Le citoyen, le soldat et le politique - Pensées Mili
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Le citoyen, le soldat et le politique - Pensées Mili
Le Citoyen, le Soldat et le Politique Actes du onzième colloque européen de Klingenthal 14 au 18 novembre 2011 Civisme Défense Armée Nation groupement 239 de la FNAM CiDAN Caserne d'Artois - 9 ter rue Edouard Lefebvre F - 78 000 VERSAILLES Téléphone : 01 30 97 53 30 Courriel : [email protected] Site www.cidan.org 1 SOMMAIRE Introduction par Jacques Sonnet, président de l'Association « Civisme Défense Armée Nation » ( CiDAN) page 4 Table ronde N°1 : de la responsabilité du politique : Présidée par Monsieur Colin Cameron, Secrétaire général de l’Association interparlementaire de sécurité et de défense, et président de « Europe - IHEDN » ; - « Le Citoyen, le Soldat et le Politique », page 6 par Monsieur Emmanuel Dupuy, Président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), Professeur de géopolitique à l'ESC Dijon et à l'Université Webster (Genève) ; - « Le chef militaire conseiller du politique », page 16 par le général d'armée (cr) Luis Alejandre Sintes, ancien chef d'état-major de l'armée de terre (Espagne), vice-président du Conseil Insulaire de Minorque ; - “Legal responsibility of political leaders”, page 20 par Madame Magdalena Jura, club de Weimar, Pologne. Table ronde N° 2 : de la responsabilité du chef militaire : Présidée par le colonel(er) Manfred Rosenberger, directeur exécutif provisoire de Euro-ISME (Société internationale d'éthique militaire en Europe); - "Ethique et responsabilité : deux notions imbriquées à ne pas opposer", page 24 par le général de brigade Benoît Royal, sous-directeur recrutement à la Direction des ressources humaines de l’armée de terre française, chercheur associé au Pôle Ethique et déontologie des Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan et auteur de « L’éthique du soldat français » ; - « La responsabilisation du chef au niveau tactique », page 28 par le Colonel Christian Thiébault, commandant en second les Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan ; - « Les difficultés de l'enseignement de l'éthique », page 33 par le colonel (er)Javier Guisández Gómez, armée de l'air espagnole, consultant international pour les Droits de l'Homme. Table ronde N°3 : de la responsabilité des citoyens : Point sur la conscience européenne de sécurité et de défense : Présidée par le colonel(er) Hartmut Bühl, éditeur de la revue « European Security and Defence Union : - « Les conséquences de la crise politique et économique », page 43 par le professeur Zdzislaw Najder, président du Club de Weimar (Pologne) ; - « Le soutien des opérations par les citoyens et les restrictions nationales », page 47 par Monsieur Bruno Reynaud de Sousa, association des jeunes auditeurs de L'Institut de la défense nationale (DECIDE) (Portugal) ; - « Les opinions publiques française et allemande par rapport à la défense européenne, en posant la question du rôle du parlement européen », page 55 par Madame Delphine Deschaux-Beaume, de l’Ecole de la paix de Grenoble ; - « Présentation d'une enquête réalisée au Kosovo », page 64 par le professeur Jesús Ignacio Martínez Paricio, président du groupe de recherche sécurité et défense, Université Complutense de Madrid, avec le professeur Eulogio Sánchez Navarro, Université Rey Juan Carlos, Madrid ; 2 - « Les Français et la mort du soldat, ou la fin du soldat? », page 74 par Madame Catherine Durandin , professeur à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO ). Table ronde N°4 : de l'approche globale à un art de construction de la paix : Présidée par Mr Richard Pétris, directeur de l’Ecole de la paix (Grenoble) : - « Négociations de paix», page 78 par l’amiral David R. Moreno, président de l’association colombienne ASOCACI des anciens stagiaires de l’Ecole supérieure de guerre colombienne; - « L’approche de l’Union européenne », page 94 par le général Maurice de Langlois, Représentant militaire adjoint de la France au Comité militaire de l'Union européenne. - « l'Approche Globale » à l'Ecole de Guerre française, page 99 par le colonel Frédéric Laurent (France) et le capitaine de frégate Ronald Hoffmann (officier de liaison allemand). Table ronde N °5 : de la responsabilité du soldat dans l'action : Présidée par le général de brigade(2s) Patrice Mompeyssin, responsable des relations internationales de CiDAN : page 102 - « L’éthique militaire en Grande Bretagne », page 106 par le Dr David Whetham, Senior Lecturer Defence Studies Department, King's College London, Joint Services Command and Staff College, Defence Academy ; - « Le concept "Innere Führung" comme un concept "intégral" de comportement du soldat », page 108 par le colonel (er) Manfred Rosenberger, directeur exécutif provisoire de Euro-ISME (Société internationale d'éthique militaire en Europe). Table ronde N° 6 : les militaires dans les transitions démocratiques : Présidée par le général de division(2s) Philippe Sommaire, représentant français et directeur de cours au George C. Marshall Center for Security Studies : - « L'armée égyptienne face à la fin de l’ère Moubarak et à la transition », page 117 par Mr Tewfik Aclimandos, chercheur au Collège de France, chaire d'histoire du monde arabe contemporain ; - « Printemps Arabe, racines et causes», page 128 par le docteur Petra Weyland, professeur des études pour le Moyen Orient au George C. Marshall Center for Security Studies ; - « Attitude et évolution des militaires dans les transitions démocratiques : pertinence et limites du "modèle" espagnol », page 132 par Monsieur Vianney Martin, chercheur associé du laboratoire CECILLE à l’université de Lille 3. Conclusion par son Excellence Monsieur Paul Van Thinh Trân , Ancien ambassadeur de l'Union européenne, membre de CiDAN. page 140 Poème « It is the Soldier » page 142 Annexe 1 : présentation du George C. Marshall Center Annexe 2 : biographies page 144 page 146 3 Introduction, par Monsieur Jacques Sonnet, président du CiDAN. I am very happy to welcome all of you, in this symbolic place in the Middle of Europe. I would like also to thank our main partners ; the French Ministry of Defence, the Foundation Charles Léopold Mayer FPH, the new International Society for Military Ethics in Europe (EuroIsme), and our host, the Foundation Johann Wolfgang von Goethe (Basel). For the first time our debates will extend beyond the borders of Europe, including Middle East , with a session on the role of the military during the democratic transitions, and Colombia, with a presentation of Admiral Moreno on the Integral strategy, presentation which is very interesting to compare with the European comprehensive approach. To cover all these various subjects, we have chosen the following general theme : the Soldier, the Citizen and the Politician. Je suis très heureux tout d'abord de vous accueillir aussi nombreux aujourd'hui à notre onzième conférence. C'est je crois un record de participation, preuve de l’intérêt suscité. Je voudrais remercier ensuite nos partenaires principaux : - le ministère de la défense français, - la fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme, - la nouvelle Société internationale d'éthique militaire en Europe, - mais surtout La fondation Goethe de Bâle, et sa présidente, Madame Stintzi, qui nous accueille merveilleusement dans ce lieu si chaleureux. Tous les anciens le reconnaissent et reviennent un peu pour cette raison. Je vous suis enfin reconnaissant d'être venus jusqu'à Klingenthal, qui semble au bout du monde, mais qui est pourtant à peu près au centre de gravité géographique de l'Europe, en plein milieu de la forêt des Vosges, en Alsace, dans un lieu qui fut une manufacture royale d'armes blanches célèbre, à partir de 1730. On a donc notre lien historique avec le monde de la défense, même si nos centres d'intérêts vont rarement vers les questions d'armement, ô combien importantes par ailleurs, surtout pour la construction d'une défense européenne. Pour la première fois, nos travaux vont dépasser le cadre européen, comme vous avez pu le lire dans le programme, et pour la première fois nous allons parler d'approche 4 globale, de construction de la paix, de codes de conduite et d'éthique militaire, ce que va nous expliquer notre ami Manfred Rosenberger. Mais nous n'oublierons pas notre objectif majeur, qui est de promouvoir une Conscience européenne de sécurité et de défense, définie comme le volet citoyen de la Politique de sécurité et de défense commune. Une table ronde y sera consacrée mercredi matin. Je suis très heureux de souhaiter la bienvenue à vous tous, mais plus particulièrement : − à Monsieur Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe, qui a accepté de venir sur très court préavis en remplacement de Mr Bockel retenu pour raison majeure, − au général Alejandre Sintes, ancien chef d’état-major de l’armée de terre espagnole, − au général de corps d'armée Neuville, délégué CiDAN du Haut-Rhin, − au colonel Biclineru, attaché de défense adjoint de Roumanie, − enfin à l'Amiral Moreno, président de l'association des anciens stagiaires de l'école supérieure de guerre de Colombie. Je salue la présence de Monsieur Colin Cameron, qui nous a tant aidé pour la réalisation du premier trophée européen civisme, sécurité et défense. Je le remercie à nouveau bien chaleureusement Pour fédérer tous ces sujets, nous avons choisi cette année comme thème général : le citoyen, le soldat et le politique. Le citoyen et le soldat sont au coeur des préoccupations de notre association ; « Civisme Défense Armées Nation ». Le soldat et le politique sont au service des citoyens et sont d'ailleurs eux mêmes des citoyens. Le politique, au sens le plus noble, prend les décisions et en porte la responsabilité, au nom des citoyens, qui en sont eux aussi ainsi responsables. Enfin le soldat est bien délégataire de la violence légitime de l’Etat, comme l’a dit le chef d’état-major des armées récemment, mais il le fait au péril de sa vie. 5 Le soldat et le politique : quels nouveaux horizons ? Par Monsieur Emmanuel DUPUY, Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). Firstly, the politician has the responsibility to inform the citizens on the Defence and Security challenges and the needs to transform the armed forces. Because the natural conservatism of peoples can be deadly. Emmanuel Dupuy stresses the need for a strategic debate thanks to efficient think tanks. The politician must have a capacity to anticipate the threats and the crisis, in decrypting their signs. That relies on good intelligence, allowing him to take the best decisions. But the political vision has to be fed with adapted finances and budget. Lastly, the politician has to develop the « resilience » of the country, which is its capacity to continue to function despite major catastrophes, and for a nation to morally and intellectually resist to non conventional attacks. Lastly, Emmanuel Dupuy focuses on the importance for France of the European Common Security and Defence Policy. Permettez-moi, en guise de propos liminaires, de vous confirmer la déception de Jean-Marie Bockel, Sénateur du Haut-Rhin, ancien ministre (qui fut notamment Secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants) qui n’a pu se rendre à votre aimable invitation. Ce dernier m’a ainsi demandé de le remplacer. Je pense que vous attendez de moi une vision du politique, ma vision sur la politique de défense et de sécurité. C’est la question à laquelle je me propose donc de vous répondre ce matin. Pour ce faire, il convient de partir de l’histoire pour tendre vers le présent : La responsabilité qui fut la mienne au Secrétariat d'Etat auprès du Ministre de la Défense et des Anciens Combattants (SEDAC), au service de Jean-Marie Bockel, m’incite à commencer en mettant justement en valeur la mémoire combattante. • 6 « Enjeux mémoriels » : vecteur très important pour faire comprendre et faire partager l’Esprit de Défense. Cela parle aux gens, cela parle aux jeunes, d’abord parce que ces combattants étaient pour beaucoup des jeunes ! Egalement le fait qu’on soit venu de partout pour se battre (Amériques, Afrique, Asie) : c’étaient des frères d’armes, on peut aujourd’hui partager cette mémoire, quelque chose de déterminant, quels que puissent être les débats sur la période coloniale par ailleurs. Petit à petit ces combattants s’en vont, il faut que les générations plus jeunes s’impliquent dans les commémorations, pour les rendre VIVANTES (associations, éducation, jeunesse…). • « Enjeux actuels » : la réserve peut jouer un rôle très important. Les Réservistes opérationnels (plus de 80 000 avec la gendarmerie) peuvent contribuer au quotidien à faire vivre cet esprit de défense, dans leur famille, leur réseau associatif, leur entreprise. C’est aussi l’enjeu de la réserve citoyenne, à une échelle beaucoup plus importante ! Le premier pas vers la compréhension est la sensibilisation. Il convient, entre autres de tenir compte de toutes les mémoires et des identités partagées qui fondent notre modèle de République dans la richesse de sa diversité. Il s’agit aussi de tenir compte des nouvelles formes que prennent le : • • Lien Armées-Nation (notamment à travers l’engagement des 60 000 réservistes, qu’ils soient opérationnels ou citoyens - femmes et hommes « doublement citoyens », volontaires, bien souvent bénévoles et désireux de servir l’intérêt général et la collectivité locale) ; « l’esprit de défense ». Une enquête récente menée auprès de 40 000 jeunes a révélé que 90 % d’entre eux éprouvaient du respect, et 66 % de l’admiration à l’égard des « morts pour la France ». En effet « l’esprit de défense », aujourd’hui, ne s’exprime plus avec les mêmes mots ni à travers les mêmes valeurs qu’hier. « Patriotisme », « héroïsme », « honneur » peuvent sembler appartenir à un passé révolu, au cours duquel se sont illustrés de nombreuses générations du feu, tandis que la défense des droits de l’homme et de la paix mobilisent l’essentiel de l’engagement de la jeunesse d’aujourd’hui. **** La réorganisation de nos armées est indispensable La question de la réorganisation des armées peut apparaître évidente à l’auditoire que vous êtes. Notre rôle, à nous politiques, est d’expliquer à l’opinion publique la nécessité indispensable de cette transmutation, qui ne va pas de soi. La difficulté est de faire passer ce message. Nous avons l’obligation de faire comprendre cette nécessité aux Français. 7 Cette œuvre pédagogique, indispensable, ne pourra être réussie que si chacun joue la même partition. C’est la mission des femmes et des hommes politiques de ce pays appuyés par les responsables militaires. Cette rationalisation de la gouvernance au sein du ministère est ainsi indispensable à mener pour garantir la pérennité de notre outil de défense, dans un contexte « compétitif » afin de tenir notre rang et assumer nos responsabilités : Membre du Conseil de sécurité de l’ONU ; Artisan d’une réflexion sur la gouvernance financière et économique (G8-G20) ; Pilier de la relance du projet européen et de l’émergence d’une PESD crédible ; Un des principaux leviers au sein de l’OTAN, comme le confirme et le justifie le « plein retour » dans le Commandement militaire intégré ; Un des principaux acteurs de la résolution et de la gestion de crise (13 000 soldats français engagés en OPEX). - 1) Il faut convaincre les Français et la collectivité militaire de la nécessité des réformes engagées. Les peuples sont conservateurs, par nature, et vivent dans une routine rassurante, mais qui peut devenir mortelle. • • Une armée souhaite toujours compléter ses équipements, pour disposer de la supériorité technologique propre à asseoir ses victoires sur le terrain ; En fait, la vraie question à se poser est : quelle guerre prépare-t-on ? Est-ce la prochaine ? Ou est-ce la dernière ? Les penseurs de la modernité, tous ceux qui ont été en avance avec leur temps, ont été confrontés aux incompréhensions de leurs contemporains. Je pense en particulier au Général de Gaulle ou aux généraux de « l’apocalypse » qui ont inventé notre dissuasion : les Poirier, Gallois, Ailleret. Il est donc impératif que nous poursuivions notre réflexion stratégique et il faut réorganiser cette réflexion au regard de la promotion d’une stratégie d’influence française ambitieuse, nécessité mise en exergue à l’occasion de la parution du Livre blanc sur la sécurité et la défense. C’est un des dossiers que je m’attache à faire progresser à la demande d’Hervé Morin. 8 Il s’agit, en l’occurrence de faire revivre une nouvelle culture du débat stratégique qui a fait les riches heures de l’école militaire (aux lendemains de la Seconde guerre mondiale, avec l' exemple de l’IHEDN qui fête ses 70 ans. Je pense aussi à Castex et Beauffre). D’où l’importance de faire émerger des « think tanks » indépendants en France, qui donnent la parole aux experts et permettent aux décideurs une appropriation des politiques à mener, des moyens et des actions qui doivent être mis en œuvre. C’est d’ailleurs le sens de la réflexion actuellement en cours visant à la préparation des Assises de la pensée stratégique, pour lesquelles je compte m’investir à l’horizon de l’automne prochain (conformément à une des préconisations du rapport de mission sur « la pensée stratégique et les think tanks », sous l’égide de Christophe Carle. Il en résulte la : création de l’Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire (IRSEM) ; • mise en place d’un Conseil Supérieur de la formation et de la Recherche Stratégique (CSFRS) conformément au rapport Bauer 2 ; • fusion des sessions nationales IHEDN et CHEAr d’une part et INHES, IHEJ (Institut des Hautes Etudes de Justice) et IERSE (Institut d’Etude et de Recherche sur la Sécurité des Entreprises), faisant de l’école militaire la plateforme académique de la défense et de la sécurité globale ; • Mise en cohérence de la recherche stratégique et utilisation plus efficiente de l’outil de la prospective - tel que défini dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (création du CCRP - Comité de cohérence de la recherche stratégique et de la prospective - qui devrait être piloté par la DAS). • Par ailleurs, l’Histoire a imprimé, par sédimentation, la cartographie des emprises militaires. Là encore, il est indispensable de vaincre les réticences qui se fondent sur l’histoire. Sans vouloir faire table rase de l’organisation patrimoniale dont nous avons héritée, il était indispensable de repenser l’organisation générale de nos armées, de créer des synergies interarmées et de mutualiser les soutiens. Nous avons fait des efforts considérables d’explication. L’appui de tous les politiques et des militaires nous est indispensable pour pouvoir mener à bien ce dossier difficile, j’en suis d’autant plus conscient que j’ai vécu le départ de mon régiment dans ma ville, il y a 15 ans, et je connais les problèmes que cela pose. 9 Nous traversons actuellement une grave crise financière qui bouleverse nos habitudes et les idées reçues. Sans vouloir faire de parallèle, la réforme de notre Défense est tout aussi profonde pour la France en général, et nos armées en particulier. Nous devons faire preuve, tous ensemble, politiques et militaires, de la plus grande détermination pour réussir cette mutation qui bouscule notre quotidien. 2) Grâce au travail de tous, les réticences ont été vaincues. Face aux dangers, il est indispensable de pouvoir anticiper notre action grâce au renseignement. Cette anticipation est nécessaire à la prise de décision du responsable politique. A cette fin, le Livre Blanc consacre de longs développements aux moyens de la France d’acquérir, le plus tôt possible, les renseignements nécessaires à la compréhension à la fois des jeux d’acteurs et des menaces, le développement de la connaissance et des capacités d’anticipation constituant dorénavant « notre première ligne de défense ». Si « la bataille du XXIème siècle » doit se jouer sur le terrain de la connaissance et de l’information, des hommes et des sociétés, « domaine d’excellence de nos capacités scientifiques, technologiques et industrielles », l’effort demandé dans le Livre Blanc porte ainsi tout naturellement sur le renseignement, la connaissance des zones d’opérations, l’action diplomatique, la démarche prospective et la maîtrise de l'information, autant de nouvelles fonctions que le Politique doit savoir gérer suffisamment en amont. Précisément, il s’agit pour les politiques, de disposer, en amont puis pendant la crise au plus près du temps réel, de l’ensemble des renseignements et informations (interopérables, protégés et vérifiés) nécessaires à l’adaptation et à la conduite des moyens de réponse aux menaces. Toute la société ne pourra que bénéficier de cet effort « avant la crise » et renforcer ainsi sa capacité, à y résister, ainsi que sa résilience « après la crise ». Dans cette même logique de préparation de la Nation et de l’ensemble de ses acteurs (au delà des moyens de l’Etat et de ceux des opérateurs vitaux), aux crises potentielles, toute l’organisation de la planification et de la gestion de crise sur le territoire doit être repensée, modernisée et adaptée. Au-delà de la modernisation du dispositif d’alerte des populations, le Livre blanc définit plusieurs axes de travail pour la communication gouvernementale, dont : • La planification et la professionnalisation de la communication, avec l’intégration d’un volet communication pour chaque plan gouvernemental d’intervention ; 10 • Le développement des outils interministériels nécessaires à la projection de l’information en amont, pendant et après la crise. La cohérence de la réponse gouvernementale à une crise majeure nécessite que les différents acteurs se soient régulièrement entraînés ensemble, à tous les niveaux. Le Livre Blanc demande donc à ce que « des progrès importants soient accomplis dans ce domaine et dans l’analyse des retours d’expérience ». Seront ainsi planifiés, en interministériel et à long terme, des exercices qui entraîneront la chaîne complète des intervenants de la gestion de crise, depuis les structures de pilotage stratégique jusqu’aux acteurs sur le terrain. Il est donc naturel et souhaitable que les décideurs politiques s’y « impliquent personnellement », ainsi que les élus locaux, toujours au premier rang de la réponse à une catastrophe, condition du réalisme et de l’efficacité de ces exercices. La protection de la Nation face aux crises est également une priorité que nous nous sommes fixés au travers du Livre Blanc. Nous devons prendre en compte l’évolution des menaces et des risques, améliorer la gestion des crises sur le territoire national en coopération étroite avec nos partenaires européens. En tenant compte des enseignements des opérations récentes, nos forces doivent posséder les clés de la supériorité opérationnelle. Les investissements doivent nous le permettre. Il convient ainsi d’adapter et de moderniser les moyens de nos armées en leur conférant les technologies nécessaires, la mobilité stratégique et la maîtrise de l’information. Cette vision politique doit être accompagnée par une vision budgétaire et financière : c’est là aussi qu’on attend les hommes politiques Le Président de la République a été très clair, au cours de son discours à l’Île Longue, sur l’effort de Défense qui représentera 2% du PIB. Seuls, le budget de la Défense avec celui de la recherche, seront maintenus dans le contexte budgétaire difficile. Toutes les économies de la Défense seront réinvesties dans la Défense. C’est là une exception remarquable, les autres ministères devant rendre au budget général la moitié des économies effectuées. Mais nous sommes dans une phase intermédiaire durant les 2 à 3 années qui viennent : les économies n’auront pas encore porté leurs fruits. 11 C’est pourquoi nous avons obtenu des recettes exceptionnelles grâce à la vente des biens immobiliers de la Défense, nous aurons des recettes supplémentaires qui nous permettrons d’effacer la bosse financière que nous poussons devant nous depuis 15 ans. • • la construction du nouveau site du ministère à Balard nous permettra de rationaliser l’implantation des états-majors et de réaliser la vente d’emprises immobilières à Paris ; la revente de bandes de fréquences nous permettra un gain de 600 millions d’euros. Nous devrons aussi faire voter la loi de programmation militaire. Elaboré sur la base du Livre blanc, le projet de loi de programmation militaire 2009-2014, adopté lors du Conseil des ministres du mercredi 29 octobre, prévoit 185 milliards d’euros de dépenses, dont 101 pour l’équipement des forces et le nécessaire renforcement en matière de renseignement. Le Gouvernement a engagé une série de réformes. Le Parlement est embouteillé par les projets de loi qui découlent de ce train de réformes. Le Président de la République, le Premier Ministre, ainsi qu’Hervé Morin et moimême sommes particulièrement attachés à ce que cette loi de programmation puisse donner aux armées les moyens indispensables pour mener à bien les missions qui lui seront confiées. La dimension humaine de la PESD : élément clé de la guerre de l’intelligence. Parmi les nombreuses réalisations engagées durant ces six derniers mois, il faut se féliciter des avancées liées à la consolidation des capacités militaires et civiles en matière de gestion de crise. Par ailleurs, l’autonomie recherchée de la planification opérationnelle des missions extérieures que l’UE entend mener dans son voisinage stratégique est une avancée significative, compte-tenu notamment de l’actualisation de la Stratégie européenne de sécurité que la Présidence française a cherché à mener. Ces avancées mettent en exergue la nécessité d’une parfaite connaissance mutuelle des hommes et l’interopérabilité des matériels qu’ils servent. Dix ans après les avancées significatives initiées par le tandem franco-britannique à Saint-Malo, la France avait souhaité mettre l’Europe de la Défense et sa dimension citoyenne au cœur de ses priorités : elle a ainsi innové en proposant l’initiative d’ERASMUS-militaire. La « rupture stratégique », serait donc devenue le but recherché par toutes les forces armées depuis une dizaine d’années, dans le cadre des nouvelles formes prises par la 12 guerre. Il en résulte que la finalité de l’emploi des forces armées n’est plus obligatoirement de mener un combat létal visant à la destruction de l’armée adverse, mais aussi de s’adapter à une gamme variée et étendue de situations, cherchant à chaque occasion la posture adéquate pour répondre au bon niveau de violence ou d’agressivité. Le cadre d’emploi opérationnel de nos forces armées devient dans ce contexte, de plus en plus fréquemment multinational ; de plus en plus européen également, au fur et à mesure que les opérations décidées et conduites dans le cadre de la PESD se multiplient. Pour répondre au besoin de cohérence et d’efficacité de ces engagements multinationaux, l’interopérabilité des matériels fait légitimement l’objet d’une attention croissante, avec plus ou moins de réussites d’ailleurs et à des vitesses parfois divergentes ! Transformer le handicap de la « multinationalité » en un atout est un vrai défi pour les chefs de demain. C’est aussi une formidable opportunité d’enrichissement humain, d’élargissement de la culture générale qui, comme le disait le général de Gaulle, « est la véritable école du commandement ». Le responsable politique doit savoir anticiper les menaces, décrypter les « signaux faibles » afin d’éviter les crises. La responsabilité du gouvernant est grande de ce point de vue. C’est de sa perception que dépendent les choix stratégiques qui guident les conditions d’engagements de nos forces. Celles-ci, dans des contextes difficiles et sur des théâtres d’opérations de plus en plus éloignés, sont l’objet de menaces asymétriques de plus en plus diffuses. La France veut la paix, autant qu’il soit possible pour elle de contribuer à la maintenir et si nécessaire à la restaurer, à ses frontières et plus loin, comme l’a souligné le Président de la République dans sa présentation du Livre Blanc aux Armées, le 17 juin 2008, en rappelant que c’est la vocation de la France de « porter cet idéal de paix et de liberté, et de l’incarner dans le monde actuel ». Il convient, dès lors, de faire face résolument aux menaces nées de la mondialisation non maîtrisée, des crises économiques et financières brutales et déstabilisantes, face aux déséquilibres nés de l’émergence soudaine et accélérée des nouveaux grands acteurs économiques et militaires, face encore aux mouvements démographiques qui accentuent les écarts de développement et de sous-développement. Dans ce contexte, la France conserve des atouts forts : - le dynamisme de sa population ; - la puissance de son industrie ; 13 - l’excellence de ses technologies ; - les enseignements de son histoire. Si elle ne redoute plus l’invasion, elle doit cependant se préparer à la réapparition d’une menace majeure, de quelque nature qu’elle soit, à commencer par une possible agression terroriste de grande ampleur, sous des formes que l’on aurait voulu croire rendues impossibles, comme l’attaque radiologique, chimique ou biologique. La prolifération se développe et avec elle la dissémination de missiles balistiques dans des pays instables ou imprévisibles. Le risque informatique est croissant, avec le développement et la possible utilisation par des groupes criminels ou terroristes, voire des Etats, des technologies les plus modernes et incapacitantes. Cette nouvelle stratégie de sécurité nationale associe enfin, « sans les confondre », les politiques de sécurité intérieure et extérieure, la politique étrangère et la politique économique. Avec un objectif clair : mener à bien rapidement « l’adaptation de nos outils et de nos moyens aux enjeux du XXIème siècle ». Afin de « ne pas subir les effets de l’incertitude, de parer aux risques et aux menaces susceptibles de porter atteinte à la vie de la nation », la France doit donc demain être capable d’anticiper, de réagir et de peser sur les évolutions internationales. S’agissant de la dissuasion, fondement essentiel de notre stratégie, elle demeurera au cœur de notre dispositif de défense, comme sa « pointe de diamant », garantissant notre indépendance et notre liberté d’action face à toute menace ou chantage contre nos intérêts vitaux. Plus nouvelle est, en effet, l’annonce, dans le Livre Blanc, de la modernisation de l’ensemble des moyens de protection des populations et du territoire, que l’ouvrage affirme comme une priorité. Le Livre Blanc met donc en avant le concept de Résilience. Plus la résilience de la nation sera forte, plus celle-ci adhèrera aux objectifs de la défense et de la sécurité, plus la sécurité nationale sera assurée. Dès lors, une haute résilience aura pour corollaire la recherche d’un bon niveau d’information des citoyens. La résilience n’est pas équivalente de la « sécurisation du fonctionnement de l’Etat », entendue comme la réduction de ses vulnérabilités, l’accroissement de sa capacité à restaurer son fonctionnement et le soutien du moral de la population. La résilience a donc une dimension sociale qui implique non seulement l’Etat et, plus généralement, les pouvoirs publics, mais encore les acteurs de la société civile. En un mot, la sécurisation du fonctionnement de l’Etat est une composante nécessaire de la résilience, mais celle-ci ne s’y résume pas. 14 La résilience est à la fois un objectif (pour les administrations de l’Etat) et un Etat (pour la société au sens large). Face à des risques de grande ampleur, l’infrastructure économique française demeure extrêmement vulnérable. S’agissant de l’infrastructure étatique et gouvernementale, en dépit d’un accroissement des niveaux de préparation à des événements catastrophiques majeurs, la situation est probablement encore très largement perfectible. C’est dans ce contexte, qu’une réserve opérationnelle et des Réservistes citoyens rendus opérationnels peuvent apporter leurs compétences pour répondre à ces crises inopinées… **** Laissez moi terminer mon propos en faisant référence à Gérard Challiand à qui j’ai remis récemment le Prix Vauban venant consacrer une œuvre majeure portant sur les conflits asymétriques. « Si toute guerre est politique, la guerre irrégulière l’est davantage, tant elle se joue dans les esprits et les volontés » écrivait-il. C’est très certainement au niveau de la reconquête des « cœurs et des esprits » sur le terrain, comme auprès de notre opinion publique que la responsabilité des politiques stratèges et des militaires combattants est la plus partagée. C’est de cette cohésion collective que naîtra la légitimité de nos engagements. C’est aussi là que résideront aussi nos succès futurs, dans les OPEX qui engagent nos troupes sur des théâtres d’opérations lointains. 15 Le chef militaire, conseiller du Politique, par le général (cr) Luis Alejandre Sintes, ancien chef d'état-major de l'armée de terre espagnole, vice-président du Conseil Insulaire de Minorque. The relations between the politician, mainly the minister of defence, and his military adviser, generally the chief of staff, are often difficult, because they have different cultures, and sometimes are from different generations. But the politician learns to appreciate the soldier. The role of the military adviser at this level is to be patient, to tell the truth, to influence the decisions, to take the mistakes upon himself, and to never forget the interest of the Army. That supposes to find a good balance between all interests concerned. Nous acceptons tous, en règle générale, que les urnes décident et rendent légitimes les choix politiques qui vont marquer le cours d'un pays pendant la période de temps comportant une législature. Dans ces politiques, nous trouvons bien sûr celles de la Sécurité et la Défense. Dans les sociétés démocratiques, nous les « gents d'armes » , acceptons que nos politiciens appartiennent à un courant qui ne soit pas conforme à nos préférences, et que, dans le cas d'une victoire électorale, ceux-ci aient la capacité de gouverner conformément au programme de ce courant, en fonction de leur idéologie, en fonction de leurs priorités et de leurs possibilités. Les coalitions de deux ou plusieurs partis, les majorités simples ou les majorités absolues, vont conditionner également les différentes façons de gouverner, plus ou moins soumises au contrôle parlementaire. Moi, j'appelle cela le QUOI. Une situation idéale serait celle où le Ministre et les postes importants occupés au Ministère de la Défense - que nous appelions il n'y a pas longtemps de la Guerrepossèdent l'expérience sur les sujets spécifiques à ce ministère, acquise aussi bien dans les commissions de Défense des Parlements, que dans des cours donnés par l'IHEDN ou par des instituts équivalents, comme le CESEDEN en Espagne. Mais l'expérience nous dit que cela ne se passe pas toujours comme cela. On décide plutôt les désignations à partir des conditions du parti, des coalitions électorales et -encore- ce qui devient plus difficile à comprendre, des équilibres et des faveurs 16 politiques. Malheureusement, nous ne pouvons pas non plus écarter ceux qui disent : « je ne sais pas quoi faire avec lui, alors je vais le mettre à la Défense, là bas il n'aura aucun problème ». Voilà le cas : « là bas , il n'aura pas de problème ». Parce qu'on pense que sur la loyauté et la discipline des militaires, on peut bâtir n'importe quelle carrière politique, pas suffisamment préparée, et pas toujours imprégnée par l'esprit du service de l'Etat. Logiquement, cette personne ou cette équipe doit aussi s'appuyer sur des structures techniques formées par des militaires, qui sont ceux qui savent comment exécuter la plupart des fonctions. Certains d'entre eux seront physiquement plus proches des politiciens. Ils auront la considération de « conseillers ». Si nous avons parlé auparavant du QUOI, de ce que nous voulons, il est question maintenant de parler du COMMENT nous allons le faire. A mon avis, nous trouverons la vertu dans l'équilibre entre ces deux éléments. Mais hélas, on y arrive pas toujours. On n'y arrive pas parce que les militaires n'ont pas l'habitude d'accepter les ordres venant d'un inconnu ou d'une personne inexpérimentée. Il faudrait ajouter, en plus, une différence de 10 à 15 ans entre leurs âges. On n'y arrive pas parce que les politiciens, très certains de la légitimité de leur propre désignation, aiment davantage entendre « oui, Monsieur le Ministre », que « non, Monsieur le Ministre, il faudrait voir ceci plus à fond ». Parce qu'ils sont pressés d'être connus, parce que leur travail est public, soumis à l'avis de l'opinion et de la presse, aux enquêtes, aux évaluations. De même, la pondération, l'analyse à fond, le travail silencieux, discret en consciencieux, ne se sont pas parmi leurs premiers soucis. Ce qui les inquiète vraiment, c'est leur image. C'est comme cela qu'ils heurtent notre sens de la discipline. En Espagne, nous utilisons certaines expressions éthiques de nos écrivains classiques pour soutenir nos Ordonnances. Une d'entre elles -importante, assumée – concerne la discipline et procède des strophes de Monsieur Pedro Calderon de la Barca, un poète qui fut soldat et qui nous a laissé ceci : « Aqui los mas principal hazana es obedecer, Y el modo como ha de ser Es no pedir ni rehusar » En Français, on pourrait dire comme cela : « Ici, la plus grande prouesse est d'obéir, et la façon de le faire 17 Est ne jamais demander ni jamais refuser ». Je soutiens que cette idée est valable dans le monde de l'Armée, où les loyautés, vues de haut en bas et de bas en haut, sont exercées dans leur vraie dimension, absolument liées au caractère « vocationnel » de ceux qui la composent. Ce concept d'obéissance n'est pas valable – à mon avis – dans les relations entre les politiciens et les militaires, parce que ceux-ci utilisent des codes de conduite tout à fait différents. J'ai eu l'occasion dans toute ma carrière d'être chef de cabinet de deux ministres et de devenir chef d'état-major avec un troisième. Un d'entre eux, avocat d'Etat sans affiliation à un parti, et les deux autres plus proches des choix de leur parti que des choix dictés par les intérêts généraux. Un jour, j'ai dit à un de ces derniers : «Nous, nous arrivons à table pour jouer avec un jeu de cartes scellé ; vous, vous le faites avec les cartes marquées ». Comme cela , le jeu est impossible. Quel est, donc, le rôle du conseiller militaire ? Etre exact et ponctuel dans les rapports et les propositions de décision, Laisser au politique le bénéfice de chaque succès, influencer sans qu'on le devine, prendre la responsabilité de ses propres erreurs ainsi que de celles de son Ministre ou de ses subordonnés importants, ne pas oublier son rôle vis à vis de l'Armée qu'il sert dans une fonction non habituelle mais nécessaire, être patient. Tous ces éléments contribuent à « former » la personne qui vient à nous. Nous connaissons bien la différence dans le comportement des politiciens, entre le moment où ils sont désignés et celui où ils quittent leur poste. Ils ont appris à nous connaître, à nous respecter et ce respect les amène à l'affection. Le problème est que cette métamorphose, connaissance-respect-affection, a son prix. C'est quelque chose que j'ai vécu aussi dans ma carrière. Parce que le politicien ne va pas accepter les critiques et les refus réitérés, même s'ils sont gardés dans la confidentialité la plus stricte. Le militaire ne réclamera jamais l'aide de la presse, alliée dans ces cas là. Par contre, le politicien fait cela immédiatement, et, en plus, il manipulera. Il utilisera les méthodes et les excuses nécessaires dans le but de justifier face à l'opinion publique des décisions plus ou moins traumatiques. Et d'habitude, il 18 trouvera les applaudissements de l'opinion publique. Le fait de corseter l’hypothétique pouvoir militaire par le pouvoir civil ou politique a toujours eu bonne presse. Les injustices dans les promotions, les frivolités dans la forme d'accorder des décorations à des amis politiciens sans le moindre mérite militaire, et même de se les accorder, resteront cachées. Les contrats industriels contaminés et trop chers, abrités sous le parapluie du « besoin » de la défense resteront cachés de même En bref, le travail d'un conseiller militaire est difficile aussi bien que strictement nécessaire. Il faut que les chefs d'état-major analysent, en faisant attention, les destinations concernant les organes de l'administration politique de la Défense et après, les racheter. Quelques uns vont continuer à être loyaux à leur vocation et ils serviront pour le bien du service. Mais d'autres vont vouloir se rapprocher des conditions de service au politicien qui favorisent les occasions de promotion et ils rendront service plutôt aux choix partisans qu'aux politiciens. En Espagne, on les appelle « plus papistes que le papa » ou comme vous dites en Français « plus royalistes que le Roi ». Il devrait être possible de trouver un bon équilibre. Et dans beaucoup de cas, on y arrive. Il faut donc de chaque côté toujours accepter les règles du jeu. Il faut les respecter. Il ne faut pas oublier le principe de service public, du bien d'intérêt général. Il ne faut pas oublier le patriotisme 19 Legal responsibility of political leaders, by Ms Magdalena Jura, Weimar Club, Poland. Madame Magdalena Jura compare dans le texte ci-après les responsabilités politique et constitutionnelle des chefs d'Etat en Pologne, en France et en Allemagne, pour en tirer des conclusions au niveau européen. En Pologne, le Premier Ministre est particulièrement puissant. Il est responsable constitutionnellement devant le pouvoir judiciaire (Tribunal d'Etat en l'occurrence). La Pologne a choisi par ailleurs la forme la plus pure de la responsabilité politique. Le Premier Ministre est responsable devant le Parlement, qui lui votre sa confiance. En France, c'est le gouvernement qui est responsable devant le Parlement (constitution de 1958). Au plan politique, le Président de la République peut mettre en jeu sa responsabilité par referendum (appliqué seulement par le président Charles de Gaulle), après une dissolution de l'Assemblée nationale ou enfin en se présentant pour un nouveau mandat. C'est l'amendement de la Constitution de 2007 qui établit la responsabilité constitutionnelle entière du Président. Il ne peut être jugé que devant la Haute cour. En Allemagne, le chancelier a la réalité du pouvoir. Il n'a pas de responsabilité constitutionnelle. C'est le vote de confiance du Bundestag qui, en pratique, assure la légitimité politique du Chancelier. Que faut-il faire alors au niveau européen, où seul l'article 7 du Traité de l'Union Européenne pourrait être considéré comme la mise en jeu de la responsabilité d'un des chefs d'Etat ? Faut-il copier l'un des systèmes nationaux, parmi les 27, ou créer de nouvelles règles spécifiques? By what kind of responsibility political leaders are held in Poland, Germany and France respectively? “Constitutionalism means that the authority of government is not wielded according to the will and the arbitrariness of men but according to legal rules – rule of law rather than of men. Constitution is the embodiment of a legally enforceable normative program which generates legal obligations both for the rulers and for the ruled.” Constitutional policy and change in Europe edited by Joachim Jens Hesseand, Nevil Johnson. The dualism in the forms of liability is very common and characteristic among European countries. Political responsibility can be held before a Parliament and it is based on political criteria. Constitutional responsibility however is primarily related to the President, due to the fact that President obviously cannot be reliable before the Parliament. Many European countries decided to enable the applicability of legal responsibility to the members of governments and other most powerful bodies as well. 20 POLAND I believe that it is essential to specify in the first place who is the empowered person in given country. First, the scope of duties given to all executive bodies in Poland respectively needs to be considered. Political prerequisites make this position of the Prime Minister particular and powerful – it is entrusted to an influential politician who is able to organize governmental engagements and also to maintain the coherence of a coalition. In scope of his responsibility there are e.g. the process of establishing new government, dividing tasks between ministries and other central bodies, governmental works, supervision over local government. Prime Minister can be liable politically and legally. A person bears legal liability when infringes law, this responsibility is held before the bodies of judicial power on the parliamentary initiative. Although it is based on political decision, the process is run under legal criteria and legal proceedings. Constitutional responsibility is executed before the Tribunal of State – separate judicial body with independent judges stating if the specific act was the infringement of law. Legal responsibility before the Tribunal of State can be proceeded only in specific cases within the office or within the scope of a person. Poland decided to establish political responsibility in its purest version. Prime Minister is responsible before the Parliament which has the right to the constructive vote of confidence. FRANCE Until 1958, the constitutional responsibility could only have place when the highest treason was committed, although this term had never been defined. There had been no other accusation applicable to the head of State. In 1958, President gained many crucial competences and became a real executive leader as the result of the fact that general and direct election was implemented. Firstly, it did not cause any alteration in the scope of responsibility. The highest treason was the only crime that President could be liable for before the Highest Court of Justice (never applied). However, practice created particular system of the moral-political responsibility before the nation. For De Gaulle, the national support for his decisions was verified by a referendum which was treated as a specific vote of confidence. Thus, he resigned in 1969. Secondly, application for re-election was used as a makeshift as well. Thirdly, this function was played by an election after dissolution of National Assembly. Rene Capitant states that French nation can express lack of support for President when choosing an opposite Party in the National Assembly. 21 Notwithstanding, the constitution of 1958 entitled the Parliament to hold President responsible (both chambers jointly). The requirements were as follows: identical resolution, absolute vote majority, unanimous vote, but still there was no legal provision established with the highest treason definition and no sanctions specified. It is not possible to stand the President before the court, even as a witness. Constitutional responsibility was fully established after the amendment in 2007. Protection given to the head of State derives from the functions conferred by the nation. Thus, it needs to be distinguished – the responsibility on the scope of duties from the responsibility for other acts, the first one is fixed and absolute, the second is temporary and limited. GERMANY The power of the President is limited and the Chancellor is the person really empowered. The government with the Chancellor cannot be held to the constitutional responsibility. Position of the Chancellor is verified by the confidence given by Bundestag (constructive vote of confidence - only the voting can be run if another candidate is indicated). However individual ministers cannot be held responsible. Thus, the chancellor is responsible for the functioning of the whole government. Moreover, there is no constitutional responsibility for individual members of the government either. After this short analysis I would like to emphasize that when considering those three examples we can observe three different approaches. Poland created both political and constitutional responsibility. Although France first based on the political responsibility, after recent amendment constitutional responsibility was developed as well. In Germany the regulations still rely on the political responsibility. However it is just a small comparison of three Veimar Triangle members, we can already notice how huge the differences between approaches are as far as the responsibility of political leaders is concerned. In European Union, there are 27 countries though and for now there is no regulation on the European level even though the most important decisions are made there. The only regulation that might be used to hold European political leaders responsible at the moment is Article 7 TUE: “1. On a reasoned proposal by one third of the Member States, by the European Parliament or by the European Commission, the Council, acting by a majority of four fifths of its members after obtaining the consent of the European Parliament, may determine that there is a clear risk of a serious breach by a Member State of the values referred to in Article 2. Before making such a determination, the 22 Council shall hear the Member State in question and may address recommendations to it, acting in accordance with the same procedure.(…) 2. The European Council, acting by unanimity on a proposal by one third of the Member States or by the Commission and after obtaining the consent of the European Parliament, may determine the existence of a serious and persistent breach by a Member State of the values referred to in Article 2, after inviting the Member State in question to submit its observations. 3. Where a determination under paragraph 2 has been made, the Council, acting by a qualified majority, may decide to suspend certain of the rights deriving from the application of the Treaties to the Member State in question, including the voting rights of the representative of the government of that Member State in the Council. In doing so, the Council shall take into account the possible consequences of such a suspension on the rights and obligations of natural and legal persons. The obligations of the Member State in question under this Treaty shall in any case continue to be binding on that State”. That way, countries can be held to the political responsibility through internal procedures of European Union. The other approach, that can be implemented, is to engage a third party into the process. If decided that there is a necessity for constitutional/legal responsibility, either existing international body can be engaged (e. g. International Court) or new body can be created to play this role. However relying on already existing body allows to ensure the independence of judgment. However, for now, we can only settle accounts with political leaders on the national level even though they can decide on behalf of whole European Union jointly. Thus, it needs to be decided quickly, taking into consideration the solutions applied by all the Member States respectively, which way is the best for the Union to regulate this issue. Should it be copied from one of the systems that already exist or should we create completely new approach from the scratch? 23 Ethique et responsabilité : deux notions imbriquées à ne pas opposer, par le Général Benoît ROYAL, sous-directeur du recrutement à la Direction des Ressources Humaines, Etat-Major de l'Armée de Terre (France). In fact, the Ethics of responsibility is dangerous, because it suggests that the military leader can in some circumstances free himself from the ethical principles. We indeed should not oppose Ethics and Responsibility. The challenge relies on 3 pillars. The first is the respect of our values. The second, based on efficiency, reminds us that Ethics is a strategic and tactical necessity. The third is that an ethical behaviour is essential to protect the integrity of the soldiers. Responsibility, efficiency and Ethics are fundamentally linked on the field and cannot be opposed. Instead of an Ethics of responsibility, the author propose an “Applied Ethics”. Each case is specific, and those who have to take difficult decisions can adapt the rule but not change it. Relying only on the the tactical efficiency leads to the failure of the mission. The first responsibility of the military leader is the success of the mission. Ethics is offering a way, it is up to him to find the right one. La question de l’opposition entre l’éthique et l’efficacité a souvent été posée, suggérant à travers elle que, pour pouvoir atteindre l’efficacité attendue dans le cadre d’une action, un homme en situation de responsabilité pouvait - devait - s’affranchir de certains principes de comportement éthiques. Cette approche nous renvoie à la dangereuse notion d’éthique de responsabilité explorée par Max Weber qui la décrivait ainsi : « Il est indispensable que nous nous rendions clairement compte du fait suivant : toute activité orientée selon l'éthique peut être subordonnée à deux maximes totalement différentes et irréductiblement opposées. Elle peut s'orienter selon l'éthique de la responsabilité ou selon l'éthique de la conviction1. » En synthèse, Max Weber expliquait que l’éthique de conviction, plutôt théorique, se heurte au quotidien à des réalités quelquefois opposées qui contraignent l’individu exerçant de lourdes responsabilités à une certaine résignation, l’obligeant à moduler ses principes éthiques personnels. Dans la prolongation de cette approche, les Etats – structures exerçant les plus hautes responsabilités - disposeraient du «monopole de la violence physique légitime» et il y aurait lieu de distinguer une «éthique de responsabilité» d’une «éthique de conviction». 