Janvier 1943 La Wehrmacht a encore des dents
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Janvier 1943 La Wehrmacht a encore des dents
Janvier 1943 1 – La guerre en Méditerranée La Wehrmacht a encore des dents 1er janvier Requiescat in pace pour un guerrier Alger, 03h45 – Une nouvelle crise cardiaque emporte le général Delestraint. Sa mort est largement due à l’accumulation de l’épuisement et de la tension après les deux années et demie d’un travail acharné à reconstituer l’Arme Blindée de la France, dont il a pu personnellement voir les premiers fruits lors de la campagne de Sicile. Il sera nommé à titre posthume Compagnon de la Libération. La campagne d’Italie Front italien – La 14e DI Française laisse ses positions à la 46e DI britannique et vient renforcer le flanc est de la 3e DB. Le corps d’armée franco-américain commandé par le général Jean de Lattre comprend donc la 1ère Brigade Blindée belge (sur la côte), le groupe de combat réuni autour de la 102e Division motorisée italienne Trento, la 34e DI-US, la 3e DB française et la 14e DI française, appuyés par les 17e et 36e Régiments d’Artillerie US et la 12e Brigade d’Artillerie de Corps d’Armée française. Ce corps d’armée doit lancer une offensive le long de la côte, et la journée se passe en préparations destinées à débusquer et détruire les 88 mm allemands. À cet effet, des attaques localisées menées par des éléments blindés sont lancées sur toute la largeur du front, sous le couvert de l’artillerie qui cherche à engager les canons allemands dès que ces derniers se démasquent. L’artillerie de campagne allemande subit de lourdes pertes, elle est assez rapidement muselée. L’aviation tactique intervient également pour préparer le terrain, ce qui provoque des combats violents avec des éléments du Xe FK, qui, à peine reconstitué, a dû supporter tout le poids des combats aériens depuis huit jours et où les I/JG77 et II/JG77 ont dû être amalgamés. On ne note qu’une attaque de Jabos, menée par des appareils de la II/JG2 et qui se solde par trois appareils abattus par la DCA alliée. Le Xe CA britannique (Ritchie), qui occupe maintenant la position centrale, passe la journée à se réorganiser avant d’affronter la Das Reich et la brigade motorisée GrossDeutschland, renforcées par les hommes de la 162. ID. Quant au Ve CA (Allfrey), ses unités d’avant-garde engagent les 52. et 112. ID allemandes, renforcées dans la journée par deux bataillons indépendants de Panzers, détachés des écoles qui se trouvent dans le sud de l’Autriche. Reggio de Calabre (résidence du Roi et du gouvernement Badoglio) – Les informations transmises par le duc d’Acquarone sont reçues plutôt fraîchement par l’entourage du Roi. Il faut plus de trois heures au maréchal Badoglio et au général Ambrosio, accouru de Rome, pour expliquer à Sa Majesté que ces nouvelles ne sont pas aussi désastreuses qu’il semblerait et que les Alliés laissent une porte ouverte à l’Italie pour s’intégrer progressivement dans leur coalition. Le général Ambrosio en profite pour réclamer que le plus possible de forces italiennes puissent reprendre le combat au plus vite, puisque de leur comportement au combat dépendra le statut de l’Italie. Le point le plus critiqué par l’entourage du souverain est la clause de dé-fascisation des administrations, qui est vue comme une attaque masquée contre la monarchie. Quant aux militaires, ce sont plutôt les conditions du rééquipement italien qui les font grincer des dents. Il est cependant convenu que le général Ambrosio et un collaborateur du ministre des Finances se rendront à Alger dès le lendemain pour négocier le rachat du matériel italien capturé (ils ignorent que le matériel saisi en Afrique a en grande partie été expédié aux Chinois) et l’achat des chars que les Français semblent disposés à céder, car le rééquipement des troupes italiennes est une nécessité urgente. Le Roi et ses ministres font alors le point sur la situation des troupes italiennes dans les Balkans. Le sort le plus tragique semble avoir été réservé au XVIIe Corps d’Armée : les officiers de la 131e Division cuirassée Centauro et de la 14e DI Isonzo ont été massacrés. Une tentative de résistance du 7e Régiment de Cavalerie Lanciere di Milano a abouti au massacre de la totalité des officiers et de la plupart des hommes. Les hommes de la 1ère Division Rapide Eugenio di Savoia ont eux aussi tenté de résister et beaucoup d’entre eux ont été exécutés ; en revanche, une partie de l’encadrement s’est ralliée aux Allemands. Les nouvelles sont meilleures à l’ouest du Péloponnèse : la 4e DI Alpine Cuneense et la 53e DI de Montagne Arezzo ont réussi à faire leur jonction avec les troupes alliées et peuvent être considérées en sécurité, même si les pertes en équipement ont été importantes. En revanche, la moitié seulement de la 18e DI Messina (qui se trouvait en retrait du front) a pu se sauver, le reste a été capturé. Le repli des troupes allemandes du Péloponnèse est, semble-t-il, en cours. Certaines des divisions d’occupation de la Yougoslavie et la plupart des troupes stationnées en Albanie semblent être en mesure de résister aux Allemands. D’autres se sont ralliées au nouveau gouvernement national-fasciste. Les autres ont été désarmées sans trop de mal par leurs anciens alliés. La plus grande confusion règne encore en bien des points. Le Conseil des ministres envisage alors quel soutien aérien peut être accordé, avec l’accord des Alliés, aux troupes qui résistent aux Allemands. Dans ce but, les éléments de la Regia Aeronautica qui ont pu échapper à la destruction ou à la capture sont en voie de concentration sur les aéroports de Cosenza, Monserrato et Tarente. L’ordre est donné d’effacer toutes les marques fascistes des appareils, qui devront désormais adopter les couleurs nationales et la Croix de Savoie. Enfin, pour soutenir les troupes d’Albanie, le Conseil décide de demander aux Alliés d’autoriser certains des navires de la Regia Marina à reprendre les opérations en Adriatique. La libération de la Corse Corse – Des avions de transports français font la navette entre Alger et Ajaccio pour conduire en Corse des hommes et du matériel (dont un radar). On comptera ainsi 67 rotations de DC-3, 5 de C-60 (Lodestar), 4 de DC-2 et 14 de LeO-451. Pendant que ces renforts arrivent, les Mustang II du groupe II/7 se desserrent sur Calvi-Sainte Catherine, et les avions du I/7 montent des vols de reconnaissance armée sur la côte toscane. Les B-25 de la 31e EB montent des missions de surveillance sur l’île d’Elbe. Dans l’aprèsmidi enfin, ce sont 5 Hudson III de l’escadrille E5 qui se posent à leur tour à Ajaccio pour organiser des vols de patrouille anti-sous-marine sur le trajet Alger-Ajaccio. La campagne des Balkans Dalmatie – La plupart des trois mille déportés juifs de l’île de Rab, libérés quelques jours plus tôt par les Partisans titistes, ont pu être évacués vers le continent à bord de barques de pêche et de petits caboteurs réquisitionnés, ébauche d’une marine des Partisans. Trop affaiblis, 204 déportés resteront sur place. Aucun ne survivra. Parmi ceux qui ont pu rejoindre le continent, trois cents, les moins épuisés, ont rejoint les rangs des Partisans, mais que faire des autres ? L’officier de liaison français, le capitaine Malec (dans le civil, le Père Natlacen) envoie à Alger un message demandant des moyens exceptionnels pour les mettre hors de portée des Allemands et de leurs auxiliaires oustachis, tout aussi partisans de la « solution finale du problème juif ». Paramythia (Epire) – Le général Umberto Ricagno, chef de la 3e Division Alpine Julia, est furieux. Il a quitté précipitamment sa garnison d’Igoumenitsa pour se porter au secours des Chams (Albanais d’Epire) prétendument menacés de massacre par les Grecs, et il se rend compte que cette menace a été inventée de toutes pièces par deux chefs de milice locale, les frères Nuri et Mazar Dino, désireux d’obtenir des armes et du ravitaillement. « Je devrais vous faire fusiller, mais les Grecs s’en chargeront ! » lance-t-il aux deux frères. Pour ne rien arranger, la neige se met à tomber et son unique poste de radio est en panne : il n’arrive à joindre ni Igoumenitsa, ni l’état-major du XXVIe Corps d’Armée à Ioaninna. Salonique – Le général d’aviation Löhr, commandant en chef du secteur Sud-est, prépare sa reconquête des Balkans. Sur sa carte s’étalent de vastes territoires insoumis : en Bosnie, au Monténégro, en Grèce centrale… Le plus gênant est l’Albanie avec Tirana : après la perte de Rome, il n’est pas acceptable qu’une autre capitale européenne, même d’un petit pays obscur, échappe à la domination du Reich. La 173. Jäger-Division du lieutenant-général Heinrich von Behr est à Graz (Autriche), prête à partir pour l’Albanie dès que possible. Le 329e Rgt d’Infanterie, formé de transfuges musulmans de l’armée soviétique, la rejoindra dès qu’il aura enlevé le château de Trujak, en Slovénie 1. Pour transporter ces deux unités, Behr hésite encore entre la voie terrestre, pleine de dangers, et la voie maritime, qui ne vaut pas mieux. La campagne de Grèce Opération Tent Samothrace – L’aimable major-général Frederick Browning, qui avait commandé les troupes aéroportées britanniques en Sicile, a été victime de son succès : le général Clark l’a appelé auprès de lui comme chef d’état-major des forces aéroportées alliées. C’est donc le petit et sec brigadier George “Hoppy” Hopkinson qui est chargé de commander le saut sur Samothrace. “Hoppy” passe, à tort ou à raison, pour un des officiers les plus impatients et les plus désagréables de l’armée de Sa Majesté. Il est secondé par le jeune brigadier à titre temporaire Ernest Edward Down, chef de la 2e Parachute Brigade, que sa calvitie précoce et sa mine funèbre ont fait surnommer “Dracula”. Leur médiocre sociabilité complique sérieusement leurs rapports avec leurs homologues français et grecs. Cependant, Down est très populaire auprès de ses hommes, ce qui n’est pas vraiment le cas de Hopkinson. Sous leurs ordres, tout d’abord, la 2e Parachute Brigade. Sa composition est très britannique : un bataillon anglais du Wessex, un écossais et un gallois. Hopkinson, tirant les leçons des expériences de Sicile et de Tarente, estime que des parachutistes ne peuvent tenir le terrain que peu de temps sans un renfort d’artillerie et de logistique : ce sera le 1st Airlanding Rgt, Royal Artillery. Les “Diables Rouges” au béret amarante vont devoir se coordonner avec deux autres unités : d’une part, le 2e Bataillon des Royal Irish Fusiliers, qui jouera le rôle de deuxième vague, d’autre part les commandos du Special Boat Service, au particularisme très développé et qui font semblant d’ignorer qu’ils sont désormais rattachés au Special Air Service (SAS). Cerise sur le gâteau, les Grecs du Bataillon Sacré, aussi fameux pour leur indiscipline que pour leur bravoure, seront de la partie. ……… Concernant les unités de l’Axe présentes dans l’île, “Hoppy” ne dispose que d’informations incomplètes. Il sait que la garnison de l’île est normalement assurée par un bataillon italien, le II/4e RI de la 29e Division d’Infanterie Piemonte 2. Ce bataillon semble s’être rallié à la cause 1 Le 329e RI dépendait à l’origine de la 162. Infanterie-Division, reconstituée après Smolensk, mais les deux régiments d’infanterie “allemands” de cette division, plus avancés dans leur entraînement, ont été envoyés en urgence contrôler le secteur de Pescara, en Italie centrale. 