mesurés dans le centre,
sur la même période, n’ont, quant à eux,
quasiment pas varié. En revanche, la
fréquentation des parkings relais, les
déplacements en métro et ceux à vélo
augmentent tous les ans depuis 2009.
Interrogé par Le Mensuel, Marc Hervé,
élu socialiste rennais au commerce, ne
s’étend pas sur le sujet. Il confirme juste
que la Ville « s’est engagée à stopper la
suppression des places de stationnement
jusqu’à l’arrivée de la deuxième ligne de
métro » et qu’elle « s’y tiendra ».
1. Enquête réalisée par la société Pivadis auprès de
620 commerçants du centre-ville en 2009 et 513
en 2014.
57%
EN 2009
EN 2014
51%
C'est le pourcentage des commerçants du centreville qui considère le manque de places de stationnement comme l'une des principales raisons de
la baisse de fréquentation du centre-ville, devant
la concurrence de la périphérie (31%), l'accessibilité au centre-ville (28%) et la baisse du pouvoir
d'achat couplé à la conjoncture (18%)1.
E-COMMERCE
QUI A ENCORE PEUR DU WEB ?
Débarqué dans les années 1990, le web a définitivement bouleversé les
habitudes de consommation. Concurrent direct ou opportunité, il influe
sur les stratégies des échoppes rennaises. Face à la déferlante, certains
commerces en font leur marque de fabrique.
D
ans sa boutique de la rue de
Clisson, Ludovic Ludinard
planche sur son ordinateur.
Installé derrière un comptoir
en bois, il met à jour son site de
e-commerce. Ludovic fait partie des 17%
des commerçants indépendants rennais
qui déclarent faire de la vente en ligne1.
Ouvert depuis sept mois, il est spécialisé
dans la chemise « haut de gamme ». Le
web ? Il l’aborde comme « un prolongement de son activité ». Chez lui, la
moitié du stock provient d’une marque
qui commercialise exclusivement ses
produits en ligne. Et, d’après lui, il y a
toujours besoin « d’essayer le produit,
de le toucher » et « les retouches ne se
font pas en ligne », plaisante-t-il.
Si, comme Ludovic, 30% des commerçants du cœur historique rennais
déclarent faire de la vente en ligne1, les
équipements de connexion tardent à se
généraliser. En 2014, 70% des magasins
du centre rennais disposent d’un accès
à Internet. C’est 12% de plus qu’en 20111.
Côté bars et bistrots, le mouvement de
connexions gratuites et sans fil, initié
par les chaînes standardisées comme
Colombus Café ou Subway, continue
d’essaimer. Un passage quasi obligé
dans une cité qui compte pas moins de
64 000 étudiants aguerris aux réseaux
sociaux et au travail nomade. Au Haricot
rouge, un bar resto proche de la place de
la République, où le Net a débarqué dès
2007, Léopoldine Orhan, la patronne,
parle d’une « évidence ». Chez elle, les
étudiants étrangers communiquent surtout via les messageries vidéo comme
Skype. Au-delà « de la richesse culturelle » qu’elle en retire, le web lui permet « d’être identifié » par une clientèle
« jeune et volatile ». En bref, c’est, pour
elle, un « moyen de rester au top ».
Rennes connexion
S’il est difficile de les quantifier, les
annonces des bons plans rennais se
multiplient aussi sur Facebook. Le
café Albertine alerte sur ses vide-dressings, la librairie Critic présente ses
nouveaux arrivages. Côté services, le
web transforme même certains métiers
artisanaux. Dans la rue Saint-Hélier, un
premier pressing connecté a vu le jour
en octobre dernier. Créé par Françoise
Bazin, il s’appuie sur une boutique équipée de casiers pour déposer et reprendre
ses vêtements « n’importe quand » et un
site Internet sur lequel les clients passent
leur commande. Si Internet lui permet de
répondre à « une demande de flexibilité
de la part des clients », elle insiste : « Le
web n’enlève rien au besoin d’un
commerce de proximité. »
Une analyse que partage Olivier
Ribot. D’ici la fin 2015, cet entrepreneur rennais s’apprête à
lancer une application d’infos
géolocalisées « sur les promotions et opérations en cours
dans les commerces rennais ».
Lancer des ventes flash sur des
produits périssables dans les
commerces de bouche, annoncer des promotions exception- OLIVIER RIBOT,
entrepreneur du web
nelles ou faire l’économie de
campagnes publicitaires parfois
coûteuses... Pour lui, Internet est une
mine de « possibles ». Inventif et optimiste, il insiste pourtant, « la technologie
est un outil, mais elle ne résoudra pas
tous les problèmes, notamment celui de
la baisse des passages en magasin. »
LA
TECHNOLOGIE
NE VA PAS
RÉSOUDRE
TOUS LES
PROBLÈMES
1. Source : Groupement d’information et d’étude
du commerce de Rennes, d’après un sondage de la
société Pivadis.
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
33
LE MAG COMMERCE EN CENTRE-VILLE
DISQUAIRES
LES INDÉPENDANTS RÉSISTENT
En 15 ans, le centre-ville de Rennes a perdu 85 boutiques dédiées à la culture et aux
loisirs. Parmi elles, des enseignes phares de l’univers musical. A rebours de cette
tendance, cinq nouveaux disquaires indépendants ont créé leur boutique depuis 2006.
A
côté du textile, de l’électroménager et de l’équipement de
la maison, la culture est l’un
des secteurs les plus touchés
par la conjoncture économique des dix
dernières années. En 2000, à Rennes,
le centre comptait 242 photographes
indépendants, disquaires, libraires, carteries, boutiques de gadgets, de beauxarts et autres magasins spécialisés en
culture et loisirs. En 2015, ils sont 155.
Rescapés ou aventuriers du secteur, six
disquaires indépendants gardent
aujourd’hui pignon sur rue1.
A Nantes, seules deux boutiques proposent encore vinyles et CD. Comme
celle de Jean-Christophe Fillon. Pour lui,
la présence de « sept magasins culturels
tenus par l’enseigne Leclerc », couplée
au prix des loyers « inabordables dans
l’hyper-centre » empêche la création de
tout nouveau disquaire. Idem au Havre,
où deux échoppes rappellent encore
l’effervescence de la scène punk-rock
des années 1970 et 1980.
Un renouvellement
perpétuel
Le secteur musical rennais n’a pourtant
pas toujours gardé le sourire. En sept
ans, trois figures majeures ont quitté
la scène locale. Usé par les affres du
métier, le disquaire Rennes musique
a baissé le rideau en 2008. En 2013, c’est
au tour d’Harmonia Mundi, chaîne spécialisée dans la musique classique, et
de Virgin Megastore.
Vécues comme des coups durs pour la
culture en magasin, ces fermetures ont
finalement profité aux indépendants. En
2008, Pierre Hingant et Frédéric Morel
constatent que sans Rennes musique,
« il n’y avait plus de disquaires généralistes ». Ils ouvrent Blindspot. En 2014,
Jean-François Goulay et Richard Dick, un
ancien salarié du Virgin Megastore, créent
It’s Only. Un pari fou ? « Non », assure
Richard : « Le rayon disques du Virgin faisait encore un gros chiffre d’affaires ». Et
d’après lui, « il y a toujours une demande
musicale à Rennes ». Un constat partagé
par Jean-Marc Ploquin, ancien salarié
d’Harmonia Mundi qui vient d’ouvrir
Les Enfants de bohème. Pour lui, les
institutions culturelles, comme Jazz à
l’Ouest, le TNB ou l’Orchestre national de
Bretagne « sont un plus pour la culture ».
Seul regret : le déménagement partiel ou
total des festivals comme Mythos –qui
a quitté la place du Parlement– ou les
Transmusicales –largement programmées à Saint-Jacques. Un avis également
avancé par Richard Dick : « En plus de
drainer un public intéressé par la culture,
ces événements animaient et faisaient
vivre le centre-ville. »
1. Rockin’Bones (1998), Les Troubadours du chaos
(2006), Blindspot (2008), It’s Only (2014), Rennes
Groove (2014), Les Enfants de bohème (2015)
CAP SUR LES CRÉATEURS
En juin dernier, la boutique Nij Rennes, et ses 21 créateurs
principalement issus du cru local, s’est installée sur le boulevard de la Liberté. Dès le 2 décembre, et pendant un mois,
l’instigatrice du Brunch des créateurs, Kahina Drider, ouvre
« une boutique éphémère » dans la rue du Chapitre. Sur
100 m², elle accueillera plus de trente créateurs « issus de la
34 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
France entière ». Quant aux magasins qui cartonnent, Mint,
la Petite Fabrique du 13, la Supérette ou encore Radis vert et
Pois Rose, muscleront leurs ouvertures en décembre. D’après
François Eveillard, élu au commerce de la CCI, c’est « notamment sur ce secteur différenciant » que le commerce rennais
« doit miser ».
LE MAG
Jean-Paul Le Tensorer
Le « Patron »
DIRECTEUR INTERRÉGIONAL DE LA POLICE JUDICIAIRE
Après 35 ans dans la police judiciaire, le Rennais Jean-Paul Le Tensorer s’apprête à
quitter ce service spécialisé dans la grande délinquance. Ce flic « à l’ancienne » a enquêté
sur les plus grandes affaires criminelles de France.
«
a délinquance évolue,
la police doit s’adapter. Je laisse ma place
aux jeunes. C’est bien
que la police se
renouvelle. » C’est
dans un éclat de rire
que Jean-Paul Le Tensorer annonce
qu’il prend sa retraite dans un mois. A
61 ans, le « DIPJ », le directeur interrégional de la police judiciaire de
l’ouest, s’apprête à quitter les 390 fins
limiers qu’il a sous ses ordres de la
Seine-Maritime à la Vendée en passant
par la Sarthe et le Finistère. En 35 ans
de carrière, exclusivement en police
judiciaire, le Rennais Jean-Paul Le
Tensorer est devenu une figure de la
police française.
Entré dans la PJ car il « adorait les
romans policiers et les histoires de
grands flics », cet homme de taille
moyenne, aux traits réguliers, a travaillé sur de nombreuses affaires qui
ont défrayé la chronique. Les enquêtes
de « Tonton » ont souvent fait les gros
titres des journaux et les ouvertures
de journaux télévisés. Pourtant, à la
question « quelle affaire vous a marqué le plus ? » Jean-Paul Le Tensorer
répond avec détachement : « Je sais
pas… Une enquête chasse l’autre. » Et,
aussitôt, il déroule ses souvenirs avec
passion : braquages, enlèvements,
L
36 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
meurtres, trafics de stupéfiants, de
drogues, d’armes... A bien y réfléchir,
l’enquête qui l’a le plus marqué, c’est
l’affaire Dupont-de-Ligonnès.
En avril 2011 à Nantes, ce père de famille
bien sous tous rapports est soupçonné
d’avoir assassiné son épouse et ses
quatre enfants. Avant de disparaître de
la circulation. « Une telle préméditation pour supprimer sa propre famille,
QUAND ON A
ACCROCHÉ CE SALAUD
(SIC) EN 2014, ON
ÉTAIT TELLEMENT
CONTENTS
JEAN-PAUL LE TENSORER,
à propos du meurtrier de Lucie Beydon
c’est impensable. Les affaires familiales,
c’est peut-être ce qu’il y a de plus dur
dans ce métier », admet ce père de trois
grands enfants. « Quand vous pistez
des malfaiteurs archi connus, ce n’est
pas pareil. Vous imaginez qu’ils sont
capables du pire. Mais quand des gens
d’apparence normale s’en prennent à
des innocents, c’est humainement difficile. » C’est également pour cette raison,
qu’il a accusé le coup lors de l’assassinat
de Lucie Beydon.
