Quelles stratégies de développement pour les musées d`art
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Quelles stratégies de développement pour les musées d`art
2010 LAURENT TOUSTOU QUELLES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT POUR LES MUSÉES D’ART INTERNATIONAUX ? Mémoire de fin d’étude Institut d’Etudes Politiques de TOULOUSE Master 2, spécialité Affaires Internationales et Stratégie d’Entreprise | Directeur de mémoire : Jean-Marc Décaudin QUELLES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT POUR LES MUSÉES D’ART INTERNATIONAUX ? MÉMOIRE DE RECHERCHE PRÉSENTÉ PAR M. LAURENT TOUSTOU SOUS LA DIRECTION DE M. JEAN-MARC DÉCAUDIN INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE TOULOUSE AFFAIRES INTERNATIONALES ET STRATÉGIE D’ENTREPRISE 2010 Je souhaiterais remercier, Jean-Marc Décaudin pour avoir accepté d’être le directeur de ce mémoire; m’avoir aidé à explorer de nouvelles pistes de recherche, et m’avoir accordé une certaine liberté dans le traitement du sujet. Avertissement L’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les rapports de stage. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur(e). ABRÉVIATIONS AAMD : Association of Art Museums’ Directors ICOM : International Council Of Museums Met : Metropolitan Museum of Art of New-York MOCA : Museum Of Contemporary Art of California MOMA : Museum Of Modern Art RMN : Réunion des Musées Nationaux SFMOMA San Francisco Museum Of Modern Art TIC : Technologies de l’Information et de la Communication TABLE DES MATIÈRES Introduction............................................................................................................................................. 1 Qu’est-ce qu’un musée ?..................................................................................................................... 3 Quelle place dans la littérature pour les stratégies de développement des musées ? ...................... 6 Méthodologie de recherche ................................................................................................................ 8 Première partie - Une adaptation nécessaire à l’environnement ........................................................ 10 Chapitre 1 - Un statut bouleversé ..................................................................................................... 10 Section 1 - Nouvel Ancrage ........................................................................................................... 10 Section 2 - De Nouvelles Missions ................................................................................................ 17 Section 3 - Les évolutions du Public .............................................................................................. 25 Chapitre 2 - Une structure redéfinie ................................................................................................. 33 Section 1 - La recherche de financements .................................................................................... 34 Section 2 - Le marketing comme outil........................................................................................... 49 Section 3 - Une gestion professionnalisée .................................................................................... 54 Deuxième partie - Les Stratégies de développement des super-musées ............................................. 59 Chapitre 1 - Le développement par l’expansion ............................................................................... 59 Section 1 - Les stratégies expansionnistes .................................................................................... 59 Section 2 - L’exemple Guggenheim ............................................................................................... 64 Section 3 - L’exemple du Louvre ................................................................................................... 67 Chapitre 2 - Le développement par l’attraction ................................................................................ 72 Section 1 - Les stratégies d’attraction ........................................................................................... 72 Section 2 - L’exemple du centre Georges Pompidou .................................................................... 76 Section 3 - Le Grand Palais, musée sans collection ? .................................................................... 79 Chapitre 3 - Le développement par la socialisation .......................................................................... 82 Section 1 - Les stratégies de socialisations .................................................................................... 82 Section 2 - L’exemple de la Pinacothèque de Paris ....................................................................... 86 Section 3 - L’exemple du MET ....................................................................................................... 89 Troisième partie – Quelles stratégies de développement futur ? ........................................................ 93 Chapitre 1 - Le Super-musée d’art futur : L’hyper-musée média ..................................................... 93 Section 1 - Le développement de l’Hyper-musée ......................................................................... 93 Section 2 - Le musée, un nouveau-média comme un autre ? ..................................................... 101 Chapitre 2 - Un développement risqué ........................................................................................... 108 Section 1 - La vulgarisation du musée, vers un musée vulgaire ? ............................................... 108 Section 2 - Conservation de l’œuvre ou conservation du statut du musée? .............................. 109 Section 3 - Le musée Boursier ..................................................................................................... 110 Conclusion ........................................................................................................................................... 111 ANNEXES.............................................................................................................................................. 114 Annexe 1 : Les trois âges des musées ............................................................................................. 115 Annexe 2 : Musée et entreprise : une comparaison ....................................................................... 116 Annexe 3 : Enquête sur les pratiques culturelles des français ........................................................ 117 Annexe 4 : Choisir la bonne technique d’étude marketing ............................................................. 120 Annexe 5 : Organigramme du Musée du Louvre ............................................................................ 121 BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................... 122 Ouvrages.......................................................................................................................................... 122 Articles ............................................................................................................................................. 123 Table des Matières .............................................................................................................................. 130 INTRODUCTION « Dans les années soixante, au début de ma carrière, le musée occupait une place marginale dans la société, à Paris comme en province. Les artistes le fuyaient, la classe politique le méprisait, les « élites » le considéraient comme démodé, « dépassé », archaïque, pour tout dire une survivance du XIXème siècle « bourgeois » et honni. J’ai eu le bonheur d’assister et de parfois participer à cette radicale mutation. Les musées ont conquis dans toutes les classes de la société une place enviable (et souvent enviée). Ne dormons pas sur nos lauriers »1. En rappelant cette évolution dans l’Avant-propos de l’ouvrage de Jean-Michel Tobelem, Pierre Rosenberg, membre de l’Académie Française, Président-directeur honoraire du musée du Louvre, souligne l’importance qu’a prise le musée au cours des 20 dernières années. Alors que le musée était souvent perçu comme une institution sacrée, immobile et « poussiéreuse » pendant les années 1960-1970, son évolution l’a conduit 30 ans plus tard au rang de lieu de mémoire, d’archive, de culte, nécessaire à tous les pans de la société. Ainsi, alors que les premiers musées ne concernaient que l’art, nous assistons aujourd’hui à une multiplication des domaines pour lesquels sont créés des musées. Chaque entreprise historique et représentative d’une région en veut un en son honneur, le premier musée du jeu vidéo a ouvert ses portes le 14 avril 2010 à Paris2, et, comme le souligne Jean-Michel Tobelem, « il semble établi aujourd’hui qu’aucun aspect du monde contemporain n’échappe aux musées [comme] un musée national de l’Histoire des funérailles à Houston, un musée de l’Asperge en Allemagne et même un musée international des toilettes à New Delhi »3. Cette multiplication des musées et de leurs thèmes n’est pas le seul signe de cette réussite. Certaines institutions muséales sont aujourd’hui devenues des institutions reconnues et incontestées tout autour du monde. Ainsi, Centre Pompidou, Louvre, Guggenheim, MOMA, Met, ou encore Tate ; sont des noms, des marques qui sont aujourd’hui reconnues par la plupart des habitants du monde occidental, bien au-delà du musée qu’elles représentent ou des œuvres que ceux-ci abritent. Cependant, la citation de Pierre Rosenberg s’achève sur une note moins positive et qui, bien qu’elle ne soit en rien alarmante, rappelle que les métamorphoses qu’ont subies les 1 TOBELEM, 2010. p.7. www.museedujeuvideo.com 3 TOBELEM, 2010, p.13. 2 musées ne sont pas terminées et que ces institutions n’ont pas fini de s’adapter à ces évolutions. L’année 2009 a d’ailleurs été le théâtre, en France, une grève des musées nationaux qui illustre parfaitement les étapes qu’il reste à franchir pour que la réussite des musées soit considérée comme totale. Cette grève a été un bras de fer auparavant imprévu entre le gouvernement français, représenté par Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la communication, et les employés des musées et monuments nationaux français tels le Centre Pompidou, le musée d’Orsay, le musée du Louvre, ou encore le château de Versailles. L’élément déclencheur de ce mouvement a été l’annonce par le gouvernement d’une réduction d’effectifs à venir suite à une révision générale des politiques publiques. Bien qu’assez peu suivie, cette grève a entrainé la fermeture de certains établissements et a, dans le même temps, alerté l’opinion publique sur les évolutions qui touchent les musées aujourd’hui. En effet, alors que les pouvoirs publics avaient pris une place importante dans le financement et la gestion des grands musées, la réussite de ces derniers pousse les institutions politiques à réduire leur participation dans le fonctionnement des musées et se dessaisir de ces problématiques. C’est d’ailleurs ce que sous-entend Frédéric Mitterrand lorsqu’il justifie sa réforme de la manière suivante : « Le Centre Pompidou, qui est le navire amiral des musées français, avec le Louvre, est un établissement magnifique d'architecture contemporaine, un bâtiment qui a été construit pour accueillir cinq cent mille personnes par an. Il y en a trois millions. Il y a un nombre d'agents tel qu'on peut réorganiser, trouver des économies d'échelle qui font que cette réforme des départs à la retraite soit applicable normalement »4. Cette vision du musée comme un établissement au sein duquel il est possible voire conseillé de poursuivre l’objectif de réaliser des économies d’échelles, semble aller à l’encontre même d’un rôle de service public du musée, qui n’aurait alors qu’à enseigner les dimensions artistiques, historiques, sociales, de ses œuvres au peuple. Ainsi, au cours des dernières années, une opposition a longtemps existé eu égard aux musées entre ceux qui soulignaient la nécessité du musée de s’adapter à l’importance qu’il était en train de prendre en implémentant une réelle stratégie d’entreprise dans ses politiques de gestion et ceux qui rappelaient l’existence d’une institution muséale comme une institution de service public. On peut d’ailleurs, à ce sujet, rappeler le propos Martin Feldstein en 1991 : « Although museums are a small part of our economy, they are a vital part of our national life. Those who are responsible for museums rightly see themselves as the protectors of the treasures that our generation has inherited from the past, as the collectors of the creative 4 LeMonde.fr, 3 décembre 2009 2 activity of the current time, and as the teachers who help the broad public to know and appreciate these works of art »5. Cette opposition a, au départ, conduit les professionnels de musées à rejeter totalement les instruments de l’entreprise ; on peut à ce titre rappeler que le Metropolitan Museum of Art à New York, avait décidé, au début des années 1990, de ne plus utiliser le mot « marketing » dans ses services6. Néanmoins, force est de constater qu’au début des années 2010, la stratégie d’entreprise a pris une place prépondérante dans la gestion des musées. Avec, en exergue, les musées d’arts internationaux tels le musée du Louvre, le centre Georges Pompidou ou plus encore le MOMA et le musée Guggenheim. Alors que ces débats ne sont plus d’actualité, d’autres émergent déjà au sujet d’une mauvaise mise en place de ces politiques qui pourrait mener à la perte des musées. Ainsi, alors que le musée du Louvre se demandait en 2000 « Quel est l’avenir des musées ? »7, cette question demeure, à ce jour encore, sans réponse consensuelle et, bien que nombre de chercheurs s’attachent à analyser et juger les politiques mises en place dans les musées, principalement les musées d’Art internationaux, peu d’entre eux essaient d’anticiper cette évolution. Dès lors, il convient de se demander quels sont et seront les développements stratégiques des musées, et plus particulièrement des musées d’Art internationaux – à l’avantgarde des évolutions. Pour être en mesure de répondre à cette question, il convient de nous accorder tout d’abord sur la définition de notre sujet d’étude : les musées d’art internationaux. QU’EST-CE QU’UN MUSÉE ? Avant d’aller plus avant, il convient de s’attarder sur la définition d’un musée. Selon le Larousse interactif, un musée est un « Lieu, édifice où sont réunies, en vue de leur conservation et de leur présentation au public, des collections d'œuvres d'art, de biens culturels, scientifiques ou techniques. »8. Cette définition souligne le fait que, pour le public, le musée n’a pas de but précis ; c’est avant tout un lieu. La relation du public à ce lieu se précise lorsque Bernard Deloche considère qu’il apporte au geste artistique « une dimension supplémentaire en conférant un statut institutionnel à cette fonction d’exhibition »9. La définition donnée par l’ICOM (Conseil International des Musées) approfondit cette réflexion 5 FELDSTEIN, 1991. p.10. Ibid., p.57. 