2 La 29e Division d’Infanterie Piemonte (général Adolfo Naldi) est stationnée de Katerini à Salonique, où se trouve son Q.G. Elle comprend les 3e, 4e et 303e RI Piemonte, la 166e Légion CCNN d’assaut Peloro (à deux bataillons) et le 24e RAD Peloritani (groupe I avec 12 obusiers de 100/17, II avec 12 canons de 75/27 et III avec 12 obusiers de 75/13). Le 4e RI assure la garnison des îles de Thasos (I et III/4e RI) et de Samothrace (II/4e RI). de la monarchie italienne. La citadelle de Kamariotissa, l’agglomération principale, est tenue par les Allemands du XII. Festungs-Infanterie-Bataillon 999 : un bataillon d’infanterie de forteresse que le numéro 999 signale comme une unité disciplinaire formée de repris de justice. Rien d’insurmontable en apparence. Cependant, Hopkinson n’a pas assez tenu compte des avertissements du SBS, signalant l’arrivée, depuis très peu de temps, de nouveaux éléments allemands. Certes, après le changement de camp des Italiens, le XII. Festungs aurait pu s’accommoder d’un statu quo avec le II/4e RI, voire être replié sur le continent, Samothrace, trop éloignée et difficile à ravitailler, apparaissant comme une position sacrifiée. Mais le Führer ne l’a pas entendu ainsi : depuis Limnos, il est très sensible à la défense des îles grecques et croit que leur possession est nécessaire au maintien de la neutralité turque. Le général Löhr a donc dû prélever sur les maigres réserves du Groupe d’Armées Sud-Est une force chargée d’en assurer le contrôle contre vents et marées : la SturmBrigade NordÄgäis, commandée par le général Wilhelm-Friedrich Müller et composée d’un bataillon de la 22. ID Luftland [aéroportée] et quelques pièces de DCA. Elle a débarqué sur l’île dans la nuit du 30 au 31 décembre. Dès le 31 décembre à l’aube, les Allemands ont occupé le port, désarmé une partie des Italiens et fusillé pour l’exemple les officiers sur lesquels ils ont pu mettre la main. Les repris de justice du XII. Bataillon 999 ont aussitôt entrepris de rançonner les habitants. Le reste des troupes italiennes s’est replié vers Chora, le chef-lieu, dans l’intérieur, et vers la confortable station thermale de Loutra. L’ouest de l’île sert de refuge précaire aux civils de Kamariotissa, tandis que l’est, montagneux et difficile d’accès, semble vivre hors du temps sous la cime du mont Fengari. Müller a décidé de lancer dès le 1er janvier un coup de main sur Chora. Il n’a pas encore reçu les renforts qui lui ont été promis – quelques éléments de la 113. ID. doivent arriver dans les premières nuits de janvier – mais il sait qu’il n’a que peu de temps avant la grande tempête qui vient d’Europe du Nord et que les services météo de la Wehrmacht ont signalée. Mais cette tempête devrait décourager toute tentative franco-britannique dans son secteur. ……… L’attaque britannique, à l’aube du 1er janvier, commence par une catastrophe : le croiseur mouilleur de mine HMS Latona, qui devait déposer près de Kamariotissa le 6e Bataillon gallois de la 2e Parachute Brigade, saute à quelques secondes d’écart sur deux mines posées vingt-quatre heures plus tôt par les petits bâtiments qui avaient amené la Sturmbrigade. Le Latona sombre en trois minutes. Le bataillon perd 58 morts et 150 blessés (plus 48 morts dans l’équipage), sans parler d’une grande partie de son matériel. Il est totalement désorganisé. Les forces parachutées, dispersées par un vent violent et un terrain accidenté et morcelé, ne peuvent apporter qu’une faible contribution à l’attaque principale. Seul le Bataillon Sacré atteint son objectif, la station thermale de Loutra, où il désarme un petit détachement italien. Le bain chaud de Loutra restera un des rares bons souvenirs d’une campagne plutôt ingrate ! Autre succès : au sud de l’île, les SBS débarquent sans aucune résistance dans le petit port de Lakkoma. Enfin, dans l’après-midi, le capitaine Lord Jellicoe négocie sans grande difficulté le ralliement de la garnison italienne de Chora. Mal commencée, la journée finit mal : le général Hopkinson, alors qu’il supervise l’attaque de Kamariotissa abrité derrière un muret, est touché à la tête par un tireur d’élite de la 22. Luftland. “Dracula” Down prend le commandement d’une opération mal engagée. A l’assaut ! Sparte – Au QG allié, l’opération Tent a des conséquences presque aussi violentes que la tempête qui se prépare. Giraud ne décolère pas : « Si Rommel devait lancer une offensive contre nous, je pense que je serais mis au courant plus vite que je ne l’ai été de cette opération des Anglais ! La seule excuse de Cunningham est que la décision a été prise directement à Londres et, à coup sûr, pour dissimuler l’importance du succès de Ciseaux ! » Avant qu’il n’invoque les mânes du capitaine Marchand et de Fachoda, Dentz lui fait remarquer que, dans le fond, il faut se réjouir que les Britanniques sortent de l’immobilisme qu’ils observent dans le Péloponnèse depuis Noël. Mais Giraud prend le mors aux dents : « Eh bien nous allons voir ! Dès demain, j’ordonne à toutes les forces sous mon commandement, c’est à dire à l’Armée d’Orient et aussi à la 8e Armée, de passer à l’offensive sur tout le front ! » Malgré les réticences de Dentz, voire les appels discrets à Londres et à Alger, où l’on ne souhaite pas paraître s’opposer à une offensive de libération d’un pays allié, les ordres partent, non seulement pour les QG d’armée, mais pour toutes les unités jusqu’au niveau de la brigade ! Bien entendu, ces ordres manquent de précision, mais ils sont clairs : profiter du retournement italien pour avancer sur tout le front. Dans les airs, la RAF s’est réveillée depuis le lancement de Tent et les forces aériennes alliées se heurtent à la chasse allemande, qui couvre les bâtiments de toutes tailles qui transfèrent prisonniers italiens, matériel, ravitaillement et personnels des unités allemandes du Péloponnèse vers la Grèce centrale, à l’est comme à l’ouest de Corinthe. 2 janvier La campagne d’Italie Front italien – Le corps d’armée franco-américain (et italien) lance l’offensive prévue la veille. La 34th DI-US avance jusqu’à l’entrée sud de Civitavecchia, mais les Allemands tiennent toujours la ville ; les Américains s’emparent cependant des collines qui entourent la petite ville d’Allumiere, au nord-est. La Trento s’avance autour du lac de Vico sans réussir cependant à déboucher sur Viterbo et Vetralla. Les Français progressent dans la plaine jusqu’à la coupure au sud d’Orte et dans les collines au sud de Narni jusqu’à Strocone, mais la 14e DI n’arrive pas à déboucher au-delà de la ligne Contigliano, Rieti, Cantalice. Pendant ce temps, la réorganisation continue. La 1st Armored Division américaine et la brigade Tancrémont se retirent du front pour se réorganiser. Les Américains passent en position arrière vers Anguillara Sabazia pour recompléter leur matériel et leurs effectifs après les combats de fin décembre, où ils ont subi de lourdes pertes et pris quelques dures leçons. Les Belges vont occuper un secteur entre l’aile gauche de la 3e DB française et les formations italiennes vers Soriano Nel Cimino et Vasanello. La campagne de Grèce et des Balkans Opération Tent Samothrace – Les forces britanniques se regroupent et se réorganisent. Kamariotissa est toujours aux mains des Allemands, mais une attaque est prévue pour le lendemain, en collaboration avec les Italiens, qui se montrent très désireux de venger leurs morts du 31 décembre. Pendant ce temps, la 127e Parachute Field Ambulance du Lt-col. Parkinson est débordée par les jambes cassées de la veille et les blessures par balles. Heureusement, une infirmerie de renfort commence à fonctionner à Loutra dès ce jour ; le personnel militaire britannique et italien et les civils grecs y travailleront durant toute la campagne dans une harmonie exceptionnelle. A l’assaut ! Péloponnèse – Sur tout le front français, c’est-à-dire dans l’ouest de la presqu’île, les unités se sont mises à avancer, prudemment mais de bon gré. A l’est du front, la majeure partie des forces de la 8e Armée sont encore en train de « s’organiser pour préparer la progression », mais en Argolide, les Grecs se sont lancés à l’attaque avec ardeur ! Hélas, c’est sans doute là que la résistance allemande est la plus ferme. Cependant, en général, la défense ennemie est sporadique et les mines font plus de victimes que les tirs. Côté français notamment, les soldats qui avancent voient beaucoup plus d’Italiens que d’Allemands, mais ce sont des centaines d’hommes qui avancent à découvert, brandissant des drapeaux blancs et des pavillons vert-blanc-rouge aux armes de la maison de Savoie. Mettre un peu d’ordre dans cette foule, désarmer ces hommes en douceur, leur trouver à manger, les envoyer rejoindre les unités qui se sont rendues depuis le 25 décembre et organiser le transfert de tout ce monde vers l’Italie est pour les services alliés une épreuve d’autant plus difficile qu’elle est inattendue ! L’activité aérienne est toujours soutenue au-dessus des golfes de Patras, de Corinthe et de Saronique, dont les eaux sont sillonnées dans la journée par de nombreux petits bateaux – les unités de plus grande taille sont tenues à l’abri et ne sortent que la nuit. Trahisons et contre-trahisons Igoumenitsa – Le 98e Régiment de la 1. Gebirgs-Division atteint la Mer Ionienne. En six jours de marche forcée par la route côtière depuis qu’il a traversé le golfe de Patras, il a connu plusieurs accrochages avec les maquisards grecs pro-Anglais (du moins sont-ils armés et financés par Sa Majesté) de l’EDES. Mais dans la région, le général Mario Gamaleri, fasciste fidèle et chef du XXVIe CA italien, chargé de contrôler le secteur, a décidé de se rallier à la République Sociale proclamée par Mussolini en Italie du Nord, avec le général Mario Guassardo et sa 37e DI de Montagne Modena. A Igoumenitsa, les choses auraient pu mal tourner pour les Allemands, car le général Ricagno, chef de la 3e Division Alpine Julia, n’avait aucune intention de se rallier au Reich. Mais en son absence, le lieutenant-colonel Molinari n’a pas voulu courir le risque d’une bataille. Il a permis aux hommes qui le souhaitaient de rejoindre Ricagno dans les hautes terres, et il s’est rendu aux Allemands avec le reste de son unité. Satisfait, le Generalleutnant Walter Stettner von Grabenhofen, qui commande la 1. GD, a décidé d’accorder à ses hommes quelques jours de repos avant le prochain mouvement : la reconquête du sud de l’Albanie. Dans l’après-midi, Stettner reçoit la visite d’un groupe d’officiers italiens, fascistes convaincus, de la 36e Légion de Chemises Noires d’Assaut Cristoforo Colombo (de la 37e DIM), qui le persuadent de modifier ses plans. Selon leurs renseignements (incertains), la garnison italienne de Corfou, grossie par des troupes venues d’Albanie, serait prête à se rallier à la RSI. En gage de bonne foi, ces lointains épigones de Christophe Colomb présentent plusieurs petites embarcations, caboteurs ou barques de pêche plus ou moins aménagés, avec lesquelles ils se disent prêts à franchir le détroit. Une fois sur l’île, avec un minimum de soutien armé, ils se font forts de rallier la garnison à leur cause. Stettner écoute favorablement leur offre. Contrairement à la plupart des généraux allemands, il est loin de mépriser les Italiens : il a gardé en mémoire leurs combats communs dans le Péloponnèse. La météo annonce du gros temps pour le lendemain, mais, dès que possible, il enverra sur l’île un détachement de Chemises Noires renforcé par un nombre égal de Chasseurs de montagne allemands. Forteresse assiégée Durazzo/Durrës (Albanie) – Le général Gotthard Frantz est officiellement nommé commandant de la Festung Durazzo, la forteresse de Durrës, fonction qu’il occupe en fait depuis le 25 décembre. Frantz, grâce au butin récolté à Tirana, arrive à échanger du ravitaillement en relative abondance. Cependant, dans son QG, Hitler, informé de ce qui ressemble à un encerclement, ordonne au Reichsmarschall Göring d’organiser un pont aérien vers Durrës, ou plutôt vers le petit secteur au sud de la ville tenu par les Allemands et quelques unités italiennes fidèles à l’Axe. Comme Frantz appartient à la Luftwaffe et que Göring ne veut pas porter seul le chapeau en cas de défaite, il obtient que l’attaché naval allemand à Tirana, le capitaine de frégate Asmus, soit nommé chef de la Défense maritime de l’Albanie. Sa flotte se réduit à trois barques ! Renouvellement Limnos – La Flottille 8F doit quitter la Mer Egée. Elle va rejoindre Mers-el-Kébir, où elle cédera ses hydravions Northrop N3M en échange de vieux SBD-3 Dauntless. Elle pourra ainsi se réhabituer aux avions “à roulettes” avant de recevoir sa nouvelle monture, le TBF Avenger, en mai. Quant à ses appareils, dûment révisés, ils partiront pour l’Océan Indien, aux Andaman. Là, ils seront bien utiles à la Flottille 10F, dont les hydravions torpilleurs souffrent des rigueurs du climat équatorial. 