A Rennes en septembre 2004, la
jeune étudiante de 20 ans, l’âge de sa
fille aînée, est tuée d’une trentaine
de coups de couteau chez elle. Les
investigations ne donnent rien. Des
empreintes génétiques incomplètes
sont pourtant relevées et des suspects
entendus. Il faut attendre juillet 2014
et les progrès de la science pour que
le laboratoire d’analyses puisse mettre
un nom sur une empreinte relevée à
l’époque. L’auteur présumé est arrêté
(lire Le Mensuel de mars 2015). « En
2006, quand je suis parti de Rennes
pour Bordeaux, j’avais des regrets.
Le meurtrier était toujours en liberté.
Quand on a accroché ce salaud (sic)
en 2014, on était tellement contents. »
Les progrès sur l’ADN, les écoutes
téléphoniques, l’espionnage informatique… En trente ans, Jean-Paul Le
Tensorer a vu les techniques d’investigation considérablement évoluer.
« Quand j’ai commencé à travailler, il
fallait trente minutes pour géolocaliser un appel qui venait d’un téléphone
fixe ! Quand on faisait des écoutes sur
le magnéto à bobines, il fallait écouter
le nombre d’impulsions pour reconstituer le numéro que l’objectif composait,
c’était très chiant et la marge d’erreur
était importante », se souvient JeanPaul Le Tensorer. L’enquêteur qui se
CLAIRE
STAES
[email protected]
ADRIEN
DUQUESNEL
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
37
LE MAG JEAN-PAUL LE TENSORER
qualifie de « chasseur » a dû s’adapter
à ces techniques mais aussi à la délinquance qui s’est profondément transformée. « Le grand banditisme traditionnel
a par endroits complètement disparu,
remarque Jean-Paul Le Tensorer. Le
proxénétisme a été abandonné aux
réseaux est-européens et africains. Il y
a beaucoup moins de braquages retentissants. Maintenant, c’est les stups qui
rapportent gros. Il en découle beaucoup
de violence. Quand j’ai commencé nous
étions heureux d’intercepter un kilo de
cannabis. Aujourd’hui on parle en centaines de kilos, voire de tonnes de toutes
sortes de drogues. »
Jean-Paul Le Tensorer incarne « la
police à l’ancienne ». Celle qui, nuit
et jour, vivait en groupe, traquait les
bandits en fumant clope sur clope, et
festoyait jusqu’au petit matin. « C’était
comme ça à l’époque, on n’avait pas
beaucoup de vie de famille. Mais on
aimait ce qu’on faisait. On travaillait
tous ensemble et on rigolait bien. » Ce
côté rieur, blagueur et paternaliste est
unanimement reconnu par ses collaborateurs. A Rennes, ses hommes le
SA CARRIÈRE
Septembre 2009. Directeur interrégional de la police
judiciaire à Rennes
Septembre 2006. Directeur interrégional de la police
judiciaire à Bordeaux
Septembre 2001. Directeur du service régional de
Rennes. Et devient en avril 2003 directeur interrégional
de la police judiciaire à Rennes.
Novembre 1999. Directeur du service régional de la
police judiciaire Rouen
Juillet 1993. Sous-chef du service régional de la police
judiciaire Rennes
Décembre 1991. Sous-chef du service régional de la
police judiciaire de Dijon
Janvier 1988. Chef de section criminelle de la police
judiciaire de Rouen
Aout 1984. Chef de l’antenne de police judiciaire de Brest
Avril 1982. Chef du groupe répression du banditisme de
la police judiciaire de Bordeaux
Août 1980. Chef du groupe de répression du banditisme
de la police judiciaire de Rouen
38 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
surnomment même « papa ». « Sur
les trente ans que j’ai passés en police
judiciaire, les deux ans avec Jean-Paul
à Rennes sont mes meilleures années,
témoigne Frédéric Ejarque, son adjoint
au début des années 2000. On travaillait énormément, c’était du non-stop.
Mais on savait décompresser. Jean-Paul,
c’est vraiment l’esprit PJ. » Beaucoup de
décontraction mêlée à un grand professionnalisme. Et là encore, les témoignages vont tous dans le même sens.
« C’est un excellent meneur d’hommes.
Il possède une bonne connaissance de
son ressort, loue Véronique Malbec,
procureure générale près de la cour
d’appel de Rennes. Il a une énergie et
une combativité extraordinaires. C’est
C’EST QUELQU’UN
DE FIDÈLE EN AMITIÉ
ET EN INIMITIÉ
CHRISTIAN LOTHION,
ancien directeur central de la PJ.
quelqu’un sur qui on peut compter. » « Il
est arrivé que la ville et la police judiciaire travaillent ensemble notamment
sur du trafic de stupéfiants », se souvient
Hubert Chardonnet, adjoint au maire
de Rennes, chargé de la sécurité. Nous
avons toujours été tenus au courant en
temps et en heure. » Les journalistes
diront de même. « Le Tens’ » rappelle
toujours même s’il ne veut pas communiquer. Pourtant, dès qu’il le peut, il fait
valoir le travail de la police et centralise
les contacts avec les médias. Il a appris à
ses dépens l’importance de travailler en
bonne intelligence avec le « 4e pouvoir ».
En 1983, alors qu’il enquêtait sur un
double meurtre à Bordeaux, un journaliste, qui s’était fait remballer par
les responsables de la police, a révélé
l’identité de la personne recherchée.
« Je m’en souviens encore, j’écoutais
la radio en me rasant, il était 6 h du
matin, souffle Jean-Paul Le Tensorer.
Ce fut un séisme. Nous étions tellement
en colère. Plusieurs jours après, nous
avons retrouvé la trace de notre objectif
et nous l’avons interpellé. Mais sa cavale
a duré un mois et demi et a coûté la vie
à un brigadier de police. »
Entré par la grande porte
Rentré par goût pour l’investigation,
les filatures et les planques, ce fils de
bistrotiers de Saint-Pierre Quilbignon,
un quartier populaire de Brest, était prédestiné à devenir un patron. Après une
maîtrise de droit à l’université de Brest
et un début de DEA de droit européen
à Rennes, Le Tens’ est entré dans la
police par la grande porte en obtenant
le concours externe de l’école supérieure
de la police qui forme les commissaires.
« C’était la belle époque », en sourit
encore celui qui faisait des extras en tant
que barman de discothèque le weekend. « Dans notre promo à l’école des
commissaires, nous n’étions pas les plus
bosseurs », reconnaît Christian Lothion,
ex-DCPJ (le big boss de la PJ française)
et camarade de promotion du Rennais.
« Avant notre grand oral de fin d’études,
au lieu de bosser, nous avions participé à
un week-end de libations avec la confrérie des chevaliers de la Chantepleure à
Vouvray. Quand j’ai raccompagné JeanPaul au train le dimanche soir, il était en
grande forme… »
Cette amitié avec Christian Lothion
ne s’est jamais démentie. Les deux
compères ont fait des carrières parallèles, toujours en police judiciaire.
« En 2008, quand j’ai su que j’allais
obtenir le poste de directeur central
de la police judiciaire, j’ai immédiatement appelé Jean-Paul. Je lui ai proposé de m’accompagner. J’avais besoin
de personnes solides sur lesquelles je
pouvais compter. » Mais celui qui vient
de passer contrôleur général décline la
proposition. Même s’il est monté dans
la hiérarchie policière au mérite, il n’a
jamais rêvé d’intégrer les hautes sphères
parisiennes. « Je ne sais pas si j’aurais eu
assez de résistance à la pression, s’interroge encore l’intéressé. Dans ce genre de
poste, même quand il ne se passe rien,
il y a énormément de gesticulation pour
suivre le ou les ministres, pour anticiper
ce qui va faire la Une du JT le lendemain.
Je ne sais pas si j’aurais été compétent. »
4
3
2
1
A l’école des commissaires, dans la promotion de Jean-Paul Le Tensorer (1), il y avait aussi : Christian
Lothion (2), qui deviendra directeur central de la police judiciaire. A côté de Christian Lothion : JeanClaude Menault (3), ancien directeur de la sécurité publique du Nord. Cet homme a notamment été
entendu dans l’affaire du Carlton pour avoir fait partie d’un petit groupe de personnes qui ont rencontré
Dominique Strauss-Kahn à Washington. Aucune charge n’a été retenue contre lui. Marie-France
Monéger (4) actuelle patronne de l’inspection générale de la police nationale.
Jean-Paul
Le Tensorer pose
avec ses « potes »
de la Brigade
de recherche et
d’intervention
(BRI) de Nantes.
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
39
LE MAG JEAN-PAUL LE TENSORER
Sa place, il ne l’a jamais imaginée ailleurs qu’en Bretagne. D’ailleurs, durant
toute sa carrière, dès qu’il a pu revenir
au « pays », il n’a pas hésité. Quitte à
lâcher la direction de la PJ de Bordeaux
et son importante circonscription, pour
reprendre son précédent poste de
Rennes. « Quoi de mieux que d’exercer
le boulot qu’on aime, chez soi ? », questionne Jean-Paul Le Tensorer.