1 Max Weber, Le Savant et le Politique (1919), trad. J. Freund revue par E. Fleischmann et É. de Dampierre, 24 Cette approche est-elle encore défendable aujourd’hui, après les sinistres expériences des totalitarismes, notamment du nazisme, et devant l’évidence des ravages occasionnés tant par le déficit que par l’excès de pouvoir de l’Etat ? Une telle différenciation ouvre en effet la voie à la mise en place de restrictions sur des principes qui n’en souffrent pas. Il y a donc un risque important de justifier n’importe quelle dérive a posteriori au nom de la responsabilité exercée. En fait, ces deux notions ne peuvent pas être opposées car elles sont définitivement imbriquées et entrelacées. En effet, sur le plan militaire, l’enjeu de l’éthique consiste aujourd’hui à élaborer une morale dans la guerre, qui soit adaptée aux conflits contemporains sans justement dénaturer le recours à la force. En effet, il s’agit définitivement de concilier humanité et emploi de la force dans l’exercice de ses responsabilités de soldat. Cet enjeu repose sur trois piliers. 1. Le premier pilier repose sur la prise en compte des valeurs défendues par nos sociétés que nos concitoyens demandent de respecter, y compris dans le fracas des combats. Ainsi, quand un soldat choisit de porter les armes de la France, il devient dépositaire d’un héritage culturel national. Il est hérité de tous ceux qui sont passés avant lui dans les mêmes responsabilités et il rappelle que lorsqu’on devient militaire on devient détenteur et dépositaire d’un droit exorbitant : celui de l’emploi de la force légale contre autrui pouvant aller jusqu’à tuer dans des cas qui ne sont pas uniquement des cas de légitime défense. Or ce droit est soumis à des contraintes (droit de la guerre ou droit des conflits armés) et des obligations (droit humanitaire) dont il faut accepter les exigences sous crainte d’aller à l’encontre de l’idée même de progrès de la civilisation, car nous le rappelait Pascal « la force sans le droit rend la vérité abjecte ». Le respect de ce droit est d’ailleurs la toute première des règles éthiques. 2. Le deuxième pilier est étroitement lié à l’efficacité et rappelle que l’obligation éthique répond précisément à une nécessité stratégique et tactique dans les conflits actuels. En effet, la guerre a changé de nature et l’intérêt opérationnel passe d’abord aujourd’hui par la maîtrise de l’emploi de la force et son adaptation au plus juste niveau de proportionnalité. Il ne s’agit plus de détruire l’adversaire mais de le contraindre à changer d’attitude. De plus, dans ces conflits dits de 4ème génération, le rôle des médias est devenu central car les guerres ne se gagnent pas sans l’agrément des opinons publiques et des populations dont dépend la légitimité des soldats sur le 25 terrain. Or, obtenir l’adhésion des populations consiste notamment à leur renvoyer l’image d’une force militaire exempte de tout reproche ou du moins de toute intention de comportement indigne. En effet, outre les populations du pays où le militaire intervient, l’enjeu de la légitimité touche aussi les populations des États qui soutiennent l’action militaire. Dans les deux cas, il s’agit de gagner la bataille de l’opinion. Il faut bien comprendre que l’erreur ou la « bavure » d’un combattant élémentaire aujourd’hui – démultipliée par les relais médiatiques – peut, dans certains cas, conduire à perturber (voire à faire échouer) la stratégie globale de l’opération entière. C’est la raison pour laquelle, afin de préserver tant la liberté d’action de la force que sa légitimité, chaque militaire en situation de commandement doit absolument se considérer comme un relais médiatique potentiel de cette légitimité. 3. Le troisième pilier touche au souci de préservation de l’intégrité de ses hommes. La mise en place de règles de comportement, tout en diminuant le niveau de violence des combats, a en effet pour conséquence immédiate de réduire le coût humain de la guerre tout en préservant le niveau des pertes psycho traumatiques. Il ne s’agit évidemment pas de rechercher la guerre « zéro mort » qui n’a aucun sens, mais de conduire ses missions avec le souci de trouver le juste niveau de force, un niveau proportionnel à celui de l’adversaire afin de réduire les pertes inutiles et de protéger la population d’éventuels dommages collatéraux. Ainsi, le souci de préservation de la ressource humaine peut aller de pair avec la mise en œuvre de convictions morales et avec le sens de l’histoire. La responsabilité du chef militaire, ici fondamentalement pragmatique, est bien celle de l’efficacité réelle. La fin ne justifie pas les moyens, mais ce sont bien les moyens qui vont permettre une fin au juste niveau d’efficacité, parce que ces moyens sont précisément en accord avec les attentes. Cette approche de l’efficacité réelle impose une vision de long terme qui diffère de celle du succès tactique immédiat. Elle réclame une hauteur de vue qui vise le but ultime, l’effet final recherché et pas uniquement l’étape du moment. La responsabilité, l’efficacité et l’éthique sont fondamentalement liées sur le terrain et ne peuvent pas être opposées. C’est pourquoi, pour répondre à ceux qui les opposent, il est aujourd’hui possible de proposer une notion plus subtile que celle de l’éthique de responsabilité : celle de « l’éthique appliquée2 » que nous décrit Roger Pol Droit : « l’éthique ne se construit pas facilement. Elle se heurte à des hésitations, des tensions, des labyrinthes en quelque sorte. (…) En éthique appliquée, il n’y a jamais de solution 2 Roger Pol Droit, L’éthique expliquée à tout le monde, Editions du Seuil, 2009 26 toute prête et définitive. Il faut inventer, essayer, retoucher. Il y a finalement, au meilleur sens du terme, un bricolage de l’éthique appliquée. » Par exemple, pour un militaire qui possède des convictions religieuses, le simple fait de tuer déroge déjà à la règle première de toutes les religions « tu ne tueras pas ». Accepter de tuer c’est déjà ne plus être dans la conviction. En revanche, s’imposer de combattre en ne tuant que lorsque cela est nécessaire et en restreignant sa violence à chaque fois que c’est possible permet de trouver une façon de respecter ses convictions, voire de donner du sens à la dérogation faite. C’est à l’homme responsable de trouver en lui-même les voies pour assumer ses charges car il est toujours très dangereux de déclarer « être en devoir » de dégrader des principes au nom d’une « éthique de responsabilité ». L’éthique de responsabilité porte en elle des risques de dérive extrêmement élevés car c’est la tentation d’accepter que la fin justifie tous les moyens ; c’est la possibilité de privilégier l’efficacité tactique à tout prix dont nous avons montré la stérilité à long terme. En son temps, évoquant la pratique de la justice, Aristote, déclarait que les juges en charge de responsabilité devaient se servir de la même règle que les architectes. Chez les Grecs, cette règle n’était pas rigide comme une règle en bois. C’était une règle de plomb, donc d’une certaine souplesse et capable de s’adapter à des formes diverses, comme pour, par exemple, mesurer la courbe d’un portique ou les reliefs d’une colonne. L’éthique suit le même modèle. Son adaptation peut se faire par la réflexion et la discussion – bien souvent dans le tâtonnement et dans l’hésitation. Il s’agit d’adapter la règle mais pas de la modifier ou d’en changer. Dans la réalité, aucune question éthique ne se pose de manière globale. La question concerne toujours des évènements particuliers, des environnements différents, des rapports à l’autre chaque fois renouvelés. Tout type de situation nécessite une sorte d’ajustement où il faut tenir compte d’une quantité de variables. C’est tout particulièrement valable dans les métiers où l’exercice des responsabilités est important et dans lesquels la décision influence directement le devenir des individus et leur intégrité physique ou morale. Retenons bien en conclusion que la seule recherche de l’efficacité tactique immédiate au nom de l’unique responsabilité se fait aux dépens de la réflexion morale de l’officier et porte inéluctablement en germe l’échec politique de la mission. La première des responsabilités du chef est celle de la réussite de sa mission, l’éthique lui offre un chemin pour y parvenir, à lui de savoir l’emprunter. 27 Responsabilités des chefs tactiques, par le colonel Christian Thiébault, commandant en second les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan. It is more and more difficult for the tactical leader on the field to fulfil his mission. The notion of the “strategic corporal” is a reality. In Kapisa today, a young captain is commanding directly more than 10 subordinates and has roughly 20 external interlocutors. Indeed, all the intelligence assets help him to get through the “fog of war”, but they make also the decision more difficult. The tactical leader is the first responsible for the life of his soldiers. More generally, the human factor is at the heart of his role. He has in particular to take into account the possible post traumatic wounds (stress disorder), which are considered today very seriously. He is helped for that by the chain of command, by dedicated experts on the field, and specific programmes like the re-adaptation centre in Cyprus for units on return from Afghanistan , before going back to France Fort de cette journée d’échanges et compte tenu des interrogations qui ont été les vôtres, je me propose de partir des responsabilités du chef tactique pour développer, dans un deuxième temps, la problématique du stress post traumatique. S’il est courant d’évoquer la complexité des opérations au niveau global : menaces et crises multiformes, diversification des missions, internationalisation des conflits, poids des opinions publiques, enjeux des populations, … il est plus rare de se pencher sur la complexité croissante des opérations au niveau tactique. Pourtant, sur le terrain, il est de plus en plus difficile pour le chef de conduire sa mission, car c’est à son niveau que se confondent population civile, adversaires et rebelles ; que se superposent polices, armées nationales, alliés, coalisés, forces internationales ; que se conjuguent les effets de la technologie militaire ; et, que tous les moyens humains se concentrent. La notion de « lieutenant stratégique » et même de « caporal stratégique » dont nous avons déjà parlé est une réalité. Pour de nombreuses raisons, l’élément tactique est sorti de son domaine, il a outrepassé son champ normal d’action, celui habituel « d’un art simple, tout d’exécution » comme le soulignait Napoléon. Les conséquences d’un acte ou d’un non-acte de celui qui hier n’était qu’un exécutant, obéissant sans discernement, échappent aujourd’hui au cadre local. La décision ou la non-décision d’un chef tactique revêt parfois une dimension, une signification politique, et peut engendrer de lourdes conséquences stratégiques. 28 Le chef de poste sur son check-point en Côte d’Ivoire, le jeune lieutenant sortant d’école en reconnaissance dans un village de Kapisa en sont conscients. A chaque instant, ils ont, devant les yeux, le poids de cette responsabilité qui pourtant par bien des aspects dépasse ce pour quoi ils ont été formés, leur raison première. Pour mieux comprendre cette évolution fondamentale des responsabilités du chef tactique, et saisir la complexité croissante de son action, il est intéressant de regarder l’organisation du commandement sur le terrain. Aujourd’hui en Kapisa, un chef de sous-groupement tactique, c'est-à-dire un capitaine, commande à 220 soldats, il a directement sous ses ordres plus d’une dizaine de subordonnés et il échange avec une vingtaine d’interlocuteurs sur son réseau interne de commandement ! Déjà, la tendance était amorcée à la fin du siècle dernier, puisque commandant de compagnie de combat lors de la première guerre du Golfe, j’étonnais mes camarades et surtout nos anciens en évoquant les 203 légionnaires sous mes ordres et mes 9 subordonnés directs. Cette complexité est descendue au niveau même du chef de section, en Afghanistan le pion d’emploi est devenu le détachement interarmes dont le chef, jeune lieutenant, doit savoir gérer 8 subordonnés de pied et de nature différents, et traiter avec quatorze correspondants sur son réseau. Certains penseront que la multiplication des capteurs de renseignements déployés sur les théâtres facilite la prise de décision. Renseignement humain, officiers de liaison de la police et de l’armée locales, photos aériennes, vision des drones, interception électromagnétique, sont autant d’éléments d’information. Grâce à la numérisation du champ de bataille ils parviennent en temps réel aux plus bas échelons. Dans un sens, cela facilite la prise de décision. Mais loin de lever totalement ce qu’il est coutume d’appeler « le brouillard de la guerre », cette surabondance d’informations rend parfois la prise de décision plus délicate. En effet, en même temps qu’il gère ses nombreux moyens, il faudra que notre chef arrive à trier, à prioriser l’ensemble de ces données pour en tirer l’information clé au milieu d’éléments parfois contradictoires. Et, in fine, il devra assumer seul son choix tactique, sans être assuré de la justesse de son analyse. Choix d’autant plus délicat que de sa décision dépend la réussite de la mission mais aussi la vie de ses hommes et nous avons, ces derniers mois, été cruellement rappelé aux dures réalités de la guerre. Le chef tactique est le premier responsable de la vie de ses hommes. Il doit répondre de leur mort, assumer les familles endeuillées, accompagner les blessés qui auront payés dans leurs chairs le prix fort des ordres qu’il aura donnés, et aussi suivre ceux qui, apparemment intacts, auront au fond de leur âme une blessure invisible, pour le restant de leur vie. 29 Je voudrais insister sur cet aspect humain qui constitue le fondement du métier de chef, le cœur des responsabilités qu’il assume. Le chef véritable est, et restera, celui qui répond du facteur humain dans son ensemble : Celui qui sait forger des forces morales individuelles et collectives afin de disposer d’un outil cohérent ; celui qui anime un groupe d’homme en faisant grandir une solide volonté collective ; celui qui maintient la cohésion dans l’adversité pour imposer sa volonté à l’adversaire et aux événements. Le cas des stress post traumatique qui vous a interpellée lors des échanges précédents, est particulièrement révélateur, et il est intéressant de l’approfondir car c’est une responsabilité du commandement de contact que nous avons redécouvert récemment. Je voudrais donc vous faire toucher du doigt l’ampleur de la problématique et vous présenter succinctement le dispositif d’appui au commandement dans le domaine psychologique que l’armée de terre française à mis en place pour les zones de combats. Tout d’abord, les blessures invisibles de quoi s’agit-il ? Tout vient de la confrontation à la mort : celle que l’on voit, celle que l’on donne, celle des camarades, mais surtout celle que l’on aurait dû recevoir et qui vous culpabilise, Pourquoi lui et pas moi ? Cette confrontation à la mort n’est pas neutre. Consécutif à cette rencontre, suite à un événement particulièrement violent, un traumatisme pénètre par effraction dans l’esprit, c’est une sorte de mine à retardement qui s’installe. Les américains lui donne un nom PTSD, post traumatic stress disorder, cet état de stress post traumatique se développe rarement au cours des opérations mais se confirme plusieurs mois après le retour. Sans raison apparente ou suite à un fait anodin ravivant un événement douloureux (une porte qui claque…), notre soldat doit affronter ses démons enfouis : anxiété, irritabilité, troubles du sommeil, flash back, réminiscences, réflexes incontrôlés… A force, notre vétéran peut devenir associable, il se réfugie dans l’alcool pour oublier, ou dans la drogue pour soulager. Il s’enferme ainsi dans son monde, rompt avec ses proches et peut aller jusqu’au suicide. Il s’agit d’une vraie blessure même si elle reste invisible, une blessure de l’esprit qui détériore l’équilibre chimique de certaines zones du cerveau. On peut l’évaluer à travers un questionnaire auto-administré, mis au point après le Vietnam, le PTCLS, « post traumatic check list scale ». En 2008, l’armée américaine estimait le nombre de PTSD à 15 % des vétérans d’Irak, aujourd’hui on parle de 25% ! L’an passé, il y a eu dans leurs armées 285 suicides et leur ministère des anciens combattants avancerait le chiffre incroyable de 18 tentatives de suicides par jour chez les vétérans, Vietnam compris… De fait, les britanniques ont eu plus de morts par suicide dans les 15 années qui ont suivi les Malouines que lors des opérations. 30 Pour l’armée française, nous disposons d’évaluations parcellaires, sans atteindre ces chiffres inquiétants, un nombre conséquent de personnel ayant participé aux combats auront besoin de soins spécialisés dans l’année du retour. Or nous sommes confrontés à des difficultés de prise en charge en raison notamment des réticences des victimes pour reconnaitre leur pathologie et accepter les soins. D’où le rôle de l’environnement familial et professionnel, d’où l’importance du chef pour identifier et guider les soldats en souffrance. C’est, en premier lieu, à lui de « normaliser » cette peur qui peut frapper le plus vaillant des soldats. C’est aussi aux chefs de permettre à ces victimes de s’exprimer, de s’épancher, en parlant de l’indicible en vidant l’abcès qui les mine. Il serait présomptueux de croire que le chef au combat, même s’il est responsable de ses hommes, pourra tout résoudre seul. Son action doit être complétée par celle d’acteurs spécialisés et s’inscrire dans la durée. C’est pourquoi l’armée de Terre française a mis en place un dispositif d’appui au commandement assez complet qui mérite d’être évoqué car, en s’inscrivant essentiellement dans le domaine psycho-social, il est résolument novateur. Dans le cadre de la préparation psychologique, les commandants de bataillon disposent d’un conseiller facteur humain qui conduit, dans chaque section, une information sur les réactions de stress au combat et leurs conséquences. Il pourra ainsi identifier en liaison avec le chef tactique un militaire du rang ayant la confiance de ses pairs qui, après un complément de formation, deviendra le « référent psychologique de la section ». Ainsi sur le théâtre nous disposons à tous les échelons d’un personnel identifié pour conseiller la troupe et les chefs. Ce réseau d’appui au commandement, animé par le psychologue institutionnel mis en place auprès du commandant de brigade, travaille en coopération avec d’autres acteurs : aumôniers, présidents de catégories, personnel médical. Au retour, tous nos soldats passent par le sas de Chypre qui vient clôturer la mission en permettant un retour progressif à une vie normale. Ces 48 heures offerts dans un hôtel 5 étoiles contribuent par ailleurs à la reconnaissance de l’institution. Enfin, il est essentiel que les chefs successifs puissent prendre en compte le vécu de leurs soldats. C’est pourquoi une fiche résumant les événements subis vient s’insérer dans les dossiers personnels après un entretien avec le chef direct prévu le troisième mois du retour. Ce dispositif aurait été incomplet si les familles n’y étaient pas associées. En effet, elles supportent non seulement l’absence mais aussi le poids du décalage au retour. Elles 31 jouent donc un rôle essentiel pour la réadaptation de nos soldats. Afin de mieux les préparer et de les accompagner sur le plan psychologique un dispositif externalisé est maintenant en place avec, entre autres, des séances d’information, un suivi personnalisé et un numéro d’assistance psychologique 24/24. Pour conclure, le chef tactique doit aujourd’hui relever un défi sans précédent en raison d’un environnement multiforme difficile à appréhender, de la diversité des moyens mis en œuvre, et surtout parce que la pâte humaine est à la fois complexe et fragile. Il dispose, certes, pour l’aider d’outils techniques et de dispositifs performants. Mais, face à ses responsabilités, il restera toujours seul. C’est l’honneur mais aussi la difficulté du « commandement à la française » qui réunit sur une seuls tête la « plénitude du commandement ». D’où l’importance de sa formation, d’où l’intérêt d’une maturation progressive qui se fait avec bonheur aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan. 32 Las dificultades en la educación de la ética military en los líderes militares, (Responsabilidad y Eficiencia), par le colonel (er) Javier Guisández Gómez, armée de l' air espagnole, consultant international pour les Droits de l'Homme. Les difficultés de l'enseignement éthique militaire Il n'y aurait pas de sens d'analyser l'importance de l'enseignement de l'éthique militaire si nous ne prenions pas en compte trois éléments: L'usage de la force par les militaires dans différentes circonstances et dans différents scénarios et exigences ; La responsabilité du commandant à tout instant, y compris par omission ; L'obligation du commandant de remplir la mission avec succès, qui est, en termes de nature, l'essence et le temps. On peut étudier les défis de l'enseignement de l´éthique militaire depuis quatre points de référence: les instructeurs; parce ils manquent des compétences, des connaissances ou du leadership ; les étudiants, parce ils manquent de base ou des idéaux ; les commandants, parce ils manquent de conviction ou de volonté ; la technique, parce il n´y a pas assez de simulation ou l´intégration n´est pas complète. Si la responsabilité principale du chef est d'accomplir avec succès la mission dans le cadre de la loi, il est nécessaire que, avant de décider des ordres à ses subordonnés, il tienne compte des considérations suivantes: attaquer seulement des objectifs militaires ; détruire uniquement ce qui est nécessaire ; utiliser uniquement des subordonnés formés ; donner seulement des ordres que l'on peut contrôler; établir des outils qui permettent d'annuler les attaques, si nécessaire. D'autre part, les unités de l'armée destinées à mener des opérations en appui de la police ont besoin de formation adéquate, d'équipements spécifiques et de toujours connaître les lois à appliquer. Ces lois sont les suivantes : droit international humanitaire, droit international des droits de l'homme et droit national; toutes doivent être complétées par des règles d'engagement, des règles de conduite, les leçons apprises et les restrictions nationales « caveats » . 33 It would not make sense to analyze the importance of teaching military ethics unless we take into account three elements: The use of force by the military in different circumstances, scenarios and requirements; The responsibility of the commander at all times, including the responsibility arising for omissions, and The obligation to fulfill the mission successfully, that is, in terms of nature, essence and time. The difficulties of teaching military ethics arise when analyzing the activity from four points of view: from instructors, for lack of skill, knowledge or leadership; from students, for lack of basis or ideals; from Command, for lack of conviction or will, and from the technique, for lack of simulation or integration. If the main responsibility of the Commander is to accomplish successfully the mission within the framework of the law, this commander, before deciding the orders to his subordinates, has to take into account these considerations: To attack only military assets; To destroy only what is necessary ; To use only trained subordinates; To give only controlled orders, and To set tools that allows canceling the attacks On the other hand, although military people are able to perform police operations, to do that it necessitates not only providing them the appropriate training and the specific equipment, but also clarifying to subordinates which framework of the law they have to use during each task. The framework of the law that is: International Humanitarian Law, International Law for Human Rights and the Domestic Law are complemented with Rules of Engagement, Rules of Conduct, Lesson Learned and Caveats. Introducción Antes de nada quiero expresar el orgullo y la satisfacción de participar en este Seminario tan prestigioso y agradecer, a los responsables de este seminario y de manera especial al General Mompeyss y al Coronel Rossember por darme la oportunidad de compartir con ustedes un tema tan importante y relevante como el de las dificultades en la educación de la ética de los líderes militares. En cualquier caso, me gustaría hacer un par de consideraciones previas: • Aunque obviamente trataremos las dificultades en la educación, tal vez fuera más oportuno usar las palabras restricciones o requisitos, con lo que conseguiríamos ampliar el horizonte de la Educación, porque las dificultades se pueden desplazar o eliminar, pero las restricciones y los requisitos estarán siempre influyendo en el proceso de la educación. • Aunque la palabra líder puede resultar más atractiva, cuando hablamos en términos militares, es mejor utilizar la palabra Comandante, ya que como todos ustedes saben, es la persona investida de la autoridad y responsabilidad sobre su unidad y sus subordinados, incluso en asuntos de Educación Siguiendo las sugerencias del Coronel Rossemberg,. intentaré enfocar la presentación desde una doble perspectiva: por un lado, desde el punto de vista de la OTAN y, por el otro, desde el punto de vista del Derecho Internacional Humanitario (DIH), pues como saben ustedes ,he representado a España en la OTAN en la elaboración de la 34 doctrina sobre Operaciones Militares Distintas de la Guerra, y, desde 1995 pertenezco al poll Officers del Comité Internacional de la Cruz Roja (CICR), para la difusión del DIH. Más allá del DIH y del Derecho Internacional de los Derechos Humanos (DIDH), los Comandantes siempre han tenido dos responsabilidades esenciales: El éxito de la misión y la seguridad de su fuerza. Decimos esto porque mucho antes de que naciera el DIH (1864), y mucho más que los Derechos Humanos (DDHH) fueran establecidos oficialmente (1948), los Comandantes llevaban a cabo las operaciones militares bajo ciertas reglas de conducta, fijadas por ellos mismos; es decir, bajo una ética no escrita. La primera responsabilidad; es decir, cumplir con éxito la misión está relacionado directamente con el DIH, y de manera especial con el principio de Necesidad Militar; en otras palabras, el Comandante usa la fuerza porque la Necesidad Militar le fuerza a hacerlo. La segunda responsabilidad; es decir, asegurar su unidad, está directamente relacionada con los DDHH; en otras palabras, el Comandante es responsable del derecho humano más importante de sus subordinados; es decir, el derecho a la vida. Recientemente, dos decisiones legales han colocado el tema de la Ética y de la Responsabilidad del Comandante en plena actualidad. • La primera, de la Corte Penal Internacional, al incluir el Crimen por Omisión, ya que hasta ese momento, tan sólo era penado el Crimen por Comisión. • La segunda, del Tribunal Internacional para los Crímenes de la antigua ExYugtoslavia, al condenar a Rasim Delic, ex Jefe de Estado mayor del Ejército Bosnio, por no haber tomado las medidas necesarias para evitar un trato cruel contra 12 prisioneros. Contenido Bien, si les parece podemos seguir la siguiente hoja de ruta: • El Concepto de Ética Militar (el uso de la fuerza). Es importante recordar el concepto de la Ética Militar, porque cuando estamos en el entorno militar, la Ética está relacionada con el uso de la fuerza; en otras palabras, las Fuerzas Armadas (FAS) existen para usar la fuerza cuando sea necesario. • Los Parámetros de la Educación de la Ética (campos de las FAS). También es importante estudiar estos parámetros porque, por un lado están relacionados con las posibilidades de las FAS; es decir, del escenario, de la naturaleza de la misión, de las restricciones, etc., y por otro, con el éxito de la operación militar. • Dificultades en la Educación de la Ética (Instructores, Alumnos, Estado Mayor, Técnica), que dependen de los cuatro elementos esenciales mencionados; en cualquier caso, como ya hemos mencionado, las dificultades pueden ser eliminadas 35 con trabajo, planeamiento, estudios, instrucción, ejercicios, etc. pero todos ellos, para ser eficaces, necesitan de la voluntad decidida del Comandante. • Los Medios en la educación de la Ética (DIH, DIDH, ROE, ROC), que constituyen la base fundamental para la legalidad y la legitimidad, siendo los más importantes el DIH, el DIDH, las Reglas de Enfrentamiento (ROE) y las Reglas de Conducta (ROC) y los Caveats o Advertencias. • Herramientas del Comandante (el proceso de la decisión). La Ética está directamente relacionada con la Responsabilidad, por lo que el Comandante necesita de algunas herramientas para controlar la conducta de sus subordinados; por otro lado, la Ética Militar tiene que estar presente a lo largo de todo el proceso de la decisión del Comandante. • Conclusiones. Terminaremos con unas conclusiones a modo de resumen. La Ética del Comandante Sin entrar en discusiones filosóficas profundas, podríamos resumir el concepto de ética militar del comandante, como la conjunción de dos elementos básicos: el uso de la fuerza, obviamente para proteger altos intereses nacionales y la ley, porque fuera de la ley, todo es un crimen. En otras palabras, el Comandante, antes de usar la fuerza tiene que evaluar los efectos que pretende conseguir, los daños que presumiblemente va a generar y los dictámenes de la ley. Para conseguir este propósito, el Cte. Tiene que responder adecuadamente a las preguntas básicas siguientes: • ¿Por qué?. Usar la fuerza sólo porque es necesario defender algo o alguien, ya que un ataque sin el apoyo de esas razones constituiría un crimen. • ¿Dónde?. Usar la fuerza sólo contra objetivos militares, ya que el ataque contra bienes civiles o contra personas civiles es un crimen. • ¿Cuándo?. Usar la fuerza sólo cuando se ha recibido la orden de hacerlo, ya que hacerlo sin la orden encomendada es un riesgo que asume el que toma la decisión, ya que no estaría amparado por el principio de Necesidad Militar. El marco de actuación del Comandante El Cte. es comandante porque tiene la capacidad de decidir; pero para que esta decisión sea exitosa necesita conjugar los siguientes elementos: • El Deber. Es decir, la misión que tiene que llevar a cabo el Cte. Pues el principio de Necesidad Militar depende de él. Por otro lado, el militar no está para hacer la guerra, sino para ganarla cuando tenga que participar en ella; lo que ocurre es que tanto los medios como los métodos están limitados. • La Disciplina. La guerra no se hace explicando las órdenes, porque si esto se aplicara a todos los niveles, la ejecución de las acciones y operaciones militares siempre llegarían con retraso. Por otro lado, la educación que recibe un militar a lo largo de larga carrera y de su formación permanente es que lo habitual es cumplir las órdenes recibidas, y lo excepcional sería negarse a cumplirlas. 36 • El Derecho. Es decir, la ley, pues es la frontera que separa a los profesionales del uso de la fuerza, con los criminales; éstos utilizan la fuerza en su propio beneficio y haciendo caso omiso de la ley, mientras que el profesional aplica la fuerza en defensa de altos intereses y ajustándose en todo momento al marco de la ley. La materialización de la ley se concreta en el DIH, el DIDH, la Doctrina, el Ordenamiento Jurídico Interno, etc. • La Disponibilidad. Con independencia de las apetencias del Cte. éste tiene que llevar a cabo las operaciones con los medios disponibles, con todos los problemas técnicos y servidumbres que tengan. Excepcionalmente el Cte. podría rehusar o, mejor dicho, sugerir que la misión fuera efectuada por otra unidad que, a su juicio, reuniera instrumentos mejores para desarrollar la acción. Parámetros en la Educación de la Ética En términos generales podemos decir que la ética siempre depende del ámbito profesional, por lo que si hablamos de la Ética Militar, ésta dependerá del ejercicio de la profesión militar, que sin duda contiene diferencias importantes entre un país y otro. La educación de la ética militar busca en todo momento un nivel alto de eficiencia ya que, como ya hemos comentado, lo más importante es cumplir con éxito la misión encomendada. En cualquier caso, no podemos hablar de la educación de la ética militar sin analizar los parámetros de la misma y sus componentes: • La Instrucción individual. Tiene dos campos de actuación: el general, como militar que pertenece a un colectivo, como por ejemplo un artillero, y el específico, que depende de los sistemas de armas y de la misión, como por ejemplo el de un artillero de defensa antiaérea. • El Adiestramiento operativo. Es la instrucción que recibe la unidad, como un todo, de acuerdo con los sistemas de armas que tiene asignados. • La Ley. En su sentido más amplio; es decir, la legislación nacional y la internacional. • La Moral. Difícilmente es comparable y más aún cuantificable, pero que obviamente depende más del país, de su historia, de sus tradiciones y de sus principios, que de las personas que están siendo formadas. • La Disciplina. Constituye una herramienta muy importante y su naturaleza y el grado de eficacia depende fundamentalmente de la historia y costumbres del propio país. • Otros elementos. Dentro de este cajón de sastre tendríamos las ROE, ROC, caveats y demás instrumentos que puedan aparecer. Influencia de la Disciplina en la comisión de errores. Tal vez, de todas las herramientas disponibles por el Cte., la disciplina es la más relevante. Como muestra de ello, basta que comparemos los errores que suele cometer una fuerza según esté o no disciplinada. 37 • Errores cometidos por una fuerza disciplinada. En este caso, los errores más comunes son consecuencia de: Ignorancia, la fuerza no sabe con exactitud la tarea que tiene que desarrollar; Incomprensión, los subordinados no han entendido lo que tiene que hacer; Incompetencia, la unidad no está instruida para ejecutar la misión encomendada; Incapacidad, los subordinados no disponen de los medios adecuados para cumplir la misión e Imposibilidad, los requisitos de la misión son tales que hacen imposible ejecutarla, tal y como está definida. • Errores cometidos por una fuerza indisciplinada. En este caso, además de los anteriores errores, los subordinados pueden cometer otros más graves, consecuencia de la Maldad, la Revancha y del Egoísmo o Lucro personal, por lo que nos encontraríamos más que dentro del campo de la ineficacia, dentro del campo del crimen. Las dificultades en la formación de los líderes militares Las dificultades que obviamente son varias, las podríamos agrupar en cuatro según el punto de vista que se tome para analizarlas: • Desde el punto de vista de los Instructores. Las dificultades pueden ser debidas a: falta de experiencia, con lo que el instructor es incapaz de enseñar a los estudiantes como tienen que ejercer el liderazgo; falta de conocimientos, con lo que el instructor es incapaz de transmitir ideas y conceptos, que constituyen el fundamento del ejercicio práctico del líder; falta de liderazgo, con lo que el instructor es incapaz de estimular al alumnos y menos de ejercer de ejemplo. • Desde el punto de vista del alumno (futuro líder). Las dificultades pueden ser debidas a: falta de base en conocimientos, con lo que los alumnos son incapaces de entender y, en consecuencia, de aprovechar las enseñanzas de sus instructores; la falta de ideales, con lo que los futuros líderes son incapaces de valorar la importancia de la tarea que están desarrollando. • Desde el punto de vista de la técnica. Las dificultades pueden ser debidas a: falta de simulación, con lo que las prácticas no se ajustan a la realidad que presumiblemente se van a encontrar los futuros líderes; falta de integración, con lo que el modelo utilizado no cubre todos los escenarios posibles o, al menos, probables, en cuyo caso no asegura una reacción apropiada en determinadas situaciones. • Desde el punto de vista del Mando. Las dificultades pueden ser debidas a: falta de convicción, con lo que el mando considera que este tipo de enseñanzas no son importantes; falta de voluntad, quizás la más grave, porque el mando considera que este tipo de enseñanzas o conocimientos éticos pueden resultar negativos durante el ejercicio de la fuerza. Herramientas e instrumentos para la Educación de la Ética Militar. 38 La experiencia nos dice que las herramientas más eficaces en este tipo de formación están dentro del ámbito de la normativa; así, encontramos las siguientes: • Derecho Internacional Humanitario. Hasta ahora, la eficacia del DIH, durante el desarrollo de las operaciones militares, ha sido evidente; de manera especial para hacer legales estas operaciones. Sin embargo, hoy en día, han aparecido nuevos actores armados, nuevas técnicas, nuevos sistemas de armas, etc., que tal vez sugieran la necesidad de una actualización del DIH. En cualquier caso, la responsabilidad del Comandantes siempre estará bajo este cuerpo de ley. • Derecho Internacional de los Derechos Humanos. Debido a que las FAS tienen la posibilidad de operar en apoyo a la Policía, los Derechos Humanos constituyen una herramienta muy importante durante el planeamiento y la conducción de este tipo de operaciones; en otras palabras, las FAS necesitan el DIDH para la ejecución de las operaciones relacionadas con el espectro policial. • Las Reglas de Enfrentamiento. Constituyen un instrumento que facilita el trabajo, sobre todo cuando actúan ejércitos de diferentes países y evitan errores en la toma de decisiones en los niveles intermedios del mando, sobre todo en los casos en los que hay fallo parcial o total de comunicaciones. • Las Reglas de Conducta. Son unas herramientas muy útiles para la normalización de los comportamientos de los diferentes contingentes, cuando llevan a cabo operaciones de apoyo a la paz, en escenario con diferentes culturas, educación y tradiciones. • Caveats. Estas advertencias las utilizan los países para adaptar las Reglas de Enfrentamiento y de Conducta con el Ordenamiento Jurídico de cada país y con sus intereses políticos. • Lecciones Aprendidas. La Ética Militar aprovecha las lecciones aprendidas para modificar las doctrinas, los manuales de empleo, la instrucción y la formación. Los Campos de actuación de la Ética en las Fuerzas Armadas Aunque las FAS no han sido creadas para desarrollar Operaciones de Apoyo a la Paz, extinguir incendios o apoyar a la Policía, se usan para éstas y otras tareas similares, porque están formadas, equipadas e instruidas; y obviamente resulta mucho más económico utilizarlas cuando es necesario, que reclutar, instruir y equipar a un nuevo colectivo. Por otra parte, las FAS constituyen un colectivo jerárquico y disciplinado que puede ser utilizado para usar la fuerza con independencia de la naturaleza y del escenario donde se desarrolle la misión. Las FAS, por lo tanto, pueden ser utilizadas como: • Una Fuerza Militar en una Operación Militar. En este caso, tanto el cometido de la misión como la finalidad perseguida tienen naturaleza militar. 39 • Una Fuerza Policial en una Operación Policial. En este caso, tanto el contenido como la finalidad perseguida tendrán naturaleza policial. • Una Fuerza Militar en apoyo a una Fuerza Policial. En este caso el cometido tendrá carácter militar, mientras que la finalidad será policial. Este razonamiento previo es importante porque, según la naturaleza de la misión serán las reglas o normativas a emplear. • En el primer caso la normativa a emplear con carácter prácticamente exclusivo será el Derecho Internacional Humanitario. • En el segundo caso se aplicará el Derecho Internacional de los Derechos Humanos. • En el tercer caso, que es el más complejo, se aplicarán las dos normativas, dependiendo de la tarea y del escenario. Por esta razón, el Comandante deberá ser en todo momento claro y exacto en las órdenes emitidas y de manera especial en las Instrucciones de Coordinación, donde tendrá que establecer los canales apropiados para clarificar las posibles dudas que surjan, en tiempo útil. Las Fuerzas Armadas versus las Fuerzas Policiales Ya hemos mencionado que las FAS pueden ser utilizadas en misiones policiales o en misiones militares en apoyo a la Policía. Lo que está claro es que para hacerlo no es suficiente un nuevo equipo, y una muy clara Orden de Operaciones u Orden de Servicios; incluso tampoco sería bastante recibir unas nociones básicas sobre las nuevas tareas a desarrollar. Y esto es así, porque el escenario, la conducta y los elementos circundantes son muy diferentes. Así por ejemplo, si comparamos ambas actuaciones, las diferencias en algunos aspectos más que importantes son copernicanas: • Mientras las FAS habitualmente neutralizan un objetivo, la Policía sirve a las personas. • Mientras que las FAS atacan con su fuerza, la Policía protege • Mientras que las FAS tienen enfrente enemigos, la Policía tiene a ciudadanos • Mientras que las FAS actúan a distancia, cuanto más mejor, la Policía tiene que actuar en proximidad, también cuanto más mejor. • Mientras que las FAS hacen uso del camuflaje y de la discreción, la Policía actúa con la mayor visibilidad posible. • Mientras que las FAS hacen uso de la fuerza contra una amenaza, la Policía sólo la emplea en defensa propia o en defensa de los ciudadanos o instalaciones a los que se les ha encomendado su protección. • Mientras que las FAS aplican habitualmente el DIH y excepcionalmente el DIDH, la Policía aplica normalmente el DIDH y excepcionalmente el DIH. El Proceso en la Toma de Decisiones 40 La aplicación de la Ética por el Comandante tiene su momento álgido cuando toma una decisión; pues bien, al objeto de evitar o minimizar errores, el Comandante debe seguir un proceso que le facilita la elección de la línea de acción más adecuada, aceptable y practicable. Esto se consigue con un cuestionario normalizado que obviamente se ajuste a la normativa; en este caso, al Derecho Internacional Humanitario. Después que el Comandante ha seleccionado un objetivo se pregunta así mismo si cumple o no el principio de necesidad militar, y si su neutralización proporciona una ventaja militar. Una respuesta negativa a cualquiera de estas dos preguntas obligaría a olvidar el objetivo y seleccionar otro nuevo. En el caso de que ambas respuestas fueran afirmativas, el Comandante decide el grado de neutralización sobre el objetivo, e inmediatamente se pregunta si tiene o no las armas adecuadas para alcanzar ese grado de neutralización. En caso negativo buscaría las armas adecuadas o cambiaría de objetivo, si fuera imposible conseguirlas. Analiza a continuación si los daños colaterales son proporcionales; en caso contrario buscaría el modo de minimizar los daños, porque si no pudiera debería seleccionar otro objetivo. Por último, aunque por supuesto no es lo menos importante, analizaría el proceso de la misión para estudiar si sus órdenes pueden ser controladas en todo momento. Si no fuera así, buscaría otros procedimientos de control de la orden. Esto es tan importante, que si no los encontrara tendría que volver de nu8evo a la selección de otro objetivo. Obviamente, si la respuesta fuera afirmativa se procedería al ataque. Los Caveats Ya hemos mencionado con anterioridad que los caveats los usan los países para mantener sus intereses políticos cuando sus fuerzas están actuando conjuntamente con las de otro país. Los caveats se generan a través de dos procedimientos, dependiendo si la misión es militar o policial. En el primer caso, el inicio del caveat está en el DIH, que un organismo internacional como por ejemplo la OTAN, tiene en cuenta, primero para redactar la Orden de Operaciones y después para acordar las Reglas de Enfrentamiento que se consideran apropiadas para la misión. En el segundo caso, el inicio del caveat está en el DIDH, que un organismo internacional, como por ejemplo la Unión Europea, tiene en cuenta primero para redactar la Orden de Servicio, y posteriormente para establecer unas Reglas de Conducta, apropiadas para la tarea a desarrollar. En ambos casos, llegados a este punto, cada país analiza las ROE y las ROC bajo el prisma del Ordenamiento Jurídico Interno y de sus propios intereses para redactar los mencionados caveats. Conclusiones 41 A modo de conclusiones podríamos decir que la Ética Militar y su estudio no tendrían sentido si no existieran la responsabilidad del Comandante, la necesidad de usar la fuerza y la exigencia de cumplir la misión con éxito. Con objeto de combinar adecuadamente estos tres conceptos, el Comandante debería tener en cuéntalos siguientes principios: • Atacar exclusivamente los medios y elementos de naturaleza militar • Generar los daños menores posibles que cubrieran las necesidades de la misión encomendada • Utilizar en la operación exclusivamente al personal entrenado para ella y para los sistemas de armas que van a operar • Impartir sólo aquellas órdenes que puedan ser controladas en su duración e intensidad • Establecer herramientas que permitan resolver las dudas fundadas e importantes que surjan durante la operación. • Diseñar instrumentos válidos que permitan en todo momento impedir que un error cometido se prolongue en el tiempo. 42 Responsibility for our unique Union, par le Professeur Zdzislaw Najder, président du Club de Weimar, Pologne. Aujourd'hui, la cohésion de l'Union est remise en question par la pire crise de son histoire, crise majeure qui nous renvoie aux questions essentielles. Quels sont les objectifs de l'Union ? Les pères fondateurs ont voulu créer une nouvelle réalité humaine, contre Darwin, contre la loi de la jungle. Cette nouvelle entité ne poussera pas comme un arbre sauvage. Il faut la protéger contre les épreuves du temps, comme la cathédrale de Strasbourg ou le retable de Colmar. Comme toute la civilisation humaine, négligée, elle peut rapidement tomber en ruines. La volonté des pères fondateurs était d'éliminer la violence, pas seulement militaire, et de régler les différents par la négociation, de remplacer la guerre par la coopération et la solidarité. Or on a laissé trop de place aux intérêts particuliers et aux forces du marché. Mais il ne faut pas écouter les oiseaux de mauvaise augure qui prédisent la fin de l'intégration. Nous pouvons, si nous menons un effort concerté, tirer les leçons de cette expérience et surmonter cette crise. Le mot de fédéralisme n'est pas approprié. L'Europe est une communauté unique d'Etats nations souverains. Le terme de communauté imaginée vient à l'esprit. Pourquoi pas? Mais il a déjà été utilisé par Benedict Anderson pour définir la Nation. Au final, nous partageons des frontières, une monnaie pour beaucoup, la plupart des lois, des libertés, une protection sociale. Alors que voulons nous de plus ? Our conference has as its central theme responsibility. This theme is turning out very topical. Indeed, we must all feel responsible, whichever is our own turf, in face of the current crisis of the euro and of the Union – the deepest crisis, and worst understood, since the beginning of the great process of European integration in mid-XXth century. We all, as citizens, bear responsibility for understanding what is at stake, for not remaining passive witnesses – who may easily turn into victims. I think that the crisis forces us to go back to the basics, to ask fundamental questions – not only about the future of the euro, but about the UE itself. What main objective was it supposed to achieve originally? Has it been assured for ever, irrevocably? I year ago at our last meeting here I said: “Contemporary Europeans rarely realise the importance of the date of 18 April 1951. On that day Belgium, Federal Republic of Germany, France, Italy, Luxembourg and the Netherlands signed the treaty, which established the Community of Coal and Steel. Ever since (and let us hope: for ever) an armed conflict between the member states has become impossible 43 not only legally, but practically. This happened for the first time in European history. For the first time in the history of all continents, in fact.” Right now there seems to be no imminent danger of a war between Europeans. But the cohesion of the union is being questioned. What is supposed to hold it together? And if it splits, what will be the rules of mutual behaviour? Nobody seems to dare to ask. There are no precedents. But then, we have to realise that we are dealing with unprecedented relations within an unprecedented structure. What was formed sixty years ago by the Founding Fathers was a piece of a new, consciously created human reality. Against Darwin, against the laws of nature, of which the law of the jungle is the purest form. And this new entity will not grow like a wild tree – because it is artificial. “Artificial” in the same sense as artificial are great works of art, like the Strasbourg cathedral or Matthias Grünewald’s Isenheim altarpiece in Colmar. They have to be preserved from the ravages of time and weather, from dampness, moss, parasites. They are like the entire human civilisation: neglected, they would easily fall into ruin. The twentieth century witnessed several almost total destructions of particular civilisations: in the late Soviet Union, in South-East Asia. What was the fundamental objective of the founders of our Union? To eliminate violence, and not only in military form, from relations between European countries. To settle differences through communal negotiations; to replace wars by cooperation and solidarity. And European Communities, which have muted into the present Union, have had a tremendous success, giving to Europe a very high level of economic development and sixty years, so far, of unprecedented peace. But Pierre Hassner reminds us, in the last issue of the Revue du Défense Nationale, the words of Karl von Clausewitz’s that war – that is, violence not regulated by law- is like a chameleon: it changes shape. In 1951 economic means were used to achieve political ends. And later those economic means were left, more or less, to their own institutional resources. It has now become clear that too much has been left to the play of particular interests and to “market forces” – which are a part of nature (and wouldn’t produce a single ramp for handicapped…). The euro was supposed to be, as well as were, for instance, structural funds, a means to facilitate economic transactions and of lessening possible tensions between member countries. However, as early as in 1997 Jacques Delors warned of forthcoming trouble if monetary integration was not supplemented with structures coordinating the economic policies of particular members of the Union. Now we hear that Chancellor Angela Merkel, and the German minister of finance Wolfgang Schäuble demand a quick make-up for that failure, in the form of inter-governmental agreements. 