3 janvier La campagne d’Italie Front italien – Les Alliés poursuivent leur réorganisation, interrompant leurs actions offensives. La 34th DI-US et la 102e Division Motorisée Trento, renforcée par le 34e Rgt Blindé Centauro II et par les unités de corps d’armée du XXIe CA, vont décaler et étirer leur dispositif au sud de Civitavecchia jusqu’au mont Cimino, immédiatement à gauche de la Brigade Tancrémont. Les derniers éléments en ligne de la 132e Division Blindée Ariete et de la 2e Division Rapide Emanuele Filiberto Testa di Ferro sont retirés du front pour permettre de recompléter ces divisions avec une partie des unités de la 10e DI semi-motorisée Piave. Sur le front anglais, les premiers éléments de la 1st Canadian Infantry Division montent en ligne, mais la situation s’est également stabilisée. Les Allemands en profitent pour réorganiser eux aussi leurs forces en un vaste jeu de chaises musicales. Dans la plaine au nord de Pescara, l’arrivée des premiers éléments de la 10. Panzerdivision permet de retirer la 112. ID, qui va remplacer la 162. ID sur le front central, à droite de la Grossdeutschland. La 162. ID, elle, va se positionner face aux Italiens, au sud de Viterbe. La SS Hohenstaufen reste pour le moment à proximité de la ligne de front, mais elle doit aller se redéployer dans quelques jours en réserve d’armée près de Pérouse. La campagne de Grèce Opération Tent Samothrace – Alors que toutes les églises de l’île sonnent les cloches du dimanche et de la libération, la tempête prévue noie sous la neige l’île des Cabires. Les Italiens, à qui personne n’avait songé à communiquer les prévisions météo et qui s’étaient mis en marche de Chora vers Kamariotissa, font précipitamment demi-tour. La tempête va durer trois jours. Sans empêcher des combats sporadiques, elle va retarder l’arrivée des renforts et laisser aux deux camps le temps de se retrancher. A l’assaut ! Péloponnèse – Comme dans toute la Grèce, le temps se gâte. Il ne neige pas, mais il pleut à torrents. L’aviation des deux camps est clouée au sol et les bateaux allemands en profitent pour accélérer le transfert des troupes et du matériel des 15. et 21. Panzer Divisions, des 1., 3. et 4. Gebirgs-Divisions et de ce qui reste de la 22. Luftland-Division. Sur le front, ou ce qui en tient lieu, la pluie ne fait que ralentir encore les mouvements et ce ne sont pas les combats qui marquent la journée. Dans l’après-midi, des habitants guident l’avant-garde française vers une trouvaille macabre : un charnier de plus de deux mille corps – soldats italiens et civils grecs, hommes, femmes et enfants. Les malheureux ont été massacrés à Kalavryta le 26 décembre par les hommes de la 4. Gebirgs-Division, sur l’ordre du général Karl von Le Suire. 4 janvier La campagne d’Italie L’honneur des Borghese La Spezia – Au siège du commandement de la Xa Mas, le drapeau tricolore flotte toujours, mais en son centre, à la place de l’écusson royal de Savoie, il n’y a plus qu’un trou béant. Le CC Borghese a reçu la visite d’un officier de la Kriegsmarine ; ensemble, ils rédigent, paraphent et publient le texte suivant : « La Spezia, le 4 janvier 1943 1. La Decima Flottiglia MAS est une unité appartenant à la marine militaire italienne, avec une autonomie complète dans la logistique, l’organisation, la justice, la discipline et l’administration. 2. Elle est alliée aux forces armées allemandes avec parité de droits et de devoirs. 3. Elle bat pavillon de guerre italien. 4. Le droit d’utiliser toutes les sortes d’armes est reconnu à tous ceux qui en font partie. 5. La Xa MAS est autorisée à récupérer et à armer, avec équipages et pavillon italiens, les unités italiennes qui se trouvent dans les ports italiens. Leur emploi opérationnel dépend du commandement de la marine allemande. 6. Le commandant Borghese en est le chef reconnu, avec les droits et les devoirs inhérents à sa charge. (signé) Capitaine de corvette Junio Valerio Borghese, lieutenant de vaisseau Max Berninghaus » Entre la fidélité à ses supérieurs et la fidélité à ce que lui dictait sa conception de l’honneur, Borghese a choisi. Aujourd’hui, il franchit le Rubicon… Alea jacta est ! La campagne de Grèce A l’assaut ! Péloponnèse – La pluie persiste sur toute la presqu’île. Néanmoins, les Alliés continuent d’avancer. A l’est, les Grecs, ayant nettoyé l’Argolide (d’où tous les défenseurs allemands ont été évacués vers Le Pirée), tentent de déboucher vers Corinthe. A l’ouest, les Français de la 3e BMLE, poussés par leur chef, le général Le Couteulx de Caumont, percent vers Patras sur la route côtière. Kriegsmarine en Mer Egée Ekali (Attique) – Les carrières de marbre du mont Pentélique, au nord-est d’Athènes, ont fourni les pierres du Parthénon et de bien d’autres monuments. La relative fraîcheur de ces hauteurs boisées en a fait une résidence appréciée de la bourgeoisie athénienne. Aujourd’hui, elles servent d’abri à l’état-major des forces occupantes. Le vice-amiral Erich Förste, qui exerce la fonction délicate d’Admiral Ägäis, amiral de la mer Egée, fait le compte des quelques moyens dont il dispose. Avant la défection italienne, il lui fallait se contenter de quelques petites unités prises aux Yougoslaves et aux Grecs, dont l’entretien mécanique demande des trésors d’habileté, d’une série de petits transports tels que des ferries Siebel, plus ou moins bien adaptés à leurs missions, et de caïques locaux armés en mouilleurs de mines et transports de troupes. Depuis la fin de l’année 1942, il peut fièrement y ajouter une douzaine de navires italiens saisis au Pirée. Son navire amiral sera bientôt le destroyer Freccia – un bâtiment moderne qui est devenu le ZI-5 Pfeil. S’y ajoutent les dragueurs de mines RD-35 et 38, les vedettes rapides MAS-530, 533, 571 et 574 et les vedettes ASM/dragage Lombardi, Manca, Marcomeni, Nioi et Satta. Tous ces navires seront remis en service par la Kriegsmarine, mais dragueurs et vedettes (rapides ou ASM) se contenteront d’un matricule. Ah, il y a aussi les mini-sous-marins CB-1, 6, 10 et 12, saisis à Salonique. Förste songe que les Italiens ont parfois des idées bizarres, on croirait des engins japonais ! Bien sûr, ses hommes tenteront de remettre en service ces bizarres submersibles, mais il est pessimiste – il n’a aucune envie de perdre du monde, pour un bénéfice douteux, en s’escrimant à utiliser ces engins. Tout au plus envisage-t-il d’autoriser des Italiens ralliés à Mussolini à se faire tuer avec, le cas échéant ! Quoi qu’il en soit, depuis la trahison italienne et sans aucune aide, ses minuscules forces ont réussi à permettre la prise de contrôle de Salamine et de l’Eubée et le débarquement d’un corps de troupes à Samothrace. Surtout, l’évacuation du Péloponnèse de la presque totalité du Panzer Gruppe Griechenland 3 sera chose faite dans quelques jours – un réel exploit, compte tenu de l’écrasante supériorité navale des Franco-Britanniques. Mais il sera difficile de lancer de nouvelles opérations. A l’ouest, les puissantes batteries d’Antirion empêchent les flottes ennemies d’entrer dans le golfe de Corinthe, mais les quelques bateaux qui y restent sont pratiquement bloqués : depuis la prise de Zanthe par les Français, toute sortie en mer est extrêmement périlleuse. Tant pis – ce sera aux navires basées en Adriatique de venir gêner l’ennemi, notamment en allant, par exemple, semer des mines vers les îles Ioniennes. Au sud, la prise d’Andros par les Français – encore eux ! – a rendu encore plus compliquée la défense de l’Attique. Seules les batteries du mont Laurion empêchent les flottes ennemies d’entrer dans la rade du Pirée. La reconquête de l’Eubée fait heureusement obstacle à un débarquement ennemi en Grèce centrale, mais Volos, le meilleur port de Thessalie, est toujours tenu par des Italiens à la loyauté plus que douteuse. En attendant que la Heer prenne le contrôle du port par voie de terre, le vice-amiral a l’ordre d’empêcher ces traîtres de s’enfuir par mer pour rejoindre le félon Badoglio. Avec quels moyens ? Förste a été capitaine de sous-marin pendant l’Autre Guerre et il sait qu’un petit navire résolu peut infliger de sérieux dégâts à une puissance navale trop sûre d’elle. C’est dans le labyrinthe d’îles et de détroits qui s’étend devant Volos qu’il va faire patrouiller les vedettes rapides prises aux Italiens, sitôt qu’il les aura réarmées (cela ne devrait plus demander que quelques jours, les équipages venus d’Allemagne s’entraînent déjà). Ces MAS sont du très bon matériel, aussi étonnant que cela puisse paraître ! Si les Franco-Britanniques envoient des transports à Volos, ils ne reviendront pas tous à bon port. Enfin, au nord-est, la SturmBrigade NordÄgäis a réussi son débarquement à Samothrace, mais elle y est pratiquement prise au piège. Comme à Limnos, un an plus tôt. Le mauvais temps donne un prétexte honorable pour ne plus lui envoyer de renforts, mais Förste sait que, de toute façon, ils seraient coulés avant d’atteindre l’île. Mieux vaut préserver la 11e Flottille de Défense côtière du capitaine Von Richthofen 4 pour la défense de la côte nord, de Thessalonique à la frontière turque. 3 Composé du Panzer Korps Leonidas [Lt-général Ludwig Crüwell – 15. et 21. Panzer-Divisions] et du Skandenberg Korps [Lt-général Dietl – 1., 3. et 4. Gebirgs-Divisions]. 4 Un parent des aviateurs fameux. 