« C’est quelqu’un d’entier Jean-Paul, il
extrêmement fidèle et loyal. C’est vrai
pour tout. Pour sa région, ses amis, sa
famille, ses collègues », constate Jérôme
Martin, un de ses adjoints et ami,
aujourd’hui chef de l’antenne de police
judiciaire de Rouen. « Par contre, mieux
vaut ne pas lui faire de coups tordus,
souffle un policier qui a travaillé sous
ses ordres. Car il peut devenir beaucoup
moins sympathique. » Adjoints exilés
dans des zones rurales, journalistes
répudiés, collègues qui se sont vu offrir
des placards « dorés » dans le secteur
privé... « C’est quelqu’un de fidèle en
amitié et en inimitié », se marre carrément Christian Lothion. « C’est un flic de
PJ à l’ancienne. Il est malin, bosseur et
il a beaucoup de flair. »
Parmi les beaux coups à son actif,
le braquage avorté de l’entreprise
Oberthur fiduciaire reste dans les
mémoires. En juin 2014, le directeur
de la police judiciaire de Lyon l’appelle
pour le prévenir qu’une équipe connue
pour du « stup » cherche un transpalette pour « taper un centre fort en
Bretagne ». Immédiatement, JeanPaul Le Tensorer met l’imprimerie de
Chantepie sous surveillance et continue
d’écouter certains suspects. Sans tarder,
des hommes sont vus sur place en train
de procéder à des repérages. Quand le
patron sent que le « gang est chaud »
et que « tout le monde a l’intention de
monter à Rennes pour le grand jour »,
l’ordre est donné de « taper » les suspects, à Grenoble et dans la région rennaise. Lors des perquisitions, les forces
de l’ordre trouvent des armes lourdes,
gilets pare-balles, herses, appareils de
brouillage d’ondes et à visée nocturne,
pistolets automatiques ainsi que du
matériel destiné à percer des bâtiments
40 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
en béton, etc. « C’est à ce moment-là que
le rôle de chef devient primordial. Il faut
laisser les mecs avancer dans leur projet
afin d’avoir suffisamment de preuves
contre eux pour éviter qu’ils soient relâchés à l’issue des gardes à vue. Mais il ne
faut pas les laisser aller au bout de leur
plan. Savoir si c’est le bon moment, ce
n’est pas toujours facile. »
L’évasion ratée
de Bruno Sulak
Durant les 35 ans de carrière, toutes
ses affaires n’ont pas toujours tourné
comme le Breton l’aurait voulu. En mars
1984, alors que Jean-Paul Le Tensorer
est chef du groupe de répression du
banditisme à Bordeaux, la police aux
frontières appelle la PJ pour prévenir qu’un « homme louche » prévoit
de louer un hélicoptère le lendemain
C’EST UN EXCELLENT
MENEUR D’HOMMES
VÉRONIQUE MALBEC,
procureure générale près de la cour d’appel de
Rennes
tomber. Nous ne savions même pas si
cette personne avait quelque chose à
se reprocher. »
Des ratés retentissants, Jean-Paul
Le Tensorer en a aussi connus. Comme
ce jour d’octobre 1983, où il a laissé filer
Lionel Cardon. Ce braqueur était recherché par toutes les polices de France pour
le double meurtre des époux Aran,
un couple de médecins de Pessac en
Gironde. « Il était dans une cabine
téléphonique dans le centre-ville de
Bordeaux, nous étions trois aux alentours. Notre supérieur nous a donné
l’ordre de ne pas l’interpeller mais de le
suivre. Mais pendant la filature, dans la
gare de Bordeaux, nous l’avons perdu. »
De ce ratage, Jean-Paul Le Tensorer ne
fait pas de commentaire. Il ne rejette pas
la faute sur son supérieur et constate
avec pragmatisme : « A cet instant-là,
nous avions encore l’espoir de retrouver
Aline Aran en vie, Cardon aurait pu nous
conduire jusqu’à elle. En plus, à cette
époque, il n’y avait pas de doctrine claire
sur les décisions à prendre. Aujourd’hui
ce ne serait plus comme cela, nous l’aurions interpellé. »
Grandes équipes
matin. Les flics pensent immédiatement à une préparation d’évasion. « J’ai
fait le lien avec Bruno Sulak, l’ennemi
public n°1 (braqueur multirécidiviste,
surnommé l’Arsène Lupin des bijouteries). Il était enfermé non loin de là, à
la maison d’arrêt de Gradignan, et avait
plusieurs fois essayé de se faire la belle.
J’ai décidé d’envoyer une petite équipe
pour procéder à un contrôle. » L’arrivée
des policiers à l’aérodrome déclenche
une fusillade. Le comparse de Sulak,
Steves Jovanovic « braque » un 357
Magnum. Les policiers répliquent
et l’abattent. « Sur le ‘‘Yougo’’, on a
retrouvé deux gros calibres, deux grenades défensives et un fumigène ainsi
que des plans de la prison. » L’affaire
aurait pu coûter cher aux hommes de
Le Tens’. « C’est très difficile d’évaluer
toute la complexité d’une situation.
Nous n’avons jamais toutes les cartes
en main quand nous agissons. Là, nous
ne savions pas sur qui nous allions
C’est aussi cela que Jean-Paul
Le Tensorer a vu évoluer. Le travail des
policiers est bien plus encadré qu’il ne
l’était. Fini le temps où les flics refilaient
la drogue des saisies à leurs indics.
Aujourd’hui, les informateurs sont
immatriculés et répertoriés dans des
fichiers consultés par la hiérarchie. Ces
derniers touchent des primes légales
dont le montant est fixé par un barème.
« Je trouve cela logique. La police évolue avec la société. » Sur l’affaire Michel
Neyret, l’ancien n°2 de la PJ lyonnaise
mis en examen pour corruption et
soupçonné d’avoir renseigné le milieu
contre divers avantages, Jean-Paul
Le Tensorer lâche droit dans ses bottes :
« Il ne faut pas se leurrer, on ne fait pas
de police sans informateur. Il y a des
limites à ne pas dépasser. Ce sera à la
justice d’en juger. » Par contre, ce que
plaide ouvertement le « DIPJ » c’est un
allégement de la procédure judiciaire.
« Avant, nous avions besoin de deux
personnes pour faire une garde à vue.
Maintenant, il nous en faut au moins
trois. Il faut tout vérifier afin d’être sûrs
que notre procédure ne va pas tomber
pour un quelconque vice de forme. Je
trouve normal que les avocats assistent
leur client durant les gardes à vue mais
il faut alléger la paperasse des flics. »
De toutes ces années à courir après
les bandits, les violeurs, les tueurs, les
« beaux mecs » ou les « petites frappes »,
Jean-Paul Le Tensorer ne tire qu’un seul
enseignement : « Les grands policiers,
ça n’existe pas. Ça, c’est uniquement
dans les bouquins ou au cinéma. Par
contre, ce qui existe, c’est les grandes
équipes. Quand tout le monde travaille
dans le même sens, on y arrive. Et on en
garde de grands souvenirs. »
En 1980, Jean-Paul
Le Tensorer avec
un camarade, lors
de leur sortie de
l’école Nationale
supérieure de la
police à Saint-Cyr
au Mont d’or. « La
seule fois de ma
vie où j’ai porté un
képi. »
JE SUIS UN
CHASSEUR. J’AIME
LES INVESTIGATIONS,
LES IDENTIFICATIONS,
LES PLANQUES, LES
ÉCOUTES.
JEAN-PAUL LE TENSORER
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
41
LE MAG
CERCLE PAUL BERT
ENQUÊTE
SUR UNE
INSTITUTION
E
S
I
A
N
N
RE
42 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
SOLENNE
DUROX
[email protected]
11 000 licenciés, 111 activités, plus d’un siècle d’existence… Fondé en
pleine « guerre scolaire » pour contrer la puissance des patronages,
le Cercle Paul Bert, la plus grande association rennaise, a construit sa
réussite sur un projet ambitieux, des valeurs et des bénévoles engagés.
Mais aussi des liens très étroits avec la municipalité.
l suffit de se promener
dans la ville pour s’apercevoir que le Cercle Paul
Bert l’a marquée de son
empreinte. Rues PaulBert, Louis-Postel,
François-Bizette, stade
Commandant-Bougouin ou gymnase
Félix-Masson... Les conseils municipaux
de Rennes ont attribué à plusieurs rues
et équipements le nom de personnalités
ayant exercé un rôle essentiel dans l’histoire de l’association.
« L’action de quelques maires novateurs,
l’engagement fort de personnalités bénévoles, soutenus par les réseaux laïcs et les
personnels des écoles publiques, la permanence de relations privilégiées entre
les dirigeants du Cercle et les municipalités rennaises successives expliquent
la naissance et la pérennité du Cercle
Paul Bert, qui est reconnu aujourd’hui
comme une partie du patrimoine de
la cité rennaise », écrit Edmond Hervé
dans la préface du livre de l’historien
Gilbert Nicolas sur Le Cercle Paul Bert
(Ed.Apogée). Présente dans onze quartiers rennais et forte de plus de 11 000
adhérents, l’association est aujourd’hui
la plus grande amicale affiliée à la Ligue
française de l’enseignement. Elle propose
plus de 111 activités sportives, culturelles
et de loisirs et défend un projet au service
de tous et du mieux vivre ensemble.
Archives Cercle Paul Bert
I
Une laïcité de combat
Le Cercle Paul Bert est l’héritier de la
société des anciens élèves des écoles
laïques municipales de Rennes. Il naît
en 1909 dans un contexte très particulier. Après la promulgation des lois de
séparation de l’Eglise et de l’Etat, une
« guerre » scolaire se déclare entre les
évêques français et les instituteurs laïcs
accusés d’athéisme et d’antipatriotisme.
La bataille se joue aussi sur les temps
post et périscolaires. Au début du XXe
siècle, Rennes possède deux patronages
catholiques bien organisés. Ils proposent
des activités sportives et culturelles aux
jeunes les jeudi et dimanche. « Depuis
cinquante ans, peut-être davantage, l’élément ecclésiastique a monopolisé chez
nous cette forme extraordinairement
fructueuse de la tutelle accordée aux
enfants, passé l’âge où ils s’assoient sur
les bancs de l’école », écrit le 28 octobre
1908 le journaliste René Grougé dans les
Nouvelles rennaises.
Le nouveau patronage laïc doit permettre
de contrer l’influence des patronages
existants. Sa création est fortement
soutenue par la municipalité de Jean
Janvier. Elle affiche clairement sa volonté
politique de défendre la laïcité. Reste à
trouver un nom. Le choix se porte sur
Cercle Paul Bert, pour rendre hommage
au médecin, physiologiste et ministre
de l’Instruction publique et des Cultes
(1881). Qui est aussi l’un des fondateurs
de l’école laïque. Le patronage s’installe
rue de Paris dans les locaux de la congrégation des Dames de Marie-Réparatrice
acquis par la Ville.
LE CERCLE PAUL
BERT EST RECONNU
AUJOURD’HUI
COMME UNE PARTIE
DU PATRIMOINE DE
LA CITÉ
EDMOND HERVÉ,
ancien maire de Rennes
Pour l’inauguration officielle, un grand
banquet a lieu dans l’ancienne chapelle.
Les milieux catholiques et conservateurs
s’en indignent. Dans un article, l’abbé
Cornou pourfend les organisateurs du
banquet et du bal qui ont osé « organiser
des rondes joyeuses, là où tant d’âmes
pures goûtèrent la paix de l’adoration »1.
Ambiance…
Gymnastique
et tir au pistolet
Les premières activités pratiquées au
Cercle Paul Bert sont la gymnastique et
la préparation militaire. « On s’y exerce
au tir sportif, à la carabine, ou au tir utilitaire, au pistolet et au fusil de guerre »,
relate Gilbert Nicolas. Le Cercle Paul
Bert participe à la formation du citoyensoldat en organisant des concours de tir
durant l’été. Pour affronter la concurrence de quatre patronages catholiques
dans la capitale bretonne, l’association
peut compter sur le soutien marqué des
maires successifs.
Dès 1909, le premier président du Cercle
Paul Bert, Louis Postel, ex-commis négociant, obtient un emploi à la mairie de
Rennes. « Ces fonctions subalternes à
l’hôtel de ville placent le président du
Cercle Paul Bert dans une situation de
dépendance, mais favorisent également
une proximité avec le maire », écrit
Gilbert Nicolas. Lorsque Louis Postel
tombe gravement malade, le maire Jean
Janvier lui accorde même une allocation
de 220 Fr par mois pour diriger le Cercle
et compenser sa perte de revenus. La
Ville accorde aussi de généreuses subventions publiques qui vont croissantes.
De 15 750 Fr en 1925, elles atteignent
65 500 Fr en 1935. Elle prend en charge
l’entretien et les réparations des locaux,
le chauffage et l’éclairage. Certes, le Cercle
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
43
LE MAG CERCLE PAUL BERT
Paul Bert s’efforce d’afficher une neutralité politique. Pourtant, dans les faits, la
municipalité y joue alors un rôle clé. Le
maire Jean Janvier, président fondateur
du Cercle, préside l’assemblée générale
annuelle. Un certain nombre d’élus en
sont membres honoraires ou font partie
du comité de direction.