44 To read some recent commentaries, especially in American and British press, this is just a bout of panic to contain the unavoidable and catastrophic fire. For example, according to Dr Nile Gardiner from Margaret Thatcher Center for Freedom, Washington, DC, Europe may have a future as a free trade area, but an integrated Europe with a common currency is a phantom invented by politicians,– a folly of our times, impossible to continue in its designed form. Therefore, according to Eurosceptics, all present efforts to resolve the problems within the UE structures are doomed to failure. I do not agree with these doom sayers. The present crisis may, if we make a concerted effort, be faced as a bracing experience, a trial by fire. After all, insufficiency of existing governance structures for present-day challenges is not a charge levelled only against the EU. Professor Lawrence Lessig of Harvard University in his recent book Republic, Lost, writes that not only the efficiency, but the very basics of the central institutions of the US are questionable. Americans are groping in the dark, like a ship without a steering gear. Witness the current budgetary stalemate within between the White House and the Congress. Most observers agree that in Europe the needed communal institutions do not [yet] exist or are too weak. Nearly all important decisions have still to be taken, piecemeal, by national governments. And hence the uncertainty and suspicion: is Frau Merkel doing it for the EU or just for the Federal Republic? Is President Sarkozy acting in the interest of France, or his own office, or of the EU as whole? New rules, new decision-making procedures, and new institutions are postulated. We ought to assess them all from the point of view of their general purpose: to lessen conflicts and tensions, to facilitate concerted development. That means to return to the substantial and, after Maastricht, often neglected, issue of the finalité. Directives, exemptions, regulations, prerogatives, competences, pillars, all that often abstruse terminology has obscured the essential: all the structures of the EU ought to be instruments of achieving a central purpose. Our common goal in Europe remains the same as it was at the start of integration: to preserve both the traditional national and local identities – and to strengthen the newly developed culture of cooperation and solidarity. We wish, in one word, to keep nourishing our great political work of art, now 60 years old. And I believe that the only means to approach that goal – which is, and will always be, movable, since it exists in historical, dynamic time – is an ever closer union. How should we define it? Even now, before the necessary adjustments and a general approfondissement the union remains a body extremely difficult to classify, simply because it happens for the first time. Different and varying terms have been used, like federation (a scary name for some, an ideal for others). They are all inadequate, because the EU is a unique community of sovereign nation-states. 45 The term “imagined community” comes to mind. Why not? It is a community of sovereign countries, and it holds together to large degree thanks to our imagination. But this very term has been made well known by Benedict Anderson who defined a “nation” as an “imagined community”. Well, we share the frontiers, many of us – the currency, we share much of the law, all civil liberties, health service, innumerable norms and regulations. Mein Liebchen, was wills du mehr? 46 Caveat Emptor or Caveat Venditor? Balancing EU citizens’ support with the difficulties posed by national restrictions placed on committed forces, by Monsieur Bruno Reynaud de Sousa, (DECIDE-Portugal). Les restrictions nationales (caveats), en particulier sur les règles d'engagement, ont un effet négatif sur l'efficacité de la mission, ainsi que, en retour, sur la perception de l'opération par les opinions publiques. Elles sont prises pour des raisons de politique intérieure nationale ou justement pour satisfaire les opinions publiques, ce qui est paradoxal. Elles permettent surtout de réduire les risques de pertes humaines mais privent le chef multinational de souplesse et ont un impact négatif sur les soldats. Elles sont la source de frictions entre les alliés, en particulier pour ce qui concerne le partage équitable des charges (burden sharing). Elles peuvent même donner un avantage tactique à l'ennemi qui peut les exploiter. Réalité incontournable, nécessaires, elles créent une sorte de cercle vicieux qui, par la réduction d'efficacité de la mission qu'elles entraînent, conduit à une perte de confiance de l'opinion publique pour laquelle elles ont été imposées. Il faut donc trouver le bon équilibre entre elles et l'objectif qui est le succès de l'opération. What do we mean by caveats? Derived from Latin, the word caveat literally means “let him beware”. While caveat emptor is a legal conception according to which the “buyer” is liable for all defects of the goods purchased, caveat venditor expresses the exact opposite: the “seller” bears all responsibility, therefore has to compensate the buyer in full. However, when implied in the security and defense field, the word caveat is associated with a restriction placed by a State – either by the government, or, the national parliament of the State in question – on the use of national military forces, committed in the framework of an engagement (NATO or EU framework). As this paper will demonstrate, caveats, due to their inherent restrictive nature, deprive the field commander of achieving a higher degree of flexibility and are, therefore, susceptible of having a negative impact on the overall mission efforts. In addition, as the paper will further advocate, caveats hold the potential of negatively influencing the way the military engagement is perceived by the EU citizens as whole and the nationals of the contributing EU Member State. 47 If we think about EU Member States’ governments as the “sellers”, and EU citizens as the “buyers”, with military caveats or restrictions3 as the object of the transaction, the question then becomes: which one is liable for the impacts caveats may cause? Although caveats are undeniably necessary to fulfill Public International Law requirements for military engagements, they may also serve the purpose of safeguarding the national governments – against different types of risks and because of different types of motivations. For example, caveats can be clear-cut instructions. In the case of some countries, the senior officer of the contingent on the field holds the discretionary power to activate or invoke a caveat. In the case of other countries, caveats are set as preconditions. Here are some examples: Confinement to a specific locale; No authorization to participate in joint operations with local forces; Time limit on holding prisoners; or, No authorization to conduct nighttime operations. Another type of caveat is linked to capabilities. Here are some examples: Patrolling missions not authorized unless conducted in armored vehicles; or, No authorization to transport military from other countries on own committed vehicles. No one would dispute the fact that Rules of Engagement (ROEs) are an undeniable requirement that needs to be fulfilled and a sine qua non condition for the conduct of any and all military operations under Public International Law. Nevertheless, highly restrictive ROEs may also be perceived as caveats. When considering ROEs that strongly limit the use of force, one could pose the question of knowing if there is a limit after which restrictive ROEs act, in practice, as caveats. This question comes to mind especially when considering use of force restrictions such as: “No license to kill”; or, Use of force strictly limited to self-defense – which means that the contingent cannot use “overwhelming force” besides being barred from pursuing hostiles. As this paper will demonstrate, caveats, due to their inherent restrictive nature, deprive the field commander of achieving a higher degree of flexibility and are, therefore, susceptible of having a negative impact on the overall mission efforts. This, in turn, 3 There are those who distinguish between caveat and restriction, the logic being that the former is less restrictive than the latter. Here the term is used interchangebly. 48 influences the way the military engagement is perceived by the EU citizens as whole and the nationals of the contributing EU Member State. Why do EU Member States impose caveats? The reasons that lead EU MS to impose caveats on committed forces may be linked to two reasons. While on the one hand they may be related to the internal political process of the contributing nation, on the order hand they may be related to public opinion; or even a combination of both these reasons. However, the undeniable and underlying practical reason for the imposition of caveats is that such restrictions reduce the exposure of military forces to mission hazards on the field, therefore reducing the risk of casualties. Presently, a country’s contribution towards a military engagement is not free of controversy. Support for the country’s participation, as well as for the military engagement or the mission itself, is not consensual, neither at the political level, nor at the public’s level. Therefore, should the national contingent sustain any casualties, the State’s government is exposed to the political exploitation of the fact by the opposition parties. This, in turn, may cause a political backlash and a decline in approval ratings by the citizens. Moreover, nowadays the military is outmatched by the international media, which can broadcast news almost instantaneously and across different platforms, while portraying a negative image of the military more often than not. Conversely, the assumption that political elites take public support into consideration when deciding to contribute towards a military engagement may also be challenged. A pre-condition for this argument to hold true is that the State’s government manages to secure that the country’s main political elite does not actively oppose the nation’s commitment and support for the military engagement. Politicians, unlike the military, plan for the short to medium-term, i.e., the electoral cycle. Accordingly, the opposition might agree, in principal, with the military engagement in view of future foreign political and diplomatic gains should a political shift take place in the country. In this case, disagreements between the government and the opposition will only be limited to the specifics of the country’s contributions towards the military engagement. Equally, there are examples of governments reinforcing their participation and increasing troop numbers even as domestic support for the engagement declines (case and point: France). What kind of impact(s) can caveats produce? 49 Caveat impact may occur at three levels: Political; National/Domestic; and, Operational. No one would dispute the fact that caveats are the main source of friction among NATO allies. The main impact caveats have is that they deprive the mission of a higher degree of flexibility. Briefly, the field commander is hindered in the deployment of its assets on the field, which cannot be accomplished in the most effective way. Consequently, on top of the daily conduct of operations, the operational HQ is burdened by the fact that he has to manage the interactions between caveats and the frictions they provoke between the different national contingents. Hence, taking into account that one well-known caveat is the geographical limitation of the national contingent to a specific region or area of the theatre of operations trooprelated caveats have perhaps the most significant impact in the day-to-day conduct of operations. Lastly, when considering the contributions towards operations launched in the framework of the NATO alliance, caveats bring to the fore the perennial burdensharing debate. In practice, restrictive countries have a lower degree of engagement and therefore a lower degree of sustaining casualties than less restrictive or caveat-free countries. Caveats impact in practice: EU MS engagement in Afghanistan Operational/field level Caveats have a significant impact at operational/field level: • Less coordination and union between different national contingents and Afghan National Army (ANA) troops in the conduct of operations, and, joint or combined operations; • ROEs only allowing self-defense (ex:. “no license to kill”; authorization to arrest only; no authorization to pursue and terminate hostiles once engaged) translate into a tactical advantage for the enemy; • Lack of support can disturb reconstruction efforts (the particular case of restrictions preventing participation in demining operations, which are crucial to tackle the IED threat); 50 • • • Lack of support can disturb the conduct of operations (restrictions on the use of – or even the lack of – transport helicopters means that troops have to displace by road which increases the exposure to IED attacks); Reluctance to engage in counter-narcotics operations; Limits to combined operations with ANA troops coupled with geographical/displacement restrictions, have as consequence that “training advisors” (which differ from “combat advisors”) cannot accompany their own ANA teams if these are redeployed to an off-limits area of the theatre of operations. Domestic level: public perceptions The main impact for the domestic public stems form the fact that caveats undermine the overall success of the mission. Firstly, they cause friction and disagreement among allies. Secondly, they contribute to the perception that the mission is underachieving. Taking into account that the public support for the military engagement might not be very high in caveat-prone EU countries that impose caveats, both those arguments joined together lead the public to further disapprove of their country’s engagement. A particularly good example is the absence of some EU NATO Allies of counternarcotics operations due to caveats. For several years now, the EU media has portrayed Afghanistan as the main producer of heroin and the programs aimed at providing incentives for farmers to move away from the opium culture are a well-known part of the reconstruction efforts. Official data provided by the European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction4 show an increase in the numbers of opioid users, opioid related deaths and opioid related criminal offenses in European countries. Therefore, a caveat barring national contingents of participating in operations designed specifically to tackle the opium production and trafficking problem – literally at its root – might very well be 4 “The average prevalence of problem opioid use in the European Union and Norway is estimated to be between 3.6 and 4.4 cases per 1000 population aged 15–64. This corresponds to some 1.35 million (1.2 million–1.5 million) problem opioid users in the European Union and Norway in 2008 (101). This estimate includes users in substitution treatment, but prisoners, especially those with longer sentences, may be under-represented […] Focusing on a more recent time frame, the number of primary opioid users entering treatment increased in 11 countries between 2007 and 2008. For those entering treatment for the first time, the overall upward trend levelled off in 2008, though six countries still reported increased numbers. Data on drug-induced deaths in 2008, which are mostly associated with opioid use, provide no indication of a return to the decreasing trend observed until 2003 (see Chapter 7). Over half of the reporting countries recorded increasing numbers of drug-induced deaths between 2007 and 2008. The number of heroin seizures in Europe has also increased since 2003, while the quantities seized have decreased in the European Union. The change from a downward to an upward trend reported last year in heroin-related offences is now confirmed, with increases over 2003–08 in most European countries reporting sufficient data.” See Annual Report, 2010, EMCDDA, Chapter 6, pp. 71 onwards. 51 difficult to grasp for the average EU citizen. Perhaps more important is the fact that an opportunity to deliver a positive outcome for EU public opinion is being lost. Furthermore, as official UN data for 2009 show5, there is a clear difference in opium production between the regions where caveat-burdened troops operate vis-à-vis the regions where other national contingents troops conduct counter-narcotics operations. The issue begs some questions: If the domestic population’s perception is that the troops are under-achieving, then when casualties occur isn’t the domestic level backlash more powerful? Aren’t the casualties then perceived as a very high cost for the country to accept in exchange for what citizens perceive as an “invisible outcome”? If the main motivation behind the imposition of caveats is to reduce the risk of casualties in order to safeguard the public support for the mission, isn’t the under-achievement caused by caveats decreasing support in similar way? Isn’t the result the same in terms of domestic support, than if countries opted for looser restrictions or caveats, therefore allowing contingents to be more flexible and thus more effective – even if sustaining higher casualties? Wouldn’t stronger overall results compensate for the increase in the risk of casualties? No one would dispute the fact that, as regards ISAF and OEF, one of the challenges for the NATO alliance seems to be measuring the success of the mission. An even bigger challenge seems to be communicating success to EU (and US) citizens. Furthermore, this challenge is made even more difficult given the 21st century dynamics of the media: an event taking place in the field is almost instantly broadcast to domestic audiences – in some cases these are events which reflect negatively on the mission. The main difficulty then becomes EU citizens perceiving the mission as a limited engagement from the start, associating it with very high costs resulting in ungraspable results – regardless of casualties ever occurring. What is the real impact of caveats? The case of Afghanistan still is the best example of the different impacts caveats may cause, mainly because it brought to the fore the biggest existing friction among NATO Allies: burden-sharing. While on the one hand the imposition of caveats is sine qua non condition in order to allow the biggest EU Member States to be engaged in NATO “out of area” operations, on the other hand the overall main consequence of caveats is that they exacerbate well-known burden-sharing tensions. 5 See UNODC, Afghanistan Opium Survey 2009, Summary Findings. 52 The link between the “burden-sharing debate” and caveats was recently made apparent again during NATO’s Operation Allied Protector. Briefly, in what could be seen as a reversal of roles – the rule being caveats coming from EU NATO Allies – it was the USA who denied assets towards NATO efforts – more precisely A-10 “Thunderbolt” aircraft, the best suited to provide close air support. In addition, friction among contributing nations (EU and NATO level) makes an already complex issue to understand even more complicated to grasp by the average EU citizen. Crucial to this argument is the fact that EU citizens have different levels of threat awareness and threat perception depending on their country. No one would dispute the fact that Spanish or U.K. citizens have a higher threat perception and threat awareness when compared to Portuguese citizens. Overall, one could even say that issues related with terrorism do not carry much weight with a majority of European citizens, nor do they figure as a priority for most political elites – especially as the consequences of the global financial crisis worsen. Another recent example comes from counter-piracy operations off the Somali coast – Ocean Shield (NATO) and ATALANTA (EU). Both engagements provide a good example in the sense that highly restrictive ROEs and stringent standard operating procedures (for example obtaining field command authorization to board suspicious vessels) coupled with the practice of catching and releasing pirates may be an approach difficult to grasp for EU citizens. However, the almost complete absence of a working legal infrastructure capable of supporting counter-piracy efforts cannot be overlooked. Caveats also beg the question of ascertaining “irreparable damages”, i.e., the negative impact on the EU public’s willingness to support future military engagements. In undermining the success of the mission and therefore portraying the military as under-achieving, caveats can contribute to the emergence of an EU public opinion, which is outright biased against military engagements. This is of special relevance if one takes into account the end of conscription or mandatory military service in the majority of EU Member States. There is certainly cause for concern when considering that young Europeans will, in the very near future, have virtually no first-hand contact with their national armed forces and will only be made aware of their mission and purpose through the lens of a media which seldom portrays any of the successes achieved. Caveats are a necessary and constitute a reality EU governments will have to learn to better deal with in order to find more effective ways of coordinating objectives, commitments and capabilities. 53 Crucially, governments should be mindful of the fact that caveats also have an impact on the soldiers themselves, impacting perceptions of the mission, troop moral and the “operability” of committed national forces. Therefore, EU governments need to work together to find solutions to balance: - The need for caveats; - The need to ensure the highest degree of coordination, effectiveness and cohesion among contributing nations; and - The need to gather, maintain and increase EU citizens’ support – not only for the military engagements of the present but, crucially, for the national armed forces themselves and their future military engagements. In conclusion, caveat venditor. 6. Questions for further consideration Do caveats originate a kind of vicious circle whereby leading to reduced effectiveness on the field generates shortcomings which in turn contribute to a misperception of the value of being militarily engaged in the minds of EU citizens? How will the end of mandatory military service in most EU Member States influence the way young European citizens perceive their national armed forces, their mission, purpose and engagements (at national, CSDP and NATO levels)? How big of a decline in EU citizens’ support for the armed forces will be caused by the EU financial crisis and the need for budget cuts? How will budget cuts on national defense budgets influence the already different levels of threat awareness and threat perception among EU citizens from different EU Member States? 54 La Politique de Sécurité et de Défense Commune est-elle perçue comme légitime ? Les opinions publiques et les parlements nationaux face à la PSDC: une comparaison franco-allemande, par Madame Delphine Deschaux-Beaume6 [email protected] Comparing the role of the French and German Parliaments allows to better understand the challenges faced by the Common Security and Defence Policy (CSDP) in terms of democratic control. In Germany, two articles of the Fundamental Law are contradictory, but, after an intense debate, the Karlsruhe Constitutional Court stated that external operations, under a UN mandate outside NATO area, is in accordance with the Fundamental Law, if a preliminary agreement at a simple majority has been given by the Parliament. While the chief of the Armed Forces is in Germany the Ministry of Defence, it is the President of the Republic in France. In France, the control by the Parliament is minimal. Only since 2008, there is a vote in the Parliament on each external operation, after it has started. The Bundestag has a major role on CSDP and there is a direct link between the Parliament and a public opinion who remains reluctant to military operations. In France the Parliament has a minor role and there is a global consensus on Defence. Lastly, the European Parliament, who could take over from the National Parliaments has no control at all on CSDP, on EU common Defence budget and operations. CSDP remains strictly intergovernmental. The key issue is then the transfer of the parts of sovereignty required by a future European Defence. En matière d’usage de la force armée, la construction de la politique européenne de sécurité et de défense (PSDC) est loin d’avoir impulsé un mouvement de convergence entre les pratiques parlementaires des différents pays européens. Les différences tant matérielles qu’idéologiques restent importantes en matière de légitimation des opérations militaires devant les opinions publiques européennes, et en particulier devant les parlements. Or les opérations européennes sont devenues un enjeu crucial pour la crédibilité de la PSDC. Dès lors, comparer le rôle des parlements français et allemand en la matière permet de mieux saisir les défis auxquels se heurte aujourd’hui l’Europe de la défense en matière de contrôle démocratique. Après avoir étudié les structures du contrôle parlementaire en matière de défense en France et en Allemagne (I), cet article analysera l’articulation des pratiques parlementaires nationales avec la 6 Docteure en science politique, je suis chercheure associée PACTE- (IEP de Grenoble), enseignante à l’IEP de Grenoble et chargée de recherche au sein de l’ONG Ecole de la paix. 55 politique européenne de défense (II)., pour conclure enfin sur le rôle lacunaire du Parlement européen, instance démocratique de l’Union Européenne par excellence. I. Les structures du contrôle parlementaire en matière de défense en Allemagne et en France La nature intergouvernementale de la PSDC soulève la question des différences de contrôle parlementaire des affaires militaires, et plus particulièrement des opérations, dans les Etats-membres. A. Le cas allemand : une armée parlementaire (Parlamentsarmee) L’Allemagne s’est, après 1945, dotée de dispositions constitutionnelles contradictoires qui ont eu pour effet de verrouiller les possibilités d’emploi de la Bundeswehr en dehors du territoire couvert par l’OTAN jusque dans les années 1990. • Des dispositions constitutionnelles contradictoires L’article 87a7 de la Loi fondamentale soumet l’engagement extérieur de troupes allemandes à une autorisation constitutionnelle, tandis que l’article 248 affirme la responsabilité allemande dans le cadre du système de sécurité collective, et n’interdit pas les interventions extérieures. Or dans le cadre d’action envisagé par la politique européenne de défense, il est devenu évident que les modalités d’intervention dépassent les frontières de la zone d’intervention otanienne dans le règlement de conflits régionaux. Avec la chute du Mur de Berlin, la question de l’implication de l’armée allemande dans la sécurité européenne et internationale a été soulevée. A l’été 1992, la coalition conservatrice au pouvoir et l’opposition sociale-démocrate ont conduit des débats au Bundestag sur l’opportunité d’envoyer des pilotes allemands en Bosnie dans le cadre d’une mission de l’OTAN. Mais la cour constitutionnelle de Karlsruhe avait refusé dans un jugement du 8 avril 1993 que des soldats allemands participent à l’intervention otanienne sur la Bosnie. Le problème essentiel était l’opposition interne sur le sujet en Allemagne : la CDU et la SPD, les deux partis majeurs de coalition gouvernementale, se divisaient autour de la question des missions 7 Article 87a, al. 2 : « En dehors de la défense, les forces armées ne doivent être engagées que dans la mesure où la présente Loi fondamentale l'autorise expressément. ». Loi fondamentale allemande du 23 mai 1949, www.leforum.de/fr/fr 8 Article 24 : « A des fins de protection de la paix, la République fédérale a le droit de s’intégrer dans un système de sécurité collective, renonçant par-là même à certains de ses droits souverains afin d’œuvrer à l’instauration d’une paix stable en Europe et dans le monde. » Ibid. 56 humanitaires et de maintien de la paix. A l’été 1992, la SPD a proposé un amendement de la Loi Fondamentale afin de permettre à la Bundeswehr de participer aux missions de maintien de la paix, et le premier contingent allemand jamais envoyé hors zone de l’Alliance atlantique le fut en Somalie en 1993 (UNOSOM II). • Un dispositif de contrôle parlementaire contraignant La contradiction entre les articles 87a et 24 a finalement été tranchée par un jugement historique de la cour de Karlsruhe le 12 juillet 1994, au terme d’un débat politique intense au parlement entre sociaux-démocrates, libéraux et démocrates chrétiens : la Cour a jugé la participation de soldats allemands à des missions militaires extérieures sous l’égide de l’ONU et en dehors de la zone géographique de l’OTAN conforme à la Loi Fondamentale de 1949, même si ces missions impliquent un recours à la force. Néanmoins, selon les dispositions de la Loi fondamentale, le Bundestag doit approuver à la majorité simple tout engagement de l’armée allemande dans une opération extérieure, qu’elle soit militaire ou humanitaire (article 87a). De même, toute intervention de la Bundeswehr doit immédiatement cesser si le Bundestag ou le Bundesrat le décident (article 87a)9. La commission parlementaire sur la Défense exerce un contrôle effectif sur le gouvernement en la matière, en préparant non seulement les débats sur la défense au Bundestag, mais aussi en disposant du droit de constituer une commission d’enquête appelée à dialoguer avec le chef d’Etat-major des armées ; cette commission est d’ailleurs tenue d’enquêter sur tout fait militaire si un quart de ses membres en fait la demande (article 45a). Par ailleurs, les militaires allemands disposent d’un système de représentation au Bundestag à travers le commissaire parlementaire aux forces armées (Wehrbeauftragte ; article 45b), constituant un accès direct au parlement sans équivalent en France10. Enfin, comme dans toutes les autres démocraties européennes, le Bundestag est amené à voter l’adoption du budget de la défense dans le cadre des lois de finances. 9 La Loi Fondamentale définit, outre l’emploi de la Bundeswehr pour la défense du pays (article 87a §2.2), des possibilités très strictement circonscrites d’emploi des forces armées allemandes en interne en cas de tension ou pour la défense d’objectifs civils et pour des accidents extraordinaires (article 87a §3.3). Leur emploi en interne doit être approuvé à une majorité des deux tiers par le Bundestag, et la déclaration de l’état de défense (Verteidigungsfall) requiert l’approbation du Bundesrat. 10 V. RUHL (Lothar), Sicherheitspolitik : nationale Strukturen und multilaterale Verflechtung, pp.91-96, in EBERWEIN (Wolf-Dieter), KAISER (Karl), Deutschlands neue Aussenpolitik, Institutionen und Ressourcen, Band 4, München, Oldenburg Verlag, 1998, et KRAUSE (Joachim), Die Rolle des Bundestages in der Aussenpolitik, pp. 137-152, in id. 57 B. Prééminence présidentielle et déficit parlementaire en France L’armée française constitue une institution au positionnement particulier au sein de l’Etat, liée à l’autorité politique suprême : le Président de la République (article 15 de la Constitution de la Vème République)11, tandis que le chef des armées allemandes est le ministre fédéral de la Défense (article 65a de la Loi fondamentale). • Un contrôle parlementaire a minima Dans le cas du recours aux forces armées, le contrôle parlementaire en France ne ressemble en rien à la situation allemande. Les députés français ne peuvent ni constituer une commission d’enquête, ni convoquer directement le Chef d'état-major des armées pour l’auditionner si le ministère de la Défense ne donne pas son aval. Cette faiblesse parlementaire en matière de défense est traditionnellement favorisée par le gouvernement qui n’entend pas encourager les liens entre militaires et parlementaires, de peur que ne se nouent des connivences qui risqueraient d’affaiblir l’autorité de l’exécutif. Seul le Président de la commission Défense de l’Assemblée nationale et quelques membres de son bureau disposent d’une information plus substantielle, dans la mesure où ces élus sont la plupart du temps des élus de la majorité (Guy Teissier en 2009)12. Le Parlement vote certes les lois de finances déterminant notamment le budget de la Défense et les lois de programmation militaire quinquennales (article 34). Faute de compétences suffisantes des parlementaires en matière de défense, les lois de programmation sont généralement adoptées sans grand débat. Ainsi, jusqu’à la réforme constitutionnelle adoptée le 18 juillet 2008, seule la « déclaration de guerre » nécessitait un mandat parlementaire. • Un changement constitutionnel marginal en 2008 Néanmoins, le nouvel article 35 de la Constitution vise à rendre naturel le vote au Parlement en ce qui concerne les opérations militaires. Le premier vote historique a eu lieu le 21 septembre 2008 à l’occasion de la décision de prolongement du mandat de l’armée française en Afghanistan. Mais ce vote est intervenu dans un contexte politique particulier, en conséquence de la mort de dix soldats français en Afghanistan 11 Le Premier Ministre dispose quant à lui de la force armée (article 20) et est responsable de la défense nationale (article 21). 12 V. PARIS (Henri), BATIFOULIER (Christian), Connaître la défense nationale, Paris, Victoires éditions, Coll « Métier journaliste », 2006, p. 19. 58 en août 2008, et peut être perçu comme une stratégie politique visant à faire taire l’opposition sur le sujet. Une fois posées les conditions matérielles du contrôle parlementaire en France et en Allemagne sur les questions de défense -dont la PSDC relève-, il importe d’analyser leur articulation encore complexe avec la politique européenne de défense. II. Les pratiques parlementaires nationales et la PSDC Il y a plus de 2500 ans, le stratège chinois Sun Tze notait que l’harmonie du peuple avec ses dirigeants était la première condition de l’action extérieure. Or si 65% des Européens interrogés affirment souhaiter que l’UE acquière un rôle de puissance13, ils ne sont que 36% à y aspirer si cela doit entraîner des dépenses militaires accrues14. Le problème qui se pose pour cette politique inédite est en réalité l’absence d’identité européenne de sécurité. Cette lacune se répercute dans le contrôle démocratique différencié exercé par les Etats sur les questions de défense, contrôle national qui devrait en principe se doubler d’un contrôle européen encore largement à construire. A. Un contrôle parlementaire différencié La Bundeswehr, pour des raisons historiques15, est une armée de parlement (Parlamentarmee) et ne peut envoyer de soldats sur des théâtres d’opération sans vote au Parlement. Là où le Président de la République est omnipotent et peut décider seul de l’envoi des troupes en France, les Allemands doivent prendre en charges des débats au Bundestag et compter avec le positionnement du syndicat de la Bundeswehr (Bundeswehrverband). 1. Un rôle majeur du Bundestag en matière de PSDC Le gouvernement allemand tend à appliquer strictement le contrôle parlementaire prévu par la Loi fondamentale en ce qui concerne les opérations extérieures, qu’elles se situent dans le cadre de la PSDC, de l’ONU ou de l’OTAN. Si les diplomates ont saisi l’enjeu majeur pour l’Allemagne d’acquérir une visibilité sur la scène internationale, ce que la politique européenne de défense permet, il existe outre-Rhin une donnée guère 13 German Marshall Fund, Transatlantic Trends 2006 : www.transatlantictrends.org 14 In Céline Belot, L’action internationale de l’Union européenne et sa légitimation par les opinions publiques, p. 46, in Damien Helly, Frank Petiteville, L’Union Européenne, acteur international, Paris, L’Harmattan, 2005. 15 V. VON THADDEN (Rudolf), « Les Allemands et leur histoire : l’évolution de la conscience historique après 1945 », in Matériaux pour l’histoire de notre temps, 55 (1), 1999, pp. 91-94. 59 repérable en France : la pression de l’opinion publique. Plus qu’en France, le système fédéral coopératif favorise un lien direct entre le parlement et l’opinion publique : le contrôle du gouvernement par les parlementaires y est beaucoup plus strict que dans le système français semi-présidentiel. Or l’opinion publique allemande demeure encore relativement réticente à l’engagement militaire des troupes fédérales dans des missions de combat16: en 2005, 43% des Allemands interrogés estimaient que l’Allemagne devrait se concentrer sur ses propres problèmes et s’abstenir de s’immiscer dans les crises d’autres Etats, fusse par l’intermédiaire de la PSDC, contre 34% qui plaidaient pour une participation active de l’Allemagne à la résolution des crises d’Etats tiers17. Le Bundestag joue un rôle majeur en matière d’opérations militaires européennes, dans la mesure où il doit obligatoirement donner son accord et déterminer en détail le mandat de la mission de la Bundeswehr en opération. L’exemple du débat parlementaire intense autour du lancement de l’opération EUFOR en République Démocratique du Congo au printemps 2006, relayé par la presse allemande, montre combien l’articulation de la PSDC avec le contrôle parlementaire national nécessite un apprentissage à long terme : le 17 mai 2006, 440 députés ont approuvé l’envoi de 780 soldats allemands à Kinshasa contre 135 contre et 6 abstentions essentiellement parmi les Verts, les Libéraux (FDP) et la SPD18. Ainsi, même si les réformes lancées par Volker Rühe en 1996 instituant les forces de réaction rapide (Krisenreaktionskräfte) puis les réformes de modernisation de Scharping et Struck visant à accroître la déployabilité de la Bundeswehr, visaient à rendre l’Allemagne plus apte à intervenir dans le règlement des conflits dans le monde, celleci se trouve contrainte par le nécessaire mandat parlementaire qui doit légitimer tout recours à la force armée19. Il existe certes une procédure d’urgence au Bundestag permettant d’obtenir un vote en l’espace de 24heures, mais cette procédure s’avère extrêmement couteuse (plus d’un million d’euros) et est utilisée avec parcimonie. Or dans la perspective de réaction rapide développée au sein de la PSDC, notamment à travers la cellule-civilo militaire qui forme le noyau dur d’un centre de planification d’opérations européen à Bruxelles, et plus encore avec le concept de groupements 16 Un sondage de la Bertelsmann Stiftung en 2006 montre que 7% des Allemands contre 28% des Français interrogés considèrent le pouvoir militaire comme un attribut essentiel d’une puissance mondiale au XXIème siècle. V. JANNING Josef, « L’Allemagne et le renouvellement de la stratégie nucléaire française », in Défense nationale et sécurité collective, n° 2, 2006, p. 5. 17 V. BULMAHN (Thomas), Bevölkerungsumfrage 2005. Repräsentative Befragung zum sicherheits- und verteidigungspolitischen Meinungsbild in Deutschland., Ergebnisbericht, SOWI, Strausberg, août 2008, p. 8 et 23. 18 La revue parlementaire Das Parlament a consacré un dossier complet au débat dans son édition du 6-12 juin 2006, confrontant les arguments des parlementaires des différents partis de la coalition. 19 V. MEIERS Franz-Joseph, La transformation de la Bundeswehr, Notes du Cerfa n°13, IFRI, Paris, Juin 2004. 60 tactiques 1500 qui visent à rendre l’UE apte à répondre très rapidement à une crise, il s’agit d’un caveat majeur20. Comment procéder avec la Brigade Franco-Allemande qui forme le noyau d’un groupement tactique en 2008, si une crise survient et que la France décide d’intervenir mais que le Bundestag s’y oppose par un vote ? Comment combiner les exigences du contrôle démocratique de la PSDC et l’efficacité de la réaction rapide ? 2. Un parlement effacé en matière de PSDC en France Si l’article 88-3 assigne à l’Assemblée nationale un droit de regard sur les questions relatives à la PESC, en pratique, pour chaque opération militaire européenne, le gouvernement a utilisé l’argument de procédures d’urgences pour pouvoir décider de l’envoi de troupe rapidement et en dehors du débat parlementaire21. Cela provient de la prééminence du Président sur les questions militaires, et plus particulièrement sur les opérations extérieures : « En France, si le Président veut qu’une unité parte, elle est partie une heure après. »22 Ce rôle jusqu’ici ténu du parlement en matière d’affaires militaires se trouve accru par la dimension consensuelle de la défense, contrairement au cas de la République Fédérale où les Verts notamment demeurent mobilisés sur cette thématique et entretiennent le débat. En France, depuis les années 1980 et le ralliement de François Mitterrand à une politique étrangère en continuité avec la tradition gaulliste23, la défense fait l’objet d’un consensus politique national, reposant sur quelques grands fondamentaux : dissuasion nucléaire ; construction d’une défense européenne ; participation aux opérations militaires internationales ;autonomie stratégique. De cette situation « il découle qu’en pratique le Président de la République a bien, en matière de défense, un domaine réservé où il est souverain. »24 : c’est lui qui décide d’engager les forces armées à 20 Les groupements tactiques sont des unités de 1500 hommes prévues dans le cadre de la réaction rapide européenne depuis 2005. Ils sont basés sur le principe de la multinationalité et sont au nombre de treize. Deux groupements tactiques sont en alerte permanente, par rotation. 21 VON ONDARZA (Nicolai), « EU military deployment- An executive prerogative ? Decision-making and parliamentary control on the use of force by the EU », Communication présentée à la conférence GARNET 2008: The EU in International Affairs, à Bruxelles, 24-26 avril 2008. 22 Entretien au cabinet militaire du ministre, Ministère de la Défense, Paris, juin 2005. 23 C’est lui qui a décidé de déployer le plus grand détachement français depuis 1962 dans la guerre du Golfe en 1990 lors de l’opération Daguet. GAUTIER (Louis), « Le consensus sur la défense entre totem et tabou », in Défense nationale et sécurité collective, n° 2, février 2006, p. 120. 24 V. PARIS (Henri), BATIFOULIER (Christian), op. cit., p. 21. 61 l’extérieur, conseillé par le Chef d'état-major des armées en conseil de défense restreint. La différence de contrôle démocratique exercé sur les affaires militaires, et en particulier sur les opérations extérieures conduites dans le cadre de la PSDC selon les Etats se double d’un contrôle parlementaire défaillant au niveau européen. B. Un contrôle parlementaire lacunaire au niveau européen Si la PSDC doit conduire des opérations militaires européennes pour gagner en crédibilité, le problème de son contrôle démocratique par le Parlement européen devient un enjeu majeur. • Des prérogatives parlementaires insuffisantes Le parlement européen, qui pourrait constituer un relais des parlements nationaux en matière de politique européenne de défense, est cantonné à la portion congrue. Il ne joue de jure aucun rôle significatif au sein de la PSDC : le Traité de l'UE (TUE) prévoit qu’il sera seulement consulté et informé dans le cadre de la PESC, en ce qui concerne les questions budgétaires communes (article J7, titre V). Le Parlement européen peut adresser des questions au Conseil et prendre position sur les développements de la PSDC (article 21 TUE). En revanche, il ne joue aucun rôle au cours du processus décisionnel de lancement d’une opération militaire européenne. Le Comité politique et de sécurité, organe intergouvernemental, est le rouage essentiel en la matière. Le Parlement n’a ni à donner son approbation préalable, ni à être consulté, dans la mesure où la politique européenne de défense relève du principe intergouvernemental, et non supranational. La Présidence de l’UE doit certes l’informer sur les aspects principaux et les grands choix effectués dans le cadre de la PESC (article J7, titre V), mais cela ne signifie en pratique aucune obligation de consultation sur les opérations militaires européennes, alors même que les parlements nationaux peuvent y jouer un rôle majeur. • Des difficultés d’accès à l’information Le Parlement européen se heurte d’ailleurs à un obstacle matériel : la classification des documents relatifs à la PSDC. En effet, la classification a été établie de telle manière que le Parlement européen ne peut guère accéder aux documents PSDC : un règlement 62 de 200125 permet certes son accès aux documents relatifs à la politique étrangère européenne, mais prévoit des exceptions pour les documents« sensibles »classés confidentiels, secret et top secret26, pour lesquels il ne dispose pas davantage de droit de consultation que tout citoyen européen. Une autre lacune majeure du Parlement européen consiste en son absence de pouvoir de contrôle sur les dépenses militaires relevant des Etats-membres pour les opérations militaires européennes ou des coûts communs établis par des arrangements intergouvernementaux votés à l’unanimité : il doit seulement être informé par le Conseil des dépenses effectuées sur une base commune. Le Parlement européen réalise pour sa part des résolutions sur les opérations militaires européennes, ou formule des recommandations qui demeurent majoritairement lettre morte. Les membres de la commission Affaires étrangères (AFET) et de la souscommission Sécurité et Défense (SEDE) créée en 2004 disposent d’un droit de se rendre en visite sur le théâtre des opérations militaires de l’UE. De même, Javier Solana prononce régulièrement des discours devant l’assemblée plénière du Parlement27. Mais cela ne saurait être comparé au contrôle parlementaire national qui existe dans certains Etats, comme l’Allemagne. Le Traité de Lisbonne ne modifie guère cet état de fait. Au fond, les problèmes d’articulation des pratiques parlementaires de contrôle démocratique des questions militaires avec la politique européenne de défense sont liées essentiellement à la nature strictement intergouvernementale de celle-ci. Cette question du contrôle démocratique de la PSDC commence à émerger dans le débat traditionnel entre les tenants du fédéralisme et ceux de l’intergouvernementalisme dans la construction européenne. Or pour l’heure, le Parlement européen, symbole même de démocratie au niveau supranational, n’a qu’un rôle réduit en matière de PSDC. Plus largement, la politique européenne de défense renvoie à des lectures différentes de la relation entre armée et parlement entre les Etats. En filigrane, le problème qui se pose fondamentalement est celui de la souveraineté, et de la délégation effective de parcelles de souveraineté que suppose une défense européenne commune. 25 Règlement CE 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil. 26 Les informations classées top secret sont celles dont la divulgation « pourrait causer un préjudice extrêmement grave aux intérêts essentiels de l’Union européenne ou d’un ou plusieurs de ses Etats-membres » (article 2 .1.a) ; celles classées secret sont celles dont la divulgation non autorisée pourrait nuire gravement aux intérêts essentiels de l’Union européenne ou d’un ou plusieurs de ses Etats-membres (article 2.1.b) ; celles classées confidentiel sont celles dont la divulgation non autorisée pourrait nuire aux intérêts essentiels de l’UE ou d’un ou plusieurs de ses Etatsmembres (article 2.1.c). 27 V. « Address to the European Parliament on EU Foreign, Security and Defence Policy by Javier SOLANA, EU High Representative for the CFSP », Conseil de l’UE, S 194/08, Bruxelles, 4 juin 2008. 63 La coopération militaire au sein des missions Multinationales : Le cas de L’EUFOR en BOSNIE-HERZEGOVINE, par le Professeur Jesús Ignacio Martínez Paricio, Groupe de Recherche "Études de Sécurité et Politiques de la Défense" Université Complutense de Madrid, avec le Professeur Eulogio Sánchez Navarro, Université Rey Juan Carlos, Madrid. A common study realized in Bosnia during the EU operation ALTHEA, by centres in social sciences from four countries (France, Italy, Spain and Germany), provides interesting results. There are indeed differences in the opinions between the soldiers of the 4 countries. The cultural ones are the more characteristic. However, there are common tendencies. Cohesion does not depend mainly upon national affiliations. It is the same for leadership. The soldier respects his commander more for his own skill than for his nationality. The identification with a supranational identity (ALTHEA) does not replace national identities but complements and reinforces them. The English language and common norms could be the first vehicles for transcending national frontiers. However, it is likely that progress will be more by growing interdependency than by integration. Most soldiers favour in particular an European Rapid Reaction Force in addition to national forces, instead of an integrated European force replacing national ones. Avant-propos Depuis sa création, le centre d'études en sciences sociales de la défense (C2SD) français développe une coopération scientifique étroite avec ses homologues européens. Cette dernière avait, jusqu'à aujourd'hui, pris la forme de séminaires de travail conjoints sur des préoccupations communes, d‟échanges ponctuels d'informations ou encore d'articles dans nos revues respectives. La publication de ce rapport clôt un projet scientifique d'une toute autre ampleur : pour la première fois, une recherche a pu être réalisée en commun avec nos partenaires. Quatre organismes de recherche ont conduit cette étude sur les pratiques et la perception, par les militaires engagés sur le terrain, de la coopération multinationale en opération extérieure. Il s'agit du Centre de recherche « Peacekeeping and Security Studies » de l'Université Roma Tre en Italie, du Sozialwissenschaftliches Institut der Bundeswehr (SOWI) en Allemagne, de la Jefatura de los Sistemas de Información y 64 Telecomunicaciones (JCISAT), Cuartel General del Ejército de Tierra en Espagne, et du Centre d'études en sciences sociales de la défense (C2SD) en France. Si le caractère multinational des interventions armées s'est affirmé dès le début des années 1990, que ce soit dans le cadre de l'OTAN ou de coalitions ad hoc, une nouvelle étape a été franchie lorsque, le 2 décembre 2004, la Force de l'Union européenne (EUFOR) a pris la relève de l'OTAN en Bosnie, neuf ans après la fin de la guerre. La responsabilité de l'opération ALTHEA confiée à l'UE a incarné un tournant dans l'ambition européenne de se doter d‟une capacité militaire autonome. C'était en effet la première mission militaire de maintien de la paix importante de l'histoire de l'UE. Elle a fait suite à la SFOR (Stabilisation Force) de l'OTAN mise en place en décembre 1996, à laquelle la France contribuait comme nation-cadre de la division multinationale sud-est centrée sur Mostar. La mission de l'EUFOR est d'assurer la sécurité dans un pays où les tensions inter-ethniques sont encore vives. Cette force multinationale comptait, à l'époque de l'enquête, en 2006, quelque 6500 hommes originaires de 22 pays membres de l'Union et de 11 pays tiers. Le dispositif de l'EUFOR était découpé en trois task forces déployées sur trois zones géographiques. L'une d'entre elles, située au sud-est du pays, regroupait 2500 hommes provenant de quatre pays de l‟UE : l'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Italie et de deux autres pays tiers : l'Albanie et le Maroc. C'est au fonctionnement de cette force multinationale basée autour de Mostar que s'est attachée cette étude. Plus précisément, il s'est agi d'analyser les conséquences, sur le métier militaire en opérations extérieures, du caractère multinational donc multiculturel de l'environnement et de repérer si la dimension européenne du commandement avait ou non un impact sur la perception de la mission. Le choix du site retenu pour l'enquête de terrain, la base militaire de MostarOtiješ, répondait à un double objectif : - l'organisation des forces dans la zone sud-est permettait d'analyser les interactions entre les contingents des quatre pays participant à l'étude ; - le terrain choisi fournissait l'opportunité d'analyser les éléments de continuité ou de rupture intervenus dans la mise en oeuvre entre la mission de l‟OTAN et celle de l‟EUFOR. L'étude réalisée présente deux caractéristiques notables : tout d'abord, il s'agit de la première enquête comparative de cette ampleur à laquelle la France participe. Les autres pays européens ont développé des recherches sur la coopération en opérations extérieures depuis plus d'une dizaine d'années. 