7 GALARD, 2001 8 LAROUSSE.fr 9 DELOCHE, 2001. p.83. 6 3 philosophique en attribuant un rôle de service public aux musées. Selon cette définition, « Le musée est une institution permanente sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d'études, d'éducation et de délectation. »10. Le musée a donc des missions d’étude, d’exposition et de transmission d’un patrimoine pour le développement de la société. C’est d’ailleurs par cette mission que le musée a gagné, au cours du XXème siècle, un soutien important de la part des pouvoirs publics. Bien qu’ayant précisé les missions de l’institution muséale, ces définitions ne donnent que peu d’informations quant à sa structure et son mode de fonctionnement. Les apports de Jean-Michel Tobelem à ce sujet permettent de mieux comprendre le musée d’aujourd’hui. Tobelem appréhende le musée comme une institution dirigée par des hommes. C’est d’ailleurs au travers de ce prisme que le chercheur tend à définir l’institution muséale comme une institution « dont les évolutions sont la marque d’une intégration croissante du monde des musées dans les mécanismes de marché »11. Cette évolution des musées a été selon lui effectuée en 3 « âges ». Le « temps des propriétaires », avant 1950, qui représente l’époque de création des musées par des particuliers passionnés, le « temps des managers », jusqu’en 1990-2000, qui correspond à une professionnalisation des personnels de musée spécialistes, le « temps des actionnaires », à la période actuelle, où les musées sont « pleinement intégrés dans le corps social »12 et pour lequel un ensemble de parties prenantes (publics, investisseurs, institutions politiques, etc.) « expriment des attentes, des besoins, voire des exigences »13. A chacun de ces âges, Tobelem associe des caractéristiques bien précises au musée qu’il résume dans le tableau « Les trois âges des musées »14. Fort de ce constat, Tobelem explique que cette intégration dans le monde des marchés a conduit l’institution muséale à se complexifier et à requérir une réelle gestion entrepreneuriale de son développement. C’est d’ailleurs pour souligner cette métamorphose qu’un grand nombre d’universitaires et de professionnels ont, depuis les années 1980, considéré le musée comme une « entreprise culturelle ». Cette dénomination semble cependant galvaudée dès sa première analyse puisque, alors qu’une entreprise a pour objectif premier de dégager des 10 ICOM, 24 août 2007 TOBELEM, 2010. p.15. 12 Ibid. p.16 13 Ibid. p.16 14 Cf. Annexe 1 11 4 bénéfices, le musée est, à quelques exceptions près, comme le rappelle la définition de l’ICOM, « une institution permanente sans but lucratif »15. De plus, alors qu’une entreprise redistribue une grande partie de ses profits à ses actionnaires, dans le cas où un musée parviendrait à réaliser quelques bénéfices, ils seraient « réinvestis dans les activités du musée ou reversés à la collectivité de tutelle »16. Enfin, Tobelem souligne une opposition marquante entre l’entreprise, dont les produits résultent d’une réponse à la demande, et l’institution muséale, dont les programmes « résultent avant tout d’une politique de l’offre »17 (volonté culturelle, pédagogique, sociale, intellectuelle, etc.). Ces différences marquantes entre l’entreprise et le musée sont d’ailleurs répertoriées par le chercheur dans un tableau intitulé « Musée et entreprise : une comparaison »18. Face aux difficultés pour trouver dans la littérature une définition permettant d’appréhender l’organisation des musées, Tobelem en crée une : « l’organisation culturelle de marché ». Cette dénomination permet de rappeler que le musée demeure une organisation culturelle aux spécificités claires (mission pédagogique, but non lucratif, etc.) mais qu’elle s’adapte de plus en plus aux marchés avec lesquels elle est en contact : marché de la culture et de l’industrie de loisir suite à la multiplication de l’offre muséale, la commercialisation d’expositions, et la mise en concurrence du musée avec les autres activités de loisir ; marchés de consommation par l’installation de services de vente au sein du musée ; marché du travail pour recruter des professionnels compétents ; ou encore marché des financements suite à l’augmentation des budgets de fonctionnement des musées et à la baisse de la participation publique dans ces budgets. Tobelem résume parfaitement cette adaptation au marché en rappelant qu’elle consiste pour le musée en « la prise en compte des publics, une approche stratégique visant à agir de façon plus « proactive » que réactive, et au mode d’organisation visant efficacité managériale et réactivité à l’environnement du musée »19. Maintenant que nous avons une image précise de l’institution muséale, il convient de recentrer cette définition en précisant que nous ne nous intéressons qu’aux musées d’art internationaux. Ainsi, cela signifie que nous considèrerons les musées qui exposent des œuvres d’arts, comme des tableaux ou des photographies. De plus, nous focaliserons notre attention sur les plus importants d’entre eux, c'est-à-dire ceux qui reçoivent plus de 500 000 15 ICOM, 24 août 2007 TOBELEM, 2010. p.20. 17 Ibid. p.20. 18 Cf. Annexe 2 19 TOBELEM, 2010. p. 23. 16 5 visiteurs par an. C’est musées sont aussi appelés Super-musées du fait de la différence entre leurs structures complexes et celles des musées les plus restreints, fonctionnant principalement sous forme d’association de passionnés. Ces structures à taille parfois inhumaine sont celles qui ont les premières eu recours à des stratégies de développement et, à ce titre, nous permettent dès aujourd’hui de tirer les conclusions de leur implémentation. QUELLE PLACE DANS LA LITTÉRATURE POUR LES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT DES MUSÉES ? Les premiers ouvrages concernant l’économie de la culture datent de la fin des années 1960. On peut notamment citer l’ouvrage Performing Arts – The Economic Dilemma20 comme un ouvrage clef. Cependant, les ouvrages ne s’intéressent pas encore au statut des musées mais seulement à celui de l’art en général. La prise en compte du développement de la gestion des musées comme une problématique complexe, est un phénomène récent. Dès lors, il n’existe que très peu d’ouvrages concernant cette thématique avant les années 1990. De plus, les musées américains ayant de tous temps eu une logique plus entrepreneuriale que leurs homologues européens, les premiers ouvrages de référence sont des ouvrages américains. Ainsi, Martin Feldstein publie The economy of arts Museums21 en 1991. Ce livre est une publication majeure car il retranscrit une conférence qui a eu lieu en 1989 et qui regroupait les principaux conservateurs et responsables de musées des Etats-Unis avec pour mission de caractériser au mieux chaque pan de la stratégie d’entreprise des musées américains (collections, finances, publics, communication, rapport au politique, etc.). Il faudra attendre 10 ans pour retrouver le pendant Européen de ce livre. En effet, en 2001 paraît sous la direction de Jean Galard, chef du service culturel du musée, l’ouvrage L’avenir des musées22. Cet ouvrage retranscrit une conférence éponyme qui a regroupé en 2000, sous l’égide du musée du Louvre, les représentants des plus grands musées européens. Malgré l’existence préalable d’une littérature sur l’institution muséale, ces deux ouvrages ont été, chacun dans son ère d’influence respective, des « déclencheurs » de la réflexion universitaire concernant la gestion des musées. En effet, ces colloques ont eu un impact inattendu sur les divers publics des musées et on contribué à l’implication de ceux-ci dans le débat, entraînant les universitaires avec eux. Il convient d’ailleurs de noter que cette décennie d’écart entre Etats-Unis et Europe ne reflète pas un retard des professionnels et universitaires européens sur 20 BAUMOL et BOWEN, 1966 FELDSTEIN, 1991 22 GALARD, 2001 21 6 leurs homologues américains, mais est la conséquence d’une évolution différente entre les musées américains, historiquement encouragés à la privatisation, et les musées européens, historiquement soutenus et gérés par les pouvoirs publics. On peut déterminer trois sources de réflexions dans la littérature concernant la gestion des musées. La première est celle apportée par les universitaires de la muséologie. Souvent historiens de l’art, spécialisés dans l’étude du patrimoine et des musées, ces universitaires, à l’image de Dominique Poulot, auteur notamment de l’ouvrage Musée et muséologie23, ou encore de Richard Sandell, directeur de la School of Museum Studies à l’Université de Leicester, questionnent objectivement le musée en tant qu’institution. Une deuxième source d’information a longtemps émané des professionnels des musées eux même. Cependant, ces auteurs, comme le sont Henri Loyrette, Président Directeur Général du musée du Louvre, ou Richard Armstrong, Directeur de la fondation Solomon R. Guggenheim et de son musée à New York, restent avant tout des conservateurs qui axent plus naturellement leur réflexion et leurs publications sur les collections des musées et sur des ouvrages d’histoire de l’art que sur des problématiques de gestion. Une troisième voie est celle des universitaires ou professionnels spécialisés dans les domaines auxquels doit recourir la stratégie muséale moderne comme le Marketing, le Droit, l’Economie, etc. Ces auteurs « entrepreneurs » – comme Dominique Bourgeon-Renault ou Philip Kotler pour le marketing, Robert R. Janes pour le management, ou encore Claude Ménard pour l’économie – ont tout d’abord essayé d’appliquer les connaissances qu’ils avaient préalablement développées dans d’autres secteurs, directement sur celui des musées. Longtemps, ces trois sources d’informations n’ont pas réussi à s’entendre et ont été considérées comme imperméables les unes aux autres. Cependant, les années 2000 ont vu les stratégies d’entreprises implémentées, éprouvées, adaptées dans les musées. Dès lors, les muséologues, les conservateurs et les entrepreneurs ont vu leurs sujets d’étude se confondre et de nouveaux auteurs, imprégnés à la fois de logiques culturelles et de compétences stratégiques ont fait leur apparition comme JeanMichel Tobelem, auteur reconnu du Nouvel Age des Musées, ou encore Glen D. Lowry, directeur du MOMA24 et auteur d’ouvrages sur la modernisation des musées25. Tout d’abord confidentielles, les recherches concernant la stratégie des musées ont été en grande majorité publiées dans des revues spécialisées comme The International Journal of Museum Management and Curatorship, Museum News, Culture et Musées ou encore Les 23 POULOT, 2005 Museum Of Modern Art, à New York 25 LOWRY, 2004 24 7 nouvelles de l’ICOM. Au fur et à mesure de la popularisation de ces problématiques, les publications d’ouvrages se sont multipliées. Cependant, c’est surtout dans les magazines et journaux que la multiplication d’articles sur le sujet est la plus frappante. En effet, des magazines spécialisés grand public comme Connaissance des Arts ont donné une part grandissante à ces problématiques, entrainant dans leurs sillages des hebdomadaires ou quotidiens de la presse généraliste comme The New York Times ou Le Monde. La littérature concernant la stratégie des musées est une littérature récente, dont la discipline universitaire n’est pas encore installée. En effet, la muséologie, qui étudie le musée et par conséquent, sa stratégie, est une discipline en pleine construction. De ce fait, encore très peu de place lui est consacrée dans les bibliothèques. Ainsi, bien que nous ayons connaissance de l’existence des ouvrages, il est plus compliqué de pouvoir les consulter, notamment les ouvrages anglo-saxons. De plus, alors que ce sujet figure régulièrement dans la presse quotidienne, il convient de rappeler que cette presse ne permet pas toujours d’approfondir un sujet de manière scientifique et, surtout, que la profusion d’articles parus chaque jour dans cette presse présente souvent le risque de noyer certains articles intéressants. MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE Notre recherche se fonde sur une approche déductive. En effet, pour comprendre les stratégies de développement des musées, nous allons tout d’abord devoir analyser, au cours d’une première partie, ce que la littérature nous apprend au sujet des modes de gestion et de fonctionnement des musées de nos jours. Il n’y a que de cette analyse que nous pourrons ensuite déduire des modèles-type de stratégies adoptées par les musées. Ces stratégies pourront alors être scientifiquement expliquées. Cependant, pour bien comprendre leur signification dans le concret, des exemples seront pris, des études de cas seront faites, de manière à ancrer ces stratégies dans la pratique quotidienne du musée. Enfin, lorsque ces stratégies seront définies, nous aurons la possibilité de développer une vision plus prospective sur leur devenir, notamment en les comparant à des stratégies mises en place dans des industries similaires. Il convient de préciser à ce stade que la réalisation d’entretiens avec des responsables de Super-musées français avait été envisagée de manière à obtenir leurs conclusions sur les pratiques mises à jour et les stratégies qu’ils pensent développer. Cependant, la grève de décembre 2009 et le développement de projets comme Beaubourg Metz n’ont pas permis à cette volonté de se réaliser. 8 Notre étude se composera donc de trois parties principales. La première partie nous permettra de comprendre comment les musées se sont adaptés aux évolutions de leur environnement et à leur nouveau statut dans la société. Ainsi, en analysant d’une part les bouleversements de la place du musée dans la société ainsi que les modifications structurelles, financières et organisationnelles des musées, et d’autre part la modification de leur place tant face à leurs publics que dans la société toute entière, nous pourrons cerner les différentes techniques des musées pour assister leur développement. Dans une deuxième partie, nous en déduirons les trois stratégies de développement clefs des institutions muséales. Ces stratégies, répondant à trois objectifs principaux – assurer le développement du musée par la croissance, assurer le développement du musée par l’attraction, assurer le développement du musée par la communion – nous permettront alors de comparer les stratégies de développement des musées à celles d’industries similaires comme celles des loisirs ou des médias. Ainsi, lors de la troisième partie, nous tenterons d’anticiper les développements du marché des musées afin d’en prévoir les évolutions et d’en prévenir les risques. 