La mythique Fête
de la jeunesse
LES PREMIÈRES
ACTIVITÉS
PRATIQUÉES AU
CERCLE PAUL
BERT SONT LA
GYMNASTIQUE ET
LA PRÉPARATION
MILITAIRE
44 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
Vue générale des bâtiments du siège du Cercle Paul Bert, rue de Paris entre
1914 et 2015
Volclair, devient adjoint au maire. Dans
les années 1950-1960, le Cercle est présent dans les structures de concertation
de la Ville comme l’office social et culturel (OSC). Partout où se jouent les attributions d’équipements et la répartition
des moyens financiers. La proximité entre
la mairie et le Cercle devient encore plus
visible avec l’élection en 1965 de René
Rolland à la présidence de l’association.
« Dans le privé », ce dernier est directeur
des finances de la Ville, avant d’être promu
secrétaire général par Henri Fréville. Il
assurera ses fonctions municipales et
associatives durant près de trente ans…
L’ère du consumérisme
Durant les années 1970-1980, la ville
grossit à vue d’œil. Le Cercle est sous
pression. « Le président général René
Rolland constate avec les autres dirigeants que l’association est dépassée
par le développement urbain et que ses
ressources humaines et matérielles ont
du mal à suivre », raconte Gilbert Nicolas.
Le Cercle Paul Bert doit se réinventer. Il
crée de nouvelles sections dans les quartiers. Pour asseoir sa place dans la cité, il
se lance aussi, en partenariat avec la Ville,
dans l’organisation de grandes manifestations sportives et culturelles comme
Tout Rennes nage, Tout Rennes court,
Rennes sur roulettes…
Le coût de ces événements, la nécessité d’indemniser les champions qui y
participent et « l’obligation de financer
le déplacement de sportifs cerclistes de
haut niveau (…) exigent le recours à des
financements privés », remarque Gilbert
Nicolas. D’autant que la Ville semble de
moins en moins disposée à dépenser
sans compter pour soutenir l’unique
activité du Cercle Paul Bert. Elle promeut dorénavant « le pluralisme » via un
système de conventionnement avec les
grandes associations rennaises. La roue
Archives Cercle Paul Bert / A. Duquesnel
A la demande du maire, le patronage laïc
crée des sections dans les quartiers de la
ville pour se rapprocher des habitants.
La première voit le jour au Nord-Ouest
en 1934. Avant-gardiste, le Cercle lance
un groupe de gymnastique et une équipe
féminine de football en 1913 et 1920.
Durant l’entre-deux guerres, il rassemble
petits et grands lors de séances de cinéma
ou à l’occasion de la célèbre Fête de la jeunesse. Des générations de Rennais s’y succèdent jusqu’en 2004. Au programme :
spectacles, chants et défilés disciplinés.
Le charismatique commandant Bougouin
est à la manœuvre. « Son autoritarisme
tout militaire, la crainte qu’il inspirait aux
enfants comme aux maîtres faisaient dire
à un certain nombre d’instituteurs que la
Fête de la jeunesse était d’abord le festival
Bougouin », écrit Gilbert Nicolas. L’entredeux guerres voit aussi la création des garderies du Cercle. Elles vont rapidement
constituer un appréciable vivier de futurs
adhérents. Comme en 1914-1918, l’association est privée de ses locaux durant la
Seconde Guerre mondiale.
A la Libération, son président, Louis
3,68%
2,83%
2,59%
5,40%
0,38%
UNE ORGANISATION PYRAMIDALE
« Le siège », « les sections », « les groupes ». Pyramidal, le fonctionnement du Cercle Paul Bert s’articule de façon assez complexe entre ces
trois composantes.
A la base de la pyramide, on trouve les groupes, à savoir les 110 activités sportives, culturelles et de loisirs proposées par l’association.
Elles sont pour la plupart rattachées à dix sections et équipements
47,06%
répartis dans onze quartiers rennais.
Des comités de section font le lien avec le conseil d’administration
qui définit les orientations politiques de l’association. Cette organisation permet au Cercle de parler d’une seule voix face aux acteurs
sociaux et politiques. Tout en s’adaptant aux réalités des différents
quartiers où il est implanté. « Néanmoins, cela entraîne certaines
lourdeurs, observe un ancien salarié. La hiérarchie interne n’est pas très
lisible. Nous avons affaire à beaucoup d’interlocuteurs différents. »
LES RECETTES 2013-2014
DU CERCLE PAUL BERT
21,52%
cotisations
productions
subventions ville de rennes
subventions office des sports
subventions état
subventions département
subvention région
subventions diverses
TOTAL 6 941 871 €
NOUS SOMMES ENCORE UN CERTAIN
NOMBRE À DÉFENDRE LES TENANTS DE
LA LAÏCITÉ MAIS LA GRANDE MAJORITÉ
DES BÉNÉVOLES N’EN A QUE FAIRE
RENÉ BARRAT,
responsable du Cercle
a tourné. « Historiquement, le Cercle a,
pendant des décennies, bénéficié d’une
position privilégiée de la part de la ville,
alors qu’aujourd’hui on ne lui offre que
la même chose qu’aux autres grandes
familles », déplore René Rolland lors
d’un conseil d’administration en 1977.
Succédant à Josette Bléas, ex-adjointe au
maire Edmond Hervé, René Barrat prend
les rênes du Cercle fin 1998. Il rompt avec
la « consanguinité » historique entre la
Ville et l’association. Le nouveau président
n’exerce ni mandat politique ni fonction
administrative au sein de la municipalité.
S’il souhaite marquer son indépendance,
René Barrat s’inquiète néanmoins de la
distension des liens entre la mairie et son
Cercle. En 1999, il se fend d’une lettre à
Edmond Hervé pour réclamer plus de
moyens et de reconnaissance. « Il nous
semble urgent de clarifier nos rapports
avec les services de la Ville. Nous avons
l’impression de ne plus avoir de réels
interlocuteurs », écrit-il. Le Cercle Paul
Bert voit aussi d’un mauvais œil le soutien
apporté par la Ville à la restructuration des
anciens patronages catholiques. En 2006,
la municipalité d’Edmond Hervé n’hésite
pas, par exemple, à aider les Cadets de
Bretagne lourdement déficitaires. Pour
l’ancien enfant chéri de la municipalité, l’apprentissage du partage revêt un
goût amer.
Aujourd’hui, la Ville semble avoir quasi
coupé le cordon. « Il s’agit d’un acteur
important mais parmi d’autres dans la
vie associative rennaise », estime Tristan
Lahais, adjoint au maire délégué à la vie
associative. De son côté, « le Cercle Paul
Bert ne se reconnaît plus trop dans la
municipalité rennaise, confie un proche
de l’association. La nouvelle génération
d’élus est issue de la jeunesse chrétienne
et semble insensible aux valeurs laïques
traditionnelles. » Au sein même de l’association, « nous sommes encore un certain nombre de hauts responsables à
défendre les tenants de la laïcité mais la
grande majorité des bénévoles n’en a que
faire », observe René Barrat, toujours à la
tête de la section de Villejean. En 2015,
on adhère désormais au Cercle Paul Bert
pour la qualité et la diversité de ses activités et non plus pour ses valeurs.
1. Manifestation déplacée, l’abbé Cornou,
Le Nouvelliste de Bretagne, 19 janvier 1911
16,54%
FINANCES
UN COLOSSE
AU PIED D’ARGILE
Déficitaire, le Cercle Paul Bert vit en
grande partie grâce aux cotisations
de ses adhérents et aux subventions
des collectivités.
Doté d’un budget de 7 millions d’euros, le Cercle Paul
Bert accuserait un déficit compris entre 120 000
et 150 000 € pour l’exercice 2014-2015, selon des
informations recueillies lors de l’assemblée générale de la section Cleunay, en novembre. Ce résultat
devrait être confirmé lors de l’assemblée générale du
CPB le 11 décembre, à l’heure où nous bouclons. Les
deux exercices précédents, les comptes de résultat
affichaient respectivement un déficit de 7 000 € et
de 86 000 €. La masse salariale, en constante augmentation, représente plus de 50% du budget, soit
environ 4 millions d’euros.
Le Cercle Paul Bert emploie 200 salariés. « Ils sont
entourés de très nombreux bénévoles, tous engagés et profondément attachés à l’association », fait
remarquer un ancien salarié. Le CPB fait l’objet d’un
conventionnement annuel avec la Ville à hauteur de
2,4 millions d’euros. Ce montant atteint 3,5 millions si
on ajoute l’ensemble des aides aux projets, les fonds
globaux sportifs et les aides à l’emploi notamment.
Quant aux cotisations, elles représentent plus de
20% des recettes. En 2000, la chambre régionale des
comptes avait déjà soulevé le problème des déficits
récurrents de l’association, insistant sur la nécessité
d’« une gestion plus rigoureuse ». Et de prendre pour
exemple le Théâtre du Cercle. A l’époque, les recettes
des spectacles étaient conservées dans des sacs
plastique, cachés un peu partout pour éviter les vols.
Au final, 15 000 Fr avaient été égarés en 1999 et n’ont
jamais été retrouvés.
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
45
LE MAG CERCLE PAUL BERT
ISABELLE DANIEL
Présidente du Cercle Paul Bert
La laïcité est
pour nous le ciment
de l’ouverture. Présidente du Cercle Paul Bert depuis janvier 2010, Isabelle Daniel consacre
son énergie à maintenir à flot l’immense navire. Et à fixer un cap pour les
années à venir.
Le Mensuel : Quelle est la force du
Cercle Paul Bert ?
Isabelle Daniel : Sa taille indéniablement. Nous comptons aujourd’hui
11 865 adhérents. Ce nombre est en
constante augmentation. C’est un signe
de vitalité. Le Cercle possède aussi un
autre atout : son maillage territorial très
dense. Quant à notre projet associatif, il
est extrêmement affirmé. Il repose sur
des valeurs non négociables que sont
la laïcité, la démocratie, l’éducation et
la solidarité.
Et sa faiblesse ?
C’est aussi sa taille. Plus une structure
est importante, plus elle est complexe à
gérer et à animer au quotidien.
Arrivez-vous toujours à recruter des
bénévoles ?
Nous pouvons compter sur des bénévoles fidèles. Néanmoins, en recruter de nouveaux n’est pas plus facile
qu’ailleurs. Nous avons une difficulté
supplémentaire compte tenu de notre
offre extrêmement vaste d’activités.
On sait aujourd’hui que les durées de
bénévolat sont beaucoup plus courtes.
Les gens s’investissent puis s’en vont
quand les enfants grandissent. Le degré
d’exigence qui leur est demandé peut
aussi en décourager certains.
Au niveau des instances dirigeantes,
n’y a-t-il pas un problème de
renouvellement ?
46 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
Oui, notamment parce que la structure
est tellement grosse et compliquée
à gérer que personne, aujourd’hui,
ne veut ma place, par exemple.
Personnellement, je ne calcule plus mes
heures, même si je suis bien épaulée par
les membres du bureau.
Je ne suis pas sûre qu’un matin, en rentrant à la maison, mon chien me reconnaisse (sourire). Certes, le Cercle Paul
Bert est une association mais il a toutes
les caractéristiques d’une grosse PME.
Dans quelles conditions le précédent
directeur a-t-il quitté ses fonctions
avant l’été ? Pourquoi passez-vous
par une agence de recrutement
extérieure pour trouver son
successeur ?