65 Deuxièmement, la méthodologie retenue pour l'étude inclut tout l'éventail des instruments de recherche en sciences sociales. La conduite d'un tel dispositif a généré de multiples contraintes liées au fonctionnement propre de chaque organisme impliqué dans la recherche, aux pratiques de recherche spécifiques à chaque organisme, aux modalités de déploiement des militaires sur le terrain, variables d'un pays à l'autre, à l'usage de l'anglais comme langue de travail, à la coordination de l'ensemble… Le profil des chercheurs (civils ou militaires), leur rapport à l'institution militaire dans leur pays d'origine (salariés du ministère vs. chercheurs contractualisés), leur formation (psychologie sociale, sociologie militaire, science politique, etc) ont contribué à complexifier l‟articulation entre les équipes. Les centres d'intérêt étaient souvent distincts: les équipes allemande et italienne s'interrogeaient avant tout sur la qualité du vécu (les conditions de logement, d'alimentation, de loisirs, le rapport aux supérieurs hiérarchiques, etc), tandis que le C2SD souhaitait orienter le travail vers la question des capacités européennes de gestion de crise et l'avenir d'une défense européenne. Conclusions générales Coopération multinationale au sein de la MNTF SE à Mostar Les forces armées européennes ont subi des changements fondamentaux durant la dernière décennie, fondés sur les principes de « concentration » et de « transnationalisation » : comme le résume Anthony King (2005 : 321 ; voir aussi Haltiner/Klein 2002), le budget de défense de l'Europe et ses ressources ont été concentrés sur les unités militaires spécialisées, organisées avec des forces de réaction rapide, qui coopèrent à un niveau beaucoup moins élevé avec des unités d'autres pays. De cette façon, les Etats européens ont essayé de faire face aux nouvelles pressions économiques et aux défis stratégiques de l'époque post guerre froide, caractérisée par des guerres « nouvelles », « asymétriques » et « mondialisées » (Klador 1999 ; Munkler 2002). En théorie, la multinationalité militaire aide à réduire les dépenses, à partager une responsabilité politique et militaire avec d'autres Etats, et à encourager l'intégration européenne dans les domaines de la défense et de la politique de sécurité. Cependant, en pratique, la question de savoir à quel point la multinationalité affecte les performances militaires et influence l'aboutissement d'une mission doit toujours être résolue. Alors que l'idée d'Europe en tant que symbole de valeurs communes, telles que les droits de l'homme, la démocratie et le bien-être économique, devant être poursuivies et défendues par des moyens à la fois politiques, économiques et si 66 nécessaire militaires, est généralement approuvée, de nombreux leaders politiques et militaires demeurent sceptiques quant aux perspectives d'une intégration militaire européenne plus poussée, et ce en raison des différences culturelles existantes entre les pays européens. Allant à l'encontre de ces affirmations, le projet de recherche sur la coopération entre Allemands, Espagnols, Français et Italiens au sein de la Task Force Multinationale SudEst (MNTF SE) de l'opération Althea de l'EUFOR, visait à examiner les processus d'interaction et de communication entre les soldats des quatre pays, à identifier les facteurs qui encouragent et qui développent une coopération efficace, et donc à définir et évaluer les conditions de l'intégration militaire multinationale dans une perspective européenne. Le champ de recherche était concentré sur les conditions de travail et de vie au camp Mostar-Otjes en Bosnie-Herzégovine, où l'Etat-major de la force opérationnelle Salamandre de l'EUFOR était situé. Chacune des quatre équipes de recherche nationale a passé une ou deux semaines sur place afin de conduire des entretiens et de distribuer et collecter le questionnaire commun. Les principaux aperçus de ce qui a été analysé dans les chapitres précédents seront discutés ci-dessous autour de six points clés. Il n'existe aucun modèle « standard » de multinationalité militaire. Dans la lignée de Gareis et alii (2003 :25 sqq), on peut distinguer la « coopération horizontale » et « l'intégration verticale ». Cependant, en réalité, ces modèles de coopération militaire se recoupent et apparaissent sous différentes formes selon le nombre et le type de partenaires impliqués. La question de la façon dont fonctionne la multinationalité militaire doit donc être résolue sur une base empirique, par rapport aux conditions et aux phénomènes en pratique. Cette recherche sur la coopération militaire multinationale développe une étude de cas sur les processus d'interaction et de communication entre les membres de quatre contingents nationaux spécifiques (soldats allemands, espagnols, français et italiens) à un moment spécifique et dans un lieu spécifique. Dus à la composition hétérogène des quatre échantillons nationaux et du contexte particulier de l'opération Althea de l'EUFOR, les résultats de la comparaison entre les quatre contingents ont d'abord fait référence à la situation à Mostar et ne peuvent être immédiatement appliqués aux forces armées des quatre pays tous ensemble. Lorsque l'on considère les différences et les ressemblances entre les quatre contingents nationaux, il ne faut pas oublier que le comportement national peut ne pas avoir été le même. Par exemple, en ce qui concerne l'image nationale de soi et des autres, Heike Paschotta a révélé que les sondés italiens répondaient généralement de façon plus positive que les soldats des trois autres pays. Les caractéristiques nationales des comportements pourraient être observées avec plus d'attention dans de futures études comparatives entre pays car elles sont importantes pour évaluer et interpréter les différents résultats nationaux. 67 Etant donné ces qualifications, nos recherches concernant les circonstances et les dynamiques de la coopération multinationale à Mostar doivent en revanche être considérées comme « typiques », dans la mesure où ces facteurs constituent des caractéristiques communes de la multinationalité militaire dans les missions à l'étranger. La taille des contingents participant à ce type de mission est souvent différente – à Mostar par exemple, le nombre de soldats allemands et italiens était moins important que celui des contingents espagnols et français, et le type de personnel engagé (concernant le rang, la branche de service, etc.) différait selon les pays. Le déséquilibre qui en résulte en termes de responsabilités, de capacités d‟influence, et de statut peuvent avoir des conséquences sur les relations entre les membres des groupes respectifs, comme on peut le voir au camp Mostar et ailleurs. De même la coexistence de procédures (officielles) multinationales et de chaînes et de réseaux de communication (informels) que nous avons remarquée à Mostar est un trait caractéristique de la coopération militaire. En particulier au sujet des recherches concernant la motivation et la cohésion (voir plus d'information ci-dessous), il est finalement important de rappeler que nos observations se réfèrent à la coopération multinationale dans le cadre du maintien de la paix et/ou des opérations de faible intensité uniquement. De telles opérations impliquent un recours limité à la violence organisée et ne correspondent donc pas au rôle traditionnel de combat des forces armées. Cependant, elles représentent le type de missions que l'UE a conduites et continuera à conduire dans les années à venir. Multinationalité et efficacité militaire La motivation et la cohésion sont souvent considérées comme deux des facteurs influençant la performance militaire. Comme l'indiquent Heiko Biehl et d'autres, la motivation pour l'opération Althea était généralement assez élevée parmi les soldats de notre échantillon – bien que certaines différentes nationales aient été observées. Par exemple, les soldats italiens avaient le plus haut niveau de motivation et les Espagnols le plus bas, laissant les soldats allemands et français entre les deux. Sans prendre en compte ces variations, Biehl a pu montrer que la motivation militaire n'était pas diminuée par la coopération avec les membres d'autres forces armées. D'autres facteurs, qui ont été décrits de façon extensive et analysés par la littérature auparavant, sont plus essentiels pour l'engagement des membres de la Task force Salamandre : l'influence de la famille ainsi que la cohésion autour d'une tâche et la cohésion sociale. En ce qui concerne la cohésion sociale, il est intéressant de voir que la multinationalité ne joue pas un rôle majeur ici non plus. Par conséquent l'idée, influente dans la sociologie militaire ainsi que dans les forces armées jusqu'à maintenant, selon laquelle 68 la cohésion ne peut se développer qu'au sein de groupes homogènes culturellement et socialement, s'avère être fausse. Dans la lignée d'autres études sur la diversité au sein des forces armées, les résultats de Biehl montrent que la cohésion parmi les soldats (pour la camaraderie, la confiance envers le supérieur, etc.) ne dépend en fait pas en premier lieu des affiliations nationales. Ces recherches ainsi que les observations de Manuel Casas et Eulogio Sánchez Navarro sur les images et les expériences du leadership au sein de la MNTF SE indiquent que les compétences individuelles et les qualités personnelles plutôt que la nationalité font qu'un collègue ou qu'un subordonné suivra le leader. Dans cette perspective, on peut conclure que la multinationalité ne représente pas un obstacle à l'efficacité militaire en soi – bien que certaines différences culturelles entre les soldats de différents pays existent évidemment, et puissent conduire à des incompréhensions et/ou à des problèmes (cf. Soeters/Moelker 2003 ; Abel 2008a). Comme le suggèrent d'autres études croisées sur la coopération militaire (cf. Elron/Shamir/Ben-Ari 1999 ; Abel 2008a), afin d'empêcher ces problèmes, il semble être d'importance capitale de renforcer les procédures et les pratiques communes. Cela aide les unités militaires multinationales à développer ce qu'Ulrich vom Hagen (2006 :57 et sqq.) appelle les « compétences et capacités collectives », qui créent la confiance professionnelle et aboutissent à la cohésion autour d‟une tâche. Cela correspond aux recherches sur la diversité au sein des organisations internationales, qui indiquent aussi que les contacts personnels ainsi que des interactions et une communication fréquentes et directes sont essentielles à la fois pour les performances individuelles et organisationnelles (cf. Podsiadlowski 2002). Différences culturelles : Réalité et perceptions Pour les soldats participant à une mission multinationale, les différences culturelles et nationales - venant de différentes caractéristiques, de l'apparence extérieure (uniforme, symboles), de différentes conceptions de l'autorité formelle et de la discipline (cf. Burk 1999)- sont souvent les plus notoires et caractéristiques de la coopération multinationale. Cependant, les perceptions du leadership qu'ont étudiées Casas Santero et Sánchez Navarro donnent des raisons de se demander s'il n'y aurait pas moins de différences culturelles entre les différentes organisations militaires que ce que la plupart des soldats imaginent – étant donné, par exemple, que les types de leader idéal des soldats des quatre échantillons ne diffèrent pas beaucoup. En conséquence, afin de définir plus clairement les différences et les similitudes culturelles des organisations militaires, il serait utile pour des recherches empiriques à venir de prendre en compte le comportement concret plutôt que de se concentrer exclusivement sur la perception individuelle des soldats sur soi-même et sur les autres. 69 De la même façon, il serait aussi possible d'examiner comment et dans quelle mesure les perceptions influencent réellement les actions et réactions individuelles. Dans ce contexte, il est important de souligner certaines tensions développées à Mostar entre les soldats allemands et français d'une part et les soldats italiens d'autre part, expliquant les difficultés des soldats italiens à gagner le respect et la reconnaissance des soldat allemands et français. En fait, les réserves que nous avons observées sur place étaient reflétées par les images de soi et des autres notées dans le questionnaire. Les soldats italiens sont considérés comme se sentant plus proches des soldats espagnols que des allemands ou des français, qui ont une attitude positive les uns envers les autres ainsi qu'envers les espagnols, mais qui voient les italiens « différents » et « moins dignes de confiance ». Etant donné ces perceptions subjectives, il est intéressant d'observer que les soldats allemands, par exemple, ont déclaré avoir plus de choses en commun avec leurs collègues français qu'avec leurs collègues italiens. Cependant, leur opinion positive sur la coopération multinationale et l'intégration militaire européenne renforcent globalement une position positive des Italiens, alors que les soldats français s'avèrent presque aussi sceptiques que les Espagnols. Dans la lignée d'une autre recherche sur les différences culturelles et les perceptions nationales (Keller et Alii 2008 ; Abel 2008b), cet exemple montre que la question du type de différences est considérée comme significative par les membres d'un groupe, on ne peut donc pas y répondre en se référant uniquement à des différences nationales ou culturelles « objectives ». Les phénomènes inter-groupes dépendent des constellations réelles sur le terrain plutôt que de caractéristiques nationales ou culturelles. En d'autres termes, la façon dont fonctionne la coopération militaire multinationale n'est pas influencée par des facteurs culturels, mais dépend aussi des conditions structurelles. Dans le cas de la force opérationnelle Salamandre, par exemple, la position espagnole de « troisième membre neutre » parmi les camarades allemands, français et italiens au camp Mostar peut s'expliquer par la taille plus importante du contingent espagnol, par sa composition particulière (incluant des unités de manoeuvre) et sa localisation éloignée du camp de base. Par contraste, les Allemands et les Italiens, tous deux en plus petit nombre, ont principalement travaillé dans des unités multinationales et étaient assez dépendants des Français qui étaient responsables de l'administration du camp, y compris de la cantine. Comme l'a observé Heike Paschotta, les stéréotypes nationaux et les perceptions ethnocentrées constituent une caractéristique « normale » des relations sociales et jouent toujours un rôle dans l'interaction et la communication interculturelles. La question à laquelle nous devons répondre n'est donc pas comment éviter les stéréotypes, mais plutôt comment développer la curiosité envers les autres modes de comportement et de pensée, la flexibilité et la sérénité pour 70 accepter d'autres opinions (sans les adopter nécessairement), afin d'atteindre un objectif commun. Cependant, il est aussi nécessaire de considérer les circonstances structurelles dans lesquelles les rencontres interculturelles ont lieu, et d'explorer plus avant les facteurs et les conditions résultant d'une coopération multinationale « lisse » ou « tendue » (Soeters et alii 2006). Althea de l’EUFOR : un pas vers l’intégration militaire européenne ? Les forces armées représentent à la fois un instrument et un symbole de l'Etat-nation et de la souveraineté de l'Etat (cf. Kantner/Sandawi 2005). L'étude de la multinationalité militaire peut apporter des idées importantes sur la transformation de l‟Etat aujourd'hui (King 2005 :323), mais peut aussi mettre en lumière des changements en matière de loyauté et d'appartenance nationales. Comme le remarquent Maniscalco, Aubry et Rosato Pur les soldats représentant leur Etat et leur peuple, la multinationalité militaire représente un défi particulier pour leurs identités nationales et professionnelles. Dans la lignée d'autres études sur la multinationalité militaire, les résultats de cette recherche confirment l'affirmation selon laquelle l'identification avec une institution supranationale, comme la mission Althea de l'EUFOR, ne réduit pas ni ne remplace mais complète plutôt, voire renforce les affiliations nationales. De plus, en prenant en compte la distinction entre une version « multinationale » et une version « non-nationale » du « trans-nationalisme » développée par Eyal Ben-Ari et Efrat Elron basée sur une étude des forces de maintien de la paix de l‟ONU (2001 : 297 et sqq.), on peut conclure que jusqu'à maintenant la coopération militaire européenne a fonctionné (et fonctionne toujours) d'après le premier type. Au regard de notre étude de cas sur l'opération Althea, on remarque entre autres que les chaînes nationales de communication et d'échange d'informations prévalent à la fois pour les processus informels et officiels que pour les structures concernées. Aujourd'hui, on se demande toujours si le chemin vers l'intégration et la coopération militaire européenne sera et/ou pourra se développer sur une base « trans-nationale » ou « non-nationale » ( dans le sens de Ben-Ari/Elron ). Pour cela, cependant, la création et le renforcement d'autres et/ou de nouvelles formes et procédures de coopération pourraient être vitales. Ainsi, étant donné l'importance que les soldats attachent aux compétences linguistiques, la bonne connaissance de la langue anglaise pourrait servir de premier véhicule pour transcender les frontières nationales. S'accorder sur des normes communes à propos de la discipline et des questions de sécurité, tout comme les appliquer sur place de la même façon peut constituer une autre avancée vers une intégration européenne plus « trans-nationale ». Cependant, tant que la coopération entre soldats de différentes nations s'organise autour des principes de « 71 multinationalité » respectant et préservant les frontières nationales mentales et matérielles, on peut supposer que le processus d'intégration militaire européenne suivra plutôt le modèle d'une inter-dépendance grandissante des institutions et organisations nationales (comme le décrit King 2005), qu'il ne conduira à la création de forces armées européennes réellement « trans-nationales » évoquée par les défenseurs d'une Europe intégrée. De la même façon, cela correspond aux attitudes des soldats qui ont participé à l'étude. Comme l'observe Nadège Ragaru, la plupart des soldats optent pour une Force de Réaction Rapide européenne aux côtés des armées nationales lorsqu'on leur demande le type de forces armées qu'il préfèreraient pour l'avenir. Défis des opération militaires autres que la guerre Comme l'affirment Maria Luisa Maniscalco, Giulia Aubry et Valeria Rosato, les opérations militaires comme Althea ont été et demeurent des défis pour l'organisation militaire et ses soldats, dont la référence traditionnelle reste le combat et la guerre, doivent maintenant faire face à des responsabilités complexes de pacification et de reconstruction auxquelles ils ne sont ni préparés ni formés. De plus, selon Moskos (1968) et Gal/Manning (1987), le contexte politique et/ou l'identification aux objectifs de l'opération perdent de leur signification avec une intensité de combat grandissante. Etant donné les résultats de cette recherche, on peut supposer à l'inverse que dans les missions de faible intensité comme Althea, qui au moment de notre recherche consistait principalement à administrer les statu quo sans qu'il y ait de risque immédiat pour les soldats de l'EUFOR, la signification générale de la mission gagne de l'importance, en particulier si les activités quotidiennes ne demandent pas une grande implication et/ou sont assez routinières. Pour les soldats allemands ayant participé à cette étude, cela semble particulièrement vrai. Cependant, les doutes sur la signification de la contribution spécifiquement militaire à la paix et aux processus de stabilisation en Bosnie-Herzégovine se font entendre du côté des membres d'autres contingents nationaux. Pour cette raison, il est important de souligner la nécessité de mieux préparer les soldats à ce type de mission de faible intensité. Dans ce sens, la préparation ne concerne pas uniquement les compétences linguistiques et interculturelles, mais touche aussi la perception d'eux-mêmes des professionnels militaires. Malgré le fait que les forces armées européennes se voient de plus en plus confier des responsabilités et des devoirs de « policiers » (Janowitz 1960 :416 et sqq.) depuis les quinze dernières années, de nombreux soldats trouvent très difficile de réconcilier les responsabilités actuelles d'une opération comme Althea avec l'image de ce que le militaire est censé faire. Il semble donc indispensable pour l'organisation militaire de non seulement transmettre 72 les objectifs, les possibilités et les limites de leur travail plus clairement aux personnels engagés dans des missions de maintien de la paix pendant l’opération, mais aussi d'ajuster au mieux la formation et l'éducation dans le pays d’origine aux différentes, et parfois contradictoires, exigences des missions militaires d'aujourd'hui. Par ailleurs, et comme le suggère l'article de Nadège Ragaru sur les perceptions des soldats français de la gestion de crise en Bosnie-Herzégovine, il semble également vital d'un point de vue politique, non seulement de définir plus clairement les objectifs européens communs, mais aussi de revoir et/ou améliorer la coordination sur le terrain entre l'EUFOR et l'OTAN, ainsi qu'entre les acteurs civils et militaires. Le futur de la coopération militaire internationale Afin de développer la coopération multinationale et d'encourager la compréhension interculturelle, il est important d'établir et d'étendre des pratiques et procédures communes, puisque les compétences et les standards communs ainsi que la confiance mutuelle et la cohésion se développent principalement en « faisant » la coopération, à travers une action concertée mise en pratique. Cependant, les différences culturelles et les obstacles n'influencent pas la coopération et cela pourrait se révéler important pour atteindre aussi bien l'objectif de la mission que le bon fonctionnement de la coopération entre les différents membres des forces armées multinationales. “Il n’y a pas d’idées prématurées, il y a des moments opportuns qu’il faut savoir attendre” J. Monnet. Mémoires 73 Les Français et la mort du soldat, ou la fin du soldat? Par Madame Catherine Durandin, professeur à l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales. The death of 10 soldiers in the summer of 2008 in Afghanistan appeared as a scandal to the French public opinion. These soldiers were in fact not considered as heroes but as victims of the mistakes of the chain of command. Today, if the soldier is no more understood, it is because the War is not. War is stuck in civil-military cooperation and abstract technology. On one hand the soldier repairs roads, on the other there are magic UAVs. The Society remains violent, but people waits for the police, not for the warrior. It is imperative to think again the identity of the citizen soldier, the respect by the French of their armed forces, lastly the respective places of the soldier and the policeman. Civic education in schools in not sufficient. Time has come for a compulsory security citizenship service. Regarding Afghanistan, if the public opinion does not understand the necessity of the fight against terrorism, it cannot accept the death of soldiers there. The doubt on the necessity of the presence of France in this far away country, associated with the lack of understanding of the military status, takes off his honour from the soldier Un étrange sujet, ou un non sujet, car il semble que nos soldats- soldats de métierdepuis la suppression du service militaire meurent en petit nombre, moins de 100 décès pour une présence de dix ans en Afghanistan, que c’en est fini du temps des hécatombes sanglantes, les nôtres. Il semble que le scandale du trop de morts soit plutôt celui des accidents de la route des longs weekends ou des effets à moyen terme de médications malencontreuses… Quant à la mort des autres, militaires et civils, en des guerres proches (les Balkans) ou lointaines (Afghanistan, Afrique) elle nous émeut et ébranle parfois, au coup par coup de l’élan de compassion humanitaire qu’engendrent les informations ponctuelles véhiculées par les media. Français, nous sommes familiers de la mort du Soldat. Nous avons encaissé, en 19141918, plus d’un million 400 000 morts, près de 500 000 blessés. Le pays a fait preuve d’une capacité inouïe de résistance et d’acceptation du deuil. Alors oui, pour reprendre la formule des néo conservateurs américains qui sépare l’Amérique supposée martienne de la vieille Europe vénusienne, nous étions une nation martienne. Aujourd’hui, à la veille de 2014, nos historiens de l’Historial de Péronne et du cercle des proches du professeur Jean Jacques Becker, multiplient travaux et recherches concernant notamment les souffrances endurées par les populations civiles, les violences subies. Citons l’ étude de J.J Becker en collaboration avec Gerd Krumeich, La grande guerre, parue en 2008 chez Tallandier, l’ouvrage collectif sous la direction de John Horne, Vers la guerre totale, le tournant de 1914-1915, chez Tallandier en 2010. Stéphane 74 Audoin-Rouzeau évoque l’irruption de la violence. Rappelons simplement : 301 000 tués en 1914, soit une moyenne de 2 000 morts par jour. Cette ampleur des chiffres conduit les historiens d’aujourd’hui, fascinés, à traquer plus avant les lieux les plus concrets des atrocités commises dans la vie des tranchées, à retrouver en une sorte de démarche archéologique les armes blanches distribuées dans les tranchées en 1915 etc… Il importe de s’interroger sur le contraste entre ce rapport à la mort au combat hier, et nos réactions scandalisées lorsque 10 de nos hommes tombent dans une embuscade près de Surobi à Uzbin le 18 août 2008. Comme si la mort du soldat était devenue un accident inadmissible, qui pouvait être évité…Il aurait manqué des garanties suffisantes, le soldat qui tombe devient une victime, il s’est fait piéger. Uzbin août 2008 : le déroulement de l’expédition de contrôle effectuée dans des conditions à risques dans une zone peuplée et infiltrée par les talibans, par les insurgés, est à présent connu… Mais les réactions de la presse et de certains blogueurs qui ont immédiatement accompagné la nouvelle de ces pertes, méritent d’être analysées et éclairées dans ce contexte de réflexion sur la représentation de la mort du Soldat : L’Indignation domine : l’opération aurait été mal préparée, pas de reconnaissance aérienne suffisante, pas de recueil de renseignement suffisant, un manque de munitions, et, au début de l’embuscade, l’absence du capitaine Arnaud Crézé, retenu à Tora, la FOB (Forward Operating Base) pour accueillir le général McKierman. Les interrogations portent sur l’état des corps relevés, polycriblés, des blessures à l’arme blanche sont évoquées… Cette information choque, comme si dans une confrontation, il pouvait y avoir des morts propres - une balle en plein cœur ? - et d’autres qui seraient laides, sales. La réalité physique de la mort offusque l’opinion. Les éléments de la réprobation en disent long à la fois sur les stéréotypies installées en longue durée, et sur les inquiétudes contemporaines : Stéréotype : la remise en cause du commandement. Cette attitude/réflexe renvoie à la mémoire de Nivelle en 1917 ou à celle de Gamelin en 1940, au fossé qui séparerait le gradé de l’homme de troupe. La mémoire collective est nourrie de la culture de 1789, qui signe la fin des privilèges et une utopie égalitaire. L’absence du capitaine, au premier temps de l’embuscade d’Uzbin, a été évoquée, à de nombreuses reprises comme signe d’une injustice. Inquiétude : la faiblesse des moyens, le manque ou l’usure des VAB (véhicules de l’avant blindés) sont dénoncés. « Je refuse, dira le général Jean Louis Georgelin, chef d’état-major des armées devant la Commission de la défense nationale et des forces armées- le 10 septembre 2008 - le procès qui nous est fait d’envoyer nos soldats au 75 combat, la poitrine nue. C’est faux ! » Cette inquiétude s’inscrit dans la logique du processus de baisse du budget de la défense, qui n’est pas spécifique à la France. Quant au rapport aux corps des soldats tombés et blessés, il fut scandaleux, au nom de la transparence de l’information : que deux reporters de Paris Match viennent interviewer en septembre 2008 des insurgés talibans qui auraient participé à l’embuscade et se fassent remettre la montre de l’un des soldats disparus ne relève pas de l’information mais d’un voyeurisme obscène. La montre du soldat est un objet privé, ici livré en pâture. Il y eut du côté de la Présidence une volonté d’honorer les soldats, pour la plupart appartenant au 8 ème régiment de parachutistes d’infanterie de marine de Castres, un jour de deuil pour la Nation française, un hommage rendu à l’hôtel des Invalides, le 21 août 2008. Le geste est honorifique et la démarche pédagogique : comme si, en ce climat d’ébullition médiatique confuse, s’était imposée la nécessité de rappeler : « Le métier de soldat n’est pas un métier comme les autres ». Ce rappel a été complété, le 28 août, par le général Benoit Puga, lors d’un point de presse au ministère de la Defense, puis repris une nouvelle fois, le 19 juillet 2011 lors de l’hommage rendu aux 7 soldats morts en Afghanistan, à l’hôtel des Invalides : « Vous vouliez servir votre pays, vous aviez choisi le beau métier de soldat ». Et reviennent, au fil de l’oraison funèbre prononcée par le président Sarkozy, les mots de Devoir et de Mission. Le métier de soldat n’est plus compris : pourquoi ? 1 Parce que : nous sortons de 40 ans de guerre froide, marquée par la présence et la réalité de la PEUR, mais associée à l’abstraction de la dissuasion. Le Soldat s’efface, le stratège domine et ce sont les espions qui meurent. Dans l’ombre. La guerre froide ne tue pas, en direct. 2 Parce que : lors des guerres des Balkans de 1991 - 1995, le Soldat a joué un rôle de force d’interposition – puis ce furent en 99 des frappes aériennes de l’OTAN. Une occupation de la Bosnie, puis du Kosovo : le Soldat est au service de tâches civilo- militaires…Pour l’opinion, la mort en ces années de guerres des Balkans renvoie à l’épuration ethnique : ce sont les populations locales qui s’entretuent. Le soldat interposé est oublié, l’Humanitaire domine. 3 Parce que : certaines opérations extérieures, l’Opération Licorne par exemple, sont conduites dans la discrétion, marquées au sceau du secret, entourées d’enjeux non dits, avec la participation de Forces Spéciales, qui, au regard de l’opinion, ne sont pas tout à fait des Soldats. 4 Parce que : en Libye, ce sont le pari politique et le show technologique (les Rafales qui font merveille) qui ont retenu le souffle de l’opinion… 76 Si le métier de Soldat n’est plus compris, c’est parce que la guerre ne l’est plus, qu’elle s’est engluée dans le civilo militaire ou la technologie abstraite : d’un côté, le soldat répare une route, de l’autre, il y a des drones magiques… Enfin, la guerre n’est plus une guerre franco française, les opérations sont encastrées dans une coalition (OTAN) ou intégrées dans une approche collective, européenne. Ainsi, lorsque la guerre s’efface derrière des opérations, des interventions qui ne relèvent plus du domaine traditionnel du combat, le respect pour le Soldat s’efface pareillement. La mort du soldat est traitée comme un accident d’autant plus inacceptable que l’accidenté est jeune… Faut-il en conclure que la société est tombée sous le charme de Vénus contre Mars ? Non, elle est violente, notre société se bat dans les banlieues ou en plein centre des villes avec des armes de guerre. Mais le gardien de l’ordre qui est attendu, ce n’est pas le guerrier, c’est le POLICIER. Il est impératif de repenser : A l’identité du citoyen soldat. B le rapport de respect des Français vis-à-vis de leur armée. C Et au-delà, la conception du code de la gestion de la sécurité, l’articulation entre le Militaire et le Policier. L’instruction civique ne suffira pas, elle n’est qu’un petit élément d’information dans un programme vaste de culture générale. Le temps est venu de la mise en place d’un service citoyen obligatoire de la sécurité… L’apprentissage doit être fait de la responsabilité de chacun face à une nouvelle déclinaison des menaces. Le tragique contemporain réside, pour finir sur la guerre et la mort du soldat, dans le décrochage de l’opinion, le délaissement de l’opinion pour la défense des causes auxquelles elle n’accorde pas de légitimité. La guerre en Afghanistan qui se prolonge et termine n’est plus perçue comme une nécessité de containment du terrorisme…Cette absence de nécessité a joué un rôle dans la réaction scandalisée face à la mort des soldats d’Uzbin. Comment l’opinion aurait-elle réagi si nous avions eu à déplorer des pertes en Libye ? Deux facteurs différents se combinent : L’incompréhension du statut militaire et le doute quant à la nécessité de la présence française en Afghanistan, pour que le Soldat se voit ôter l’honneur qui est le sien. 77 Négociations de paix, par l' Amiral David René Moreno, président de l'Association des anciens stagiaires de l'Ecole supérieure de guerre de Colombie (ASOCACI ). After describing a long history of violence, deeply rooted in the mind of the Colombian people, Admiral Moreno presents the solutions. Only an union of all the efforts of the nation can solve the subversion, not only the repressive effort of the State. The aim of the negotiations is a long lasting peace. These negotiations must rely on the political will of both opposing parties. They must be clear regarding the real causes of the conflict. The cease of hostilities is a prerequisite. Agenda and rules of the negotiations should be agreed before. The demobilization of all people in arms must be carried out and an adapted geographical area reserved for them. The political and armed opposing organizations must be disbanded. Team work is crucial. The negotiators must be very clear on what is not negotiable. The legislative power must approve the laws of amnesty and pardon, for the insurgents and for the members of the public forces. The State must have the ability to achieve what he has promised. The demobilized should not have more privileges than the other citizens. Subversion, terrorism and narco-traffic should be part of the same package. Analysis of the lessons learnt from other peace processes are essential. The government must be able to wage the war on the political, diplomatic , juridical and military levels. Lastly, an international support is necessary. Introduction Lors de l’analyse générale des processus de paix signés en Colombie pendant les dernières décennies, on observe facilement que ceux-ci ont différentes origines, que le développement du conflit a des connotations différentes pour chaque pays et que le résultat achevé est, dans certains cas, différent des expectatives formées lors de ces processus; ainsi, chaque cas est totalement sui generis. Cependant, ce qui doit servir de guide pour toutes les négociations est la confrontation de la violence en respectant les principes démocratiques, de même que les processus de négociations doivent conduire à l’établissement d’une paix durable. Lors de l’analyse des sujets de subversion, on observe que, initialement, les problèmes d’insécurité causés par celle-ci sont adressés militairement, en essayant de leur donner une solution par la voie militaire. Mais, même s’il s’agit de la défaite dans le terrain armé de la subversion, cela ne signifie pas la défaite de la menace que celle-ci représente. Avec le temps, on a compris que la participation de toute la société est nécessaire pour désarticuler cette menace et aboutir à une solution définitive. La fin du 78 processus ne vient qu’avec les accords de type politique, signés entre le gouvernement et les représentants de ceux qui sont en armes. Mais, normalement, ces accords ne prennent pas en compte ceux qui prennent en charge les actions militaires policières pour protéger la société des menaces, et ainsi, tombent sur eux les représailles de ceux qui ont été autrefois combattu à cause de leurs prétentions délinquantes. Principes pour négocier la paix Alors que plusieurs cadres ont été établis académiquement pour conduire de manière certaine un processus de négociation, les situations sont très différentes, de telle sorte qu’il ne peut exister une formule précise qui emmènerait une conversation de paix à un aboutissement positif et sans problèmes. Néanmoins, il existe une série de normes générales qu’il est conseillé de suivre lors d’un processus de négociation entre les deux parties du conflit. L’expérience a démontré que si, dès le début du processus, on n’établit pas un agenda de négociation à accomplir dans un cadre de temps défini et des règles de jeux claires et précises, celui-ci sera incliné à échouer. Mais les consignes les plus importantes sont celles en relation avec l’engagement des deux parties à suivre à tout moment les règles accordées. L’esprit des négociateurs doit se pencher vers la négociation de sorties de la crise et non vers la défaite de l’autre partie sur la table de négociation. C’est dans le dialogue et la discussion que les parties pourront atteindre leurs prétentions, défendre leurs principes, tout en étant clair qu’il faudra céder aussi au bénéfice de l’autre partie. Ceci doit ce faire sans mettre en détriment ni la sécurité ni les droits des citoyens. De même, l’objectif final de la négociation doit être parfaitement clair pour les deux parties: atteindre une paix durable et certaine, où l’emploi de la violence, soit comme capacité de force soit comme instrument de persuasion, doit être remplacée par le dialogue ou la discussion publique des idées et des pensées. Il est indispensable d’avoir le soutien de la Nation pour conduire ce genre de négociation, puisqu’il est fondamental d'obtenir la validation des décisions prises. De même, il faut considérer le soutien international puisque les négociations peuvent aussi avoir un effet au delà des frontières, spécialement lorsque le trafic de drogue et le terrorisme associé à ce dernier sont communs aux groupes hors-la-loi. Quand les affaires illégales du narcotrafic et les délits générés par ceux-ci sont la principale source de financement des organisations criminelles, la négociation est plus complexe, puisqu’il s’agit de réussir à ce qu’elles soient complètement éliminées. Les médiateurs désignés pour accomplir ces processus de négociations doivent être hautement qualifiés, d’une grande crédibilité publique au niveau national comme 79 international, cherchant à contribuer à la construction de la paix, et non ceux qui cherchent le feu des projecteurs pour eux-mêmes, leur organisation ou leur gouvernement. Cela a pu être observé pendant plusieurs négociations et c’est à cause de cela que le processus a été entravé. Dans le cas où les démocraties sont menacées par les groupes hors-la-loi, le gouvernement représente la majorité de la population, puisque ceux qui sont en armes sont, d’habitude, un groupe réduit. Lorsqu’on attente à la sécurité de l’Etat ou de ses citoyens, on marche sur leurs droits, le développement se voit affecté ainsi que leur qualité de vie. À cause de cela, les organisations internationales, avec leur action institutionnelle, contribuent aux négociations de paix et dans certains cas, elles servent aussi de garants. Eléments fondamentaux pour négocier la paix Pour commencer à négocier la paix, certains éléments fondamentaux doivent être présents : la volonté politique du gouvernement comme de sa contrepartie pour négocier; l’existence d’une justice respectable, impartiale et efficace ; un plan de négociation avec des règles claires ; les ressources économiques dans le budget de la Nation pour financer les projets accordés ; le support des partis politiques et des syndicats; la force et souveraineté de l’État mais aussi la conviction des groupes horsla-loi que celle-ci est la meilleure solution au conflit pour l’accomplissement pacifique de leurs objectifs. Reconnaître l’origine du problème, son existence et sa transformation en menace pour la sécurité de l’Etat et de la société, est un élément fondamental pour définir la stratégie à adopter pour le gouvernement. Même si la réussite des négociations de paix est nettement politique, la participation de tous les composants de l’État et de la société est nécessaire pour le succès et l’adéquate implémentation des accords. Parmi les composants de la société, une presse responsable doit accompagner le processus. La volonté du pouvoir politique est fondamentale pour trouver une solution définitive au conflit. Elle est représentée non seulement par les partis politiques mais aussi par le pouvoir législatif, à travers la promulgation de lois qui permettent la réinsertion sociale des combattants. Un consensus politique doit soutenir le pouvoir exécutif dans le développement des négociations et l’implémentation des accords, ainsi que la volonté des syndicats de donner une chance à ceux qui se réinsèrent à la société et à son mécanisme productif. Le fait de négocier la paix avec l’adversaire indique que l’on n’a pas pu vaincre la menace qu’il représente. Cependant, pour pouvoir entreprendre un processus de négociation, il est nécessaire que l’une des parties soit affaiblie et craigne sa disparition. 80 Deux adversaires à égalité de conditions ne s’assiéront jamais à la table des négociations. Ainsi, le gouvernement, soutenu par le peuple qu’il personnifie et portant toute sa capacité de force que tantôt la Constitution tantôt la loi lui ont légué, représenté par les forces de l’Armée, doit rentrer les négociations avec celles-ci d’autant plus fortes. L’État doit donc maintenir des Forces Armées d’excellente capacité pour les conserver fortes et ainsi dissuasives contre un possible adversaire. Des Forces Armées parfaitement unifiées, bien équipées, entrainées et qualifiées pour faire fléchir l’ennemi quelconque avec leur présence et/ou usage de la force. C’est-à-dire, que l’État possède une capacité dissuasive crédible, une stratégie claire et précise qui lui permette d’être toujours en avant-garde face aux intérêts de son antagoniste. De la clarté pour ce qui concerne le centre gravitationnel de l’adversaire est aussi indispensable. La justice, efficiente et impartiale. Un pouvoir Judiciaire équilibré jugeant en droit et qui ne soit pas employé comme une arme politique. Une justice qui reconnaisse l’existence même du conflit ainsi que des normes légales qui s’ajustent à la situation d’un pays dont l’ordre interne est perturbé. Que le principe constitutionnel du privilège militaire soit reconnu pour le personnel de l’Armée, pour qu’il puisse être jugé par la justice pénale militaire selon les normes en vigueur dans le conflit. Un agenda de négociation où les règles du débat soient accordées et acceptées, et avec des normes qui exigent l’exécution de celles-ci. Un plan qui permette le dialogue ouvert et la discussion de divers sujets, mais ne nuise ni à la souveraineté ni à la démocratie. Le développement transparent des négociations connu par toutes les forces vivantes de la Nation ainsi que internationalement, et non pas que cela reste entre les négociateurs et les adversaires comme s’il s’agissait de décisions cachées au reste du monde. L’État doit compter sur des ressources économiques et matérielles suffisantes pour assurer de manière efficace les engagements pris lors de la négociation. Il faut compter entre ceux-là les inversions impliquées par l’application de l’Action Intégrale permettant de récupérer l’autorité de l’État dans le territoire affecté par les groupes délinquants, de façon à permettre l’amélioration des conditions de vie des habitants lésés. Les ressources doivent être également disponibles pour satisfaire les exigences demandées par la resocialisation des personnes hors-la-loi ayant accepté les programmes du gouvernement, faisant d’eux des personnes productives. Ici, il est nécessaire de prendre en considération la participation internationale, puisqu’elle peut apporter de substantielles ressources pour le développement de programmes visant à empêcher les démobilisés de retomber dans les activités délinquantes. 81 Cependant, même si tous les éléments déjà énoncés sont présents, tant que les membres des groupes hors-la-loi ne sont pas complètement convaincus que l’abandon des actions terroristes et des activités illégales, comme l'enlèvement de personnes, le meurtre, l’extorsion, le narcotrafic, le trafic d’armes, etc. est la meilleure voie pour accomplir leurs buts et que la place publique est le meilleur endroit pour débattre leurs idées, une tentative de négociation quelconque échouera. En conséquence, la cessation du feu et les hostilités de la part des groupes hors-la-loi est une condition préalable aux négociations. Une des causes de l’échec des négociations de paix avec les FARC sous le gouvernement de Andrés Pastrana Arango en Colombie (1998-2002) a été le manque de décision par rapport à la suspension des actions terroristes pendant l’achèvement des négociations. Le gouvernement leur a donné le domaine territorial (avec la surnommée Zone de Distension), leur remettant ainsi une partie de sa souveraineté. Les FARC ont retiré tous les représentants du gouvernement et de la justice, l’Armée et la Police inclues. C’est de cette Zone que les plus grandes attaques contre la force publique et la population en général sont sorties, laissant derrière des milliers de sinistrés, des centaines de blessés et de morts, et des milliers de réfugiés fuyant la violence, de sorte que cette zone à favorisé le renforcement armé des délinquants et à multiplié exponentiellement l’activité illicite liée au narcotrafic. Ce qu’on ne doit pas négocier : Premièrement, la souveraineté de la Nation ne peut jamais être négociée. Dans aucun cas le territoire ou une partie peut être donné à l’adversaire ; de même, l’autorité ne peut être cédée, ni l’application de la justice dans une partie du pays. Un des principaux problèmes que l’on observe en Colombie, c’est que la justice n’applique pas dans tout le territoire les mêmes normes, puisque les peuples indigènes peuvent exercer leur propre justice, en négligeant le principe de République égalitaire. Dans les régions habitées par ces minorités, l’impact des actions narcoterroristes est d’autant plus ressenti, puisque qu’elles cherchent à protéger les cultures illicites et la production de drogue. L’Armée, puisqu’elle veille sur la sécurité de la société et la défense du territoire et ses institutions, est la force de l’État et non du gouvernement. Dans la plupart des cas, les groupes armés essayent de négocier la diminution voire la disparition de l’Armée puisque c’est celle-ci qui s’est opposée aux intérêts délictueux des groupes armées, et elle est donc ciblée par ces groupes. Dans certaines nations, les démobilisés des groupes subversifs ont été incorporés dans les rangs de la Force Publique, ce qui entraine un chaos institutionnel, ce qui affecte particulièrement le morale des soldats. 82 La démocratie. Les démobilisés ne peuvent se voir offrir des privilèges politiques surpassant les droit constitutionnels des citoyens. Pour le cas colombien, par exemple, les démobilisés du groupe M19 ainsi que d’autre groupes similaires ont pu être élu au Congrès National même s’ils n'avaient pas le nombre de votes exigé des autres parlementaires. Par conséquence, l’Assemblée Constitutionnelle qui a modifié la Constitution en 1991 comptait parmi ses membres un pourcentage élevé de subversifs démobilisés qui ont pesé sur les décisions prises. Cette ligne politique a donné la priorité aux droits des citoyens sur leurs devoirs ; de même, les minorités ont obtenu plus de droits que le reste de la population, ce qui est une des causes du conflit inachevé depuis la moitié du siècle. Elles ont aussi fait pression pour favoriser les grands narcotrafiquants qui possédaient des procès judiciaires en effaçant l’extradition de la Constitution. Analyse du processus de paix Grâce à son expérience, la Colombie sert d’exemple pour l’analyse de différents processus pour la paix avec des organisations subversives, quelques uns d’entre eux, avec des résultats satisfaisants, d’autres, menant à des effets complètement négatifs. Les plus remarquables de ces processus, à cause des connotations au niveau national et international, comme des leçons tirées, sont peut être ceux menés avec le M19, groupe qui c’est démobilisé et est entré dans la vie institutionnelle et politique du pays depuis mars 1990, la tentative de négociation du gouvernement de Andrés Pastrana Arango (1998-2002) avec le groupe narcoterroriste FARC étant considérée comme un échec total, ainsi que celle du gouvernement de Uribe Vélez (2002-2010) avec les autodéfenses illégales, qui a permis la démobilisation et la remise d’armes de plus de 31 000 personnes militant dans leurs rangs. Cette négociation a eu, cependant, quelques effets nocifs au niveau politique, ainsi que la récidive de quelques uns. Processus de paix avec le M-19. Gouvernement de Virgilio Barco Vargas (19861990) Pour mener cette analyse, on prendra comme un modèle de négociations couronnées de succès les négociations avec le groupe terroriste Mouvement 19 d’avril (M-19), qui a décidé de déposer les armes et de se lier à la scène politique nationale sous le gouvernement de Barco Vargas. Faisant un peu l’histoire, ce mouvement est né de l’union de membres de l’ANAPO (Alliance National Populaire), des FARC (Forces, Armées Révolutionnaires Communistes) et du Parti Communiste (El Tiempo.com/100…). L’ANAPO est née en 1962 avec à sa tête le général Gustavo Rojas Pinilla. Postérieurement, et en réponse 83 aux anomalies et soupçons de fraude dans les résultats des élections présidentielles données par Carlos Lleras Restrepo (1966-1970), le 19 avril 1970, contre le candidat de l’ANAPO, Gustavo Rojas Pinilla, commence la gestation du groupe M-19. Celui-ci s’établit comme mouvement subversif le 17 janvier 1974, en volant l’épée de Bolivar. Le groupe délinquant M-19 a mené des actions criminelles qui ont eu un impact national et international, comme le meurtre du syndicaliste José Raquel Mercado en 1976, le vol de presque 5 000 armements de l’Armée de terre en décembre 1978, et en février 1980, l’enlèvement de plus de 60 personnes, avec parmi elles l’ambassadeur des États-Unis, dans l’Ambassade de la République Dominicaine, qui s'est terminé après 60 jours et la fuite des délinquants vers Cuba emmenant avec eux plusieurs millions de dollars. Originairement urbain et postérieurement ayant une influence rurale, le M-19 a enlevé, volé, commis des extorsions et assassiné plusieurs Colombiens pendant son existence, comme un mouvement délinquant. Le gouvernement de Julio Cesar Turbay Ayala (1978-1982) réussit la capture, le jugement et l’incarcération d’un nombre important de délinquants à la tête du groupe, spécialement après le vol et la récupération d’armements enlevés à l’Armée. Mais le gouvernement de Belisario Betancur Cuartas (1982-1986) a concédé un armistice, par la Loi 35 de 1982, aux prisonniers du groupe M-19, leur donnant le statut de crime politique, jetant à la poubelle les efforts de la force publique et de la justice et a facilité ainsi son renforcement pour continuer les activités hors-la-loi. Les activités délinquantes du groupe ont eu leur apogée au mois de novembre 1985, lorsque, soutenus par les plus grands narcotrafiquants du pays, ses membres conduisirent l’assaut contre le Palais de Justice à Bogota et assassinèrent plusieurs dizaines de personnes, avec parmi elles un nombre significatif de magistrats, pour brûler les expédients judiciaires de ces délinquants, de telle sorte qu’ils commirent un génocide de lèse-humanité. Cependant, malgré les délits commis par le M-19, le 9 mars 1990 un accord politique entre le Président de la République et la tête du M-19 fut signé comme résultat du Pacte Politique pour la Paix et la Démocratie souscrit le 2 novembre 1989, où certains sujets comme l’administration de la justice, le trafic de drogues, la réforme électorale, les inversions publiques dans les zones de conflit, l’ordre public et la normalisation de la vie citoyenne ont été analysés aboutissant à une dissolution avec un Procès pour la Paix et la Réconciliation. Une circonscription pour la paix fut établie dans les accords, permettant au démobilisés d’accéder à des postes au Congrès, même ayant moins de vote pour que le nécessaire pour les autres candidats. Le Fond National pour la Paix fut renforcé afin de compter sur plus de ressources pour l’aide au démobilisés. Une réforme électorale 84 fut soutenue pour donner plus d’espace aux minorités. Dans le cas de la réforme de la Justice, on suggéra différentes stratégies substantives, administratives, budgétaire, de personnel, et de procédure. Une commission d’analyse des dimensions réelles du trafic de drogues fur réunie. Le M-19 accepta l’abandon des armes, annonça la démobilisation de tous ses fronts et que, en tant que groupe armé, il cessait d’exister. Une Commission de Surveillance qui rendit viable les accords fut établie ainsi que le Plan de Sécurité qui assura la sécurité des membres du M-19 démobilisés. Parmi les décisions importantes de cet Accord Politique, on peut souligner l’accord d’un ordre vérifiable de cessation des hostilités avant le début des négociations, la concentration des militants du M-19 dans une zone définie et restreinte géographiquement, la définition de la fin du M-19 comme un groupe armé, et le plus remarquable, la volonté des dirigeants du M-19 de rentrer dans un processus de négociation avec l’État avec comme but la diminution de la violence. Avec la Loi 77 du 22 décembre 1989, le Congrès habilita le Président de la République pour gracier, et avec le décret 206 du 22 janvier 1990, le gouvernement règlementa la loi 77/89 en couvrant les accords avec le M-19 pour les gracier. Depuis, les membres du M-19 ont occupé des postes comme ministres, gouverneurs, maires, congressistes et représentants dans plusieurs corporations publiques. Processus de paix du gouvernement d’Andrés Pastrana Arango (1998-2002) Des approches au niveau politique avec les FARC ont eu lieu avant les élections présidentielles où Pastrana Arango a gagné pour établir un dialogue de paix. Le dégagement d’une grande partie du territoire a été accordé, retirant de celle-ci la force publique et les représentants de l’autorité civile. C’est alors qu’on a commis de graves fautes stratégiques, qui ont causé et continuent à causer du mal au pays. Les FARC ont possédé une surface plus vaste que celle du Salvador (42 000 kilomètres carrés). Le gouvernement leur a permis le renforcement militaire et financier, puisque les affaires du trafic de drogues se sont multipliées. Elles se renforcèrent en nombre, puisqu’elles ont recruté par la force des habitants de la Zone de Distension, imposant leurs propres lois et exécutant le contrôle absolu de la zone. On est même arrivé jusqu’à leur concéder le statut politique et lever les ordres d’arrêt contre les négociateurs. Le gouvernement n’a exigé aucune cessation des hostilités avant de commencer les négociations, s’étant replié devant les exigences du groupe narcoterroriste comme un pays vaincu. La tête des FARC a imposé ses conditions tout au long du processus, le prolongeant inutilement, et sans aboutir à des résultats positifs. Les FARC ont imposé la condition de «Négociations pendant le conflit ». Les FARC n’ont jamais voulu la paix. 85 Le gouvernement n’a pas pris en compte les expériences précédentes de tentative de négociation avec les FARC et l’ELN, qui ont toujours cherché à gagner du temps pour leur renforcement et freiner les opérations militaires contre eux. Quand les résultats des opérations militaires et policières les affaiblissaient, ils cherchaient à s’en échapper grâce aux négociations. Le gouvernement n’a pas évalué dans toute sa dimension les projets de la tête des FARC de « Prendre le pouvoir », en employant tous les moyens de lutte. Les actions délinquantes des FARC ont unifié les Colombiens contre eux. À la fin du gouvernement de Pastrana, plus de 350 municipalités n’avait aucune présence ni de la force publique ni de l’autorité civile. Lors des négociations dans la Zone de Distensions, on observe que les délinquants ont renforcé leurs actions terroristes en enlevant, commettant des assassinats et des extorsions, volant tout en préservant leur but défini ce qui explique leur orientation vers la capitale de la République pour prendre le pouvoir par la force. Ils ont essayé de bloquer la ville, et sont arrivés même à mener des attaques contre le Palais Présidentiel le 7 août 2002 lors de la possession du nouveau Président, Alvaro Uribe Velez. Le gouvernement de Pastrana n’a pas écouté les analyses et les conseils des militaires; de même, le Conseiller pour la paix du gouvernement a déçu les commandants militaires à propos des décisions politiques que le gouvernement prenait. Ceci a mené à une profonde crise politique où le Ministre de la Défense qui était en désaccord avec les décisions du Conseiller pour la paix a démissionné et un nombre important de Généraux de l’Armée Nationale ont demandé leur démission. Ainsi, pendant ce gouvernement, il n’y a pas eu un véritable travail d’équipe, à cause du désir véhément d’accomplir un résultat positif avec les FARC et d’une possible postulation au Prix Nobel pour la Paix. De leur côté, les dirigeants des FARC continuaient leurs gestions politiques à l’extérieur, comptant sur le support de quelques gouvernements qui les pensaient des interlocuteurs valables et cherchant à se voir reconnaître le « statut de belligérant » qui leur permettrait d’avoir une reconnaissance internationale. Ils ont internationalisé le sujet à tel point qu’à Los Pozos (San Vicente del Caguare), à la fin juin 1999, des représentants de 27 pays se sont réunis pour les écouter dans ce qu’est appelé la Table Thématique. De même, ils se sont réunis dans la Zone de Distension avec des membres du Congrès des États-Unis, le Président de la bourse de New York, et certains dirigeants à la tête des FARC ont même été conduits grâce au gouvernement dans une tournée en Europe pour expliquer leur propos futurs. D’autre côté, vis-à-vis de l’incapacité du gouvernement à mettre fin aux actions terroristes des FARC et d’autres groupes délinquants qui affectaient toute la population et étaient en train de transformer la Colombie en un État Failli, émerge ce 86 qui est considéré comme la réponse civile de la population pour sa protection, connue aussi comme autodéfense. Ces organisations se transforment plus tard en groupes délinquants qui commettent les mêmes crimes que les FARC, ELN, et autres groupes hors-la-loi, et financés par les ressources issues du trafic de drogues et délits liés à celui-ci. L’agenda établi comme base principale pour les négociations a pris plus de 6 mois à être structuré. 