9 PREMIÈRE PARTIE - UNE ADAPTATION NÉCESSAIRE À L’ENVIRONNEMENT L’environnement des musées s’est beaucoup modifié pendant les 20 dernières années. En effet, la mondialisation et l’arrivée des nouvelles technologies ont bouleversé le rapport des organisations avec leur public comme avec leur patrimoine. De plus, la difficulté de l’Etat à assumer seul les missions de service public sans cesse plus nombreuses alors que dans le même temps son budget était toujours plus contrôlé a entrainé une modification du fonctionnement des organismes à vocation de service public. Ceux-ci passant d’un statut d’organisme public à financement public à des statuts mixtes, aux financements multiples. Les musées se sont bien malgré eux retrouvés au cœur de ces évolutions et ont par conséquent été contraints de s’y adapter. Cette adaptation s’est faite petit à petit. Les évolutions des musées se sont faites à chaque fois pour répondre à un problème précis qui s’est posé à eux dans l’exercice de leur activité. C’est la somme de ces évolutions qui a conduit, de nos jours, à la définition de politiques stratégiques à long terme. Appréhender les stratégies de développement des musées internationaux nécessite donc de comprendre les problématiques qu’ont dû résoudre les musées face à leur environnement puis, les solutions pratiques qu’ils ont implémentées, tant au niveau de leur fonctionnement interne que de leur activité externe. CHAPITRE 1 - UN STATUT BOULEVERSÉ Comme nous venons de le souligner, l’environnement des musées a été fortement bouleversé au cours des trente dernières années. Ces modifications ont entraîné les évolutions des modes de gestion des musées de nos jours. Ainsi, afin de bien comprendre les raisons qui ont poussé à ces évolutions, il convient d’étudier la manière dont leur environnement a touché les musées. Trois axes seront privilégiés dans cette étude : l’axe d’un nouvel ancrage des musées, celui de nouvelles missions attribuées aux musées et enfin celui d’un nouveau public pour les musées. Section 1 - Nouvel Ancrage Le nouvel ancrage des musées permet d’analyser la manière dont les musées se perçoivent aujourd’hui. Ainsi, si un musée est ancré sur un territoire localisé et qu’il se sent en concurrence sur cet ancrage géographique avec un autre musée, il orientera ses actions dans le sens de cette concurrence. Ainsi, pour mieux cerner la manière dont les musées perçoivent leur ancrage il conviendra d’analyser les évolutions dans leur ancrage 10 géographique, c'est-à-dire « à quel territoire pensent-ils appartenir ? », les évolutions dans leur ancrage hiérarchique, c'est-à-dire « à qui se sentent-ils obligés d’obéir ? », et enfin celles dans leur ancrage de marché, c’est à dire « avec quelles institutions pensent-ils être en concurrence ? ». I - Un nouvel ancrage géographique Avant d’étudier les évolutions dans les ancrages géographiques des musées, il est essentiel de rappeler leur ancrage initial. Bien que les grands musées aient toujours eu une vocation internationale, cette vocation était majoritairement portée par l’activité de recherche de ces musées. Ainsi, les musées internationaux échangeaient leurs résultats, et travaillaient parfois de concert à l’élaboration d’ouvrages ou d’expositions. Cependant, chaque musée conservait dans ces collaborations une appartenance géographique forte et leurs témoignages étaient reçus comme le témoignage d’un musée Français ou d’un musée Américain. En effet, leur ancrage géographique était national. Peu de musées avaient une réelle portée internationale et leur public était majoritairement issu de leur pays d’implantation. Deux évolutions ont totalement remis en question cet ancrage géographique. Ce sont la mondialisation et l’avènement des technologies de l’information et de la communication (TIC). A- Les effets de la mondialisation : un ancrage international La mondialisation qui ne cesse de s’accroitre a présenté et présente toujours deux caractéristiques essentielles. Tout d’abord le développement des moyens de transport et d’information et, par conséquent, la facilité des populations à ce déplacer tout autour de la planète et à s’informer sur les évènements ayant cours sur chaque point du globe. Mais la mondialisation représente aussi l’accession de nouveaux pays aux richesses mondiales, parmi lesquels les pays émergents – et notamment les BRIC(SM) (Brésil, Russie, Inde, Chine, Singapour, Mexique)- mais aussi les pays du Moyen-Orient enrichis grâce au commerce du pétrole. Ce phénomène a tout d’abord été un atout pour les musées ; sa première conséquence ayant été l’ouverture des musées au monde entier. Ainsi, la population mondiale, profitant de nouvelles opportunités de voyager, s’est ruée dans les musées les plus importants qui devenaient une partie essentielle de ses visites dans les grandes villes touristiques (New-York, Paris, Londres, Rome, etc.). Pour exemple, les musées d’Avignon, pourtant secondaires, ont vu leur fréquentation augmenter de 60% entre 1992 et 2007, parallèlement a une 11 augmentation du tourisme au sein de la ville de 35% sur la même période 26. En parallèle, les nouveaux pays émergents sont devenus demandeurs d’expositions internationales. Dès lors, les Super-musées occidentaux ont développé des expositions itinérantes qui ont rencontré un fort succès. Le British Museum a ainsi implanté en 2006 une exposition, consacrée aux arts de la Chine tels qu'ils étaient perçus lors de la révolution industrielle britannique, au musée de la Cité interdite à Pékin27. Enfin, la mondialisation a aussi offert un appel d’air sans précédent au marché de l’art avec l’apparition de nouveaux artistes issus de pays émergents. Le musée du Quai Branly à Paris étant un symbole fort de cette ouverture du marché aux arts du monde entier. En effet, ce musée présente des collections d'objets des civilisations d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques comprenant notamment des œuvres d’artistes aborigènes28. Le développement de la mondialisation a cependant apporté son lot de menaces aux musées. Ainsi, certains musées comme le Musée National des Beaux Arts de Rio de Janeiro deviennent des concurrents sérieux pour les Super-musées internationaux. Pourtant, la principale menace apportée par la mondialisation est le développement des politiques culturelles dans les pays émergents qui, fort de leur rôle leader dans la croissance économique mondiale, revendiquent la restitution des œuvres que les puissances coloniales ont ramenées de leurs anciennes colonies et qui sont désormais exposées dans les musées occidentaux. Ainsi, Aminata Traoré, ancienne ministre de la culture du Mali justifie cette requête, à l’heure de l’ouverture du Musée du Quai Branly, de la manière suivante : « Les œuvres d’art, qui sont aujourd’hui à l’honneur au Musée du Quai Branly, appartiennent d’abord et avant tout aux peuples déshérités. A l’heure où le Musée du Quai Branly ouvre ses portes au public, je continue de me demander jusqu’où iront les puissants de ce monde dans l’arrogance et le viol de notre imaginaire. Le Musée du Quai Branly est bâti, de mon point de vue, sur un profond et douloureux paradoxe, à partir du moment où la quasi-totalité des Africains, des Amérindiens, des Aborigènes d’Australie, dont le talent et la créativité sont célèbres, n’en franchiront jamais le seuil compte tenu de la loi sur l’immigration choisie »29. Cette volonté des pays émergents de présenter eux-mêmes les œuvres d’art qu’ils ont produites et qu’ils pensent avoir été volées par les occidentaux est aujourd’hui une réelle menace prise très au sérieux par les musées qui essaient de négocier au cas par cas la restitution d’objet pour assurer la pérennité de leurs galeries concernant ces thématiques. Ces évènements, comme le 26 TRINQUIER, 2008. p.7 JAMES, 2007. 28 QUAI BRANLY, 2008. 29 CHITOUR, 2009. 27 12 souligne Tanneeru, ont déplacé le centre de gravité du monde de l’art qui se trouvait autrefois au cœur des relations Europe-Etats-Unis30. Dès lors, les musées tentent notamment de lutter contre ces menaces en s’implantant dans les pays émergents comme le Brésil, la Chine, ou encore les Emirats du Golfe31. Nous reviendrons plus tard sur ces implantations. Profitant des opportunités que la mondialisation présente et subissant ses menaces ; s’implantant dans les pays émergents les plus développés ; organisant des expositions itinérantes mondiales, les musées se sont ainsi développé un ancrage international qui semble aujourd’hui indiscutable. Cependant, un autre facteur a eu un impact sur l’ancrage géographique des musées, il s’agit de l’avènement des TIC. B- Les effets de l’avènement des TIC, un musée sans ancrage L’avènement des TIC est symbolisé par la généralisation d’internet dans les sociétés contemporaines. Les musées ayant pour mission d’être une interface pédagogique avec le monde se sont vus obligés de s’adapter aux développements de ces technologies. Ainsi sont apparus les « e-musées », expression utilisée pour caractériser des musées connectés à internet et actifs sur les réseaux créés par les TIC. Dans une brochure d’explication d’internet aux dirigeants de musées, l’ICOM explique les avantages d’internet pour les musées32. Bien que cette brochure soit aujourd’hui obsolète, elle résume les atouts majeurs des musées en terme d’accès aux informations, de communication avec ses confrères come avec le public, ou encore la numérisation des œuvres du musée. Cette dernière étape est encore en cours de réalisation comme le révèle l’exemple de la France qui a mis en place fin 2009 un Programme français de numérisation des œuvres doté de 750 millions d’euros33. Cependant, les e-musées sont apparus, déterritorialisant des collections et des visites numérisées et libres d’accès - comme le montre l’exemple du San Francisco Museum Of Modern Art (SFMOMA) et son « SFMOMA ARTSCOPE »34, véritable mur numérique de ses œuvres- ou encore s’implantant directement dans les foyers du monde entier à l’aide, principalement, des réseaux sociaux35. 30 TANNEERU. 2006. BENSAHEL. 2007. 32 ICOM. 1996. 33 GUERRIN. 2009 34 http://www.sfmoma.org/projects/artscope/index.html 35 MUSEUM ID. 2009 31 13 Les TIC ont ainsi révolutionné l’ancrage géographique des musées. A la fois dématérialisés et donc sans ancrage, et à la fois en contact potentiel avec chaque individu et donc ancré dans chaque foyer, les Super-musées se retrouvent dans un ancrage géographique international, et hyper-localisé, c’est à dire universel. II - Un nouvel ancrage hiérarchique L’ancrage hiérarchique d’une organisation est sa situation d’autonomie vis-à-vis de sa hiérarchie. Traditionnellement les musées ont eu un rapport de dépendance très fort vis-à-vis de l’Etat. Bien que ce lien soit proportionnellement moins fort aux Etats-Unis, le reste du monde des musées était gouverné et financé par les Etats. La déterritorialisation des musées s’accompagne pourtant d’un relatif désengagement de l’Etat à leur encontre. Les musées sont en effet subventionnés par les Etats. Dans certains pays, comme en France, ces subventions ont longtemps été le seul et unique mode de financement des instituions muséales. Cependant, ces subventions se font de plus en plus maigres, synonymes d’un désengagement étatique. Cette situation touche certains pays plus que d’autres, les Etats-Unis, par exemple, sont moins marqués par ce phénomène que la France dans la mesure ou le premier a pour tradition de conserver un état éloigné du marché alors que le second a toujours privilégié un Etat interventionniste. Néanmoins, cette situation est observable aujourd’hui dans tous les pays En effet, l’Etat se trouve, depuis les années 1980, dans l’incapacité d’assumer son rôle de financeur des organismes à vocation de service public. Ce problème est dû à quatre causes majeures. Premièrement, la tradition de l’Etat providence a entraîné la multiplication des causes déclarées d’intérêt général et, par là même, des organismes de service public. Deuxièmement, les budgets de fonctionnement de ces organismes ont fortement augmenté au cours des deux dernières décennies. Cette explosion des budgets est principalement due à la politique de résultat inculquée à ces organismes par une vague d’influence de l’entreprise sur elles. Dès lors, elles ont nécessité plus de personnel, plus de publicité, plus de moyens, et ont donc demandé plus de budget. On peut à ce titre citer l’exemple du Louvre dont le budget de fonctionnement est passé de 26 millions d’euros en 1989 à 186 millions d’euros en 200636. Troisièmement, le récent phénomène de responsabilisation de l’Etat face à ses dépenses. Margareth Thatcher, et sa privatisation à outrance des services publics anglais, apparaissent comme un exemple idéal-typique de ce phénomène. De plus, dans les années 2000, la révélation du manque d’éthique et de conscience environnementale des individus a provoqué un contrôle toujours plus fort des 36 PAAUD CELERIER, 2007. 