Nos routes se sont séparées à l’amiable
avec Pascal Férey. Il n’y a jamais eu
de conflit. Nous avions seulement
des divergences de point de vue sur
la gestion de l’association. Nous utilisons partiellement les services d’une
agence de recrutement car nous voulons trouver un vrai profil avec de vraies
compétences. Recruter n’est pas notre
métier. Avec sept millions d’euros de
budget, nous n’avons pas le droit de
nous tromper.
La défense de la laïcité a-t-elle encore
un sens au Cercle Paul Bert ?
Plus que jamais, bien qu’elle n’ait pas le
même sens qu’il y a 100 ans. Aujourd’hui,
nous ne revendiquons aucun anticléricalisme. La laïcité est pour nous le
ciment de l’ouverture.
Je vais vous donner un exemple. Il y a
trois ans, lors de la mise en place des
nouveaux rythmes scolaires, nous
avons été submergés de demandes de
parents craignant la fermeture de nos
ALSH (accueils de loisirs sans hébergement, NDLR) le mercredi matin. Et pour
cause, leurs enfants étaient scolarisés
dans le privé. Nous avons pris la décision de les accueillir. Il a été dit ici et
là que le Cercle Paul Bert restait ouvert
pour les enfants de l’école catholique.
C’est faux. Nous avons seulement fait
le choix de permettre à des parents qui
nous confiaient habituellement leurs
enfants de ne pas être en rupture de service. Comment auraient-ils fait sinon ?
Quelle est la nature des relations que
vous entretenez avec la Ville ?
Nous sommes liés à la Ville par une
convention d’objectifs et de moyens.
Nous sommes actuellement dans
une période de renégociation de cette
convention. Nous participons à des réunions plénières durant lesquelles nous
travaillons de façon collaborative avec
d’autres équipements sur un diagnostic
et un projet pour chaque quartier. Il est
fort possible qu’à l’issue de cette première étape, une recherche de spécialisation au niveau des associations soit
« La recherche de
partenaires doit faire l’objet
d’une organisation rodée. Il
faut qu’on professionnalise
nos méthodes. »
A. Duquesnel
t
souhaitée par la ville. Nous ne souhaiterions pas avoir un jour le sentiment que
celle-ci vienne faire son marché dans
chaque association pour telle ou telle
chose. Ce serait complètement contraire
à notre projet associatif. Je ne souhaiterais pas non plus qu’on nous impose des
espèces de mariages totalement incohérents sur lesquels nous n’aurions aucun
moyen de négociation. Je comprends
néanmoins qu’on ne puisse pas donner
deux fois les mêmes moyens à deux
associations positionnées sur la même
activité, sur le même territoire. Toute la
négociation visera à ce que chacun s’en
tire avec un projet cohérent.
Lors de l’assemblée générale
du Cercle Paul Bert Cleunay en
novembre, il a été annoncé un déficit
important de l’association de l’ordre
de 120 000 à 150 000 €. Quelle en
est la raison ?
LE CERCLE PAUL BERT EST UNE
ASSOCIATION MAIS IL A TOUTES LES
CARACTÉRISTIQUES D’UNE GROSSE PME
Je ne peux pas le confirmer. Cependant,
il est vrai que le maintien de l’équilibre
budgétaire est un problème crucial pour
nous aujourd’hui. Nous essayons depuis
trois ans d’y remédier. Il faut savoir que
le budget du Cercle Paul Bert est la compilation de 100 budgets différents correspondant à toutes nos activités. Or,
celles-ci ne répercutent pas les frais de
structure sur leur budget. Ce qui entraîne
un déficit. Par ailleurs, nous mettons
tout en place pour maîtriser nos charges
salariales. Il ne faut néanmoins pas
perdre de vue que toute notre richesse
repose sur l’humain.
Où trouver l’argent qui manque ?
Le sponsoring est un axe important
de développement pour l’association.
La recherche de partenaires doit faire
l’objet d’une organisation rodée. Il faut
qu’on professionnalise nos méthodes et
qu’on améliore le retour aux entreprises.
Néanmoins, nous ne toucherons pas au
sport de haut niveau professionnel pour
y parvenir. Nous avons fait le choix de
rester fidèles au sport amateur et de ne
pas salarier nos joueurs.
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
47
LE MAG
48 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
JULIEN
JOLY
[email protected]
ADRIEN
DUQUESNEL
BROCÉLIANDE
A quelques kilomètres de l’arbre
d’Or et du tombeau de Merlin se
toruve l’un des lieux les plus secrets
de Brocéliande. L’aérodrome de
Point-Clos, aujourd’hui en ruines, a
accueilli des légendes de l’aviation et
a servi de base aux Nazis pendant la
Seconde Guerre mondiale.
DE L’AIR
À LA POUSSIÈRE
ené est déjà réfugié au fond de la tranchée
quand les Allemands dynamitent l’aérodrome.
Gamin de 10 ans, il est blotti au fond du trou
tapissé de paille qu’il a creusé avec ses parents,
derrière le verger. Sa famille est là aussi. A
chaque détonation, la terre tremble et René
entend les vaches qui meuglent de peur depuis
l’étable. Pour lui, c’est la dernière nuit de la guerre. Mais elle est
interminable. Forêt de Brocéliande, 1er août 1944. Les chars du
général Patton talonnent la Wehrmacht, qui fuit en sabordant
ses installations. Parmi elles, l’aérodrome de Point-Clos, près
de Gaël, à cheval entre le Morbihan et l’Ille-et-Vilaine. Construit
vers 1920, il est l’un des plus anciens aérodromes de Bretagne.
Pendant la guerre, les Allemands l’utilisent comme école de
pilotage et pour l’entraînement des parachutistes. A la
Libération, il sombre rapidement dans l’oubli. Aujourd’hui,
René a 80 ans. Il n’y a plus guère que les enfants du pays comme
lui pour se souvenir de l’existence de Point-Clos. L’endroit est
invisible aux milliers de touristes qui se ruent chaque année
au Val sans retour ou à la fontaine de Barenton. « Presque personne ne nous interroge sur cet endroit, confirme l’office de
tourisme de Paimpont. D’ailleurs, il ne figure pas dans nos
brochures. Il y a déjà tellement de choses à voir… »
R
Dans la blanchisserie, on
trouve encore les traces
des anciens bacs.
Disparu des cartes
Dans les bars du coin, l’existence de Point-Clos confine à la
légende urbaine, quand des randonneurs racontent qu’ils
sont tombés sur des « ruines bizarres » dans la forêt. Les
topos guides font à peine mention de l’épisode allemand.
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
49
LE MAG BROCÉLIANDE : DE L’AIR À LA POUSSIÈRE
Les cheminées,
devenues un refuge
idéal pour les
chauves-souris.
Sur les cartes, pas de trace de ce site
d’environ 80 ha. Mais une recherche sur
Internet permet d’exhumer un plan de
1945 tamponné par le ministère de l’Air.
Celui-ci montre que le camp se trouve
entre Concoret et Gaël, le long de ce qui
est aujourd’hui la départementale 773.
Une fois sur place, déception : l’aérodrome est invisible, recouvert depuis
longtemps par la forêt. A l’exception du
château d’eau, reconverti en mur d’esca-
L’AÉRODROME
FASCINE CEUX
QUI ONT ÉTÉ SES
CONTEMPORAINS
lade par une association locale.
Nous y retrouvons Jonathan Barbier,
un agent de l’Office nationale des forêts.
Celui-ci connaît chaque centimètre de
la parcelle, replantée par l’ONF vers
1960. « Imaginez qu’ici, il n’y avait
pas d’arbres. Que de la lande ! », lance
Jonathan. Il nous amène à une trouée
entre les arbres. Seuls des drapeaux
effilochés et une plaque commémorative indiquent que nous sommes en
présence d’un site historique. Ça et une
50 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
impressionnante barrière antichars de
deux mètres de haut.
Une forêt dans la forêt
A peine avons-nous pénétré sous le couvert des arbres que nous tombons sur ce
qui ressemble à une statue d’art contemporain recouverte de mousse. « C’est un
réservoir », explique Jonathan. On se
prend à fouiller les talus des yeux, à la
recherche d’anciens bâtiments grignotés
par le lierre. « La forêt conserve bien les
vestiges en général. » En revanche, pas
de traces d’objets abandonnés par les
anciens occupants : l’endroit a été pillé
juste après le départ des Allemands.
Soudain, Jonathan s’arrête au pied d’un
maigre châtaigner. Il racle le sol de sa
botte. Sous la mince couche d’humus
apparaît une plaque en béton et les restes
d’une structure métallique, invisibles de
prime abord. « Le châtaignier a poussé
dans la dalle. Les racines ont pris dans
le substrat et cassé le béton, juste ce qu’il
faut. » L’endroit correspond à la position de l’ancien pas de tir, où les pilotes
s’entraînaient à manier la mitrailleuse.
Quelques mètres plus loin se dresse une
partie de la cible, de la taille d’une petite
grange et couverte d’impacts de balles. En
observant la forme des arbres, Jonathan
parvient à reconstituer des indices sur les
ruines. « Vous voyez ce chêne rouge ? Il
ne devrait pas se trouver dans ce milieu.
On le voit plutôt en Amérique. » Nous
sommes face aux reliquats de l’arboretum planté par Alfred Ernst, commandant de Point-Clos. Les arbres exotiques,
qui couvraient toute une partie de l’aérodrome, tentent désormais de survivre
au milieu des espèces locales. Une forêt
dans la forêt.
Impacts de balles
Le commandant n’était pas qu’un amateur de botanique. Il était aussi réputé
pour ses nombreuses maîtresses et sa
passion des voitures. Les habitants de
Gaël se souviennent du jour où il a réquisitionné la Matford décapotable d’un de
leurs concitoyens pour en faire son véhicule personnel. Aujourd’hui, on l’imagine
mal rouler sur les pistes boueuses qui ont
remplacé les anciennes voies d’accès tracées au cordeau. En suivant ces chemins,
nous tombons bientôt sur une grande
cheminée de brique. Dressée au milieu
d’un bâtiment effondré, elle surplombe
les arbres. « Les cuisines », annonce
Jonathan, qui note que « la cheminée est
le refuge idéal pour des chauves-souris ».
Plus loin, c’est une chouette effraie qui a
fait son fief dans le foyer des soldats. Le
bourdonnement des avions a été remplacé par celui des abeilles qui grouillent
dans les ombelles du lierre. Cet éden de
1
4
2
3
5
1
Sous
l’humus, le
carrelage
2
Au fil des ans,
des arbres ont
étendu leurs
racines à travers
les fissures du
sol.
3
Sauf rares
exceptions, la
plupart des accès
aux bâtiments
ont été murés.
4
Faute d’indication,
seule la forme des
bâtiments livre des
indices sur leur
ancienne fonction.
5
« Il peut
rester des
bombes qui
n’ont pas
explosé. »
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
51
LE MAG BROCÉLIANDE : DE L’AIR À LA POUSSIÈRE
1 L’aérodrome
servait
notamment
d’école de
parachutistes.
2 De nombreux
bâtiments ont
été dynamités
par les
Allemands à la
Libération.
3 Costes
et Bellonte,
des légendes
de l’aviation
française à
Point-Clos.
4 Pendant
la guerre, les
civils devaient
traverser PointClos munis d’un
laisser-passer.