5 janvier La campagne d’Italie Front italien – Les Anglais remanient eux aussi leur dispositif. Pendant que la 1st Army Tank Brigade reprend sa place en réserve au sud-est de l’Aquila, la 1st South African Division, qui est en train de se déployer, et la 5th Indian Division échangent leurs places et leurs rattachements. En effet, l’état-major du général Alexander a jugé que les appuis divisionnaires de la 5th Indian, mais surtout les rustiques Gurkhas seraient beaucoup plus adaptés aux compartiments montagneux du centre du pays, confiés au Xe Corps. Les Indiens vont faire face à la 6. Gebirgs-Division, une unité de type montagne, qui tient les cols du Gran Sasso, de Malecoste et de Campo Imperatore. La campagne des Balkans Massacres en Yougoslavie Slavonie (est de la Croatie) – Le basculement italien a obligé les Allemands à annuler le plan Weiss (Blanc) qui prévoyait l’anéantissement des Partisans yougoslaves pendant l’hiver. En liaison avec les Croates d’Ante Pavelic, ils se contentent d’une série d’opérations limitées contre plusieurs petits maquis, dangereux par leur proximité de Belgrade et des voies de communication allemandes. La première de ces opérations, dite Ferdinand, commence aujourd’hui et durera trois jours (du 5 au 7 janvier). Elle sera suivie par Winter I (du 6 au 8 janvier) et Arnim (du 20 janvier au 3 février). Sous les coups, les maquisards se dispersent, tandis que la population serbe de la région subit les exactions des Oustachis croates. La campagne de Grèce A l’assaut ! Péloponnèse – Les Français pénètrent dans Patras sans trop de mal. En effet, la garnison se réduit à un bataillon de forteresse, le III. Festungs-Infanterie-Bataillon 999. Comme tous les “999”, celui-ci est en grande partie composé de repris de justice. Les Français ramasseront un certain nombre de ses hommes dans les sous-sols des tavernes – n’ayant pas mesuré la force de l’ouzo local, ils sont complètement ivres et la plupart réagiront à peine quand on leur reprendra le butin de leurs pillages. Iles Ioniennes – Le temps s’étant quelque peu amélioré sur la mer Ionienne, les Français débarquent sans opposition à Céphalonie un corps expéditionnaire improvisé composé des éléments de la 13e DBLE conservés en réserve sur l’ordre de Dentz lors de l’opération Ciseaux et de quelques fusiliers marins. C’est le colonel-prince Amilakhvari, revenu d’Andros, qui commande l’opération. Dès son arrivée à Argostoli, principal port et capitale de l’île, Amilakhvari reçoit un appel à l’aide du général Luigi Mazzini, chef de la 33e DI de Montagne Acqui. A son QG, Mazzini s’avoue débordé par l’afflux de militaires italiens et de civils grecs qui franchissent le détroit sur toutes les embarcations possibles. Il lui faut de toute urgence du ravitaillement et des moyens de transport pour conduire tout ce monde en Italie – et pour y rapatrier ses hommes dès que possible. De plus, Mazzini demande à avoir un bref entretien en particulier avec Amilakhvari. Il lui explique alors qu’il faudrait envoyer des hommes pour désarmer le 19e Bataillon de Chemises Noires, dont l’allégeance politique reste incertaine. Le commandant Robert Détroyat, des Fusiliers marins, est envoyé remplir cette mission délicate ; les Chemises Noires se rendront sans trop de difficultés. Tandis que Détroyat part remplir sa mission, Mazzini continue à s’entretenir avec Amilakhvari et s’efforce de présenter sous un jour favorable l’occupation par ses troupes des îles Ioniennes. Comptant sur les sentiments philosémites supposés des Français, l’Italien met ainsi en valeur la façon dont il a protégé la communauté juive de l’archipel : « de vrais Italiens, d’ailleurs, qui parlent le meilleur dialecte vénitien ! ». Au grand désarroi de Mazzini, Amilakhvari répond avec violence à ce plaidoyer pro domo, le traitant de menteur et d’hypocrite (parmi d’autres qualificatifs plus énergiques). Puis, sortant de sa poche une feuille de papier, le colonel s’exclame : « Voici comment vos compatriotes ont traité les Juifs de la région ! Les Rouges n’ont pas fait pire en Géorgie ! ». Il s’agit d’une note du Deuxième Bureau qu’il vient de recevoir et qui reprend le récit du capitaine Malec sur la situation tragique des Juifs de Rab : « Il y a à présent par votre faute sur la côte dalmate 2 500 malheureux, hommes, femmes et enfants, tous hors d’état de fuir ceux qui veulent les anéantir ! ». Mazzini est atterré. Vieux militaire à la veille de la retraite, formé bien avant le déferlement de propagande antisémite orchestré par le Parti fasciste, il a réellement de bons rapports avec la communauté juive locale et, dit-on, n’est pas totalement insensible au charme d’une certaine veuve juive de Corfou. Devant la réaction d’Amilakhvari, il réalise que le traitement criminel de la question juive par le régime fasciste, même en grande partie à la remorque des Nazis, pourrait coûter cher à son pays dans les négociations avec les Alliés. « Colonel, dit-il, nous avons ici des bateaux qui étaient destinés à évacuer nos soldats coincés en Albanie. Mais je vois que les malheureux dont vous m’apprenez le sort, seuls et désarmés face aux représailles des Allemands et des Croates, en ont encore plus besoin que nos hommes. Si vous pouvez nous fournir du carburant, je mets ces embarcations, pour insuffisantes qu’elles soient, à votre disposition. » Amilakhvari se calme et réfléchit. Ce ne sont pas les quelques petits bateaux de Céphalonie qui vont pouvoir faire traverser l’Adriatique à 2 500 personnes. Mais leur aide pourrait être précieuse. Il décide alors de court-circuiter sa hiérarchie (de toute façon, il a bien compris que les jours de Giraud à la tête de l’Armée d’Orient étaient comptés) pour informer directement Alger et réclamer d’urgence assez de bateaux pour évacuer les 2 500 « Juifs de Rab ». Son message arrive dans une capitale de la France Combattante en pleine ébullition. Le gouvernement, ébranlé par l’attentat des Douanes contre Paul Reynaud, a bien d’autres sujets de préoccupation. Cependant, il se trouve que les co-présidents du Conseil par intérim, Léon Blum et Georges Mandel, sont, à titre personnel, très touchés par ce problème… Mais justement parce qu’ils sont d’origine juive, ils ont scrupule à mobiliser des bâtiments français pour sauver « les Juifs de Rab » – quels jeux de mots nauséabonds se permettraient certains Elus de la République… Par bonheur, il y a une solution. ……… Dans l’après-midi, un nouveau saut de puce permet aux Français de prendre possession d’Ithaque. L’île d’Ulysse, toute proche de Céphalonie, est contrôlée par des éléments de la division Acqui qui, sur l’ordre de Mazzini, se rallient sans protester aux Alliés. ……… En fin de journée, quatre vedettes rapides italiennes se présentent devant le port. Ce sont les MAS-431, 432, 433 et 437, dont les commandants demandent… « si les Américains sont enfin arrivés ». Apprenant qu’il va leur falloir se contenter de Français, ils sont visiblement déçus, mais rejoignent cependant la petite flottille de Céphalonie, constituée jusqu’alors des MAS564 et 566, du patrouilleur Rovigno et de la vedette ASM/dragage Spanedda. Renseignements pris, les quatre vedettes viennent de Cattaro (Kotor), qu’elles ont décidé de quitter deux jours plus tôt parce que la situation dans le grand port semblait « incontrôlable ». Elles ont tenté de relâcher à Corfou, mais l’accès du port était interdit sur l’ordre du colonel Lusignani, chef de la garnison de l’île. Le général Mazzini apprendra dans la nuit le fin mot de l’histoire. Ce même jour à l’aube, un détachement de Gebirgs-Jägers allemands et de Chemises Noires du XXVIe CA a tenté de prendre pied sur l’île pour la ramener dans le camp de l’Axe… Le commando aurait pu réussir si le port de Kerkyra n’avait été confié à la garde, non d’éléments du 18e RI, mais d’une compagnie de Carabiniers royaux, très chatouilleux sur le plan du respect dû au Roi d’Italie et peu désireux d’obéir à des Allemands, et moins encore à des envoyés de la République Sociale Italienne ! Après un combat bref mais sanglant, les survivants du commando ont été faits prisonniers. Le colonel Lusignani, alerté, a fait interdire l’entrée du port à quiconque, en attendant les ordres (et les secours) que le général Mazzini n’allait pas manquer de lui envoyer sous peu. 6 janvier La campagne d’Italie Activités aériennes Front italien – Les états-majors des deux camps savent pertinemment depuis quelques jours, grâce aux reconnaissances aériennes, que l’adversaire est en train de se réorganiser. Les photos sans équivoque montrent des routes encombrées de véhicules de toutes sortes. Jusqu’alors, le mauvais temps qui s’est installé peu après le Jour de l’An, s’il a permis les reconnaissances, a gêné les réactions des forces aériennes, mais aujourd’hui, le ciel se dégage un peu et la Luftwaffe comme les Alliés lancent de nombreux raids sur les arrières de l’ennemi, visant surtout des objectifs d’opportunité. Les résultats sont mitigés pour les deux camps, mais les états-majors n’en tirent pas moins des enseignements importants. Les Allemands notent ainsi que la densité du feu de la DCA alliée a considérablement augmenté depuis les derniers combats importants en Grèce. Entre chasseurs, les Mustang II/P-51B font à peu prés jeu égal avec les Bf 109G, encore peu nombreux, mais prennent le meilleur sur les Fw 190A et les Bf 109F, qui dominent cependant les Spifire V, dont les pilotes réclament à cor et à cris des Spit du dernier modèle. Quant aux P-38, tout dépend des conditions de leur engagement. L’exploit du jour est d’ailleurs à mettre au crédit du F/O Frank Hurlbut, du 96th FS, sur P-38, qui devient un as en abattant deux Fw 190. Concernant les avions d’appui au sol, le Mustang FGA se montre supérieur au P-39. La campagne de Grèce A l’assaut ! Péloponnèse – Les Français percent enfin les dernières défenses allemandes et parviennent à Corinthe. Les armateurs grecs, toujours influents, ont négocié le départ des Allemands : les installations du port, méthodiquement sabotées, seront longtemps inutilisables, mais le reste de la ville a peu souffert. Cependant, si la quasi totalité du Péloponnèse est à présent entre les mains des Alliés, très peu de soldats allemands se sont laissé prendre au piège. Iles Ioniennes – Harcelé par des appels répétés d’Amilakhvari, Dentz libère tout de qui lui reste de réserves pour une opération de prise de contrôle éclair de l’archipel. Accueillis avec soulagement par les hommes de la 33e DI de Montagne Acqui, des éléments de la 13e DBLE et d’autres unités françaises se déploient en toute hâte sur Corfou, puis sur Paxos et Leucade. Partout, les Italiens, sitôt qu’ils constatent qu’ils ne seront pas laissés seuls face à la vindicte tudesque, s’appliquent avec ardeur à mettre les îles en état de défense contre leurs alliés d’avant la Noël de Sang, dont les échos sont parvenus jusqu’en Mer Ionienne. C’est notamment le cas du colonel Luigi Lusignani et de ses hommes du 18e RI, à Corfou, où Amilakhvari a envoyé l’inévitable commandant Détroyat. En pratique, la Division Acqui, avec quelques contingents de la 13e DBLE, continuera à assurer la garde des îles de Céphalonie à Corfou jusqu’à ce que des troupes grecques soient disponibles pour prendre sa place. Soldats italiens perdus dans les Balkans Reggio de Calabre – Il se confirme que les unités fidèles au Roi en Albanie, en Dalmatie et dans les îles Ioniennes sont isolées et menacées : il faut rapidement les évacuer pour les sauver, c’est autant une affaire d’honneur et de solidarité nationale (ni Victor-Emmanuel ni le gouvernement ne peuvent abandonner leurs compatriotes à la capture ou à la mort) que de haute politique : comment rebâtir l’armée italienne cobelligérante aux côtés des Alliés sans ces milliers de soldats et officiers expérimentés ? Mais les Alliés ne semblent pas pressés d’engager leurs troupes et navires dans les opérations d’évacuation, et ont refusé jusqu’ici d’autoriser les Italiens à lancer eux-mêmes les actions nécessaires. Après plusieurs jours d’intenses tractations, ils viennent seulement de consentir à des clauses dérogatoires à la convention d’armistice, à caractère exceptionnel et limité dans le temps, pour autoriser les marins italiens à tenter de sauver leurs camarades. Aussitôt, l’amiral De Courten, ministre de la Marine, donne des ordres pour que les destroyers anciens Palestro et San Martino et tous les navires civils disponibles dans le sud-est de l’Italie, escortés par les corvettes Artemide, Cicogna et Gabbiano, entament les opérations d’évacuation. Les cinq navires militaires en question sont mouillés à Naples – De Courten espérait obtenir le concours des destroyers anciens Antonio Mosto, Audace, Enrico Cosenz, Francesco Stocco, Fratelli Cairoli et Giuseppe Sirtori, mais ceux-ci sont “assignés à résidence” à Bizerte, et les Français se font tirer l’oreille pour les libérer. Il en est de même des DE de classe Ciclone Ardente, Fortunale, Impavido, Impetuoso et Uragano (et du Ciclone, endommagé) ainsi que des corvettes Antilope et Gazzella. Cependant, De Courten espère bien que l’activité des six premiers navires convaincra Alger de “libérer” les autres. Quoi qu’il en soit, il décide de placer le groupe d’escorteurs modernes (destroyers d’escorte et corvettes) sous le commandement du CF Carlo Fecia di Cossato, un brillant officier venu des sous-marins. Par ailleurs, les nageurs de combats de la Decima MAS qui ont décidé de suivre le Roi seront à la pointe des actions organisées en Mer Ionienne et en Adriatique. En effet, avec les vedettes rapides basées à Tarente et les MAS-431, 432, 433, 437, 564 et 566, disponibles à Céphalonie (donc officiellement ralliées depuis la veille), ils assureront les reconnaissances et liaisons nécessaires. 