12 sujets ont été définis par celles-ci, recouvrant: Solution politique au conflit, Droit de l’homme, Politique Agraire Intégrale, Exploitation et conservation des ressources naturelles, Structure économique et sociale, Réformes à la justice, Lutte contre la corruption et le trafic de drogues, Réformes politiques pour l’élargissement de la démocratie, Réformes de l’État, Accords sur le Droit international humanitaire, Force Militaire et Relations Internationales. C’est-à-dire, cet agenda représente la construction d’un État selon leurs intérêts, s’étant désigné comme les garants de la morale publique même après avoir commis les délits plus affreux et crimes de lèse humanité. Malgré le fait d’être immergé dans un conflit interne depuis plus de 30 ans, le pays ne compte pas avec un cadre légal ni des normes adéquates pour combattre la subversion. L’insécurité a augmenté de telle sorte que la Police Nationale a perdu le contrôle qu’elle était sensée avoir comme Institution qui vise à maintenir la sécurité interne, et c’est ainsi que des fonctions policières ont été données à l’Armée, mais sans lui donner ni les instruments juridiques nécessaires pour prendre action, ni la préparation pour affronter ce type d’ennemi, ni le personnel, ni le matériel et les équipements nécessaires. À l’occasion du lamentable incident terroriste contre les tours jumelles à New York et le Pentagone à Washington, le 11 septembre 2001, le terrorisme a pris de nouvelles dimensions au niveau international. C’est à partir de ce moment que les États-Unis ont changé leur position vis à vis du terrorisme lié aux activités subversives et du trafic de drogues. Ce que l’on considère comme un des succès du gouvernement de Pastrana est la reconnaissance au niveau mondial des FARC comme une organisation terroriste. Postérieurement, l’Union Européenne a ratifié cette décision et, dernièrement, le Chili. Cependant, les FARC ont été soutenues à l’étranger, spécialement par Hugo Chávez au Venezuela. Ce président a affirmé dans son rapport annuel face à l’Assemblée Nationale de son pays que les FARC devaient être reconnues comme Armée (Miguel Ángel Herrera Zgaib, la verdad en torno al estatus político, de beligerancia y el terrorismo [La vérité à propos du statut politique, de belligérance et le terrorisme]). Egalement, il a affirmé que les relations avec la Colombie seront normalisées à condition que l’État ne qualifie plus les FARC et l’ELN de terroristes, intervenant directement sur les affaires internes 87 colombiennes pour la déstabiliser, ce qui dans d’autres circonstances pourrait être perçu comme une déclaration de guerre. Le trafic de drogue à délégitimé le discours politique des FARC, les transformant possiblement en le plus grand cartel de drogue. Sous le pouvoir du narcotrafic, elles ont infiltré la société, les forces armées, la politique, l’Église, la justice, et même des campagnes électorales financées par elles. Processus de paix avec les autodéfenses. Gouvernement de Alvaro Uribe Vélez (2002-2010) Les mouvements illégaux d’autodéfense sont nés en 1980 en réponse aux actions délinquantes des FARC, ELN, M-19, narcotrafiquants et autres groupes subversifs, pour protéger les intérêts des éleveurs et des agriculteurs, principalement touchés par les enlèvements et les extorsions. Au début, ils ont été soutenus par une grande partie de la population et de quelques autorités, puisqu’ils étaient considérés comme des combattants de la subversion. Mais, au bout d’un certain temps, ils se sont transformés en de grandes organisations hors-la-loi qui commettaient des massacres, entraînaient des déplacements massifs de population fuyant la violence, et d’autres type d’atrocités contre la population, de sorte qu’ils ont été alors qualifiés au niveau national et international de terroristes, étant financés par le narcotrafic. Ils ont atteint plusieurs milliers d’hommes armés. La subversion et l’opposition de gauche ont réussi à vendre nationalement et internationalement l’image de ces autodéfenses comme étant des paramilitaires, de façon à les faire voir comme une organisation contrôlée et dirigée par les militaires, puisque ceux-ci étaient leur plus grand ennemi, combattant la narco-subversion et les membres des autodéfenses illégales et endommageant leur appareil armé et logistique. Depuis le gouvernement de Pastrana Arango (1998-2002), des rapprochements avec les autodéfenses ont commencé à avoir lieu, par l’intermédiaire de l’Église Catholique. Álvaro Uribe Vélez a inclus dans son agenda électoral le dialogue avec les groupes hors-la-loi, pourtant ceux-ci n' étaient pas reconnus comme légitimes. Étant Président, Uribe Vélez a maintenu la collaboration de l’Église Catholique et en octobre 2002 les AUC ont manifesté leur intérêt d’arriver à une cessation des hostilités pour commencer un processus de paix. Le processus de paix avec les autodéfenses illégales, réunies autour des Autodéfenses Unies de Colombie (AUC), a commencé en 2002, avec la déclaration de leur part d’une cessation des hostilités unilatérale requise par le gouvernement. Dans ce processus, plusieurs organisations délinquantes ont été incluses comme les AUC, Le Bloque Central Bolivar, l’Alliance Oriente, les Autodéfenses Paysannes de Magdalena Medio et 88 le Bloque Elmer Cárdenas. Mais d’autres groupes comme le Bloque Metro ont refusé d’adhérer à ce processus. Une des premières actions pour montrer leur bonne foi et volonté a été la remise aux autorités, représentées par le Bienestar Familiar (Bien-être Familier), de 69 mineurs qui combattaient dans leurs rangs. D’après plusieurs articles, entre 2 500 et 3 000 mineurs combattaient dans leurs rangs. Entre 2003 et 2006, 31 671 membres des autodéfenses se sont réinsérés dans la société et ils ont rendu plus de 18 000 pièces d’armement, avec plus de 2,7 millions de munitions. Le processus a eu trois étapes parfaitement définies : la phase exploratrice, l’étape de négociation et la démobilisation. Pendant la phase exploratrice, les accords de Santa Fé de Ralito (15 juillet 2003) ont été signés à la suite des premières rencontres avec les représentants du gouvernement et définissant le recherche du : renforcement de la capacité du gouvernement, rétablissement du monopole de la force de l’État, le renforcement de l’État social de droit et la construction authentique de la paix. Ils ont convenu que la démobilisation intégrale de leurs membres serait faite en décembre 2005 et que le gouvernement s’engagerait à l’insertion de ces personnes à la vie civile. Lors de l’étape de négociation, ils ont accordé la concentration des membres des autodéfenses, ainsi que la présence de la force publique et la cessation des hostilités, et finalement le partage de l’idéal d’un pays sans narcotrafic. En mai 2004, l’Accord entre le gouvernement national et les autodéfenses pour la zone de « localisation » est signé. Ce document établit les normes et clauses générales pour le fonctionnement de la zone de localisation. Il définit le but de la zone, il parle de maintenir une vérification de la zone, de la cessation des hostilités, et que celle-ci sert à l’accomplissement des dialogues. Il limite la zone (une zone de 368 kilomètres carrés est accordée), inclut des limitations pour l’utilisation de l’espace aérien et établit la durée pendant laquelle cette zone aura lieu, une durée initiale de six mois. Il inclut le suivi de l’OEA et de l’Église Catholique, ainsi qu’il établit des garanties juridiques pour les membres présents dans cette zone. Cet accord introduit également des principes élémentaires pour les deux parties comme la volonté de paix, la transparence, le respect des habitants de la zone, le respect mutuel entre les négociateurs, la légalité, la disposition à concilier, la bonne foi et la confidentialité des sujets traités. De même, certaines normes pour le fonctionnement de la zone sont établies : l’État maintient son autorité et exerce la justice, les sorties des membres des autodéfenses de la zone doivent être autorisées par le gouvernement, aucune activité illicite ne peut avoir lieu dans la zone, ni recrutement, ni pression sur les habitants de la zone, l’OEA reçoit l’inventaire des armements et des 89 munitions, la sécurité de la zone et l’accès sont pris en charge par la Force Publique et finalement la responsabilité du comité de vérification. Lors du développement du processus, quelques crises ont eu lieu à cause de violation de la cessation des hostilités ou l’entrée dans le groupe de démobilisés de personnages liés publiquement au narcotrafic. Le processus s'est terminé par un succès, une démobilisation massive des membres des autodéfenses qui faisaient partie spécialement de l’appareil militaire, ce qui a contribué à l’achèvement de la paix dans le territoire national, même si un groupe considérable n’a pas fait partie du processus et a continué à mener des activités délinquantes telle le narcotrafic. Ces délinquants ont donné naissance à ce qu’aujourd’hui on connait comme les Bandes Criminelles liées au narcotrafic (BACRIM). Celles-ci se sont alliées aux FARC et à l’ELN, et elles ont repris dans leurs rangs d’autres membres des autodéfenses qui, bien que démobilisés, ont récidivé. D’après les statistiques publiques de 2011, près de 10% des personnes démobilisées sont retombées dans les activités illégales. Il convient de noter que l’influence politique atteinte par les autodéfenses a été très élevée, ce qui, même en 2011, possède d’importantes connotations au niveau régional et, depuis les dernières années, a donné naissance à la para-politique, se produisant un procès légal contre tous ceux qui ont soutenu ou ont été soutenus par les groupes délinquants. Cette dernière remarque indique que même si un processus pour réinsérer dans la vie civile des milliers d’hommes et de femmes a été mené avec succès, les contrôles et suivis de ces personnes n’ont peut être pas été efficaces. Principales causes du conflit On peut affirmer que, dans le cas colombien, une somme de différents éléments a conduit à la perturbation continue de l’ordre public interne pendant les dernières 60 années tels que : idéologies extrémistes qui justifient l’usage de la force pour accomplir leur intérêts ; intérêts politiques démesurés, violence dans les zones rurales comme dans les villes, narcotrafic, corruption généralisée, manque de justice et impartialité de celle-ci, intérêts étrangers qui soutiennent les groupes subversifs et culture violente du peuple colombien. La violence générale de la fin des années 40 a des origines politiques, connues comme la violence bipartite, lorsque les deux partis traditionnels, le Libéral et le Conservateur ont favorisé le meurtre des uns et des autres dans la lutte pour le pouvoir. Le gouvernement de Rojas Pinilla (1953-1957) a signé quelques accords avec les partis violents, diminuant les actions délinquantes. Mais dans les années 60, le banditisme 90 commence à apparaitre comme phénomène où plusieurs des membres des guérillas politiques continuent leurs activités sanglantes. De même, c’est dans cette décennie que ce qu’on connait comme les Forces Armées Révolutionnaires Communistes FARC prennent naissance. D’après Eduardo Pizarro Leóngomez, dans son article « Les origines du mouvement armé communiste en Colombie (1949-1966)», la guérilla d’inspiration communiste est née à la fin des années 40 et elle souffre des changements entre autodéfense et guérilla dépendant de la situation politique dominante, mais c’est à partir de 1966, lorsque la guérilla communiste structure son projet politique vers la conquête du pouvoir, soulignant la validité de l’emploi de tous les moyens de lutte pour réussir ces buts, parmi eux, la violence. Dans les années 60, on reçoit une influence directe des résultats obtenus par la guérilla Castriste à Cuba ce qui entraîne la création de plusieurs groupes subversifs gravitant autour de sujets comme la récupération des terres, la lutte de classes, ou lutte contre la répression officielle, entre autres. Après la sortie du pouvoir de Rojas Pinilla (1957), une période de répartition politique du pouvoir est établie entre les libéraux et les conservateurs, s’alternant les uns les autres pendant une durée de 16 ans (1958-1974), ce qui entraîne la rancœur de ceux qui avaient une position de gauche. Pendant cette période, il y a eu plus d’actions militaires contre la subversion, mais l’aveuglement des dirigeants politiques nationaux a considéré que ceci n’était qu’un problème à solution militaire et non à solution intégrée de toute la société. La violence s’est élevée dans les zones rurales puisque la stratégie des guérillas était de transporter la guerre des campagnes à la ville. Dans les années 70, on observe la croissance du problème du narcotrafic, spécialement l’envoi de marihuana vers l’extérieur, et parallèlement, la croissance d’une culture de corruption dans la société. Le combat contre l’activité illicite du narcotrafic a été mené avec les moyens disponibles, mais la capacité de l’autorité, dans ce cas de la Police Nationale, a été débordée ce qui a permis le développement à son apogée de la production de chlorhydrate de cocaïne et postérieurement la culture de la feuille de coca. La corruption a continué jusqu’à ce qu’un nombre important de narcotrafiquants réussissent à avoir des postes dans le Congrès et d’autre postes à élection populaire. La lutte contre ces délinquants a déchaîné une réponse sanglante et terroriste ; ceux-ci assassinèrent de sang froid plusieurs représentants de la loi et touchèrent des milliers de colombiens. C’est pendant cette période que les FARC et autres groupes subversifs commencèrent à s’impliquer dans le narcotrafic, de telle sorte qu’ils se renforcèrent financièrement et par leurs capacités terroristes. 91 La corruption s'est infiltrée dans tous les couches de la société, et ainsi, les citoyens ont perdu la confiance en la justice, puisque, « partialisée » et utilisée comme une arme politique, elle entraînait plus de violence, perdait sa crédibilité et efficacité et perdait sa fonction dissuasive face à ceux qui violaient ou voulaient violer les normes et les lois, en plus des injustices perpétuées envers les colombiens en utilisant de manière erronée son pouvoir. En 2011, cette pénétration peut être observée puisqu’elle permet de mettre fin à la « Farc-politique » avec la décision d’une Cour de ne pas accepter comme preuve juridique les informations trouvées dans l’ordinateur d’alias Raul Reyes, sans lesquelles tous les procès liés aux FARC sont bloqués et, contrairement, ouvre les portes à la possibilité de juger les militaires et les policiers qui ont pris part à l’opération qui a éliminé l’assassin alias Raúl Reyes pour défendre le peuple colombien et la démocratie. Lorsqu’on parle de culture violente du peuple colombien, on fait référence spécialement à toutes les années pendant lesquelles le pays a été sous l’assaut des guerres civiles favorisées par les partis politique dans leur recherche du pouvoir, pour ne pas parler de la violence avant l’Indépendence. C’est-à-dire, ne parlant que de deux siècles de notre histoire. Lamentablement, la population est habituée à résoudre violemment les disputes. Des intérêts étrangers, cherchant à déstabiliser le gouvernement, spécialement pour changer le système démocratique, ont soutenu et protégé les groupes subversifs puisqu’ils leur ont donné les aides et les moyens nécessaires pour rester actifs, grandir, attenter contre la sécurité du pays et celle d’autres états, attenter contre la vie de millions de personnes avec la production et la commercialisation de la drogue, en plus de conseiller d’autres groupes de bandits dans leurs actions délinquantes et criminelles. C’est ainsi qu’ils ont été soutenus par les gouvernements de Cuba, du Nicaragua, de l’ancienne URSS, de Libye, de Chine, et depuis quelques années, par les gouvernements de l’Équateur et du Venezuela. La violence entraîne plus de violence et leurs action criminelles laisseront une trace de rancœur dans les cœurs des Colombiens. Conclusions : • La solution aux problèmes de la subversion n’est pas seulement l’application de l’effort répressif de l’État mais l’union de tous les efforts et intérêts de la Nation. • Le but des négociations doit être de réussir une paix durable. • Les négociations de paix sont un accord de type politique. • L’existence d’une volonté politique réelle des deux parties. 92 • • • • • • • • • • • • • • • • 93 De la clarté vis-à-vis des causes réelles du conflit. La cessation des hostilités est une condition préalable aux négociations. Agenda et Règles de négociations doivent être agrées auparavant. Pour la concentration des démobilisés, on doit prévoir un espace géographique en accord avec le nombre de personnes, ainsi que prévoir un règlement particulier qui réponde à leur présence. Les appareils armé et politique de ceux qui sont en armes doivent être désarticulés. La démobilisation de tous ceux qui sont en armes doit être accomplie. Le travail en équipe est fondamental pour la réussite des négociations. Les négociateurs doivent connaître et être clairs à propos des sujets non négociables. Le législatif doit approuver les lois pour accorder la grâce ou l’amnistie aux démobilisés, les membres de la force publique qui ont à leur tour participé à la répression de la menace inclus. L’État doit avoir la capacité d’accomplir ce qu'il a accordé. Les démobilisés ne peuvent pas posséder plus de privilèges que les autres citoyens. Subversion, terrorisme et narcotrafic demeurent intégrés. L’analyse des leçons tirées d’autres processus de paix est fondamentale pour commencer une négociation. Le gouvernement doit être capable de combattre la guerre politique, juridique, diplomatique et médiatique, en plus de préparer ses Forces Armées, pour combattre la subversion dans toutes ses formes. Tant que les groupes armés retiennent des ressources du narcotrafic, il sera très difficile d’arriver à négocier la paix. Pour combattre le narco-terrorisme, le soutien international est nécessaire. De l’approche globale à un art de la construction de la paix. La vision de l’UE, par le Général Maurice de Langlois, adjoint du chef de la Représentation militaire de la France auprès du Comité militaire de l'Union européenne For the EU, the comprehensive approach is the translation of the implementation of the Common Security and Defence Policy. It is indeed an art of building peace. It can be defined as the collaborative process of the multinational operations led by the EU which reinforces the probability of success in all areas, such as : diplomacy, economy, development, security, Human Rights, justice. All the EU tools must be used, with if necessary external partners (UN, NATO, African Union, World Bank, etc.). The basic principles are the following : unity and coherence of the political orientations, unity of efforts and complementarity of the effects, complementarity of civilian and military tools, separation of the civilian and military chains of command but with a strong coordination, complementary funding. CSDP and its comprehensive approach are not perfect, have teething (youth) troubles, but it is working and the Lisbon Treaty facilitates its implementation. In waiting for better days for Europe, it is necessary to progress in a common understanding of the concept of the comprehensive approach, to wipe off the cultural differences and to be dynamic. Lastly, the Member States must keep in mind the European interests and not the national ones. And we must be patient. Il est difficile de parler d’un sujet au contour aussi ambitieux que celui-là. Si vous me le permettez, je proposerais plutôt « l’approche globale ou l’art de la construction de la paix ». Pour l’Union européenne, l’approche globale se traduit par la mise en œuvre de la politique européenne de sécurité et de défense (PSDC). Celle-ci est malheureusement aujourd’hui à la peine. Et pourtant, c’est le bras armé indispensable de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de cette « Europe puissance » que nous appelons tous de nos vœux. Madame Merkel s’exprimait il y a 2 jours devant son parti, en ces termes : « La tâche de notre génération est d’achever l’union monétaire et économique, et de construire pas à pas l’union politique européenne ». Et cette union politique ne peut s’appuyer efficacement que sur une PSDC forte. 94 Or l’année 2011 a été une année néfaste pour l’Europe de la défense. Les effets conjugués de la crise financière et des révolutions arabes ont révélé d’importantes dissensions entre les Etats membres et montré l’inhibition des structures bruxelloises. Et pourtant, que de chemin parcouru depuis la première opération européenne en 2003 en Macédoine. 24 opérations lancées en 8 ans avec les succès que nous connaissons. Mais un fort ralentissement, voire même un arrêt pour certains a été constaté depuis décembre 2008, date de la fin de la présidence française de l’Union européenne. Il n’y a plus d’impulsion et l’année 2011 a été particulièrement difficile. Notre Chef d’état-major des armées, l’amiral Guillaud, s’exprimant le 5 octobre dernier devant la Commission de la défense nationale à l’Assemblée, a été très clair : « Je considère que l’Europe de la défense est en quelque sorte en hibernation, ce qui signifie qu’un réveil se produira un jour ou l’autre ». Ceci veut dire que si la France continue à soutenir l’Europe de la défense, elle ne veut plus apparaitre comme un élément moteur. Il existe d’autres moyens complémentaires pour rapprocher les Européens, que ce soit dans le cadre du traité franco-britannique ou celui de son action dans l’OTAN. Mais en attendant, la PSDC a perdu son moteur, son allant et son dynamisme. Or, il n’y a pas d’alternative crédible. C’est pourquoi l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1° décembre 2009 a été l’occasion de rappeler le niveau d’ambition de l’UE et de mettre en place tous les outils et les organisations nécessaires à la mise en œuvre de l’approche globale qui, en d’autres termes, est bien l’art de la construction de la paix. La signification de l’approche globale L’approche globale est un terme devenu incontournable dans les grands forums « qui comptent », mais, une fois la référence faite, il est bien difficile à l’orateur d’en donner une définition officielle. Prenant le risque, je donne ici une définition parmi d’autres, mais qui me semble pour ma part assez proche de la réalité : « Procédé collaboratif des engagements internationaux de l’UE, qui renforce la probabilité de succès dans les domaines diplomatique, sécuritaire, économique, du développement, juridique et des droits de l’homme » (source : Etat-major de l’Union européenne). Cela se traduit par l’utilisation coordonnée de tous les instruments de l’UE, avec, si besoin est, la contribution de partenaires extérieurs (ONU, UA, OTAN, banque mondiale, OMI,…). 95 Les principes de base sont les suivants : unité et cohérence des orientations politiques, unité des efforts et complémentarité des effets, complémentarité des outils civils et militaires, séparation des chaînes de commandement civile et militaire, avec un fort niveau de coordination, financements complémentaires, intergouvernementaux et communautaires. Il faut toutefois reconnaitre que cette définition, non officielle, est loin d’être partagée par l’ensemble des acteurs de l’UE. La réflexion reste partielle et insuffisamment développée. De plus, la notion d’approche globale peut faire peur car elle laisse entrevoir une perte d’autonomie et d’influence de chacune des parties engagées, ce qui se traduit encore aujourd’hui sur le terrain par des actions manquant de coordination et de complémentarité. Le traité de Lisbonne et l’approche globale Le traité de Lisbonne est indéniablement source de progrès pour l’approche globale. Le secrétaire général exécutif du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), M. Pierre Vimont, déclarait récemment devant les Ambassadeurs du Comité politique et de sécurité que « le SEAE était l’organisme par excellence de la mise en œuvre de l’approche globale ». En effet, le traité de Lisbonne a permis de bâtir une nouvelle organisation pour la PESC et d’identifier de nouveaux outils. Il n’y a maintenant plus d’obstacles institutionnels à l’activation de l’ensemble des instruments de l’UE. L’article 41 du traité de Lisbonne, qui décrit l’action extérieure de l’UE, est explicite: « L’Union veille à la cohérence entre les différents domaines de son action extérieure et entre ceux-ci et ses autres politiques. Le Conseil et la Commission, assistés par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, assurent cette cohérence et coopèrent à cet effet ». Il s’agit bien de donner plus de cohérence et de visibilité à cette politique extérieure. Elle s’appuie sur l’expertise du SEAE, d’un volume actuel d’environ 4000 personnes, réparties entre Bruxelles et les délégations de l’UE dans le monde. Le SEAE est composé de 3 entités principales : d’un ensemble gestion de crises, composé principalement d’un état-major militaire, d’une structure de planification et d’une capacité de conduite pour les missions civiles de la PSDC, 96 des directions géographiques et thématiques, issues principalement de l’ancienne direction générale RELEX de la Commission, des délégations (130), véritables ambassades de l’UE, héritières des représentations de la Commission. Le SEAE a été activé début 2011. Il souffre encore de problèmes de jeunesse, ce qui est normal, et doit surmonter de nombreux obstacles. Le premier est lié à la personnalité de la haute représentante, Catherine Ashton, qui vient de la Commission et qui n’avait initialement aucune culture PESC. Ensuite, l’organisation interne est peu transparente et reste très complexe, principalement au niveau des structures décisionnelles. Les différences culturelles entre le personnel issu de la Commission, celui du Conseil ou venant des Etats membres, sont encore trop vivaces pour créer une véritable synergie au sein du SEAE. Enfin, les délégations manquent d’expertise dans plusieurs domaines, notamment celui de la sécurité et la défense. Il faudra certainement plusieurs années avant que le SEAE puisse donner la pleine puissance de ses capacités, avec une gouvernance éprouvée et une mise en œuvre efficace de l’approche globale. En conclusion, donner du temps au temps L’approche globale est une réalité à l’Union européenne. Si nous n’avons pas attendu le traité de Lisbonne pour la mettre en œuvre, celui-ci permet de faciliter l’interaction des acteurs et la cohérence d’ensemble. De nombreux exemples, principalement en Afrique, peuvent servir de référence. La stratégie pour le Sahel, avec l’action combinée de la Commission et le lancement prochain d’une mission de formation au Niger en est une illustration. Plus importante dans sa dimension, la stratégie pour la Corne de l’Afrique a permis la nomination d’un représentant spécial de l’UE, chargé de coordonner toutes les actions dans la région. Une opération de lutte contre la piraterie (Atalante), une mission de formation des soldats somaliens (EUTM), un centre de formation à Djibouti, des financements pour les soldes des soldats de la force de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), des actions régionales pour développer le système judiciaire et une future mission de formation des gardes-côtes (RMCB) sont autant de contributions à l’approche globale européenne. Cependant, ces exemples vertueux se heurtent encore aux défauts de jeunesse de la nouvelle organisation et à son manque de cohésion. De plus, les Etats membres, qui 97 ont pourtant souscrit à cette approche, manquent cruellement de dynamisme et de volonté politique pour sa mise en œuvre. Mais cette absence d’engagement peut largement s’expliquer par la phase difficile que traverse l’Europe avec la crise financière. En attendant des jours meilleurs pour l’Europe, il est nécessaire : de progresser sur cette notion partagée d’approche globale afin que chaque acteur en ait la même interprétation et l’utilise pour le bien commun, que les différences culturelles issues de l’ancienne organisation par piliers disparaissent, que chaque responsable, bruxellois ou national, soit convaincu de son intérêt et s’y investisse résolument, enfin, que les Etats-membres adhèrent à une nouvelle organisation qui sert les intérêts de la diplomatie européenne avant de servir des intérêts purement nationaux. Et, avant tout, il faut rester convaincu et dynamique, tout en faisant preuve de patience et en reconnaissant qu’il faut « donner du temps au temps », une citation de Cervantès dans Don Quichotte, comme vous l’aviez certainement deviné. 98 L'approche globale à l'Ecole de guerre française, par le capitaine de frégate Ronald Hoffmann (officier de liaison allemand), et le colonel Frédéric Laurent. There is the official definition and the reality during the operations, to which must be prepared the students of the « Ecole de Guerre », by a specific training. This training must give them the deep knowledge of the cultures of the different actors, military and civilian. Understanding NGOs is thus essential, which explains the strong partnership with the “Ecole de la paix”, based in Grenoble. Several modules have been created, one common for all the students, lasting 3 days, based on the Kosovo experience and one optional, lasting 2 weeks, based on the situation in Afghanistan, in partnership with Columbia. In fact, the “Ecole de Guerre” is in advance and, hopefully, its trainees will have the opportunity to pass the message to the other actors. A lot obviously remains to be done, but the Ecole de Guerre has opened the way. L’approche globale dans la gestion des crises extérieures vise à la PREVENTION ou au REGLEMENT DURABLE et aussi rapide que possible d’une CRISE par la SYNERGIE des actions réalisées par les différents intervenants dans les domaines de la GOUVERNANCE, de la SECURITE et du DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL. Elle allie COLLABORATION entre acteurs partageant UNE MEME VISION et COORDINATION avec les autres acteurs présents sur le théâtre. Cette définition, adoptée dans le concept interarmées des forces armées françaises, a fait l’objet d’un consensus aussi bien national qu’international, au sein de l’Union européenne et l’OTAN. Pour autant, la réalité de l’approche globale telle qu’elle est vécue par les militaires en opération extérieure (OpEx) est souvent toute autre. Ce hiatus repose sur la méconnaissance réciproque des acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux, militaires et civils. Cette nécessaire connaissance des cultures étrangères et/ou non militaires de l’approche globale justifie, à elle seule, que ce concept soit étudié dans le cadre de l’enseignement militaire supérieur dispensé par l’École de guerre. En effet, l’Ecole de guerre forme ses officiers stagiaires à concevoir et planifier l’action militaire interarmées, laquelle ne peut plus s’appréhender de manière isolée mais 99 s’inscrit dans le contexte beaucoup plus large de la gestion globale des crises mêlant politique, diplomatie, économie et information dans les modes opératoires utilisés. La compréhension de ce contexte élargi et plus complexe constitue le complément indispensable de la conception et de la planification des opérations interarmées car il en encadre la philosophie générale. Il s’agit donc d’élargir la vision militaire de l’approche globale à la dimension interministérielle et à d’autres acteurs de l’approche globale, en particulier nongouvernementaux. C’est notamment dans ce cadre que s’inscrit l’étroit partenariat noué avec l’Ecole de la paix de Grenoble. Mais la théorie ne peut être appréhendée que dans la mesure où elle est confrontée à la réalité des OpEx. Il est donc essentiel de tirer les enseignements de l’expérience opérationnelle en poussant la réflexion sur la gestion de crise au Kosovo et en Afghanistan. D’autres types d’engagement internationaux peuvent être évalués à l’aune de l’approche globale, comme la lutte contre la piraterie en Somalie. Pour comprendre les interactions très complexes entre engagement international et gestion de crise, il faut d’abord connaitre les avantages, les limites et les difficultés de l’approche globale et les conditions de son efficacité. Il est également primordial d’identifier la place, le rôle et la complémentarité des différents acteurs de l’approche globale afin de ne pas mésestimer leurs capacités d’action sur le terrain. De la connaissance jaillit la compréhension : le stagiaire à l’École de guerre comprend les sensibilités de chaque grande catégorie d’acteurs de l’approche globale et identifie les modes d’action possibles pour coordonner leur activité en tenant compte de leur capacité d’engagement différenciée dans le temps et la durée. L’École de Guerre a donc créé un module d’enseignement spécifique commun à tous les officiers stagiaires pour les familiariser à cette matière politico-militaire civile complexe. Un module d’approfondissement spécifique a complété cette étude pour la 18eme promotion. Le module commun intervient après le module « connaissance de l’interministériel » et le premier exercice de planification opérationnelle. Les stagiaires sont donc déjà sensibilisés aux problématiques à traiter. Ce module dure trois jours et s’attache notamment à l’étude du cas du Kosovo au travers de conférences d’information et d’un travail dirigé piloté par l’Ecole de la paix. Le module d’approfondissement optionnel de la 18eme promotion est intervenu en fin de scolarité et concernait 16 officiers stagiaires. Co-piloté par l’École de la paix, il a été mené en partenariat avec l’ESDEGUE (école supérieure de guerre) colombienne. 100 D’une durée de deux semaines, il a donné lieu à la rédaction de cinq travaux de réflexion déclinant divers aspects de l’approche globale en Afghanistan, à savoir : · Comment mettre fin à l’insurrection talibane? · Comment développer la légitimité du gouvernement afghan? · Comment les militaires peuvent-ils contribuer au développement économique et social en Afghanistan? · Quelle stratégie pour sécuriser la population afghane? · Drogue et approche globale en Afghanistan. Comme l’a justement formulé l’ancien commandant des forces otanienne de l’ISAF en Afghanistan, « le militaire ne peut gagner cette guerre tout seul ». Alors que l’armée française a officiellement conceptualisé l’approche globale dans un document de doctrine et que l’École de guerre française s’attache à en inculquer, les notions essentielles à ses stagiaires, en tant que mode de pensée et d’action commun aux futurs cadres militaires, force est de constater que les acteurs extérieurs à la défense ne se sont pas engagés dans la même démarche et continuent de poursuivre des logiques qui leur sont propres. Les stagiaires de l’École de guerre ainsi formés ne sont donc plus seulement des « initiés » de l’approche globale mais en deviennent de facto les multiplicateurs et les promoteurs dans le contexte interministériel, inter-organisationnel et international de gestion des crises. Nul ne conteste que beaucoup de chemin doit encore être parcouru. Pour autant, l’Ecole de guerre française a manifestement ouvert la voie et son exemple mérite d’être suivi. 101 Comparaison des codes de conduite des soldats dans différents pays du monde, par le général de brigade(2s) Patrice Mompeyssin, CiDAN. These codes have different forms, from the small card in the pocket of the soldier, to oaths, regulations and law. They have many common points, which is normal as it is the same profession and most countries have signed the same treaties and conventions making the Law of Armed conflicts. All soldiers in the World have to fulfil their mission risking their lives. They must have the sense of honour, of their duties, be disciplined and exemplary in all domains. They must demonstrate respect of traditions, comradeship. Lastly, they must have an ethical behaviour, which is not always literally written in the synthetic codes. In a way, the soldier must be quite perfect. But it is evident that writing a code, a regulation or a law, taking an oath is not enough. Ethics must be taught efficiently, in practical terms, in military academies and schools. An ethical behaviour must become a reflex in the difficult combat situations. Ethics has to be deeply integrated in the soul of the soldier. Lastly, the leaders must create a favourable background, be strict in their orders and the control of these orders. But in return, the Nation has to understand the huge difficulty of the soldier 's mission and to support him. Ces codes de conduite se présentent sous des formats divers, allant de la petite carte plastifiée portée par le combattant dans sa poche, jusqu'à la loi, en passant par des règlements, directives et, très souvent, par des serments prêtés par le soldat en fin de sa formation initiale. La simple carte de rappel n'exclut pas d'ailleurs tout un corpus de lois et règlements, définissant les droits et devoirs des militaires. Tous ces documents, plus ou moins volumineux et exhaustifs, comportent beaucoup de points communs, tout en mettant plus ou moins l'accent, selon la culture et l'histoire de chaque pays, sur certaines spécificités comme : • • • • • • • 102 le respect de la mission, la recherche de la victoire à tout prix et/ou le refus de la défaite, le service de la patrie, de l'Etat, de la Nation ou du peuple, le courage physique et moral, jusqu'au sacrifice de sa vie, le sens de l'honneur, le sens de la discipline et le respect des chefs, la camaraderie et l'esprit de corps, • • • • • • le professionnalisme et l'exemplarité, la neutralité28, et le devoir de réserve , le respect des traditions, l'honnêteté, le désintéressement et la franchise, la discrétion et le respect du secret, enfin un comportement éthique (dans le sens de fondement d'une morale29). On constatera tout d'abord que l'on demande beaucoup au soldat, ce qui est normal vu les exigences de la fonction. Il convient ensuite de remarquer que ces points communs sont normaux, dans la mesure où : • le métier est le même dans tous les pays du monde, • ces documents se réfèrent au droit international, dont la grande majorité des Etats sont signataires. Dans tous les cas étudiés, le soldat doit remplir sa mission, au service de la patrie, de l'Etat ou de la Nation. Il le fait au péril de sa vie. Les références éthiques ne sont pas systématiques dans les codes simplifiés, ce qui ne veut pas dire que les pays concernés ne s 'en préoccupent pas. Or, cette étude s'attache essentiellement aux directives concernant la maîtrise de la force militaire, le respect de toute vie humaine, de la dignité de chaque personne, qui se traduit dans le droit des conflits armés, inscrit dans les conventions de Genève (et leurs protocoles additionnels) et de La Haye. Elle ne se veut pas exhaustive, mais montre l'état des lieux des informations qui ont pu être rassemblées. Un point de spécificité concerne le point d'application du code. Dans certains pays, on différencie les codes par armée (terre, air ou mer), et services de police, ou par niveau de commandement. La plupart de ces textes embrassent l'ensemble des devoirs du soldat, tandis que certains se spécialisent sur les questions éthiques. Le stade ultime, rare, demande au soldat de s'opposer aux actes contraires au droit des conflits armés et de les dénoncer. Enfin, parfois, les documents indiquent les sanctions pénales et disciplinaires encourues en cas de manquements aux règles de ce droit. On ne peut certes bâtir un comportement sur la peur des sanctions et le soldat doit adhérer au 28 29 avec parfois des références religieuses définition du dictionnaire Larousse 103 plus profond de sa conscience aux valeurs éthiques, mais cette perspective peut représenter, en complément, en période de stress intense, une forme de protection dissuasive. Il est évident que ces textes ne doivent pas être seulement des déclarations d'intention. Il faut aussi que leur contenu soit enseigné, connu et appliqué, ce qui ferait l'objet d'une autre étude. De plus, même si les autorités politiques, les chefs et les exécutants, mettent tout en œuvre pour respecter le principe d'humanité, des cas exceptionnels de fautes sont toujours possibles, parce que les soldats sont des êtres humains qui ne sont pas parfaits et parce qu'il subissent au combat une terrible pression, que celui qui est tranquillement à l'abri à des milliers de kilomètres doit comprendre, pression qui peut conduire certains à perdre les repères moraux, malgré leur professionnalisme. Il ne s'agit pas d'excuser, il faut certes sanctionner les fautes, mais surtout préparer et soutenir le soldat, pour que cela n'arrive pas, car c'est lui, ses chefs directs et son armée qui seront jugés, et c'est lui seul ensuite qui supportera toute sa vie le remord inhérent à ces situations tragiques. Enfin, concernant ce que l'on appelle les dégâts collatéraux, si l'on ne veut pas aboutir à une paralysie de l'action militaire, il faut séparer l'erreur de la faute et ne pas mettre au même niveau l'acte de bonne foi, alors que toutes les précautions ont été prises, avec l'indifférence, la négligence, voire la volonté délibérée de tuer des civils. C'est en particulier pour toutes ces raisons d'ailleurs que la guerre doit rester l'ultime recours, lorsque toutes les autres solutions ont été tentées et ont échoué. Par ailleurs, comme il a été dit auparavant l'étude est loin d'être exhaustive, mais il est peu probable qu'elle ait manqué des éléments essentiels. Elle donne un bon aperçu de ce qui se fait. Les situations selon les pays sont donc très diverses, basées sur des expériences historiques et des cultures différentes. Le petit carton synthétique est utile mais pas suffisant. Il doit s'appuyer sur un ensemble de textes législatifs et réglementaires. Et le soldat, comme ses chefs, doit recevoir une éducation et un entraînement poussés, de manière à ce que le comportement éthique devienne un réflexe, basé au plus profond de la conscience. Les codes de conduite demandent tout d'abord au soldat d'appliquer des valeurs qui sont simplement civiles et citoyennes : patriotisme, professionnalisme, honnêteté, intégrité, sens de l'honneur, camaraderie. Le soldat est ensuite prêt à se sacrifier pour son pays , mais le policier aussi. Les deux ont aussi la délégation d'usage de la force, mais le policier généralement en autodéfense et de manière limitée. 104 La vraie spécificité est que le soldat a une puissance de feu considérable, mais qu'il doit maîtriser à la perfection l'usage de ses armes, en respectant les principes de nécessité, d'humanité, de proportionnalité et de discrimination. Dans les conflits asymétriques d'aujourd'hui, il doit le faire souvent face à un adversaire qui ne respecte aucune règle, prenant des civils innocents en otage (terrorisme aveugle, boucliers humains), et cherchant la faute pour exploiter cette faiblesse apparente. Le soldat ne doit pas tomber dans le piège, soit de la vengeance de la mort de camarades sous ses yeux, soit de rendre la justice à son niveau, soit enfin de la recherche de l'efficacité tactique quelle qu'en soit le prix. La fin ne justifie jamais les moyens. Ce qu'on lui demande est néanmoins considérable. Il faut l'aider du mieux possible, par le soutien de la nation, une éducation civique (de ses parents et de l'école), une formation et un entraînement militaires poussés, et de fermes consignes de ses chefs. 105 Ethics Education And Training, in the UNITED KINGDOM, By Dr David Whetham, King’s College London, Joint Services Command and Staff College. Les hypothèses et les modèles de l'enseignement de l'éthique militaire dans les différentes armées au Royaume Uni ont évolué sur une longue période. Mais la différence entre formation et éducation n'est pas toujours bien comprise. L'attention portée aux valeurs et standards a toujours été forte, même si ceux-ci n'ont été formalisés que récemment. Mais les hypothèses soutenant cette approche traditionnelle pourraient ne plus convenir. L'approche britannique “organique” est inférieure aux approches systématiques faites aux USA, au Canada et maintenant en Australie, où les programmes sont plus rigoureux au plan académique. Aujourd'hui, l'éthique militaire est bien enseignée au Joint Services Command and Staff College, qui forme et éduque l'officier en milieu de carrière. Mais il y est difficile d'avoir une approche coordonnée, compte tenu des formations données dans chaque armée auparavant. Toutes les armées mettent l'accent sur le rôle prépondérant du chef, mais la pratique varie très largement. A certains endroits, les aumôniers ont un rôle important, pas dans d'autres. Il y a encore plus de différences pour ce qui concerne les hommes du rang. Par exemple, réserver la formation pratique à ces derniers et l'éducation aux officiers (ou comment réagir à ce qui n'est pas prévu ou nouveau) n'est pas forcément pertinent. L'enseignement des Valeurs et Standards n'est pas suffisant pour une bonne pratique éthique opérationnelle. Les environnements très complexes auxquels les militaires ont à faire face nécessitent un niveau d'éducation aidant à la prise de décision. Certes, l'éthique doit être enseignée d'une manière adaptée à l'auditoire, mais il est possible de faire beaucoup mieux, en particulier en s'inspirant de ce qui se fait à l'étranger. The core assumptions and models underpinning the teaching of military ethics across the UK Armed Services have evolved over a long period of time. The practical difference between training and education is not always sufficiently understood, but the substance and balance of what is currently taught is considered appropriate up to a point. There is much good practice to be found, and building on these are various initiatives, starting to develop in different parts of Defence. Attention to institutional Values and Standards has always been strong, even if they were only formally articulated relatively recently. However, some of the assumptions underpinning this traditional approach may no longer be relevant, and are perhaps even dangerously out of touch. The ‘organic’ approach taken in the UK can be compared unfavourably with the systematic approaches taken in the education and training of military and defence“Auftragstaktik » ethics in the US, Canada and now Australia, where much more academic rigour can be demonstrated in the development of their syllabi. Much 106 of this considerable body of research and experience could be adopted or adapted with good effect in the UK. At present the subject ‘military ethics’ is taught at the Joint Services Command and Staff College which covers officer education in the mid career range. This single institution allows some coordination across the different courses and at least some sense of progression with different skills and approaches being emphasised according to the context of the ethical decisions that the officers are likely to face at that particular time in their careers. However, even here it is clear that a coordinated approach is very hard to implement given the very diverse approaches taken to officer ethics education in the different Services before arriving at Staff College. While all of the Services emphasise that it is the commanding officer that ‘owns’ the ethical component, how this manifests itself in practice varies widely. Chaplains are considered very important as supporting ethics development in some places, but not others, for example. The situation becomes even more diverse when looking at the support provided for enlisted personnel. While decision testing is an important (and well delivered) part of OPTAG for example, the type of complex ethical decisions that are being pushed down the chain of command through the demands of the Contemporary Operating Environment and Mission Command means that the rationale behind relying on training for enlisted (thereby concentrating on the specific) while reserving education (how to respond to the unforeseen or new) for officers may now be very flawed. My three chief comments are that Values and Standards training cannot on its own give enough guidance to cover what ought properly to be considered as operational ethics practice. Uncertain environments also require a level of ethical education to support effective decision-making. While it is recognised that the way ethics is taught and supported must adapt to the level of understanding and context of the people involved, it is possible to provide support for ethical decision making in a much more comprehensive and joined up way than is currently the case. The cost of not drawing on and developing from international existing ‘best practice’, could be detrimental to the UK in future operations. 