1
2
3
4
DES LÉGENDES DU CIEL
À POINT-CLOS
L’histoire de l’aéroport de Point-Clos ne commence
pas avec l’occupation allemande. Construit au début
des années 1920, il sert notamment de base à des
escadrilles nantaises ou limougeaudes. Les photos
d’époque montrent de jeunes hommes en uniforme,
posant crânement devant des aéronefs rutilants. Les
« as » de l’aviation sont des héros nationaux qui se
livrent à une véritable course aux défis aéronautiques.
Quitte à griller leur peau dans un cercueil rugissant au
parfum de ­cambouis.
Certains de ces pilotes légendaires ont foulé les
pistes de Point-Clos, comme Dieudonné Costes et
Maurice Bellonte. En 1930, les deux Français réalisent
pour la première fois la très risquée liaison aérienne
Paris-New York sans escale. L’histoire fait la une des
journaux. C’est un peu le saut stratosphérique de Felix
Baumgartner du début du XXe siècle.
Auréolés de gloire, ils sont invités par la Chambre
de commerce de Rennes et la Ligue aéronautique
de Bretagne1. Les deux aviateurs partent de Paris et
atterrissent avec deux heures de retard. Encore sanglé
dans sa combinaison, Costes raconte aux journalistes : « Nous avons trouvé sur notre route un fort
vent debout et cela explique notre retard. Mais cela fit
aussi que notre consommation d’essence fut beaucoup plus importante. Et vous avez pu le remarquer,
le moteur s’est arrêté de tourner juste au moment où
nous arrivions au-dessus du terrain. Une minute plus
tôt, ou un kilomètre de plus à faire et c’était la chute
dans les pommiers. » Une fin peu héroïque pour les
survivants du Paris-New York.
1. Ouest Eclair, décembre 1930
52 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
fortune ferait presque oublier que l’endroit est toujours dangereux. « Il peut
rester des bombes qui n’ont pas explosé
lors des bombardements alliés. »
Quel avenir ?
Aujourd’hui, l’avenir de l’ancien aérodrome est incertain. Jonathan voudrait
y voir implanté un chemin de mémoire,
avec des panneaux explicatifs et des photos d’époque. Mais le projet se heurte
au manque de moyens. Ces dernières
années, la question de la réhabilitation de Point-Clos s’est posée avec plus
d’insistance. Des associations ont tenté
de faire valoir la vocation touristique du
lieu pour protester contre la création d’un
centre d’enfouissement et d’une d’usine
de traitement des déchets à proximité.
En ressortant de la forêt, on comprend
mieux l’attrait qu’éveille l’aérodrome
fantôme chez ceux qui le connaissent.
L’ancienne fonction des bâtiments transparaît dans leur forme, leur emplacement. Ici et là, un arc de voûte noirci ou
une fenêtre encadrée d’arbres tordus rappellent des images de temples perdus. De
cet état d’abandon émane une émotion
que n’ont pas les créations touristiques
contemporaines comme l’arbre d’Or.
Mais ce paysage insolite ne suffit pas à
expliquer la fascination que l’aérodrome
continue d’exercer sur ceux qui ont été
LA FORÊT
CONSERVE BIEN
LES VESTIGES EN
GÉNÉRAL
JONATHAN BARBIER,
employé de l’ONF
ses contemporains. Pourquoi, 70 ans
plus tard, certains, qui n’étaient que
des enfants à l’époque, éprouvent-ils le
besoin de retrouver les pilotes qui y ont
été stationnés, de collectionner des photos de Point-Clos et lui consacrer des sites
Internet entiers1 ? Dans l’imaginaire des
habitants de Gaël, l’aérodrome cristallise
la période de la Seconde Guerre mondiale
et ses ambiguïtés. René a reçu son premier harmonica d’un soldat allemand.
Les enfants jouaient avec les douilles
de DCA. Les manœuvres aériennes les
fascinaient. Les Allemands réquisitionnaient le bétail. Mais les travaux sur les
pistes fournissaient du travail à plusieurs centaines de personnes. « C’était
des humains, résume René. Ces gens-là
n’avaient pas demandé la guerre. »
1. Fédération Bretonne du Souvenir Aérien 39-45,
www.absa3945.com
LE MAG
JULIEN
JOLY
[email protected]
CINÉMA
SÉRIES B
COMME BREIZH
La Bretagne au cinéma, ce n’est pas que Bowling et Non ma fille, tu n’iras
pas danser. C’est aussi des films moyens qui cachent leurs imperfections
derrière une couche de fantastique et de références celtiques.
Le Pharmacien de
garde (2003) est
qualifié par le site
Nanarland de « bon
petit nanar assez
distrayant ».
54 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
Avez-vous déjà visionné
à dessein un film tellement nul qu’il en devenait involontairement
drôle ? Si oui, vous faites
peut-être partie d’un
genre de cinéphiles
bien particulier : les amateurs de
« nanars ». A ne pas confondre avec les
vulgaires navets qui, eux, sont ratés sans
être divertissants.
Les « mauvais films sympathiques » ont
leurs inconditionnels. Dialogues hyper
convenus, effets spéciaux particulièrement indigents… Plus les ficelles sont
grosses, plus ça leur plaît. Ils se délectent,
avec beaucoup de second degré, de
bobines que d’autres auraient envoyées
illico à la poubelle.
Pour être sûrs de ne pas se tromper, ils
consultent les critiques de sites spécialisés (Nanarland.com) et écument les événements dédiés (comme la Nuit excentrique
à Paris). Masochistes ? Que celui qui n’a
jamais regardé Les Feux de l’amour « juste
pour rigoler » leur jette le premier pop-corn.
A
D.R.
L’attaque du druide
L’imaginaire breton a inspiré quelques
nanars. Un des plus connus est
Le Pharmacien de garde, réalisé en 2003
par Jean Veber. Nanarland le qualifie de
« bon petit nanar assez distrayant ». Le
pitch ? Un pharmacien écolo assassine
des industriels pollueurs grâce à ses
pouvoirs druidiques. Non, ce n’est pas
une comédie. Le film est vendu comme
un thriller sérieux, servi par un casting
prometteur. Dont Guillaume Depardieu
en flic désabusé.
Si Le Pharmacien de garde est aujourd’hui
un film culte, c’est en partie à cause de ses
défauts. Les policiers, à côté de la plaque,
font virer l’enquête au burlesque. Leurs
répliques frôlent l’absurde et alignent
les clichés sur les Bretons. Enfin, si le
mode opératoire du tueur rappelle celui
de Seven, il n’a pas son potentiel horrifique. Au début du film, le pharmacien
dresse un escadron de coccinelles vénimeuses pour se venger des expérimentations animales commises par une
industrielle… Amusant, mais pas très
effrayant. Dommage pour un film qui a
quand même coûté cinq millions d’euros.
Bande-annonce sur : goo.gl/zgFNPz.
Brocéliande, sorti lui aussi en 2003,
constitue une autre perle nanaresque
(goo.gl/J5BsFl). Les lecteurs du site
Allociné l’ont classé 12e pire film de tous
les temps. Chloé, étudiante en archéologie à Rennes 2, poursuit un tueur obsédé
par la déesse celte Morrigan. Société
secrète, forêt mystérieuse… Tous les
ingrédients sont réunis pour un bon film
d’horreur breton. Tous, sauf la Bretagne.
Le film a été tourné en Ile-de-France :
Rennes 2 est en fait la cité universitaire
de Paris. Son architecture romantique
rappelle plus l’école magique de Poudlard
que les locaux sans fard de Villejean. Les
scènes tirent en longueur et les acteurs
manquent de conviction. Brocéliande se
voulait un Halloween à la française. Au
final, il se contente souvent d’aligner les
références à ses modèles sans les égaler.
Dommage, car l’idée de départ est bonne
et le maquillage du tueur est plutôt réussi.
Nanar ou pas nanar ?
Qualifier un film de nanar est forcément
subjectif. Certains flirtent avec l’appellation sans y coller. Zombin Laden, sorti
en 2011, est un court-métrage amateur
qui rend hommage au cinéma bis.
Cette fausse bande-annonce de quatre
minutes montre l’invasion de Belle-Ileen-Mer par des hordes de morts-vivants
menées par un Osama Ben Laden ressuscité (goo.gl/hv3qBf). Courses-poursuites,
humour gras… Ce côté parodique différencie Zombin Laden des vrais nanars,
qui ont tendance à vouloir être pris au
premier degré.
Autre titre difficile à classer : Crétacé Park
(2014). Cet hommage de fans à Jurassic
Park a été en partie tourné au parc de
Préhistoire de Bretagne, à Malansac. Les
scènes surjouées et la 3D d’une autre ère
rappellent les films de dinosaures cheapos qui régnaient sur les bacs de supermarchés à la fin des années 1990. Benoît
Grémare, le réalisateur, assume le côté
humoristique de son film, induit par son
petit budget (2 000 €). Affirmant avoir
voulu marcher dans les pas de Steven
Spielberg, il rejette l’étiquette « nanar »
dont certains spectateurs l’affublent. Au
final, Crétacé Park semble tiraillé entre
son ambition de « faire sérieux » et son
côté « film de copains ». Un Ovni qui
plaira aux amateurs des remakes artisanaux de Soyez sympas, rembobinez. A
voir sur : goo.gl/Me7jtl
Surréalisme
Peut-on vraiment ranger dans la catégorie nanar des films amateurs, a priori
handicapés par rapport à une grosse
production ? Oui, affirme Melvin, de
l’association cinéphile rennaise le Fist.
Pour lui, « le plaisir que peut procurer le
décalage entre les ambitions de l’auteur
et la débâcle artistique de l’œuvre n’a rien
à voir avec les moyens financiers ».
C’est ce même décalage que pointe le
site Rue89 lorsqu’il qualifie Les Seigneurs
(2012) de « nanar parfait ». Vendu comme
un Bienvenue chez les ch’tis à la sauce
LES « MAUVAIS FILMS
SYMPATHIQUES » ONT
LEURS INCONDITIONNELS
armoricaine, le film « ne remplit pas son
contrat » selon les critiques. En cause :
des gags téléphonés et des acteurs talentueux mais sous-exploités. Sans parler
des éternels stéréotypes sur les Bretons.
« Les réalisateurs de nanars ressemblent
à des bateleurs de foire qui nous promettent monts et merveilles, estime
Nicolay Lahaye, historien auteur d’une
thèse sur le sujet1. En sortant de leur
tente, on a l’impression de s’être un peu
fait avoir. » Toutefois, pour lui, l’amateur de nanar n’est pas forcément un
moqueur qui aime tirer sur les ambulances du 7e Art. « Les nanars sont des
œuvres qui échappent aux desiderata
de leurs concepteurs. Ils rappellent le
cinéma populaire de série B. » Les regarder aujourd’hui serait une démarche
culturelle proche du surréalisme. « Il
ne faut pas oublier une chose : ces
réalisateurs, même Ed Wood2, ont fait
des films. Et rien que pour ça, on doit
les respecter. »
1. Le « nanar » : cinéma de genre et cinéma populaire,
des années 1960 à nos jours
2. Réalisateur et scénariste célèbre pour ses films
de série Z
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
55
CULTURAMA
BD
LE LAVOIR
Nefer est la princesse des Hommes-fourmis. Après avoir enfin réussi à
s’arracher de la cruelle emprise de son mari, elle fuit à travers le désert. Elle va
y croiser la route d’êtres mythiques, les Anciens, des géants d’argile investis
de l’esprit de chamans. Un conte poétique écrit et dessiné par le Rennais
Arnaud Boutle.
