enquête sur une institution rennaise
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enquête sur une institution rennaise
COMMERCES EN CENTRE-VILLE RÉSISTER POUR ÉVOLUER BROCÉLIANDE À LA DÉCOUVERTE DES RUINES DE L’AÉRODROME NAZI TOUR D’HORIZON DES ENJEUX ET DES NOUVEAUTÉS DU PREMIER CENTRE COMMERCIAL DE BRETAGNE lemensuel.com Numéro 75 / Décembre 2015/ 4,40€/ Jean-Paul Le Tensorer Portrait du patron de la police judiciaire R 28039 - 075 F : 4,4 € E - ACCUEIL DE LOISIRS ENFANC RE AI OL SC T EN EM GN PA M CO AÉROGYM - AÏKIDO - AC T FLORAL - ATELIER AR E LL RE UA AQ M GY UA SE - AQ - ACCUEIL DE LOISIRS JEUNES M - BABY SPORT - BABY GY BY BA E ISM ÉT HL AT N CUISINE - ATELIER MUSCULATIO TTERIE - BEACH VOLLEY BA L AL -B ET SK BA R ISI LO ET VOLLEY - BADMINTON - BASK - BOXE FRANÇAISE - BRIDGE SE AI GL AN XE BO S NE ON ET - BODY BARRE - BOULES BR NAGE - CHANT ON RT CA ES ILL GU AI D' X TRAVAU - BRODERIE - PATCHWORK NING - CUISINES DU AI TR DY BO S OS CR RS EU NN CIRCUIT ROUTIER - COLLECTIO DANSE BOLLYWOOD E IN CA RI AF E NS DA E NS DA MONDE - CYCLOTOURISME E - DANSE MODERN'JAZZ IN BA CU A LS SA E/ GU EN ER M DANSE CLASSIQUE - DANSE - ECOLE DE FOOTBALL LOISIR CS HE EC ES IN BA UR ES NS - DANSE ORIENTALE - DA ÉVEIL SPORTIF E UR CT LE CE PA ES UX JE - ESPACE - ENCADREMENT - ESCALADE FÉMININ - FUTSAL LL BA OT FO LL BA OT FO OS SS AD EVEIL THÉÂTRAL - F.A.C. - FITNE SS - GYM URBAINE NE FIT M GY UE TIQ BA RO AC M - GRAPPLING - GUITARE - GY UE - HALTÉROPHILIE - HAND IQ M TH RY UE IQ ST NA M GY GYMNASTIQUE ARTISTIQUE - JU JITSU - JU JITSU BRÉSILIEN S LE RÔ DE UX JE O ID IA N BALL - HOCKEY SUR GAZO L DE RÉPÉTITION CA LO O ND KE TÉ RA KA - JUDO - JU JITSU BRÉSILIEN NO GI IQUE - MATINÉES RD NO E CH AR M UE ÈQ TH DO S - LU MUSIQUE - LOISIRS HABITANT PORTS - MULTISPORTS TIS UL M IA ÉD TIM UL M E SPORTIVES LIBRES - MODÉLISM - NAGE AVEC PALME UE IQ US M N TIO LA CU US M ADULTES - MUSCU'FORM LETS - PEINTURE SUR SOIE PA E ISÉ ON HR NC SY N TIO TA NATATION SPORTIVE - NA S - PILATES FEMMES ENCEINTE TE LA PI S TIF OR SP S TIT PE PETITS SCIENTIFIQUES TES - RANDONNÉE UL AD ES UN JE S ET OJ PR 11 000 LICENCIÉS, 111 ACTIVITÉS, PLUS D’UN SIÈCLE D’EXISTENCE… ! E ORT LA VI US SP - PLONGEON - PLCRÉÉE RABBLE - SCULPTUR EN PLEINE « GUERRE SCOLAIRE », LA PLUS GRANDE SC E IN BA CU A LS SA ER LL RO PS - DE FRANCE A CONSTRUIT SA RÉUSSITE CK SIX TEM LAÏQUE PÉDESTRES - ROASSOCIATION LL - SOPHROLOGIE - STE BA FT SO RM 'FO OR NI SE SUR UN PROJET AMBITIEUX. MAIS AUSSI DES LIENS SE SUR TERRE - SELF-DÉFEN ATION) - TENNIS DE TABL ITI TRÈS ÉTROITS AVEC LA MUNICIPALITÉ. (IN IS NN TE N UA CH I CH I DANCE - STRETCHING - TA AVAUX MANUELS - TUMBLIN TR E LIN PO AM TR E TR ÉÂ - TENNIS FÉMININ - TH DIOCOMMANDÉE RA OS OT M ET S RE ITU VO O - URBAN TRAINING - VIDÉ ÉDITATION - ZUMB M GA YO GA YO O - VOLLEY-BALL - WATER-POL ENQUÊTE SUR UNE INSTITUTION RENNAISE NUMÉ RO 75 RE LE MENSUEL DE RENNES 1 quai Lamennais, 35000 Rennes Tél : 02 99 79 04 65 - Fax : 02 99 79 04 48 Courriel : [email protected] Site internet : www.rennes.lemensuel.com Sur les réseaux sociaux : Facebook : Mensuel de Rennes Twitter : @MensueldeRennes DIRECTION Directeur de la publication Killian Tribouillard Directeur artistique Thomas Dubois Rédacteur en chef photo Romain Joly Rédacteur en chef délégué Donovan Potin RÉDACTION Chef de rédaction Nicolas Legendre Journalistes Claire Staes, Julien Joly Photographe Adrien Duquesnel Graphistes Coralie Choupeaux, Thomas Dubois Secrétaire de rédaction Donovan Potin Relecture Josette Faure Dessinateur Morvandiau Ont participé à cette édition Olivier Marie, Aurore Kroll, Solenne Durox, Virginie Jourdan PUBLICITÉ SCRIB COMMUNICATION – 02 99 79 04 65 Courriel : [email protected] Chef de publicité - Agence de Rennes Xavier Hinnekint – 02 99 79 12 37 Attaché commercial Publicité/Réassorts points de vente : Romain Jaiffrai – 07 86 49 18 97 ABONNEMENT Thomas Dubois Le Mensuel Abonnement – 89 bd de la Paix 56000 Vannes - 02 97 47 84 74 – Courriel : [email protected] RH & ADMINISTRATION SPO - 89 bd de la Paix 56000 Vannes 02 97 47 84 74 - Courriel : [email protected] IMPRESSION Etic Graphic, Laval – Imprimé sur du papier PFEC DIFFUSION Dépôt central de presse A. Duquesnel Dépôt légal : à parution ISSN : 2101-8936 Commission paritaire : 0516 I 89863 Le Mensuel de Rennes est édité par SPO, SAS au capital social de 100 000 € en formation, Siège social : 7 voie d’accès au Port, 29600 Morlaix – 02 97 47 84 74 – RCS en cours – APE : 5814Z. Toute reproduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation de l’éditeur. © 2015 SPO SAS SOMMAIRE B DÉCEM15 20 26 AGORA 06. VOS PHOTOS 08. VOS DÉBATS L'ACTU 10. ÇA S’EST PASSÉ LE... 14. BRUZ Multiplexe : les raisons d’une annulation 15. RENNES / ATTENTATS 15 L’après 13 novembre, bien différent de « l’après Charlie » 16. LYCÉE DE COËTLOGON 1er bilan d’un an sous vidéosurveillance 18. AUTO OMNIA Le projet de restaurants annulé 19. BRÉAL-SOUS-MONTFORT Guéguerre chez les libertins 20. ATTENTATS Trans musicales : un plan sécurité à 60 000 € 22. PENDANT CE TEMPS-LÀ... AU TRIBUNAL 48 2 4 Des c ra dans la vilbaeins e À SITUATION EX CAMPAGNE IN CEPTIONNELLE, V OHÉ, MINIST RAISEMBLABLE R TROADEC VIP E ABANDONNÉ À CHARTRES -DEBRETAGNE Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 3 42 57 ABONNEZ-VOUS LE MAG RENDEZ-VOUS P. 09 & P.35 OU SUR LEMENSUEL.COM/BOUTIQUE 26. COMMERCES EN CENTRE-VILLE RÉSISTER POUR ÉVOLUER 36. JEAN-PAUL LE TENSORER Le « Patron » 42. EN COUV : CERCLE PAUL BERT EN SUPPLÉMENT POUR NOS ABONNÉS Enquête sur une institution rennaise 48. BROCÉLIANDE De l’air à la poussière 54. CINÉMA Séries B comme Breizh MON RENNES Un Hiver à Rennes #1 Le guide incontournable pour profiter à fond de votre région ! 60. GUY PAPE « Rennes est une ville qui entreprend » 36 62. TENDANCE CULINAIRE Le comptoir des paysans 56 UR CASHLESS PO VEULENT E N S N A TR LES E MONNAIE PLUS DE VOTR LA POÉSIE D N A DIXIT QU SUR TABLE JOUE CARTES 4 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 A. Duquesnel / F. Tijou CULTURAMAQUOI AGORA vosphotos.lemensuel.com VOS PHOTOS Pêche à pied par Frédéric Scheiber Frédéric nous propose une vision décalée du marché des Lices de Rennes. Posant son regard sur les reflets d’une flaque d’eau dans les allées des poissonniers, sa photographie nous dévoile l’activité des étals. Inversant les éléments, il crée une illusion d’optique dans la lecture de son cliché. Seuls les pieds des personnages sont en visée directe tandis que leurs silhouettes à l’envers se superposent dans les pavés. Déposez vos images sur VOSPHOTOS.LE MENSUEL.COM Créé en octobre 2011 pour vous permettre de publier vos photographies, le photoblog du Mensuel accueille toutes les images. Lieu d’échanges et de débats, il est aussi ouvert à vos commentaires. Seules exigences : un peu d’imagination et d’ambition esthétique. Chaque mois, la rédaction sélectionne une photographie et la publie en rubrique Agora du magazine. Retrouvez toutes les infos sur vosphotos.lemensuel.com ou sur le site internet du magazine lemensuel.com. 6 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 AGORA Toute l'actu de Rennes et sa région www.lemensuel.com SATISFACTION COMMUNIQUE Le Mensuel de Rennes rejoint le groupe Télégramme Le 18 novembre, le tribunal de commerce de Rennes a accepté la proposition de reprise, par le Télégramme, des magazines édités par Scrib. Voici le communiqué du groupe de presse breton. Mercredi 18 novembre, le tribunal de commerce de Vannes a accepté la proposition de reprise, par le groupe Télégramme, du Mensuel de Rennes et du Mensuel du Golfe du Morbihan, ainsi que du Journal des propriétaires de la baie de Quiberon et leur gamme de suppléments. Créés à Vannes en 2004, puis à Rennes en 2009, les deux mensuels avaient été placés en redressement judiciaire en juillet dernier, confrontés à des difficultés de trésorerie. Ils emploient au total quatorze salariés à Vannes, où est édité Le Mensuel du Golfe du Morbihan (tirage : 6 000 exemplaires), et à Rennes, où Le Mensuel de Rennes est diffusé à 9 000 exemplaires. Scrib édite également chaque année une quinzaine de suppléments thématiques locaux par an. L’offre de reprise par le groupe Télégramme se caractérise par la poursuite de l’activité des deux mensuels. Leur ligne éditoriale sera conservée et la pérennité des emplois sauvegardée. Killian Tribouillard continuera à diriger les différentes publications. RÉACTIONS « Je vais me dépêcher de me réabonner » FOX-BOY FAIT LA UNE DU MENSUEL DE RENNES ! En six ans, Le Mensuel de Rennes est un journal indépendant qui s’est imposé comme LE magazine de la ville. C’est donc un sacré honneur d’y retrouver Fox-Boy en couverture du numéro de novembre, pour illustrer un dossier sur la représentation de Rennes dans les arts (littérature, peinture, musique, ciné, photo, BD, musique...) LAURENT LEFEUVRE ÉCRIVEZ-NOUS Le Mensuel de Rennes 1, quai Lamennais, 35000 Rennes Tél : 02 99 79 04 65 Fax : 02 99 79 04 48 RÉAGISSEZ [email protected] ou www.lemensuel.com Vous avez été nombreux à commenter la reprise du Mensuel par le groupe Télégramme. Nous vous livrons ici un florilège de ces témoignages. Nous en profitons pour vous remercier pour le soutien témoigné durant toute cette période compliquée ! Dans un bon journal auquel je suis abonné j’apprends aujourd’hui une nouvelle rassurante au sujet du Mensuel. Rassurante oui, car je crois que Le Télégramme est un bon partenaire, solide et honnête qui vous respectera tant que vous serez viables. Alors je vous souhaite bon vent et... je vais me dépêcher de me réabonner ! Salut à toute l’équipe JEAN P. J’ai vu que Le Mensuel était racheté par Le Télégramme. Après plusieurs années d’indépendance, c’est sans doute un nouveau virage mais aussi une opportunité (…). Je souhaite à tout le monde bonne chance dans cette nouvelle aventure. ANNE-EDITH P. Longue et belle continuation de vie au Mensuel ! Vive le pluralisme, si utile à notre belle région ! PAUL C. 8 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 Ouf ! Vous nous avez fait bien peur ! Vivement le prochain numéro ! CÉLINE M. Pas de changement je l’espère dans la ligne mais cependant cette superbe nouvelle tombe bien, après cet été et la (...) possible disparition du Mensuel. GETDON LE ROUX J’me souviens encore de mon stage de licence en 2008. J’en garde un excellent souvenir. Bon vent à vous ! NOLE L’excellent travail journalistique du @MensueldeRennes et du @MensuelduGolfe va pouvoir continuer ! OLIVIER PÉROU @OLIVIERPEROU @MensueldeRennes et @MensuelduGolfe, magnifique aventure de presse portée par une belle équipe, et qui doit vivre ! OLIVIER SIOU @OLIVIERSIOU1 ÇA S’EST PASSÉ LE... 10 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 Toute l’actualité de Rennes et sa région www.lemensuel.com SAMEDI 14.11 LE CHOC A. Duquesnel RENNES. Vendredi 13 au soir, six attaques terroristes ont frappé le centre de Paris et SaintDenis, faisant 130 morts et plus de 300 blessés. Malgré les mises en garde des forces publiques, qui craignaient d’autres violences, une centaine de Rennais se recueillent samedi soir, devant la mairie. Certains répriment un sursaut quand une voiture passe en trombe dans la rue adjacente. Les bougies crépitent dans l’air humide, rempart frémissant contre la nuit qui tombe. Devant la niche de l’Hôtel de ville où s’enroule un drapeau en berne, l’odeur de la paraffine rappelle les deuils de janvier 2015. Sur un bout de papier déposé parmi tant d’autres, une main anonyme a écrit : « Même pas peur. » Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 11 ÇA S’EST PASSÉ LE... MERCREDI 11.11 CHRISTIANE TAUBIRA ACCUEILLIE PAR DES PRO-MIGRANTS RENNES. La ministre de la Justice, Christiane Taubira, est invitée à la halle Martenot de Rennes pour les 90 ans de la Ligue de l’enseignement. A son arrivée, elle est attendue par une centaine de personnes qui manifestent en soutien aux migrants. Aucun débordement n’est à déplorer. Le collectif Si on s’alliait était également présent dans la salle pour tenter d’obtenir un rendez-vous avec la préfecture. Mission réussie. SAMEDI 14.11 FERMETURE DU PASSAGE À NIVEAU : LES HABITANTS PROTESTENT 12 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 SAMEDI 20.11 YAOUANK RASSEMBLE LA BRETAGNE AU PARC EXPO BRUZ. Le plancher du Parc expo vibre sous les pas des danseurs venus clôturer la 17e édition de Yaouank. Cette année encore, le festival dédié aux musiques bretonnes accueille des pointures venues de toute la Bretagne, de 17 h à 5 h du matin : Startijenn, Plantec, IMG… Comme en 2014, Yaouank s’agrandit et met en place une scène dédiée aux artistes émergents. Durant les semaines précédentes, le festival a investi d’autres lieux culturels de Rennes comme le 4 Bis. De quoi fêter dignement les trois ans de l’inscription du fest-noz au patrimoine culturel immatériel par l’Unesco. A. Duquesnel / J. Joly / C. Staes SAINT-MEDARD-SUR-ILLE. Plus de 300 personnes manifestent contre la fermeture du passage à niveau décidée par le préfet. En octobre 2011, un accident entre un poids lourd et un TER y avait fait trois morts. Les opposants contestent une décision prise « sans concertation », qui couperait la commune en deux et « intensifierait le trafic routier près des écoles ». Toute l’actualité de Rennes et sa région www.lemensuel.com VENDREDI 13.11 GARDAREM SAINT-MARTIN RENNES. Vers 9 h, le face à face entre les policiers et une trentaine de jeunes n’aura duré que quelques minutes. Quand la police, en sous-nombre, menace d’embarquer tout le monde au commissariat pour vérifier les identités, les membres du collectif Prairies libres partent prendre leur petit-déjeuner plus loin. « Nous manifestons contre ce projet de parc urbain qui démarre en catimini », explique Paul, un manifestant. Commencé il y a une dizaine de jours, l’abattage des arbres dans les prairies Saint-Martin a été stoppé il y a une semaine suite à des dégradations sur le chantier. Les travaux du parc urbain (29,4 ha) démarreront pleinement en 2016. DIMANCHE 15.11 LA BARRE-THOMAS SE TRANSFORME RENNES. La première pierre d’une nouvelle usine Cooper standard est posée à Rennes, sur le site historique de la Barre-Thomas. La construction de ce bâtiment de 12 000 m² intervient dans un contexte de réorganisation du site. Un plan social attendu pour janvier prévoit 66 départs volontaires et le transfert de 264 postes à Vitré. Cet investissement est notamment financé par la vente d’une partie du site existant. Spécialisé dans les systèmes antivibratoires, le nouvel outil de production devrait entrer en service en 2016 et emploiera 450 salariés. VENDREDI 13.11 LES MÉDECINS LIBÉRAUX MANIFESTENT RENNES. Dès 10 h, une centaine de médecins répondent à l’appel à la grève des syndicats pour dénoncer le projet de loi santé de la ministre Marisol Touraine. Un « black Friday » marqué par une opération escargot sur la rocade, tout comme à Reims et à Brest. Les médecins manifestent ensuite devant la caisse primaire d’assurance-maladie, cours des Alliés. Le projet de loi santé prévoit notamment la généralisation du tiers-payant. Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 13 L'ACTU Toute l’actualité de Rennes et sa région www.lemensuel.com BRUZ MULTIPLEXE : LES RAISONS D’UNE ANNULATION C’était un projet qui devait augmenter l’offre cinéma autour de Rennes. A Bruz, CGR voulait ouvrir un multiplexe en 2016. Le projet a été retoqué. Le maire veut déposer un recours. Bruz, la bataille des municipales a tourné autour d’un projet : le cinéma. L’équipe du maire sortant Philippe Caffin (divers gauche) défendait un projet de multiplexe porté par Cinéville. Celle d’Auguste Louapre, son challenger UMP, lui préférait un projet de CGR de huit salles. « Il était plus simple, plus cohérent, défend toujours Augustre Louapre, aujourd’hui maire. CGR achetait le terrain et faisait un cinéma. Il n’y avait pas d’histoire de bâtiment mixte avec au rez-de-chaussée un cinéma et audessus des logements [comme dans le projet Cinéville]. » Une fois aux commandes, l’équipe de Louapre a donc demandé au CGR de peaufiner son offre pour la déposer devant la commission d’aménagement commercial d’Ille-etVilaine. Celle-ci a donné son feu vert le 1er juin dernier. « Dans le sud de Rennes, tout le monde réclame un cinéma. Il y a un vrai manque. » Mais une rafale de recours est venue perturber le scénario. Au total, six ont été déposés devant la commission nationale d’aménagement commerciale (Cnac). Ils étaient portés par l’association Cinéma 35, qui fédère 35 des 36 cinémas associatifs d’Ille-et-Vilaine. Mais aussi directement par les cinémas Espérance à Chartres-deBretagne, Le Sévigné à Cesson-Sévigné, La Bobine à Bréal-sous-Montfort, Cinéville Colombier à Rennes, ou le Bretagne à Guichen. Ceux-ci craignaient notamment que les films généralistes et « art et essai porteurs » (qui constituent le gros de leurs recettes) soient programmés en priorité au multiplexe par les distributeurs. Le 7 octobre, la Cnac a finalement rejeté le À 14 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 DANS LE SUD DE RENNES, TOUT LE MONDE RÉCLAME UN CINÉMA AUGUSTE LOUAPRE, maire de Bruz projet de CGR. En cause, plusieurs motifs. Elle invoque entre autres que parmi les cinémas ayant déposé des recours, certains ont réalisé ces dernières années d’importants travaux de modernisation, largement subventionnés. De plus, la présence du multiplexe concurrencerait trop les autres salles. L’emplacement du projet serait également à revoir. Enfin, l’indice de fréquentation de la zone de Bruz serait supérieur au niveau national. Un nouveau cinéma généraliste ne pourrait donc que saturer l’offre. « On ne peut pas comparer un indice d’une aire métropolitaine avec une moyenne nationale. Les territoires n’ont rien à voir, fulmine Auguste Louapre. Quand on voit que l’indice de fréquentation à Rennes est de 6,9 entrées par habitant et par an, et que nous en sommes à 3,7 dans notre zone, on peut clairement les augmenter ! » Le CGR compterait déposer rapidement un recours devant le conseil d’Etat. Le nouveau maire de Bruz ne lâche pas plus le morceau : « Pas question d’abandonner notre partenaire CGR au milieu du gué. » Pourrier architecte Un nouveau multiplexe concurrencerait trop les autres salles. Toute l’actualité de Rennes et sa région L'ACTU www.lemensuel.com RELIGION UN LIVRE POUR LA PAIX RENNES / ATTENTATS Comme dans le reste du pays, sécurité maximale à Rennes après les attentats du 13 novembre. L’APRÈS 13 NOVEMBRE, BIEN DIFFÉRENT DE « L’APRÈS CHARLIE » Une nouvelle fois en 2015, des attentats terroristes, perpétrés dans la capitale française, font sentir leurs effets dans tout le pays, Bretagne comprise. endredi soir, vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils, mais vous n’aurez pas ma haine. » Dans le silence, Martin Bouligant, de l’école d’art dramatique du Théâtre national de Bretagne déclame le texte d’Antoine Leiris, posté sur Facebook après la mort de sa femme, Hélène, assassinée au Bataclan le 13 novembre. Le message a fait le tour du monde via