7 janvier La campagne d’Italie Une rancune à apaiser Rome – C’est dans les locaux de l’ambassade de France (débarrassés à la hâte de toute trace des envoyés de Laval qui l’occupaient une quinzaine de jours plus tôt…) qu’une délégation italienne est venue plaider la cause du Regio Esercito. Les Italiens ont en effet bien compris que les Français étaient les plus réticents des Alliés à leur fournir l’occasion de racheter par la cobelligérance leur engagement au côté de l’Allemagne nazie de juin 1940 à décembre 1942. C’est donc la sœur latine qu’il faut convaincre ! Aussi les délégués commencent-ils par rappeler que la 132e Division Blindée Ariete et la 2e Division Rapide Emanuele Filiberto Testa di Ferro ont déjà payé le prix du sang, qu’elles sont d’ailleurs très éprouvées et qu’elles ont dû être retirées du front pour être reconstituées au dépens de la 10e DI semi-motorisée Piave. Puis, ils soulignent qu’elles ont été remplacées sur le front par la 102e Division Motorisée Trento et le Raggrupamento Zingales 5. Mais ces unités devront elles aussi être réorganisées après avoir démontré leur fiabilité et leur combativité. 5 34e Rgt Blindé Centauro II (ex-Littorio II), 9e Rgt de Bersaglieri, 16e Groupe d’Artillerie, 10e Bn du Génie, 31e Bn du Génie d’Assaut. Les difficultés apparaissent quand il est question de faire monter au front, lors du repli de la Trento et du Groupement Zingales, la 20e DI Friuli et la 44e DI Cremona (VIIe Corps, général Giovanni Magli). En effet, si ces unités sont bien entraînées et fidèles au Roi, elles sont à l’heure qu’il est en Corse. Les moyens navals italiens manquent : beaucoup sont restés à Gênes ou dans d’autres ports capturés par les Allemands, d’autres s’efforcent de rapatrier à travers l’Adriatique les troupes se trouvant en Yougoslavie, en Albanie ou en Grèce, d’autres enfin doivent être consacrés, à la demande des Américains, au transfert sur le continent des troupes de Sardaigne. En bref, la flotte française pourrait-elle donner un coup de main pour rapatrier le VIIe Corps ? « Et puis quoi encore, s’écrie un officier français, vous voulez peut-être qu’on vous rembourse vos notes d’hôtel sur la Côte d’Azur et vos pertes au Casino de Monte-Carlo ! » Après quelques échanges de paroles acrimonieuses, les officiers américains présents comme modérateurs parviennent à tempérer les débats. La Friuli et la Cremona seront en partie transportées par des navires français. En échange, une des deux divisions du XIIIe Corps du général Antonio Basso (basé en Sardaigne), soit la 47e DI Bari, soit la 1ère DI de Montagne Superga, sera mise à la disposition du commandement français pour « une opération spéciale » (il s’agit de la prise de contrôle de l’île d’Elbe). Si les Allemands se montrent par trop virulents à cette occasion, ce sont les hommes de cette division qui en subiront les conséquences ! En attendant, une seule des deux divisions du XIIIe Corps sera donc transférée sur le continent, ce qui allège la charge qui pèse sur les transports navals italiens. Les Italiens regrettent que le XIIIe Corps soit ainsi désorganisé et proposent l’utilisation pour cette « opération spéciale » de la division parachutiste Folgore, qui n’a ni avions, ni parachutes, ni entraînement au saut, mais reste une troupe d’élite. Cependant, les Français refusent, craignant que cette formation ne soit politiquement trop marquée par le fascisme. Les Italiens s’enhardissent alors jusqu’à exposer un plan de création prochaine de nouveaux corps d’armée, mais cette fois ce sont les Américains qui interviennent pour calmer leur ardeur. La 53e DI de Montagne Arezzo et la 4e DI Alpine Cuneense ne pourront être d’emblée considérées comme opérationnelles, même lorsqu’elles auront été ramenées du Péloponnèse. Elles ont notamment perdu leurs armes lourdes. « Il y a pire, s’exclament les Français. Ces unités ont combattu les Alliés durant près de deux ans [avec compétence, mais les Français ne le mentionnent pas] et leur fidélité au gouvernement Badoglio ne paraît pas assurée ! » « Nous y avons pensé, rétorquent les Italiens. Les éléments de la 18e DI Messina qui ont échappé à la capture (à l’inverse, hélas, du gros de leur unité) vont être transférés dans ces deux divisions. Après leur retour en Italie, nous enverrons les hommes d’unités massacrées par les Allemands que nous aurons pu récupérer pour raconter l’histoire de cette trahison. Nous ne doutons pas de l’effet salutaire de ces actions d’information. » Tout en faisant la moue, les Français acceptent de voir ce que cela donne… Pour l’instant, la division Folgore est laissée de côté (les Italiens traduisent « est mise en réserve d’armée »). Enfin, le général désigné d’armée Carlo Vecchiarelli (Commandement de défense territoriale de Rome) a l’autorisation de poursuivre le recrutement d’engagés volontaires pour former à terme, autour des troupes de son commandement, une ou deux divisions dites “Giustizia e Libertà”. La campagne de Grèce Opération Tent Samothrace – Depuis la veille, la neige a fait place à un redoux temporaire sur le nord de l’Egée – mais du coup, les Britanniques doivent abandonner leurs positions avancées, que la fonte de la neige transforme en bourbier. De plus, après les jambes cassées du premier jour, les médecins doivent faire face à une épidémie de pied de tranchée. Dans l’après-midi, un petit convoi britannique vient relever la 2e Parachute Brigade et les SAS et SBS. A leur place se déploient des éléments de la 6e Division d’Infanterie australienne. A son départ, le convoi évacue aussi les Italiens ralliés : pendant la tempête, ils ont eu plus de blessés dans des bagarres avec les Grecs et les Britanniques que face aux Allemands. Il n’est pas permis à tout le monde de… dépasser Corinthe Péloponnèse – Les Alliés ont à présent reconquis tout le Péloponnèse, mais ils manquent à la fois d’hommes et de moyens pour tenter de passer en Grèce centrale. De leur côté, les Allemands se retranchent à toute vitesse sur les rives nord des golfes de Patras, de Corinthe et Saronique. Les personnels des deux divisions blindées du Panzer Korps Leonidas ayant été repliés pour réarmement et réorganisation, les unités concernées sont essentiellement celles du Skandenberg Korps (les 1., 3. et 4. Gebirgs-Divisions). Elles sont éperonnées par un Dietl très actif, qui veut montrer qu’il pourrait remplacer Rommel, si ce dernier était appelé ailleurs… Quelques reconnaissances ayant montré la vanité d’une tentative de traversée, les Alliés préfèrent assurer leur contrôle des îles Ioniennes et de la plupart des îles de la Mer Egée. Et puis, les rives de l’Adriatique semblent pouvoir réserver de bonnes surprises ! Les Quarante Jours de Trikala Trikala – L’ouest de la Thessalie semble provisoirement oublié par les Allemands, qui ont d’autres soucis plus urgents. A Trikala, Henri Van Effenterre, conseiller français de l’AAA (“Combat-Renouveau-Indépendance”), principal mouvement de résistance de la région, peut confier d’épais rapports et de nombreux documents destinés au professeur Picard au Lysander qui va discrètement rallier Kalamata 6. « Notre accord de co-belligérance avec le général Soldarelli et la 6e Division d’Infanterie Cuneo tient toujours, malgré d’inévitables frictions. Le 8e Régiment d’Infanterie Cuneo a un bon moral. Le 7e Régiment d’Infanterie Cuneo est en voie de reconstitution. Fin décembre, il nous est arrivé de Karditsa, où il tenait garnison, dans un état désastreux et avec un moral très bas. Les maquisards grecs de l’ELAS, qui tiennent cette partie de la Thessalie, l’avaient désarmé et dépouillé de son matériel de façon expéditive et beaucoup de ses hommes avaient dû marcher jusqu’à Trikala en chaussures de gymnastique, les Elassis les ayant dépouillés de leurs chaussures de marche. Seuls les Italiens acceptant de joindre les rangs de l’ELAS ont échappé à cette humiliation, de sorte que le régiment nous est arrivé dépouillé de ses éléments les plus combatifs. Aujourd’hui, nos avant-postes nous ont annoncé que le général Licurgo Zannini s’était décidé à nous rejoindre avec ce qui restait de la division Brennero, c’est-à-dire le 232e RI Avellino et une partie de son artillerie. A vrai dire, ses unités ont déjà perdu une bonne moitié de déserteurs, qui sont partis pour Volos. La première rencontre entre nos chefs militaires a été plutôt orageuse. Zannini est convaincu qu’il pourra rallier ses régiments perdus et jouer un rôle de premier plan dès que les Alliés auront débarqué à Volos. Du fait de son ancienneté et de son grade supérieur 7, il prétend donner des ordres à Soldarelli, lequel refuse d’y obéir en mettant en avant sa qualité de « commandant des forces cobelligérantes dans cette partie de la Thessalie ». Le colonel Sarafis, en tant que chef de l’AAA, a tranché la dispute en rappelant qu’ils étaient sur le sol 6 L’éminent archéologue Charles Picard, chef de la cellule Grèce du 2e Bureau, a lui-même recruté Henri Van Effenterre, également archéologue. Le général Giraud, peu porté sur les intellectuels, ne semble pas avoir porté beaucoup d’attention aux rapports de Picard ; les relations avec le successeur de Giraud, Dentz, ne seront guère meilleures. 7 Zannini est tenente generale (général de corps d’armée), alors que son cadet Soldarelli est maggior generale (dans l’usage italien, général de division). grec et que son accord de commandement avait été conclu avec le seul Soldarelli ; il ne se sentait point obligé de le partager avec un autre général italien. Sans vouloir me mêler d’affaires très au-dessus de mon grade et de ma compétence, le Regio Esercito nous rendrait un signalé service en rappelant en Italie le plus gradé des deux généraux. Du reste, c’est bien Sarafis qui s’est imposé comme le patron du secteur, bien qu’il soit d’un grade inférieur aux deux autres. Ses “Trialphates” (triple A) ont obtenu le partage des entrepôts italiens qui, dans ce pays pauvre, font figure de caverne d’Ali Baba. La discipline est assez relâchée et les uniformes très hétéroclites, les hommes portant des effets grecs, italiens ou civils selon l’humeur et l’occasion. Les Trialphates se reconnaissent à leur brassard bleu marqué d’un A rouge 8 et les soldats de la Cuneo à leur brassard violet 9, tandis que ceux de la Brennero n’ont pas choisi leurs couleurs. Les communistes de l’ELAS, qui viennent en visiteurs, arborent bien entendu des brassards rouges. Les échanges avec Karditsa sont devenus plus réguliers, mais la situation est singulièrement complexe. La partie de la division Brennero qui n’a pas voulu suivre le général Zannini tient toujours un quartier au sud de la ville, dans le secteur de la gare. D’après nos informations, ces hommes détestent à peu près également les Rouges de l’ELAS et le général Zannini : ils sont prêts à se donner aux Allemands ou au diable pour ne pas tomber aux mains des uns ou de l’autre. Les combattants l’ELAS entrent le moins possible dans Karditsa pour ne pas donner de prétexte aux représailles allemandes, mais leur appareil politique y règne sans partage. En effet, cette ville ouvrière, centre de l’industrie du tabac, était déjà avant la guerre un bastion du Parti communiste. Le secrétaire général du Parti, Georgios Siantos, est natif de Karditsa et le caractère communiste du secteur est beaucoup plus marqué que dans les autres régions tenues par des