107 « Innere Führung », Concept Intégral de Comportement pour le Soldat Allemand ; ou L’éthique et le mandat constitutionnel des Forces Fédérales Allemandes ; par le colonel (er) Manfred Rosenberger, directeur provisoire de la Société d'éthique militaire en Europe (Euro-ISME). 1- Naturally, Germany tried to learn from the past and not to do again the mistakes made after 1918. The Fundamental Law stresses upon the respect and the protection of each human being. The soldier is a citizen in uniform and his rights can be limited only for the imperative constraints of the military missions. The aim of the «Innere Führung » is to train a modern soldier who is a free person, a good citizen and a professional with integrity. Liberty and responsibility are the key words of this concept. 2 - The new German forces were created with no link with the Wehrmacht or the armies of the former periods. They are Parliamentary forces for NATO, dedicated to the strict protection of Germany. The citizen in uniform makes the links between the forces and the nation. 3 - The tradition relies now on 3 lines : the reform on the beginning of the 19th century, the resistance to the Nazis, and the history of the Federal Forces since their creation. 4 - His conscience remains the last resort for the soldier in action. 5 – the new security environment requires a professionalization with a structural flexibility. 6 – The soldier will have to face the hardest and most complex situations. He needs for that good equipment, still bravery but mainly an adapted doctrine. 7 – The leaders must command with their heart and reason. The commander must convince his subordinates in all circumstances. 8 – The “Auftragstaktik » ( global mission command) remains the key principle, which let initiative and freedom of action to the subordinates. 9 – The modern officer has to respect unified 4 profiles : professional, individual, technical and social. Cette contribution a servi comme base pour une intervention plus ciblée à la Table Ronde consacrée au sujet de « la Responsabilité du Soldat dans l’Action » organisée dans le cadre du XI. Séminaire européen du CiDAN au Château de Klingenthal. Au cours des discussions, le chemin spécifique de refondation de forces armées démocratiques en Allemagne après la Seconde Guerre Mondiale et leur réforme ultérieure suite à la réunification de l’Allemagne, s’est montré d’un intérêt particulier pour les participants étrangers, spécialement dans le domaine des principes éthiques et moraux. La confrontation avec d’autres concepts nationaux, notamment le concept britannique et les différents codes de conduite réunis dans le cadre d’une étude comparative menée par le CiDAN ont démontré un besoin de concertation, voire même d’harmonisation, afin de promouvoir une culture commune en matière 108 d’éthique militaire, référence de plus en plus nécessaire pour l’engagement de nos forces dans des opérations multinationales de gestion de crises. 1. Leçons du passé récent Lors de la reconstruction de l’Allemagne après la Seconde Guerre Mondiale, on a essayé de tirer les leçons du passé, de considérer les expériences et de ne pas retomber dans les erreurs commises après la guerre 1914-18. Comme première conséquence de cette approche, en 1949 le nouvel État naissant, la République Fédérale d'Allemagne, s'est donné une nouvelle Constitution, la Charte Fondamentale, qui régit comme constitution de la plus grande liberté dans l’histoire de l’Allemagne. Avec l’article Premier, alinéa 1, celle-ci s’est assurée la nouvelle direction comme expérience et réponse à l'histoire récente. On y affirme : “La dignité de l’être humain est inviolable. Il est une obligation de tout pouvoir d’État de la respecter et de la protéger.” Un autre but de cette Constitution et des lois des Forces Armées qui furent plus tard adoptées, consistait à faire de l'image de l'Homme de notre Constitution un modèle obligatoire également pour les soldats. Autrement dit, qu'ils soient aussi des citoyens en uniforme et que leurs droits constitutionnels en tant que citoyens ne soient limités que dans les cas où cela s’avère absolument nécessaire pour le maintien de la fonction des Forces Armées. Dans un document secret de l’Amt Blank (office précurseur du futur Ministère de la défense) de 1953 on pouvait déjà lire : “Tous les travaux de l' «Innere Führung » ont pour but de créer et de continuer à former le type de soldat moderne, qui est en même temps une personne libre, un bon citoyen et un soldat aux valeurs intègres.” Le résultat de cette conception est l'idéal du citoyen en uniforme. Ce concept est valable pour le citoyen qui veut défendre son pays en tant que soldat, qui est prêt à entrer en action et qui partage la responsabilité pour la liberté et la dignité humaine avec les autres. Il rejoint le citoyen politiquement formé, connaisseur de sa responsabilité et qui reconnaît les motifs politiques et les conséquences de son action en tant que soldat, les défendant de manière convaincante. Cet idéal devrait être l’orientation et la norme pour tout le processus de socialisation au sein de la société et des Forces Armées. Les valeurs fondamentales de notre Constitution sont liées, à travers le concept de « l’Innere Führung », au principe de l’ordre et de la fonction des Forces Armées. La liberté et la responsabilité sont toujours les points de référence politico-morale de ce concept. Le noyau consiste à dire que la liberté, le droit et la démocratie ne peuvent être préservés que là où les individus prennent en charge de manière responsable leur protection. La conduite interne et les capacités militaires doivent être prises comme un 109 tout. La conception de l’Innere Führung crée un climat de confiance et de camaraderie qui est essentiel en tant que fondement de la morale des Forces Armées. Avec cela, on garantit la réalisation de la liberté de foi, de conscience et de confession. 2. Identification des Forces Armées de la nouvelle République Fédérale d’Allemagne. L’identification du soldat de l’armée de la République Fédérale d’Allemagne a une importance politique et morale très particulière, qui ne peut se comprendre qu’à partir de l'histoire de l'Allemagne. Après la catastrophe militaire et morale de 1945, non seulement les forces qui avaient vaincu ont interdit les soldats allemands mais la plupart de la population ne voulait pas d'eux non plus, malgré la menace soviétique qui devenait évidente avec le blocus de Berlin en 1948 et l’invasion de la Corée en 1950. “Sans moi!” était l’opinion prédominante du peuple allemand. Il est apparu alors comme un fait rapidement compréhensible que seules de Forces Armées allemandes recréées sur de nouvelles bases pourraient résister à ces champs de tensions. Elles furent créées sans lien avec les Forces Armées antérieures (la « Wehrmacht ») et leurs prédécesseurs. C’est pourquoi l’on a interdit toute tradition par rapport à la « Wehrmacht ». Dès le début, les forces armées fédérales furent créées comme une armée d'alliance, presque totalement intégrée aux structures de l'OTAN et renonçant consciemment à une capacité opérative de commandement national sans exception. On institua ici une « armée du parlement », incorporée à l’ordre constitutionnel existant, ayant pour fonction unique la protection de l’Allemagne contre les menaces extérieures et dont les tâches furent organisées dans le cadre du commandement intégré du Traité de l’Atlantique Nord et placées sous la plus stricte primauté de la politique. Et il en résulte jusqu’à aujourd’hui une armée dans la démocratie, avec le citoyen en uniforme faisant le lien entre les Forces Armées et la société, une armée de l’Innere Führung », suivant consciemment les réformes prussiennes sous la ligne de tradition de Scharnhorst. 3. Nouvelle perception déontologique et tradition On peut aussi fixer la perception de la déontologie de l’officier allemand dans la tradition militaire. Trois lignes essentielles de tradition pour l'armée fédérale ont été définies : l’époque de la réforme au début du 19ème siècle, la résistance contre le régime national-socialiste et l’histoire des forces armées fédérales elle-même depuis leur création. La résistance militaire contre Hitler mène à la discussion concernant les valeurs de l’action des soldats « résistants ». Enfin, pour quoi s’engagent les officiers allemands ? 110 À la rébellion de conscience s’ajoute lors de la résistance, la rébellion de l'expérience militaire: Stauffenberg était un officier brillant de l’État Major, mais lorsqu’il fut grièvement blessé sur le front, il lui apparut comme une évidence que Hitler avait abusé de la Wehrmacht de façon insensée, de sorte que la perte quotidienne de milliers de soldats ne servait plus exclusivement à gagner la guerre – qui était perdue depuis longtemps - mais elle servait aussi à cacher les crimes perpétrés derrière les fronts. Dans ce cas se joignent le devoir moral et la responsabilité éthique avec l’intelligence d’un officier d’État Major hautement qualifié. Cette ligne de tradition se traduit aujourd’hui dans les cérémonies de prestation de serment en public, organisées chaque année le 20 juillet (date anniversaire de la tentative d’attentat) devant le Reichstag à Berlin. 4. La conscience, dernière instance liant responsabilité et action de tout militaire servant au sein des Forces Fédérales Cette dimension de la mission militaire a des conséquences pour la représentation et la perception d’eux-mêmes que se font les soldats d’aujourd’hui. Elle se laisse entrevoir dans des aspects comme le style de commandement et la formation professionnelle mais aussi et surtout dans la préparation mentale. L’Innere Führung (compris dans ses volets d’éducation morale et de formation civique) a une tâche essentielle à accomplir dans la recomposition de ces aspects: Pour la sociologie des Forces Armées, « l’Innere Führung » est devenu un concept intégral et autonome presque intraduisible dans d’autres langues. L’organisation des Forces Fédérales Allemandes était, dans les années 50, un défi politique, d’organisation militaire mais aussi morale. Les nouvelles Forces Armées de la nouvelle République avaient besoin d’un nouvel ancrage politique et d’un fondement spirituel viables pour l’avenir. Le cadre de valeurs de la Charte Fondamentale fixa dès lors et fixe encore les normes. Celles-ci mettent en œuvre de façon radicalement réformée la primauté de la politique et le contrôle politique des Forces Armées. Les Forces Armées Fédérales doivent se comprendre comme une partie organique de l’État de droit démocratique ainsi qu’un élément constitutif et dynamique de la société : elles ne doivent aucunement mener une existence isolée « d’État dans l’État ». Le soldat doit maîtriser professionnellement sa mission militaire, mais il doit être à la fois un citoyen démocratique engagé. Il ne sera plus un soldat apolitique avec son propre code d'honneur professionnel. La culture de commandement des Forces Armées ne doit plus être dominée par l’obéissance rigide et le formalisme mais par l’intelligence critique, la coopération et la responsabilité partagée. Chaque soldat doit être politiquement mûr. C’est pourquoi la 111 formation politique doit faire partie de leur formation professionnelle. Ce concept a été et reste encore, dans son ensemble, un concept d’intégration et une philosophie de conduite. Il s’agit d'ancrer les Forces Armées Fédérales, du point de vue institutionnel, juridique et spirituel, au sein de l’état démocratique et, en même temps - et justement à cause de cela – de réussir à ce qu'elles soient dans le concert des armées alliées motivées, habiles et modernes. De même, on essaye de dialoguer avec les citoyens des différents groupes de la société civile, dans les domaines de l’école et des sciences, des églises et des syndicats, de la culture et des médias. Il faut éveiller et promouvoir en permanence la confiance dans cette armée de la République et dans sa mission. C’est pourquoi, entre autres, des « journées de portes ouvertes » sont organisées, où les citoyens sont invités à se faire eux-mêmes une image de la réalité et du fonctionnement des forces armées fédérales. Mais au-delà de la rencontre avec la réalité militaire, la promotion de la confiance a besoin d’une orientation spirituelle, de compétence scientifique, de disposition méthodique ainsi que de savoir faire et d’expérience pratique. Elle exige du courage, des convictions stables, de la sincérité et de la tolérance. Il s’agit d’imprégner la situation de sécurité politique de notre pays et de mettre la mission des Forces Armées à sa place. On doit mettre en bonne relation les acquis des sciences politiques, du droit et de l'histoire avec des questions relevant de l'éthique, de la pédagogie et de la psychologie de la conduite d’hommes. Les enseignements théoriques doivent être accompagnés de conseils pratiques pour la vie quotidienne des troupes. En somme, il faut constater ici qu’en ce début de 21ème siècle, le concept de l’Innere Führung doit à nouveau faire preuve de sa validité eu égard à une situation politique et de sécurité totalement modifiée depuis l’unification de l’Allemagne et la professionnalisation des forces fédérales; il s’agira non seulement d’accompagner la modernisation engagée des forces de manière critique mais même de l’influencer de façon active. 5. L’adaptation au nouvel environnement sécuritaire exige une professionnalisation et une flexibilité structurelle. La société et la gestion de la connaissance obligeront les Forces Armées à continuer de s’adapter aux conditions et à l’organisation de la gouvernance mondiale pour pouvoir conserver leur efficience et effectivité. Cela implique la naissance d’une capacité d’apprentissage structurel pour l’organisation et la professionnalisation plus profonde de chaque soldat en particulier. Dès lors, l'adaptation des Forces Armées à cette transformation sociale exige, dans une large mesure, une flexibilité de leur part. Ceci est particulièrement nécessaire parce que l’on doit pouvoir réagir face à l’image de guerre en transformation. 112 Aux nombreux conflits « intra-étatiques » il faut ajouter aujourd’hui un grand nombre de conflits « non étatiques» et d’autres formes de conflits armés, car l'on assiste dans une grande partie du monde à une sorte de «privatisation et économisation » de la guerre. Les développements économiques, politiques et sociaux dans plusieurs parties du monde sont le plus souvent liés à des chamboulements importants ; ceci amène des États et des « acteurs non étatiques » à s’assurer par voie guerrière et à leur profit ou à celui de leurs clients d’une part dans la satisfaction des besoins ; ces acteurs se désintéressent naturellement de la paix. Cela remet en cause la continuité du monopole du pouvoir de l’État et le statut pour la paix qui dépend de lui en tant que normative de communauté. Les acteurs de l’État aussi bien que les acteurs « non étatiques » émergents adoptent des formes d’usage de la violence que l’on peut caractériser comme des guerres non conventionnelles ou comme des « petites guerres ». Ce développement se voit renforcé par les avancées scientifiques-technologiques et par la vulnérabilité croissante des sociétés industrielles modernes, étant donné que ces deux tendances renforcent les opportunités de « conduite asymétrique de guerre ». Les distinctions classiques entre sécurité intérieure et extérieure ou entre guerre et paix se trouvent, de ce fait, de plus en plus remises en question. La multiplication des « petites guerres » demande une flexibilité structurelle et une capacité d’apprentissage de la part des Forces Armées constituées. Dans ces conflits, on a besoin de soldats hautement qualifiés en tant qu’individus mais aussi comme guerriers ultra-modernes dans l’action et disposant en même temps, pour une phase de prévention de conflits et pendant la phase de consolidation de la décision, d’une bonne mesure de compétence sociale. Le large éventail des engagements et leur complexité exigent davantage de professionnalisation. Les nouvelles formes d’engagements sont marquées par une internationalisation renforcée. Avec cela, on s’est éloigné des idées survenues de la simple défense du territoire national ou, plus encore, de l’effort dans la défense intégrée de l’Alliance. Dans l’avenir il ne s’agira plus de protéger le territoire mais plutôt la population ou bien l’infrastructure critique. 6. Profil requis du soldat servant dans les Forces Fédérales Allemandes et dans les unités multinationales. Aujourd’hui, un engagement dans le cadre de la gestion des crises peut inclure à tout moment les Forces Armées. Pour bien comprendre Clausewitz à notre époque, il s’agit là de politique de sécurité et de stabilité « en ajoutant d’autres moyens ». Pour cela, les Forces Armées de tous les pays ont besoin non seulement de structures et 113 d’armements adéquats mais, avant tout, d'une doctrine adaptée. La conduite des engagements est un défi incomparable pour l’esprit, le caractère (la nature) et l'habileté. Les soldats allemands peuvent être confrontés sous les nouvelles conditions sécuritaires aux situations les plus dures et ils doivent résister et durer fermement face à la détresse et au malheur. La vaillance n’est pas une vertu du passé. Cependant, à travers une suprématie conceptuelle et matérielle, nous pouvons faciliter les choses à nos soldats pour qu'ils soient courageux. Nous avons besoin de cadres capables de situer leurs tâches de manière adéquate dans le contexte politique, de former et de motiver les hommes qui leur sont confiés aux missions les plus complexes et de les mener avec conviction dans les engagements les plus divers. Et nous avons besoin d’une politique convainquant l’opinion publique non seulement au début d’un engagement militaire mais qui soit perceptible pour le soldat tout au long de l'action, le rassurant sur le nécessaire consensus national. 7. Conduite des hommes dans l’engagement militaire. Au regard des aspects de multinationalité des engagements futurs, nos Forces Armées se trouvent devant des exigences accentuées pour leurs cadres. Un trait caractéristique du soldat en tant que « chef militaire » c’est qu’il est meneur d’hommes. Il a besoin pour cela d’éducation, de formation professionnelle et d’une connaissance moderne des méthodes de conduite des hommes à travers la participation et la coopération. Ceci exige une attitude positive envers l’être humain et une manière de commander avec cœur et raison pour gagner la confiance du subordonné et pour pouvoir le motiver. Cela implique, de même, la préparation à des efforts et charges extrêmes en cas d’engagement sans oublier le devoir d’assistance. Surtout le métier de l’officier se caractérise toujours par le devoir de prendre des décisions, aussi dans des situations extrêmes et sous la pression du temps. Les capacités individuelles du chef militaire sont ainsi au premier plan qui, à côté des capacités intellectuelles basées sur des performances cognitives, exige aussi la disposition à se conformer aux devoirs du soldat. Être chef militaire signifie se faire responsable des hommes et cela requiert un engagement total. À la différence de la plupart des cadres civils, le chef militaire doit répondre dans des cas extrêmes à des décisions ayant trait à la vie et à la mort. C’est pourquoi le commandement militaire, notamment dans le cas d’engagement, est un défi incomparable de caractère, d’habileté, de corps, d’âme et d’esprit. Qui veut commander doit pouvoir convaincre dans toutes ces circonstances. 114 8. La « conduite par mission globale» continue à être le principe de base du style de commandement dans les Forces Armées allemandes. “Auftragstaktik » (conduite par mission globale) laisse au subordonné une marge de liberté d’action dans l’exécution de la mission: la mesure de cette marge est ajustée selon la nature de la tâche à accomplir. Conduire par mission globale ne veut pas dire donner de la liberté illimitée aux unités chargées de la mise en oeuvre ni de se décharger de la responsabilité « à la légère » vers le bas. Ce style de commandement présuppose de l’initiative, de la créativité et une capacité à agir de manière indépendante et cela ne peut réussir que si l’on permet aux autres de penser et que l’on garantit un espace pour la réalisation des tâches. À l’heure actuelle, le commandement des Forces Armées doit s’accomplir dans un monde qui évolue de manière fondamentale, constante et rapide. La complexité croissante, l’internationalisation, la dynamique et la transformation des valeurs en tant que potentiels de risque, difficiles à évaluer globalement, sont des caractéristiques de ces changements. L’un des éléments centraux de la réforme des Forces Armées Fédérales est son organisation résolument tournée vers l’interarmisation des trois armées et la multinationalisation. Ceci doit aussi avoir des conséquences pour le profil requis des officiers futurs servant dans les Forces Fédérales. 9. Eléments centraux pour un profil uniformisé de l’officier moderne. Ce profil des capacités requises comporte quatre profils partiels: “profil professionnel”, “profil individuel”, “profil social” et “profil technique”. Le profil professionnel inclut la perception professionnelle, le « savoir être », qui reflète les capacités requises des officiers, ainsi que l’image professionnelle du soldat réunissant tous les paramètres qu’un officier doit porter à l’intérieur de lui-même pour répondre aux exigences de la profession d’officier, c’est-à-dire une compréhension intégrale des valeurs, des normes, des droits et des devoirs. Le profil individuel comprend les capacités spirituelles et de caractère ainsi que la capacité de résistance à l’épreuve physique et psychique. Le profil technique comprend aussi bien la capacité fonctionnelle de commandement comme la maîtrise de sa profession, la capacité de planification et d’organisation, les aptitudes pour enseigner et prendre des responsabilités dans le domaine de la logistique et la gestion économique des forces. Sous le profil social se regroupe l’aptitude personnelle au commandement, l’habileté de communication, l’habileté de coopération et la compétence interculturelle, c’està-dire les compétences dont l’officier a besoin pour pouvoir remplir des fonctions de meneur d’hommes, d'éducateur et membre d’une équipe militaire. 115 Toutes ces conditions requises ont un caractère normatif. Néanmoins, elles ne sont pas quantifiables d'une certaine façon parce que leur signification et leur poids sélectif dépendent des exigences de la tâche de l’officier à chaque circonstance. Résumé Des qualifications clés caractérisent le potentiel de la personnalité au commandement : sa disposition, ses vertus, sa façon d’agir et son attitude concernant les valeurs. Le soldat qui intègre les Forces Armées Fédérales pourra apprendre les normes et les valeurs d’une communauté militaire toujours en premier lieu à travers des expériences dans son champ professionnel, y compris la formation professionnelle et le perfectionnement et, sur cette base fondamentale, il pourra développer son éthique professionnelle. Jetant un regard sur les cinquante ans d’existence des Forces Fédérales allemandes et devant le défi d'un profil d'engagement différent et d'un éventail de missions élargi, l'individu doit pouvoir répondre positivement au sens de la question suivante : Pour quoi suis-je prêt à exposer ma vie et ma santé? Ou encore plus drastiquement: Pour quoi mourir- pour quoi tuer? La question de la légitimité et de la légalité de l’engagement militaire et son succès postérieur sont étroitement liés à cette problématique. Les militaires ne peuvent être fondamentalement motivés qu’avec des critères clairement atteignables pour le succès de l’engagement comme, par exemple, un commandement exemplaire et convaincant « depuis le début », une camaraderie réellement « vécue » et le fait d’être convaincus de la justesse de la mission, ce qui implique que toutes les autres conditions environnantes sont remplies de façon convenable– comme par exemple une formation solide et un équipement adéquat. Les expériences concrètes dans les engagements de gestion de crise, qui sont de plus en plus fréquentes, seront autant des images de rôles et de compréhension de soimême, non seulement de l’officier allemand mais aussi des soldats de tous les grades et de toutes les nations. La formation politique et la formation à l’Innere Führung sont toujours, du point de vue de l’auteur, la clé authentique pour la réussite et un fondement élémentaire et important dans ces années de bouleversements profonds dans le paysage sécuritaire de l’Europe ainsi que dans le processus de dialogue avec de nouveaux partenaires dans le monde. C’est pour moi un véritable honneur et une grande joie d’avoir pu apporter ces réflexions à l’échange d’idées avec les participants de ce XI. Séminaire Européen de Klingenthal. 116 « L'armée égyptienne face à la fin de l’ère Moubarak et à la transition », par Monsieur Tewfik Aclimandos, chercheur au Collège de France, chaire d'histoire du monde arabe contemporain. One says that the Egyptian regime has been military since 1952, and that, because the High Council of the Armed Forces is still leading the country, one cannot speak of a revolution. The armed forces were in fact very popular from 1973 to 2011, seen as less corrupted. But they were a strong economical power, resisting to change despite recognizing that reforms were necessary. President Mubarak tried to modernize progressively the country but also to transfer the power to his son Gamal. Both appeared unpopular and unacceptable for the armed forces. Today, all the observers think that the military command, after observing a passive neutrality, and all other forces want the success of the transition and the return of the power to the civilians. The Muslim Brotherhood wishes a departure of an humiliated military power with the honors and the gratitude of the Nation, in order to avoid a possible « coup d'Etat ». But in the end, it is not sure that the people will accept the present arrangements Le régime égyptien est, nous dit-on, militaire, et ce depuis 1952. Le fait même que le Conseil Supérieur des forces armées dirige le pays et qu’il concentre entre ses mains les pouvoirs législatifs et exécutifs pousse certains observateurs à estimer que le régime n’est pas tombé – et donc à dire qu’on ne peut véritablement parler de révolution. Qualifier un régime de « militaire » est aussi précis et nous apprend autant que de dire d’un autre qu’il est dirigé par des civils. Le régime issu de la Révolution nassérienne a beaucoup mué au fil des années. Je vais procéder sommairement, mais espère néanmoins montrer des évolutions. En juillet 1952, une organisation semi - clandestine d’officiers de l’armée s’empare du pouvoir et expulse le Roi Fârûq, puis instaure un régime républicain autoritaire, avec une prédominance écrasante de l’exécutif et d’un parti d’abord unique et plus tard hégémonique. L’armée est le principal protecteur de ce régime, une sorte de bombe atomique : arme décisive, mais qu’on n’utilise qu’avec la plus grande circonspection. Car y avoir recours, c’est devenir son débiteur, que vous soyez officier ou non. Tout ceci est assez constant et n’a pas changé de 1952 à 2011. C’est beaucoup. C’est peu. En 1952, disions nous, une organisation comptant environ 300/350 officiers a pris le pouvoir. Le coup d’Etat, qui a été lancé avant que le mouvement des officiers libres ne soit véritablement prêt, a réussi – contre toute attente : Nasser, qui savait que les services de la police politique avaient identifié les chefs de file et les principaux 117 activistes, pensait que son putsch était plutôt un baroud d’honneur désespéré. Mais il avait sous estimé l’exaspération du corps des officiers à l’encontre du Roi : si les conjurés étaient relativement peu nombreux, personne ne tenait à défendre Farouk. Avec le bénéfice du recul, on peut dire que Nasser, pour consolider son régime, a procédé – inconsciemment au départ (en adoptant une série de petites mesures, de décisions individuelles, si on préfère), en sachant ce qu’il ferait plus tard – de la manière suivante : A deux ou trois dizaines d’officiers près, la plupart des officiers activistes et des membres de l’organisation des officiers libres ont quitté l’armée et ont « pantouflé » dans l’appareil d’Etat et au sein du parti unique que le nouveau régime créa. Ce flux avait deux objectifs : d’une part, écarter du commandement des unités les officiers qui savaient organiser un coup d’Etat et qui estimaient avoir une sorte de droit de regard sur le régime qu’ils avaient contribué à enfanter. D’autre part, placer ses propres hommes aux secteurs clés de l’appareil d’Etat dit « civil ». Dans la diplomatie, dans les services de sécurité et de renseignement nouvellement créés, dans les collectivités locales, dans les fédérations sportives, dans le secteur public, dans les institutions religieuses islamiques, etc. Il convient de relever que quelques dizaines d'officiers, plus gradés que les officiers libres, pantouflèrent également – ils furent donc éloignés du commandement des unités avec les honneurs et utilisés ailleurs . Quant à l’armée, elle fut confiée, dès 1953, au grand ami de Nasser, ‘Abd al Hakîm Amer, qui s’appuya sur quelques officiers libres, et surtout sur des officiers, plus âgés que lui, qui ne faisaient pas de politique. La plupart acceptèrent de voir un officier plus jeune devenir général et leur commandant : Amer était un homme qui savait fidéliser et attacher. Il convient de voir qu’il en sut gré à ceux qui l’avaient, de 1953 à 56, soutenu. Il ne leur retira jamais leurs postes de commandement et les défendit bec et ongles, alors que Nasser, dès 57, souhaitait leur départ. Les relations entre les deux grands amis, Nasser et Amer, se détériorèrent lentement, après 1956 et surtout après 1961. Le bicéphalisme - on disait de Amer qu’il était le numéro un ex æquo – devint tendu, voire conflictuel. L’armée se vit confier ou arracha des missions civiles, comme par exemple la gestion des transports en commun de la capitale. Au début des années 60, de nouvelles vagues de pantouflage eurent lieu et les nouveaux civils étaient, cette fois, des hommes de Amer. Par ailleurs, l’institution militaire s’autonomisait de plus en plus par rapport au pouvoir civil. De 1957 à 1967, on peut parler de polyarchie conflictuelle. Tant le secteur civil que le secteur militaire de l’appareil de l’Etat sont dominés par des militaires : la plupart des ministres sont d’anciens officiers, les principaux diplomates aussi, l’écrasante majorité des gouverneurs, etc. Seul le parlement est majoritairement composé de civils, mais le président de l’Assemblée est militaire (Sadate) et les officiers - députés constituent une minorité importante et influente. 118 La guerre de 1967 met un terme au bicéphalisme. Amer est écarté (et se suicide ou est suicidé) et ses hommes sont neutralisés. L’armée doit se concentrer sur sa mission originelle – faire la guerre, recouvrer les territoires occupés. Par contre, les clés du secteur civil de l’appareil d’Etat, du parti unique et des espaces intermédiaires sont encore tenus par d’anciens militaires, et ce jusqu’à la mort de Nasser (1970). Sadate, qui lui succède, veille à prévenir tout bicéphalisme. Sous sa présidence, la main mise des militaires sur le secteur civil de l’appareil d’Etat et sur le parti unique s’affaiblit, voire prend fin. Il se débarrasse des nassériens – pour la plupart des militaires. Par exemple, les principaux postes, au sein de la diplomatie, sont à nouveau occupés par des civils. Les proches alliés et clients sont plus souvent des civils. En gros, se mettent en place des rapports pouvoir présidentiel/ armée qui ressemblent beaucoup à ceux en cours dans les démocraties. Le président ne consulte pas l’armée avant de prendre des décisions. Le commandement militaire lui est subordonné. C’est Sadate, et non l’armée, qui choisit son successeur. Mais ce dernier est militaire. Et le chef de l’Etat suit de près ce qui se passe dans la grande Muette, veille à communiquer avec cette dernière, visite fréquemment des unités, reçoit de jeunes officiers, et tolère, de la part de ces derniers, des critiques qu’il n’aurait jamais acceptées si elles émanaient d’un civil. Les officiers ont plusieurs privilèges : IFF importantes, possibilité de cumuler retraite et nouveau salaire, accès à des soins de qualité et peu coûteux, vente à crédit et à des conditions avantageuses de divers biens, etc. Le corps des officiers est toujours un vivier important qui fournit l’appareil d’Etat, ses organismes sécuritaires, ses organismes de contrôle et le secteur économique en cadres – même s’il n’est plus seul. Enfin, le régime et les organismes de sécurité ont perfectionné leurs techniques de contrôle et leurs dispositifs d’alerte et de surveillance, de manière à prévenir tout coup d’Etat. Par exemple, quatre organismes de sécurité surveillent les places et les lieux stratégiques : la DRM, les mukhâbarâts, la Sécurité d’Etat, la police militaire. Les officiers sont surveillés de près – en particulier ceux qui sont capables de mettre en mouvement des unités. La garde présidentielle, qui ne dépend pas du ministre de la Défense, se développe. Malgré cela, sous Sâdât, plusieurs officiers seront séduits par le jihâdisme – et ce sont des militaires qui assassineront le successeur de Nasser. (Ce phénomène, certes marginal, ne sera éradiqué que dans le second tiers des années 90, par le ministre de la défense Tantâwî, nommé pour sa bonne connaissance des dossiers sécuritaires). La donne fondamentale ne change pas vraiment pendant les vingt premières années de la présidence Moubarak. Certes, l’empire économique de l’armée se diversifie, pour devenir un acteur important dans les secteurs (entre autres) du BTP, de l’agroalimentaire, de l’électro - ménager, des réseaux téléphoniques, et bien sûr de l’industrie 119 militaire30. Certes, les privilèges du corps augmentent en un premier temps, puis diminuent avec la détérioration de la situation économique lors de la seconde moitié des années 80s. Certes, les promotions se ralentissent : dans les années 60 et 70, on était colonel avant l’âge de 40 ans ; cela cesse d’être le cas. Mais le rapport de forces reste le même. Quand on demande à de grands journalistes ou à des hauts fonctionnaires ce qui se passera si Moubarak venait à brusquement disparaître (ces années sont aussi celles du terrorisme jihâdiste), on s’attire la réponse : « il y aurait deux réunions, celle des instances supérieures du Parti, celle du Conseil Supérieur des forces armées ; on te laisse deviner laquelle des deux compte ! ». Les deux derniers mandats de Moubarak L’intelligence des évènements exige de ne pas oublier : a) que l’armée était de loin l’institution la plus populaire en Egypte, depuis 1973 au 11 février 2011. Elle était perçue comme étant moins corrompue que les autres, et comme offrant simultanément les avantages d’un Etat légal rationnel, et d’une grande famille (Bien sûr, les faits sont plus complexes ; mais les illusions des acteurs ont des conséquences qui ne sont pas qu’illusoires) b) que le système économique national mis en place par Nasser n’avait pas été véritablement démantelé avant l’ascension de Gamal Moubarak au début du XXIe siècle. Ce système se proposait d’accomplir quatre objectifs : a) réaliser l’autarcie, afin de parfaire l’indépendance nationale. Objectif irréaliste, bien sûr, qui avait pour conséquence la création de nombreux secteurs non viables, défiant la rationalité économique, et qui étaient financés par des prélèvements sur les secteurs viables, ce qui avait pour conséquence d’entraver le développement de ces derniers. b) Garder les secteurs clés (avec une large définition de ces derniers) en des mains égyptiennes, de préférence étatiques – toujours pour sauvegarder l’indépendance nationale. c) proposer des biens de consommation et autres à des prix abordables pour le plus grand nombre possible de personnes en Egypte d) créer des emplois pour le plus grand nombre possible de personnes en Egypte. Il convient aussi de voir que l’armée était profondément attachée à ce système, même si elle était consciente du fait qu’il fallait le réformer et qu’il était gangrené par la centralisation, la corruption, une main-d’œuvre nombreuse et productive. 30 J’ai écrit ailleurs que le bras économique de l’armée, était vu – souvent à juste titre - comme un rempart contre la vie chère (car proposant des biens de consommation à des prix abordables), et comme une force obligeant les « grands magnats » à tempérer leurs pratiques monopolistiques. Springborg et Henry affirment que « des centaines de milliers d’anciens conscrits ont appris leurs métiers dans les entreprises » de l’empire économique militaire 120 Etait-il réformable ? Je ne le pense pas, mais on ne le saura pas, puisqu’il a été démantelé. Plusieurs hommes d’affaires, à la fin des années 90, prônaient ce démantèlement. Les dirigeants « du premier cercle » refusaient, conscients des risques sociaux et politiques. Les entrepreneurs cherchèrent un allié pro- business, « sachant comment une économie de marché fonctionnait », et le trouvèrent en la personne du fils cadet du président, qui menait une carrière dans le monde des finances. Ils le lancèrent en politique – et à un moment ou un autre, au plus tard en 2002, le clan présidentiel décida d’en faire le successeur de son père et mit en œuvre un « plan de transmission héréditaire du pouvoir ». En même temps, le fils se voyait confier les dossiers économiques (entre autres), mit en place des réformes économiques radicales, et passa en force, voire avec une grande brutalité. La combinaison de ce projet politique et de ce grand dessein économique était très impopulaire – et on (l’opinion publique, les chancelleries) se demandait, pendant la dernière décennie, comment l’armée, qui n’aimait ni l’un ni l’autre, allait réagir. L’on se demandait comment le chef de l’Etat allait manœuvrer pour contourner ou abattre cet obstacle. La voie la plus « naturelle » - une transition démocratique, avec des élections libres et concurrentielles – était fermée, vu l’impopularité du fils Moubarak, vu la nature du régime, de la coalition de classe dominantes, vu l’état d’esprit de l’opinion, etc. Les développements et évaluations qui suivent sont provisoires et peuvent être tout à fait falsifiées par l’éventuelle publication de documents ou de témoignages. En l’état actuel (très insatisfaisant) de la documentation, il semble possible d’affirmer que le président Moubarak choisit de ne pas évoquer le sujet avec les dirigeants de l’institution militaire, et de tenter de modifier la donne à coups de petites mesures. Il laissa son fils prendre progressivement le contrôle du parti, en y plaçant ses hommes. Cette rampe de lancement lui permit ensuite de placer ses hommes au sommet du gouvernement – le cabinet Nazîf était en grande partie composée d’hommes à lui. Les réformes constitutionnelles de 2005 et de 2007 offraient le visage d’une démocratisation de façade et limitée, mais, en instaurant de nouvelles règles pour l’accès à la magistrature suprême, en excluaient de facto l’armée. En ce qui concerne cette dernière, les observateurs pensaient que la stratégie du président se déclinait ainsi : au prétexte de l’évolution négative de la situation régionale, de l’échec du processus de paix, de la plus grande plausibilité des scénarios catastrophes (une course poursuite dans le Sinaï entre Tsahal et des militants palestiniens), et, partant, de la nécessité d’un effort d’amélioration du niveau de préparation de l’armée31, il nommait 31 Je crois que l’armée égyptienne souffre de trois maux chroniques : un certain désordre interne, le retard technologique et la capacité de ses officiers (et des diplômés du système éducatif égyptien) à maîtriser la technologie moderne, et enfin l’incapacité à développer une capacité de projection. Le commandement en est conscient. Il convient enfin de signaler que Robert Springborg et Clement Henry affirment dans l’article précité que le refus égyptien de signer les accords relatifs au transfert de technologie qu’exige le Congrès Américain a pour conséquence une non-livraison de la toute dernière technologie. 121 systématiquement aux postes clés les tous meilleurs professionnels, à chaque fois que c’était possible. Mais les meilleurs professionnels étaient supposés ne pas s’intéresser à la politique… et beaucoup pensaient que tel était, in fine, le calcul du président et sa véritable motivation. Les militaires étaient probablement conscients de la crise structurelle que connaissait le dispositif économique légué par Nasser, et espéraient que l’on réformerait ce dernier. Or on le démantela, au moins partiellement. On entreprit de privatiser les secteurs clés – et les acheteurs étaient souvent des étrangers, ce qui était perçu comme un retour du capital étranger (et juif), retour dangereux pour l’indépendance et la sécurité nationales. Les « plans sociaux » qui accompagnaient ces privatisations faisaient craindre une explosion sociale. Mieux ou pis, les ministres proches de Gamal Moubarak tentèrent, avec une inconscience ahurissante, d’obtenir de l’armée la cessation des terres qui lui appartenaient. Enfin, les réformes constitutionnelles de 2005 et de 2007 furent très mal accueillies au sein de l’armée. Dès le début de l’été 2007, cette dernière multiplia les gestes de mauvaise humeur –et le fit savoir par des fuites à la presse. Le ministre de la défense opposa son veto à deux privatisations importantes. Il refusa également les plans qui prévoyaient une augmentation du niveau des emprunts à l’étranger. Le commandement de l’armée semble avoir protégé ceux, au sein de l’appareil d’Etat, qui critiquaient les politiques de l’équipe de Gamal, à l’instar du président de la cour des comptes Jawdat al Malt, ou des militaires qui contrôlaient l’organisme du contrôle administratif. Enfin, quelques hauts fonctionnaires croient savoir que la DRM s’occupa davantage des dossiers de politique intérieure. Il convient toutefois de mettre en garde contre l’illusion rétrospective. Je pense que l’armée n’aurait jamais accepté l’accession de Gamal Mubarak au pouvoir. Mais, de 2006 à 2010, plusieurs autres lectures de sa stratégie sont possibles : les gestes de mauvaise humeur auraient été un appel à négocier. Ou encore, elle allait « donner sa chance au fils du président » et intervenir s’il accumulait les bêtises. Mais, en 2010, à partir de l’été, le doute n’est plus permis – il semble clair que l’armée a pris la décision de s’opposer au « plan de transmission héréditaire de la magistrature suprême ». L’armée et la révolution Les manifestations du 25 janvier 2011, organisées par des mouvements non islamistes de jeunes opposés au régime, sont un succès qui pousse les dits mouvements à poursuivre. Des dizaines de milliers de manifestants ont défilé – alors qu’en septembre 2010 l’opposition réunie (à l’exclusion des islamistes) peinait à rassembler 500 personnes. D’un autre côté, au sein de l’armée, des plans de dispersion par la force 122 des manifestants « fuitent »- et les jeunes officiers font savoir à la hiérarchie qu’ils sont tout à fait opposés au recours à la violence contre la population. Il semble bien que le commandement ait délibérément « testé les eaux », et a eu le résultat qu’il escomptait : il pourra se prévaloir l’appui du corps. Les manifestations se poursuivent quelques jours – et le vendredi 28, après la prière, ces manifestations deviennent une révolution et les Frères musulmans jettent leur poids dans la balance. Sous les coups de boutoir de la population, des ultras (des membres des ligues de supporters de football) et des frères, la police ouvre le feu, puis s’effondre – et le président doit appeler l’armée à la rescousse. Ce faisant, il remet son sort entre les mains du commandement de cette dernière. Des informations disent que plusieurs généraux jurent de ne pas regagner les casernes avant que « ce » régime ne soit tombé. Le ministre de la défense et le chef d’Etat major conviennent de ne pas ouvrir le feu sur les manifestants – et refuseront les allusions moubarakiennes demandant la « protection du régime ». Pis, quelques jours plus tard, ils le font savoir par un communiqué que la télévision étatique diffuse – sans en avoir informé le ministre de l’information et la Présidence ! Cet épisode en dit long sur la puissance des réseaux des militaires dans l’appareil d’Etat. Entretemps, les militaires présents au sommet de l’appareil d’Etat obtiennent le renvoi du gouvernement Nazif et des hommes et alliés de Gamal. Le général Omar Soliman, le très puissant chef des mukhabarat, est nommé vice président, ce qui revient à enterrer (temporairement ?) le plan de transmission héréditaire du pouvoir, et le général Ahmad Shafiq est nommé premier ministre. Mais le mouvement, encouragé par le communiqué de l’armée l’appuyant, ne faiblit pas. Le clan présidentiel tente une contre attaque. Il envisage de renvoyer le ministre de la Défense et le chef d’Etat major, qui ont fait preuve d’insubordination, mais il y renonce – la mesure est trop risquée. Il procède donc en deux temps. Le 1 er février au soir, le président prononce un discours qui est un coup de maitre : il dit que ni lui ni son fils ne souhaitent se présenter aux prochaines élections présidentielles, affirme que lui (le sous entendu est : contrairement à Ben Ali) a toujours souhaité mourir en Egypte – et ajoute qu’il doit terminer son mandat pour mener à bien la transition démocratique. Beaucoup d’observateurs voient bien qu’il s’efforce de gagner du temps pour rassembler ses partisans – mais la population, dans sa majorité, le croit. Elle rentre donc chez elle. Seuls 20.000 jeunes restent à la place Tahrir. C’est alors que le clan présidentiel lance la seconde étape – et des nervis et autres voyous, qui attaquent, moins de douze heures après l’allocution présidentielle, la place Tahrir. L’erreur est décisive – au lieu d’organiser des manifestations de soutien, le clan a envoyé des voyous. Les ultras et les frères organisent la défense de la place Tahrir, la population revient les appuyer et les « Moubaraks » perdent la bataille et la face. La fable est 123 cruelle - ils avaient perdu l’habitude de faire de la « politique », et ne savaient que compter sur la violence pure. L’attitude de l’armée, pendant cet épisode, a été très critiquée. Elle a observé une neutralité passive qui a semblé, aux yeux des manifestations, être une forme de complicité. Des vidéos ont circulé sur le net, montrant des militaires faisant/laissant passer les baltaguis. Voilà ce qu’il me semble possible de dire : a) les vidéos ne prouvent rien – les militaires qui font passer les voyous semblent bien être des officiers de la garde présidentielle, qui ne dépendaient pas du ministère de la défense. B) Il eut été très difficile d’intervenir, vu la cohue indescriptible – et ce d’autant plus que le maintien de l’ordre n’est pas exactement une tâche « militaire ». C) par contre, les explications de la hiérarchie ont été très embarrassées et ont alimenté le doute. D) je suis enclin à penser que le commandement a été surpris par le succès du premier « moment » de la contre- attaque présidentielle, et a probablement craint pour sa propre sécurité – il était allé trop loin. Il est donc possible qu’il ait un peu hésité, pendant quelques heures, sur la marche à suivre. Reste que la contre attaque a lamentablement échoué – et la présidence a perdu toute crédibilité. La foule est à nouveau dans la rue et la contestation ne cesse de prendre de l’ampleur. Seule la Haute Egypte est relativement épargnée. Le trio Tantâwî/ Soliman /Shafiq va vite demander au président d’accepter de transférer ses prérogatives au vice président Soliman. Le chef de l’Etat ne dit pas non, mais ne le fait pas, et perd des jours précieux. Le ministre de la défense, de son côté, modifie le déploiement de l’armée le 8 février. Il semble clair qu’il s’agit d’empêcher la garde présidentielle de tenter une intervention. Le 10 février, Tantâwî convoque une réunion du Conseil Supérieur des Forces armées – alors qu’il n’en a pas le droit – c’est au président de le faire. Ce faisant, il pousse le chef de l’Etat à la sortie. Pour bien se faire comprendre, le CSFA laisse entendre qu’il dirige désormais le pays. Le président fait semblant de ne pas comprendre et prononce un dernier discours le 10 février au soir. La population, qui a interprété les divers signaux comme étant un prélude à l’annonce de la démission du président, s’énerve – et les dirigeants des mouvements de jeunesse annoncent que la population va marcher sur le palais présidentiel. Le trio Tantawi/Shafiq/ Soliman « exfiltre » le président et sa famille vers Sharm al Shaykh – et le force à la démission. L’armée et la transition Quelques remarques s’imposent. A) Le principal défi, pour la hiérarchie, a été de sauvegarder la cohésion interne de l’institution – il ne fallait pas que cette dernière s’effondre. Pour ce, le commandement a fait montre d’une grande prudence. B) Au moins deux petits groupes d’officiers ont fait parler d’eux et ont été arrêtés, début avril 124 pour le premier, fin mai pour le second. Le premier, composé de jeunes officiers, avait rejoint les manifestants de la place Tahrir et avaient annoncé « rejoindre les rangs de la révolution », embarrassant considérablement les mouvements de jeunes, qui estimaient qu’accepter « cette adhésion » revenait à déclarer la guerre à l’armée. La police militaire et d’autres troupes ont d’ailleurs chargé la foule et procédé à l’arrestation des officiers qui avaient fait « défection ». On sait moins de choses sur le second groupe : il semble avoir été plus restreint, mais avec des officiers supérieurs en grade – il a été accusé de préparer un coup d’Etat militaire – disons qu’il a au moins imprimé des tracts et évoqué la question. C) Une interprétation en vogue veut que l’armée « protège » ses « intérêts », ses privilèges et son « empire » économique et que son comportement n’est pas intelligible autrement. Pour ma part, je ne vois pas très bien de quoi on parle quand on pontifie ainsi. Oui, l’armée a des intérêts, des privilèges et un empire économique. Toutes les décisions du commandement sont elles explicables par ce facteur, la sauvegarde de ces avantages, et inexplicables sans son invocation ? Je peux montrer très facilement que si tel avait été le cas, l’armée aurait procédé autrement. Par exemple, elle aurait géré le dossier frère musulman différemment. Soit en s’associant plus franchement à ces derniers, soit au contraire en s’opposant à eux. E) il convient de voir qu’une grande partie du corps des officiers provient des classes moyennes provinciales – qui sont très conservatrices et qui semblent être celles qui ont le plus souffert des soirs d’insécurité consécutifs à l’assaut contre les centres de police, le 28 janvier, et l’évasion (ou la libération) des prisonniers de droit commun, qui ont ensuite tenté de piller et de semer la terreur. En d’autres termes, on a de bonnes raisons de penser qu’au moins une composante importante du corps des officiers était réservée à l’égard de la révolution. Le commandement de l’armée a lu la situation ainsi : le peuple égyptien a formulé deux types de revendications : A) une transition démocratique, avec l’organisation d’élections libres. B) une redéfinition radicale de toutes sortes de relations sociales, du rapport de l’Etat à la société, de la police à la population, voire même, dans plusieurs cas, des ouvriers au patronat ou des petits paysans aux grands et moyens propriétaires. Il a décidé de privilégier le premier type de revendications – une transition démocratique, et de freiner les processus révolutionnaires. Il estimait ne pas avoir de mandat pour introduire des réformes radicales et craignait que l’Etat égyptien ne tombe avec le régime. La stratégie n’est pas en soi absurde : mais jouer la « démocratie » contre la « révolution » affaiblit voire vicie les deux. Il a tenté de dialoguer avec les mouvements de jeunes mais s’est vite lassé – ce qui est compréhensible, vu l’absence d’interlocuteur pouvant engager le dialogue, et l’irréalisme idéaliste de leurs positions. Il a opté pour la confrontation – ce qui est beaucoup plus critiquable. Par contre, il a convenu, en février/mars, avec les Frères Musulmans, d’une feuille de route qui se résume ainsi : l’organisation d’élections 125 législatives libres ; le parlement élu nommera une Constituante ; le projet de constitution sera soumis à référendum, et, en fin de parcours, un président sera élu. Ceci revient à accorder à la majorité parlementaire le droit de rédiger la constitution – à ce moment, les Frères affirmaient ne pas briguer la majorité à l’assemblée, et se contenter d’un quart voire d’un tiers des sièges. Or, à un moment qui doit être situé entre la mi mai et la fin juin, les deux parties ont changé d’avis. Les frères ont décidé de briguer la majorité à l’assemblée et l’armée a décidé de tenter d’empêcher les islamistes d’écrire la Constitution. Soit en proposant son propre texte constitutionnel, soit en proposant de faire participer l’armée à la désignation des membres de la constituante, soit en affirmant se réserver le droit de veto sur la production de cette dernière. Ces « idées » ont toutes été avancées à divers moments, mais les islamistes s’y sont fermement opposés, ont effectué plusieurs démonstrations de forces, et l’armée a dû à chaque fois reculer. Une autre tentative a consisté à « réintroduire dans le jeu » ou à laisser les barons locaux proches de l’ancien parti au pouvoir participer aux législatives, en espérant que leur réseaux, leur argent et leur savoir faire leur permette de remporter assez de sièges pour limiter l’ampleur de la victoire islamiste – l’erreur de calcul a été énorme. Ces diverses tentatives, combinées à l’absence de restructuration du ministère de l’intérieur, aux procès en cour martiale de milliers d’activistes, ont donné l’impression – probablement erronée - que l’armée souhaitait garder le pouvoir. Vers la minovembre, une bavure policière contre un « sit-in » de blessés de la révolution déclenche un second round « révolutionnaire » - sans la participation des frères musulmans. Les affrontements entre les jeunes et la police militaire font des dizaines de morts parmi les manifestants. L’image de l’armée, qui a multiplié les bavures entre octobre et décembre, est durablement ternie, même si l’organisation des premières élections libres depuis la chute de Farouk (en 1952) est un grand succès qui doit être inscrit à son actif. Aujourd’hui la situation peut être décrite ainsi : tous les observateurs estiment que l’armée et les autres forces souhaitent mener à bien la transition et voir le commandement militaire remettre les clés du pouvoir aux civils avant la fin juin 2012. Tous estiment toutefois que les problèmes à régler sont nombreux et peut être insurmontables, qu’il s’agisse du statut de l’armée, de celui de la police, ou des immunités à accorder ou à ne pas accorder aux uns et aux autres. Certains hommes politiques pensent en privé que l’armée se contentera d’un statut comparable à celui qui était le sien dans la Constitution de 1971 – garant de l’intégrité territoriale, garant dont le budget est secret et n’est pas discuté en détail au Parlement, etc. D’autres doutent que ce soit le cas : le corps des officiers se perçoit comme étant l’élite prête à mourir pour la Nation, comme les libérateurs de cette dernière, comme les 126 constructeurs de l’Etat Nation de Méhémet Ali, et estime qu’en tant que tel, il est le « propriétaire », ou au moins une corporation qui a droit à des égards. Les observateurs qui connaissent bien l’institution militaire sont également d’accord pour dire que le corps des officiers estime unanimement que les forces armées ont été humiliées comme jamais auparavant. Mais des officiers estiment que le CSFA est responsable de cette situation car il a donné l’ordre à plusieurs reprises d’ouvrir le feu contre les manifestants, ternissant durablement l’image de l’armée. D’autres pensent au contraire que ce commandement a été trop complaisant et qu’il a sévi beaucoup trop tard. Selon ces vues, ce commandement et l’armée ont protégé la révolution – les exemples libyens et syriens montrent les conséquences de l’autre terme de l’alternative. Ce que l’armée a glané en échange, ce sont les railleries et les insultes de « jeunes garnements mal élevés », dont beaucoup sont des gauchistes, des libéraux, que sais-je. Les Frères Musulmans semblent être conscients de cette morosité militaire. Ils veillent donc à accorder à l’institution un « départ digne, avec les honneurs et la gratitude de la nation reconnaissante ». Car une armée qui retourne aux casernes en se croyant vaincue peut, au minimum, faire la grève du zèle, alors que son concours au maintien de l’ordre est nécessaire, du moins tant que la police n’est pas « en état de marche ». Pis, elle peut envisager un coup d’Etat militaire, si le gouvernement civil ne réussit pas à régler les problèmes … Et que les classes moyennes l’appellent à la rescousse. Le problème est que rien ne prouve que la « rue égyptienne » approuve ces « petits arrangements entre concurrents »…. Affaire à suivre. 