les réseaux sociaux. Ce vendredi 20 novembre, il est lu, dans un profond silence, place de la mairie de Rennes. Une nouvelle fois en 2015, des attentats terroristes, perpétrés dans la capitale française, font sentir leurs effets dans tout le pays, Bretagne comprise. En novembre, l’après attentat s’est cependant révélé bien différent de l’après-Charlie. A Rennes, la manifestation monstre du 11 janvier ne s’est pas renouvelée. Après le 13 novembre, préfecture et mairie ont joué la prudence, en déconseillant les rassemblements citoyens, pour faciliter le travail des forces de sécurité. Alors qu’en janvier, Rennes figurait parmi les villes françaises à s’être le plus mobilisée, cette fois elle est restée très en retrait sur la carte des mobilisations publiées par nos confrères nationaux. La capitale bretonne n’a cependant pas été V A. Duquesnel « épargnée de quelques contrecoups. Comme partout en France, les services de police y ont procédé à plusieurs perquisitions, dans le cadre de l’état d’urgence. Dans la nuit du 16 au 17 novembre, un homme de 32 ans, soupçonné, selon la préfecture, d’entretenir des liens avec les salafistes a notamment été perquisitionné. « Cela n’a rien donné. Il n’a pas été interpellé, on n’a pas trouvé de drogues ou d’armes », a précisé la préfecture. La cité a aussi été le théâtre de fausses alertes significatives. Ainsi, le 20 novembre, le TGV reliant Marseille à Rennes a été évacué en gare de Massy par la BRI. Trois personnes, signalées suspectes par les passagers, ont été interpellées et le train passé au peigne fin. Quelques heures plus tard, tout le monde est arrivé à bon port. Et les interpellés ont été relâchés. Une cellule d’aide psychologique a cependant été créée pour les passagers choqués. Le 24 novembre, c’est la place de la République qui a été bouclée. Dans la matinée, une femme avait entendu dire par un jeune, au téléphone dans le métro, qu’un attentat était en préparation place de la République pour 14 h. Entendu par les fonctionnaires, la femme a été jugée crédible et un important dispositif monté à 13 h 30. Vu le contexte, rien n’est négligé. Le 4 novembre, neuf jours avant les attentats qui ont frappé Paris, Pierre d’Ornellas, l’archevêque de Rennes, cosignait un livre sur « la paix des religions » avec JeanFrançois Bensahel, président de l’Union libérale israélite de France. Certes, l’ouvrage, qui s’intitule Juifs et chrétiens, frères à l’évidence, (éd. Odile Jacob) ne traite pas directement de l’Islam. Il commémore les 50 ans de la Nostra Aetate, déclaration de l’Eglise catholique qui affirmait le lien de parenté judéochrétien. Le lecteur y trouvera cependant un message applicable à l’entente entre toutes les confessions. « Aujourd’hui, résument les auteurs, nombre de conflits semblent obéir à des raisons religieuses, et le monde paraît submergé par les fondamentalismes. » Raison de plus pour « promouvoir l’entente et le dialogue ». Et notamment avec les musulmans, dont Jean-François Bensahel affirme qu’ils « portent nos valeurs d’humanité et nos engagements ». Pierre d’Ornellas semble de son côté voir d’un bon œil le chrétien qui se plonge dans le Coran, pour « mieux entrer en relation avec les musulmans » et dont il « recevra certainement beaucoup ». Les deux auteurs rappellent pour terminer les liens étroits entre l’Islam et la philosophie grecque. Leur conclusion porte d’ailleurs une invite aux Musulmans à « lire avec nous les textes de l’Islam et monter que ceux-ci, dans leurs liens avec la Bible, tissent la fraternité entre croyants et Dieu ». Julien Joly Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 15 L'ACTU Toute l’actualité de Rennes et sa région LYCÉE DE COËTLOGON www.lemensuel.com Après avoir installé deux caméras fin 2014, la direction du lycée professionnel a décidé d’étendre le dispositif à 18. 1 BILAN D’UN AN SOUS VIDÉOSURVEILLANCE Seul établissement rennais équipé de vidéosurveillance, le lycée de Coëtlogon doit renforcer son dispositif dans les mois à venir. Jugé efficace, le système de caméras provoque toutefois le débat. Le lycée professionnel rennais de Coëtlogon, à Villejean, est le premier établissement scolaire de la capitale bretonne à s’être équipé de vidéosurveillance. Face aux incivilités, deux caméras fonctionnent depuis décembre 2014. Dans les mois qui viennent, leur nombre sera porté à 18. Elles filmeront en continu les couloirs de ce lycée de 1 000 élèves. En Ile-de-France, 60% des établissements du second degré sont déjà sous vidéosurveillance. En Bretagne, ce choix reste marginal. Ce sont des déclenchements d’alarmes à répétition, ainsi que des tags et deux intrusions de personnes extérieures, qui ont conduit la proviseure, Françoise Jouany, à cette décision : « Depuis septembre 2013, environ 160 alarmes incendie ont été déclenchées. On a pu faire sortir les élèves jusqu’à trois fois dans la même journée ! » Le 3 novembre 2014, elle installe une caméra test, afin de vérifier la netteté de l’identification. Concluant, le procédé est doublé le mois suivant. Conséquence : une L 16 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 LA MÉTHODE PARAÎT EFFICACE. ELLE FAIT AUSSI DÉBAT baisse significative des déclenchements d’alarmes est remarquée dès janvier 2015. La direction souhaite cependant intensifier le dispositif. Un groupe de travail est mis en place et une déclaration de vidéosurveillance, obligatoire, déposée auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), le 27 mars 2015. En novembre, le conseil d’administration de l’établissement a validé l’installation des 18 caméras. « Elles filmeront tous les couloirs mais nous ne visionnerons qu’en cas de problème », indique la chef d’établissement, qui détaille le protocole d’utilisation défini par la Cnil : « Les salles de cours, foyer, cantine… ne peuvent pas être filmés, des panneaux informatifs sont obligatoires et les images ne doivent pas être conservées plus d’un mois. » Elles pourront servir à la vie scolaire pour établir des sanctions, mais aussi à la police si des intrus pénètrent les locaux. La méthode paraît efficace. Elle fait aussi débat. Ainsi, certains membres de l’équipe éducative craignent « une dérive sécuritaire » qui risque de « fragiliser le rapport de confiance avec les élèves ». A la CGT éducation de Coëtlogon, le syndicat majoritaire, on recontextualise : « Il y a deux ans, les profs avaient vraiment du mal à faire cours, soutient Mohammed Gharbi, représentant syndical. Or depuis la rentrée de septembre 2015, il n’y a eu que trois déclenchements d’alarme. Nous pouvons regretter le tout répression mais que faire face au manque de moyens à l’échelle nationale ? Une caméra nous posait problème, car elle devait être placée dans l’internat qui est un lieu d’intimité pour les pensionnaires. Mais on a réussi à la faire retirer. » Ces 18 caméras ont un coût. Pour Coëtlogon, l’investissement estimé oscille entre 12 000 et 15 000 €, uniquement financé en interne. Un diagnostic de sûreté des alentours est aussi à l’étude, en lien avec la préfecture de police. Enfin, comme le lycée est à proximité du métro, le système de vidéosurveillance de la Star pourrait aussi produire des indices en cas d’intrusion d’individus encagoulés. Actuellement « aucun autre collège ou lycée rennais n’a fait de déclaration », informe la Cnil. Aurore Krol Adrien Duquesnel ER L'ACTU Toute l’actualité de Rennes et sa région www.lemensuel.com SAINT-GRÉGOIRE SUCCÈS POUR LA PISCINE C.S. 18 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 AUTO OMNIA LE PROJET DE RESTAURANTS ANNULÉ L e groupe Le Duff (Brioche dorée, Del Arte…) ne pourra pas construire ses restaurants à côté du Roazhon park. En tout cas, pas prochainement (lire Le Mensuel de novembre 2014). L’an dernier, la société de Louis Le Duff avait manifesté son intérêt pour racheter le terrain d’Auto Omnia, vendeur de pièces automobiles situé route de Lorient à côté du stade. Objectif : construire un complexe comprenant trois ou quatre restaurants d’ici à 2019. Un accord avait été trouvé. Les salariés des entreprises attenantes à Auto Omnia avaient même été informés qu’ils ne travailleraient plus Route de Lorient en septembre 2016. Oui mais... c’était sans compter sur la ville de Rennes. « Sébastien Séméril, l’adjoint à l’urbanisme, nous a expliqué que la municipalité nourrissait une grande réflexion pour la route de Lorient, explique un cadre de Del Arte. Il nous a fait comprendre qu’il ne permettrait pas l’aboutissement de notre projet. En n’accordant pas de permis de construire par exemple. » Résultat : la vente entre Auto Omnia et Le Duff n’a jamais été signée. Les deux parties ont suspendu d’ellesmêmes leur accord. La ville n’a pas usé de son droit de préemption. Contactée, elle n’a pas souhaité faire de commentaire. Pour Auto Omnia, « c’est le statu quo », affirme Gille Baratte, directeur du magasin de pièces automobiles. « On reste installé à cette même place. Il n’y a pas de projet de vente. » C.S. A. Duquesnel Un an après l’ouverture de la piscine de Saint-Grégoire, l’heure est au premier bilan. « Nous sommes hyper satisfaits de la première année d’exploitation », livre Pierre Breteau, maire. « Nous sommes au-delà des chiffres espérés. » Entre octobre 2014 et octobre 2015, le complexe aquatique de SaintGrégoire a enregistré plus de 1 000 abonnements aux activités et 98 000 entrées payantes. Alors que le contrat passé avec l’exploitant Spadium fixait le seuil à 850 abonnements et 95 000 entrées lors de la deuxième année d’activité. En revanche, pour les scolaires, le bilan est moins bon. Aucune classe des communes alentour n’a utilisé l’équipement. La faute aux vieilles rancœurs politiques dues à l’abandon du projet de piscine intercommunale, initialement prévu à Montgermont. « Non, je ne crois pas, balaie Pierre Breteau. D’abord, nous avons fait très peu de publicité, car nous souhaitions que les élèves de Saint-Grégoire soient les premiers servis. Ensuite, nos tarifs sont trop élevés par rapport aux autres piscines. Nous allons revoir cela. » Si dans deux ans, les créneaux réservés aux scolaires ne sont pas plus occupés, la municipalité les revendra à l’exploitant qui les commercialisera pour les clubs ou les particuliers. « Nous ne sommes pas inquiets. Vu le déficit de bassins dans l’agglomération rennaise et vu la croissance démographique… Notre piscine qui totalise 15% d’entrées de plus en octobre et novembre que l’an dernier, va nous coûter moins cher que prévu. » Toute l’actualité de Rennes et sa région Depuis 2007, les bâtiments de l’ancienne discothèque le Quartz à Bréal-sous-Montfort étaient inoccupés. Aujourd’hui, un club libertin doit s’y installer. BRÉAL-SOUS-MONTFORT GUÉGUERRE CHEZ LES LIBERTINS L ovée en contrebas de la route entre Bréal-sous-Montfort et Mordelles, en bordure de quatre-voies, l’ancienne discothèque Le Quartz s’apprête à renaître. Fermé en 2007, inoccupé depuis, le bâtiment a été racheté il y a quelques mois par un entrepreneur de la région rennaise. Ce dernier souhaite y ouvrir un club échangiste. A Bréal-sous-Montfort, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Des travaux de rénovation de l’établissement ont été menés. Pourtant, le club ne sera pas ouvert avant plusieurs mois. En cause : un embrouillamini administratif lié à un permis de construire. Le dossier se trouve actuellement sur le bureau du service compétent à A. Duquesnel 20% L'ACTU www.lemensuel.com la municipalité de Bréal. Ce nouveau club échangiste portera à deux le nombre d’établissements dans la région. Détail significatif : le porteur de projet de Bréal s’avère aussi être le propriétaire des murs du Declyc’x, l’autre club libertin de la région rennaise, situé à Bain-de-Bretagne. Autrement dit, le propriétaire –qui n’a pas donné suite à nos sollicitations- s’apprête à concurrencer ses locataires. « Nous allons continuer à travailler sérieusement, indiquent ses derniers. Nous verrons lequel des deux clubs fonctionne le mieux. » Claire Staes [email protected] Rennes veut porter à 20% la part du vélo dans les déplacements rennais d’ici 2020. Le 23 novembre, la municipalité a adopté un « plan vélo » pour faciliter l’usage de la petite reine. La Ville veut notamment créer une « maison du vélo » d’ici fin 2016. Et mettre en place 33 km de liaisons supplémentaires entre les principaux quartiers et le centre-ville. Sceptiques, certains aficionados du biclou pointent la dangerosité des bandes cyclables sur la chaussée. Sylviane Rault, adjointe à la mobilité, promet que la Ville veut « travailler sur tous les points noirs ». LA POSTE DE RÉPUBLIQUE EN BRETON Le bureau de poste de République, en travaux pendant six semaines, va se doter mi-décembre de panneaux français-breton, comme cela se fait déjà à Carhaix. Les postes de Croix-Carrée et de Cleunay sont aussi concernées. Les panneaux seront placés audessus des espaces retirerenvoyer (tapout-kas) ou accès pros (tud a vicher da gentañ). Les machines resteront en français. CESSON-SÉVIGNÉ UNE NOUVELLE SALLE D’ESCALADE Block’Out ouvrira en janvier 2016 une salle d’escalade près de Rennes. Ou plutôt une « salle de bloc », des petites structures pour s’exercer. Le site spécialisé Krimpadenn évoque « un local de 1 050 m² au sol pour une surface grimpable d’environ 800 m² », avec aussi une salle de musculation, un sauna et un bar-restaurant. Block’Out compte ouvrir d’autres salles à Rouen, Nantes et Toulouse. Le réseau demande des garanties solides à ses franchisés, dont un apport personnel de 100 000 €. De quoi rassurer les sportifs échaudés par les fermetures à répétition de salles d’escalade « artisanales » à Rennes. Début 2014, Crush avait déclaré faillite après seulement six mois d’existence. En 2012, Les Arts du roc, à Saint-Grégoire, avait mis la clé sous la porte. Rennes dispose de ses accros de la grimpe. Ils s’entraînent dans les anciennes carrières d’Ille-etVilaine ou sur les falaises finistériennes. Des structures artificielles rennaises existent, comme la tour des Maths à Beaulieu. Mais leur nombre restait plutôt limité. Julien Joly Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 19 L'ACTU C’est un film partisan. Le documentaire Le Dernier continent, de Vincent Lapize, prend place à Notre-Dame-des-Landes. Plus précisément, sur la Zad. Une Zone d’aménagement différé, renommée « Zone à défendre » par ceux qui y vivent. « Plusieurs centaines de personnes », affirme le réalisateur, sur 2 000 ha de forêt et de prairie. Vincent Lapize a voulu rendre compte du quotidien de ces « anciens habitants, paysans, sympathisants, constructeurs, combattants et activistes » qui « y partagent un quotidien et luttent ensemble ». Il a fallu trois ans d’écriture et de tournage pour produire ce portrait d’utopie. Le projet, aujourd’hui en salles, a pu voir le jour grâce au financement participatif de 346 internautes contributeurs qui ont réuni 8 000 €. Un financement qui rappelle celui des documentaires Le surcoût de sécurité comprend les renforts et les horaires avancés d’une demi-heure. ATTENTAT TRANS MUSICALES : UN PLAN SÉCURITÉ À 60 000 € Pour assurer la sécurité des festivaliers après les événements du 13 novembre, les Trans musicales ont dû débloquer entre 40 000 et 60 000 € supplémentaires. Une dépense imprévue qui plombe le budget. as question d’annuler le premier grand événement rock après les attentats du 13 novembre à Paris. Mais pas question non plus de lésiner sur la sécurité. Fin novembre, les organisateurs des Trans musicales ont annoncé des mesures renforcées. Des 2 au 6 décembre, les visiteurs devront arriver trente minutes à l’avance sur les différents sites : le Parc Expo, l’Aire libre, l’Ubu et le Triangle. Appareils photos, caméras type GoPro et perches à selfie interdits. Idem pour les gros sacs. Le nombre d’agents de sécurité a été renforcé, même si leur nombre demeure confidentiel. Béatrice Macé, codirectrice des Trans, reconnaît que ces mesures imprévues entraînent un surcoût qui grève les finances déjà fragiles du festival. P syndicalistes du XXe siècle où les militants « payaient leur place à l’avance » pour couvrir les frais de tournage. Au final, le film s’intéresse moins à la lutte qu’à ceux qui la mènent. Leurs parcours et leur diversité. « Quand j’ai vu que cette terre risquait d’être détruite, je me suis dit : faut que je vienne, y’a pas à chier (sic) ! » La femme qui témoigne ne montre pas son visage, mais ses mains et sa voix trahissent qu’elle a roulé sa bosse. « Je me sens comme un soldat, affirme-telle, qui vient défendre quelqu’un. » Julien Joly 20 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 www.lemensuel.com LE PRIX DU BILLET N’AUGMENTE PAS « Nous avons bouclé le budget au printemps. Il a fallu débloquer une enveloppe de 40 000 à 60 000 € pour couvrir ces frais supplémentaires. » Une fourchette large justifiée par le fait que toutes les « options » du plan de sécurité (mis en place avec la Préfecture) n’ont pas encore été activées au moment où nous mettons sous presse. Cette enveloppe couvre les frais de renforts, mais aussi les charges de personnel entraînées par les horaires avancés d’une demi-heure. Le déséquilibre des comptes pourrait s’aggraver si une partie du public décidait d’annuler sa venue. « On ne sait pas encore si les angoisses générées par les attentats vont dissuader les gens. » Le prix du billet n’augmentera pas en compensation. « Ce n’est pas au public de supporter le coût de ces mesures. » Les autres festivals, soumis aux mêmes problématiques, vont certainement regarder avec attention les chiffres de fréquentation des Trans cette année. Pour venir en aide au secteur du spectacle, « le ministère a annoncé un fonds de dotation de 4 millions d’euros. Mais parmi les professionnels dans notre cas, beaucoup estiment que c’est très peu ». Une chose est sûre : « On n’a jamais envisagé d’annuler les Trans 2015. C’est résister. C’est notre manière de vivre. » Julien Joly A. Duquesnel / D.R. NOTRE-DAMEDES-LANDES LE DERNIER CONTINENT Toute l’actualité de Rennes et sa région PENDANT CE TEMPS... AU TRIBUNAL Toute l’actualité de Rennes et sa région « VOTRE FRÈRE EST EN VIE, VOUS AVEZ BEAUCOUP DE CHANCE » ujourd’hui, votre femme est-elle toujours avec votre frère ? », questionne l’assesseur. « Oui, je pense », souffle Nourredine, 56 ans. « Et vous avez accepté ? » « Non. Mais on est divorcé. » Baskets rouges gansées de vert fluo au pied, pantalon de survêtement noir et blouson de cuir trop large, Nourredine est jugé pour l’agression de son frère et son ex-femme. En avril dernier, fou de rage d’apprendre que son épouse s’est mise en ménage avec son frère, il débarque chez elle à Rennes. Muni d’une batte de baseball, il frappe de toutes ses forces. Touché à la nuque, son frère s’écroule. Son pronostic vital est engagé. Transporté entre la vie et la mort par le Samu, Youcef a finalement survécu. « Aujourd’hui votre frère est en vie. Vous avez beaucoup de chance », rappelle le procureur. « Vous auriez très bien pu vous retrouver devant les assises pour