maquis “elassis” que nous avons pu découvrir. Les femmes y participent aux réunions et une grande inscription sur la mairie, surmontée de la faucille et du marteau, proclame que « la femme doit être l’égale de l’homme ». Par ailleurs, les stocks de tabac de Karditsa constituent une précieuse monnaie d’échange en cette époque de pénurie. L’autre jour, les “andartes” (maquisards) ont arrêté un sergent italien qui se rendait à Karditsa avec une valise pleine de journaux fascistes. Après enquête, il ne s’agissait pas de propagande mais simplement de commerce : l’ELAS est à court de papier à cigarette 10. Notre priorité est l’établissement de lignes de défense contre la probable offensive allemande. A Trikala, le colonel Sarafis a renoncé à fortifier la ville elle-même et à y déployer des unités en armes, là aussi pour éviter des représailles sur la population civile. La route de Kalambaka, au nord-ouest, conduit vers la Macédoine et l’Epire ; elle est montagneuse et relativement facile à défendre : les Trialphates ont déjà repoussé une tentative d’incursion allemande le 27 décembre. La route de Larissa, à l’est, paraît beaucoup plus vulnérable. Elle traverse une région relativement plate (dans la mesure où une région de Grèce peut être plate) et permettrait le passage des blindés, comme cela a été constaté en 1941. Cependant, il nous semble peu probable que les Allemands utilisent leurs précieux panzers contre un objectif périphérique comme Trikala. Nous avons échelonné plusieurs lignes de défense le long de la rivière Neochôritis, affluent de rive gauche du Pinios (voir carte en annexe). Les unités italiennes les plus sûres, notamment le 27e Régiment d’artillerie Legnano, et quelques unités grecques y sont affectées par roulement. La rive droite du Pinios devrait être défendue en commun par nos forces et celles de l’ELAS ; la direction elassi y est favorable dans le principe, mais réclame en échange des livraisons de matériel, ce qui me paraît raisonnable. 8 Ces couleurs seront reprises en 1963 par l’équipe de football de Trikala. Couleur des pattes de collet de la division. 10 Sur l’administration locale à Trikala et Karditsa pendant cette période, voir Bruno de Wever (dir.), Local Government in Occupied Europe (1939-1944), Academia Press, 2006, p. 216-217. 9 En cas d’attaque allemande limitée, nous serions en mesure de tenir pendant au moins une semaine et sans doute plusieurs. Un ravitaillement par avion, surtout en munitions et en matériel médical, serait hautement souhaitable. En cas d’attaque massive, le colonel Sarafis prévoit une dispersion dans les montagnes ; des réserves de vivres et de matériel sont en cours de constitution. Selon nos renseignements, les Allemands sont en train de constituer des réserves à Larissa et de remettre en état la base aérienne endommagée par les bombardements de décembre. Nous ignorons si leur objectif à court terme est Trikala, Karditsa ou Volos. » (Rapport du commandant Henri Van Effenterre au 2e Bureau français, service Grèce, 7 janvier 1943) Volos (Thessalie) – Principal port de la région malgré les destructions causées par les combats du printemps 1941, Volos fait figure de porte de sortie pour les Italiens, tous désireux d’évacuer au plus vite le pays… mais beaucoup le voient aussi comme une possible porte d’entrée pour les Alliés : l’Armée d’Orient ? La 8e Armée ? Les paris sont ouverts entre ceux qui écoutent (en se cachant de moins en moins) les émissions en italien de la BBC ou de Radio-Alger. Le colonel Cesare Corvino, qui commande la garnison par intérim n’exerce qu’une autorité de façade. Les soldats italiens entassés dans la ville n’ont pas grand-chose à faire, à part trafiquer au marché noir, fumer leurs dernières cigarettes Milit 11 ou boire un ersatz de café à base d’astragale (une plante courante dans la région), en gémissant : « Le Duce nous a envoyé conquérir l’Ethiopie et nous n’avons même plus un café convenable ! 12 » Les disputes sont fréquentes et les injures volent bas entre Italiens du Nord et du Sud : les premiers traitent les seconds de « culs-terreux, pouilleux, Abyssins » et les seconds répliquent par des « cornards, culs jaunes ». Le retour du beau temps, après plusieurs jours de tempête, fait espérer la venue de navires alliés – les plus optimistes parlent même de bâtiments de la Regia Marina. Dans la matinée, un petit avion survole la ville. Mais c’est un Fieseler Storch allemand. Soldats italiens perdus à Split Split (Spalato), Dalmatie – Depuis dix jours, la tension est à son comble dans la capitale dalmate. Les partisans ont pris le contrôle de la ville et du port dès le 26 décembre, en concluant un accord avec les soldats italiens de la 15e DI Bergamo, qui ont regagné leurs quartiers, imités dès le 30 décembre par ceux de la 12e DI Sassari. Le commandement italien a multiplié les appels à Rome réclamant une évacuation navale, tandis que les rumeurs inquiétantes se succédaient. D’une part, les Partisans envisageraient de rompre leurs engagements, car des officiers italiens et des civils yougoslaves compromis dans des « opérations de maintien de l’ordre et de lutte contre la guérilla » – opérations de répression sauvage, disent les Partisans – se sont réfugiés dans les casernes italiennes. D’autre part, les forces allemandes et croates seraient en train d’organiser une offensive contre Split et la côte dalmate. Dans ce climat, beaucoup redoutent (et d’autres espèrent) qu’un incident mette le feu aux poudres. Aussi les demandes d’évacuation du général Alfonso Cigala Fulgosi, commandant la place de Spalato, deviennent-elles de plus en plus angoissées et insistantes… En pleine nuit, Cigala Fulgosi est réveillé par son ordonnance : enfin des nouvelles de Rome ! Un nageur de combat vient d’arriver pour renouer en toute discrétion le contact avec la garnison italienne : il annonce que, dès le lendemain, une flottille d’évacuation entrera dans le port si le général pense qu’elle peut le faire sans danger. 11 12 Marque courante en Italie à l’époque. La 36e DI Forli avait participé à la conquête de l’Ethiopie en 1935-1936. Une fois les informations les plus urgentes échangées et les mots de code transmis par radio pour signaler que la voie est libre et que les navires sont espérés avec impatience, le nageur de combat peut raconter son parcours. Réfugié à Tarente avec les membres de la Decima Mas restés fidèles au Roi, il piaffait d’impatience depuis dix jours, désireux d’agir pour aider ses compatriotes. Le 6 janvier à midi, l’autorisation d’intervenir est tombée. Sans plus attendre, ses coéquipiers et lui ont mis en œuvre les actions étudiées et préparées les jours précédents. A bord de la vedette MAS-563, lui et un autre nageur ont d’abord gagné Bari, où ils se sont arrêtés pour refaire le plein de carburant – un exploit en soi dans ce port contrôlé par les Britanniques : l’officier de liaison de la Royal Navy, d’abord vu par l’équipage comme un intrus voire un espion, y a gagné le titre de membre d’honneur de la Regia Marina ! Puis, ils ont traversé l’Adriatique jusqu’au large de Split. Les deux nageurs se sont mis à l’eau en pleine mer et ont pénétré à la nage dans le port dont ils ont pu reconnaître l’état et les défenses ; tandis que l’un d’eux repartait vers la MAS-563 communiquer ces informations, l’autre abordait pour tenter de gagner les casernes italiennes… Sauvetage Naples – Un officier français (l’attaché naval de Léon Blum) vient discrètement expliquer à l’amiral De Courten que son gouvernement, jusque-là plutôt réticent à autoriser le réarmement de bâtiments de guerre italiens, se montre disposé à assouplir sa position si la Regia Marina accepte de convoyer les « Juifs de Rab » de la côte dalmate jusqu’à la rive ouest de l’Adriatique. En pratique, les destroyers anciens Antonio Mosto, Audace, Enrico Cosenz, Francesco Stocco, Fratelli Cairoli et Giuseppe Sirtori, ainsi que les DE Ardente, Fortunale, Impavido, Impetuoso et Uragano et les corvettes Antilope et Gazzella seront libres de quitter Bizerte à condition que ce convoyage soit leur première mission. Le vieux destroyer Giuseppe Missori et le DE Ciclone, tous deux endommagés, pourront même, si la mission en question se passe bien, quitter Bizerte pour aller à Naples se faire remettre en état. De Courten accepte sans hésiter un instant ! 8 janvier La campagne d’Italie Redéploiements Front italien – Cela fait maintenant une semaine que le grand chassé-croisé a commencé côté allié et les QG de corps d’armée commencent à y retrouver leurs petits. Suffisamment en tout cas pour permettre d’entamer le retrait d’unités qui ont été engagées au feu dès la Noël et méritent bien un peu de repos. La 82nd Airborne et la 1ère Brigade Parachutiste française commencent à quitter le front pour Rome, avant de rejoindre l’Afrique du Nord. Dans le même temps, le 4e RSM se redéploie en arrière de la 3e DB vers Passo Corese pour recompléter son matériel et ses effectifs. Ces remaniements s’accompagnent d’un changement de l’organisation du commandement franco-américain. Les grandes unités sont réparties en deux corps : le IIe Corps US (majorgénéral Ernest J. Dawley), qui inclut les troupes italiennes, et le IVe Corps français (général de CA Louis Kœltz), qui comprend la Brigade belge Tancrémont. L’ensemble est coiffé par la 5e Armée américaine (lieutenant-général Jacob L. Devers). Le général Jean de Lattre de Tassigny, dont la quatrième étoile est confirmée, est rappelé à Alger – d’autres commandements l’attendent. La campagne de Grèce et des Balkans Un peu d’ordre Péloponnèse – Sans se presser, les Anglais arrivent à Corinthe, d’où les Français se retirent de bonne grâce. En effet, la ville est dans la zone de la 8e Armée britannique (et grecque et australo-néozélandaise…). La 2e Armée française (et polonaise et yougoslave…) s’est vu confier la moitié ouest de la presqu’île. Soldats italiens perdus à Split Split (Spalato), Dalmatie – Très tôt dans la matinée, le général Cigala Fulgosi a repris contact avec Ivo Lola Ribar, le chef des Partisans, pour le prévenir que ses troupes évacuaient enfin. Les discussions ont été longues et difficiles, mais les deux hommes sont arrivés à un accord : les Italiens laisseront dans leurs casernements tout leur armement collectif intact, avant de gagner le port en fin de matinée ; ils bénéficieront en échange d’un sauf-conduit pour eux et « les personnes qui souhaiteront les accompagner ». En tout, près de dix mille hommes (et quelques femmes), mélange désordonné de soldats encore dotés de leur armement individuel, de soldats sans armes et de civils, attendent avec angoisse dans le froid et sous la pluie, tandis que passent les heures. Vers 15h00, enfin, trois gros cargos et le vieux destroyer San Martino entrent dans le port, accostent et commencent à embarquer les Italiens. A 18h00, tout est terminé et les navires quittent le port abrité de Split pour rejoindre le large, où patrouillent les corvettes Cicogna et Procelaria. Bien vite, la houle forcit et la plupart des passagers commencent à souffrir d’un abominable mal de mer, mais ce n’est rien à côté de la crainte d’une attaque aérienne ou navale allemande. Par bonheur, la nuit se passe sans mauvaise rencontre et les navires atteignent Bari le lendemain sans encombre. Tir ami Vlorë (Albanie) – Après l’affaire de Céphalonie et de Corfou, le commandant Détroyat a été chargé d’examiner la situation dans le port de Vlorë, vers lequel de nombreuses troupes italiennes convergent en désordre dans l’espoir d’embarquer vers l’Italie. Il s’agit principalement des hommes de la 49e DI Parma (général de brigade Luigi Podio) et de la 151e DI Aéroportée Perugia (général de brigade Antonio Luridiana). Cette dernière a abandonné son cantonnement de Tepelenë pour rejoindre Vlorë, mais l’épaisseur de la neige a rendu le trajet si difficile qu’une bonne partie du matériel lourd a dû être abandonné en route. La situation dans toute l’Albanie est des plus confuses : Italiens pro- et antifascistes, milices albanaises et gangs d’allégeances diverses. Pour y voir clair, la MAS-564 a donc déposé sur ces rivages incertains Détroyat et un petit groupe d’hommes « débrouillards » (selon sa propre expression), bien armés et bien pourvus en moyens de liaison radio. Dans la soirée, alors qu’il tente de s’interposer dans une altercation entre Italiens et Albanais, Détroyat est tué d’une rafale de mitraillette. Les Italiens n’ont pas de mitraillettes et les Sten employées par les Français sont connues pour partir un peu trop facilement. L’enquête menée après la guerre établira que Détroyat, selon toute vraisemblance, a été tué accidentellement par un de ses propres hommes – triste fin pour un officier qui, avant les campagnes de Grèce, s’était illustré dans les combats de Sardaigne. 