127 “Root Causes of the Arab Spring”. How to Understand it. Suggestions for an analytical framework, by Dr. Petra Weyland, George C. Marshall European Center for Security Studies. [email protected] Le déclenchement des révoltes arabes a surpris la majorité des experts. Les jeunes ont joué un rôle important, à côté de nombreux autres acteurs. Pour comprendre, il faut se tourner vers l'histoire politique et économique après les indépendances, qui ont amené au pouvoir des leaders populistes et autoritaires. Ces derniers ont obtenu des résultats remarquables, en particulier dans les domaines du travail et du social, grâce au contrat social passé avec les masses populaires. Contre leur allégeance, les régimes ont promis la sécurité humaine et le bien être social. Ce contrat s'est érodé, à partir des années 70, à cause des crises économiques et financières. Cela a, à la longue, conduit à un fossé entre une élite riche et des populations très pauvres, conduisant parfois à de émeutes de la faim lorsque les subventions aux aliments de base étaient réduites. Pour faire face, les régimes ont mis en place un système répressif, avec des forces de sécurité diverses. L'Islam politique n'a été qu'une forme, certes puissante, de la protestation contre les régimes en place. Il est vrai que les peuples arabes sont devenus plus religieux. Et les organisations islamiques se sont montrées non corrompues, dignes de confiance et efficaces. Il est certain qu'elles auront une influence importante pendant les transitions. Mais les peuples arabes ont clairement montré qu'il se battaient pour plus de justice, pour l'absence de corruption et qu'il ne voulaient pas d'Etats islamiques. The sudden outbreak of the Arab uprisings took most observers and experts by surprise. Few had predicted the wave of revolutionary transformation that would encompass almost the whole Arab world – and even inspire young people in countries like Israel, Spain and the US to adopt the Arab uprisings’ non violent forms of protest. How to understand what happened in 2011? Social media-savvy young people certainly played an important role in the uprisings. But there were and are many other social groups actively engaged in working for change: men and women, workers and professionals, students and football fans. The diversity of these groups gives us hints 128 to the root causes of Arab Spring which go far deeper than the increasing availability of state-of-the-art global media. In order to gain a deeper understanding of the root causes of Arab Spring, one has to turn to the recent political and economical history of the MENA countries. Analysis should start from the situation as it evolved after independence from colonialism. Post-independence state building, at least what concerns the Arab Mediterranean countries, was by and large achieved through military coup d’etats. These brought to power populist authoritarian rulers: in this respect, Gamal Abd an-Nasr was the most prominent example of a former military leader, Habib Bourguiba for a civilian hero of national liberation. Central to the post-independence relationship between these populist authoritarian political leaders and the Arab masses was a social contract which basically traded allegiance for human security: In turn for political acquiescence, peasants, workers and the middle classes were promised welfare and development. The new authoritarian statist elites of the post-independence era are indeed to be credited with impressive achievements for the Arab masses, especially free education and health care, job guarantees, subsidies for vital consumer goods, land reforms and nationalization of key economic assets. Over the years, this social contract eroded a process which had started in the late sixties / early seventies. It was never replaced by any other “bargain” the rulers and the ruled had agreed upon. Many reasons are responsible for the erosion, some of which I briefly mention here. Most importantly, over the years, it became increasingly difficult to finance the large redistributive welfare state as an ever growing part of the population became entitled to benefit from it. Social services and a generally optimistic outlook into the future increased the birth rate and lowered mortality rates. For a short period, national economies were able to cope with the challenges. Later, the solution became borrowing. The consequence was an ever growing debt crisis which could only be mitigated by the assistance of the IMF and the World Bank. Fresh money and a rescheduling of the debt services were helpful to alleviate the economic situation. But this also put further stress on the social contract, as fresh loans were tied to structural adjustment programs and their emphasis on privatization and the downsizing of the welfare state. In the seventies and eighties millions of Arabs found an individual solution by migrating to the oil producing countries and sending home remittances. But with the decline of the oil prices, several rounds of world economic downturn and the Gulf war of the beginning of the nineties, this could only be a temporary solution. Also, returning migrants put local labour markets 129 under additional stress. But there were also positive developments. Since about the early nineties globalization and with it accelerated neo-liberalism, changed the macro-economic picture. On the one hand, we can see impressive macro economic growth rates. This allowed a particular section of the societies to amass great wealth. These were the circles with family and business connections to the ruling elites – the crony capitalists. On the other hand, neoliberal privatization, deregulation and liberalization had by and large negative effects for the poor and also large sections of the middle class. For them, poverty increased. This led to an increasing gap and alienation between the small upper societal strata and the vast majority of the poor and very poor. Lastly, the world food crisis since 2008 also had a negative effect on what had remained of the social contract between governments and populations. Though food subsidies were never completely phased out for the risk of popular disturbances and riots, ever rising food prices put the lower and the middle classes under additional stress. The social contract of the post-independence period was never substituted by any other binding pact or agreement. Deprived of the benefits their parents and grandparents were granted after independence, the younger generations saw increasingly less reason for allegiance to their authoritarian rulers. The ruling elites, in turn, did not keep their part of the contract. They substituted welfare programs for repression, relying on various security forces for regime stability. Suppression and human rights violations against anyone suspicious of being critical to the regime became rampant. There have been many harbingers of the Arab Spring, many signs of unrest and protest over the last decades. There have been numerous bread riots, strikes, sit-ins, demonstrations and founding of new political parties. These multifarious forms of protest were also a clear sign that many different societal groups were becoming active. Workers, unionists, professionals, women, peasants, academics – more and more of the societal strata became alienated and joined protest activities against their regimes in recent years. In the end, the societal basis of power became too weak. A final note on political Islam. In the years before the outbreak of Arab Spring, the focus of most observers of the Muslim world was on political Islam. And even during the initial uprisings and the later phases of transition, the focus of the media and many analysts was – and remains – on political Islam. They wonder why Islamism was almost invisible during the uprisings. Today, the Islamists’ electoral victories provoke fear. Observers tended to believe (and still do) that political Islam somehow emanated 130 from a mindset, a culture, from a religion unable to adjust to the modern world. They fear that Islamism in power will soon cast away its pro-democracy façade and establish yet another authoritarian – this time Islamic – regime. In fact, political Islam in past decades was just one, albeit the most powerful, form of protest against the regimes. And also Arab societies in general became over time more religious. It is not difficult to explain its power and success in the circumstances. Other secular ideologies and identities had long since been discredited or proven ineffective in resolving the problems of the people. Islamic organizations presented themselves as trustworthy, non-corrupt, well organized and effective alternatives guided by moral principles. They surely will also be very influential during the period of transition. But the Arab people made it very clear that they are fighting for justice – the end of the corrupt regime – and not for the establishment of “Islamic” states. 131 Attitude et évolution des militaires dans les transitions démocratiques : pertinence et limites du « modèle » espagnol, par Monsieur Vianney MARTIN, docteur en études hispaniques, chercheur associé de l’Université de LILLE 3, laboratoire CECILLE. After general Franco’s death in 1975, Spain was able to move from an authoritarian regime to a parliamentary monarchy, under conditions which were then considered “exemplary”. So, to what extent can the military aspect of that Spanish political transition be applied to North African and Middle-East countries? We have to underline the key role played by general Gutiérrez Mellado, who maintained obedience and discipline. But it is difficult to apply the Spanish lessons learnt to North Africa and Middle East. However, the role of the armed forces in two phases, politician and military, seems pertinent because, after allowing the change, the armed forces will always have to let the power to the civilian authorities and, then adopt a democratic culture. En Espagne, on a longtemps considéré comme « modèle » le passage en douceur d’un régime autoritaire à une monarchie parlementaire après la mort du général Franco, sans coup d’État ni révolution et dans le respect de l’état de droit, c’est-à-dire en partant de la loi franquiste pour aboutir à la loi démocratique. Cette « transition modèle » peut-elle pour autant s’exporter et servir de « modèle de transition » au reste du monde, particulièrement dans son volet militaire ? Telle est la question que l’on peut se poser lorsqu’on parle de « transitions démocratiques » dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient gagnés par le phénomène du « printemps arabe ». Pour répondre à cette interrogation, il convient de rappeler brièvement quelle fut l’attitude des militaires espagnols face à la transition politique et quelle fut par la suite leur évolution démocratique. À l’époque de la transition politique (1975-1982), l’armée espagnole, hésitant entre la neutralité et l’interventionnisme a, non sans réticences et non sans crise majeure, finalement laissé s’accomplir la liquidation totale d’un régime auquel elle était pourtant associée, dans ses principes et dans ses missions, depuis près de quarante ans. Contrairement à ce qui s’était produit au Portugal en 1974 avec la Révolution des Œillets, les militaires espagnols n’ont pas amené le changement démocratique mais ils ne l’ont pas non plus interrompu par la force malgré les tentations putschistes qui, à l’époque, ont parcouru leurs rangs. 132 Cependant, le fait que les forces armées n’aient pas enrayé le processus démocratique ne signifie pas que se soit produit chez elles une démocratisation parallèle à l’évolution du reste de la société. On peut, au contraire, considérer que, de la même manière qu’il existe une transition démocratique courte (la transition politique), il existe une transition démocratique plus longue (la transition militaire) pour laquelle on pourrait proposer comme date butoir l’année 199632, où est annoncée la professionnalisation de l’armée, décision qui n’aurait, bien entendu, jamais été prise par le pouvoir politique s’il avait encore soupçonné les militaires de « particularisme » et de la moindre velléité d’ « action directe »33. En une vingtaine d’années (1975-1996), l’armée espagnole aura donc connu une mutation culturelle majeure, devenant aussi démocrate que ses homologues européens avec lesquels elle travaille désormais régulièrement dans le cadre des alliances auxquelles appartient l’Espagne et des opérations extérieures auxquelles elle participe. Après avoir examiné de plus près l’attitude des militaires espagnols face à la transition politique, nous analyserons les différentes phases de leur évolution démocratique avant de considérer dans quelle mesure le « modèle espagnol » – si tant est qu’il y en ait un – peut s’appliquer totalement ou partiellement aux révoltes arabes de ces derniers mois. - L’attitude des militaires espagnols face à la transition politique (1975-1982) À la mort du général Franco, le 20 novembre 1975, l’armée espagnole est une institution dont le pouvoir politique ne saurait faire abstraction. Globalement loyale à Franco, anticommuniste, hostile au régime des partis et se croyant investie d’un rôle de défense de l’unité nationale contre les menées séparatistes, l’armée espagnole est encore dirigée au plus haut niveau par des vétérans de la Guerre Civile et de la División Azul imprégnés de la mystique du soulèvement national. Dans les dernières années du franquisme, se développe cependant au sein de l’armée espagnole une organisation clandestine, l’UMD (Unión Militar Democrática), qui se réclame de la démocratie et n’hésite pas à s’en prendre directement au régime : « Le divorce complet existant entre l’Espagne réelle et le système totalitaire qui la gouverne, uniquement préoccupé de son maintien au pouvoir, est en train de faire jouer aux forces armées le rôle de gardien des intérêts du régime actuel, et non du peuple espagnol. L’Union Militaire Démocratique, consciente de cette situation, aspire à ce 32 On peut considérer comme une limite courte de la transition militaire l’année 1983 qui clôt le procès du coup d’État du 23 février 1981 et comme une limite longue de cette même transition l’année 1996 qui correspond à la libération du dernier putschiste encore emprisonné pour les faits, le Lieutenant-Colonel Antonio Tejero Molina. 33 Au sens où l’entend José Ortega y Gasset dans son célèbre essai España invertebrada (1922). 133 que les forces armées se mettent au service du peuple, retrouvant ainsi leur prestige et leur dignité. »34 De tels discours auraient été inimaginables en Espagne quelques années auparavant. Cependant, il convient de ne pas surestimer l’importance de l’UMD dans l’armée espagnole de 1975, qui reste très largement conservatrice et loyale au régime franquiste. L’UMD en est d’ailleurs bien consciente, qui déclare à la fin de son manifeste : « Il est certain que l’un des plus grands obstacles aux revendications précédentes est la personne même du général Franco, qui compte encore sur l’appui de la quasi-totalité de l’institution. »35 Cette importance du secteur conservateur de l’armée explique les manifestations de mécontentement qui se produisent dès les premières mesures d’Adolfo Suárez. C’est d’abord le projet de « réforme politique » de novembre 1976 légalisant les syndicats et les partis qui provoque la démission retentissante du général Fernando Santiago y Díaz de Mendívil, vice-président pour les affaires de défense : « Le gouvernement prépare une disposition à laquelle je me suis opposé sans succès parce qu’elle autorise la liberté syndicale, ce qui suppose, à mon avis, la légalisation des centrales syndicales CNT, UGT et FAI, responsables des atrocités en zone rouge, ainsi que des Commissions Ouvrières, organisation syndicale du Parti Communiste »36. Il est remplacé par le général Manuel Gutiérrez Mellado qui garantit au pouvoir politique que l’armée ne bougera pas. La transition se poursuit. Six mois et neuf jours après la mort de Franco, le Movimiento est dissout et les partis progressivement légalisés en prévision des élections législatives de juin 1977. Seul le parti communiste demeure illégal. Santiago Carrillo, secrétaire général du PCE clandestin décide alors de forcer la main au gouvernement qui redoute les réactions de l’armée. Le 10 décembre 1976, il organise une conférence de presse en plein Madrid. Arrêté, il est libéré huit jours plus tard et, le 9 avril 1977, Suárez annonce que le parti communiste est désormais légal. En signe de protestation, l’amiral Gabriel Pita de Veiga, ministre de la Marine, présente sa démission, mais l’armée ne bouge pas, pas plus qu’elle ne bouge en 1978 lorsque la nouvelle constitution « reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la constituent », transformant l’État unitaire de l’Espagne franquiste en une « nation de nationalités »37. C’est le général Gutiérrez Mellado, l’homme clef de la transition militaire espagnole, qui maintient l’armée dans l’obéissance et la discipline38. Ancien combattant de la 34 Pilar Martínez-Vasseur, L’armée espagnole, Paris, Ellipses, 2003, p. 193. Cité par Pilar Martínez-Vasseur, op. cit., p. 194. 36 Cité par Paul Preston dans « De la dictadura a la democracia », Madrid, Historia 16, 1982, p. 126. 37 Constitution espagnole, article 2, BOE du 29 décembre 1978. 38 Dans un premier temps, il n’est pas demandé à l’armée de souscrire aux valeurs démocratiques du nouveau régime mais seulement d’obéir. Loin de constituer le fer de lance du changement comme l’avaient fait leurs homologues portugais, les membres de l’UMD, qui, dans une certaine mesure, s’étaient montrés des précurseurs de la transition mais avaient fait preuve d’indiscipline par leur action clandestine, sont sanctionnés, chassés de l’armée et condamnés 35 134 Guerre Civile dans le camp nationaliste, il joue un rôle décisif en imposant à l’armée la soumission au pouvoir civil malgré les provocations terroristes de l’ETA et du GRAPO. C’est, en effet, dans les années 1978, 1979 et 1980 que ce phénomène de violence extrême connaît son apogée en prenant comme cible privilégiée l’armée espagnole, la garde civile et les forces de police39. Pour l’armée, la tentation d’un coup d’État est de plus en plus forte pour « redresser la barre de l’Espagne » mais, même pour les plus franquistes des militaires, en aucun cas cette rébellion ne saurait se tourner contre le roi car ce serait là une désobéissance à la volonté expresse de Franco exprimée dans son testament : « Je vous demande d’entourer le futur roi d’Espagne, don Juan Carlos de Bourbon, de la même affection et de la même loyauté que vous m’avez accordées et de lui fournir à tout moment le même soutien de collaboration que j’ai reçu de vous. »40 Renverser le roi est donc impensable pour l’armée, mais pas renverser le gouvernement et remettre le régime sur le « droit chemin », dans la tradition des pronunciamientos d’antan. Et c’est le 23 février, pronunciamiento non sanglant et chant du cygne de l’interventionnisme militaire. Rappelons brièvement les faits. Le jour de l’investiture du nouveau président du gouvernement, Leopoldo Calvo Sotelo, le 23 février 1981, des gardes civils font irruption aux Cortès et y séquestrent députés et membres du gouvernement. À la tête des conjurés se trouve le lieutenant-colonel Antonio Tejero. Simultanément, à Valence, le général Milans del Bosch investit la ville de ses blindés. C’est alors que la division Brunete aurait dû marcher sur Madrid et que le roi Juan Carlos, sous la pression des événements, aurait dû nommer un nouveau gouvernement et changer le cap politique du pays. Le 24 février, vers une heure du matin, le roi apparaît en grand uniforme à la télévision, lève toute ambiguïté et refuse de cautionner les militaires qui disent – et pour certains croient – agir en son nom : « La couronne, symbole de la permanence et de l’unité de la patrie, ne saurait tolérer des actions et des attitudes de personnes qui prétendent interrompre le processus démocratique en cours, déterminé par la Constitution, et approuvé par le peuple espagnol par référendum. »41 À partir de ce moment-là, le putsch est condamné car ses auteurs n’ont aucune intention de s’attaquer au « symbole de la permanence de l’unité de la patrie » que Franco lui-même s’était choisi comme successeur. Désormais, l’armée n’apparaît plus comme une menace pour la transition démocratique politique de l’Espagne. à des peines de prison dont ils ne sont finalement dispensés que par la loi d’amnistie générale de 1977. 39 À lui seul, le terrorisme basque de l’ETA fait 64 morts dont 39 militaires et policiers en 1978, 84 morts dont 52 militaires en 1979, 93 morts dont 56 militaires en 1980. 40 Testament de Franco lu par Carlos Arias Navarro, président du gouvernement espagnol, au cours de son intervention télévisée du 20 novembre 1975 annonçant aux Espagnols la mort du général Franco. 41 Cité par Pilar Martínez-Vasseur, op. cit., p. 213. 135 Cependant, cet épisode ne transforme pas, du jour au lendemain, l’esprit d’une institution forgée par près de quarante ans de pouvoir franquiste mais il ouvre la voie à une accélération de la transition démocratique militaire. - La transition militaire : l’évolution des militaires espagnols à partir de la transition politique (1982-1996) Au début des années quatre-vingt, une partie non négligeable de l’armée est encore nostalgique du régime précédent et songe encore même peut-être à intervenir dans l’évolution politique du pays et à contribuer à infléchir le cours de l’histoire. Vingt ans plus tard, un tel scénario semble totalement impossible pour un certain nombre de raisons : d’abord, il y a eu renouvellement naturel du commandement (les officiers généraux mis en place par Franco sont tous partis en retraite) mais aussi, et plus fondamentalement, les missions mêmes des militaires ont évolué et les militaires ont évolué avec leurs missions, accompagnés dans cette profonde mutation par de nouveaux symboles nationaux. Selon un sondage réalisé par l’Université de Barcelone en décembre 2002, « 92 % des jeunes qui se préparent à devenir officiers et sous-officiers se considèrent démocrates »42. Comme dans la plupart des armées du monde, la majorité de ces futurs cadres se disent alors « conservateurs » et un tiers d’entre eux « très à droite » mais « la majorité accepte l’État des Autonomies ». Cependant, la proportion des élèves sondés qui préféreraient « un État centralisé » (25 %) reste très supérieure à la moyenne nationale des jeunes Espagnols (8 %). Parallèlement à cette évolution idéologique, l’armée s’est transformée profondément dans ses structures et dans ses missions. Elle s’est rationalisée, modernisée et ses effectifs ont considérablement diminué43. Depuis la création d’un ministère de la Défense le 4 juillet 197744, les réformes se sont succédé avec le plan META (1980), RETO (1990) et NORTE (1995) et les militaires ont été soumis à un processus d’adaptation permanente. En 1978, les règlements militaires ont été modifiés afin de correspondre aux exigences de la nouvelle constitution : « La raison d’être des armées est la défense militaire de l’Espagne et leur mission est de garantir la souveraineté et l’indépendance de la patrie, de défendre l’intégrité territoriale et l’ordonnancement constitutionnel »45. Cette redéfinition du rôle de l’armée n’a pas suffi à éviter le coup d’État du 23 février 1981. En revanche, les nouvelles missions confiées aux militaires dans le cadre des 42 El Mundo, 18 décembre 2002. D’un effectif de 300 000 hommes en 1980, l’armée de terre espagnole passe à 115 000 hommes en 1995. 44 Avant cette date, les ministères des trois armées étaient totalement indépendants. La création d’un ministère de la Défense faisait partie du volet technique des revendications de l’UMD. 45 Reales ordenanzas de la fuerzas armadas (1978), article 3. 43 136 opérations extérieures semblent avoir contribué de manière décisive à la démocratisation durable des forces armées. Après son intégration dans l’OTAN (1981)46 et dans l’Europe47 (1986), l’Espagne envoie quelques observateurs en Angola et au Mozambique dans le cadre de l’ONU en 1988. Elle participe ensuite à la guerre du Golfe en 1991, et principalement à l’opération Alfa-Kilo48 qui succède à l’opération « Tempête du désert ». Cette ouverture sur l’international constitue un tournant décisif pour l’armée espagnole. Avec l’opération Alfa-Kilo, l’expérience espagnole des OPEX s’est considérablement enrichie : contexte international, important volet humanitaire, collaboration avec l’ONU, la Croix-Rouge et différentes ONG. Autant d’éléments que l’on retrouve systématiquement dans les années quatre-vingt-dix avec l’engagement espagnol dans les Balkans dans le cadre de l’ONU, puis de l’OTAN. Ces nouvelles missions contribuent non seulement à faire évoluer la vision qu’ont les Espagnols de leur armée mais aussi celle que les militaires ont de leur propre fonction. Dans une enquête intitulée « Identité nationale et culture de défense » publiée en 2003, il apparaît clairement que la manière dont sont perçues les forces armées change radicalement à partir du moment où le rôle du métier des armes commence à s’identifier à la défense de la paix : « Dans une série d’études réalisées entre 1991 et 1997, dans lesquelles sont comparées treize institutions importantes, on constate que les forces armées ont clairement amélioré leur image depuis 1993. À partir de cette date, elles sont considérées au même niveau que le Défenseur du Peuple49 et le Gouvernement Autonome de chaque Communauté »50. Désormais, les militaires espagnols ont le regard tourné vers l’extérieur de leur pays plutôt que vers l’intérieur et ils se consacrent de toutes leurs forces à leurs nouvelles missions en milieu international, ce qui fait évoluer très vite leur propre mentalité. « On devient l’homme de son uniforme » avait coutume de dire l’empereur Napoléon Ier. On devient aussi l’homme de sa mission. La transition militaire passe par ces opérations extérieures, le plus souvent de soutien de la paix, menées au nom de la démocratie et des droits de l’Homme, au coude à coude avec des Américains, des Français, des Britanniques, des Italiens et des militaires de nombreuses autres nationalités. C’est cette expérience forte qu’aura vécue cette nouvelle génération de soldats espagnols, et non pas, comme ses aînés, la guerre civile, la División Azul, la lutte contre le maquis et la subversion communiste. 46 Intégration confirmée par les résultats du référendum de 1986. À l’époque, il s’agit de la CEE. 48 Cette opération porte, en anglais, le nom de Provide Comfort. 49 Defensor del Pueblo : médiateur chargé par la Constitution d’arbitrer les différends entre les citoyens et l’administration. 50 Estudios Sociológicos, Informe « Identidad nacional y cultura de defensa », Ministerio de defensa, 2003. 47 137 La mutation culturelle de l’armée espagnole depuis la mort du général Franco nous semble comparable à l’expérience personnelle rapportée par le général de Ségur (17801873) dans ses mémoires. Engagé volontaire dans l’armée française sous la Révolution, au début du Consulat, en dépit de ses sentiments royalistes, il devient républicain en côtoyant ses camarades et luttant pour une cause qui, au départ, n’est pas la sienne mais avec laquelle il finit par s’identifier : « Partis pour l’armée avec l’espoir de la « royaliser », ce fut elle tout au contraire qui nous entraîna dans sa cause ; et sortis de Paris fort chauds royalistes en 1800, en 1801, ce fut presque aussi chauds républicains que nous y rentrâmes. L’appréciation du véritable état des choses et la fraternité d’armes produisirent cette nouvelle transformation. »51 La transition militaire espagnole s’accompagne enfin de la mutation de symboles patriotiques que l’on aurait tort de négliger. Lorsqu’un pays change de drapeau et de fête nationale, cela n’a rien d’anodin, particulièrement pour les armées. Or, si l’Espagne n’a pas, à proprement parler, changé de drapeau pendant la transition, elle a changé à deux reprises l’écu dont le drapeau est frappé, une première fois en 1977 et une seconde fois en 1981, peu de temps après l’échec du putsch. Le drapeau définitif, dit « constitutionnel », a vu disparaître l’aigle de Saint Jean emprunté par Franco aux Rois Catholiques et la devise Una, Grande, Libre qui avait pendant plusieurs décennies représenté l’idéal d’une Espagne unitaire et centralisée avant l’instauration du système des autonomies. Quant à la fête nationale qui tombait, sous Franco, le 18 juillet, date anniversaire du soulèvement de 1936, elle est abolie dès 1976 par le roi mais il faut attendre 1987 pour qu’une date de substitution soit trouvée, le 12 octobre, date anniversaire de la découverte de l’Amérique en 1492 et traditionnelle fête de la Vierge du Pilar et de l’Hispanité. Encore une fois, la transition patriotico-militaire dépasse du cadre de la transition politique et ce n’est qu’en 1997 que l’on organise un défilé militaire à cette date. Il s’agit là sans doute du couronnement de cette transition militaire et de la normalisation du lien entre l’armée et la nation de l’Espagne démocratique. Après ce bref aperçu de la transition espagnole et de ses phases politique et militaire, considérons à présent la pertinence et les limites de ce « modèle » espagnol. - Le « modèle » espagnol et les situations actuelles du Maghreb et du Moyen-Orient Si le « printemps arabe » amorcé en décembre 2010 est un phénomène commun à plusieurs pays du Maghreb et du Moyen-Orient, force est de constater l’extrême diversité des situations politiques locales et de la réaction des militaires aux manifestations populaires. Le « modèle » espagnol concernait la transformation d’un 51 Philippe-Paul de Ségur, Un aide de camp de Napoléon, Paris, Firmin-Didot, 1894, p. 5. 138 régime autoritaire en démocratie, en accord avec l’opposition, mais sous la houlette de la classe politique en place et d’un roi que le Caudillo défunt avait lui-même choisi pour lui succéder. Aucun des pays concernés par les mouvements du monde arabe ne présente de telles caractéristiques et les situations politiques existant dans la région sont des plus diverses. En effet, si la plupart des gouvernements sont autoritaires et oligarchiques, les régimes en place vont de la monarchie de Mohammed VI52 à la longue et sanglante dictature du colonel Kadhafi en passant par des républiques corrompues à tendance dictatoriale. Si certains dirigeants sont d’anciens militaires, comme Ben Ali ou Moubarak, le soutien de l’armée ne leur était nullement acquis, comme l’ont prouvé les événements. Dans ces deux pays, le refus de l’armée de réprimer les révoltes a conduit les présidents au départ tandis qu’en Libye, l’action militaire répressive des forces loyales au colonel Kadhafi a conduit le pays à la guerre civile. Il convient enfin de se demander si le terme de « transition démocratique » n’est pas prématuré pour qualifier l’ensemble des mouvements du « printemps arabe ». En effet, une « transition » peut être « démocratique » dans le processus qu’elle emploie pour passer d’un régime à un autre ou dans la finalité qu’elle poursuit : l’établissement d’un régime démocratique qui ne saurait se limiter à l’organisation d’élections au suffrage universel mais qui se doit également d’être conforme aux droits de l’Homme et d’assurer les libertés publiques, notamment pour les femmes et pour les minorités religieuses. À ce titre, on ne peut que s’inquiéter de la répression sanglante menée par l’armée égyptienne contre la manifestation copte du 9 octobre 2011 dans laquelle 25 personnes ont trouvé la mort. Pour savoir si les transitions en cours sont vraiment démocratiques, il conviendra de juger à leurs actes les différents gouvernements qui seront mis en place dans le cadre des nouvelles institutions politiques et de mesurer l’audience et l’évolution de l’islamisme radical dans la vie politique de ces pays. Au terme de notre réflexion, nous pouvons donc considérer que, compte tenu des circonstances particulières des différents pays concernés par le « printemps arabe », le « modèle » espagnol de transition démocratique ne saurait s’appliquer en bloc. En revanche, son articulation en deux phases – politique et militaire – semble particulièrement pertinente puisque, après avoir permis le changement de régime, l’armée devra toujours céder la main aux civils dans les domaines politiques et, plus ou moins progressivement, adopter une culture démocratique afin que le changement produit puisse être durable et qu’à un régime autoritaire ne finisse pas par succéder une dictature militaire. 52 À la mort d’Hassan II, en 1999, le parallèle avait été fait entre Mohammed VI et Juan Carlos et les partisans de la démocratisation du pays s’étaient explicitement référés au « modèle » espagnol de transition politique. 139 Conclusion, par son Excellence Monsieur Paul Van Thinh Trân, Ancien ambassadeur de l'Union européenne. Piste de réflexion. During these three days, we have permanently asked for more Europe. But which Europe ? We have indeed to find a common denominator for 500 Millions European citizens ; a common denominator of European ethical values, promoting a balance between rights and duties. This common denominator should refer to miscellaneous but European cultural fibres, which are to be remodelled with the renaissance of the military values, adapted to the XXIst century. New military values for security and defence could become the backbone of this common denominator. The economical and financial crisis will in fact accelerate the European integration, with a European governance in all domains, including defence. This common denominator could become a new alliance between the citizen and the soldier in Europe, certainly opening a perspective for the politician. The task of the politician is fascinating. He has to conciliate a vision for the long term, a governance for the middle term, and a management for the short term. That requires a common denominator, in all fields of human life, for 500 millions citizens. Eurovote Company can help our network to find it. The network of the reservists, which naturally links the civilians and the soldiers, can be used also. Plus d’Europe a été demandé pratiquement tout au long des trois premières journées du colloque "Le citoyen, le soldat et le politique " à Klingenthal 2011. La crise financière et économique et les mutations géo-politiques planétaires menacent en effet l’Europe. Voici quelques pistes de réflexion. Il faudrait trouver un dénominateur commun à travers les 500 millions de citoyens européens. Un dénominateur commun qui constitue un relais entre les citoyens parties prenantes d’une part et les politiques en rotation plus ou moins rapide d’autre part. Un dénominateur porteur de valeurs éthiques européennes pour promouvoir l’équilibre négligé, voire oublié entre les droits et les obligations pour des sujets essentiels tels que les droits de l’homme, la solidarité … Les références pertinentes sont nombreuses : la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, le projet de la Charte des Responsabilités universelles, le concept "Innere Führung"… Il s’agit simplement d’en 140 sélectionner les éthiques susceptibles de mobiliser facilement et rapidement l’adhésion des citoyens européens malgré leurs différences . Il s’agit en effet de trouver un dénominateur commun qui se réfère aux fibres culturelles variées mais européennes. Ces fibres culturelles sont à modeler avec la renaissance des valeurs militaires ajustées au monde du XXIème siècle. Ce sont ces valeurs militaires de défense et de sécurité qui pourraient constituer l’épine dorsale du dénominateur commun. L’objectif vise en fait le volet défense et sécurité de l’intégration européenne. En effet, la crise financière et économique actuelle en voie d’aggravation amorce des mutations géo-politiques qui forceront bon gré mal gré l’accélération de l’intégration européenne pour une gouvernance européenne dans tous les domaines dont celui de la défense et de la sécurité en raison précisément de ces mutations. La recherche d’un dénominateur commun pourrait ainsi amorcer une alliance à l’échelle européenne entre le citoyen et le soldat. Une telle alliance ne manquerait pas d’ouvrir des perspectives pour le politique. La tâche du politique est fascinante. Il lui faut une vision à long terme, concilier cette vision avec une gouvernance à moyen terme et une gestion à court terme. Pour réussir il faut des dénominateurs communs dans tous les domaines de la vie humaine à travers 500 millions de citoyens parties prenantes avec leurs différences et leurs convergences. * * * Pour la recherche du dominateur commun en contact avec les citoyens européens, CIDAN pourrait obtenir l’assistance et le soutien d’Euro-Vote qui participe à ce colloque. Euro-Vote, récemment créé, opère dans le recueil d’opinion durable. La piste des valeurs militaires encadrant les réservistes devrait pouvoir également être envisagée. 141 IT IS THE SOLDIER Communiqué par Monsieur Colin Cameron, Secrétaire général de l'Assemblée interparlementaire européenne de sécurité et de défense It is the soldier, not the reporter Who has given us freedom of the press. It is the soldier, not the poet Who has given us freedom of speech. It is the soldier, not the campus organiser Who has given us the freedom to demonstrate. It is the soldier, not the lawyer Who has given us the right to a fair trial. It is the soldier Who salutes the flag Who serves under the flag Whose coffin is draped in the flag Who allows the protester to burn the flag... - Charles Province 142 ANNEXES 143 Annexe 1 L’éclatement de l’Union soviétique au début des années 90, a conduit les Etats-Unis à la création, en 1993 et en partenariat avec l’Allemagne, du Centre George C. Marshall, implanté à GarmischPartenkirchen. En prenant le nom de l’ancien illustre promoteur du redressement économique de l’Europe après la Seconde Guerre Mondiale, celui-ci s’adressait à l’origine aux anciens pays satellites de l’ex-URSS, afin de promouvoir leur développement au sein d’institutions démocratiques, mais encore pour établir des coopérations stratégiques en vue d’une intégration ultérieure éventuelle dans l’Alliance Atlantique. Par la suite, il s’est largement ouvert à l’Eurasie, au sous-continent Indien, aux pays du Maghreb, à ceux du Proche et du Moyen Orient, mais encore aux pays africains, y compris francophones. Dans certains séminaires spécifiques, il arrive parfois que des auditeurs proviennent de pays d’Amérique du Sud. Ce centre, qui a cinq équivalents (un à Honolulu et trois sur le continent américain), mais dont il est le plus important, met toujours en avant le lien transatlantique. Il constitue ainsi un vecteur d’influence des Etats-Unis, mais également et dans une certaine mesure un vecteur de l’Europe, comme le souligne l’appellation du corpus enseignant : « European College for International Security Studies ». Ce dernier point a d’ailleurs décidé plusieurs pays à apporter leur contribution sous la forme de représentants qui sont intégrés au corps enseignant, effectuent des présentations particulières concernant leur pays et sa politique, recherchent et proposent des conférenciers nationaux. Le Centre George C. Marshall est un outil particulièrement développé pour former des leaders de pays émergents aux côtés de stagiaires des pays occidentaux traditionnels qui leur apportent une forme de tutorat, perfectionnent par la même occasion leurs connaissances et se constituent un réseau de relations. De nombreux anciens stagiaires occupent aujourd’hui des postes de ministre, de parlementaire, de diplomate ou de haut fonctionnaire et la présidente de la toute nouvelle République du Kosovo, récemment nommée, est passée par les bancs de la faculté voici à peine deux ans. L’origine des candidats a par ailleurs conduit à privilégier l’anglais, l’allemand et le russe comme langues d’usage. Les programmes sont centrés sur les questions de sécurité et de défense et au total plus de cent dix pays ont déjà participé aux différentes formations proposées, à raison de près d’un millier de stagiaires par an. Le cours phare est le « Programme d’Etudes Avancées de Sécurité » (PASS), proposé deux fois par an sur une période de 10 semaines, incluant un voyage d’études à Washington et à Berlin. Alternant conférences magistrales quasi quotidiennes et travaux en comités, il forme tant des 144 officiers que des diplomates et des fonctionnaires aux problématiques de sécurité au sens large (relations internationales, conflits armés, terrorisme, défis transnationaux, coopération en matière de sécurité). A travers des débats et des cas pratiques, ce cours permet aux participants, en plus d’acquérir un socle complet de connaissances, de développer un réseau relationnel utilisable au cours de leur carrière professionnelle. Citons également le séminaire consacré à « la Lutte Antiterroriste » (PTSS) d’une durée de six semaines, et réunissant généralement des stagiaires de quarante à cinquante pays des plus divers, d’Inde, du Pakistan, d’Afghanistan mais encore du Golfe Persique, du Proche-Orient, dont Israël, ainsi que des membres de l’Autorité palestinienne. Le cours sur la « Reconstruction d’un Etat en Sortie de Crise » (SSTaR) d’une durée de trois semaines, présente les outils et les méthodes nécessaires à l’établissement d’un fonctionnement démocratique d’un Etat, sous toutes ses formes (avec une référence au programme de Réforme des Secteurs de Sécurité – RSS). Le cours sur les « Crises et la Sécurité Civile Transatlantique » (STACS) d’une durée de trois semaines également, met l’effort sur la sécurité intérieure et la protection civile à travers de nombreux cas concrets comme les catastrophes naturelles, mais encore la gestion des attentats terroristes. Enfin, le « séminaire de haut niveau » (Senior Executive Seminar ou SES), d’une durée d’une semaine et deux fois par an s’adresse à des officiers généraux, des hauts fonctionnaires et des diplomates. Il aborde des thèmes aussi variés que le financement du terrorisme, la lutte contre la piraterie maritime, les relations avec la Russie ou la cybercriminalité et cherche ainsi à prendre en compte les grandes évolutions mondiales (en janvier 2012, il traitera des révolutions au sein du monde arabe). Pour satisfaire une demande qui évolue, notamment en matière de diplômes, le Centre George C. Marshall a inauguré en 2011, en partenariat avec l’université de la Bundeswehr de Munich, un « Mastère d’Etudes Internationales de Sécurité » (MISS). D’une durée d’un an, celui-ci s’intègre en grande partie dans l’ensemble des cours cités plus haut et il est reconnu dans le cadre du processus diplômant de Bologne. Le support financier des stages comprend des voyages d’étude à l’étranger, dont la France dans le cadre d’un partenariat avec l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN). Le budget alloué permet d’apporter à des pays aux ressources financières limitées la gratuité des stages, le paiement des voyages et la prise en charge de leur quotidien, incluant le versement d’un « per diem ». Le rayonnement du centre George C. Marshall est entretenu à travers un excellent réseau d’influence constitué par les anciens stagiaires, à travers des échanges, des communications, l’accès à une importante bibliothèque électronique, ainsi que par des stages, de quelques jours, de mise à niveau des connaissances. Enfin, le Centre George C. Marshall met en valeur ses anciens auditeurs qui ont bénéficié dans leur pays d’une promotion importante et qui se voient appelés à intervenir « ès qualité » en séance plénière. 145 Annexe 2 Biographies Monsieur Jacques Sonnet Né en 1938 à Azazga en Kabylie, il a fait ses études secondaires chez les pères Eudistes à Caen et à Lyon. A cette époque le scoutisme l'a très vite motivé et c'est d'ailleurs sa patrouille qui a été sélectionnée pour le jamboree au Canada en 1955. Après une Licence en Droit à la faculté de Lyon, il fait son service militaire: élève officier à Saumur, il sort sous-lieutenant et choisit le 11° Chasseur à Berlin qu'il rejoint en Octobre 1962. Là commence une vie passionnante sur le mur en construction. Rattaché à la mission de Postdam entre les deux Berlin, il a la chance d'approcher de grandes figures de la guerre froide. Revenu à la vie civile, chef de rayon à Prisunic Lyon, Grenoble, Nice, il termine attaché de direction à Paris chargé de l'animation des nouveaux magasins. Il change de voie pour prendre la direction d'une Mutuelle Patronale à Marseille. Il rentre au Centre des Jeunes Dirigeants et commence à militer: Conseiller au Conseil économique et social PACA. Il est aussi Président du Conseil de surveillance du Crédit Mutuel du Prado. Il quitte Marseille en 1980 pour créer à Versailles une Société de nettoyage et sécurité pour la Société des Centres Commerciaux dont il est le gérant. Après un développement rapide, la société est vendue par la SCC à un groupe international. Il est Président du CJD Yvelines. Il termine sa carrière civile de 1994 à 2000 à Ateliers Volume comme directeur développement d'une société de stands dont il est actionnaire cofondateur. Diplômé ORSEM en 1969, il est affecté à différents Etats Majors. A partir de 1981. diplômé de l'Eirel de Strasbourg, il devient un des permanents de la cellule renseignement B2 du 3° Corps d'Armée à Lille. En 1994 il est admis à l'honorariat à son grade de Lieutenant Colonel. Il est Chevalier de la Légion d’Honneur, Officier dans l'Ordre National du Mérite. SITUATION ACTUELLE Président de CIDAN( Civisme Défense Armée Nation) depuis 2003, ayant pris la suite de l'Amiral Pierre Lacoste. Membre associé de l'AA IHEDN, en particulier pour les trinômes académiques. Membre de la FNAM section 239. Membre du conseil d'administration de Saint Jean de Passy à Paris XVI°. 