14 grandes entreprises et institutions par la population mondiale. Les Etats sont depuis forcés de réduire leurs dépenses budgétaires pour ne pas accroître la dette. Enfin, la quatrième raison exposée est le fait que les musées se soient trouvé un public. Alors que les musées devenaient des lieux visités et courus par les touristes, s’est développée dans les sphères politiques l’idée que les musées, en acquérant une audience, engrangeraient des bénéfices et que, par là même, ils auraient moins besoin des subventions de l’Etat. Le désengagement de l’Etat s’observe aisément. Ainsi, la part des subventions publiques dans le budget du Louvre ne s’élève plus qu’à 60% aujourd’hui37. Aux Etats-Unis, ces rations sont encore moindres. De même, les subventions accordées par la Direction des Musées de France (DMF) s’élèvent en moyenne à 667 000 euros par an de janvier 2001 à décembre 2003, alors qu’elles ne s’élèvent plus qu’à 496 000 euros par an en moyenne entre janvier 2005 et décembre 2007 38. Enfin, les Etats ont souvent modifié les statuts des musées pour leur accorder une plus grande autonomie de gestion tout en les maintenant sous tutelle de l’Etat. C’est le cas de l’Etat français par exemple qui a transformé les grands musées nationaux en établissements publics administratifs (EPA). Ce statut a été adopté par les grands musées dans les années 1990. Ces mêmes musées sont allés plus loin aujourd’hui puisqu’ils signent avec l’Etat des « contrats de performance » qui sont, selon le Louvre, devenus « la véritable colonne vertébrale de son mode de management par objectifs, impliquant suivi d’indicateurs de gestion et reporting régulier »39. Ainsi, les Etats, et l’Etat français en est un bon exemple, tendent à laisser plus d’autonomie aux musées qui ne s’ancrent plus dans un rapport hiérarchique mais dans un fonctionnement en autonomie croissante. III - Un nouvel ancrage concurrentiel Les musées d’arts s’ancrent jusqu’aux années 1980 dans un marché quasiment inexistant. En effet, le secteur des musées d’arts est relativement réduit. De plus, l’éloignement des musées entre eux et l’existence de différentes spécialités dans l’art permettent aux musées d’exister dans un marché sans réelle dynamique concurrentielle. Le seul point de concurrence des musées d’art se situant dans le marché de l’Art, lors de l’acquisition d’œuvres. A- Une concurrence qui s’intensifie… Comme nous venons de le développer, la mondialisation a renforcé les liens entre instituions muséales. Dès lors, la concurrence s’est intensifiée. En effet, ce phénomène a à la 37 Ibid. Ministère de la Culture et de la Communication, 2010. p.36. 39 Ibid. 38 15 fois augmenté la taille des publics que le musée est susceptible de toucher, mais aussi ancré celui-ci sur un plan mondial où des publics de tous pays deviennent un seul et même public prêt à visiter les musées du monde entier. La mondialisation, en rapprochant les musées internationaux entre eux, a donc plongé l’institution muséale dans une situation de concurrence internationale qu’elle ne connaissait pas auparavant. De plus, elle a encouragé l’émergence de nouveaux pays et, avec eux, de leur musées, multipliant par là même le nombre de concurrents. S’ajoutent à cette évolution sur le plan mondial des évolutions localisées. Au sein de chaque ville du monde, le nombre de musées d’art a considérablement augmenté au cours des 25 dernières années ; et avec lui le nombre d’expositions. Ainsi, alors que le nombre d’expositions déclarées d’intérêt national en France du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 s’élèvent à 28, ce nombre s’élève à 35 entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 200940. Cette multiplication du nombre de concurrents sur un plan local, bien qu’ils ne soient pas des menaces face à la puissance des Super-musées, est synonyme de concurrents supplémentaires qui contribuent à densifier et intensifier la compétition sur le marché. B- Dans un secteur qui s’élargit. Cette augmentation de la concurrence au sein du marché du musée d’art se retrouve développée de façon exponentielle avec l’élargissement du secteur auquel le musée d’art appartient. En effet, comme l’exprime Gintz : « Une institution comme le Guggenheim fait désormais partie intégrante de l’industrie des loisirs culturels qui s’est développé aux EtatsUnis d’abord dans l’industrie cinématographique ou les parcs à thème avant d’investir d’autres champs comme celui des arts plastiques dont on aurait pu penser qu’ils avaient précisément vocation d’y échapper »41 Cette perception du musée comme un membre à part entière du marché de l’industrie de loisir a entraîné une explosion de la concurrence des Super-musées. Considérés par le public des musées d’Art comme des produits de substitution directs, l’ensemble des musées – dont le nombre est en constante augmentation-, les parcs d’attraction, le cinéma, et l’ensemble de l’industrie du divertissement se dressent face à des institutions peu habituées à mener une concurrence acharnée42. Cette concurrence acharnée et soudaine a alors obligé les musées à sortir du lot et à devenir de plus en plus attractifs. Pour cela, ils ont été contraints d’acquérir des œuvres plus reconnues, s’agrandir, produire plus 40 Ministère de la Culture et de la Communication, 2010. p.36. GINTZ, 2001. 42 RIFKIN, 2000. p.341. 41 16 d’expositions ou encore organiser des évènements médiatiques. Cependant, ces opérations ne sont pas qu’une source d’audience pour le musée, elles sont aussi une source de dépenses que le musée devra savoir gérer. Section 2 - De Nouvelles Missions Les missions d’une organisation sont le deuxième indicateur clef de leur développement. En effet, les missions qui sont confiées aux musées déterminent leurs objectifs et sont la base de construction de leurs stratégies. Là encore, les évolutions de l’environnement des musées ont également très significativement la définition de leurs missions. Il convient dès lors d’analyser ce phénomène. I - Une mission scientifique et pédagogique questionnée La mission traditionnelle et fondamentale des musées est donnée par les organismes internationaux en charge du développement des institutions muséales. Il est donc important d’analyser les définitions des missions qu’ils proposent. Selon l’ICOM « la mission d’un musée est d’acquérir, de préserver et de valoriser ses collections afin de contribuer à la sauvegarde du patrimoine naturel, culturel et scientifique. Ses collections constituent un important patrimoine public, occupent une position particulière au regard de la loi et jouissent de la protection du droit international. À cette mission d’intérêt public est inhérente la notion de gestion raisonnée, qui recouvre les idées de propriété légitime, de permanence, de documentation, d’accessibilité et de cession responsable. »43. L’Association of Art Museum Directors (AAMD), qui regroupe près de 200 directeurs de musées sur le continent américain, résume ces missions ainsi : « acquisition, preservation, conservation, exhibition, scholarly study, and public education that fosters the understanding of works of art »44. Ainsi, les institutions internationales défendent une vision traditionnelle des missions du musée. Le musée a tout d’abord une mission scientifique de collecte, conservation, étude et explication des œuvres. A cette mission s’ajoute une deuxième mission de pédagogie, c’est-àdire de mise à la disposition du public des œuvres, et des explications permettant de les comprendre. Ces missions ont longtemps été les seules des musées. Il convient cependant de se demander si elles sont toujours d’actualité aujourd’hui. La question d’une dissipation de la mission pédagogique du musée ne se pose pas. En effet, le développement des technologies de l’information et de la communication ont favorisé 43 44 ICOM. 2004. Art.2. AAMD. 2010. Art.8 17 la numérisation des collections et la dématérialisation des publications des musées. Elles ont par conséquent facilité et encouragé la dimension de transmission au sein de l’institution muséale. La permanence d’une mission de recherche est cependant posée en 2001 par Jochen Sander. Alors conservateur du Städelsches Kunstinstitut de Francfort- sur-le-Main, il intervient lors du colloque « l’avenir des musées », organisé par le musée du Louvre, pour questionner les missions des musées. Lors de son intervention, il développe trois idées principales. Premièrement, l’idée qu’ « en exagérant volontairement, on peut dire que, pour la majorité des expositions temporaires, l’ « intérêt scientifique » s’achève le plus souvent avec la conclusion positive de l’accord de prêt : si l’on fait exception des colloques parfois proposés en marge de l’évènement, les musées organisateurs renoncent habituellement à « exploiter » les possibilités de l’exposition elle-même de manière systématique et profitable pour la recherche »45. Par ce propos, il souligne que bien que les justifications de construction d’une exposition temporaire et la demande de prêts d’œuvre doivent être systématiquement justifiées par un argument scientifique, ce fonctionnement en reste là et le profit reste le moteur d’organisation des expositions. La deuxième idée qu’il développe est l’idée selon laquelle la recherche fondamentale dans les collections permanentes des musées n’est plus aujourd’hui réalisée par les musées mais que soit le musée « fait appel, pour des projets particuliers, à des collaborateurs temporaires selon le principe de l’outsourcing et se considère alors comme un organe de transmission des résultats au public », soit il « joue le rôle de pur « prestataire de services » (...) et permets aux universitaires d’étudier ses fonds permanents »46. Enfin, dans un troisième argument, il rappelle que les recherches scientifiques demandent aujourd’hui tellement de moyens que seuls les Super-musées pourraient être aujourd’hui en mesure de les financer. Ces dénonciations volontairement alarmistes furent atténuées par le débat qui suivit l’intervention de Jochen Sander. Cependant, il demeure souvent évoqué que les musées, obligés de remplir de nouvelles missions, rencontrent beaucoup plus de difficulté aujourd’hui à financer et mener les recherches qu’ils devraient mener. Dès lors, si le musée rencontre des difficultés à remplir certaines de ses missions pour en privilégier d’autres, il convient d’étudier ces nouvelles missions. II - Une nouvelle mission politique La dimension politique des musées a toujours été présente dans leur quotidien. Cependant, elle se résumait à assurer le prestige d’un Etat par la mise en place de qualité. 45 46 GALARD. 2001. p.350 Ibid. p.352. 18 Ainsi, Francine Mariani-Ducray, Directrice des Musées de France, considère que « cette curiosité des étrangers à l’égard de la culture française, c’est un grand atout pour notre pays »47. Le rôle de représentation des musées dans le rayonnement international de leur pays d’origine n’était cependant pas à proprement parler une mission des institutions muséales. Aujourd’hui, cette considération a changé. Le musée joue un rôle politique fort dans la société, qu’il convient d’analyser. A- Le musée moderne, un centre culturel et social Le musée n’est plus aujourd’hui seulement un musée. Il se doit d’être un centre névralgique de l’action culturelle comme sociale au sein de son quartier, de sa ville, de sa région, de son pays, du monde. Le musée n’est plus une institution, c’est un lieu ; un lieu au sein duquel se retrouvent les artistes, les touristes, les habitants de la ville. Il est l’espace des échanges, des réflexions, des innovations culturelles et sociales au sein de la ville. Ainsi, pour la création du centre Georges Pompidou, en 1969, le président de la république appelait de ses vœux la création d’un immense centre culturel : « Je voudrais passionnément que Paris possède un centre culturel (...) qui soit à la fois un musée et un centre de création, où les arts plastiques voisineraient avec la musique, le cinéma, les livres, la recherche audio-visuelle, etc. Le musée ne peut être que d’art moderne, puisque nous avons le Louvre. La création, évidemment, serait moderne et évoluerait sans cesse. La bibliothèque attirerait des milliers de lecteurs qui du même coup seraient mis en contact avec les arts.»48. Le succès de ce musée, souvent considéré comme le levier du succès des musées en France, a entraîné la volonté des politiques de voir chaque musée jouer ce rôle de « melting-pot » culturel. De plus, le musée doit de surcroit être un centre de développement social. Jean-Paul Kounougou, président de l’ICOM Burkina, souligne cette nécessité politique dans le monde entier lors de la Journée Internationale des Musées : « les musées doivent se positionner comme de puissants moteurs de l’harmonie sociale »49. Ainsi, les musées sont dans l’obligation de mettre en place des programmes sociaux. Le Musée des Beaux-arts de Lyon, par exemple, s’est fortement engagé avec son quartier environnant qu’il qualifie de « territoire métis, riche d'une grande diversité sociale et culturelle »50. Le musée développe ainsi des projets avec les malades de l’hôpital de Lyon, les jeunes en difficultés, ou pour les personnes handicapées. Le musée se félicite ainsi sur son site Internet d’avoir « développé une 47 DURAND. 6 mars 2007 CENTRE POMPIDOU. 2010 49 OUEDRAOGO. 2010. 50 MBA-LYON. 2010 48 19 expertise dans l'accueil et l'accompagnement culturel des personnes en difficulté économique, sociale, physique, ou psychique (…) également à l'écoute des projets culturels menés par des structures sociales, des associations ou des institutions de soins »51. B- Le musée, acteur à part entière des politiques d’urbanisation Ces rôles donnés aux musées en ont fait des acteurs centraux des politiques d’urbanisation et, notamment, dans le cadre de la réhabilitation de quartiers, de villes ou encore de régions. Le centre Georges Pompidou, déjà, participait de cette mouvance. En effet, comme le rappelle David Navarrete : « En termes urbanistiques, le centre Pompidou a répondu aux priorités de la crise de logement et à celles de redynamisation urbaine de l’aire centrale de la capitale française. Avec l’implantation de ce nouveau musée dans l’îlot insalubre no 1 de Paris, l’État répondait à l’urgence de substituer plusieurs unités de logements qui ne satisfaisaient pas les conditions minimales d’habitabilité et d’hygiène. Le projet (…) visait aussi la régénération spatiale et l’animation du secteur de Beaubourg »52. Comme nous le verrons plus tard, lors de son implantation à Metz, l’inscription du centre Georges Pompidou dans un projet global d’urbanisme ressortait là encore fortement. D’autres musées semblent même recevoir cette mission d’urbanisation sans pour autant intégrer un réel projet. C’est notamment le cas du Mac/Val. Ce musée d’art contemporain, implanté à Vitrysur-Seine, en banlieue parisienne, a pour vocation de réconcilier l’art et la banlieue, et, par là même, la banlieue (stigmatisée dans les médias internationaux depuis les émeutes de 200553) et le monde. Le musée justifie ainsi son engageant et souligne sa volonté de « mettre en évidence que l’art contemporain, au même titre que la culture et la connaissance, peut devenir un moyen d’émancipation. Chacun peut se l’approprier à sa manière, chacun peut y trouver un sens »54. Cette mission politique du musée et le rôle que les Super-musées vont réussir à jouer dans certains quartiers vont lui conférer une nouvelle mission, celle de la réussite économique. III - Une nouvelle mission économique La réussite politique des musées a eu un impact fort sur leur environnement. En effet, en jouant ce rôle de centre culturel, vecteur de dynamisme et de création, de centre social, vecteur de cohésion et de communication, et de cœur d’urbanisation, vecteur de renouveau et 51 MBA-LYON. 2010 NAVARRETE. 