9 janvier La campagne d’Italie Un nouveau défi pour Alexander Chieti – A la sortie sud de cette petite ville des Abruzzes, une villa isolée abrite le nouveau quartier-général de la 1ère Armée britannique. Dans une grande pièce du rez-de-chaussée, le général Sir Harold Alexander, nouveau commandant en chef de la 1ère Armée, est plongé dans la lecture de nombreux rapports. Nommé officiellement deux jours plus tôt, arrivé la veille à son poste, il est déjà confronté à plusieurs choix difficiles. Son armée n’est pas encore complètement déployée : si les unités les plus en pointe sont au contact des Allemands, à moins de 30 km au nord, avec des réserves de munitions et de carburant bien entamées par les premiers heurts, de nombreuses unités et les services sont encore éparpillés entre le front et la base arrière de Sicile (sur les routes de Calabre ou via le port de Tarente). Pourtant, certains de ses subordonnés, et en premier lieu le major-général Ritchie, commandant le Xe corps, le pressent de passer à l’attaque sans attendre : les rapports de reconnaissance montrent que les Allemands profitent de chaque jour et même de chaque heure pour fortifier leur ligne de défense, qui deviendra bientôt inexpugnable… mais comment donner un ordre d’attaque aussi risqué dans une situation logistique si fragile, alors qu’il vient d’arriver et ne maîtrise pas complètement la situation ? Bien sûr, Alexander sait qu’il n’aura pas à supporter longtemps les insistants conseils de son subordonné : il a reçu le matin même l’information que Ritchie, appelé à d’autres fonctions en Grande-Bretagne, serait remplacé dans les prochaines semaines par le lieutenant-général Miles Dempsey. Il y gagnera en sérénité, mais il devra alors se passer du commandant de corps d’armée le plus expérimenté de l’armée britannique… Dans le même temps, Alexander doit étudier l’évolution des zones de responsabilité de son armée par rapport à l’armée franco-américaine à sa gauche. Avec l’arrivée progressive du Ve Corps, la 1ère Armée dispose d’un nombre plus important de grandes unités que sa voisine et peut prendre à son compte plus de kilomètres de front… mais Alexander préfèrerait évidemment conserver des divisions en réserve pour permettre la rotation des unités sur le front et disposer, le jour venu, de davantage de troupes sur ses axes d’attaque. Enfin, Alexander sait qu’il devra marcher sur des œufs dans la mise en œuvre de sa stratégie, pris entre, d’une part, les attentes de ses troupes, qui rejoignent les ordres de Londres : saisir toutes les opportunités pouvant se présenter, et, d’autre part, les ordres du commandement interallié en Italie, qui voit ce front comme « non stratégique », c’est-à-dire secondaire, destiné seulement à fixer des divisions ennemies. Bref, ce nouveau commandement ne sera pas une sinécure ! Avec un petit sourire, Alexander s’extrait un instant de ses dossiers et repense à l’enchaînement d’événements qui l’ont conduit dans ce bureau. Trois mois plus tôt, adjoint du général Frère, commandant le groupe d’armées interallié lors de l’opération Torche et vainqueur en Sicile, il pouvait espérer prendre un commandement de premier plan. Les décisions prises à la fin de l’année lors de la conférence gouvernementale interalliée d’Alger réservaient à un général britannique un poste prestigieux, celui de commandant des forces alliées en Grèce et dans les Balkans : Alexander espérait l’obtenir, mais sa fierté l’avait conduit à attendre que ses mérites soient reconnus et qu’on lui propose le poste, au lieu de faire acte de candidature. Très vite, il avait constaté que d’autres n’avaient pas la même pudeur – enfin, un autre : ses amis à Londres l’avaient alerté sur la très active campagne d’autopromotion lancée par Montgomery auprès de l’état-major impérial comme du Cabinet de Guerre. Il fallait s’y attendre : Monty avait obtenu ce qu’il voulait. Alexander aurait pu ressentir de l’amertume ou de la jalousie, mais son sens du devoir et du service – for King and Country – l’avait emporté. Fort heureusement, la proposition de prendre la suite de Montgomery à la tête de la 1ère Armée était arrivée peu de temps plus tard (tous ces événements s’étaient déroulés en moins d’une semaine) et la perspective d’un commandement opérationnel de premier plan l’avait consolé. Après avoir été un adjoint chargé de faciliter la communication et d’arrondir les angles, bref, de faire de la diplomatie et de la politique, le voici enfin commandant en chef – General Officer Commanding – d’une des plus formidables armées britanniques ! Au moins, se dit-il, il fera là un travail de soldat et non de diplomate. Finalement, il laisse volontiers à Monty les joies du commandement d’une coalition. Son chemin vers la gloire passera par l’Italie ! Celui de Wellington était bien passé par l’Espagne. A lui désormais de s’inventer un destin : Field-Marshal Alexander, vicomte de… de Florence, oui, ça sonnerait bien… Mais assez rêvé, il reste beaucoup de travail avant d’y être. La campagne de Grèce et des Balkans Soldats italiens perdus à Kotor (Cattaro) Mer Adriatique, au large du Monténégro – Un petit groupe de transports italiens se prépare à entrer dans le golfe de Kotor. La nuit précédente, les MAS-431 et 432, qui connaissent bien les lieux pour y avoir été basées, sont entrées dans la baie pour y déposer quatre nageurs de combats : un binôme a discrètement abordé avant d’escalader les hauteurs qui surplombent le passage le plus étroit de la baie, l’autre a nagé jusqu’au petit port de Kotor, dans le fond de la baie. La première équipe, après une journée d’observation, a indiqué que la zone semblait vide de tout élément hostile ; la seconde a établi le contact avec les forces italiennes sur place, et confirmé que plusieurs milliers de soldats du XIVe CA, commandé par le général d’armée Pirzio Biroli, s’étaient regroupés là, dans l’attente anxieuse d’une évacuation rapide. Il s’agit d’éléments de la 6e Division Alpine Alpi Graie (général Mario Girotti), de la 155e DI Territoriale Emilia (général Giuseppe Romano) et de l’échelon arrière de la 154e DI Territoriale Murge (général de division Paride Negri). En fin de journée, profitant des dernières heures de visibilité diurne, cargos et chalutiers italiens entrent dans la baie, dans le sillage de la MAS-437 et du vieux destroyer Palestro. Les MAS-431 et 432 servent de serre-file, tandis que les corvettes Artemide et Gabbiano restent en pleine mer, pour couvrir la sortie de la flottille. Les navires italiens doivent parcourir environ 20 nautiques d’une route dangereuse, avec plusieurs passages très étroits, pour parvenir au fond d’une baie fermée : la tension est extrême, mais le trajet jusqu’à Kotor se déroule sans incidents et l’embarquement commence en début de soirée. Il y a trop de soldats pour les capacités de la petite escadre, mais les marins sont prêts à prendre tous les risques pour les sauver et refusent d’abandonner certains de leurs compatriotes dans l’attente d’un hypothétique second voyage de secours. Quand les navires repartent, des soldats s’entassent sur chaque centimètre carré de cabine, de pont et même à fond de cale. Pourtant, le 120e Rgt Emilia a dû être laissé en arrière-garde… Les marins se promettent de revenir le chercher dans trois ou quatre jours. La nuit est encore bien noire quand les navires appareillent : à bord du Palestro, le CF Carlo Fecia di Cossato préfère prendre le risque d’une navigation nocturne dans des eaux resserrées et inconnues plutôt que d’attendre le jour et le risque d’être repéré et attaqué par des avions allemands. Tout se passe bien lorsqu’à la sortie de la baie, le cargo Elsi est secoué par une explosion sous-marine. S’ensuit un quart d’heure de combats confus et violents. Les coupables sont deux vedettes rapides qui ont échappé à la surveillance des corvettes pour poser les mines dont vient d’être victime le cargo. Ces vedettes sont les MS-42 et 43, saisies moins de quinze jours plus tôt à Trieste et aussitôt remises en service par des équipages allemands, aidés de quelques marins fidèles à Mussolini. Tapies le long de la côte, elles profitent de la confusion pour tenter de torpiller les navires italiens, mais les marins allemands maîtrisent mal leurs nouvelles montures et les torpilles se perdent en mer ou sur les rochers. Les deux vedettes s’enfuient, poursuivies par les tirs de toute la flottille. Malheureusement, si l’attaque n’a pas fait d’autres dégâts directs, les tirs de défense des Italiens ont atteint un chalutier, tuant sur le pont une dizaine de soldats. Pendant ce temps, le cargo Elsi a très vite pris de la bande. La voie d’eau est importante et incontrôlable. D’autres bâtiments viennent à ses côtés pour embarquer le maximum d’hommes, mais ils sont déjà pleins et tous les passagers ne peuvent être transférés. Par bonheur, le cargo finit par couler en eau peu profonde, ce qui limite le nombre de noyés : la plupart des naufragés peuvent atteindre le rivage, ils rejoindront le 120e RI ou prendront le maquis. Les autres navires italiens réussissent à regagner Bari et Brindisi sans incident. Rester ou partir ? Vlorë (Albanie) – Le capitaine de corvette Jean des Moutis hérite de la mission de Détroyat. Il penche pour demander l’évacuation rapide des Italiens, mais à cause de la confusion et des rumeurs de trahison nées de la mort de Détroyat, puis du retour du mauvais temps, celle-ci ne pourra être organisée avant l’arrivée de la flottille italienne mobilisée par De Courten. De plus, les états-majors alliés hésitent encore : ne vaudrait-il pas mieux conserver la tête de pont de Vlorë en vue des prochaines opérations dans les Balkans ? 