meurtre. » Le père de famille n’ayant pas de casier judiciaire, le représentant du ministère public ne requiert que six mois de prison dont trois avec sursis. « Je regrette mon geste, marmonne Nourredine. J’ai demandé des excuses. » « Vous voulez dire que vous avez présenté vos excuses ? », interroge la présidente, incrédule. « Oui, c’est ça… J’ai demandé des excuses », répète Nourredine, sans s’apercevoir du contre-sens de ses propos. Il écope de huit mois de prison avec sursis et d’une mise à l’épreuve de vingt-quatre mois. A « BLEU DE GENDARMES e jour-là, le tribunal correctionnel est bleu de gendarmes. Il y en a partout. A la machine à café, dans la salle des pas perdus, sur les chaises, dans la salle d’audience. Pendant huit jours la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Rennes juge dix-neuf Albanais, dont huit détenus. Ils comparaissent pour trafic de cocaïne. La justice leur reproche d’avoir organisé des go-fast entre l’Italie et la France, approvisionnant au passage Marseille, Toulouse, Nantes et Rennes. Pendant que les prévenus nient leur implication, vingt-quatre gendarmes chargés des escortes patientent dans le tribunal. A tour de rôle, les militaires engoncés par leur gilet pare-balles encadrent les prévenus serrés comme des sardines dans le box. Puis, le reste du temps… Ils tuent le temps en discutant, buvant un café. LUNDI 2 NOVEMBRE 2015, TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE RENNES « JE SUIS DÉSOLÉ SI TU T’ES FAIT MAL EN TOMBANT » ace au tribunal, Marie fait pitié. L’air fatigué, le teint cireux, les deux bras dans le plâtre jusqu’aux doigts, des bleus visibles sur le cou… Elle n’est que l’ombre d’elle-même. A ses côtés Hubert, 56 ans, paraît nerveux. D’allure sportive, le quinquagénaire est jugé pour des violences sur son ex-compagne. « La première fois, c’était au retour d’une soirée », détaille Marie d’une voix chevrotante. « Avec ses chaussures de sécurité, il m’a écrasé le pied et m’a cassé le petit doigt. La seconde fois, c’était en rentrant d’une course en voiture, il ne voulait pas sortir du véhicule. J’ai voulu le faire sortir. Il m’a attrapé les poignets et m’a balancée avec une telle force que je suis tombée en arrière quatre ou cinq mètres plus loin. » Résultat : ses deux poignets ont été fracturés. » Quand Hubert revient à la barre, il contient sa colère. « Il y a plein de choses complètement fausses. » Après avoir répondu point par point à la version de Marie. Hubert fait savoir au tribunal que son-ex-compagne s’est montrée à « plusieurs reprises » violente à son égard. Mais qu’il ne pouvait pas la quitter car il avait financé le prêt de sa voiture et espérait récupérer l’argent avancé. « Le nerf de la guerre, c’était l’argent », répète-t-il plusieurs fois. Au moment de conclure son audition, il insiste de nouveau sur le caractère accidentel de la blessure de Marie : « Je suis désolé si tu t’es fait mal en tombant. » Le tribunal condamne Hubert à huit mois de prison avec sursis. Il devra également se soigner pour éviter de redevenir violent. Il a interdiction de rentrer en contact avec la victime. Claire Staes F Istock C www.lemensuel.com 22 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 Des crabes dans la Vilaine LA MANIF POUR TOUS OFFRE UNE TRIBUNE À LA DROITE Le 23 novembre, la Manif pour tous organisait un meeting à Pacé avec les têtes de listes aux régionales. Au final, pas d’invité de gauche. Seuls Jean-Jacques Foucher (Debout la France), Marc Le Fur (Les Républicains) et Gilles Pennelle (Front national) étaient présents. Ils étaient interrogés à tour de rôle sur leur vision de la famille, de l’enseignement privé, et bien sûr du mariage pour tous. Au final, c’est Pennelle qui a fait exploser l’applaudimètre. Le Fur, plus nuancé, a rencontré moins d’enthousiasme. Dire qu’il s’était distingué, en 2013, en arrachant le calot d’un gendarme lors d’une Manif pour tous… Régionales // Bretagne À SITUATION EXCEPTIONNELLE, CAMPAGNE INVRAISEMBLABLE A l’heure où nous sortirons en kiosque, vendredi 4 décembre, la Bretagne sera à 48 heures du 1er tour des élections régionales. Un scrutin, dont la campagne se sera déroulée dans une configuration inédite, bouleversée, en Bretagne plus qu’ailleurs, par les attentats du 13 novembre et le rôle joué par le ministre de la Défense, candidat à sa réélection, Jean-Yves Le Drian. Le Lorientais a officialisé qu’il était tête de liste PS le 16 octobre 2015 à Guidel. Sa campagne s’est terminée 29 jours plus tard, le 13 novembre un peu avant 22 h, à Lorient. En plein lancement. Le matin même paraissait dans la presse une liste de meetings supplémentaires qu’il s’apprêtait à faire. Ce soir-là, le candidat mobilisait ses militants lorsque le ministre a appris l’événement synonyme d’empêchement. Reconquérir la Bretagne tout en continuant à conduire la Défense de la France dans un contexte de menaces majeures ? Possible ou pas ? Vraisemblablement, cette interrogation se trouvait à l’origine du délai d’officialisation de candidature. L’histoire y a brutalement répondu, le 13 novembre au soir. Conséquence immédiate : un retard du patron de la Défense, seul absent1 du 29 jours se sont écoulés entre la déclaration de candidature du Lorientais et les attentats de Paris. conseil des ministres extraordinaire convoqué dans la nuit. Un flottement dans les équipes du candidat. Meetings annulés, campagne arrêtée, programme toujours pas publié le 23 novembre au matin sur ledrian2015.bzh… Contraint par « les circonstances dramatiques », Le Drian a officialisé le 22 novembre qu’il devait « se concentrer sur sa mission de ministre ». Message entre les lignes : en cas de victoire à la Région, si le président de la République l’estime nécessaire, « Le Drian se trouvera en permission de cumul »2 durant cette « phase exceptionnelle », susceptible de durer jusqu’en mai 2017. « Chaque Breton le comprendra », a expliqué l’intéressé. « Espérons qu’il comprendra aussi pourquoi il s’est présenté », s’inquiétait en « off » l’un de ses colistiers. En attendant, Le Drian s’appuiera sur son équipe. Pour mener une très courte campagne, puis, le cas échéant, diriger la Région. Fureur des adversaires. « Le Drian se moque des Bretons » (Christian Troadec), « son comportement est indigne » (Gilles Pennelle), « Les Bretons ont le droit de savoir qui dirigera la Région » (Marc Le Fur)... Donné gagnant dans les études d’opinion à l’heure où nous bouclons, le brutal empêchement du ministre de revenir à 100% sur ses terres est-il susceptible de faire bouger les lignes ? Réponse les 6 et 13 décembre. 1. Avec Sylvia Pinel, ministre du Logement 2. Libération, 22 novembre 2015 De mémoire d’élu, c’est une première. Le 23 novembre, en conseil municipal, Ana Sohier, adjointe UDB, prend la parole en breton pour présenter une délibération sur la politique linguistique de Rennes. Suivie d’une version en français, au grand soulagement du public. « Mersi braz, Mme Sohier », répond Nathalie Appéré. Quelques minutes plus tard, c’est Nadège Noisette (EELV) qui prend la parole dans la langue d’Anjela Duval : « Emaoñ o komz en anv strollad… » Puis Glenn Jégou, adjoint à la jeunesse. Chez l’opposition, en revanche, personne ne se prête au jeu. Antoine Cressard (Alternance 2020) qualifie la délibération sur la langue bretonne de « ficelle électoraliste ». Et rappelle que Rennes ne devait pas « oublier la langue gallèse ». Chiche de faire sa prochaine intervention en gallo ? 24 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 A. Duquesnel Coming-out des élus bretonnants OHÉ, MINISTRE ABANDONNÉ TROADEC VIP À CHARTRES-DEBRETAGNE A. Duquesnel Christian Troadec (en photo) était comme à la maison, vendredi 30 octobre à Chartres-deBretagne. Le maire Philippe Bonnin l’avait invité à un débat commun sur l’avenir de PSA. L’édile socialiste ne craignait-il pas d’embarrasser son camp en déroulant le tapis rouge à Michel Troadec ? Candidat aux élections régionales du 6 et 13 décembre, celui-ci se pose en Némésis de JeanYves Le Drian. « Tout ce qui peut aider PSA m’intéresse », balaie Philippe Bonnin. Rien à voir, juré, avec le fait que l’élu soit en froid avec ses camarades de Rennes métropole. Lui et Emmanuel Couet, président de l’agglomération, s’accusant mutuellement de la jouer trop perso sur le dossier PSA. Une posture qui a coûté à Philippe Bonnin son portefeuille de vice-président à l’économie au conseil départemental. Michel Troadec a donc pu peaufiner à peu de frais son image de héraut de l’industrie. Et préparer le terrain à une fusion avec le PS entre les deux tours, en cas de poussée du FN aux élections régionales. Rennes n’accueille pas tous les ministres de la même façon. Le 6 novembre, Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, débarque dans la capitale bretonne pour vanter les mérites du micro-crédit. A sa descente du TGV, aucun élu de la Ville n’est présent. C’est le préfet Patrick Strzoda qui joue les comités d’accueil dans son uniforme rutilant. Sur la page Facebook de la maire, un internaute insinue : « Pourquoi vous n’assumez pas votre soutien au gouvernement de M. Valls en refusant d’accueillir un ministre ? » En réalité, au même moment, Nathalie Appéré est justement occupée à un raout politique à Lyon avec le Premier ministre. Un peu plus tard, Macron est vivement pris à partie par des syndicalistes de Force ouvrière qui lui reprochent sa « politique d’austérité ». Les images tournent en boucle sur le web et grippent sa com’ bien huilée. Christiane Taubira, ministre de la Justice, a été moins chahutée par les manifestants lors de sa visite du 11 novembre. Son hôte, la Ligue de l’Enseignement, a soufflé ses 90 bougies derrière les épais murs de la halle Martenot. Cette fois, Nathalie Appéré a été de la partie. La Ville a même mis la main à la poche en subventionnant la sauterie à hauteur de 15 000 €. « La Ville subventionne de nombreux anniversaires, a justifié la maire. Par ailleurs, je rappelle effectivement mon attachement à l’éducation populaire. » Dire que Valls, lors de sa venue en février, avait dû se contenter d’une vulgaire galette-saucisse… Isabelle Thomas championne de l’absentéisme Les régionales, c’est l’occasion de distribuer les bons (et les mauvais) points aux conseillers sortants d’Ille-et-Vilaine pour leur assiduité. Sansfaute du président Pierrick Massiot et Christian Anneix (PS), Henri Gourmelen (UDB) et Sylviane Rault (EELV), remplacée en cours de mandat par Yvette Rayssiguier. Bonnet d’âne pour la députée européenne PS Isabelle Thomas. La cumularde a été présente moins de deux séances sur trois (62%). La gauche s’est montrée globalement plus assidue que les cinq élus brétilliens de la droite et du centre (90,8% contre 86,2%). En raison notamment du faible « score » de l’UDI Bruno Chavanat (67%), en retrait de la vie politique pour raisons de santé. Le Rennais reste malgré tout meilleur élève que les deux ministres : Marylise Lebranchu (38%) et Jean-Yves Le Drian (58%). RUBRIQUE COORDONNÉE PAR KILLIAN TRIBOUILLARD ET JULIEN JOLY [email protected] [email protected] Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 25 LE MAG 26 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 VIRGINIE JOURDAN [email protected] ADRIEN DUQUESNEL COMMERCES EN CENTRE-VILLE RÉSISTER POUR ÉVOLUER En 15 ans, le centre de Rennes a perdu une quarantaine de commerces. Morosité économique, concurrence de la périphérie, du e-commerce, travaux à répétition... les raisons ne manquent pas. Commerçants, Ville et représentants du secteur tentent de résister. Chacun à sa manière. En 2015, le centre-ville de Rennes arrive toujours en tête des pôles commerciaux de Bretagne. Avec 1 470 commerces recensés en 20141 et près de 600 millions d’euros de chiffre d’affaires, le noyau historique de la capitale bretonne n’a rien d’un mourant. A lui seul, il génère un chiffre d’affaires encore supérieur au total du centre Alma, à l’entrée sud de Rennes, et de la zone Rive Ouest, à Pacé. Pourtant, depuis janvier, la municipalité a réuni les principaux acteurs du commerce rennais autour de la table, comme les deux associations de commerçants, la fédération de l’habillement et la Chambre de commerce et d’industrie (CCI). Objectif : bâtir un plan pour « renforcer le commerce en centre-ville » et « mettre chacun face à ses responsabilités », résume Marc Hervé, adjoint en charge du secteur. A l’issue du conseil municipal de novembre, une première action a été actée. Les commerces rennais pourront rester ouverts le 10 janvier prochain, soit le 1er dimanche des soldes. Une mesure qui étend à trois dimanches par an, contre deux précédemment, l’accord local passé en 2015 sur les ouvertures exceptionnelles. Début 2016, une dizaine d’autres actions devraient suivre. Mais l’élu indique ne pas vouloir communiquer sur ces mesures « tant que les textes ne sont pas finalisés et relus par tous ». Il confirme que des « équipements intra-rocades » seront installés sur les axes d’entrée dans la ville. Objectif : « communiquer de manière E Rue Le Bastard, le Virgin mégastore a fermé en 2014. Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 27 LE MAG COMMERCES EN CENTRE-VILLE dynamique » sur l’accessibilité du centre et « les places disponibles dans les parkings ». Une manière de répondre aux reproches récurrents des commerçants et des Rennais sur la gêne occasionnée par les travaux, notamment liés à la seconde ligne de métro (lire p.32). Autre confirmation, la relance du projet de transformation de la zone Colombia et de la Dalle du Colombier en lien avec l’aménagement de la nouvelle gare EuroRennes. Cette dernière n’accueillera pas de nouveau centre commercial (lire p.30). Quant aux regrets exprimés par le président du Carré rennais sur « la faible présence de commerces haut de gamme » à Rennes, la Ville assure, pour sa part, « vouloir conserver une offre qui s’adresse à tous et à tous les portefeuilles ». « Nous n’avons pas fait deux lignes de métro pour laisser des commerces imposer un seul niveau de gamme », explique spontanément Marc Hervé. LA VILLE PRÉPARE UNE DIZAINE DE MESURES EN FAVEUR DU COMMERCE EN CENTRE-VILLE Santé relative et contexte pesant Malmené, le commerce en centre-ville est cependant loin de l’avoir déserté. En quinze ans, il a perdu une quarantaine de boutiques. Soit 2,6% de sa surface de vente. Comme ailleurs en France, la fringue, la décoration, l’électroménager, la bricole, la culture et les loisirs ont été les premiers touchés par la crise. Parmi les fermetures remarquées : le Virgin megastore de la rue Le Bastard, en 2014, le magasin Intersport, qui a migré vers la périphérie de Chantepie et le pôle commercial de Cap Malo, à La Mézière, dans les années 2010. Ou encore, la fin des rayons bricolage au sous-sol des Galeries Lafayette situées sur les quais. D’après Nathalie Guenancia, directrice du service commerce de Rennes Métropole, le cœur commercial de la cité suit la même tendance que « les métropoles de plus de 100 000 habitants ». Un nombre de commerces qui baissent le rideau, mais des enseignes qui se renouvellent 28 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 à un rythme soutenu (lire p.31). Si certaines rues, comme celles du Chapitre, de Saint-Georges ou encore Victor-Hugo font grise mine, le taux de vacance des locaux commerciaux rennais (c’est-à-dire le nombre de locaux vides) reste encore inférieur à la moyenne nationale3. A la CCI, François Eveillard, vice-président au commerce convient de difficultés « modérées par rapport à d’autres villes comme Saint-Brieuc ou même Nantes ». Il assume, en même temps, un « message répétitif sur la dégradation du commerce en centre-ville rennais » et observe des « souffrances réelles chez les commerçants, notamment sur la trésorerie ». Au moins 35% des commerçants rennais interrogés déclarent des chiffres d’affaire en baisse sur les sept dernières années. Une chute qu’ils attribuent en premier lieu « à la diminution du pouvoir d’achat » et à la « conjoncture économique » (dans 48% des cas). Entre des « achats coups de cœur qui ont diminué » et « une phase où le pouvoir d’achat ne devrait pas augmenter », François Eveillard ne repère d’ailleurs pas de « réel potentiel de marché » si ce n’est pas dans les « boutiques de niche », comme la création. Du côté des effets liés au web et à l’ecommerce, les avis divergent. Début 2014, une enquête, menée auprès de 409 commerçants du centre, révèle que plus de 65% des boutiques de vêtements, de chaussures et de décoration et équipements de la maison voient la « concurrence d’Internet s’intensifier » sans lui imputer pour autant une baisse de leur activité (lire aussi p.33). La concurrence guette en périphérie Au delà du contexte national et des bouleversements technologiques, la concurrence de la périphérie est toujours pointée du doigt. En matière de choix pour les consommateurs, le centre-ville n’a plus l’exclusivité sur de nombreuses enseignes comme Du Bruit dans la cuisine, Quater Back, Zara ou Les P’tites bombes. Ces enseignes ont également élu domicile dans des centres commerciaux périphériques. La concurrence va s’intensifier dès 2017. A Grand Quartier, au nord de Rennes, la galerie commerciale va s’agrandir de 4 800 m². A Pacé, la zone commerciale Rive Ouest, qui accueille déjà la locomotive Ikea, devrait aménager 60 000 m² supplémentaire le long de la Nationale 12 vers SaintBrieuc. Pour François Eveillard, « une mise en ordre de bataille » pour « renforcer l’attractivité du centre de Rennes » s’impose. En mairie, Marc Hervé assure que la question suscite l’attention. « Notre objectif à horizon 2020 est de renforcer le cœur IL Y AVAIT DES TOURISTES PLEIN LES RUES ET LES BOUTIQUES ÉTAIENT QUASIMENT TOUTES FERMÉES JEAN-FRANÇOIS GOURLAY, disquaire PETITE RENNES Les commerces rennais pourront rester ouverts le 10 janvier, 1er dimanche des soldes. de Rennes », assure t-il, avant de rappeler que le nouveau schéma territorial, le Scot, « veille à réguler très fortement l’extension des surfaces commerciales en périphérie au profit des bourgs et du centre ». Du côté des magasins, de grandes locomotives envoient des signes positifs. A la rentrée, l’enseigne Zara, située sur les quais à République, a rouvert ses portes sur 3 500 m². A une centaine de mètres, les Galeries Lafayette annoncent l’arrivée de nouvelles enseignes début 2017 grâce à l’aménagement de leur deuxième étage, jusque-là réservé à leurs bureaux. Dans la rue Le Bastard, les locaux du défunt Virgin Megastore accueillent désormais un magasin Tati. Quant aux annonces de nouvelles enseignes telles que Nespresso, Starbucks, Uniclo ou Primack en centre-ville, elles vont bon train. Mais, pour l’heure, aucune confirmation ne filtre. Symptomatiques de la croissance démographique en cours à Rennes et du profil d’une population dont le pouvoir d’achat reste élevé, cet attrait interpelle aussi. D’après Eric Duval, responsable des emplacements commerciaux chez Pigeault Immobilier, Rennes est « attractive » et de grandes enseignes cherchent actuellement des cellules supérieures à 100 m². « Mais ces cellules sont rares dans le centre », explique-t-il. Une contrainte liée à un intra-muros conservé et fourni en bâtiments historiques, compliqués à réaménager. Des attentes qui montent Si l’optimisme sur l’avenir l’emporte chez les institutionnels, et dans une majorité de boutiques, la mue du centre-ville n’en est pourtant qu’à ses débuts. D’après François Eveillard, le commerce urbain de proximité doit « trouver une identité différente de la périphérie » en misant sur « le design, la restauration, l’artisanat et la création ». Même son de cloche du côté de Dominque Fredj, président de l’association de commerçants le Carré rennais et patron de la librairie Le Failler, Situées dans des bâtiments préservés par les bombardements de la Libération, les cellules commerciales du centre-ville rennais dépassent rarement les 60 à 100 m². Des surfaces considérées comme « petites » par les tenants de l’immobilier commercial et les grandes enseignes. Avantage ? Ces cellules sont aussi plus accessibles à la location par les commerçants indépendants, les créateurs et les artisans ou fournisseurs de service. Plus petites et donc plus nombreuses, elles permettent à Rennes d’afficher un nombre de commerces important : supérieur, par exemple, à celui de sa cousine nantaise, dont les cellules plus grandes intègrent des immeubles d’hyper-centre largement reconstruits à partir des années 1950. Inconvénient ? D’après les agences immobilières, peu d’emplacements historiques correspondent aux attentes actuelles des grandes enseignes qui recherchent des espaces supérieures à 100 m², pour les nationales, et de 300 jusqu’à 1 500 m² pour les internationales. Côté loyers et prix de l’immobilier, malgré la crise de 2008 et la croissance des locaux vides, la tendance n’est pas à la baisse. qui observe « une phase de révolution » liée à « Internet, au recul inéluctable de la voiture en centre-ville et à des jeunes en attente d’une offre de consommation intelligente et éthique ». Reste qu’entre les magasins fermés les lundi et sur l’heure de midi et les portes qui ferment dès 19 h, le fossé entre les modes de consommation et les propositions des commerçants se creuse. Négociée en 2014, la possible ouverture des commerces trois jours fériés par an n’a pas convaincu. Pour Jean-François Gourlay, disquaire associé de It’s only, l’ouverture du 15 août a même clairement été un « échec symptomatique ». « Il y avait des touristes plein les rues et les boutiques étaient quasiment toutes fermées » et, regrette-t-il, « à 14 h, il était même déjà trop tard pour d éjeuner ». 