2008 53 http://www.rfi.fr/actufr/pages/001/page_121.asp 54 MAC/VAL. 2005. 52 20 de développement ; les musées ont permis une création de richesses indéniable avec, comme exemple symbolique le musée Guggenheim à Bilbao grâce à qui le « Pays-basque s’est réinventé »55. Cette création de richesse est, dès lors, devenue une mission clef du musée. A- Le musée et son environnement, étude d’impact La mission économique du musée s’est tout d’abord exprimée par une nécessité pour celui-ci d’impacter positivement l’économie du territoire sur lequel il été implanté. Tobelem rappelle dans son ouvrage Le nouvel âge des musées56, comment les études d’impact ont favorisé la définitive acceptation de cette mission économique. Les études d’impact ont été créées à la demande des investisseurs qui devaient justifier leurs choix de subventionner et soutenir la création d’une institution culturelle. Ainsi, elles ont développé une technique d’évaluation de cet impact économique de façon monétaire, en le segmentant en trois catégories : l’impact direct, l’impact indirect, l’impact induit. Ces trois catégories fonctionnent à la manière de trois cercles concentriques de rayon différent. Ainsi, l’impact direct concerne la richesse produite au centre, c'est-à-dire celle qui est produit directement par le musée. L’impact indirect, lui, correspond à la richesse produite en périphérie, il regroupe alors les dépenses réalisées par le musées dans le cadre de son fonctionnement ainsi que celles que ses visiteurs font à l’occasion de leur accession au musée (hôtellerie, commerces divers, transports, etc.). Enfin, l’impact induit est un impact concernant les flux additionnels engendrés par l’enrichissement précédent. Ces études ont notamment aidé à montrer la meilleure rentabilité des expositions temporaires, dont la dimension évènementielle renforçait l’impact. Ainsi, une étude d’impact a été menée en 1993 au sujet de quatre grandes expositions quasi simultanées à New-York : Ribera, Magritte, Matisse, et l’Avant-garde russe ; les deux premières ayant été réalisées par le Metropolitan Museum of Art, et les deux autres respectivement par le MOMA et le musée Guggenheim. Ces expositions ont attiré 1,75 millions de visiteurs au total. Parmi eux, 1,3 millions étaient extérieurs à la ville de New-York, dont un sur deux ayant réalisé le voyage dans le but de visiter une de ces expositions. L’étude de rentabilité fut alors menée sur ces voyageurs. Un panel de 25% d’entre eux répondit. Les dépenses de ce panel furent évaluées à 368 millions de dollars57. 55 MARCELLIN. 2007 TOBELEM. 2010. 57 SMITH. 1993. 56 21 Ces études d’impact ne sont pas exemptes de toute critique. Peter Johnson et Barry Thomas se sont d’ailleurs attachés à remettre en question ces études 58. Et leur principale critique résulte de l’absence de comparaison possible avec l’impact qu’aurait pu avoir une autre organisation, installée à la place du musée, sur son environnement. La typologie des études d’impact a cependant imprimé sa logique dans la définition des missions des musées, obligés d’assurer leur financement direct, mais aussi celui, indirect, de leurs lieux d’accueils. B- Le musée comme étendard dans la bataille du tourisme Le tourisme est aujourd’hui un marché dans lequel les villes, les territoires sont concurrents. Ce phénomène a renforcé la définition des villes comme des marques. En effet, toutes les villes ont développé une identité au cours des siècles. Cette identité étant notamment définie par un nom et des armoiries mais aussi souvent par les spécialités et productions locales. Ces identités étaient de l’ordre de la tradition ; ressenties par le peuple, elles se définissaient pourtant de manière spontanée et non-contrôlée par les institutions municipales. Or, aujourd’hui, les villes et les territoires se sont impliqués fortement dans la construction de ces identités. Telles de vraies marques, ils développent des logos, des slogans, citons pour exemple le plus célèbre d’entre eux : , mais aussi de réelles stratégies permettant à l’institution « d’organiser ses discours et ses actions » de manière à définir et promouvoir unilatéralement ses valeurs, « et ainsi bénéficier de la puissance de cette cohérence »59. Ce phénomène est alors exacerbé lorsque les territoires vont être rapprochés les uns des autres par une circulation mondiale de l’information et une augmentation des mouvements de population. Les territoires ou les villes en concurrence vont pourtant présenter un processus de développement identique, dans la mesure où ils vont, pour la plupart, vouloir fonder leur économie sur l’implantation d’entreprises du secteur tertiaire et, dans le même temps, attirer un maximum de visiteurs pour bénéficier de l’explosion du tourisme international. Les touristes étant plus mobiles, les entreprises moins ancrées sur un territoire, les villes vont tenter de se différencier par la mise en place d’un environnement plus attirant, plus accueillant, pour ces deux acteurs. Trois cibles vont être privilégiées dans cette compétition : les entreprises à forte identité, qui génèrent le plus souvent des emplois qualifiants et innovants, les membres de la « Creative Class », comme la définit Richard Florida60, et les touristes culturels, dont le nombre est en augmentation constante et dont les 58 JOHNSON & THOMAS. 2000 Maynadier Boris, « Marque de Ville ? » 60 FLORIDA. 2004 59 22 dépenses sont plus importantes61. Pour ce faire, les villes vont devoir se redynamiser, devenir des références internationales. Dès lors, des projets de réhabilitation de quartiers vont être initiés pour doter la ville d’un cadre de vie agréable mais aussi de lieux, de bâtiments hors du commun. Les musées vont être un outil majeur de ce développement. Les musées permettent avant tout à la ville d’assurer sa notoriété à l’international. En effet, l’importance qu’aura le musée au niveau mondial va en faire un lieu de passage privilégié des touristes culturels augmentant par là même sa réputation et sa situation économique. Le rôle du musée dans l’image de la ville est ainsi de plus en plus perceptible, comme le soulignent les slogans « un des plus grands musées d’Europe »62 ou encore « Francfort, la ville aux 40 musées »63. L’exemple le plus significatif de l’attente des territoires face aux musées est sans doute le projet Saadiyat Island, ce qui signifie l’île du bonheur, au large d'Abou Dhabi. Son dirigeant, le cheikh Sultan ben Tahnoun al-Nahyan, responsable du projet, le résume ainsi : «Ce sera une destination de carte postale, comme l'est Capri pour l'Italie»64. En effet, Abu Dhabi, pour concurrencer ses voisins, a mis en place un projet d’île luxueuse. Ainsi : « Là où il n'y avait que sable et mangrove, les Emirats sont en train de faire pousser (…) : une trentaine d'hôtels de luxe, 8 000 villas de grand standing, 19 km de plages immaculées, trois marinas pouvant accueillir jusqu'à 1 000 bateaux, deux parcours de golf »65. L’originalité de cette île, par rapport à ses concurrents émiratis, c’est qu’au lieu d’une piste de ski ou d’une « cité informatique » - éléments décisif pour attirer les touristes il y a dix ans-, Abu Dhabi a engagé la construction, le long de sa baie, d’un musée d’art moderne : Guggenheim Abu Dhabi, d’un musée des Beaux-arts : Louvre Abu Dhabi, d’un musée national : Sheikh Zayed, d’une cité des arts : Performing Art Center, d’un musée maritime, d’un hall de concert, et d’un campus universitaire : New York University Abu Dhabi. Les musées semblent donc être devenus les lieux les plus recherchés par les touristes et les territoires comme les villes s’en saisissent pour soutenir leur développement économique. Il convient cependant d’évaluer les risques d’une telle mission de création de richesse accordée aux musées, et, principalement, celui de transformer le musée en entreprise, « réduisant Guggenheim et le Louvre à des marques concurrentes de Ralph Lauren ou Gucci »66. 61 RESEAU DE VEILLE EN TOURISME. 2010 MONTPELLIER AGLO. 2007. p.2 63 D’AGOSTINO. 2007. p.28 64 LAUNET. 2007 65 Ibid. 66 PERRIN. 2007. 62 23 IV - Une nouvelle mission d’attraction du public ? Les attentes face aux musées sont donc immenses. Le musée doit jouer, en plus de son rôle scientifique et pédagogique, un rôle politique et un rôle économique forts. Ce rôle politique, il le joue en effet par sa mutation en centre culturel et son implication dans les projets sociaux. Ce lieu de vie et de cohésion a ainsi acquis une place forte dans les projets d’urbanisation. Or, ces projets requérant des études d’impact, les territoires se sont aperçus de l’impact économique que pouvait avoir un musée, tant dans l’économie locale que dans la course au tourisme culturel. Le musée est ainsi devenu la solution miracle pour faire renaître une région ou une ville, allant parfois jusqu’à l’excès. Cette sacralisation de la culture et de l’institution muséale comme un messie est révélée par Ernst Hubeli qui débute son article « Stadt-Kultur versus Kultur-Stadt »67 (« La ville culture versus la ville de la culture ») par le paradigme selon lequel « Mit Kultur, glaubt man, könne eine Stadt sowohl Identität als auch Geld generieren » (« on pense qu’avec la culture une ville peut créer en même temps une identité et de l’argent »). Il est intéressant de remarquer à ce stade que ces nouvelles missions des musées les positionnent comme interfaces essentielles entre les institutions et les populations. Dès lors, la tendance générale a été de pousser toujours plus le musée vers le public et, au final, de lui donner comme mission supplémentaire d’attirer le public. Cette évolution a été une mutation significative pour les musées. En effet, alors que jusqu’alors celui-ci avait pour objectif premier d’étudier et de mettre à disposition ses œuvres, et travaillait donc centré sur lui-même, le musée a té contraint de s’adapter à ce nouvel objectif qu’était le public et s’ouvrir toujours plus. Son rôle n’a plus uniquement été d’étudier l’œuvre mais de la faire comprendre à la population ; il n’a plus été non plus de mettre l’œuvre à disposition du public mais d’amener l’œuvre au public et d’attirer le public vers l’œuvre. Ainsi, le gouvernement français demande aux institutions culturelles d’ « inviter les publics et les accompagner dans une démarche de découverte des œuvres et des lieux culturels »68. Ce mouvement politique vers la « médiation culturelle », l’encouragement de la « démocratisation de la culture » ou encore de la « culture pour tous » a conduit les musées à une mission d’attraction, et donc de séduction d’un public toujours plus large69. Il convient alors, pour comprendre les stratégies mises en place par les musées, d’analyser ce ou ces nouveaux publics. 67 HUBELI, 2005 TRAUTMANN, 1999 69 CAUNE. 2006 68 24 Section 3 - Les évolutions du Public Le musée a ainsi vu son public changer. Ce changement, cette évolution, il la doit à deux phénomènes concomitants et intimement liés. Les missions politiques et économiques qui ont été confiées aux musées ont tout d’abord, comme nous l’avons précédemment évoqué, entrainé l’apparition d’une nouvelle mission : la démocratisation de la culture. En réalisant cette mission, le musée a dû modifier son public cible et renforcer son interaction avec le musée. Le public a donc été modifié de manière extérieure puisque les instances politiques ont décidé de son élargissant maximum. Ces missions ont cependant entrainé une autre évolution. En devenant un acteur politique et économique, un lieu de vie au centre de la cité, le musée a modifié sa place face au public et, par là même, la vision que le public avait de lui. Dès lors, le public a évolué de manière interne en modifiant ses attentes et sa relation avec le musée. Ce sont ces évolutions que le musée doit prendre en compte. Cependant, ces évolutions étant bien réelles, il convient tout d’abord de rappeler qu’elles s’effectuent à la marge et que le cœur du public semble, dans sa composition en tous cas, relativement stable. I - La permanence d’une audience traditionnelle L’audience traditionnelle des musées est une audience cultivée et intéressée par l’art. Ainsi, le public des musées a principalement été composé des catégories socioprofessionnelles élevées et, au sein de ces catégories, des universitaires, des étudiants et des retraités, qui disposent de plus de temps pour effectuer une visite. Le rapport de 2009 remis par Olivier Donnat au Ministère français de la Culture et de la Communication au sujet des pratiques culturelles des Français à l'ère numérique 70 souligne une permanence des classes les plus aisées dans le public des musées. En effet, selon cette étude, les membres de la catégorie des cadres et professions intellectuelles supérieures sont ceux qui sont allés le plus au musée en 2008. Ce public étant suivi par les étudiants, les anciens cadres, et les professions intermédiaires71. On constate que le lieu de résidence est un autre facteur de segmentation puisque plus le territoire de résidence est peuplé, plus la pratique d’activités culturelles s’accroît, l’Ile de France et Paris demeurant très largement au dessus des autres agglomérations. Ce phénomène tend d’ailleurs à s’accentuer fortement lorsqu’on augmente le nombre de visites effectuées par an. Ce phénomène révèle notamment que si la fréquentation des équipements culturels augmente, elle peut s’expliquer par une augmentation des populations les plus susceptibles de pratiquer une activité culturelle, et, par 70 71 DONNAT. 