Nefer, aux éditions Delcourt
CASHLESS
Pourquoi les Trans
ne veulent plus de
votre monnaie
En France, le
cashless est
désormais
utilisé par
les Vieilles
charrues et
la Route du
rock.
Rangez vos portefeuilles. Cette année, les
Trans musicales de Rennes se mettent au
« cashless » (sans monnaie). Le principe ?
Vous achetez des crédits à charger sur un
bracelet muni d’une puce sans contact.
Pour payer une bière, il suffit de « biper » le
bracelet. Quand le solde affiche zéro, vous
rechargez à une borne avec des pièces ou
une carte bancaire. Ou via une application
mobile dédiée.
Avantage n°1 du système : il accélère les
achats aux stands. Le festivalier passe
donc plus de temps devant la scène qu’à
la case ravitaillement. Et ne craint pas de
se faire voler ses billets. Les organisateurs
s’y retrouvent aussi. Plus de flux = plus de
consommation. Les vendeurs de bracelets
cashless promettent 15 à 30% de revenus
supplémentaires par tête. Chiffre invérifiable.
Mais alléchant, à l’heure où les subventions
sont en berne et où les cachets explosent.
Quant aux stands, ils n’ont pas d’argent à
56 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
recompter ni de caisse à sécuriser.
Mais le bracelet sans contact n’est pas qu’une
simple version high-tech des bons vieux
jetons en plastique. Le bracelet fournira aux
Trans une foule de données informatiques
sur le comportement de ses visiteurs. Une
mine d’or pour les organisateurs, qui pourront évaluer au poil près la fréquentation des
salles. Et offrir au consommateur une offre
plus personnalisée. Toutefois, « pas question
de revendre des données personnelles à
des entreprises », jure Yvan Le Bras, chargé
des relations au public. Pas de publicité
ciblée, donc.
Quid du risque de bug ? L’été dernier, le
système cashless du festival britannique
Download est subitement tombé en rade.
Preuve que le système n’est pas infaillible.
« On a eu de vraies garanties sur le matériel,
assure Yvan Le Bras. Même si Internet ne
fonctionne plus, l’ensemble des transactions
pourra tout de même avoir lieu. » Julien Joly
UNE RUCHE ARTISTIQUE
AU CENTRE DE RENNES
Le Lavoir est un lieu qui déjoue les
tentatives de définition. Il est à la fois
espace culturel, pépinière d’artistes
et espace de travail partagé. Niché
à deux pas du Théâtre national de
Bretagne (TNB) et du musée des
Beaux-Arts, au fond d’une cour, l’endroit n’accueille plus de lavandières
depuis longtemps. Mais son étage
(ancien séchoir) offre aux artistes
trois grands ateliers lumineux à
louer. « C’est à deux pas de chez moi,
explique Alcarr Iceol, peintre et locataire au Lavoir. Le concept m’a parlé
d’emblée. Top confort, lumière optimisée, silence absolu en journée… »
Dix espaces de coworking voisins
servent de refuge à des architectes,
juristes, ou ingénieurs. Enfin, le
rez-de-chaussée accueille des
activités physiques (yoga, pilates…),
des groupes de parole ou des
ateliers artistiques. « Nous recevons un public très divers, qui ne
vient pas uniquement du domaine
de la culture », explique Christine
van Geen, professeure de philosophie et instigatrice du Lavoir. Ces
différents spots s’articulent autour
d’un espace café. Le lavoir a ouvert
en septembre. La formule cartonne :
ateliers et espaces de travail affichent
déjà complet.
LE LAVOIR,
XXXXXXXXXXXX
xxxxxxxxxxxx
www.lelavoir-ateliersreunis.fr
RUBRIQUE
COORDONNÉE
PAR JULIEN JOLY
[email protected]
D.R. / Laurent Guizard
NEFER
MARIE-MARINE NOTTE
« Je préfère
être du côté
obscur »
©Joly
Xxxxxxxxxxxxxxxxxxx
J.
Elle fabrique des faux documents,
mais ce n’est pas une criminelle.
Marie-Marine Notte, 28 ans, est
assistante-décoratrice adjointe
sur le téléfilm L’Inconnu de
Brocéliande. Son travail : placer
une foule de petits détails pour
plonger le spectateur dans
un autre univers.
Le Mensuel : Le travail d’assistantedécoratrice adjointe n’est pas le plus
connu du monde du cinéma. En quoi
consiste-t-il ?
Marie-Marine Notte : Ma spécialité, c’est
les détails qu’on ne remarque pas mais
qui crédibilisent le décor. Je travaille sur le
téléfilm L’Inconnu de Brocéliande, en forêt de
Paimpont. On fabrique le décor d’une gendarmerie et je crée ce qui va y être affiché. J’ai fait
des recherches pour savoir à quoi ressemblait
un vrai bureau de gendarme. Pour ça, Google
est mon ami ! Je me rends aussi dans des
endroits réels. Ensuite, on met notre part
d’imaginaire pour que ça soit à la fois crédible
et joli.
Quel est votre parcours ?
Mon frère faisait de la décoration de théâtre.
Ça m’a influencée. J’ai commencé il y a
quelques années sur un poste de ripeur, les
déménageurs du cinéma. C’était assez physique. En avril dernier, j’ai fait une formation
en gestion de la décoration. En sortant, j’ai
trouvé un poste sur la série Cherif à Lyon.
Quelle est votre place sur le plateau ?
Je suis une petite main. Je travaille surtout en
bureau. Je pose beaucoup de questions très
spécifiques au réalisateur à propos des accessoires. Il n’a pas beaucoup de temps. Mais je
dois m’assurer que le jour J tout sera comme
il l’a imaginé.
Dans L’Inconnu, les enquêteurs examinent
des photos. Je dois savoir s’il faut prendre du
papier brillant, de quel format... Certaines
sont censées dater des années 1980. Je les
patine sous ordinateur, puis je les use en
les mettant en poche pendant une journée
ou en les recouvrant de poussière. Quand
je crée des documents qui concernent les
personnages, je dois inventer une partie de
leur vie. C’est un des aspects de ce travail que
je préfère.
Un souvenir d’accessoire particulièrement
difficile à réaliser ?
Cet été, j’ai travaillé sur un tournage où il
était question d’une enveloppe contenant
10 000 €. Personne n’ayant envie de retirer
10 000 € à la banque, il fallait les fabriquer. Ils
devaient avoir l’air crédible à l’écran sans être
pour autant des faux billets. Ce serait illégal.
Problème : les logiciels de graphisme et les
imprimantes se bloquent quand ils détectent
qu’on travaille sur un billet de banque.
Mon bureau était rempli d’essais. Pendant
ce temps, un collègue faisait des fausses
photos de scène de crime sur fond de trafic
de drogue. Il y avait des traces de cocaïne en
sucre glace partout. C’est à cet instant qu’a
débarqué un livreur de 19, 20 ans qui nous
apportait un colis. Il a halluciné.
Ce n’est pas frustrant de travailler dans
l’ombre ?
Pas du tout ! J’ai fait huit ans de théâtre mais
je préfère être du « côté obscur ». Et c’est
moins frustrant que d’être le chef décorateur.
Il conçoit la totalité de l’univers mais on n’en
voit qu’une infime partie.
Dans ce métier invisible, on peut quand
même faire des erreurs ?
On peut se tromper en écrivant le nom d’un
rôle sur un document. On fait aussi des clins
d’œil. Sur un panneau d’affichage, je peux
cacher un post-it avec une blague à l’attention
de quelqu’un de l’équipe.
Tenez, voici un exemplaire du Mensuel.
Vous pourrez le cacher dans une scène ?
(Rires) Oh oui ! Je peux essayer ! Julien Joly
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
57
CULTURAMA
LA RUE DE MA SOIF,
C’EST LE SOUVENIR DE
LA RUE SAINT-MALO
[ET] LA RUE SAINT-MELAINE
QUI PRENAIT SON SOUFFLE
NOCTURNE ENTRE LES POINTES
DORÉES DES GRILLES DU THABOR.
Le palet, un jeu
et un livre
Après le manuel officieux de la galette saucisse en 2013, voici le manuel officieux du
palet. A la tête des Editions du coin de la rue,
le journaliste1 Benjamin Keltz continue sa
série d’ouvrages sur les emblèmes du territoire
gallo. Cette fois-ci, accompagné d’Eric Prévert,
ils s’attaquent au jeu de palet sur planche de
bois. « Depuis quelques années, on constate
que ce jeu retrouve une nouvelle jeunesse,
explique Benjamin Keltz. C’est convivial,
sympathique, tout le monde peut jouer. Mais
au-delà du jeu, le palet appartient à notre
Le palet, le manuel officieux est
paru début novembre.
patrimoine régional. C’est un fleuron de la
culture gallèse qui s’exporte au-delà des frontières bretonnes. »
Tiré à 5 000 exemplaires, le livre revient sur
l’histoire du jeu. On apprend entre autres
que le palet se pratique un peu partout dans
le monde.
Au fil de la centaine de pages, le lecteur reçoit
tous les conseils pour devenir un vrai spécialiste. Un chapitre recense également les différentes règles. « Depuis 2011, une fédération
française de palet sur planche de bois a été
créée, explique Eric Prévert, le coauteur. Elle
permet notamment d’unifier les règles. Mais
il existe de nombreuses variantes. » Pour les
détailler, Lucie QZN a ponctué les pages
d’illustrations humoristiques. « Nous
voulions que notre ouvrage soit à la
fois sérieux et drôle », ajoute Benjamin
Keltz.
Avec ce même esprit ludique, l’équipe
s’est alloué les services de Vincent
Ogloblinsky. Au départ simplement
chargé de la page web de l’ouvrage,
l’ingénieur a réalisé un jeu pour smartphones, tablettes et Facebook. Les fans
de palet peuvent télécharger gratuitement l’application « lepalet-lejeu ». Ils auront
le choix de jouer contre l’ordinateur ou contre
d’autres joueurs connectés au même instant.
1. Ancien journaliste au Mensuel de Rennes
LE PALET, LE MANUEL OFFICIEUX,
Editions du coin de la rue. 105 pages. 13,90 €. En librairie
et dans les points de vente des planches de palet de
l’entreprise David, partenaire de l’ouvrage. Jeu à télécharger gratuitement sur smartphone et Facebook.
www.lepalet-lelivre.bzh
CD
MOODY CABARET
Moody Cabaret, sorti le 3 octobre chez ZF Prod, est le second album de
Nefertiti in the Kitchen. C’est le produit déjanté de la rencontre entre une
chanteuse de rue à fort caractère, Jen Rival, et un homme-orchestre barbu,
Nicolas Méheust. Entre l’accordéon électrique, la boîte à musique et autres
curiosités, chaque concert est la promesse d’une balade qui mélange les
univers rock et forain dans une ambiance qui rappelle les années folles.
58 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
SYLVAIN COHER,
La Rue de ma soif, Place publique
novembre-décembre 2015
JEU
DIXIT : QUAND LA POÉSIE
JOUE CARTES SUR TABLE
Dixit Journey est un jeu de cartes
surprenant. Tant par son concept (il fait
appel à l’imagination et à la psychologie
des participants) que par son univers
graphique signé Xavier Collette. Cet
illustrateur belge, habitant à Rennes
depuis plusieurs années, a imprimé sa
patte sur le célèbre jeu lancé en 2008
par le pédopsychiatre JeanLouis Roubira.
