cf.délibéré - Le Parti de Gauche
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TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBIGNY -=-=-=-=-=-=-=-=-=-=Chambre 1/Section 5 N° du dossier : 13/01813 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 29 OCTOBRE 2013 ---------------Nous, Madame Valérie DISTINGUIN, Vice-Présidente, au Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY, statuant en matière de référés, assistée de Madame Maud THOBOR, greffier, lors de l’audience et de Monsieur André REGLAT, Geffier, lors du prononcé. Après avoir entendu les parties à notre audience du 25 Octobre 2013, avons mis l'affaire en délibéré et avons rendu, par mise à disposition au greffe de la juridiction en application des dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile, la décision dont la teneur suit : ENTRE : S.A.R.L. SWISSPORT CARGO SERVICES FRANCE, représentée par son gérant en exercice dont le siège social est sis 383-385 rue de la Belle Etoile - Parc des Nations - Paris Nord 2 - 3 allée du Ponant BP 51441 - 95944 ROISSY CHARLES DE GAULLE CEDEX représentée par Me Alain CIEOL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 3 ET : Monsieur Hacène HACHEMI demeurant 7 avenue du Maréchal Juin - 69330 MEYZIEU représenté par Maître Emmanuel GAYAT de la SCP JDS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C1730 Monsieur Yazid BOUADJADJA demeurant 9 allée Georges Gerschwin - 93420 VILLEPINTE représenté par Me Philippe LEJARD, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : Monsieur Antonio SALAMONE demeurant 10 rue Jean Bullant - 95440 ECOUEN représenté par Maître Emmanuel GAYAT de la SCP JDS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C1730 1 Monsieur Hassan IHOUM demeurant 66 avenue Pierre Sémard - 95400 VILLIERS LE BEL représenté par Me Philippe LEJARD, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : Monsieur Mohammed CHARFI demeurant 2/4 avenue Diderot - 93420 VILLEPINTE représenté par Me Philippe LEJARD, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : FAITS PRÉTENTIONS ET PROCÉDURE La société SWISSPORT CARGO SERVICES FRANCE (ci-après désignée SWISSPORT), filiale française du groupe SWISSPORT et qui dispose en FRANCE de sept établissements comptant 195 salariés, dont un situé sur la zone aéroportuaire de l’aéroport ROISSY CHARLES DE GAULLE employant 118 salariés, a pour activité principale la prestation de service de manutention du fret aérien, d’entreposage, de conseil, de transitaire en matière de transport aérien. Elle expose qu’un mouvement de grève a été déclenché le 27 septembre 2013, sans préavis et sans qu’elle ait été informée des revendications salariales. Constatant que la situation se serait dégradée, que des pressions sur des personnes et des dégradations auraient été commises, plus particulièrement le 18 octobre 2013 où des camions n’auraient pu décharger leurs cargaisons, les services de police s’étant rendus sur place, et estimant que ces faits seraient constitutifs d’une entrave à la liberté du travail et au fonctionnement normal de l’entreprise, la société SWISSPORT, après avoir fait réaliser sur le site plusieurs constats d’huissier et après y avoir été dûment autorisé par une ordonnance présidentielle du 21 octobre 2013 a, par acte du 22 octobre 2013, fait assigner d’heure à heure devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de BOBIGNY, Monsieur Hacène HACHEMI, Monsieur Yazid BOUADJADJA, Monsieur Antonio SALAMONE, Monsieur Hassan IHOUM et Monsieur Mohamed CHARFI, aux fins de voir : - ordonner l’expulsion des défendeurs des lieux, à savoir le parking et l’accès des bâtiments sis 26/28 rue des Voyelles - ROISSY CHARLES DE GAULLE - tels que désignés aux pièces 2 et 3, ainsi que toutes personnes dans les lieux de leur chef , - ordonner sous astreinte de 100 € par jour à compter de l’ordonnance à intervenir, aux défendeurs de libérer les lieux de tous objets, affiches l’encombrant et notamment la tente visée en pièce 8, - dire qu’à défaut pour les défendeurs d’y avoir procédé dans le délai de 24 heures, elle pourra y procéder par