2009 Cf. Annexe 3 25 une relative augmentation des pratiques culturelles de ces populations. Il convient de préciser que ce phénomène que nous étudions au niveau de la France est semblable dans tous les pays occidentaux. La politique de démocratisation de la culture semble ainsi moins efficace que prévu. Tobelem pousse un peu plus l’analyse en essayant d’utiliser ces résultats pour esquisser des tendances dans la pratique muséale. Dans un premier temps il divise les pratiques individuelles en trois tendances. La première, composée principalement d’une population non diplômée, rurale, et âgée, n’a aucune pratique culturelle au cours de l’année. Elle représente 25% de la population française. La deuxième, composée d’une population très diplômée et vivant dans de grandes agglomérations, fréquente les équipements culturels de manière diversifiée et régulière. Elle représente 10% de la population. Enfin, la dernière tendance est constituée de divers profils de public qui se rejoignent par le fait que malgré une certaine « disponibilité » à l’égard de la consommation culturelle, elle n’est pas considérée comme prioritaire dans l’organisation de leur temps libre. Dans un deuxième temps, soulignant la place des musées, « dans une situation intermédiaire entre la fréquentation des salles de spectacle – plus élitaire – et celle du cinéma, qui concerne environ la moitié de la population »72, l’universitaire essaie d’expliquer le discours majoritaire selon lequel la fréquentation des musées « explose ». L’auteur confirme l’augmentation du nombre de visiteurs tout en rappelant que ces visites demeurent majoritairement liées à un évènement, comme un voyage, la venue d’amis, une exposition temporaire, ou des vacances. Ayant ainsi montré une persistance dans l’approche de la visite, Tobelem souligne que les feins à cette consommation muséale demeurent les mêmes : éloignement géographique, barrières tarifaires et horaires, manque d’aide à la visite, procrastination, caractère intimidant des bâtiments et des collections, etc. Dès lors, l’augmentation de la fréquentation des musées ne pouvant pas s’expliquer par une réduction de ces freins, le chercheur l’attribue à l’augmentation de la population mondiale et, en son sein, à une croissance de la part des catégories sensibles aux équipements culturels (cadres, étudiants, etc.) ; complétée par une offre plus nombreuse et une meilleure médiatisation des institutions. Il précise néanmoins que les disparités auraient pu être beaucoup plus grandes sans une action de médiation culturelle. Dès lors, bien que le public des musées n’ait, dans sa répartition statistique que peu évolué, il n’en demeure pas mois que l’institution muséale mène une activité de médiation 72 TOBELEM. 2010. p.234 26 culturelle et élargit son public cible. Il convient ainsi d’analyser la modification de la composition de ce public cible. II - De nouveaux publics à conquérir : le musée pour tous Le public potentiel des musées s’élargit considérablement. Cet élargissement des publics cibles entraine de la part des musées une nécessité d’adaptation de leurs stratégies et de leurs prestations qu’il convient alors d’analyser. A- Le musée et les visiteurs multiculturels Le premier enjeu des musées est le traitement des visiteurs multiculturels. Essence même du tourisme culturel et conséquence directe de la mondialisation, les touristes étrangers sont de plus en plus présents dans les musées et dans les villes elles-mêmes. Et, surtout, alors que par le passé ils étaient principalement originaires des pays de la triade (Europe, Etats-Unis, Japon), leur origine se diversifie fortement avec l’augmentation de visiteurs d’Amérique latine, d’Asie, ou encore du Moyen Orient. Deux positions sont alors à prendre pour le musée. Comment accueillir les visiteurs étrangers, et comment les prendre en charge. La question de l’accueil des visiteurs étrangers est un problème qui se pose régulièrement aux institutions muséales et qui se résume souvent à un choix d’assimilation ou non aux visiteurs locaux. Ainsi, la question de leur autoriser l’accès semble, concernant les musées d’art, amener logiquement une réponse positive. Il convient de préciser néanmoins que certains musées, comme le musée de l’espionnage de Pékin, aient fait le choix d’interdire l’accès des visiteurs étrangers aux collections73. De même, il ne faut pas négliger l’importance dans certains pays de la tenue vestimentaire ou des pratiques traditionnelles comme le port du voile obligatoire pour les femmes dans certains pays. C’est cependant plus la dimension du tarif applicable aux étrangers qui fait débat. Ainsi, les étrangers représentent une manne financière importante pour les établissements culturels. Ces publics viennent en effet en vacances et ont donc un budget de dépense élevé dont les musées souhaitent profiter. Deux politiques s’opposent : la première consiste à dire que les étrangers ne font pas partie des objectifs des missions politiques des musées mais plutôt de leur mission économique et, dans ce cas là, il convient de ne pas accorder aux étrangers les réductions destinées aux populations locales (tarifs étudiants, professions artistiques, etc.). Ainsi, alors que le Louvre, est gratuit pour les moins de 26 ans français, cette politique tarifaire ne s’applique pas aux jeunes 73 MSNBC.COM. 30 avril 2009 27 étrangers74. La seconde consiste à intégrer l’attraction de touristes étrangers comme une mission politique du musée et de lui accorder les mêmes avantages que le visiteur local. Les Super-musées considèrent généralement que les visiteurs étrangers n’entrent pas dans leur zone de médiation culturelle et préfèrent profiter de la manne financière qu’ils représentent. Concernant l’accueil de ces visiteurs, le musée doit s’assurer que les visiteurs connaissent le musée, pourront s’y rendre, et que leur visite sera bien accompagnée. Ainsi, le musée doit investir dans une communication internationale. De plus, sa localisation est importante. Ainsi, la proximité du musée du quai Branly avec la Tour Eiffel a joué un grand rôle dans son choix de localisation75. Enfin, le musée doit pouvoir assurer que les explications fournies par les inscriptions, guides, audio-guides, brochures seront compréhensibles par chaque visiteur, peut importe son origine géographique. Ce besoin existe aussi dans les commerces du musée qui doivent adapter leurs librairies et leurs menus. Certains musées développent en parallèle de réels programmes en direction des visiteurs étrangers comme le MET et son programme « Multicultural Audience Development Initiative »76. B- Le musée et les populations défavorisées Les populations défavorisées sont souvent intimidées face à l’institution muséale et ses collections. De plus, ces populations n’ont habituellement pas été sensibilisées à la culture. Elles sont pourtant au cœur de la mission de démocratisation de la culture qu’exerce le musée. Ainsi, les politiques des Super-musées sont souvent dirigées en leur faveur. Face à ces populations, le musée doit d’abord aller à leur rencontre pour pouvoir ensuite les attirer vers lui. Deux exemples de rencontre peuvent être donnés. Le premier est la rencontre lors de l’action sociale. Nous avons déjà donné un exemple d’une telle action avec le Musée des Beaux-arts de Lyon. Le deuxième est la « descente du musée dans la rue ». Ainsi, depuis 2000, le Sénat français expose sur les grilles du jardin du Luxembourg des collections photographiques77. Cette opération permet de montrer l’art à ceux qui n’y ont pas accès mais elle permet aussi de guider le public vers le Musée du Luxembourg, au bout de la rue, qui était jusqu’à juin 2010 propriété du Sénat. 74 LOUVREPOURTOUS. 2008. NAVARETTE. 2008 76 RAFFERTY. 2010. 77 SENAT. 2010 75 28 Une fois que les populations défavorisées sont attirées vers le musée, il convient d’assurer le bon déroulement de leur visite. Cela signifie que le prix de la visite ne doit pas constituer un frein à celle-ci, et que les explications et brochures doivent être adaptées à un public qui ne maîtrise pas tous les codes et le vocabulaire de l’art. C- Le musée et les populations handicapées Lorsqu’on pense aux populations handicapées, les personnes à mobilité réduites sont souvent les premières à nous venir en tête. Leurs difficultés dans la visite d’un musée nous apparaissent clairement ; certains musées par exemple, notamment ceux installés dans des bâtiments centenaires, peuvent leur être totalement inaccessibles (trop d’escaliers, portes et couloirs trop étroits pour un fauteuil roulant, etc.) Il convient donc que le musée fasse les aménagements nécessaires afin de garantir un bon accès des populations à mobilité réduite à l’ensemble des collections. La mairie de Caracas, au Venezuela, a ainsi lancé en 2007 un programme de remise à niveau de ses musées pour faciliter l’accès aux personnes handicapées78. Cependant, les populations handicapées sont bien plus nombreuses et ont des handicaps bien différents. On peut citer à ce titre les personnes malvoyantes ou non-voyantes pour qui l’accès aux musées d’art est énormément difficile. Il appartient aux musées de développer des solutions rendant possible cet échange. Un exemple intéressant est celui de Erin Narloch, conservateur responsable du secteur de l’éducation du Woodson Art Museum. En travaillant avec une association de soutien des malvoyants, il a permis que le musée mette en œuvre « des expériences de création artistique gratuites ou à faible coût destinées à un large public. Le jardin de sculptures du musée, la création d’œuvres d’art, les descriptions verbales d’œuvres en deux dimensions et les interactions avec les artistes en résidence ont été utilisés afin de mettre le musée à la portée de ce public laissé pour compte »79. D- Le musée et les enfants L’enfant est un enjeu très important pour les musées et il devient par là même un public cible à part entière. L’explication de l’importance des enfants est triple. Tout d’abord, la visite de l’enfant s’effectue le plus souvent en famille, et donc en compagnie de ses parents. Lorsqu’ils deviennent parents, les couples accordent quasiment l’intégralité de leur temps libre à des activités qu’ils peuvent partager avec leurs enfants. Si le musée n’est pas adapté à la visite de l’enfant, il risque donc de perdre une clientèle importante. Ensuite, l’éducation 78 79 MARQUEZ. 2007 UNESCO. 2008. 29 artistique n’est pas une priorité des systèmes d’enseignements traditionnels ; le musée a donc pour mission de jouer un rôle essentiel dans cet apprentissage. Enfin, les pratiques culturelles des adultes sont fortement influencées par des habitudes prises dès l’enfance. Ainsi, dans sa mission de démocratisation de la culture ; le musée a l’obligation d’attirer l’enfant au musée. Ce dernier point est analysé par Chloé Tavan80, analyste à l’Insee, en 2003. Elle met notamment en relief le fait que le niveau scolaire et l’éducation jouent plus que les contraintes financières comme discriminant des pratiques culturelles des adultes. Ainsi, il est essentiel, pour développer les pratiques culturelles, que les musées soient visités par les enfants de tous milieux dès leur plus jeune âge. Face à ces besoins, les musées sont dans l’obligation de mettre en place des solutions globales. C’est dans cette optique que le Metropolitan Museum of Art de New York a mis un place un programme comme le MuseumKids dont le slogan est « explore & learn »81. Ce programme met en place des stages d’été pour confronter les enfants à l’art, des activités familiales au sein du musée, mais aussi une série de jeux, livrets, audio-guides, permettant aux enfants d’appréhender la collection du musée. De plus, des actions sociales sont menées pour permettre aux enfants de quartiers défavorisés de rencontrer les collections permanentes, notamment par le biais de visites scolaires. Enfin, ces programmes sont adaptés à un environnement multiculturel, et aux populations handicapées. Les publics potentiels de l’institution muséale se sont ainsi diversifiés, entrainant des nécessités d’adaptation de la part des musées. Cependant, ce n’est pas seulement la répartition statistique du public qui a évolué mais aussi ses attentes qu’il convient d’analyser. III - Un nouveau type de consommation culturelle La consommation culturelle des publics que nous venons de décrire dépend fortement des évolutions de la société. Le musée, ayant pour mission d’attirer ces publics, est dans l’obligation de connaître leurs attentes. Ainsi, il convient de détailler ici l’évolution de leurs aspirations. A- La consommation culturelle, de la connaissance à l’expérience La visite des musées a pour but original la passation des connaissances du musée au public. Ainsi, le public allait tout d’abord visiter les musées pour apprendre. Connaître l’œuvre d’un artiste, l’évolution des techniques, ou encore les tendances d’une époque étaient 80 81 TAVAN. 2003 MET. 2010. 30 les maîtres mots lors de la pratique muséale. L’émotion n’était pas bannie, loin de là, mais elle se devait de coïncider avec un apprentissage. Le public, élève, prenait plaisir à apprendre de l’institution muséale, le sage. Deux évolutions sont venues effacer cette approche. La première de ces évolutions est l’émergence des Technologies de l’Information et de la Communication qui a favorisé un monde d’hyper-communication et, par là même, d’hyperaccessibilité. Les sociétés ont gagné du pouvoir, chacun est devenu libre de s’exprimer sur Internet, à la télévision, ou à la radio et surtout, il est devenu certain d’avoir un public. Les individus ont alors développé des blogs, des réseaux sociaux, des messageries instantanées, pour donner à chacun une place centrale dans la société et lui permettre de devenir une source d’information et de partage. Les entreprises comme les institutions ont donc été contraintes de s’adapter à une volonté naissante, celle de l’implication du consommateur dans son acte d’achat comme dans sa relation à l’institution. Les musées, eux, ont connu un développement beaucoup plus fort de cette demande des publics. En effet leur cœur de cible principal, en tant que centre culturel est social est ce que Florida appelle la « creative class »82. La « creative class » est composée des professionnels des industries de la connaissance et, principalement les cadres des entreprises qui composent ce secteur : le design, la publicité, l'architecture, la musique, la télévision, l'art, etc. Selon Florida, ces « trendmakers », ou faiseurs de tendance, sont le poumon de l’activité économique et ce sont eux que les villes cherchent à faire venir lorsqu’ils implantent un musée dans un projet d’urbanisation. Les membres de cette nouvelle classe sociale sont passionnés par l’art et les nouvelles technologies et sont dotés d’une forte volonté d’implication dans les projets créatifs. Leur présence au sein des musées est le moteur de leur rôle comme centre culturel. Dès lors, l’envie d’impliquer le public dans le musée et la visite leur est venue à eux en premier, permettant aux musées de développer des solutions efficaces. Ainsi, la démarche participative au sein du musée a été poussée à son extrême lorsque le Brooklyn Museum permet aux internautes de participer à la création de l’exposition « Click »83. La seconde de ces évolutions est la place centrale donnée à l’émotion. Cette importance de l’émotion est explicable par l’addition de plusieurs phénomènes comme la place centrale accordée à l’individu dans les sociétés modernes et l’augmentation quotidienne de l’offre culturelle. La combinaison de ces phénomènes a entraîné un déplacement des musées dans le marché des loisirs. Dès lors, le visiteur consomme sa visite en privilégiant son émotion. Le 82 83 FLORIDA. 2004. BROOKLYN MUSEUM. 