146 Monsieur Colin Cameron Colin CAMERON est né au Royaume-Uni en 1945 et passe son enfance en Rhodésie du sud. De retour en Europe, il étudie à Wellington School, l'Université d'Exeter (B.A.), l'Université de Strasbourg et au Selwyn College, Université de Cambridge (Master). Il est Maître-assistant à Eton College, Windsor, puis à St John's College, Université de Cambridge avant d'entrer à l'Ecole navale de Dartmouth en 1966. Officier de la Royal Navy de 1966 à 1987, il sert sur plusieurs bâtiments de la marine britannique et de la marine nationale française. Après une maîtrise ès sciences au London School of Economics & Political Science en 1976, il devient maître de conférences à la section Relations internationales du Royal Navy College de Greenwich avant de regagner la mer en 1981. En 1982, il est officier d'état-major au centre de situation du MOD, (liaison avec le Cabinet Office), lors du conflit des Malouines. En 1983-4, il obtient le brevet d'études militaires supérieures à l'Ecole supérieure de guerre navale, (ESGN) et au CSI à Paris. En 1985, il passe au département Union soviétique du ministère de la défense à Londres avant de devenir Directeur des études de Défense (RN), chargé des relations avec le Parlement, les universités et les milieux de défense internationaux, avec le grade de capitaine de vaisseau. De 1988 à 2010, il est officier de réserve. En 1988, Colin Cameron débute une nouvelle carrière, à Paris, à l'Assemblée parlementaire de l'Union de l'Europe occidentale. De 1988 à 1993, il est Conseiller de Défense de l'Assemblée; de 1993 à 1998, il est le Secrétaire général adjoint de l'Assemblée pour les affaires politiques et de Défense. En 1998, il est élu Secrétaire général de l'Assemblée de l'UEO, puis de l'Assemblée européenne de Sécurité et de Défense et occupe ce poste jusqu'en juin 2011, (fin du Traité de Bruxelles modifié). En octobre 2011 il est membre fondateur et Secrétaire général de l'Association interparlementaire de Sécurité et de Défense, (AESD/ESDA). Colin Cameron est membre du Forum du Futur à Paris et d'EuroDéfense France, du RUSI, du RIIA (Chatham House) et de l'IISS à Londres, ainsi que membre du Conseil du Greenwich Forum. Très actif à l'IHEDN depuis la première session européenne en 1988, il est actuellement Président de l'Association "Europe-IHEDN". 147 Monsieur Emmanuel DUPUY Né le 28 juillet 1971 (Forbach - Moselle). Licence d’histoire. DEA de Science politique. IEP Toulouse. Préparation ENA (IEP Toulouse). Auditeur du Centre des Hautes Etudes de l’Armement (CHEAr). Conseiller politique (POLAD) du Commandant de la Task Force Lafayette (Forces françaises en Kapisa et en Surobi) en Afghanistan (officier commissionné) février - juillet 2011. Professeur de géopolitique à l’Université de Webster (Genève, Suisse) et à l’Ecole Supérieure de Commerce de Dijon Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). Carrière : Il fut auparavant Chargé d’Etudes à l’Institut de Recherche Stratégiques de l’Ecole militaire (IRSEM). Ancien Chargé de mission « Recherche – défense » auprès du Secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants (2008-2010). Il fut « mis à disposition » du Député Patrick Beaudoin, chargé par le Président de la République de lui remettre un rapport sur un nouveau parcours de citoyenneté en lien avec l’esprit de défense (janvier 2010 - août 2010). Journaliste pour le mensuel Arabies et La Lettre Franco-saoudienne (2006-2008). Professeur à l’Institut de Préparation à l’Administration et à la Gestion - I.P.A.G (2004-2005). Professeur à l’IUT de CergyPontoise (2006). Enseignant associé à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan (2006-2007). Professeur à l’Institut d’Etude des Relations Internationales - ILERI (2008). Responsable du Pôle Relations Internationales et du bureau parisien du Cabinet d’Ingénierie Stratégique pour la Sécurité CI2S (2006-2008). Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). Vice-président du Groupe de recherche sur la Méditerranée du Centre d’Etudes et de Recherches de l’Ecole militaire (CEREM). Il est aussi chercheur associé au ROP (réseau des chercheurs francophones sur les opérations de la paix) de l’UQAM (université francophone de Montréal). Il est chercheur associé au sein du CDPIAC (Centre de Droit Pénal International et d’Analyse des Conflits) de l’Université Toulouse 1, ainsi qu’au sein du Groupe d’études sur la PSDC du département Etudes européennes de la Faculté Saint-Louis de l’Université Catholique de Louvain. Il appartient, également au groupe de recherche « Grande 148 Europe » de l’Institut de Sciences Mathématiques et économiques Appliquées (ISMEA). Il est chroniqueur de l’émission quotidienne « Le Grand débat » (Radio Africa n°1). Il est aussi membre du Conseil Supérieur de la Réserve Militaire (CSRM) de la Commission Arméesjeunesse (CAJ). Auditeur de la 45ème session nationale du Centre des Hautes Etudes de l’Armement - CHEAr (2008-2009) et de l’International Visitor Leadership Program du State Department américain (avril-mai 2009). Il est, par ailleurs Lieutenant-colonel de Gendarmerie (réserve citoyenne) ainsi qu’Ingénieur en Chef des Etudes et Techniques de l’Armement (ICETA, réserve citoyenne de la DGA, lieutenant-colonel). Il collabore régulièrement avec les Cahiers de l’Orient et la revue Afrique Enjeux. Il fut également chargé du développement du Forum de Paris - euroméditerranée « Dialoguer pour construire ». Il est Membre du Conseil scientifique du club « Participation et progrès », Administrateur du club Jeune Francophonie (membre fondateur). Il encadre régulièrement des sessions internationales de l’Institut des Hautes Etudes de Défense nationale (IHEDN) : sessions SIEM (Session internationale euromed, 2008) ; et FICA (Forum international du continent africain). Il collabore également à plusieurs journaux et revues portant sur la géopolitique et les questions internationales - dont le quotidien gratuit Métro, la Revue Défense nationale, TTU et la Revue Militaire Suisse, les Cahiers de l’Orient , pour lesquelles il assure des chroniques régulières portant sur les questions stratégiques et géopolitiques au niveau international et européen. Il est membre de l’Association des Journalistes Accrédités Défense (AJD-DICOD) et appartient à plusieurs comités de rédaction de revues portant sur les questions géopolitiques. Il fut auparavant, assistant parlementaire (Sénat, Assemblée nationale) ainsi que chargé de mission au sein d’un parti politique (Parti radical de gauche) ainsi qu’au sein du Comité de campagne de JeanPierre Chevènement, candidat à l’élection présidentielle en 2002), du Conseil régional Ile-de-France et expert auprès du Comité des régions (UE). Il est titulaire de la médaille de la Défense nationale, de la médaille des services volontaires militaires, de la médaille commémorative Afghanistan, de la médaille OTAN non article 5 - agrafe Afghanistan - ainsi que du titre de reconnaissance de la Nation (OPEX PAMIR). 149 Général d'armée (cr) Luis Alejandre Sintes Le Général d'armée Luis Alejandre Sintes a quitté le service au bout d'une riche carrière militaire qui l'a conduit au poste de chef d'état-major de l'armée de terre espagnole. Officier d'infanterie, il a effectué de nombreux séjours dans des unités opérationnelles de parachutistes et de la Bandera. Il a été stagiaire à l'Ecole supérieure de Guerre à Paris. Comme lieutenant-colonel , il a été chef du Centre de vérification au Nicaragua (ONUCA). Il a servi aussi comme colonel au Salvador (ONUSAL), en tant que chef de la Région Militaire de San Salvador. En 1994, il a été affecté au Guatemala dans le cadre de l'équipe de négociation du processus de paix. En 1995, il a été nommé professeur principal à l'École supérieure de Guerre. En Février de l'année suivante, il a occupé le poste de directeur de l'Ecole d'infanterie et de commandant militaire de la place et de la province de Tolède. En Juin 1997, il a été nommé directeur général du cabinet du ministre de la Défense. Promu au grade de général de corps d'armée le 20 Octobre 2000, il a commandé aussi la Région Militaire Pyrénées. Il est aujourd'hui vice-président du Conseil insulaire de Minorque. El general de Ejército, Luis Alejandre Sintes fue nombrado jefe del Estado Mayor del Ejército el 17 de enero de 2003. Nacido en Mahón el 4 de junio de 1941, ingresa en la Academia General Militar en julio de 1959. Es nombrado Teniente de Infantería en 1963 y pasa destinado a la Agrupación de Banderas Paracaidistas, más tarde Brigada Paracaidista, Unidad en la que permanece hasta 1972. Realiza distintos destacamentos en Las Palmas, El Aaiún (Sáhara) y Cursos especializados de paracaidismo en España y Francia. En julio de 1974 ingresa en la Escuela de Estado Mayor, diplomándose en 1976. Asciende al empleo de Comandante en septiembre de 1980. Es destinado al Estado Mayor de la Capitanía General de Baleares, Jefatura de Tropas de Menorca y al Estado Mayor del Gobierno Militar de El Ferrol, sucesivamente. Entre 1983 y 1984, al Regimiento de Infantería Mahón 46. Es nombrado profesor de la Escuela de Estado Mayor, donde está hasta 1986. Alumno de la Escuela Superior de Guerra de París, se diploma en dicha escuela y en la de Estados Mayores Conjuntos, también en París, en 1988. Ese mismo año es destinado a la División de Montaña Urgel nº 4, en 150 Lérida y, posteriormente, al Estado Mayor Conjunto de la Defensa, donde permanece hasta 1990, año en que comienza su andadura hispanoamericana. Primero como Teniente Coronel Jefe del Centro de Verificación en Nicaragua (ONUCA), pasando después, como Coronel, a El Salvador (ONUSAL) donde permanece el primer año como Jefe de la Región Militar de San Salvador, y como Jefe de la División Militar, el segundo. En 1994 se traslada a Guatemala formando parte del Equipo Negociador del Proceso de Paz. En junio de 1994 regresa el Estado Mayor Conjunto de la Defensa, División de Planes. Asciende al empleo de general en junio de 1995 y es nombrado profesor principal de la Escuela Superior del Ejército. En febrero del año siguiente pasa a ocupar el cargo de director de la Academia de Infantería y Comandante Militar de la plaza y provincia de Toledo. En junio de 1997 fue nombrado Director General del Gabinete del ministro de Defensa. En julio de 1998 asciende a general de División, continuando en el mismo destino. Ascendido a teniente general el 20 de octubre de 2000, fuenombrado el 27 del mismo mes general jefe de la Región Militar Pirenaíca. El 17 de enero de 2003 es nombrado jefe del Estado Mayor del Ejército, siendo ascendido al empleo de general de Ejército. DIPLOMAS - Cursos Paracaidistas (España y Francia). - Cursos de especialización en Cooperación Aeroterrestre. - Cursos de Estado Mayor (España y Francia). - Curso de Aptitud para Mando de Unidades Acorazadas y Mecanizadas. - Curso de Interpretación fotográfica - Curso Superior Interejércitos (EMACON) y Francia. - Idiomas: Inglés y Francés. CONDECORACIONES - Gran Cruz del Mérito Militar con distintivo Blanco. - Gran Cruz del Mérito Naval con distintivo Blanco. - 4 Cruces de la Orden del Mérito Militar de 1ª clase. - 2 Cruces de la Orden del Mérito Militar de 2ª clase. - Medalla al Mérito en plata de la Guardia Civil. - Cruz y Gran Cruz de la Real y Militar Orden de San Hermenegildo, - Barra Insignia de Honor al Mérito de la República de Venezuela. - 2 Medallas de Naciones Unidas. - Medalla Camilo Ortega Saavedra, 1ª clase en oro de Nicaragua. - Medalla de Pacificador de Brasil. - Es premio de la Real Fundación de Toledo 1996, por su contribución a la salvaguarda y revitalización del patrimonio histórico y cultural de la ciudad Imperial. · Estudió Ciencias Políticas en la Universidad Complutense y sigue el Doctorado en la UNED.Es aficionado a la música y a la lectura. 151 Madame Magdalena Jura Born in 1988. During legal studies at the University of Leon Kozminski (European and international law) and at the University of Warsaw (British law). Studied at Nagoya University of Business and Commerce in Japan. Treasurer of Weimar Triangle. In the past inter alia freelanced for Demos Europa in 2009 (“Injection and storage of carbon dioxide. Comparison of the worldwide legislation.”). 2007-2011 - Active member of student organization “Lege Artis” (the organization of conferences at countryside and international level, (director of publications), several achievements e.g.: - 26 September 2007 conference concerning the rights of national minorities In Vilnius (published in Lithuania), - 15 September 2007r conference concerning Poland joining Schengen (presented), - 27 May 2008 report „The history of Kosovo”, - 01 December 2008 report „Claim of Georgia against Russia” on conference „After Georgia’s crisis” (publication in newspaper „Human & Law” nr 2) - 8 May 2008 paper “Lisbon Treaty and polish political forces” (presented). Scholarship of ministry of science and higher education for extraordinary achievements in studies for period of years: 2008/2009 and 2009/2010. Winner of Civil Law Competition at Kozminski University. Participant of International Human Rights Course at the University of Poznan in 2009. Now, she lives in Seoul, South Korea, where she works for Polish Embassy and studies at Kyung Hee University. 152 Général de brigade Benoît Royal Benoît Royal est général de brigade dans l’Armée de Terre française, actuel sous-directeur du recrutement à la Direction des Ressources Humaines de l’Etat-Major de l’Armée de Terre. Saint Cyrien de la promotion Montcalm (1980-1982), il appartient aux Troupes de marine, spécialité artillerie. Alternant des séjours outre-mer (Tahiti, La Réunion, Côte d’Ivoire) et en Métropole (commandant d’un bataillon d’élèves à l’Ecole nationale des sous-officiers de Saint-Maixent). Il a également servi en Europe : Trèves (RFA), Pristina (à l’état major de la KFOR, chargé des relations avec l’armée serbe), Mitrovica (commandant du bataillon français de la brigade multinationale nordest). Ancien auditeur de l’IHEDN en 2007, il a ensuite été chef du Service d'informations et de relations publiques de l’Armée de Terre (SIRPA-T). Ouvrages parus : 2008 : L’éthique du soldat français, Economica, Prix de la Saint Cyrienne. 2010 : L’éthique du soldat français 2è édition, Economica, Prix de L’épée et la Plume. 2012 : La guerre pour l’opinion publique, Economica. Ouvrage collectif : 2011, Les robots au cœur du champ de bataille, Economica, sous la direction de Ronan Doare et Henri Hude. 153 Colonel Christian Thiébault Le colonel Thiébault est actuellement commandant en second des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan. A ce titre, il est plus particulièrement chargé de la formation militaire et humaine de tous les futurs officiers de l’armée de terre française. Saint-cyrien de la promotion « grande Armée » 1981–1983, il choisit, après son école d’application dans l’infanterie, de servir au sein de la Légion étrangère. Il est affecté initialement au 4ème Régiment étranger, puis en Guyane française au 3ème Régiment étranger d’infanterie où il sert successivement comme chef de section de combat et officier forêt, chef du centre d’entrainement en forêt équatoriale de Regina (CEFE). Il suit à cette occasion la formation de contre-guérilla en jungle du CIGS (Manaus-Brésil). Affecté au 2ème Régiment étranger entre 1987 et 1992, il y commande la 3 ème compagnie de combat. Muté à l’école d’application de l’infanterie (EAI), il assure l’encadrement et la formation des jeunes lieutenants, futurs chefs de section d’infanterie puis dirige le centre de simulation tactique JANUS. Stagiaire au cours supérieur d’état-major et au collège interarmées de défense (CID) de 1996 à 1998, il est envoyé à l’issue de sa scolarité en coopération en Tunisie comme expert auprès de l’école supérieure de guerre de Bordal Hayder. Chef de corps du 4ème Régiment étranger de 2001 à 2003, il prend ensuite les responsabilités de chef d’état-major du commandement de la Légion étrangère. Il est affecté en administration centrale à l’état-major de l’armée de terre en 2005, où il prendra la tête du Bureau Condition du Personnel-Environnement Humain (BCP-EH). Dans ce cadre il a participé à la conception et au développement des politiques de l’armée de terre dans les domaines : relations humaines, style de commandement, force morale, soutien psychologique, suivi des blessés, soutien social et familial, condition du personnel, lutte contre les addictions… Le Colonel THIEBAULT a participé aux opérations : Epervier au Tchad, Daguet en Arabie Saoudite et en Irak, Baumier au Zaïre, Daman au Liban. Né en 1959, le colonel Thiébault est marié et père de 8 enfants. 154 Monsieur Hartmut Bühl Hartmut Bühl est consultant International pour les questions de politique européenne de sécurité et de défense et l’OTAN. Il est éditeur de la revue “The European – Security and Defence Union”. Il est né le 25 février, 1940 à Karlsruhe. Bundeswehr: Artilleur. Breveté d’Etat Major Général Führungsakademie der Bundeswehr (Hambourg) et Ecole Supérieur de Guerre (Paris). Conseiller de défense et de sécurité auprès des chanceliers allemands (1982-1986); Attaché militaire à Paris (1986-1990); Chef allemand du QG préparatoire du Corps Européen / Chef d’état-major adjoint, opérations (DCOS) à Strasbourg (1992-1996); Commandant de la division militaire 43 à Darmstadt (1996-1998). Industrie: Vice-président et Directeur marketing, Euromissile, Paris (1998); EADS Vice-président et Directeur pour la politique de Défense de l’UE et l’OTAN, Bruxelles (2001). Chef Communications, AGS Industries (2005), Brussels. Consultant international pour les questions relatives à la politique européenne de sécurité et de défense et à l’OTAN à Bruxelles (2007). Création d’un bureau : « International Consulting EU Security and Defence Policy an NATO “, Bruxelles.(2007). Journaliste: Rédacteur principal pour les affaires européennes et Chef du Bureau bruxellois de la revue “Behörden Spiegel » (Bonn/ Berlin / 2007); Éditeur et rédacteur en chef de la revue « The European- Security and Defence Union » du groupe de presse Pro Press, Berlin (2008). Profil personnel Hartmut Bühl a écrit et co-écrit plusieurs ouvrages sur la politique et la stratégie de sécurité et de défense, dont un dictionnaire. En 1994, en collaboration avec le Dr. Klaus Achmann, il a publié un recueil sur la résistance militaire à Hitler: “20 July 1944 – Lebensbilder aus dem militärischen Widerstand”. Décorations Il a été décoré notamment de la “Bundesverdienstkreuz 1. Klasse” allemande (1993), et la “Meritorious Medal” of the États-Unis (1998). La France l’a fait Officier (1980) et Commandeur de l’ordre de mérite national (1992) et en 2004 “Chevalier de la Légion d’Honneur”. Hartmut Bühl est membre du Comité Consultatif du forum de réflexion Security & Defence Agenda (SDA) à Bruxelles. Il est l’un des membres fondateurs de l’ONG “EuroDefense”, où il est actuellement membre des sections allemande et française. Depuis mars 2008 il exerce le mandat de conseiller municipal à Berchères-sur-Vesgre, (Eure&Loire), en France. [email protected] 155 Professeur Jesús Ignacio Martínez Paricio Docteur en Sciences Économiques. Professeur de Sociologie. Directeur du Département de Sociologie II de la Faculté de Sciences Politiques et de Sociologie, Université Complutense de Madrid. Professeur à l'Institut d'Études Politiques de l'Université de Sciences Sociales Toulouse I. Groupe de Recherche : le sud, la Sécurité et la Gouvernance : “Systèmes internationaux et systèmes de pouvoirs locaux : aires culturelles Africaines et Méditerranéenne”, et dans celui de “Sociologie Militaire”. Professeur Adjoint Honoraire à l'École Supérieure de l'Armée de l'Air. Collaborateur de la Section de Sociologie à la Direction Générale de Services Techniques du Quartier Général de l'Armée de l'Air. Professeur Conférencier à l'École Supérieure des Forces Armées (ESFAS). Professeur au Centre Supérieur d'Études de la Défense Nationale (CESEDEN). Professeur à l'Académie Générale Militaire de Saragosse. Professeur tuteur des cadets de Saint-Cyr Coëtquidan qui préparent leur mémoire de DEA en Espagne. Professeur à l'École de Guerre Aérienne de la Force Aérienne et à l'École Navale Militaire de l'Italie. Professeur au Ministère de la Défense du Paraguay et à l'Académie Militaire du Paraguay. Professeur fondateur et coordonnateur de la Chaire l'Amiral Don Jean de Borbón. Directeur du Groupe d'Investigation interdisciplinaire de l'Université Complutense de Madrid : « Groupes d’Études de Sûreté et la Politique de Défense”. A réalisé des recherches pour la Commission Européenne, le Ministère de la Défense de l'Espagne, l'État-Major de l'Armée, de l'Armée de l'Air, le CESEDEN, et le Centre d’Études en Sciences Sociales de la Défense (C2SD). Décoré de la Médaille du Mérite Aéronautique de Première Classe (1991), de la Médaille du Mérite Militaire de Première Classe (2001) et de la Médaille Militaire (en bronze) de la Défense Nationale (2005). 156 Dr Eulogio Sanchez Navarro Docteur en Sociologie de l'Université Complutense (Madrid). Professeur associé de Sociologie à l'Université Rey Juan Carlos (Madrid). Analyste de l'unité de Sociologie de l'armée de terre des FAS d'Espagne. *** Monsieur Bruno Reynaud de Sousa Bruno Reynaud de Sousa is currently a Ph. D. researcher at the Catholic University of Portugal on the subject of “Failed States” in Public International Law. He is also a member of the board of Association DECIDE and assists EuroDefense-Portugal’s national activities, focusing on improving EU military capabilities in view of the “pooling & sharing” concept. He was born in 1982 in Porto, Portugal. He studied Law at the Catholic University of Portugal, Porto School of Law, and holds a LL. M. degree in Public International Law from the same University. Additionally he holds a M.A. degree in EU International Relations and Diplomacy from the College of Europe, Bruges. From 2008 – 2009 he interned at the European Commission, DG External Relations (now EEAS), in the unit responsible for EU relations with North America, and from 2010 – 2011 he was working in the Portuguese Court System under a contract with the Ministry of Justice of Portugal. 157 Professeur Zdzislaw Najder Born 31 Oct. 1930 in Warsaw, Poland, Professor Zdzislaw Najder studied philosophy (1949-52) and Polish literature (1949-54) at Warsaw University; philosophy at Oxford University (1959-61). Mgr. Phil., B. Litt (Oxon), Dr Phil., Professor of the Humanities. He taught at Warsaw University, 1959-60, and at several American universities (Columbia, Yale, University of California, Northern Illinois, Michigan, Stanford) 1966-1988. He was professor at the University of Opole, 1996-2003; professor at the Tischner European Academy, Cracow, 2004-2010. In early 1976, he formed clandestinely in Poland the PPN (Polskie Porozumienie Niepodległościowe = Polish League for National Independence), a group which in five years published a political programme (May 1976) postulating Poland’s full sovereignty and democracy, and fifty underground brochures and books. Declaration of martial law in Poland (Dec. 1981) found him in Oxford, as visiting fellow of St. Antony’s College. Director of the Polish Service of Radio Free Europe (in Munich), 1982-7, he was sentenced to death (in absentia) by a military tribunal in Warsaw, May 1983, for alleged spying on behalf on the USA. In October 1985, he was deprived of Polish citizenship. He was advisor to the underground “Solidarity”, 1982-89. After the annulment of his sentence, he returned to Poland in February 1990. he was then : Chairman of the National Civic Committee, 1990-1992; member of the Presidential Advisory Board, 1991, head of the Prime Minister’s Advisory Council, 1992. Founder and the first President of the [Polish] Atlantic Club, 1991-93. Advisor to the Secretary of the Committee on European Integration and to the Chief Negotiator on European Integration, 1997-2001. Member of the National Council for European Integration, 1999-2004. Founder and first President, Weimar Club, Poland, 2004 - Member of the Board, Centre for Eastern Studied, Warsaw. President of the Joseph Conrad Society, Poland, since 1993. Many publications about Joseph Conrad; on English, Polish, and comparative literature; also political science (Poland’s foreign policy, European integration). Commander of the Order of Polonia Restituta, 1983; Commandeur d’Ordre National du Mérite (France), 1991; Chevalier de la Légion d’Honneur, 2004. 158 Madame Delphine Deschaux – Beaume Madame Delphine Deschaux – Beaume est docteure en science politique. Chargée d’enseignement à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble et à l’université de Savoie, elle enseigne aussi au niveau master dans les universités de Lyon 2, Lyon 3 et Paris 1-Sorbonne. Ses recherches et ses enseignements portent sur la construction européenne, la politique européenne de sécurité et de défense, la politique étrangère et les relations internationales. Sa thèse de doctorat, soutenue en 2008, porte sur l’étude de la genèse de la politique européenne de défense depuis le début des années 1990, en privilégiant une analyse du rôle de la coopération militaire franco-allemande dans ce processus. Chargée de recherche à l’École de la paix de Grenoble, elle travaille également sur l’analyse des conflits, le rôle des militaires dans la reconstruction post-conflit (Afghanistan) et les opinions publiques européennes face aux questions militaires et de sécurité. Elle a participé à de nombreuses conférences nationales et internationales sur la sécurité et la construction européenne depuis 2004. Elle a donné de nombreuses conférences, communications (environ 25) et publications (une quinzaine) sur le thème de la PESD, du couple franco-allemand en matière de défense et de l’éducation à la paix, depuis 2005. Publications les plus récentes : « Investigating the military field : qualitative method and interviews in the military field », in Current Sociology, printemps 2011 (à paraître). « Le couple franco-allemand dans la Politique Européenne de Sécurité et de Défense : mythes et réalités », in Allemagne d’aujourd’hui, Premier trimestre 2010, pp. 50-60. « La presse écrite allemande et la PESD », in DUMOULIN André, MANIGART Philippe (dir.), Opinion publiques et Politique Européenne de Sécurité et de Défense Commune : acteurs, positions, évolutions, Bruxelles, Bruylant, Coll. RMES, 2010. Notices « Armement », « Défense », « Diplomatie », « EADS », « Rencontres de Blaesheim », in PREMAT Christophe, GUINAUDEAU Isabelle, KUFER Astrid, Dictionnaire des relations francoallemandes, Presses Universitaires de Bordeaux, 2009. Guerre, conflits et violence collective. Dialogue franco-allemand du point de vue de la science politique, avec Johannes Becker et Benjamin Blänkner, in GUIBERT-LASSALLE Anne, LEMAITRE Denis, Peuton éduquer à la paix ?, Paris, L’Harmattan, 2009, 222 p. La défense à l’épreuve du changement d’échelle : l’exemple de la construction d’une politique européenne de défense, pp. 207-216, in FAURE Alain, MULLER Pierre, LERESCHE Jean-Philippe, NARATH Stéphane (dir.), L’action publique à l’épreuve des changements d’échelles, Paris, L’Harmattan, Coll. « Logiques Politiques », 2007. 159 Madame Catherine Durandin Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure, licenciée en lettres, agrégée d'histoire, docteur d’Etat, diplômée roumain INALCO. Ancienne Auditrice de l’IHEDN, 37 ème session. Chevalier de la Légion d’Honneur, Décorée de l’Etoile de la Roumanie. Catherine Durandin a enseigné 10 ans à l’université d’Amiens en histoire contemporaine (politique extérieure française et relations internationales). Depuis 1983, elle dirige la section d’études roumaines à l’INALCO, et est attachée à la section de Hautes Etudes Internationales de l’Institut. Elle a suivi, en tant que consultante à la Délégation aux Affaires Stratégiques de 1992 à 2010, les processus post communistes en Roumanie, Moldavie et l’intégration de la Roumanie à l’OTAN. Elle fut membre du jury de l’agrégation d’histoire 1990-1992. Elle a écrit près de 70 articles, ( Esprit, Défense Nationale…), et publié 20 ouvrages, dont « l’Histoire des Roumains » Fayard 1995, traduit en roumain et hongrois, et plus récemment « La mort des Ceausescu : la vérité sur un coup d’état communiste » ( traduit en roumain) Bourin 2009, « Que veut la Russie ? » Bourin, 2010. Elle prépare pour les éditions Bourin un ouvrage à paraître automne 2012, « La mort du soldat et la guerre continue », sur le thème des relations Armée/Nation en France. Catherine Durandin est l’auteur de deux romans, « La trahison », éditions de l’Aube et « Le Bel été des Camarades », Michalon 1999. A paraître en 2012, le récit « Douce France » aux éditions du Fantascope. 160 Amiral David René Moreno Moreno Sa vie professionnelle est liée à la Marine Nationale colombienne et son dernier poste a été Chef d'État-Major Conjoint des Forces Militaires, dans lequel il est resté quatre ans. Il a été mis en retraite du service actif sur sa demande en décembre 2010, après 45 ans au service de la Colombie. Dans sa carrière navale militaire il a occupé des charges importantes de planification, de conduite et de contrôle comme Chef d'État-Major de la Force Navale de l'Atlantique, Directeur de l'École Navale de Cadets, Chef d'État-Major de la Marine, Chef des Opérations Navales, Inspecteur Général et adjoint du Commandant de la Marine. Il a passé 12 ans en mer, en exerçant le commandement de navires comme le Bateau École ARC Gloria. Il a participé à la formation du Conseil Sud Américain de la Défense, et il est président de l'Association des anciens stagiaires de l'Ecole supérieure de Guerre colombienne. Nació en Bogotá (Colombia) y a los 17 años ingreso a la Escuela Naval de Cadetes, donde se graduó como Teniente de Corbeta en 1970. Su vida profesional estuvo ligada a la Armada Nacional y el último cargo desempeñado fue Jefe de Estado Mayor Conjunto de las Fuerzas Militares, responsabilidad en la cual permaneció cuatro años; su retiro del servicio activo se produjo por solicitud propia en diciembre de 2010, después de 45 anos de servicio al país. En su carrera ocupó destacados cargos de planeamiento, ejecución y control como Jefe de Estado Mayor de la Fuerza Naval del Atlántico, Director de la Escuela Naval de Cadetes, Jefe de Estado Mayor Naval, Jefe de Operaciones Navales, Inspector General y Segundo Comandante de la Armada. Permaneció 12 anos a bordo de unidades a flote de la Armada Nacional, ejerciendo el comando de algunas de ellas, como es el caso del Buque Escuela ARC Gloria. Se desempeñó en representación de Colombia para la conformación del Consejo de Defensa Suramericano y participó en las reuniones de OTAN como Delegado del Ministro de Defensa. En la actualidad se desempeña como Consultor en temas de Defensa y Seguridad Nacional, así como en el campo de la Oceanología. En este momento es el Director Ejecutivo de la Asociación de ex alumnos de los cursos de Altos Estudios Militares e Integral de Defensa Nacional (ASOCACI) y profesor invitado de la Escuela Superior de Guerra y de la Universidad Sergio Arboleda. 161 Se ha desempeñado como Decano de las Facultades de Oceanografía y de Ciencias Navales, Director de Cursos de Aplicación de Oficiales, Director del Centro de Entrenamiento del Pacifico y Jefe del Departamento Armada de la Escuela Superior de Guerra. Ha sido profesor de la Universidad Jorge Tadeo Lozano y de instituciones militares, así como colaborador del Centro de Estudios Hemisféricos de la Universidad de Defensa de los Estados Unidos. Es Oceanógrafo Físico y Profesional en Ciencias Navales, con pos grados en Interacción Océano Atmósfera y en Modelos de Simulación Numérica. Es Especialista en Defensa Nacional, Análisis y Solución de Conflictos, con estudios de Alta Gerencia en dos universidades colombianas. Tiene un Magister en Seguridad y Defensa Nacional, adelantó un D.E.A. en Sedimentología en la Universidad de Burdeos (Francia) y le otorgaron un Doctorado en Oceanología en la misma Universidad. Se graduó en el Colegio de Guerra Naval de la Armada de los EE.UU. y adelantó Seminarios en las Universidades de América, Harvard y en la Escuela de Pos grados de la Armada de EE.UU. Ha escrito varios artículos en revistas y periódicos y ha publicado libros como “Oceanografía Dinámica” (1979), “Principios de Estado Mayor” (1988) y coautor del libro “Colombia: camino a la recuperación. Seguridad y Gobernabilidad (2011)”. Le han sido otorgadas mas de 50 condecoraciones y distinciones nacionales y extranjeras, entre las cuales se destacan las de los gobiernos de Argentina, Brasil, Chile y Francia. 162 Général de brigade Maurice de Langlois Le général de brigade Maurice de Langlois est Saint-Cyrien, de l’arme blindée cavalerie. Il a été affecté à partir de 1980 dans différentes unités de blindés en Allemagne, au Sénégal puis en France. Il a commandé le 4ème Régiment de chasseurs de Gap de 1999 à 2001 et participé aux opérations de l’OTAN en Bosnie, IFOR puis SFOR. Il a occupé successivement des postes en état-major, à l’Etat-major de l’armée de terre, à la Région Terre Ile de France en tant que responsable du recrutement et de la professionnalisation puis à l’Etatmajor des armées, à la sous-chefferie Plans, comme officier de cohérence opérationnelle puis secrétaire général. En mai 2005, il est sélectionné pour rejoindre l’équipe de montée en puissance de l’Agence européenne de défense (AED) à Bruxelles où, pendant 3 ans, il participera au développement capacitaire européen dans le cadre de la PSDC. Il occupe actuellement la fonction de général adjoint au chef de la représentation militaire de la France auprès du Comité militaire de l’Union européenne. Marié et père de 9 enfants, le général de Langlois est diplômé de l’école nationale supérieure des mines de Nancy, est officier de la Légion d’honneur et chevalier de l’Ordre national du mérite. 163 Général de brigade(2s) Yves Béraud Saint-Cyrien, breveté de l'enseignement militaire supérieur français et allemand, le général de brigade (2s) Yves Béraud a quitté le service actif en 2010, après plus de 38 ans de service dont 14 à l'étranger (Allemagne). Après avoir été chef de la cellule nationale de renseignement française du Corps européen, il a été chef de corps, à Donaueschingen, du 110ème Régiment d'infanterie, appartenant à la brigade francoallemande. Il a effectué ainsi en 1997 un séjour en Bosnie à la tête de son régiment au sein de la Stabilization Force (SFOR) de l'OTAN. Il y a effectué des missions de stabilisation, d'aide humanitaire, de recherche de criminels de guerre, de lutte contre la corruption et de communication. De 2000 à 2003, il a été affecté à la Division des opérations au Ministère de la défense allemand à Bonn, ce qui lui a permis d'être un observateur privilégié, mais surtout un acteur des opérations et de la transformation des forces armées allemandes. Pendant cette période, il a été le premier auditeur de l'IHEDN allemand. De 2003 à 2007, il a été en charge, à l'état-major de l'armée de terre française, de l'interopérabilité et de la génération de forces dans l'urgence. De 2007 à 2010, il a occupé les fonctions de directeur des relations internationales de l'armée de terre, ce qui l'a conduit à diriger la coopération bilatérale et multilatérale avec l'ensemble du Monde et de traiter du soutien des exportations de matériels français. Chevalier de la Légion d'Honneur, Officier de l'Ordre National du Mérite, il a été décoré de la Bundesverdienstkreuz allemande, ainsi que des Médailles des Forces Armées Allemandes et Polonaises. Il est aujourd'hui directeur général du CiDAN 164 Général de brigade(2s) Patrice Mompeyssin Le général de brigade Patrice Mompeyssin a quitté le service actif en 2005. Passé en deuxième section, il a pris aussitôt les fonctions de directeur général de CiDAN, dans lesquelles il est resté jusqu'en octobre 2008. Depuis cette date, il apporte son concours à la mise en oeuvre des activités internationales de cet organisme. Il est parallèlement consultant en architecture de systèmes d'armes, membre du conseil d'Eurodéfense-France et participe à la création de la Société d'éthique militaire en Europe. Né en 1949, c'est un Saint-Cyrien de la promotion « Général Gilles » (69-71), qui a choisi à sa sortie d'école l'artillerie sol-air, et a été affecté deux fois en Allemagne dans des postes de commandement opérationnel (à Bitburg et Breisach am Rhein), puis une fois au Royaume-Uni, comme officier de liaison auprès de l'Inspectorate General for Doctrine and Training (IGDT) et auprès de l'Ecole d'Artillerie (Larkhill). De 1991 à 1993, il a commandé le 57ème Régiment d'artillerie à Bitche en Lorraine, régiment équipé de systèmes sol-air courte et très courte portées ROLAND et MISTRAL. Muté à la Force d'action rapide en 1995, il a effectué en 1997 une mission de 7 mois à Sarajevo en Bosnie, comme chef « J3 Coordination » à l'état-major de la Stabilization Force de L'OTAN (SFOR). Expert en missiles, il a été officier de marque et, quelques années plus tard, chef de groupement au sein de la Section technique de l'armée de terre (STAT). Nommé général de brigade début 2003, il a servi pendant 3 ans comme coordonnateur des relations internationales à l'Etat-major de l'armée de terre (EMAT). A ce titre, il était en charge en particulier des plans de coopération bilatéraux, ainsi que du soutien et du contrôle des exportations de matériels. Breveté de l'Ecole de guerre, titulaire d'un diplôme d'ingénieur en génie industriel, il a été auditeur de la 35ème session nationale du Centre des Hautes études de l'armement (CHEAr). Marié et père de 3 enfants, il est Officier de la Légion d'Honneur, Officier de l'Ordre National du Mérite, titulaire de Médailles commémoratives de Bosnie et d'une Médaille du Ministère de la Défense Slovaque 165 Dr David Whetham King’s College London Dr David Whetham is a Senior Lecturer in the Defence Studies Department of King’s College London, based at the Joint Services Command and Staff College at the UK Defence Academy. David initially took a degree in Philosophy at the London School of Economics and went on to take a Masters Degree in War Studies at King’s College London. After some time spent travelling around the Great Lakes region of Africa, David returned to King’s to take a PhD in War Studies. Before joining King’s as a permanent member of staff in 2003, David worked as a BBC researcher and with the OSCE in Kosovo, supporting the 2001 and 2002 elections. David’s main research interests are focused on the ethical dimensions of warfare and the development of the laws of war. In Spring 2011, David was a Visiting Fellow at the Stockdale Center for Ethical Leadership, Annapolis, and in 2009, David was a Visiting Fellow with the Centre for Defence Leadership and Ethics at the Australian Defence College in Canberra. He is also a regular visiting lecturer in military ethics at the Baltic Defence College, and the Royal Brunei Armed Forces Command and Staff Course. David coordinates or delivers the military ethics component of courses at the UK Staff College for between two and three thousand officers a year. The student body is made up of British officers from the rank of 1* down to Major/Lt Cdr/Sqn Ldr, who are joined by representatives from over 50 other countries. David is also the co-convener of the European Chapter of the International Society for Military Ethics (Euro ISME) which holds an annual conference for military practitioners, academics and defence policy-makers. He is married with two children, and in his spare time, David is a Magistrate on the Swindon bench, plays trombone with the Corsham Band and fences with the medieval longsword and epée. David’s most recent publication — Ethics, Law and Military Operations – aimed at practitioners at the operational level of war, was published by Palgrave in 2010. Other publications include the monograph Just Wars and Moral Victories: surprise, deception and the normative framework of European war in the later Middle Ages (Brill, 2009) as well as a wide range of journal articles and book chapters on subjects relating to ethics, norms, laws of war and professional military ethics education. 166 Colonel (er) Manfred Rosenberger Colonel en retraite, né le 17 juillet 1948 à Loerrach/RFA, marié, deux enfants, Manfred Rosenberger a entamé sa carrière au sein des Forces Armées Fédérales (Bundeswehr) comme officier dans l’infanterie parachutiste. En 1980, il est admis comme stagiaire à l’École Supérieure de Guerre (ESG) française et – quatre ans plus tard – affecté comme officier de liaison/instructeur auprès de la Direction de l’Enseignement Supérieur de l’Armée de Terre (DEMSAT). Chef de Corps au 251ième régiment parachutiste à Calw (Forêt Noire), il est ensuite chargé de coordonner divers projets francoallemands de coopération au niveau des Ministères de la défense allemand et français. Entre 1997 et 2001, il est directeur de l’élément défense au sein du Secrétariat permanent du Conseil FrancoAllemand de Défense et de Sécurité installé à l’Hôtel de Invalides (Paris). De 2001 à 2005, il retourne à Berlin où il assure la direction de l’État-major et des Études à l’Institut Fédéral des Hautes Études de Politique de Sécurité. Ayant quitté le service actif en 2005, il s’installe à Soustons dans les Landes (Aquitaine). Membre actif de l’association "Civisme, Défense, Armées, Nation", de EuroDéfense (Deutschland) et de différents cercles de réflexion sur les questions de sécurité et de défense, il s’engage à promouvoir une véritable "culture de sécurité commune" en Europe et au-delà. Avec le soutien de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme, il coordonne et anime un réseau international « Alliance de Militaires pour la paix dans la sécurité ». Il est directeur provisoire de la nouvelle Société internationale d'éthique militaire en Europe 167 Général de division (2S) Philippe Sommaire Le général de division Philippe Sommaire a quitté le service actif à l’été 2009 après quarante années passées sous les armes. Il rejoint à l’automne de la même année le George C. Marshall Center en tant que représentant français et professeur de politique de sécurité. Né à Nevers en 1950, c’est un Saint-Cyrien de la promotion "Général de Gaulle" (1970-72), qui choisit l'artillerie sol-air à l'issue de ses deux années de formation. Sa carrière d'officier se partage ensuite entre des affectations opérationnelles et des fonctions d'études et de conception au sein de l'administration centrale. Il est breveté de l’Ecole de Guerre et titulaire d’un diplôme d’ingénieur en génie industriel. Nommé général de brigade en 2000, puis général de division en 2004, il commande successivement la Brigade d’Artillerie à Haguenau, puis la Division Multinationale Sud-Est en Bosnie et Herzégovine. Après une affectation au Commandement de la Force d’Action Terrestre à Lille, il prend en 2005 le commandement de l’Etat-major de Force N°1 (EMF 1) à Besançon. Déployé en 2006 au Kosovo avec son état-major, il y assume la fonction de commandant en second de la KFOR. En 2007, il rejoint sa dernière affectation à Strasbourg, comme commandant en second du Corps européen. Sa carrière d’officier le conduit à plusieurs reprises et dès le grade de lieutenant à servir dans des unités en Allemagne (Bitburg, Wittlich), et il commande, avec le grade de colonel, le 53ème Régiment d’artillerie à Breisach am Rhein (« Vieux Brisach »). En France, il sert comme instructeur en école, capitaine commandant d’une batterie d’artillerie sol-air et comme officier d’état-major. En 1989, il est affecté à l'état-major de l'armée de terre comme officier de programme du système d'hélicoptère radar "Orchidée-Horizon", dont le prototype est déployé en 1991 en Irak, lors de la Première Guerre du Golfe, des programmes franco-allemands de drones de reconnaissance CL 289 et KZO/BREVEL, avant de devenir l’officier représentant l’armée de terre dans le programme de satellite d'observation de la terre et de renseignement HELIOS. En 1994 il suit les dossiers du Corps européen et des « Euroforces » à l'état-major des armées, avant d’être désigné en 1996 comme stagiaire au Centre des Hautes Études Militaires et auditeur de l'Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN). A l'issue, il est chargé d'études et le rédacteur des discours du chef d’état-major des armées, fonction qu'il occupe jusqu'à sa promotion au grade de général de brigade en juillet 2000. Le général de division (2S) Philippe SOMMAIRE est Commandeur de la Légion d'Honneur, Chevalier de l'Ordre National du Mérite, titulaire de la Croix de la Valeur Militaire avec citation, ainsi que d’autres décorations françaises et étrangères, dont la Croix du Mérite de la Bundeswehr échelon Or. 168 Dr Petra Weyland She holds an MA in Islamic sciences. Her Ph D thesis is in socio-anthropology. She is a civilian member of the German Armed Forces. Prior to join the Marshall Center, she has been lecturing at the Command and General Staff College in Hamburg. Her research interests are: - Middle East, - Islam / Islamism, - Cultural competence and gender in Stability operations. 169 Monsieur Vianney Martin Docteur en études ibériques (auteur d’une thèse sur « Le patriotisme en Espagne de 1931 à 2004 » soutenue en 2010) et professeur d’espagnol en classes préparatoires littéraires au lycée Notre-Dame de la Paix de Lille, Vianney MARTIN est chercheur associé au laboratoire CECILLE de l’université Lille 3 Charles de Gaulle. Il est officier linguiste de réserve de l'armée de terre française. Expérience professionnelle Assistant de langue française 1983–1984 École Normale de Logroño (Espagne) Professeur d’anglais et d’espagnol 1984–1993 Collèges et Lycées Saint-Bernard (Paris) et Notre-Dame (Verneuil) Professeur d’anglais et d’espagnol 1993-2004 Collège, Lycée et Classes Préparatoires Notre-Dame de la Paix (Lille) Professeur d'espagnol en Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles Depuis 2004 Classes Préparatoires du lycée Notre-Dame de la Paix (Lille) Chercheur associé à l’Université Depuis 2011 Laboratoire CECILLE Université de Lille 3 Formation 1978–1984 Université de Paris X Nanterre Licence d’anglais (1981) Licence d’espagnol (1982) Maîtrise d’anglais (1982), mention « bien ». Intitulé du mémoire : « L’intégration des immigrés du Nouveau Commonwealth à Londres » Maîtrise d’espagnol (1984), mention « très bien ». Intitulé du mémoire : « L’évolution des forces politiques en Espagne depuis la mort du général Franco » CAPES d’anglais (1989) CAPES d’espagnol (2004) 2002-2010 Université de Lille 3 DEA de développement et mutations culturelles (2004), mention « très bien ». Intitulé du mémoire : « La professionnalisation de l’armée espagnole » DOCTORAT en Études Ibériques (2010), mention « très honorable avec les félicitations du jury à l’unanimité ». 170 son Excellence Monsieur Paul Van-Thinh Trân REFERENCES PROFESSIONNELLES PRINCIPALES Rédacteur en chef de la Revue "Nouvelles de l'Europe", organe officiel du Mouvement Européen. Membre du Cabinet de M. André PHILIP, Ministre de l’Économie, des Finances et du Budget à Paris. Fonctionnaire auprès de la Commission Européenne de l'Union Européenne de 1961 à 1994 à Bruxelles et à Genève. Bruxelles Administrateur principal, chargé de la Politique Commerciale à l'égard des Pays en voie de développement (1961-1971) . Chef du Service Spécialisé "Produits de base originaires des Pays en voie de développement - Accords internationaux- CNUCED" (1972). Chef de la Division "Affaires Générales et multilatérales - Préférences tarifaires généralisées" (1973), chargé également de la préparation de la négociation de l’Accord International sur le Caoutchouc dans le cadre du Programme intégré de la CNUCED (1976-1977). Représentant Spécial pour les Négociations Textiles (juin 1977- août 1979). Genève Ambassadeur - Chef de la Délégation Permanente de la Commission Européenne de l’Union Européenne auprès des Organisations Internationales à Genève & Ambassadeur – Représentant Permanent auprès du GATT et chargé des négociations commerciales multilatérales du Cycle d’Uruguay (octobre 1979 – février 1994). depuis Mars 1994 Membre du Conseil d’Administration du "European Institute" à Washington. Conseiller – jusqu’à fin Juin 2005 - auprès de la CNUCED (Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement) pour la Palestine et l’Algérie & auprès du Programme Global CNUCED/PNUD "Mondialisation, Libéralisation et Développement Humain Durable" pour la Bolivie, le Viêt-Nam, le Maroc, le Maghreb Arabe Uni … General Adviser auprès de la Commission Européenne – jusqu’à fin 2004 – pour le Programme MUTRAP d’Assistance Technique pour les négociations d’accession du Viêt Nam à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Membre du Groupe "Gouvernance Globale" présidé par Michel Camdessus de la Commission Épiscopale des Évêques des États Membres de l’Union Européenne. Président du Comité d’Honneur de l’Institut de coopération Europe-Asie-Afrique-Amérique Latine. Promoteur et Membre du Comité d’Honneur du projet eLangViet (www.eLangViet.net) au Viêt Nam. Membre du CiDAN et membre fondateur du forum Chine-Europe. REFERENCES UNIVERSITAIRES Baccalauréat série B-Philosophie (mention Assez Bien), Diplôme de l'Institut d'Etudes Politiques de l'Université de Paris, Doctorat en Sciences Economiques à la Faculté de Droit de l'Université de Paris (mention Très Bien). DECORATIONS Chevalier de l'Ordre National de la Légion d'Honneur (France), Commandeur de l'Ordre du Mérite Agricole (France),Chevalier de l'Ordre National de la Côte d'Ivoire (Côte d’Ivoire), Commandeur de l'Ordre de l'Eléphant Blanc (Thailande), Grand-Croix de l'Ordre de la Croix du Sud (Brésil), Gran Oficial de Medalla de la Republica Oriental del Uruguay (Uruguay). 171 REMERCIEMENTS A la Fondation Johann Wolfgang von Goethe (Bâle) et à sa présidente, Madame le Professeur Dr Marie-Paule Stintzi. A la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme. A la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, du Secrétariat général pour l'administration du Ministère de la défense français. A nos autres partenaires. A tous les intervenants, pour le travail de préparation et pour leur contribution à ces actes. A tous les participants, venus parfois de loin, malgré un emploi du temps chargé. Au général de brigade (2s) Yves Béraud, directeur général du CiDAN, et à Madame Béatrice Garreau de Labarre, assistante de direction Achevé d'imprimer sur les presses de l'imprimerie Louyot 0143434897 dépôt légal : mai 2012 172 Les participants. Allocution de Madame Stintzi. 173 Dans une vision moderne du patriotisme et de l’Europe, l’Association « loi de 1901 » Civisme Défense Armée Nation (CiDAN) invite à promouvoir le dévouement envers la collectivité, le sens des responsabilités, ainsi que les liens entre la société civile et les armées. Par ailleurs, CiDAN fait la promotion d’une prise de conscience par les opinions publiques d’un besoin commun de civisme, de sécurité et de défense, au sein d’un réseau international actif dans tous les pays de l’Union européenne (www.cidan.org) La « Société Internationale d’Ethique Militaire en Europe (Euro-ISME) » a pour objectifs : la constitution d’un forum européen sur l’éthique militaire, la promotion d’analyses approfondies, la recherche sur les traditions éthiques ainsi que sur les normes de comportement qui doivent guider la conduite des militaires, enfin le renforcement de la qualité de l’éducation éthique dans les forces armées européennes (www.euroisme.org). Relevant du secrétariat général pour l'administration (SGA), au sein du ministère de la défense français, la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) a trois grands domaines de compétence : l’immobilier et l’environnement, la politique culturelle, éducative et de mémoire, les archives et les bibliothèques. Le bureau des actions pédagogiques et de l'information, au sein de la DMPA, a pour mission de développer l'enseignement de défense dans le cadre du protocole Défense/ Éducation nationale. Il met également en place des partenariats avec des associations œuvrant dans le domaine de l’éducation et de la citoyenneté.(www.defense.gouv/sga). La Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (FPH) travaille depuis plus d’une décennie à bâtir un dialogue entre civils et militaires. Elle l’a fait, et continuera à le faire, parce qu’elle est persuadée que ce dialogue est essentiel à l’instauration d’une communauté mondiale responsable, plurielle et solidaire (www.fph.ch). La Fondation Johann Wolfgang von Goethe (Bâle) est une Fondation de droit suisse, créée en 1968. Elle encourage tout particulièrement les initiatives humanitaires et culturelles en Europe. Elle œuvre activement pour promouvoir une meilleure compréhension entre les peuples d'Europe, particulièrement francoallemande. 174