1. Source : Audiar-Rennes Métropole-Pivadis, enquête 2014. Cette donnée n’inclut pas les agences bancaires, de téléphonie et assurance. En revanche, le chiffre d’affaires les inclut. 2. La capitale bretonne tourne autour de 7,8% quand la moyenne nationale est de 8,5. Source : Procos. Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 29 LE MAG COMMERCES EN CENTRE-VILLE CENTRE COMMERCIAL COLOMBIA UNE POSSIBLE EXTENSION Implanté depuis 1986 en plein cœur du quartier Colombier, le centre commercial Colombia va faire peau neuve. En plus d’une rénovation annoncée pour 2016, des pourparlers ont démarré sur sa possible extension aux abords de la Dalle. D’ ici la fin 2016, le Colombia va se « donner une seconde jeunesse ». Interrogée par Le Mensuel, la nouvelle directrice du centre commercial annonce que « des travaux de rénovation » devraient démarrer dès mars 2016. Objectif ? Le doter « d’une nouvelle façade » et « agrandir certaines cellules commerciales » pour attirer des « enseignes plus jeunes et plus tendance ». Depuis sa création en 1986, il s’agit de la seconde rénovation de la galerie. La première ayant été réalisée à l’occasion du déménagement de la Fnac en 2010. Prévus sur neuf mois, les travaux devraient s’achever en novembre 2016, « sans remettre en cause l’accès aux commerces », assure Flore Audine. Au programme également, l’arrivée prévue de GALERIE LAFAYETTE : DE NOUVELLES ENSEIGNES « deux grosses enseignes nationales », en prêt-à-porter et cadeaux-loisirs, dont la direction s’est refusée à dévoiler l’identité. A quelle date ? Mais la mue ne devrait pas s’arrêter là. Symbole de la modernisation de la cité bretonne à la fin des années 19601, le quartier Colombier va à nouveau connaître des bouleversements liés à l’arrivée de la ligne à grande vitesse Rennes-Paris en 2017 et à la sortie de terre du nouveau quartier EuroRennes. Si Demeter Concessions a annoncé début novembre qu’il investirait vingt millions d’euros dans la rénovation de la galerie commerciale de la future gare, Marc Hervé assure « qu’aucun nouveau centre commercial ne s’implantera à cet endroit ». Annoncés en janvier 2015 dans Le Mensuel, les travaux de rénovation des Galeries Lafayette se poursuivent. Une fois achevée la surélévation du bâtiment de 1930, la restructuration devrait démarrer en février. La fin des travaux reste annoncée pour fin 2016 avec 1 000 m² gagnés grâce aux déménagements des bureaux jusque-là installés au deuxième étage. Côté enseignes, Rémi Guillemot, le PDG du magasin, explique simplement que l’offre rennaise « rejoindra l’assortiment classique propre aux magasins de cette taille, comme celui de Nantes ». 30 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 Il confirme, en revanche, qu’une « refonte du secteur de la dalle du Colombier », incluant de « nouvelles constructions », sont inscrites à l’agenda. De quoi voir le Colombia s’étendre au delà de ses 23 000 m² ? L’hypothèse est sérieuse : d’après Flore Audine, « des pourparlers ont démarré entre Klépierre (propriétaire du Colombia depuis 2005) et la Ville de Rennes ». Quant à savoir à quelle date pourrait démarrer le projet, un observateur proche du dossier indique que « la diversité des propriétaires, privés ou publics, implantés sur la dalle centrale risque de faire durer les discussions ». 1. Archives télévisées du 6 décembre 1972 disponible sur le site de l’Ina (raccourci : http://bit. ly/1MHmITv) LE MAIL FRANÇOIS-MITTERAND TENTE DE DÉCOLLER Inauguré en mai 2015, le nouveau mail François Mitterand, jusque-là en marge du périmètre de la zone commerciale de centre-ville, dessinée par la Ville de Rennes, pourrait finalement le rejoindre. Après deux ans de travaux estimés à 12,5 millions d’euros et la suppression de 350 places de parking, la nouvelle artère, prisée par les amateurs de sport de rue, a vu émerger un marché bio, une brocante bimensuelle et un nouveau snacking du traiteur local Thierry Bouvier. LE CENTRE DE RENNES RESTE LE PREMIER CENTRE COMMERCIAL DU PAYS DE RENNES Avec près de 600 millions d’euros de chiffre d’affaires et 1 755 commerces recensés en 2013, le centre-ville de Rennes conserve son statut de premier centre commercial breton. En face, les centres Alma, Rive Ouest et Grand Quartier représentent des concurrents sérieux avec 713 millions d’euros de chiffre d’affaires cumulés estimés en 2011. D’ici 2017, la zone commerciale de Rive Ouest, sur la route de Saint-Brieuc, s’étendra sur 60 000 m2 aménagés supplémentaires. Un défi de plus pour le commerce rennais. LA MÉZIÈRE - ROUTE DU MEUIBLE LES LONGS-CHAMPS C.A. > 45 millions 61 magasins Flux piétons : 1,19 million RIVE OUEST - PACÉ CENTRE VILLE C.A. > 194 millions 57 magasins Flux piétons : 3,5 millions C.A. > 600 millions 1 755 magasins Flux piétons : 16,5 millions CLEUNAY C.A. > 122 millions 49 magasins Flux piétons : 4,9 millions LA RIGOURDIÈRE - CESSON C.A. > 182 millions 80 magasins Flux piétons : 3,5 millions LA GAITÉ ST-JACQUES C.A. > 13 millions 45 magasins Flux piétons : 1 million SOIT 9% RENNES 44% des emplois salariés du commerce de détail PAYS DE RENNES du total des emplois ROCADE SUD - CHANTEPIE ALMA EN TERME D'EMPLOI, LE COMMERCE DU CENTRE C'EST : emplois estimés en 2013 C.A. > 51 millions 5 magasins Flux piétons : 1,1 million C.A. > 45 millions 61 magasins Flux piétons : 1,19 million salariés rennais C.A. > 150 millions 62 magasins Flux piétons : 2,3 millions C.A. > 243 millions 123 magasins Flux piétons : 7,5 millions Source : Chiffre d’affaires 2011 (sauf centre-ville estimé en 2013) hors services, restauration, essence, pharmacie, tabac, automobile, moto. Pivadis 3 036 VILLAGE OXYLANE - BETTON LES LONGS-CHAMPS C.A. > 81 millions 112 magasins Flux piétons : 1,3 million MOINS DE PIÉTONS DANS LE CENTRE-VILLE La baisse de la fréquentation du centre-ville est un argument récurrent chez un bon tiers des commerçants sondés par la Chambre du commerce et de l'industrie. Dans les faits, les flux piétonniers mesurés par la Ville attestent cette tendance. Après une augmentation de 5,3% entre 2007 et 2009, le nombre de piétons enregistrés à l'heure dans les rues du centre a baissé de 11%. Dans le même temps, les espaces exclusivement piétonniers ont peu augmenté : 2%. D'après la Ville de Rennes, « les micro déplacements à métro » et « l'extension de la zone centre » expliquent en partie cette baisse comptable. FLUX PIÉTONNIER 20,2% des emplois du commerce de détail des 76 communes du pays de Rennes Source : Rennes Métropole et estimations Audiar - Emploi salarié hors services et restauration 0 40 00 0 38 00 0 36 00 0 34 00 2008 2007 2009 2010 2011 2012 2013 2014 DES CRÉATIONS QUI NE COMPENSENT PAS LES DISPARITIONS Depuis 2008, le solde annuel des nouveaux commerces créés dans le centre-ville ne suffit pas à combler les radiations. Sur cette période, le centre-ville de Rennes a perdu une centaine de boutiques, bars et restaurants. COMMERCES 250 2008 2009 2010 2011 150 0 2013 2012 2014 50 -50 solde radiation création Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 31 LE MAG COMMERCE EN CENTRE-VILLE COMMERCES ET STATIONNEMENT LA FIN D’UN DÉBAT Longtemps considérée comme un frein au commerce, la limitation du stationnement automobile en centre-ville fait de moins en moins débat. E n baisse constante depuis 2012, les places réservées au stationnement des voitures dans les rues du centre-ville sont passées de 2 370 à 1 980 en 2015. Une diminution que les services de la Ville de Rennes attribuent à « des réaménagements d’espaces publics et aux chantiers, en particulier ceux de la deuxième ligne de métro ». Moins 350 places sur le mail François-Mitterand, moins 62 places sur la Place de Bretagne, moins 74 places cumulées entre la rue de Clisson, de la Monnaie et la rue de Saint-Malo... la majorité des commerçants y voit « l’une des principales raisons de la baisse de fréquentation commerciale du centre-ville »1. Porté de longue date par les acteurs du commerce, ce discours pourrait pourtant faire long feu. Pour Dominique Fredj, le président de l’association de commerçants Le Carré rennais, le « recul de la voiture en centre-ville » est l’une des trois révolutions majeures que le commerce de proximité « doit intégrer ». Selon lui, « l’extension des espaces piétonniers » est même « inéluctable ». Changement de discours Invité à participer au groupe de travail sur le futur plan commerce de la Ville de Rennes, qui devrait être présenté début 2016, François Eveillard, élu au commerce de la Chambre du commerce et d’industrie, reconnaît, lui aussi, que « la question du stationnement en centreville n’est plus centrale ». Une position qu’il justifie notamment par les taux d’occupation « étonnants » relevés dans les parkings, comme Chézy-Dinan, Martenot ou Hoche. Des taux qui, selon le gestionnaire Citedia, plafonnent aux alentours de 70% en moyenne le samedi. MOINS DE VOITURES ET PLUS DE VÉLOS 34% +47% C’est le pourcentage de places libres dans les parkings couverts du centre-ville le samedi. Soit 2 000 places disponibles sur 5 930. 32 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 C’est la hausse enregistrée pour la fréquentation à vélo de l’hyper-centre depuis 2011. Dans les faits, un lien direct entre la vitalité du commerce et la présence de la voiture est difficile à établir. D’un côté, 16% des places réservées à la voiture ont été supprimées ces trois dernières années au cœur de la ville. En face, les flux des piétons mesurés dans le centre, sur la même période, n’ont, quant à eux, quasiment pas varié. En revanche, la fréquentation des parkings relais, les déplacements en métro et ceux à vélo augmentent tous les ans depuis 2009. Interrogé par Le Mensuel, Marc Hervé, élu socialiste rennais au commerce, ne s’étend pas sur le sujet. Il confirme juste que la Ville « s’est engagée à stopper la suppression des places de stationnement jusqu’à l’arrivée de la deuxième ligne de métro » et qu’elle « s’y tiendra ». 1. Enquête réalisée par la société Pivadis auprès de 620 commerçants du centre-ville en 2009 et 513 en 2014. 57% EN 2009 EN 2014 51% C'est le pourcentage des commerçants du centreville qui considère le manque de places de stationnement comme l'une des principales raisons de la baisse de fréquentation du centre-ville, devant la concurrence de la périphérie (31%), l'accessibilité au centre-ville (28%) et la baisse du pouvoir d'achat couplé à la conjoncture (18%)1. E-COMMERCE QUI A ENCORE PEUR DU WEB ? Débarqué dans les années 1990, le web a définitivement bouleversé les habitudes de consommation. Concurrent direct ou opportunité, il influe sur les stratégies des échoppes rennaises. Face à la déferlante, certains commerces en font leur marque de fabrique. D ans sa boutique de la rue de Clisson, Ludovic Ludinard planche sur son ordinateur. Installé derrière un comptoir en bois, il met à jour son site de e-commerce. Ludovic fait partie des 17% des commerçants indépendants rennais qui déclarent faire de la vente en ligne1. Ouvert depuis sept mois, il est spécialisé dans la chemise « haut de gamme ». Le web ? Il l’aborde comme « un prolongement de son activité ». Chez lui, la moitié du stock provient d’une marque qui commercialise exclusivement ses produits en ligne. Et, d’après lui, il y a toujours besoin « d’essayer le produit, de le toucher » et « les retouches ne se font pas en ligne », plaisante-t-il. Si, comme Ludovic, 30% des commerçants du cœur historique rennais déclarent faire de la vente en ligne1, les équipements de connexion tardent à se généraliser. En 2014, 70% des magasins du centre rennais disposent d’un accès à Internet. C’est 12% de plus qu’en 20111. Côté bars et bistrots, le mouvement de connexions gratuites et sans fil, initié par les chaînes standardisées comme Colombus Café ou Subway, continue d’essaimer. Un passage quasi obligé dans une cité qui compte pas moins de 64 000 étudiants aguerris aux réseaux sociaux et au travail nomade. Au Haricot rouge, un bar resto proche de la place de la République, où le Net a débarqué dès 2007, Léopoldine Orhan, la patronne, parle d’une « évidence ». Chez elle, les étudiants étrangers communiquent surtout via les messageries vidéo comme Skype. Au-delà « de la richesse culturelle » qu’elle en retire, le web lui permet « d’être identifié » par une clientèle « jeune et volatile ». En bref, c’est, pour elle, un « moyen de rester au top ». Rennes connexion S’il est difficile de les quantifier, les annonces des bons plans rennais se multiplient aussi sur Facebook. Le café Albertine alerte sur ses vide-dressings, la librairie Critic présente ses nouveaux arrivages. Côté services, le web transforme même certains métiers artisanaux. Dans la rue Saint-Hélier, un premier pressing connecté a vu le jour en octobre dernier. Créé par Françoise Bazin, il s’appuie sur une boutique équipée de casiers pour déposer et reprendre ses vêtements « n’importe quand » et un site Internet sur lequel les clients passent leur commande. Si Internet lui permet de répondre à « une demande de flexibilité de la part des clients », elle insiste : « Le web n’enlève rien au besoin d’un commerce de proximité. » Une analyse que partage Olivier Ribot. D’ici la fin 2015, cet entrepreneur rennais s’apprête à lancer une application d’infos géolocalisées « sur les promotions et opérations en cours dans les commerces rennais ». Lancer des ventes flash sur des produits périssables dans les commerces de bouche, annoncer des promotions exception- OLIVIER RIBOT, entrepreneur du web nelles ou faire l’économie de campagnes publicitaires parfois coûteuses... Pour lui, Internet est une mine de « possibles ». Inventif et optimiste, il insiste pourtant, « la technologie est un outil, mais elle ne résoudra pas tous les problèmes, notamment celui de la baisse des passages en magasin. » LA TECHNOLOGIE NE VA PAS RÉSOUDRE TOUS LES PROBLÈMES 1. Source : Groupement d’information et d’étude du commerce de Rennes, d’après un sondage de la société Pivadis. Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 33 LE MAG COMMERCE EN CENTRE-VILLE DISQUAIRES LES INDÉPENDANTS RÉSISTENT En 15 ans, le centre-ville de Rennes a perdu 85 boutiques dédiées à la culture et aux loisirs. Parmi elles, des enseignes phares de l’univers musical. A rebours de cette tendance, cinq nouveaux disquaires indépendants ont créé leur boutique depuis 2006. A côté du textile, de l’électroménager et de l’équipement de la maison, la culture est l’un des secteurs les plus touchés par la conjoncture économique des dix dernières années. En 2000, à Rennes, le centre comptait 242 photographes indépendants, disquaires, libraires, carteries, boutiques de gadgets, de beauxarts et autres magasins spécialisés en culture et loisirs. En 2015, ils sont 155. Rescapés ou aventuriers du secteur, six disquaires indépendants gardent aujourd’hui pignon sur rue1. A Nantes, seules deux boutiques proposent encore vinyles et CD. Comme celle de Jean-Christophe Fillon. Pour lui, la présence de « sept magasins culturels tenus par l’enseigne Leclerc », couplée au prix des loyers « inabordables dans l’hyper-centre » empêche la création de tout nouveau disquaire. Idem au Havre, où deux échoppes rappellent encore l’effervescence de la scène punk-rock des années 1970 et 1980. Un renouvellement perpétuel Le secteur musical rennais n’a pourtant pas toujours gardé le sourire. En sept ans, trois figures majeures ont quitté la scène locale. Usé par les affres du métier, le disquaire Rennes musique a baissé le rideau en 2008. En 2013, c’est au tour d’Harmonia Mundi, chaîne spécialisée dans la musique classique, et de Virgin Megastore. Vécues comme des coups durs pour la culture en magasin, ces fermetures ont finalement profité aux indépendants. En 2008, Pierre Hingant et Frédéric Morel constatent que sans Rennes musique, « il n’y avait plus de disquaires généralistes ». Ils ouvrent Blindspot. En 2014, Jean-François Goulay et Richard Dick, un ancien salarié du Virgin Megastore, créent It’s Only. Un pari fou ? « Non », assure Richard : « Le rayon disques du Virgin faisait encore un gros chiffre d’affaires ». Et d’après lui, « il y a toujours une demande musicale à Rennes ». Un constat partagé par Jean-Marc Ploquin, ancien salarié d’Harmonia Mundi qui vient d’ouvrir Les Enfants de bohème. Pour lui, les institutions culturelles, comme Jazz à l’Ouest, le TNB ou l’Orchestre national de Bretagne « sont un plus pour la culture ». Seul regret : le déménagement partiel ou total des festivals comme Mythos –qui a quitté la place du Parlement– ou les Transmusicales –largement programmées à Saint-Jacques. Un avis également avancé par Richard Dick : « En plus de drainer un public intéressé par la culture, ces événements animaient et faisaient vivre le centre-ville. » 1. Rockin’Bones (1998), Les Troubadours du chaos (2006), Blindspot (2008), It’s Only (2014), Rennes Groove (2014), Les Enfants de bohème (2015) CAP SUR LES CRÉATEURS En juin dernier, la boutique Nij Rennes, et ses 21 créateurs principalement issus du cru local, s’est installée sur le boulevard de la Liberté. Dès le 2 décembre, et pendant un mois, l’instigatrice du Brunch des créateurs, Kahina Drider, ouvre « une boutique éphémère » dans la rue du Chapitre. Sur 100 m², elle accueillera plus de trente créateurs « issus de la 34 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 France entière ». Quant aux magasins qui cartonnent, Mint, la Petite Fabrique du 13, la Supérette ou encore Radis vert et Pois Rose, muscleront leurs ouvertures en décembre. D’après François Eveillard, élu au commerce de la CCI, c’est « notamment sur ce secteur différenciant » que le commerce rennais « doit miser ». LE MAG Jean-Paul Le Tensorer Le « Patron » DIRECTEUR INTERRÉGIONAL DE LA POLICE JUDICIAIRE Après 35 ans dans la police judiciaire, le Rennais Jean-Paul Le Tensorer s’apprête à quitter ce service spécialisé dans la grande délinquance. Ce flic « à l’ancienne » a enquêté sur les plus grandes affaires criminelles de France. « a délinquance évolue, la police doit s’adapter. Je laisse ma place aux jeunes. C’est bien que la police se renouvelle. » C’est dans un éclat de rire que Jean-Paul Le Tensorer annonce qu’il prend sa retraite dans un mois. A 61 ans, le « DIPJ », le directeur interrégional de la police judiciaire de l’ouest, s’apprête à quitter les 390 fins limiers qu’il a sous ses ordres de la Seine-Maritime à la Vendée en passant par la Sarthe et le Finistère. En 35 ans de carrière, exclusivement en police judiciaire, le Rennais Jean-Paul Le Tensorer est devenu une figure de la police française. Entré dans la PJ car il « adorait les romans policiers et les histoires de grands flics », cet homme de taille moyenne, aux traits réguliers, a travaillé sur de nombreuses affaires qui ont défrayé la chronique. Les enquêtes de « Tonton » ont souvent fait les gros titres des journaux et les ouvertures de journaux télévisés. Pourtant, à la question « quelle affaire vous a marqué le plus ? » Jean-Paul Le Tensorer répond avec détachement : « Je sais pas… Une enquête chasse l’autre. » Et, aussitôt, il déroule ses souvenirs avec passion : braquages, enlèvements, L 36 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 meurtres, trafics de stupéfiants, de drogues, d’armes... A bien y réfléchir, l’enquête qui l’a le plus marqué, c’est l’affaire Dupont-de-Ligonnès. En avril 2011 à Nantes, ce père de famille bien sous tous rapports est soupçonné d’avoir assassiné son épouse et ses quatre enfants. Avant de disparaître de la circulation. « Une telle préméditation pour supprimer sa propre famille, QUAND ON A ACCROCHÉ CE SALAUD (SIC) EN 2014, ON ÉTAIT TELLEMENT CONTENTS JEAN-PAUL LE TENSORER, à propos du meurtrier de Lucie Beydon c’est impensable. Les affaires familiales, c’est peut-être ce qu’il y a de plus dur dans ce métier », admet ce père de trois grands enfants. « Quand vous pistez des malfaiteurs archi connus, ce n’est pas pareil. Vous imaginez qu’ils sont capables du pire. Mais quand des gens d’apparence normale s’en prennent à des innocents, c’est humainement difficile. » C’est également pour cette raison, qu’il a accusé le coup lors de l’assassinat de Lucie Beydon. A Rennes en septembre 2004, la jeune étudiante de 20 ans, l’âge de sa fille aînée, est tuée d’une trentaine de coups de couteau chez elle. Les investigations ne donnent rien. Des empreintes génétiques incomplètes sont pourtant relevées et des suspects entendus. Il faut attendre juillet 2014 et les progrès de la science pour que le laboratoire d’analyses puisse mettre un nom sur une empreinte relevée à l’époque. L’auteur présumé est arrêté (lire Le Mensuel de mars 2015). « En 2006, quand je suis parti de Rennes pour Bordeaux, j’avais des regrets. Le meurtrier était toujours en liberté. Quand on a accroché ce salaud (sic) en 2014, on était tellement contents. » Les progrès sur l’ADN, les écoutes téléphoniques, l’espionnage informatique… En trente ans, Jean-Paul Le Tensorer a vu les techniques d’investigation considérablement évoluer. « Quand j’ai commencé à travailler, il fallait trente minutes pour géolocaliser un appel qui venait d’un téléphone fixe ! Quand on faisait des écoutes sur le magnéto à bobines, il fallait écouter le nombre d’impulsions pour reconstituer le numéro que l’objectif composait, c’était très chiant et la marge d’erreur était importante », se souvient JeanPaul Le Tensorer. L’enquêteur qui se CLAIRE STAES [email protected] ADRIEN DUQUESNEL Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 37 LE MAG JEAN-PAUL LE TENSORER qualifie de « chasseur » a dû s’adapter à ces techniques mais aussi à la délinquance qui s’est profondément transformée. « Le grand banditisme traditionnel a par endroits complètement disparu, remarque Jean-Paul Le Tensorer. Le proxénétisme a été abandonné aux réseaux est-européens et africains. Il y a beaucoup moins de braquages retentissants. Maintenant, c’est les stups qui rapportent gros. Il en découle beaucoup de violence. Quand j’ai commencé nous étions heureux d’intercepter un kilo de cannabis. Aujourd’hui on parle en centaines de kilos, voire de tonnes de toutes sortes de drogues. » Jean-Paul Le Tensorer incarne « la police à l’ancienne ». Celle qui, nuit et jour, vivait en groupe, traquait les bandits en fumant clope sur clope, et festoyait jusqu’au petit matin. « C’était comme ça à l’époque, on n’avait pas beaucoup de vie de famille. Mais on aimait ce qu’on faisait. On travaillait tous ensemble et on rigolait bien. » Ce côté rieur, blagueur et paternaliste est unanimement reconnu par ses collaborateurs. A Rennes, ses hommes le SA CARRIÈRE Septembre 2009. Directeur interrégional de la police judiciaire à Rennes Septembre 2006. Directeur interrégional de la police judiciaire à Bordeaux Septembre 2001. Directeur du service régional de Rennes. Et devient en avril 2003 directeur interrégional de la police judiciaire à Rennes. Novembre 1999. Directeur du service régional de la police judiciaire Rouen Juillet 1993. Sous-chef du service régional de la police judiciaire Rennes Décembre 1991. Sous-chef du service régional de la police judiciaire de Dijon Janvier 1988. Chef de section criminelle de la police judiciaire de Rouen Aout 1984. Chef de l’antenne de police judiciaire de Brest Avril 1982. Chef du groupe répression du banditisme de la police judiciaire de Bordeaux Août 1980. Chef du groupe de répression du banditisme de la police judiciaire de Rouen 38 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 surnomment même « papa ». « Sur les trente ans que j’ai passés en police judiciaire, les deux ans avec Jean-Paul à Rennes sont mes meilleures années, témoigne Frédéric Ejarque, son adjoint au début des années 2000. On travaillait énormément, c’était du non-stop. Mais on savait décompresser. Jean-Paul, c’est vraiment l’esprit PJ. » Beaucoup de décontraction mêlée à un grand professionnalisme. Et là encore, les témoignages vont tous dans le même sens. « C’est un excellent meneur d’hommes. Il possède une bonne connaissance de son ressort, loue Véronique Malbec, procureure générale près de la cour d’appel de Rennes. Il a une énergie et une combativité extraordinaires. C’est C’EST QUELQU’UN DE FIDÈLE EN AMITIÉ ET EN INIMITIÉ CHRISTIAN LOTHION, ancien directeur central de la PJ. quelqu’un sur qui on peut compter. » « Il est arrivé que la ville et la police judiciaire travaillent ensemble notamment sur du trafic de stupéfiants », se souvient Hubert Chardonnet, adjoint au maire de Rennes, chargé de la sécurité. Nous avons toujours été tenus au courant en temps et en heure. » Les journalistes diront de même. « Le Tens’ » rappelle toujours même s’il ne veut pas communiquer. Pourtant, dès qu’il le peut, il fait valoir le travail de la police et centralise les contacts avec les médias. Il a appris à ses dépens l’importance de travailler en bonne intelligence avec le « 4e pouvoir ». En 1983, alors qu’il enquêtait sur un double meurtre à Bordeaux, un journaliste, qui s’était fait remballer par les responsables de la police, a révélé l’identité de la personne recherchée. « Je m’en souviens encore, j’écoutais la radio en me rasant, il était 6 h du matin, souffle Jean-Paul Le Tensorer. Ce fut un séisme. Nous étions tellement en colère. Plusieurs jours après, nous avons retrouvé la trace de notre objectif et nous l’avons interpellé. Mais sa cavale a duré un mois et demi et a coûté la vie à un brigadier de police. » Entré par la grande porte Rentré par goût pour l’investigation, les filatures et les planques, ce fils de bistrotiers de Saint-Pierre Quilbignon, un quartier populaire de Brest, était prédestiné à devenir un patron. Après une maîtrise de droit à l’université de Brest et un début de DEA de droit européen à Rennes, Le Tens’ est entré dans la police par la grande porte en obtenant le concours externe de l’école supérieure de la police qui forme les commissaires. « C’était la belle époque », en sourit encore celui qui faisait des extras en tant que barman de discothèque le weekend. « Dans notre promo à l’école des commissaires, nous n’étions pas les plus bosseurs », reconnaît Christian Lothion, ex-DCPJ (le big boss de la PJ française) et camarade de promotion du Rennais. « Avant notre grand oral de fin d’études, au lieu de bosser, nous avions participé à un week-end de libations avec la confrérie des chevaliers de la Chantepleure à Vouvray. Quand j’ai raccompagné JeanPaul au train le dimanche soir, il était en grande forme… » Cette amitié avec Christian Lothion ne s’est jamais démentie. Les deux compères ont fait des carrières parallèles, toujours en police judiciaire. « En 2008, quand j’ai su que j’allais obtenir le poste de directeur central de la police judiciaire, j’ai immédiatement appelé Jean-Paul. Je lui ai proposé de m’accompagner. J’avais besoin de personnes solides sur lesquelles je pouvais compter. » Mais celui qui vient de passer contrôleur général décline la proposition. Même s’il est monté dans la hiérarchie policière au mérite, il n’a jamais rêvé d’intégrer les hautes sphères parisiennes. « Je ne sais pas si j’aurais eu assez de résistance à la pression, s’interroge encore l’intéressé. Dans ce genre de poste, même quand il ne se passe rien, il y a énormément de gesticulation pour suivre le ou les ministres, pour anticiper ce qui va faire la Une du JT le lendemain. Je ne sais pas si j’aurais été compétent. » 4 3 2 1 A l’école des commissaires, dans la promotion de Jean-Paul Le Tensorer (1), il y avait aussi : Christian Lothion (2), qui deviendra directeur central de la police judiciaire. A côté de Christian Lothion : JeanClaude Menault (3), ancien directeur de la sécurité publique du Nord. Cet homme a notamment été entendu dans l’affaire du Carlton pour avoir fait partie d’un petit groupe de personnes qui ont rencontré Dominique Strauss-Kahn à Washington. Aucune charge n’a été retenue contre lui. Marie-France Monéger (4) actuelle patronne de l’inspection générale de la police nationale. Jean-Paul Le Tensorer pose avec ses « potes » de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) de Nantes. Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 39 LE MAG JEAN-PAUL LE TENSORER Sa place, il ne l’a jamais imaginée ailleurs qu’en Bretagne. D’ailleurs, durant toute sa carrière, dès qu’il a pu revenir au « pays », il n’a pas hésité. Quitte à lâcher la direction de la PJ de Bordeaux et son importante circonscription, pour reprendre son précédent poste de Rennes. « Quoi de mieux que d’exercer le boulot qu’on aime, chez soi ? », questionne Jean-Paul Le Tensorer. « C’est quelqu’un d’entier Jean-Paul, il extrêmement fidèle et loyal. C’est vrai pour tout. Pour sa région, ses amis, sa famille, ses collègues », constate Jérôme Martin, un de ses adjoints et ami, aujourd’hui chef de l’antenne de police judiciaire de Rouen. « Par contre, mieux vaut ne pas lui faire de coups tordus, souffle un policier qui a travaillé sous ses ordres. Car il peut devenir beaucoup moins sympathique. » Adjoints exilés dans des zones rurales, journalistes répudiés, collègues qui se sont vu offrir des placards « dorés » dans le secteur privé... « C’est quelqu’un de fidèle en amitié et en inimitié », se marre carrément Christian Lothion. « C’est un flic de PJ à l’ancienne. Il est malin, bosseur et il a beaucoup de flair. » Parmi les beaux coups à son actif, le braquage avorté de l’entreprise Oberthur fiduciaire reste dans les mémoires. En juin 2014, le directeur de la police judiciaire de Lyon l’appelle pour le prévenir qu’une équipe connue pour du « stup » cherche un transpalette pour « taper un centre fort en Bretagne ». Immédiatement, JeanPaul Le Tensorer met l’imprimerie de Chantepie sous surveillance et continue d’écouter certains suspects. Sans tarder, des hommes sont vus sur place en train de procéder à des repérages. Quand le patron sent que le « gang est chaud » et que « tout le monde a l’intention de monter à Rennes pour le grand jour », l’ordre est donné de « taper » les suspects, à Grenoble et dans la région rennaise. Lors des perquisitions, les forces de l’ordre trouvent des armes lourdes, gilets pare-balles, herses, appareils de brouillage d’ondes et à visée nocturne, pistolets automatiques ainsi que du matériel destiné à percer des bâtiments 40 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 en béton, etc. « C’est à ce moment-là que le rôle de chef devient primordial. Il faut laisser les mecs avancer dans leur projet afin d’avoir suffisamment de preuves contre eux pour éviter qu’ils soient relâchés à l’issue des gardes à vue. Mais il ne faut pas les laisser aller au bout de leur plan. Savoir si c’est le bon moment, ce n’est pas toujours facile. » L’évasion ratée de Bruno Sulak Durant les 35 ans de carrière, toutes ses affaires n’ont pas toujours tourné comme le Breton l’aurait voulu. En mars 1984, alors que Jean-Paul Le Tensorer est chef du groupe de répression du banditisme à Bordeaux, la police aux frontières appelle la PJ pour prévenir qu’un « homme louche » prévoit de louer un hélicoptère le lendemain C’EST UN EXCELLENT MENEUR D’HOMMES VÉRONIQUE MALBEC, procureure générale près de la cour d’appel de Rennes tomber. Nous ne savions même pas si cette personne avait quelque chose à se reprocher. » Des ratés retentissants, Jean-Paul Le Tensorer en a aussi connus. Comme ce jour d’octobre 1983, où il a laissé filer Lionel Cardon. Ce braqueur était recherché par toutes les polices de France pour le double meurtre des époux Aran, un couple de médecins de Pessac en Gironde. « Il était dans une cabine téléphonique dans le centre-ville de Bordeaux, nous étions trois aux alentours. Notre supérieur nous a donné l’ordre de ne pas l’interpeller mais de le suivre. Mais pendant la filature, dans la gare de Bordeaux, nous l’avons perdu. » De ce ratage, Jean-Paul Le Tensorer ne fait pas de commentaire. Il ne rejette pas la faute sur son supérieur et constate avec pragmatisme : « A cet instant-là, nous avions encore l’espoir de retrouver Aline Aran en vie, Cardon aurait pu nous conduire jusqu’à elle. En plus, à cette époque, il n’y avait pas de doctrine claire sur les décisions à prendre. Aujourd’hui ce ne serait plus comme cela, nous l’aurions interpellé. » Grandes équipes matin. Les flics pensent immédiatement à une préparation d’évasion. « J’ai fait le lien avec Bruno Sulak, l’ennemi public n°1 (braqueur multirécidiviste, surnommé l’Arsène Lupin des bijouteries). Il était enfermé non loin de là, à la maison d’arrêt de Gradignan, et avait plusieurs fois essayé de se faire la belle. J’ai décidé d’envoyer une petite équipe pour procéder à un contrôle. » L’arrivée des policiers à l’aérodrome déclenche une fusillade. Le comparse de Sulak, Steves Jovanovic « braque » un 357 Magnum. Les policiers répliquent et l’abattent. « Sur le ‘‘Yougo’’, on a retrouvé deux gros calibres, deux grenades défensives et un fumigène ainsi que des plans de la prison. » L’affaire aurait pu coûter cher aux hommes de Le Tens’. « C’est très difficile d’évaluer toute la complexité d’une situation. Nous n’avons jamais toutes les cartes en main quand nous agissons. Là, nous ne savions pas sur qui nous allions C’est aussi cela que Jean-Paul Le Tensorer a vu évoluer. Le travail des policiers est bien plus encadré qu’il ne l’était. Fini le temps où les flics refilaient la drogue des saisies à leurs indics. Aujourd’hui, les informateurs sont immatriculés et répertoriés dans des fichiers consultés par la hiérarchie. Ces derniers touchent des primes légales dont le montant est fixé par un barème. « Je trouve cela logique. La police évolue avec la société. » Sur l’affaire Michel Neyret, l’ancien n°2 de la PJ lyonnaise mis en examen pour corruption et soupçonné d’avoir renseigné le milieu contre divers avantages, Jean-Paul Le Tensorer lâche droit dans ses bottes : « Il ne faut pas se leurrer, on ne fait pas de police sans informateur. Il y a des limites à ne pas dépasser. Ce sera à la justice d’en juger. » Par contre, ce que plaide ouvertement le « DIPJ » c’est un allégement de la procédure judiciaire. « Avant, nous avions besoin de deux personnes pour faire une garde à vue. Maintenant, il nous en faut au moins trois. Il faut tout vérifier afin d’être sûrs que notre procédure ne va pas tomber pour un quelconque vice de forme. Je trouve normal que les avocats assistent leur client durant les gardes à vue mais il faut alléger la paperasse des flics. » De toutes ces années à courir après les bandits, les violeurs, les tueurs, les « beaux mecs » ou les « petites frappes », Jean-Paul Le Tensorer ne tire qu’un seul enseignement : « Les grands policiers, ça n’existe pas. Ça, c’est uniquement dans les bouquins ou au cinéma. Par contre, ce qui existe, c’est les grandes équipes. Quand tout le monde travaille dans le même sens, on y arrive. Et on en garde de grands souvenirs. » En 1980, Jean-Paul Le Tensorer avec un camarade, lors de leur sortie de l’école Nationale supérieure de la police à Saint-Cyr au Mont d’or. « La seule fois de ma vie où j’ai porté un képi. » JE SUIS UN CHASSEUR. J’AIME LES INVESTIGATIONS, LES IDENTIFICATIONS, LES PLANQUES, LES ÉCOUTES. JEAN-PAUL LE TENSORER Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 41 LE MAG CERCLE PAUL BERT ENQUÊTE SUR UNE INSTITUTION E S I A N N RE 42 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 SOLENNE DUROX [email protected] 11 000 licenciés, 111 activités, plus d’un siècle d’existence… Fondé en pleine « guerre scolaire » pour contrer la puissance des patronages, le Cercle Paul Bert, la plus grande association rennaise, a construit sa réussite sur un projet ambitieux, des valeurs et des bénévoles engagés. Mais aussi des liens très étroits avec la municipalité. l suffit de se promener dans la ville pour s’apercevoir que le Cercle Paul Bert l’a marquée de son empreinte. Rues PaulBert, Louis-Postel, François-Bizette, stade Commandant-Bougouin ou gymnase Félix-Masson... Les conseils municipaux de Rennes ont attribué à plusieurs rues et équipements le nom de personnalités ayant exercé un rôle essentiel dans l’histoire de l’association. « L’action de quelques maires novateurs, l’engagement fort de personnalités bénévoles, soutenus par les réseaux laïcs et les personnels des écoles publiques, la permanence de relations privilégiées entre les dirigeants du Cercle et les municipalités rennaises successives expliquent la naissance et la pérennité du Cercle Paul Bert, qui est reconnu aujourd’hui comme une partie du patrimoine de la cité rennaise », écrit Edmond Hervé dans la préface du livre de l’historien Gilbert Nicolas sur Le Cercle Paul Bert (Ed.Apogée). Présente dans onze quartiers rennais et forte de plus de 11 000 adhérents, l’association est aujourd’hui la plus grande amicale affiliée à la Ligue française de l’enseignement. Elle propose plus de 111 activités sportives, culturelles et de loisirs et défend un projet au service de tous et du mieux vivre ensemble. Archives Cercle Paul Bert I Une laïcité de combat Le Cercle Paul Bert est l’héritier de la société des anciens élèves des écoles laïques municipales de Rennes. Il naît en 1909 dans un contexte très particulier. Après la promulgation des lois de séparation de l’Eglise et de l’Etat, une « guerre » scolaire se déclare entre les évêques français et les instituteurs laïcs accusés d’athéisme et d’antipatriotisme. La bataille se joue aussi sur les temps post et périscolaires. Au début du XXe siècle, Rennes possède deux patronages catholiques bien organisés. Ils proposent des activités sportives et culturelles aux jeunes les jeudi et dimanche. « Depuis cinquante ans, peut-être davantage, l’élément ecclésiastique a monopolisé chez nous cette forme extraordinairement fructueuse de la tutelle accordée aux enfants, passé l’âge où ils s’assoient sur les bancs de l’école », écrit le 28 octobre 1908 le journaliste René Grougé dans les Nouvelles rennaises. Le nouveau patronage laïc doit permettre de contrer l’influence des patronages existants. Sa création est fortement soutenue par la municipalité de Jean Janvier. Elle affiche clairement sa volonté politique de défendre la laïcité. Reste à trouver un nom. Le choix se porte sur Cercle Paul Bert, pour rendre hommage au médecin, physiologiste et ministre de l’Instruction publique et des Cultes (1881). Qui est aussi l’un des fondateurs de l’école laïque. Le patronage s’installe rue de Paris dans les locaux de la congrégation des Dames de Marie-Réparatrice acquis par la Ville. LE CERCLE PAUL BERT EST RECONNU AUJOURD’HUI COMME UNE PARTIE DU PATRIMOINE DE LA CITÉ EDMOND HERVÉ, ancien maire de Rennes Pour l’inauguration officielle, un grand banquet a lieu dans l’ancienne chapelle. Les milieux catholiques et conservateurs s’en indignent. Dans un article, l’abbé Cornou pourfend les organisateurs du banquet et du bal qui ont osé « organiser des rondes joyeuses, là où tant d’âmes pures goûtèrent la paix de l’adoration »1. Ambiance… Gymnastique et tir au pistolet Les premières activités pratiquées au Cercle Paul Bert sont la gymnastique et la préparation militaire. « On s’y exerce au tir sportif, à la carabine, ou au tir utilitaire, au pistolet et au fusil de guerre », relate Gilbert Nicolas. Le Cercle Paul Bert participe à la formation du citoyensoldat en organisant des concours de tir durant l’été. Pour affronter la concurrence de quatre patronages catholiques dans la capitale bretonne, l’association peut compter sur le soutien marqué des maires successifs. Dès 1909, le premier président du Cercle Paul Bert, Louis Postel, ex-commis négociant, obtient un emploi à la mairie de Rennes. « Ces fonctions subalternes à l’hôtel de ville placent le président du Cercle Paul Bert dans une situation de dépendance, mais favorisent également une proximité avec le maire », écrit Gilbert Nicolas. Lorsque Louis Postel tombe gravement malade, le maire Jean Janvier lui accorde même une allocation de 220 Fr par mois pour diriger le Cercle et compenser sa perte de revenus. La Ville accorde aussi de généreuses subventions publiques qui vont croissantes. De 15 750 Fr en 1925, elles atteignent 65 500 Fr en 1935. Elle prend en charge l’entretien et les réparations des locaux, le chauffage et l’éclairage. Certes, le Cercle Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 43 LE MAG CERCLE PAUL BERT Paul Bert s’efforce d’afficher une neutralité politique. Pourtant, dans les faits, la municipalité y joue alors un rôle clé. Le maire Jean Janvier, président fondateur du Cercle, préside l’assemblée générale annuelle. Un certain nombre d’élus en sont membres honoraires ou font partie du comité de direction. La mythique Fête de la jeunesse LES PREMIÈRES ACTIVITÉS PRATIQUÉES AU CERCLE PAUL BERT SONT LA GYMNASTIQUE ET LA PRÉPARATION MILITAIRE 44 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 Vue générale des bâtiments du siège du Cercle Paul Bert, rue de Paris entre 1914 et 2015 Volclair, devient adjoint au maire. Dans les années 1950-1960, le Cercle est présent dans les structures de concertation de la Ville comme l’office social et culturel (OSC). Partout où se jouent les attributions d’équipements et la répartition des moyens financiers. La proximité entre la mairie et le Cercle devient encore plus visible avec l’élection en 1965 de René Rolland à la présidence de l’association. « Dans le privé », ce dernier est directeur des finances de la Ville, avant d’être promu secrétaire général par Henri Fréville. Il assurera ses fonctions municipales et associatives durant près de trente ans… L’ère du consumérisme Durant les années 1970-1980, la ville grossit à vue d’œil. Le Cercle est sous pression. « Le président général René Rolland constate avec les autres dirigeants que l’association est dépassée par le développement urbain et que ses ressources humaines et matérielles ont du mal à suivre », raconte Gilbert Nicolas. Le Cercle Paul Bert doit se réinventer. Il crée de nouvelles sections dans les quartiers. Pour asseoir sa place dans la cité, il se lance aussi, en partenariat avec la Ville, dans l’organisation de grandes manifestations sportives et culturelles comme Tout Rennes nage, Tout Rennes court, Rennes sur roulettes… Le coût de ces événements, la nécessité d’indemniser les champions qui y participent et « l’obligation de financer le déplacement de sportifs cerclistes de haut niveau (…) exigent le recours à des financements privés », remarque Gilbert Nicolas. D’autant que la Ville semble de moins en moins disposée à dépenser sans compter pour soutenir l’unique activité du Cercle Paul Bert. Elle promeut dorénavant « le pluralisme » via un système de conventionnement avec les grandes associations rennaises. La roue Archives Cercle Paul Bert / A. Duquesnel A la demande du maire, le patronage laïc crée des sections dans les quartiers de la ville pour se rapprocher des habitants. La première voit le jour au Nord-Ouest en 1934. Avant-gardiste, le Cercle lance un groupe de gymnastique et une équipe féminine de football en 1913 et 1920. Durant l’entre-deux guerres, il rassemble petits et grands lors de séances de cinéma ou à l’occasion de la célèbre Fête de la jeunesse. Des générations de Rennais s’y succèdent jusqu’en 2004. Au programme : spectacles, chants et défilés disciplinés. Le charismatique commandant Bougouin est à la manœuvre. « Son autoritarisme tout militaire, la crainte qu’il inspirait aux enfants comme aux maîtres faisaient dire à un certain nombre d’instituteurs que la Fête de la jeunesse était d’abord le festival Bougouin », écrit Gilbert Nicolas. L’entredeux guerres voit aussi la création des garderies du Cercle. Elles vont rapidement constituer un appréciable vivier de futurs adhérents. Comme en 1914-1918, l’association est privée de ses locaux durant la Seconde Guerre mondiale. A la Libération, son président, Louis 3,68% 2,83% 2,59% 5,40% 0,38% UNE ORGANISATION PYRAMIDALE « Le siège », « les sections », « les groupes ». Pyramidal, le fonctionnement du Cercle Paul Bert s’articule de façon assez complexe entre ces trois composantes. A la base de la pyramide, on trouve les groupes, à savoir les 110 activités sportives, culturelles et de loisirs proposées par l’association. Elles sont pour la plupart rattachées à dix sections et équipements 47,06% répartis dans onze quartiers rennais. Des comités de section font le lien avec le conseil d’administration qui définit les orientations politiques de l’association. Cette organisation permet au Cercle de parler d’une seule voix face aux acteurs sociaux et politiques. Tout en s’adaptant aux réalités des différents quartiers où il est implanté. « Néanmoins, cela entraîne certaines lourdeurs, observe un ancien salarié. La hiérarchie interne n’est pas très lisible. Nous avons affaire à beaucoup d’interlocuteurs différents. » LES RECETTES 2013-2014 DU CERCLE PAUL BERT 21,52% cotisations productions subventions ville de rennes subventions office des sports subventions état subventions département subvention région subventions diverses TOTAL 6 941 871 € NOUS SOMMES ENCORE UN CERTAIN NOMBRE À DÉFENDRE LES TENANTS DE LA LAÏCITÉ MAIS LA GRANDE MAJORITÉ DES BÉNÉVOLES N’EN A QUE FAIRE RENÉ BARRAT, responsable du Cercle a tourné. « Historiquement, le Cercle a, pendant des décennies, bénéficié d’une position privilégiée de la part de la ville, alors qu’aujourd’hui on ne lui offre que la même chose qu’aux autres grandes familles », déplore René Rolland lors d’un conseil d’administration en 1977. Succédant à Josette Bléas, ex-adjointe au maire Edmond Hervé, René Barrat prend les rênes du Cercle fin 1998. Il rompt avec la « consanguinité » historique entre la Ville et l’association. Le nouveau président n’exerce ni mandat politique ni fonction administrative au sein de la municipalité. S’il souhaite marquer son indépendance, René Barrat s’inquiète néanmoins de la distension des liens entre la mairie et son Cercle. En 1999, il se fend d’une lettre à Edmond Hervé pour réclamer plus de moyens et de reconnaissance. « Il nous semble urgent de clarifier nos rapports avec les services de la Ville. Nous avons l’impression de ne plus avoir de réels interlocuteurs », écrit-il. Le Cercle Paul Bert voit aussi d’un mauvais œil le soutien apporté par la Ville à la restructuration des anciens patronages catholiques. En 2006, la municipalité d’Edmond Hervé n’hésite pas, par exemple, à aider les Cadets de Bretagne lourdement déficitaires. Pour l’ancien enfant chéri de la municipalité, l’apprentissage du partage revêt un goût amer. Aujourd’hui, la Ville semble avoir quasi coupé le cordon. « Il s’agit d’un acteur important mais parmi d’autres dans la vie associative rennaise », estime Tristan Lahais, adjoint au maire délégué à la vie associative. De son côté, « le Cercle Paul Bert ne se reconnaît plus trop dans la municipalité rennaise, confie un proche de l’association. La nouvelle génération d’élus est issue de la jeunesse chrétienne et semble insensible aux valeurs laïques traditionnelles. » Au sein même de l’association, « nous sommes encore un certain nombre de hauts responsables à défendre les tenants de la laïcité mais la grande majorité des bénévoles n’en a que faire », observe René Barrat, toujours à la tête de la section de Villejean. En 2015, on adhère désormais au Cercle Paul Bert pour la qualité et la diversité de ses activités et non plus pour ses valeurs. 1. Manifestation déplacée, l’abbé Cornou, Le Nouvelliste de Bretagne, 19 janvier 1911 16,54% FINANCES UN COLOSSE AU PIED D’ARGILE Déficitaire, le Cercle Paul Bert vit en grande partie grâce aux cotisations de ses adhérents et aux subventions des collectivités. Doté d’un budget de 7 millions d’euros, le Cercle Paul Bert accuserait un déficit compris entre 120 000 et 150 000 € pour l’exercice 2014-2015, selon des informations recueillies lors de l’assemblée générale de la section Cleunay, en novembre. Ce résultat devrait être confirmé lors de l’assemblée générale du CPB le 11 décembre, à l’heure où nous bouclons. Les deux exercices précédents, les comptes de résultat affichaient respectivement un déficit de 7 000 € et de 86 000 €. La masse salariale, en constante augmentation, représente plus de 50% du budget, soit environ 4 millions d’euros. Le Cercle Paul Bert emploie 200 salariés. « Ils sont entourés de très nombreux bénévoles, tous engagés et profondément attachés à l’association », fait remarquer un ancien salarié. Le CPB fait l’objet d’un conventionnement annuel avec la Ville à hauteur de 2,4 millions d’euros. Ce montant atteint 3,5 millions si on ajoute l’ensemble des aides aux projets, les fonds globaux sportifs et les aides à l’emploi notamment. Quant aux cotisations, elles représentent plus de 20% des recettes. En 2000, la chambre régionale des comptes avait déjà soulevé le problème des déficits récurrents de l’association, insistant sur la nécessité d’« une gestion plus rigoureuse ». Et de prendre pour exemple le Théâtre du Cercle. A l’époque, les recettes des spectacles étaient conservées dans des sacs plastique, cachés un peu partout pour éviter les vols. Au final, 15 000 Fr avaient été égarés en 1999 et n’ont jamais été retrouvés. Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 45 LE MAG CERCLE PAUL BERT ISABELLE DANIEL Présidente du Cercle Paul Bert La laïcité est pour nous le ciment de l’ouverture. Présidente du Cercle Paul Bert depuis janvier 2010, Isabelle Daniel consacre son énergie à maintenir à flot l’immense navire. Et à fixer un cap pour les années à venir. Le Mensuel : Quelle est la force du Cercle Paul Bert ? Isabelle Daniel : Sa taille indéniablement. Nous comptons aujourd’hui 11 865 adhérents. Ce nombre est en constante augmentation. C’est un signe de vitalité. Le Cercle possède aussi un autre atout : son maillage territorial très dense. Quant à notre projet associatif, il est extrêmement affirmé. Il repose sur des valeurs non négociables que sont la laïcité, la démocratie, l’éducation et la solidarité. Et sa faiblesse ? C’est aussi sa taille. Plus une structure est importante, plus elle est complexe à gérer et à animer au quotidien. Arrivez-vous toujours à recruter des bénévoles ? Nous pouvons compter sur des bénévoles fidèles. Néanmoins, en recruter de nouveaux n’est pas plus facile qu’ailleurs. Nous avons une difficulté supplémentaire compte tenu de notre offre extrêmement vaste d’activités. On sait aujourd’hui que les durées de bénévolat sont beaucoup plus courtes. Les gens s’investissent puis s’en vont quand les enfants grandissent. Le degré d’exigence qui leur est demandé peut aussi en décourager certains. Au niveau des instances dirigeantes, n’y a-t-il pas un problème de renouvellement ? 46 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 Oui, notamment parce que la structure est tellement grosse et compliquée à gérer que personne, aujourd’hui, ne veut ma place, par exemple. Personnellement, je ne calcule plus mes heures, même si je suis bien épaulée par les membres du bureau. Je ne suis pas sûre qu’un matin, en rentrant à la maison, mon chien me reconnaisse (sourire). Certes, le Cercle Paul Bert est une association mais il a toutes les caractéristiques d’une grosse PME. Dans quelles conditions le précédent directeur a-t-il quitté ses fonctions avant l’été ? Pourquoi passez-vous par une agence de recrutement extérieure pour trouver son successeur ? Nos routes se sont séparées à l’amiable avec Pascal Férey. Il n’y a jamais eu de conflit. Nous avions seulement des divergences de point de vue sur la gestion de l’association. Nous utilisons partiellement les services d’une agence de recrutement car nous voulons trouver un vrai profil avec de vraies compétences. Recruter n’est pas notre métier. Avec sept millions d’euros de budget, nous n’avons pas le droit de nous tromper. La défense de la laïcité a-t-elle encore un sens au Cercle Paul Bert ? Plus que jamais, bien qu’elle n’ait pas le même sens qu’il y a 100 ans. Aujourd’hui, nous ne revendiquons aucun anticléricalisme. La laïcité est pour nous le ciment de l’ouverture. Je vais vous donner un exemple. Il y a trois ans, lors de la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, nous avons été submergés de demandes de parents craignant la fermeture de nos ALSH (accueils de loisirs sans hébergement, NDLR) le mercredi matin. Et pour cause, leurs enfants étaient scolarisés dans le privé. Nous avons pris la décision de les accueillir. Il a été dit ici et là que le Cercle Paul Bert restait ouvert pour les enfants de l’école catholique. C’est faux. Nous avons seulement fait le choix de permettre à des parents qui nous confiaient habituellement leurs enfants de ne pas être en rupture de service. Comment auraient-ils fait sinon ? Quelle est la nature des relations que vous entretenez avec la Ville ? Nous sommes liés à la Ville par une convention d’objectifs et de moyens. Nous sommes actuellement dans une période de renégociation de cette convention. Nous participons à des réunions plénières durant lesquelles nous travaillons de façon collaborative avec d’autres équipements sur un diagnostic et un projet pour chaque quartier. Il est fort possible qu’à l’issue de cette première étape, une recherche de spécialisation au niveau des associations soit « La recherche de partenaires doit faire l’objet d’une organisation rodée. Il faut qu’on professionnalise nos méthodes. » A. Duquesnel t souhaitée par la ville. Nous ne souhaiterions pas avoir un jour le sentiment que celle-ci vienne faire son marché dans chaque association pour telle ou telle chose. Ce serait complètement contraire à notre projet associatif. Je ne souhaiterais pas non plus qu’on nous impose des espèces de mariages totalement incohérents sur lesquels nous n’aurions aucun moyen de négociation. Je comprends néanmoins qu’on ne puisse pas donner deux fois les mêmes moyens à deux associations positionnées sur la même activité, sur le même territoire. Toute la négociation visera à ce que chacun s’en tire avec un projet cohérent. Lors de l’assemblée générale du Cercle Paul Bert Cleunay en novembre, il a été annoncé un déficit important de l’association de l’ordre de 120 000 à 150 000 €. Quelle en est la raison ? LE CERCLE PAUL BERT EST UNE ASSOCIATION MAIS IL A TOUTES LES CARACTÉRISTIQUES D’UNE GROSSE PME Je ne peux pas le confirmer. Cependant, il est vrai que le maintien de l’équilibre budgétaire est un problème crucial pour nous aujourd’hui. Nous essayons depuis trois ans d’y remédier. Il faut savoir que le budget du Cercle Paul Bert est la compilation de 100 budgets différents correspondant à toutes nos activités. Or, celles-ci ne répercutent pas les frais de structure sur leur budget. Ce qui entraîne un déficit. Par ailleurs, nous mettons tout en place pour maîtriser nos charges salariales. Il ne faut néanmoins pas perdre de vue que toute notre richesse repose sur l’humain. Où trouver l’argent qui manque ? Le sponsoring est un axe important de développement pour l’association. La recherche de partenaires doit faire l’objet d’une organisation rodée. Il faut qu’on professionnalise nos méthodes et qu’on améliore le retour aux entreprises. Néanmoins, nous ne toucherons pas au sport de haut niveau professionnel pour y parvenir. Nous avons fait le choix de rester fidèles au sport amateur et de ne pas salarier nos joueurs. Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 47 LE MAG 48 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 JULIEN JOLY [email protected] ADRIEN DUQUESNEL BROCÉLIANDE A quelques kilomètres de l’arbre d’Or et du tombeau de Merlin se toruve l’un des lieux les plus secrets de Brocéliande. L’aérodrome de Point-Clos, aujourd’hui en ruines, a accueilli des légendes de l’aviation et a servi de base aux Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. DE L’AIR À LA POUSSIÈRE ené est déjà réfugié au fond de la tranchée quand les Allemands dynamitent l’aérodrome. Gamin de 10 ans, il est blotti au fond du trou tapissé de paille qu’il a creusé avec ses parents, derrière le verger. Sa famille est là aussi. A chaque détonation, la terre tremble et René entend les vaches qui meuglent de peur depuis l’étable. Pour lui, c’est la dernière nuit de la guerre. Mais elle est interminable. Forêt de Brocéliande, 1er août 1944. Les chars du général Patton talonnent la Wehrmacht, qui fuit en sabordant ses installations. Parmi elles, l’aérodrome de Point-Clos, près de Gaël, à cheval entre le Morbihan et l’Ille-et-Vilaine. Construit vers 1920, il est l’un des plus anciens aérodromes de Bretagne. Pendant la guerre, les Allemands l’utilisent comme école de pilotage et pour l’entraînement des parachutistes. A la Libération, il sombre rapidement dans l’oubli. Aujourd’hui, René a 80 ans. Il n’y a plus guère que les enfants du pays comme lui pour se souvenir de l’existence de Point-Clos. L’endroit est invisible aux milliers de touristes qui se ruent chaque année au Val sans retour ou à la fontaine de Barenton. « Presque personne ne nous interroge sur cet endroit, confirme l’office de tourisme de Paimpont. D’ailleurs, il ne figure pas dans nos brochures. Il y a déjà tellement de choses à voir… » R Dans la blanchisserie, on trouve encore les traces des anciens bacs. Disparu des cartes Dans les bars du coin, l’existence de Point-Clos confine à la légende urbaine, quand des randonneurs racontent qu’ils sont tombés sur des « ruines bizarres » dans la forêt. Les topos guides font à peine mention de l’épisode allemand. Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 49 LE MAG BROCÉLIANDE : DE L’AIR À LA POUSSIÈRE Les cheminées, devenues un refuge idéal pour les chauves-souris. Sur les cartes, pas de trace de ce site d’environ 80 ha. Mais une recherche sur Internet permet d’exhumer un plan de 1945 tamponné par le ministère de l’Air. Celui-ci montre que le camp se trouve entre Concoret et Gaël, le long de ce qui est aujourd’hui la départementale 773. Une fois sur place, déception : l’aérodrome est invisible, recouvert depuis longtemps par la forêt. A l’exception du château d’eau, reconverti en mur d’esca- L’AÉRODROME FASCINE CEUX QUI ONT ÉTÉ SES CONTEMPORAINS lade par une association locale. Nous y retrouvons Jonathan Barbier, un agent de l’Office nationale des forêts. Celui-ci connaît chaque centimètre de la parcelle, replantée par l’ONF vers 1960. « Imaginez qu’ici, il n’y avait pas d’arbres. Que de la lande ! », lance Jonathan. Il nous amène à une trouée entre les arbres. Seuls des drapeaux effilochés et une plaque commémorative indiquent que nous sommes en présence d’un site historique. Ça et une 50 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 impressionnante barrière antichars de deux mètres de haut. Une forêt dans la forêt A peine avons-nous pénétré sous le couvert des arbres que nous tombons sur ce qui ressemble à une statue d’art contemporain recouverte de mousse. « C’est un réservoir », explique Jonathan. On se prend à fouiller les talus des yeux, à la recherche d’anciens bâtiments grignotés par le lierre. « La forêt conserve bien les vestiges en général. » En revanche, pas de traces d’objets abandonnés par les anciens occupants : l’endroit a été pillé juste après le départ des Allemands. Soudain, Jonathan s’arrête au pied d’un maigre châtaigner. Il racle le sol de sa botte. Sous la mince couche d’humus apparaît une plaque en béton et les restes d’une structure métallique, invisibles de prime abord. « Le châtaignier a poussé dans la dalle. Les racines ont pris dans le substrat et cassé le béton, juste ce qu’il faut. » L’endroit correspond à la position de l’ancien pas de tir, où les pilotes s’entraînaient à manier la mitrailleuse. Quelques mètres plus loin se dresse une partie de la cible, de la taille d’une petite grange et couverte d’impacts de balles. En observant la forme des arbres, Jonathan parvient à reconstituer des indices sur les ruines. « Vous voyez ce chêne rouge ? Il ne devrait pas se trouver dans ce milieu. On le voit plutôt en Amérique. » Nous sommes face aux reliquats de l’arboretum planté par Alfred Ernst, commandant de Point-Clos. Les arbres exotiques, qui couvraient toute une partie de l’aérodrome, tentent désormais de survivre au milieu des espèces locales. Une forêt dans la forêt. Impacts de balles Le commandant n’était pas qu’un amateur de botanique. Il était aussi réputé pour ses nombreuses maîtresses et sa passion des voitures. Les habitants de Gaël se souviennent du jour où il a réquisitionné la Matford décapotable d’un de leurs concitoyens pour en faire son véhicule personnel. Aujourd’hui, on l’imagine mal rouler sur les pistes boueuses qui ont remplacé les anciennes voies d’accès tracées au cordeau. En suivant ces chemins, nous tombons bientôt sur une grande cheminée de brique. Dressée au milieu d’un bâtiment effondré, elle surplombe les arbres. « Les cuisines », annonce Jonathan, qui note que « la cheminée est le refuge idéal pour des chauves-souris ». Plus loin, c’est une chouette effraie qui a fait son fief dans le foyer des soldats. Le bourdonnement des avions a été remplacé par celui des abeilles qui grouillent dans les ombelles du lierre. Cet éden de 1 4 2 3 5 1 Sous l’humus, le carrelage 2 Au fil des ans, des arbres ont étendu leurs racines à travers les fissures du sol. 3 Sauf rares exceptions, la plupart des accès aux bâtiments ont été murés. 4 Faute d’indication, seule la forme des bâtiments livre des indices sur leur ancienne fonction. 5 « Il peut rester des bombes qui n’ont pas explosé. » Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 51 LE MAG BROCÉLIANDE : DE L’AIR À LA POUSSIÈRE 1 L’aérodrome servait notamment d’école de parachutistes. 2 De nombreux bâtiments ont été dynamités par les Allemands à la Libération. 3 Costes et Bellonte, des légendes de l’aviation française à Point-Clos. 4 Pendant la guerre, les civils devaient traverser PointClos munis d’un laisser-passer. 1 2 3 4 DES LÉGENDES DU CIEL À POINT-CLOS L’histoire de l’aéroport de Point-Clos ne commence pas avec l’occupation allemande. Construit au début des années 1920, il sert notamment de base à des escadrilles nantaises ou limougeaudes. Les photos d’époque montrent de jeunes hommes en uniforme, posant crânement devant des aéronefs rutilants. Les « as » de l’aviation sont des héros nationaux qui se livrent à une véritable course aux défis aéronautiques. Quitte à griller leur peau dans un cercueil rugissant au parfum de cambouis. Certains de ces pilotes légendaires ont foulé les pistes de Point-Clos, comme Dieudonné Costes et Maurice Bellonte. En 1930, les deux Français réalisent pour la première fois la très risquée liaison aérienne Paris-New York sans escale. L’histoire fait la une des journaux. C’est un peu le saut stratosphérique de Felix Baumgartner du début du XXe siècle. Auréolés de gloire, ils sont invités par la Chambre de commerce de Rennes et la Ligue aéronautique de Bretagne1. Les deux aviateurs partent de Paris et atterrissent avec deux heures de retard. Encore sanglé dans sa combinaison, Costes raconte aux journalistes : « Nous avons trouvé sur notre route un fort vent debout et cela explique notre retard. Mais cela fit aussi que notre consommation d’essence fut beaucoup plus importante. Et vous avez pu le remarquer, le moteur s’est arrêté de tourner juste au moment où nous arrivions au-dessus du terrain. Une minute plus tôt, ou un kilomètre de plus à faire et c’était la chute dans les pommiers. » Une fin peu héroïque pour les survivants du Paris-New York. 1. Ouest Eclair, décembre 1930 52 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 fortune ferait presque oublier que l’endroit est toujours dangereux. « Il peut rester des bombes qui n’ont pas explosé lors des bombardements alliés. » Quel avenir ? Aujourd’hui, l’avenir de l’ancien aérodrome est incertain. Jonathan voudrait y voir implanté un chemin de mémoire, avec des panneaux explicatifs et des photos d’époque. Mais le projet se heurte au manque de moyens. Ces dernières années, la question de la réhabilitation de Point-Clos s’est posée avec plus d’insistance. Des associations ont tenté de faire valoir la vocation touristique du lieu pour protester contre la création d’un centre d’enfouissement et d’une d’usine de traitement des déchets à proximité. En ressortant de la forêt, on comprend mieux l’attrait qu’éveille l’aérodrome fantôme chez ceux qui le connaissent. L’ancienne fonction des bâtiments transparaît dans leur forme, leur emplacement. Ici et là, un arc de voûte noirci ou une fenêtre encadrée d’arbres tordus rappellent des images de temples perdus. De cet état d’abandon émane une émotion que n’ont pas les créations touristiques contemporaines comme l’arbre d’Or. Mais ce paysage insolite ne suffit pas à expliquer la fascination que l’aérodrome continue d’exercer sur ceux qui ont été LA FORÊT CONSERVE BIEN LES VESTIGES EN GÉNÉRAL JONATHAN BARBIER, employé de l’ONF ses contemporains. Pourquoi, 70 ans plus tard, certains, qui n’étaient que des enfants à l’époque, éprouvent-ils le besoin de retrouver les pilotes qui y ont été stationnés, de collectionner des photos de Point-Clos et lui consacrer des sites Internet entiers1 ? Dans l’imaginaire des habitants de Gaël, l’aérodrome cristallise la période de la Seconde Guerre mondiale et ses ambiguïtés. René a reçu son premier harmonica d’un soldat allemand. Les enfants jouaient avec les douilles de DCA. Les manœuvres aériennes les fascinaient. Les Allemands réquisitionnaient le bétail. Mais les travaux sur les pistes fournissaient du travail à plusieurs centaines de personnes. « C’était des humains, résume René. Ces gens-là n’avaient pas demandé la guerre. » 1. Fédération Bretonne du Souvenir Aérien 39-45, www.absa3945.com LE MAG JULIEN JOLY [email protected] CINÉMA SÉRIES B COMME BREIZH La Bretagne au cinéma, ce n’est pas que Bowling et Non ma fille, tu n’iras pas danser. C’est aussi des films moyens qui cachent leurs imperfections derrière une couche de fantastique et de références celtiques. Le Pharmacien de garde (2003) est qualifié par le site Nanarland de « bon petit nanar assez distrayant ». 54 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 Avez-vous déjà visionné à dessein un film tellement nul qu’il en devenait involontairement drôle ? Si oui, vous faites peut-être partie d’un genre de cinéphiles bien particulier : les amateurs de « nanars ». A ne pas confondre avec les vulgaires navets qui, eux, sont ratés sans être divertissants. Les « mauvais films sympathiques » ont leurs inconditionnels. Dialogues hyper convenus, effets spéciaux particulièrement indigents… Plus les ficelles sont grosses, plus ça leur plaît. Ils se délectent, avec beaucoup de second degré, de bobines que d’autres auraient envoyées illico à la poubelle. Pour être sûrs de ne pas se tromper, ils consultent les critiques de sites spécialisés (Nanarland.com) et écument les événements dédiés (comme la Nuit excentrique à Paris). Masochistes ? Que celui qui n’a jamais regardé Les Feux de l’amour « juste pour rigoler » leur jette le premier pop-corn. A D.R. L’attaque du druide L’imaginaire breton a inspiré quelques nanars. Un des plus connus est Le Pharmacien de garde, réalisé en 2003 par Jean Veber. Nanarland le qualifie de « bon petit nanar assez distrayant ». Le pitch ? Un pharmacien écolo assassine des industriels pollueurs grâce à ses pouvoirs druidiques. Non, ce n’est pas une comédie. Le film est vendu comme un thriller sérieux, servi par un casting prometteur. Dont Guillaume Depardieu en flic désabusé. Si Le Pharmacien de garde est aujourd’hui un film culte, c’est en partie à cause de ses défauts. Les policiers, à côté de la plaque, font virer l’enquête au burlesque. Leurs répliques frôlent l’absurde et alignent les clichés sur les Bretons. Enfin, si le mode opératoire du tueur rappelle celui de Seven, il n’a pas son potentiel horrifique. Au début du film, le pharmacien dresse un escadron de coccinelles vénimeuses pour se venger des expérimentations animales commises par une industrielle… Amusant, mais pas très effrayant. Dommage pour un film qui a quand même coûté cinq millions d’euros. Bande-annonce sur : goo.gl/zgFNPz. Brocéliande, sorti lui aussi en 2003, constitue une autre perle nanaresque (goo.gl/J5BsFl). Les lecteurs du site Allociné l’ont classé 12e pire film de tous les temps. Chloé, étudiante en archéologie à Rennes 2, poursuit un tueur obsédé par la déesse celte Morrigan. Société secrète, forêt mystérieuse… Tous les ingrédients sont réunis pour un bon film d’horreur breton. Tous, sauf la Bretagne. Le film a été tourné en Ile-de-France : Rennes 2 est en fait la cité universitaire de Paris. Son architecture romantique rappelle plus l’école magique de Poudlard que les locaux sans fard de Villejean. Les scènes tirent en longueur et les acteurs manquent de conviction. Brocéliande se voulait un Halloween à la française. Au final, il se contente souvent d’aligner les références à ses modèles sans les égaler. Dommage, car l’idée de départ est bonne et le maquillage du tueur est plutôt réussi. Nanar ou pas nanar ? Qualifier un film de nanar est forcément subjectif. Certains flirtent avec l’appellation sans y coller. Zombin Laden, sorti en 2011, est un court-métrage amateur qui rend hommage au cinéma bis. Cette fausse bande-annonce de quatre minutes montre l’invasion de Belle-Ileen-Mer par des hordes de morts-vivants menées par un Osama Ben Laden ressuscité (goo.gl/hv3qBf). Courses-poursuites, humour gras… Ce côté parodique différencie Zombin Laden des vrais nanars, qui ont tendance à vouloir être pris au premier degré. Autre titre difficile à classer : Crétacé Park (2014). Cet hommage de fans à Jurassic Park a été en partie tourné au parc de Préhistoire de Bretagne, à Malansac. Les scènes surjouées et la 3D d’une autre ère rappellent les films de dinosaures cheapos qui régnaient sur les bacs de supermarchés à la fin des années 1990. Benoît Grémare, le réalisateur, assume le côté humoristique de son film, induit par son petit budget (2 000 €). Affirmant avoir voulu marcher dans les pas de Steven Spielberg, il rejette l’étiquette « nanar » dont certains spectateurs l’affublent. Au final, Crétacé Park semble tiraillé entre son ambition de « faire sérieux » et son côté « film de copains ». Un Ovni qui plaira aux amateurs des remakes artisanaux de Soyez sympas, rembobinez. A voir sur : goo.gl/Me7jtl Surréalisme Peut-on vraiment ranger dans la catégorie nanar des films amateurs, a priori handicapés par rapport à une grosse production ? Oui, affirme Melvin, de l’association cinéphile rennaise le Fist. Pour lui, « le plaisir que peut procurer le décalage entre les ambitions de l’auteur et la débâcle artistique de l’œuvre n’a rien à voir avec les moyens financiers ». C’est ce même décalage que pointe le site Rue89 lorsqu’il qualifie Les Seigneurs (2012) de « nanar parfait ». Vendu comme un Bienvenue chez les ch’tis à la sauce LES « MAUVAIS FILMS SYMPATHIQUES » ONT LEURS INCONDITIONNELS armoricaine, le film « ne remplit pas son contrat » selon les critiques. En cause : des gags téléphonés et des acteurs talentueux mais sous-exploités. Sans parler des éternels stéréotypes sur les Bretons. « Les réalisateurs de nanars ressemblent à des bateleurs de foire qui nous promettent monts et merveilles, estime Nicolay Lahaye, historien auteur d’une thèse sur le sujet1. En sortant de leur tente, on a l’impression de s’être un peu fait avoir. » Toutefois, pour lui, l’amateur de nanar n’est pas forcément un moqueur qui aime tirer sur les ambulances du 7e Art. « Les nanars sont des œuvres qui échappent aux desiderata de leurs concepteurs. Ils rappellent le cinéma populaire de série B. » Les regarder aujourd’hui serait une démarche culturelle proche du surréalisme. « Il ne faut pas oublier une chose : ces réalisateurs, même Ed Wood2, ont fait des films. Et rien que pour ça, on doit les respecter. » 1. Le « nanar » : cinéma de genre et cinéma populaire, des années 1960 à nos jours 2. Réalisateur et scénariste célèbre pour ses films de série Z Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 55 CULTURAMA BD LE LAVOIR Nefer est la princesse des Hommes-fourmis. Après avoir enfin réussi à s’arracher de la cruelle emprise de son mari, elle fuit à travers le désert. Elle va y croiser la route d’êtres mythiques, les Anciens, des géants d’argile investis de l’esprit de chamans. Un conte poétique écrit et dessiné par le Rennais Arnaud Boutle. Nefer, aux éditions Delcourt CASHLESS Pourquoi les Trans ne veulent plus de votre monnaie En France, le cashless est désormais utilisé par les Vieilles charrues et la Route du rock. Rangez vos portefeuilles. Cette année, les Trans musicales de Rennes se mettent au « cashless » (sans monnaie). Le principe ? Vous achetez des crédits à charger sur un bracelet muni d’une puce sans contact. Pour payer une bière, il suffit de « biper » le bracelet. Quand le solde affiche zéro, vous rechargez à une borne avec des pièces ou une carte bancaire. Ou via une application mobile dédiée. Avantage n°1 du système : il accélère les achats aux stands. Le festivalier passe donc plus de temps devant la scène qu’à la case ravitaillement. Et ne craint pas de se faire voler ses billets. Les organisateurs s’y retrouvent aussi. Plus de flux = plus de consommation. Les vendeurs de bracelets cashless promettent 15 à 30% de revenus supplémentaires par tête. Chiffre invérifiable. Mais alléchant, à l’heure où les subventions sont en berne et où les cachets explosent. Quant aux stands, ils n’ont pas d’argent à 56 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 recompter ni de caisse à sécuriser. Mais le