2008 31 rôle pédagogique du musée est, pour le visiteur, contenu dans ses publications tant sur Internet qu’en librairie. La visite doit donc apporter plus que cette simple connaissance et le visiteur veut qu’elle lui apporte, du point de vue des sensations et des émotions, au moins autant qu’une séance de cinéma ou encore un concert. Ce dernier n’a en effet plus besoin d’une visite pour apprendre, il peut le faire en achetant un livre ou en lisant les publications des musées sur Internet. Il demande donc une approche de la visite beaucoup plus focalisée sur son émotion et sa participation. Il ne recherche plus la connaissance mais l’expérience. Consommant à l’impulsion, le visiteur choisira l’exposition qui l’attire le plus, celle dont il a le plus entendu parler. Anderson souligne à ce titre que la littérature présente aujourd’hui la qualité de l’expérience vécue par le visiteur comme le premier critère de mesure du succès des expositions84. Cela renforce la concurrence entre les institutions muséales qui doivent s’adapter et rivaliser d’ingéniosité pour le séduire. B- Le musée : du sacré à la vie Pour s’adapter à ces évolutions, le musée, autrefois lieu sacré, intemporel et immuable, s’est attaché à développer une vie en son sein. Deux axes majeurs ont été favorisés : considérer le musée comme une œuvre, et le considérer comme un spectacle. Le concept de musée-œuvre est notamment défendu par Stefan Kraus, conservateur du Diözesnanmuseum de Cologne, dans l’intervention qu’il a effectuée lors du colloque « Quel avenir pour les musées ? » organisé par le musée du Louvre en 2001. Cette présentation, intitulée « Plaidoyer pour un musée vivant »85, reproche aux musées d’avoir fait évoluer leur « emballage » en modernisant les salles d’expositions sans pour autant avoir fait l’effort de faire évoluer leurs intentions. Ainsi, selon Kraus, le musée devrait être capable de « faire percevoir l’acte artistique comme une expérience et une aventure hasardeuse défiant toute limite ». Pour cela il conseille aux responsables de musées de « placer au cœur de leur travail l’expérience individuelle de l’œuvre, comme révélatrice de son sens et de sa signification réelle »86. Ainsi, il prône dans l’exposition de mettre en œuvre la créativité du public comme faculté de perception centrale. Bien que très développé théoriquement, le concept de musée vivant n’est pas expliqué plus concrètement. Une autre évolution majeure est le développement des musées spectacles. Tobelem dénonce ce phénomène comme une « Dysneylandisation » de l’institution muséale. Ce 84 ANDERSON. 2004. GALARD. 2001. pp. 95-119. 86 Ibid. p.101 85 32 développement est fondé sur le principe de l’edutainment qui consiste en la mise en place de projets éducatifs à l’aide d’outils du divertissement (entertainment). Ainsi, les conservateurs de musée veulent rendre la visite plus ludique, plus sensationnelle. Pour cela, nombre de solutions sont déployées. On peut citer à titre d’exemple les partenariats entre différents arts comme par exemple l’intervention de danseurs, de musiciens, d’étudiants des beaux arts, etc. au sein des collections. De ce phénomène viennent aussi les expositions temporaires, aussi appelées expositions évènement. Ces expositions présentent l’avantage d’attirer le public de part leur temporalité mais aussi souvent de part les moyens qu’elles mettent en place pour constituer des expositions extraordinaires soutenues par une communication agressive. Un exemple de ces développements est donné par les nocturnes organisées dans les musées français où, un soir par semaine, après l’heure normale de fermeture du musée, une intervention extérieure est faite dans le musée, souvent en partenariat avec d’autres arts. Cependant, c’est la nuit européenne des musées87 qui semble le mieux résumer cet aspect de l’institution muséale. En effet, une nuit par an, l’intégralité des musées européens restent ouverts jusqu’à minuit et proposent gratuitement pendant toute la soirée des animations dans les collections, conférences, expositions évènementielles. En 2010 par exemple, le Palais de Tokyo proposait une visite des collections à la lampe torche ainsi que l’intervention dans le musée des danseuses du Crazy Horse ; alors qu’à côté le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris accueillait, à l’accueil, des musiciens de jazz, et dans ses collections permanentes, des musiciens de musique classique. En parallèle de ce que proposait chaque musée, chaque visiteur pouvait poster ses impressions sur le réseau social Twitter et les voir publiées sur différents écrans positionnés dans les musées clefs de la ville. Enfin, un concours de la meilleure vidéo faite pendant la soirée était organisé. Cette débauche d’énergie pour faire de chaque visite un spectacle peut parfois mener à la situation extrême où l’art n’est plus considéré que comme un bien de consommation similaire à ceux distribués par l’industrie culturelle. CHAPITRE 2 - UNE STRUCTURE REDÉFINIE Une grande partie des débats concernant le statut des musées aujourd’hui et, notamment, leur assimilation à des entreprises, repose sur les évolutions que les musées ont connu au niveau de leurs structures. En effet, d’organisations publiques très hiérarchisées et peuplées exclusivement de hauts fonctionnaires et de personnes de la Culture, ils sont devenus des 87 http://nuitdesmusees.culture.fr/index.php?l=FRA 33 organisations qui doivent remplir des objectifs de rentabilité et surtout d’audience, qui ont été colonisés par les managers et le monde entrepreneurial. Ces évolutions sont majoritairement dues aux évolutions conjoncturelles que nous avons évoquées précédemment. Ainsi, afin de bien cerner ces nouvelles organisations et de ne pas céder à la facilité de l’exagération, il conviendra d’analyser dans un premier temps leurs modes de financement, dans un deuxième temps leur politiques de gestion, et dans un dernier temps l’utilisation du marketing comme un outil clef de leur développement. Section 1 - La recherche de financements Les évolutions qui ont marqué le financement des musées sont multiples. Les apparitions conjointes d’une intense concurrence face aux musées, d’un Etat qui tend à se désengager du financement des institutions muséales, et de nouvelles missions qui réclament des investissements à la fois lourds et soutenus sont à l’origine des besoins des musées de conquérir toujours plus de financements. Le musée cherche donc à solidifier et assurer son financement. Il faut alors qu’il envisage un maximum de solutions de financement possibles et qu’il les combine afin de se prémunir contre tout risque de défaut d’une ou plusieurs de ses sources de financement. Cependant, il lui est impératif de réfléchir à la manière dont il compte financer son activité. En effet, il peut se faire financer au titre de son action globale ou faire financer les opérations individuellement. Il est toujours plus facile de financer une opération qu’un fonctionnement général. En effet, la promotion d’un évènement, sa médiatisation et le nombre conséquent de visiteurs attendus assurent un retour sur investissement considérable pour les investisseurs ; ne serait-ce qu’en terme d’image. Cependant, comme le souligne Bernd Lindemann, ancien conservateur en chef du Kunstmuseum de Bâle, certaines activités des musées sont des activités « silencieuses »88. Or ce sont justement ces activités qui sont considérées par les conservateurs comme le fondement de leur activité. Ce sont par exemple les activités internes de conservation des œuvres, ou encore celles de recherche. Ces activités semblent peu finançables par l’extérieur dans la mesure où elles n’attirent pas l’investisseur, à moins de faire partie d’un projet à grande échelle qui sera alors médiatisé. De plus, les conservateurs sont souvent réticents à faire financer ces activités sensibles par l’extérieur. Dès lors, il convient de trouver une juste répartition des financements entre trois axes : la création de richesses propres, la recherche de participations extérieures, la capitalisation du patrimoine. 88 GALARD, 2001. p. 131 34 I - La création de richesses propres La création de richesses au sein du musée se fait par les gains que peut réaliser le musée dans l’exercice de son activité. Elle concerne notamment trois domaines : la tarification des visites, la commercialisation des produits dérivés, et l’organisation de loteries. A- Tarifier les visites Concernant la tarification des visites, malgré le fait que les tarifs d’entrée dans les musées aient pendant longtemps été maintenus relativement bas, un phénomène récent a provoqué une forte augmentation. Cette augmentation est expliquée par deux phénomènes. Tout d’abord un alignement des tarifs des musées sur ceux de leurs nouveaux concurrents, les autres biens culturels comme le cinéma, ou l’industrie du spectacle ; et plus sur ceux des organismes éducatifs comme les bibliothèques publiques. Ensuite, ces augmentations de tarif sont justifiées par les pressions économiques qui pèsent sur les musées et les améliorations tant dans l’accueil que dans les prestations offertes aux visiteurs. Malgré cela, la question de la gratuité des musées est et reste depuis longtemps posée, le paiement des entrées étant souvent considéré comme un frein à l’accès des visiteurs les plus défavorisés. Le débat est ainsi sans fin puisque les musées opposent à cet argument que la gratuité n’entrainerait qu’un effet d’aubaine pour les populations déjà habituées à aller au musée tandis que les autres resteraient éloignés de ces institutions par le manque de connaissance et les coûts de transport notamment. De plus, ils réclament les recettes de ces ventes de billets comme vitales alors qu’elles semblent ne peser que pour une très faible part dans les ressources des musées89. Pour achever ce débat sur la gratuité, il convient à ce titre de rappeler qu’en France, par exemple, les musées nationaux sont gratuits aux moins de 26 ans et organisent une « nocturne » gratuite par semaine, ou encore que certains musées anglais ou Américains, comme le British Museum, sont totalement gratuits sans en souffrir. Le débat entre entrées payantes ou gratuites ne semble pas prêt d’être résolu et il convient aujourd’hui de s’assurer que les tarifs ne deviennent pas trop élevés. Enfin, en plus de ces entrées unitaires, les 25 dernières années ont vu le développement dans les entreprises, et dans les musées, de cartes de fidélité et systèmes d’abonnement. Du point de vue des musées, ces cartes offrent l’avantage de fidéliser le public, mais aussi de faciliter les actions de communication envers celui-ci puisqu’une base de données marketing est construite à partir des données de ces abonnements. Par ces éléments le musée peut se 89 TOBELEM, 2010. P.44. 35 rapprocher du public qui y trouve lui aussi son compte dans la mesure où un abonnement leur permet de recevoir des invitations à des vernissages, de bénéficier de publications spécialisées ou encore de tarifs réduits dans les boutiques. B- Développer les activités commerciales Concernant les activités commerciales des musées, Jean-Michel Tobelem les associe au développement des centres commerciaux dans nos vies : « Il semble exister dans l’imaginaire contemporain une fascination du centre commercial – considéré comme un lieu de vie et un espace de culture – propre à atteindre aujourd’hui la sphère culturelle, et le musée par voie de conséquence. »90. Une dimension du musée à devenir un centre culturel et un lieu de vie, que nous expliciterons plus tard, a aussi encouragé l’apparition de commerces dans l’enceinte muséale. Ainsi, une grande majorité de musées possèdent en leur sein une ou plusieurs boutiques d’objets dérivés des expositions, une ou plusieurs cafétérias, ou encore des boutiques d’art ou de design. En gérant ces boutiques ou en cédant leur gestion à des entreprises privées, les musées s’assurent des revenus supplémentaires. Cependant, l’apparition de ces espaces commerciaux dans le musée ne s’est pas fait sans polémique et l’association entre service public et commerce a parfois été très mal perçue. Des modes de gestion différents ont donc été mis en place selon les pays ; en France, par exemple, c’est à la Réunion des Musées Nationaux (RMN) qu’a été attribuée la gestion de ces entreprises commerciales. La RMN a en effet obtenu en 1990 les missions de contribuer à l’enrichissement des musées nationaux français et favoriser la fréquentation des musées et la connaissance de leurs collections, en éditant et diffusant des produits dérivés et des ouvrages, et en organisant des expositions. Ce système n’a pas réussi cependant à fonctionner assez bien pour devenir rentable. C- Recourir à la loterie Enfin, le recours aux loteries pour financer les investissements du monde de la culture est une solution peu connue en France. Cependant, certains pays comme l’Italie, l’Allemagne, et surtout l’Angleterre ont recours à ce système. Alors que l’inspection des finances a jugé cette solution peu viable en France, l’Angleterre, elle, l’utilise avec succès. Ainsi, l’opérateur de la National Lottery, qui est pourtant une entreprise privée, attribue les recettes de ses loteries à de multiples causes dont la culture. Bien que fonctionnant, cette solution ne peut être 90 TOBELEM, 2010. p.46. 36 envisagée comme une solution clef du financement des musées car elle est variable et aura du mal à faire face à la recrudescence des institutions muséales. II - La recherche de participations extérieures Pour réduire les coûts, les musées peuvent avoir recours à des partenariats dont le but n’est pas un don d’argent direct mais plutôt le financement d’une opération de fonctionnement général. Bernd Lindemann évoque cette situation lors du colloque « L’avenir des musées »91 organisé au Louvre en 2001. Il cite à ce titre comme exemple le financement du réaménagement de salles à la Tate Gallery de Londres ou encore au Städel-Museum de Francfort par des entreprises, une entreprise pétrolière notamment, en échange d’une mention discrète du nom du sponsor sur les murs de ces salles. Ainsi, en poussant un peu plus ce raisonnement, on pourrait imaginer par exemple le financement de l’éclairage du musée par une entreprise fabricant des ampoules ou encore la réfection des façades de celui-ci par une entreprise fabricant de la peinture. Ces solutions n’aident pas directement au financement du musée. Elles sont par contre un soutien important dans le cadre de son fonctionnement général qui permet de réduire certains points clefs de ses budgets de fonctionnement. A- Auprès de qui obtenir des financements externes ? Pour obtenir des financements externes, les institutions muséales peuvent s’adresser à 4 types de d’interlocuteurs. Les premiers sont les institutions politiques. En effet, les subventions restent la part la plus importante des budgets des musées Européens. En Amérique cette part est bien moins élevée mais reste néanmoins significative. Les musées peuvent obtenir des subventions auprès de trois types d’organismes politiques : les institutions locales, les institutions nationales, les institutions transnationales. Le cas des institutions nationales a déjà été évoqué et leur intervention auprès des musées tend plutôt vers un désengagement relatif. Les institutions locales, elles, ont généralement peu de moyens et un grand nombre d’entités sociales et culturelles à qui les distribuer. Enfin, les institutions transnationales n’ont pas de pouvoir de subventionnement, à l’exception de l’Union Européenne. Bien que n’ayant pas au départ eu une vocation culturelle, l’UE développe des programmes afin de soutenir la diversité culturelle en Europe. Un programme « culture 2000 » a été lancé et la Commission Européenne a proposé en 2007 de définir une stratégie européenne de la culture. Bien que le budget européen pour le programme culture 2000 qui devait durer de 2000 à 2006 n’était que 91 GALARD, 2001. p.130. 