toutes entreprises de son choix aux frais des défendeurs, - condamner les défendeurs à lui payer la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens qui comprendront les frais de constats et d’exécution, 2 - rappeler que l’exécution provisoire est de droit. A l’audience, la société SWISSPORT, développant oralement des conclusions par le biais de son avocat a réitéré ses demandes. Elle considère tout d’abord que la grève serait illicite dès lors qu’elle n’a pas eu connaissance de la teneur des revendications préalables à l’arrêt de travail. Elle ajoute ensuite que l’entrave à la liberté du travail et au fonctionnement de l’entreprise, est constituée dès lors qu’il a été constaté que des dégradations ont été commises dans la salle des archives, qu’une tente de 5 m de large sur 7 m de long entravant la circulation de véhicules a été installée sur le parking et qu’il a été constaté le 18 octobre 2013 que de nombreux camions ont été empêchés de décharger leurs marchandises, des chauffeurs pris à partie et menacés au point que la situation a nécessité l’intervention des services de police. Elle en conclut à l’existence d’un trouble manifestement illicite, justifiant l’expulsion demandée. Monsieur Yazid BOUADJADJA Monsieur Hassan IHOUM et Monsieur Mohamed CHARFI, représentés par leur avocat et développant également oralement leurs écritures, concluent au rejet des demandes et la condamnation de la requérante à leur payer la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Ils font essentiellement valoir que la société SWISSPORT ne rapporterait pas la preuve d’une entrave à la liberté du travail, ni que les dégradations de matériels soient de la responsabilité des grévistes. Ils affirment qu’il ne serait pas non plus démontré que leur présence sur le parking et même l’installation d’une tente seraient un trouble insurmontable. Ils rappellent qu’une gêne portée à l’activité économique de la société ne peut se confondre avec une entrave à la liberté du travail. Enfin, ils prétendent que la preuve de ce que les seules personnes assignées aient eu un rôle moteur dans le cadre du mouvement, ne serait pas établie. Monsieur Hacène HACHEMI et Monsieur Antonio SALAMONE représentés par leur avocat et développant oralement leurs écritures par le biais de leur conseil, demandent qu’il soit jugé qu’il n’y a pas lieu à référé sur les demandes. Après avoir rappelé le point essentiel de leurs revendications, à savoir l’application de la convention collective du personnel au sol des entreprises de transport aérien plutôt que celle du transport routier - ils soutiennent principalement qu’aucun acte n’a été dirigé contre les salariés de la société qui ont pu prendre leur poste de travail, que les manifestations n’ont eu lieu que sur le parking, que les camions ont pu décharger leurs cargaisons et que la preuve de ce que les dégradations constatées dans la salle des archives soient de leur fait, n’est pas rapportée. Après débats à l’audience du 25 octobre 2013, l’affaire a été mise en délibéré pour le 29 octobre 2013. Il est expressément référé pour l'exposé des faits et de l'argumentation des parties à leurs écritures. 3 MOTIFS DE LA DÉCISION Attendu qu’en vertu de l’article 809 du Code de procédure civile, “le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.” Attendu que l’existence du droit de grève suppose que l’employeur ait eu connaissance des revendications des salariés au moment de l’arrêt de travail; qu’en l’espèce les défendeurs versent aux débats un communiqué émanant de la section syndicale FO TRANSPORT DE ROISSY daté du 23 septembre 2013, soit quatre jours avant le début du mouvement, comportant une série de revendications telles que la mise aux normes des locaux communs, la communication des plannings dans un délai convenable, l’accès à la mutuelle de l’entreprise pour l’ensemble des salariés ainsi que d’autres revendications d’ordre salarial et syndical ; Que les revendications étaient donc connues de l’employeur avant l’arrêt de travail ; Attendu ensuite que la société SWISSPORT invoque une entrave à la liberté du