bracelet sans contact n’est pas qu’une simple version high-tech des bons vieux jetons en plastique. Le bracelet fournira aux Trans une foule de données informatiques sur le comportement de ses visiteurs. Une mine d’or pour les organisateurs, qui pourront évaluer au poil près la fréquentation des salles. Et offrir au consommateur une offre plus personnalisée. Toutefois, « pas question de revendre des données personnelles à des entreprises », jure Yvan Le Bras, chargé des relations au public. Pas de publicité ciblée, donc. Quid du risque de bug ? L’été dernier, le système cashless du festival britannique Download est subitement tombé en rade. Preuve que le système n’est pas infaillible. « On a eu de vraies garanties sur le matériel, assure Yvan Le Bras. Même si Internet ne fonctionne plus, l’ensemble des transactions pourra tout de même avoir lieu. » Julien Joly UNE RUCHE ARTISTIQUE AU CENTRE DE RENNES Le Lavoir est un lieu qui déjoue les tentatives de définition. Il est à la fois espace culturel, pépinière d’artistes et espace de travail partagé. Niché à deux pas du Théâtre national de Bretagne (TNB) et du musée des Beaux-Arts, au fond d’une cour, l’endroit n’accueille plus de lavandières depuis longtemps. Mais son étage (ancien séchoir) offre aux artistes trois grands ateliers lumineux à louer. « C’est à deux pas de chez moi, explique Alcarr Iceol, peintre et locataire au Lavoir. Le concept m’a parlé d’emblée. Top confort, lumière optimisée, silence absolu en journée… » Dix espaces de coworking voisins servent de refuge à des architectes, juristes, ou ingénieurs. Enfin, le rez-de-chaussée accueille des activités physiques (yoga, pilates…), des groupes de parole ou des ateliers artistiques. « Nous recevons un public très divers, qui ne vient pas uniquement du domaine de la culture », explique Christine van Geen, professeure de philosophie et instigatrice du Lavoir. Ces différents spots s’articulent autour d’un espace café. Le lavoir a ouvert en septembre. La formule cartonne : ateliers et espaces de travail affichent déjà complet. LE LAVOIR, XXXXXXXXXXXX xxxxxxxxxxxx www.lelavoir-ateliersreunis.fr RUBRIQUE COORDONNÉE PAR JULIEN JOLY [email protected] D.R. / Laurent Guizard NEFER MARIE-MARINE NOTTE « Je préfère être du côté obscur » ©Joly Xxxxxxxxxxxxxxxxxxx J. Elle fabrique des faux documents, mais ce n’est pas une criminelle. Marie-Marine Notte, 28 ans, est assistante-décoratrice adjointe sur le téléfilm L’Inconnu de Brocéliande. Son travail : placer une foule de petits détails pour plonger le spectateur dans un autre univers. Le Mensuel : Le travail d’assistantedécoratrice adjointe n’est pas le plus connu du monde du cinéma. En quoi consiste-t-il ? Marie-Marine Notte : Ma spécialité, c’est les détails qu’on ne remarque pas mais qui crédibilisent le décor. Je travaille sur le téléfilm L’Inconnu de Brocéliande, en forêt de Paimpont. On fabrique le décor d’une gendarmerie et je crée ce qui va y être affiché. J’ai fait des recherches pour savoir à quoi ressemblait un vrai bureau de gendarme. Pour ça, Google est mon ami ! Je me rends aussi dans des endroits réels. Ensuite, on met notre part d’imaginaire pour que ça soit à la fois crédible et joli. Quel est votre parcours ? Mon frère faisait de la décoration de théâtre. Ça m’a influencée. J’ai commencé il y a quelques années sur un poste de ripeur, les déménageurs du cinéma. C’était assez physique. En avril dernier, j’ai fait une formation en gestion de la décoration. En sortant, j’ai trouvé un poste sur la série Cherif à Lyon. Quelle est votre place sur le plateau ? Je suis une petite main. Je travaille surtout en bureau. Je pose beaucoup de questions très spécifiques au réalisateur à propos des accessoires. Il n’a pas beaucoup de temps. Mais je dois m’assurer que le jour J tout sera comme il l’a imaginé. Dans L’Inconnu, les enquêteurs examinent des photos. Je dois savoir s’il faut prendre du papier brillant, de quel format... Certaines sont censées dater des années 1980. Je les patine sous ordinateur, puis je les use en les mettant en poche pendant une journée ou en les recouvrant de poussière. Quand je crée des documents qui concernent les personnages, je dois inventer une partie de leur vie. C’est un des aspects de ce travail que je préfère. Un souvenir d’accessoire particulièrement difficile à réaliser ? Cet été, j’ai travaillé sur un tournage où il était question d’une enveloppe contenant 10 000 €. Personne n’ayant envie de retirer 10 000 € à la banque, il fallait les fabriquer. Ils devaient avoir l’air crédible à l’écran sans être pour autant des faux billets. Ce serait illégal. Problème : les logiciels de graphisme et les imprimantes se bloquent quand ils détectent qu’on travaille sur un billet de banque. Mon bureau était rempli d’essais. Pendant ce temps, un collègue faisait des fausses photos de scène de crime sur fond de trafic de drogue. Il y avait des traces de cocaïne en sucre glace partout. C’est à cet instant qu’a débarqué un livreur de 19, 20 ans qui nous apportait un colis. Il a halluciné. Ce n’est pas frustrant de travailler dans l’ombre ? Pas du tout ! J’ai fait huit ans de théâtre mais je préfère être du « côté obscur ». Et c’est moins frustrant que d’être le chef décorateur. Il conçoit la totalité de l’univers mais on n’en voit qu’une infime partie. Dans ce métier invisible, on peut quand même faire des erreurs ? On peut se tromper en écrivant le nom d’un rôle sur un document. On fait aussi des clins d’œil. Sur un panneau d’affichage, je peux cacher un post-it avec une blague à l’attention de quelqu’un de l’équipe. Tenez, voici un exemplaire du Mensuel. Vous pourrez le cacher dans une scène ? (Rires) Oh oui ! Je peux essayer ! Julien Joly Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 57 CULTURAMA LA RUE DE MA SOIF, C’EST LE SOUVENIR DE LA RUE SAINT-MALO [ET] LA RUE SAINT-MELAINE QUI PRENAIT SON SOUFFLE NOCTURNE ENTRE LES POINTES DORÉES DES GRILLES DU THABOR. Le palet, un jeu et un livre Après le manuel officieux de la galette saucisse en 2013, voici le manuel officieux du palet. A la tête des Editions du coin de la rue, le journaliste1 Benjamin Keltz continue sa série d’ouvrages sur les emblèmes du territoire gallo. Cette fois-ci, accompagné d’Eric Prévert, ils s’attaquent au jeu de palet sur planche de bois. « Depuis quelques années, on constate que ce jeu retrouve une nouvelle jeunesse, explique Benjamin Keltz. C’est convivial, sympathique, tout le monde peut jouer. Mais au-delà du jeu, le palet appartient à notre Le palet, le manuel officieux est paru début novembre. patrimoine régional. C’est un fleuron de la culture gallèse qui s’exporte au-delà des frontières bretonnes. » Tiré à 5 000 exemplaires, le livre revient sur l’histoire du jeu. On apprend entre autres que le palet se pratique un peu partout dans le monde. Au fil de la centaine de pages, le lecteur reçoit tous les conseils pour devenir un vrai spécialiste. Un chapitre recense également les différentes règles. « Depuis 2011, une fédération française de palet sur planche de bois a été créée, explique Eric Prévert, le coauteur. Elle permet notamment d’unifier les règles. Mais il existe de nombreuses variantes. » Pour les détailler, Lucie QZN a ponctué les pages d’illustrations humoristiques. « Nous voulions que notre ouvrage soit à la fois sérieux et drôle », ajoute Benjamin Keltz. Avec ce même esprit ludique, l’équipe s’est alloué les services de Vincent Ogloblinsky. Au départ simplement chargé de la page web de l’ouvrage, l’ingénieur a réalisé un jeu pour smartphones, tablettes et Facebook. Les fans de palet peuvent télécharger gratuitement l’application « lepalet-lejeu ». Ils auront le choix de jouer contre l’ordinateur ou contre d’autres joueurs connectés au même instant. 1. Ancien journaliste au Mensuel de Rennes LE PALET, LE MANUEL OFFICIEUX, Editions du coin de la rue. 105 pages. 13,90 €. En librairie et dans les points de vente des planches de palet de l’entreprise David, partenaire de l’ouvrage. Jeu à télécharger gratuitement sur smartphone et Facebook. www.lepalet-lelivre.bzh CD MOODY CABARET Moody Cabaret, sorti le 3 octobre chez ZF Prod, est le second album de Nefertiti in the Kitchen. C’est le produit déjanté de la rencontre entre une chanteuse de rue à fort caractère, Jen Rival, et un homme-orchestre barbu, Nicolas Méheust. Entre l’accordéon électrique, la boîte à musique et autres curiosités, chaque concert est la promesse d’une balade qui mélange les univers rock et forain dans une ambiance qui rappelle les années folles. 58 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 SYLVAIN COHER, La Rue de ma soif, Place publique novembre-décembre 2015 JEU DIXIT : QUAND LA POÉSIE JOUE CARTES SUR TABLE Dixit Journey est un jeu de cartes surprenant. Tant par son concept (il fait appel à l’imagination et à la psychologie des participants) que par son univers graphique signé Xavier Collette. Cet illustrateur belge, habitant à Rennes depuis plusieurs années, a imprimé sa patte sur le célèbre jeu lancé en 2008 par le pédopsychiatre JeanLouis Roubira. A chaque tour de jeu, une personne devient le conteur, choisit une carte en secret et doit la décrire à l’aide d’une phrase, d’un mot, d’une onomatopée… Les autres joueurs doivent ensuite essayer de retrouver l’originale parmi une sélection de plusieurs cartes. Il existe plusieurs versions de Dixit. Chacune a été confiée à un artiste différent. Pour Dixit Journey, réédité en 2014, Xavier Collette a choisi de travailler sur des images tantôt inquiétantes, tantôt oniriques, à la jonction entre Tim Burton et Lewis Carroll. Certaines semblent même évoquer des contes bretons. Toute la difficulté pour l’artiste a été de concevoir des scènes à la fois poétiques et ouvertes à toutes les interprétations pour dérouter les joueurs. Très esthétique, accessible et rapide à mettre en place, ce jeu récompensé par l’As d’or de Cannes comblera tous les types de joueurs, quel que soit leur âge. DIXIT JOURNEY, aux éditions Asmodée Lucie QZN / D.R. / X. Colette ÉDITION MON RENNES SHORT LIST JULIEN JOLY [email protected] 3 ADRIEN DUQUESNEL 1 LA PISCINE DE BRÉQUIGNY « J’y vais avec mon fils. Les plongeoirs font 3, 5 et même 10 m. Faut pas avoir peur… » GUY PAPE " Rennes est une ville qui entreprend" Chaque jour, des centaines de conducteurs défilent devant la maison de Guy Pape, au pied de Cap Mail. Ses yeux à lui sont rivés sur la Vilaine et le canal d’Ille-et-Rance. Guy Pape est éclusier. Rennes, il la connaît au fil de l’eau. 60 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015 1 2 2 LA PATINOIRE DU BLIZZ « Ma fille y a fait de la danse sur glace pendant six ans. » 3 LE LIBERTÉ « J’adore la musique. Je vais autant dans les grandes salles que dans les bars. » C’EST QUI ? GUY PAPE Le Mensuel : Votre maison de fonction est située au pied de Cap Mail. Qu’est-ce que ça fait d’habiter à l’ombre de ce géant ? Guy Pape : J’étais aux premières loges pendant les travaux. J’ai sympathisé avec le chef de chantier qui travaillait sur l’immeuble. Quand le gros-œuvre a eu été terminé, j’ai pu le visiter. La vue était impressionnante ! Sans parler de l’organisation pour construire ça en plein centre-ville. Je me souviens de la présentation du projet par Jean Nouvel (architecte de Cap Mail, NDLR). Son premier jet prévoyait que cette maison d’éclusier n’existerait plus. Il a dû revoir sa copie car elle fait partie du patrimoine rennais. Vous êtes un témoin privilégié des changements dans le secteur du Mail François-Mitterrand... J’ai vu chaque étape de la réhabilitation du Mail, soit trois ans de travaux. Ce que c’est devenu, on aime ou on n’aime pas. Pour ma part, je trouve que ce n’est pas mal. J’attends de voir le projet de l’ancien Charleston, de l’autre côté de la rue. Ça va devenir une belle résidence. Au bout du Mail, le jardin de la Confluence est devenu un lieu de détente très fréquenté. Avant, c’était un terrain naturel. Ils ont tout repris avec des pieux, des géotextiles, des plantes qui aiment l’eau, du mobilier… Connaissez-vous l’histoire des écluses rennaises ? Le canal d’Ille-et-Rance a été construit sous Napoléon 1er. Elles ont été modernisées par la suite. Avant, tout était manuel. Aujourd’hui on a des systèmes électriques, qui nécessitent toutefois des opérateurs. Sur certains cours d’eau, comme le canal du Midi, les gens font eux-mêmes l’éclusage, c’est automatisé. Ce n’est pas forcément l’idéal, ça manque de contact humain. Est-ce que les vôtres tendent vers l’automatisation ? Non. La Bretagne va plutôt dans le sens de maintenir du personnel. Des recrutements sont d’ailleurs en cours pour remplacer ceux qui partent. Les jeunes peuvent aussi envoyer des demandes à la Région pour faire éclusiers comme job d’été. Attention, il y a beaucoup de candidats… Même en centre-ville, vous travaillez au contact de la nature. Comment évolue votre métier au fil des saisons ? Nous sommes en automne. On vient de finir la période de sept mois pendant laquelle on a fait passer les bateaux. Maintenant c’est la période de « chômage ». Pendant cinq mois, on va aller sur le terrain pour faire les travaux d’hiver. Repeindre, poser des clôtures, débroussailler… Si l’eau gèle, on casse la glace car la pression peut fausser les fixations des écluses. J’interviens si besoin sur les vannages, un dispositif qui permet d’évacuer l’eau quand il pleut trop. Il y a deux ans, on m’a appelé d’urgence à 23 h. Je suis parti avec un collègue manœuvrer une partie de la nuit, sous les orages. C’était chaud. Mais si on n’avait pas ouvert, c’était l’inondation. Vous nettoyez aussi le canal… En hiver, on vide les biefs, c’est-à-dire les tranches de voie d’eau entre deux écluses. Puis on récupère les déchets avec des grappins et on les évacue vers la déchetterie. Beaucoup de déchets sont jetés à l’eau. Des vélos, des caddies, du mobilier urbain... J’ai même retrouvé des coffres-forts ! Ces incivilités sont très marquées en centre-ville. Né en 1960 à Plouescat, près de Roscoff (Finistère), Guy Pape admet volontiers qu’il préfère la mer à la navigation en eau douce. « Travailler avec l’eau, ça m’intéressait… » Pour être éclusier, pas de diplôme spécifique. « J’ai passé un concours pour intégrer l’administration. Il y avait du français, des maths… Et une épreuve pratique : débroussailler un talus à la faux et la faucille. Une matinée de boulot. » Son concours en poche du premier coup, Guy Pape a commencé à travailler pour la Direction départementale de l’équipement (DDE), dans l’entretien des voies navigables. « Suite à une blessure, on m’a proposé de travailler à l’écluse du Mail. » Guy Pape gère aussi l’écluse de Saint-Martin. Un poste qu’il occupe depuis sept ans, sept jours sur sept. Quel contact avez-vous avec les plaisanciers ? L’humain est au cœur du métier. 50% des bateaux qui passent appartiennent à des particuliers. Les autres sont loués. A force, on connaît les habitués, on se salue. Des gens ont installé leur activité professionnelle sur une péniche, je trouve ça super. Comme ce salon de coiffure flottant sur le canal, un super outil de travail. Après, ça demande de nombreuses démarches administratives, et de bien réfléchir aux problèmes d’ancrage, de vidange… Rennes a longtemps une relation ambiguë avec la Vilaine. Elle l’a canalisée, recouverte d’un parking… La partie recouverte n’est pas la plus intéressante. Aujourd’hui, beaucoup de choses sont faites pour revaloriser la Vilaine. Rennes est une ville qui entreprend. Par exemple, la péniche spectacle qui propose des soirées de qualité à un prix abordable. Il y a aussi le festival Jazz aux écluses (à Hédé-Bazouges, NDLR). Et tous les ans, le quai Saint-Cyr accueille une compétition d’avirons. Je suis arrivé à Rennes il y a vingt ans. Je suis une rustine ! Ce que j’aime dans cette ville, c’est qu’on peut quitter son côté urbain en trois coups de pédale. Pas besoin de prendre l’autoroute pour trouver de la campagne. D’ailleurs, l’Ille-et-Vilaine est un département très attractif pour son cadre de vie, selon les enquêtes. Je pense que le canal et la Vilaine y sont pour quelque chose. Décembre 2015 / N°75 Le Mensuel 61 MON RENNES QUIMPER Le comptoir des paysans Il faut saluer la démarche, l’encourager et la généraliser. Ce que Xavier Hamon réalise avec son Comptoir du Théâtre à Quimper devrait en effet être la règle dans le bien manger. Une sélection drastique de produits bien cultivés ou élevés, issus de l’agriculture paysanne, bio à 90%. Un restaurateur qui joue le jeu avec ses producteurs et s’implique dans la filière du bien manger. Un cuisinier qui achète les pièces de viande entières comme ce veau armoricain… « Ce n’est pas moi qui décide de ma carte, mais les producteurs », lance même le chef Xavier Hamon. Engagé dans le mouvement slow-food, Xavier Hamon expérimente ses idées dans son Comptoir. « Lorsque je reçois un cochon, porc blanc de l’ouest, j’en tire mes boudins, mes pâtés, mes terrines, mes saucisses, mes poitrines fumées ou rôties… Je fais des côtes de cochon de 350 g, une pure merveille ! » Pour le veau d’Armorique, « je vais passer les foies en premier, travailler certains morceaux en tartare qui partent rapidement. Et puis pour le reste, je fais rassir ou j’adapte mes cuissons ». Sur la carte, courte, cela donne une ardoise du midi à 19 € entrée-plat-dessert, relevée d’une proposition de poisson, issue exclusivement de la filière pêcheur-ligneur, d’une viande de race bretonne et d’une assiette végétale en provenance de quatre maraîchers. « Je ne travaille que des semences paysannes. Je ne veux plus travailler les hybrides. » Xavier Hamon propose toujours les tapas, plus ou Le Chef Wavier Hamon applique la philosophie du bien manger de l’assiette au mobilier. moins travaillées, que l’on grignote sur des vins exclusivement bios, en biodynamie ou naturels. Avec une telle philosophie dans l’assiette, la décoration pourrait paraître bien anecdotique. Colorée, lumineuse, elle reflète pourtant elle aussi l’engagement du chef, comme pour le choix de ces chaises et tabourets, fabriqués par Alki en Pays-Basque. « Parce que nous avons des amis paysans en commun et parce qu’ils tracent leurs bois. » L’engagement ici, c’est jusqu’au bout. Olivier Marie LE COMPTOIR DU THÉÂTRE, 4 Boulevard Dupleix. Tél. 02 98 98 00 81 ACTU LES CHEFS BRETONS AU CHEVET DES ENFANTS MALADES O. Marie Partenaire de l’association Les Nez rouges, créée pour distraire les enfants malades, l’association Tables & Saveurs de Bretagne organise cinq dîners caritatifs d’exception en Bretagne, lundi 7 décembre, à Rennes, Plancoët, Brest, Billiers et Nantes. Pas moins de 25 chefs participeront à ces dîners dont les bénéfices seront intégralement reversés aux Nez rouges. Les cinq dîners auront lieu simultanément dans cinq restaurants : La Fontaine aux Perles à Rennes, Chez Crouzil à Plancoët, Le M à Brest, Le Domaine de Rochevilaine à Billiers et enfin L’Atlantide 1874-Maison Guého à Nantes. Prix : 150 €/personne. Réservations au 07 78 16 07 10 62 Le Mensuel N°75 / Décembre 2015