A chaque tour de jeu, une
personne devient le conteur,
choisit une carte en secret et
doit la décrire à l’aide d’une
phrase, d’un mot, d’une
onomatopée… Les autres
joueurs doivent ensuite
essayer de retrouver l’originale parmi une sélection de
plusieurs cartes.
Il existe plusieurs versions de Dixit.
Chacune a été confiée à un artiste
différent. Pour Dixit Journey, réédité en
2014, Xavier Collette a choisi de travailler sur des images tantôt inquiétantes,
tantôt oniriques, à la jonction entre
Tim Burton et Lewis Carroll. Certaines
semblent même évoquer des contes
bretons. Toute la difficulté pour l’artiste
a été de concevoir des scènes à la fois
poétiques et ouvertes à toutes les interprétations pour dérouter les joueurs.
Très esthétique, accessible et rapide à
mettre en place, ce jeu récompensé par
l’As d’or de Cannes comblera tous les
types de joueurs, quel que soit leur âge.
DIXIT JOURNEY,
aux éditions Asmodée
Lucie QZN / D.R. / X. Colette
ÉDITION
MON
RENNES
SHORT
LIST
JULIEN
JOLY
[email protected]
3
ADRIEN
DUQUESNEL
1 LA PISCINE DE BRÉQUIGNY
« J’y vais avec mon fils. Les plongeoirs font 3, 5 et même 10 m. Faut
pas avoir peur… »
GUY PAPE
" Rennes est
une ville qui
entreprend"
Chaque jour, des centaines de
conducteurs défilent devant la
maison de Guy Pape, au pied
de Cap Mail. Ses yeux à lui sont
rivés sur la Vilaine et le canal
d’Ille-et-Rance. Guy Pape est
éclusier. Rennes, il la connaît
au fil de l’eau.
60 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015
1
2
2 LA PATINOIRE DU BLIZZ
« Ma fille y a fait de la
danse sur glace pendant
six ans. »
3 LE LIBERTÉ
« J’adore la musique.
Je vais autant dans les
grandes salles que dans
les bars. »
C’EST
QUI ?
GUY PAPE
Le Mensuel : Votre maison de fonction est
située au pied de Cap Mail. Qu’est-ce que
ça fait d’habiter à l’ombre de ce géant ?
Guy Pape : J’étais aux premières loges
pendant les travaux. J’ai sympathisé avec le
chef de chantier qui travaillait sur l’immeuble.
Quand le gros-œuvre a eu été terminé, j’ai pu
le visiter. La vue était impressionnante ! Sans
parler de l’organisation pour construire ça en
plein centre-ville.
Je me souviens de la présentation du projet
par Jean Nouvel (architecte de Cap Mail,
NDLR). Son premier jet prévoyait que cette
maison d’éclusier n’existerait plus. Il a dû
revoir sa copie car elle fait partie du patrimoine rennais.
Vous êtes un témoin privilégié des
changements dans le secteur du Mail
François-Mitterrand...
J’ai vu chaque étape de la réhabilitation du
Mail, soit trois ans de travaux. Ce que c’est
devenu, on aime ou on n’aime pas. Pour ma
part, je trouve que ce n’est pas mal. J’attends
de voir le projet de l’ancien Charleston, de
l’autre côté de la rue. Ça va devenir une belle
résidence.
Au bout du Mail, le jardin de la Confluence
est devenu un lieu de détente très fréquenté.
Avant, c’était un terrain naturel. Ils ont tout
repris avec des pieux, des géotextiles, des
plantes qui aiment l’eau, du mobilier…
Connaissez-vous l’histoire des écluses
rennaises ?
Le canal d’Ille-et-Rance a été construit sous
Napoléon 1er. Elles ont été modernisées par la
suite. Avant, tout était manuel. Aujourd’hui
on a des systèmes électriques, qui nécessitent
toutefois des opérateurs. Sur certains cours
d’eau, comme le canal du Midi, les gens font
eux-mêmes l’éclusage, c’est automatisé. Ce
n’est pas forcément l’idéal, ça manque de
contact humain.
Est-ce que les vôtres tendent vers
l’automatisation ?
Non. La Bretagne va plutôt dans le sens de
maintenir du personnel. Des recrutements
sont d’ailleurs en cours pour remplacer ceux
qui partent. Les jeunes peuvent aussi envoyer
des demandes à la Région pour faire éclusiers
comme job d’été. Attention, il y a beaucoup de
candidats…
Même en centre-ville, vous travaillez au
contact de la nature. Comment évolue
votre métier au fil des saisons ?
Nous sommes en automne. On vient de finir
la période de sept mois pendant laquelle on
a fait passer les bateaux. Maintenant c’est
la période de « chômage ». Pendant cinq
mois, on va aller sur le terrain pour faire les
travaux d’hiver. Repeindre, poser des clôtures,
débroussailler… Si l’eau gèle, on casse la glace
car la pression peut fausser les fixations des
écluses. J’interviens si besoin sur les vannages, un dispositif qui permet d’évacuer
l’eau quand il pleut trop. Il y a deux ans, on
m’a appelé d’urgence à 23 h. Je suis parti
avec un collègue manœuvrer une partie de la
nuit, sous les orages. C’était chaud. Mais si on
n’avait pas ouvert, c’était l’inondation.
Vous nettoyez aussi le canal…
En hiver, on vide les biefs, c’est-à-dire les
tranches de voie d’eau entre deux écluses.
Puis on récupère les déchets avec des grappins
et on les évacue vers la déchetterie. Beaucoup
de déchets sont jetés à l’eau. Des vélos, des
caddies, du mobilier urbain... J’ai même
retrouvé des coffres-forts ! Ces incivilités sont
très marquées en centre-ville.
Né en 1960 à Plouescat, près de Roscoff
(Finistère), Guy Pape admet volontiers
qu’il préfère la mer à la navigation en
eau douce. « Travailler avec l’eau, ça
m’intéressait… » Pour être éclusier, pas de
diplôme spécifique. « J’ai passé un concours
pour intégrer l’administration. Il y avait
du français, des maths… Et une épreuve
pratique : débroussailler un talus à la faux
et la faucille. Une matinée de boulot. »
Son concours en poche du premier coup,
Guy Pape a commencé à travailler pour la
Direction départementale de l’équipement
(DDE), dans l’entretien des voies navigables.
« Suite à une blessure, on m’a proposé de
travailler à l’écluse du Mail. » Guy Pape gère
aussi l’écluse de Saint-Martin. Un poste qu’il
occupe depuis sept ans, sept jours sur sept.
Quel contact avez-vous avec les
plaisanciers ?
L’humain est au cœur du métier. 50% des
bateaux qui passent appartiennent à des
particuliers. Les autres sont loués. A force, on
connaît les habitués, on se salue. Des gens ont
installé leur activité professionnelle sur une
péniche, je trouve ça super. Comme ce salon
de coiffure flottant sur le canal, un super outil
de travail. Après, ça demande de nombreuses
démarches administratives, et de bien réfléchir aux problèmes d’ancrage, de vidange…
Rennes a longtemps une relation
ambiguë avec la Vilaine. Elle l’a canalisée,
recouverte d’un parking…
La partie recouverte n’est pas la plus intéressante. Aujourd’hui, beaucoup de choses
sont faites pour revaloriser la Vilaine. Rennes
est une ville qui entreprend. Par exemple, la
péniche spectacle qui propose des soirées de
qualité à un prix abordable. Il y a aussi le festival Jazz aux écluses (à Hédé-Bazouges, NDLR).
Et tous les ans, le quai Saint-Cyr accueille une
compétition d’avirons.
Je suis arrivé à Rennes il y a vingt ans. Je suis
une rustine ! Ce que j’aime dans cette ville,
c’est qu’on peut quitter son côté urbain en
trois coups de pédale. Pas besoin de prendre
l’autoroute pour trouver de la campagne.
D’ailleurs, l’Ille-et-Vilaine est un département
très attractif pour son cadre de vie, selon les
enquêtes. Je pense que le canal et la Vilaine y
sont pour quelque chose.
Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel
61
MON
RENNES
QUIMPER
Le comptoir
des paysans
Il faut saluer la démarche, l’encourager et la
généraliser. Ce que Xavier Hamon réalise avec
son Comptoir du Théâtre à Quimper devrait
en effet être la règle dans le bien manger. Une
sélection drastique de produits bien cultivés
ou élevés, issus de l’agriculture paysanne, bio
à 90%. Un restaurateur qui joue le jeu avec
ses producteurs et s’implique dans la filière
du bien manger. Un cuisinier qui achète les
pièces de viande entières comme ce veau
armoricain… « Ce n’est pas moi qui décide de
ma carte, mais les producteurs », lance même
le chef Xavier Hamon.
Engagé dans le mouvement slow-food, Xavier
Hamon expérimente ses idées dans son
Comptoir. « Lorsque je reçois un cochon, porc
blanc de l’ouest, j’en tire mes boudins, mes
pâtés, mes terrines, mes saucisses, mes poitrines fumées ou rôties… Je fais des côtes de
cochon de 350 g, une pure merveille ! » Pour
le veau d’Armorique, « je vais passer les foies
en premier, travailler certains morceaux en
tartare qui partent rapidement. Et puis pour le
reste, je fais rassir ou j’adapte mes cuissons ».
Sur la carte, courte, cela donne une ardoise du
midi à 19 € entrée-plat-dessert, relevée d’une
proposition de poisson, issue exclusivement
de la filière pêcheur-ligneur, d’une viande
de race bretonne et d’une assiette végétale
en provenance de quatre maraîchers. « Je
ne travaille que des semences paysannes. Je
ne veux plus travailler les hybrides. » Xavier
Hamon propose toujours les tapas, plus ou
Le Chef Wavier Hamon applique
la philosophie du bien manger de
l’assiette au mobilier.
moins travaillées, que l’on grignote sur des
vins exclusivement bios, en biodynamie
ou naturels.
Avec une telle philosophie dans l’assiette, la
décoration pourrait paraître bien anecdotique.
Colorée, lumineuse, elle reflète pourtant elle
aussi l’engagement du chef, comme pour le
choix de ces chaises et tabourets, fabriqués
par Alki en Pays-Basque. « Parce que nous
avons des amis paysans en commun et parce
qu’ils tracent leurs bois. » L’engagement ici,
c’est jusqu’au bout. Olivier Marie
LE COMPTOIR DU THÉÂTRE,
4 Boulevard Dupleix. Tél. 02 98 98 00 81
ACTU
LES CHEFS BRETONS AU CHEVET DES ENFANTS MALADES
O. Marie
Partenaire de l’association Les Nez rouges, créée pour distraire les enfants malades, l’association Tables
& Saveurs de Bretagne organise cinq dîners caritatifs d’exception en Bretagne, lundi 7 décembre, à
Rennes, Plancoët, Brest, Billiers et Nantes. Pas moins de 25 chefs participeront à ces dîners dont les
bénéfices seront intégralement reversés aux Nez rouges. Les cinq dîners auront lieu simultanément dans
cinq restaurants : La Fontaine aux Perles à Rennes, Chez Crouzil à Plancoët, Le M à Brest, Le Domaine de
Rochevilaine à Billiers et enfin L’Atlantide 1874-Maison Guého à Nantes.
Prix : 150 €/personne. Réservations au 07 78 16 07 10
62 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015