10 janvier La campagne d’Italie Les Canadiens sont là Front italien – La 1ère DI canadienne est maintenant à peu près en place, à gauche de la 6e DI britannique. Son chef, à la demande du général Ritchie, décide de tenter un coup de sonde dans le dispositif allemand. La manœuvre est simple : le 48e Highlander (1ère Brigade) attaquera avec le soutien des chars du 11e Ontario de part et d’autre de San Pellegrino. L’attaque se fera en tenaille par Mirabello et Passo Cordone. Des reconnaissances ont permis d’avoir une carte assez détaillée du dispositif antichar de l’ennemi. Certes, les premiers ordres du nouveau GOC (Alexander) demandent de s’abstenir d’opérations offensives importantes. Mais si Ritchie a compris qu’il ne pouvait pas lancer une attaque générale de son corps d’armée, il veut garder l’initiative en autorisant une attaque locale, dans les limites de ce que lui permet la logistique à ce moment. La campagne des Balkans Massacres en Yougoslavie Sandjak – Dans cette région aux confins de la Serbie et du Monténégro, Pavle Djuri!ic, chef local des Tchetniks, a entrepris d’élargir son domaine. Hier allié circonstanciel des Italiens, il a tenté, avec leur aide, de détruire les Partisans de Tito au passage de la Neretva en novembre. Fin décembre, il a profité de la dislocation des forces italiennes pour prélever son butin en armement et en provisions. A présent, il veut élargir son fief montagnard en éliminant son autre adversaire local : la milice musulmane du Sandjak. Cette unité créée en 1941 par le prédicateur Osman Rastoder, d’abord sous la tutelle de l’État Indépendant de Croatie, puis de l’Italie fasciste, cherche maintenant la protection du Reich allemand. Les Tchetniks, dans une campagne brève et sanglante, vont tuer 400 miliciens musulmans et un millier de femmes et d’enfants. Et ce n’est qu’un début. Opération Mer Rouge Côte dalmate – Alors que le soleil se couche sur l’Adriatique, c’est toute une flotte, ou presque, qui se présente devant le petit port de Senj, mouillage en eau (relativement) profonde où les déportés juifs de Rab ont été rassemblés quelques jours plus tôt. D’abord, ce sont les Rovigno et Spanedda, venus de Céphalonie, qui ont été chargés de baliser un chenal sûr à travers des champs de mines qu’ils connaissent bien. Ils sont suivis par six vieux destroyers et sept escorteurs modernes, tous italiens ! Même s’ils arborent aussi le pavillon de la Croix-Rouge, à la stupéfaction des malheureux qui redoutent une nouvelle persécution. Quand enfin les déportés ont compris que leurs tourmenteurs de la veille viennent à leur secours, tous se précipitent dans le plus grand désordre dans toutes les chaloupes disponibles pour embarquer sur les navires de la flottille. Après plusieurs heures d’activité frénétique que le capitaine Malec s’efforce désespérément d’organiser un peu, les quinze bâtiments et leurs 2 500 passagers mettent le cap sur Bari, où ils parviendront sans incident. Ils seront ensuite libres de participer à d’autres missions, en Adriatique surtout (voir appendice 1). Les marins italiens, émus par l’état des malheureux qu’ils ont sauvés, baptiseront cette mission « opération Mer Rouge ». En dehors de quelques-uns qui émigreront vers Israël, presque tous les « Juifs de Rab » demanderont après la guerre la naturalisation italienne. Ils l’obtiendront, leurs représentants ayant fait valoir que l’Italie ne pouvait espérer de meilleurs citoyens que des hommes et des femmes qui lui seraient à jamais reconnaissants de les avoir sauvés. Il est vrai que le fait que l’opération “Mer Rouge” ait été le résultat d’un marchandage politico-militaire ne devait être connu du public que bien des années plus tard… La campagne de Grèce Victoires d’aujourd’hui et lendemains qui déchantent Sparte – En fin de journée, le général d’armée Antoine Besson, chef d’état-major de l’Armée française, revient au QG de l’Armée d’Orient après une journée passée à rendre visite aux troupes en train de libérer le Péloponnèse. Arrivé le matin même à Kalamata en avion, il s’est tout d’abord rendu à Patras puis sur la route de Corinthe, félicitant les chefs et les troupes, distribuant Croix de Guerre et Légions d’Honneur aux vainqueurs de cette courte campagne (la plupart méritaient ces décorations depuis longtemps – la presqu’île n’a pas vu de grande bataille depuis le changement de camp de l’Italie). Tout au long de son périple, il a été escorté par un Giraud ravi de cette marque d’attention et inconscient d’agacer de plus en plus son supérieur. Besson a reçu il y a quelques jours la confirmation de son passage en seconde section à la fin du mois et de son remplacement par le général Olry. Il s’attendait à cette nouvelle, mais cette dernière corvée grecque n’était pas prévue et il peste in petto contre les Politiques qui la lui ont imposée… Et la partie difficile de son voyage va maintenant commencer, alors que la porte se referme sur la salle où sont réunis les principaux officiers de l’état-major de l’Armée d’Orient. « Messieurs, bravo encore une fois pour cette rapide reconquête du Péloponnèse, commence Besson. Malgré la surprise, malgré des conditions météorologiques et un terrain très difficiles, vous et vos hommes avez su réagir efficacement pour libérer une grande partie du territoire grec, berceau de notre civilisation. Une fois de plus, le drapeau français s’est couvert de gloire et le gouvernement m’a demandé de vous faire part de sa satisfaction. De son lit d’hôpital, le président du Conseil lui-même me l’a exprimée. Il reste certes encore beaucoup à faire pour libérer toute la Grèce, aider la Yougoslavie à connaitre la même joie, et porter la guerre dans les pays des Balkans qui ont choisi le camp de nos ennemis… Mais ces opérations devront attendre le printemps. D’ici là, nous devrons nous y préparer. Bien entendu, cette future offensive se fera en lien étroit avec les autres opérations prévues en Méditerranée. Afin de les coordonner, la conférence gouvernementale interalliée tenue le 31 décembre à Alger a pris plusieurs décisions capitales. D’abord, un commandement suprême interallié pour la Méditerranée a été créé, afin de cordonner tous nos efforts en Grèce, en Italie… et, hum, ailleurs ! En reconnaissance de la qualité de nos forces et de leurs nombreux succès, c’est un général français qui a été appelé à cette haute fonction : Aubert Frère. Sous ses ordres, le commandant des forces terrestres alliées en Italie sera un général américain. Le 15e Groupe d’Armées allié, constitué d’unités françaises et américaines, se prépare en Afrique du Nord, sous commandement français, en vue d’une grande offensive l’été prochain, quelque part au nord de la Méditerranée. Dans ce contexte, le commandement des forces terrestres alliées en Méditerranée Orientale, laissé vacant depuis le départ du général Frère pour préparer l’opération Torche, n’a plus d’intérêt ; il est supprimé et remplacé par le 18e Groupe d’Armées, qui regroupera la 8e Armée britannique et la 2e Armée française, puisque c’est ainsi que sera désormais appelée officiellement l’Armée d’Orient. » Les visages de ses auditeurs se sont crispés. Ils savent ce qu’un changement de dénomination peut recouvrir. Surtout, Giraud commence à rougir ; il n’a jamais caché qu’il espérait succéder à Frère au poste de commandant allié en Méditerranée Orientale. « Ne leur laissons pas le temps de réagir, se dit Besson, autant lâcher toutes les mauvaises nouvelles d’un coup ! » Il toussote et reprend : « Le commandement de ce 18e Groupe d’Armées sera britannique, ce qui s’imposait pour maintenir un équilibre raisonnable des responsabilités entre grands alliés, et pour tenir compte de l’importance des forces mises en ligne dans la région par les différents pays. » – Mais enfin, vous n’allez pas nous mettre sous les ordres de Cunningham ! explose Giraud. – N’ayez crainte Giraud, répond Besson, personne n’a imaginé une telle inconvenance. Le chef du 18e GA sera Montgomery. Dentz sursaute : Giraud sous les ordres d’un général qui n’était que divisionnaire en 1939, quand le premier commandait déjà une armée ! Besson pense-t-il vraiment que c’est moins inconvenant ou veut-il provoquer Giraud ? – Mon général, c’est une infamie ! clame Giraud. On a retiré tous ses moyens à l’Armée d’Orient, division après division ! Pendant des mois, on nous a empêchés d’agir, et maintenant on nous subordonne aux Anglais ! Quelle honte pour nos couleurs, quelle perte de prestige pour la France ! Comment voulez-vous que nous jouions le moindre rôle dans la suite des opérations sur ce théâtre ? – Le gouvernement compte sur la 2e Armée pour prendre toute sa part lors des prochains combats en Grèce et dans les Balkans. Vous recevrez prochainement de nombreux renforts : d’abord, dès cet hiver, la 2e Division d’Infanterie yougoslave et un régiment d’artillerie de réserve générale. Au printemps, les recrues polonaises venues d’URSS, qui sont très motivées, nous permettront de mettre sur pied une nouvelle division de montagne, ce qui donnera ainsi un corps d’armée polonais… – Un corps polonais et un corps yougoslave ! s’étrangle Giraud. En somme, une armée française sans division française ! – Dès le printemps, les grands froids passés, une division africaine vous sera envoyée si les plans d’opération le nécessitent, aussi vite que les moyens de transport disponibles le permettront, poursuit Besson sans se démonter. La 2e Armée française [il insiste sur ce mot] comptera ainsi six divisions : deux polonaises, deux yougoslaves et deux françaises, trois brigades blindées et l’équivalent de deux brigades de montagne. Bref, assez d’unités pour mener à bien le plan le plus ambitieux. Au reste, Messieurs, c’est désormais votre mission : établir et proposer au général Frère puis à l’état-major interallié un plan d’opération pour l’été 1943. – Mais ce sera le plan de Montgomery, un plan anglais, quel rôle pourrons-nous y jouer ? gémit Giraud. – Giraud, mon vieux, ressaisissez-vous ! lance Besson, glacial. Il se radoucit et reprend : « Nous comptons sur vous tous pour travailler en bonne intelligence avec nos alliés, mais aussi pour faire preuve d’imagination en proposant un plan audacieux permettant le succès rapide des forces alliées tout en donnant un rôle important à nos couleurs. Gardez tous en tête que vous combattez ici aujourd’hui mais que vous pourrez combattre ailleurs demain. » « Giraud, poursuit-il en regardant ce dernier dans les yeux, vos talents sont reconnus et appréciés ; vous serez sans doute encore utile demain, peut-être ailleurs, justement… Ne gâchez pas tout… » Besson marque un temps, puis : « Allons, puisqu’il n’y a pas d’autres questions, il est temps d’aller dîner, je pense… » Giraud se lève d’un coup, immense, et sort sans un mot, la mine sombre. « Ils sont sonnés, mais ils ont compris et ils joueront le jeu » pense Besson tandis que les officiers quittent un à un la pièce. – Mon général ? Dentz, qui fermait la marche, se retourne pour s’adresser à Besson : « Si j’ai bien compris, le général Giraud sera prochainement appelé à d’autres fonctions… Sait-on déjà qui le remplacera ? « Nous y voilà, se dit Besson, une offre de service en bonne et due forme… Après tout, il n’y a rien là d’étonnant. » – Rien n’est décidé, Dentz. Il nous faudra quelqu’un d’expérimenté, connaissant bien le terrain et apte à travailler en bonne intelligence avec les Anglais – et surtout avec Montgomery. J’ai proposé des noms, j’attends la validation du ministère. Cavalcades au pays des Centaures Thessalie – A quelques jours de quitter son poste, le général allemand Hans Juppe, à la tête de la 104. Infanterie Division, a repris pratiquement sans coup férir la ville de Larissa. La plus grande partie de la garnison italienne est partie pour Volos, d’où elle espère bien rembarquer pour l’Italie. Seul le 6e Régiment de cavalerie Lancieri di Aosta (colonel Giuseppe Berti) est décidé à continuer la lutte sur le sol grec. Ayant combattu les Allemands à Larissa le 25 décembre, cette unité sait qu’elle n’a pas de quartier à attendre en cas de capture. Le colonel Berti est parti vers Karditsa, où des éléments de la 11e DI Brennero font toujours face aux maquisards communistes de l’ELAS. Berti espère convaincre les hommes de la Brennero, pour partie des Italiens germanophones du Haut-Adige, de rejoindre le camp allié. Les kapetanos Vassilis Samariniotis 13, chef de l’ELAS pour le sud-ouest de la Thessalie, et Aris Velouchiotis, qui commande en Eurytanie, un peu plus au sud, ouvrent des pourparlers avec Berti et acceptent un cessez-le-feu. ……… Ce même jour, l’ELAS diffuse dans toute la Grèce une proclamation ordonnant de traiter les soldats italiens désarmés à égalité avec les combattants grecs, notamment pour ce qui est du ravitaillement. 13 De son vrai nom Andreas Tzimas.