travail ainsi qu’au fonctionnement de l’entreprise ; que si des entraves avérées à la liberté du travail peuvent constituer un trouble manifestement illicite, comme peuvent l’être également des actions visant à désorganiser l’entreprise, encore faut-il que la preuve de tels agissements soit rapportée ; que la société SWISSPORT produit à cet effet, 5 constats d’huissier en date des 3, 7, 10, 18 et 24 octobre 2013 ; Attendu cependant qu’il ne résulte pas des procès-verbaux de constat versés aux débats que les grévistes aient eu l’intention d’empêcher les salariés de travailler ; que s’il est constant que des salariés grévistes sont regroupés devant l’entreprise pour former un “piquet de grève”, cette forme de protestation en vue d’inciter les non-grévistes à cesser le travail et à gêner le fonctionnement de l’entreprise, est licite dès lors qu’elle n’entrave pas la désorganisation de l’entreprise et n’aboutit pas à fermer l’accès aux salariés souhaitant travailler ; que la demanderesse ne produit sur ce point aucune attestation de salariés à qui l’on aurait interdit l’accès aux locaux de l’entreprise ; Que la société SWISSPORT, renvoyant aux constatations de l’huissier des 18 et 19 octobre 2013, affirme que les grévistes ont empêché tous camions de charger ou décharger des marchandises dans les locaux de la société ; que cependant, outre que le fait que des camions de sociétés tierces n’aient pu décharger les marchandises, ne constitue pas une entrave à la liberté du travail, laquelle ne doit s’entendre que de l’atteinte portée à la liberté de travail des salariés de l’entreprise, force est de constater que les camions ont pu, certes avec retard, procéder au déchargement de leur cargaison ; qu’il ressort des constations de l’huissier que seules les voies de chargement n° 31,33,35 et 37 ont été bloquées, ce qui laisse à penser, comme le soulignent les défendeurs, que les accès 1 à 30 et 32, 34 et 36 sont restés libres ; 4 Attendu que si des embouteillages se sont créés, que des chauffeurs ont manifesté leur exaspération et que les perturbations ont bien été réelles , il n’est pas démontré qu’elles aient conduit à une paralysie ou une désorganisation de l’entreprise mettant en péril son existence, aucune pièce sur ce point n’étant versé aux débats ; que la seule occupation du parking et la présence d’une tente, ne suffisent pas à eux-seuls, à caractériser un trouble manifestement illicite ; Attendu par ailleurs que la société SWISSPORT se plaint de ce que des dégradations auraient été commises dans la salle d’archive ; que si le procèsverbal de constat du 3 octobre 2013 établit la réalité de tels faits, rien dans le dossier du demandeur, ne permet toutefois de les imputer aux défendeurs, la recherche des auteurs de ces actes illicites étant toujours en cours ; Qu’elle invoque encore le comportement agressif et menaçant de certains grévistes, notamment à l’égard de l’huissier venu faire des constats ainsi qu’à l’encontre d’un chauffeur de camion au moment où il tentait d’accéder aux quais de livraison ; que cependant, les menaces ou insultes commis par un ou plusieurs grévistes pendant la grève, ne suffisent pas à rendre le mouvement général illicite dès lors que ces actes restent isolés et qu’ils peuvent toujours donner lieu, à les supposer établis, à des poursuites individuelles ; Que dans ces conditions, la société SWISSPORT ne démontre pas l’existence d’un trouble manifestement illicite puisqu’elle ne justifie ni d’une entrave à la liberté du travail, ni de la désorganisation de l’entreprise et ne démontre pas que le mouvement ait pris des proportions anormales ; Qu’il n’y a donc pas lieu à référé sur ses demandes ; Attendu qu'aucune circonstance d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition, selon ordonnance contradictoire , en premier ressort et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes, Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Laissons les dépens à la charge de la société SWISSPORT CARGO SERVICES FRANCE. Fait à BOBIGNY le 29 octobre 2013, Le Greffier Le juge des référés 5 6