37 de 236,5 millions d’euros, l’Europe se saisit peu à peu de la thématique culturelle et pourrait, à l’avenir, devenir un des interlocuteurs majeurs des grands musées européens. Les deuxièmes interlocuteurs sont les entreprises. L’aide des entreprises est appelée sponsoring ou mécénat. Le mécénat est très avantageux pour les entreprises. En effet, il ne faut pas oublier que la société internationale recherche aujourd’hui plus de responsabilité sociale et d’éthique de la part des entreprises. Dès lors, les entreprises ont besoin de se construire une image sociale et responsable. Le soutien d’institutions muséales est une part intégrante de ce cheminement. Il complète les opérations de communication dans la fidélisation de la clientèle. De plus, alors que les consommateurs sont de plus en plus réticents à la publicité média, ils sont de plus en plus réceptifs à des opérations de mécénat et de partenariats. Enfin, les donations que les entreprises font pour des activités sociales ou culturelles sont souvent concernées par des dispositions fiscales avantageuses. Tobelem révèle deux types de participations généralement proposées aux entreprises : l’association à des « projets culturels » (expositions temporaires, conférences, etc.) ou celle à des « actions intemporelles » (acquisition et restauration d’œuvres, projets d’aménagements, etc.). Face à cela les entreprises mènent des politiques de partenariats temporaires ou de parrainage à long terme. Un grand nombre de contreparties est possible suite à un mécénat. Les plus courants sont l’apposition du logo de l’entreprise et d’un mot de remerciement dans les supports de communication de l’évènement en question (publicités, brochures, etc.) allant jusqu’à l’apposition du nom du mécène dans la liste des plus grands mécènes du musée, et la publication par le musée d’un communiqué de presse annonçant le partenariat. D’autres contreparties sont cependant envisageables comme un accès privilégié offert aux invités de l’entreprise (visite guidée gratuite, visite nocturne, possibilité de faire une réception au musée, etc.), le droit d’utilisation de l’image du musée pour certaines communications de l’entreprise. Ce phénomène est bien plus développé aux Etats-Unis que dans les pays Européens mais, même en Europe, son utilisation se généralise. On peut prendre à titre d’exemple la création d’une visite virtuelle du Louvre grâce à un partenariat avec la marque japonaise Shiseido92. Il convient encore de préciser que ces financements posent certains problèmes de déontologie. Ainsi, le musée Guggenheim de New York a été soupçonné de manque à ses obligations lorsque en 1998, le catalogue de l’exposition « Motorcycles », sponsorisée par BMW, présentait en première page des modèles BMW ; ou encore lorsqu’il a organisé une exposition Giorgio Armani en 2000 en parallèle à un don de cinq millions de dollars au musée par cette 92 http://www.louvre.fr/llv/musee/visite_virtuelle.jsp 38 même marque. Que penser enfin de l’exposition « Sensation : Young British Artists from the Saatchi Collection » organisée au musée d’art de Brooklyn, et qui fut parrainée par Saatchi ; mais aussi par Christie’s qui aurait pu être chargée par ailleurs de vendre une partie de la collection présentée dans l’exposition93. Les troisièmes interlocuteurs des musées sont les fondations. En France, la loi du 23 juillet 1987 relative au développement du mécénat définit la fondation « l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident de l’affectation irrévocable de biens, droits, ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif »94. Il existe plusieurs types de fondations. Cependant, un e caractéristique demeure : les musées ont plus de facilité à se retourner vers les fondations car le mécénat est leur métier. De plus, certaines fondations sont spécialisées dans la culture, donc sont plus accéssibles, et toutes ont des budgets de mécénat important du fait que leur dotation initiale est une base qui doit leur permettre de survivre. Les fondations européennes peinent à rivaliser avec les fondations américaines. En effet, alors que la plus importante fondation européenne a dépensé 788 millions d’euros en 2005-2006, la plus importante fondation américaine disposait d’un budget de 30 milliards de dollars en 2008. Malgré ces atouts incontestables, les fondations peuvent aussi êtres des concurrents pour les musées puisqu’elles peuvent directement s’organiser en fondations-musées comme peuvent l’être la fondation Cartier pour l’art contemporain à Paris ou encore la fondation Pinault à Venise. Le quatrième type d’interlocuteur des institutions muséales sont les particuliers. En effet, ce sont les premiers utilisateurs du musée et ils peuvent, à ce titre se sentir concernés par son devenir et effectuer un don en sa faveur. Cependant il convient de différencier les petits donateurs des gros donateurs. En effet, chacun peut faire un don à un musée mais, alors que certains ne peuvent donner qu’entre 5 et 250 euros, d’autres, à l’image de Walter et Leonore Annenberg peuvent effectuer des dons s’élevant à plusieurs millions d’euros, en l’occurrence un don de 25 millions de dollars au Metropolitan Museum of Art et un autre don de la même somme au Philadelphia Museum of Art entre 2001 et 200495. Ce sont ces dons importants que les musées convoitent pour leur financement. Bien que le phénomène des donateurs particuliers soit plus développé aux Etats-Unis qu’en France – du fait de la non-intervention de la puissance publique dans ce pays – la recherche de ces dons est maintenant très encouragée par les Etats Européens. Les donateurs trouvent bien entendu une contrepartie 93 TOBELEM, 2010. p.61. loi n°87-571, 1987. Art.18. 95 THE ANNENBERG FOUNDATION, 2005. 94 39 dans ces dons. Une contrepartie financière tout d’abord, puisque des aménagements fiscaux sont offerts aux donateurs. Cependant, cela ne suffit pas à expliquer l’engouement pour les dons. Ils permettent aussi aux donateurs de passer dans la postérité. Les Annenberg par exemple ont donné leur nom à un ensemble de galeries au Philadelphia Museum of Art, mais aussi à l’Annenberg School for Communication ou encore l’Annenberg Public Policy Center au sein de l’université de Pennsylvanie. Enfin, des dons importants aux musées entraînent souvent la participation des donateurs aux conseils d’administration des musées et, par là même, leur offrent un accès à de nombreux cercles politiques et économiques dont ils ont besoin. Les dons de particuliers ont de surcroît tendance à augmenter suite à deux phénomènes, tout d’abord l’internationalisation du don et donc l’augmentation des donateurs possiblement intéressés et l’arrivée sur le marché du don de mécènes issus des pays émergents ; ensuite, la concentration du patrimoine qui enrichit les riches qui, par conséquent, ont plus de fonds pour donner. Cette concentration des patrimoines a commencé dès les années 1980, ainsi, alors que les 1% d’américains les plus riches détenaient 22% des richesses nationales en 1979, ils en possédaient 39% en 198996. B- Comment gérer ses financements ? Face à ces différentes sources de financement, les musées ont dû développer de réelles capacités de gestion de leurs ressources. Ces évolutions ont tout d’abord eu lieu aux EtatsUnis avant de toucher depuis environ cinq ans les Super-musées européens. Il convient donc tout d’abord de s’intéresser au cas Américain. La capacité à lever des fonds devient essentielle pour les musées qui entrent dans des phases de levée de fond permanentes. Par conséquent, le profil du conservateur recherché par les musées à changé, il doit être capable d’apporter ses contacts et de consacrer une moitié de son temps de travail à la recherche de fonds. Les stratégies développées par les musées ont principalement été copiées sur les réussites des universités et des hôpitaux américains qui avaient recherché des dans bien avant, tout d’abord parce que leurs besoins étaient bien plus importants, mais aussi parce qu’ils étaient en recherche constante de nouveaux financements alors que les musées n’ont fait que réagir à la diminution de leurs sources de financement traditionnelles. Ces institutions sont aujourd’hui des concurrents pour les musées au même titre que l’ensemble des institutions intervenant dans les secteurs de l’environnement, de l’éducation, de la culture, de la santé, et de l’action sociale. Les musées ont donc été obligés de développer des équipes capables de rivaliser avec tant de concurrents. Enfin, une autre difficulté consiste encore à trouver le bon équilibre entre 96 LE MONDE, 15 mai 2001 40 les dons accordés dans le but de la réalisation d’actions précises, et ceux pouvant être affectés au fonctionnent général du musée – moins attractifs pour les mécènes. Cette situation se transpose petit à petit dans les musées européens. Les modifications concrètes de ces évolutions ont ainsi été la multiplication des « hommes d’argent » dans les conseils d’administration des Musées, autrefois peuplés de scientifiques et d’artistes. Ces nouveaux personnages des musées présentent l’avantage de pouvoir effectuer des dons mais aussi de drainer dans leur sillage des hommes d’affaires qu’ils pourraient convaincre de faire des donations. De plus, comme le rappelle Tobelem97, il est difficile de cibler les mécènes. En effet, une coutume veut qu’un mécène ne finance pas deux musées concurrents. Cette complexité de la recherche de financement a donc ouvert une porte aux professionnels de la recherche de fonds qui ont investi les services des musées. Par conséquent, les musées ont continué à développer cette activité, étant dans l’obligation de faire travailler ces services toute l’année, jusqu’à être en situation de recherche constante. Ainsi, alors qu’avant 1995, le MFA, musée des beaux-arts de Boston, n’avait jamais reçu un don supérieur à un million de dollars, cela s’est produit près de 40 fois avant 200298. Les techniques utilisées sont des techniques de recherche de partenariat classique. Dans un premier temps il convient de ne pas oublier de rappeler les facilités légales qu’auront les particuliers à faire un don et préciser les avantages fiscaux auxquels ils auront droit. Cette étape a vocation à rassurer le client sur l’existence de freins à la donation. Cette nécessité oblige les musées à avoir des équipes de juristes capables de connaître chaque système de don existant et ses caractéristiques légales et fiscales. Une deuxième stratégie est de ne jamais demander de soutien ou d’aide au donateur mais de leur proposer de s’associer à un projet déjà en cours de réalisation et de réussite. Cette solution est plus efficace mais requiert la rédaction d’un business plan complet pour chaque projet rappelant la situation du musée, le cahier des charges du projet, le plan de financement, les retours attendus, etc. Dès lors, les musées doivent employer des équipes capables de rédiger ces documents pour des chefs d’entreprises aguerris. Ensuite, l’institution muséale doit faire un usage intensif du marketing direct, et donc mettre en place des équipes marketing à l’aise avec le e-marketing, l’organisation d’évènements ou encore l’appel aux dons par le biais des médias. Enfin, L’implication, même financière, dans le projet des membres du conseil d’administration et, surtout, du dirigeant du musée sert souvent d’exemple et rassure les investisseurs. 97 98 TOBELEM, 2010. p. 90 The Boston Globe, 15 février 2002 41 Enfin, se met petit à petit en place en Europe une stratégie d’endowment, c'est-à-dire de fonds de dotation. Ces fonds de dotation sont des fonds regroupant certains dons qui sont ensuite placés de manière à produire des intérêts annuels. Le musée se sert alors de ces intérêts pour financer son fonctionnement général. Ces fonds de dotation sont très appréciés par les musées et les investisseurs car ils permettent une certaine pérennisation des activités du musée, le mettant à l’abri du risque de défaut d’un de ses financements habituels et lui permettant de mener des projets pluriannuels. Ils ont aussi comme avantage de rassurer les donateurs sur l’impact à long terme de leur financement. Ce phénomène a cependant entraîné une financiarisation plus importante des musées comme le souligne la volonté du Louvre de « placer sur les marchés financiers l’argent d’Abu Dhabi99. De ce fait, les musées sont obligés de mettre en place des procédures de contrôle et d’évaluation de l’activité de leurs managers. Il a aussi provoqué l’exposition des musées aux risques présents sur les marchés financiers. III - La capitalisation du patrimoine Bien qu’ayant accès à toutes ces sources de financement, les musées expérimentent aujourd’hui de nouvelles solutions pour pouvoir toujours plus se développer. Au cœur de ces nouvelles tentatives est la prise de conscience des musées quant à l’existence chez eux d’un capital jusqu’alors peu exploité : leur patrimoine. Ce patrimoine est principalement divisé en deux éléments clefs, le premier étant le musée en tant que bâtiment, le second étant composé par les œuvres du musée. A- Mettre à profit ses infrastructures Les bâtiments dans lesquels les musées sont installés sont souvent des lieux exceptionnels. Michel Laclotte résume d’ailleurs très bien leur incroyable chance lors de son intervention « L’expansion des musées : constructions, expansions, rénovations » au colloque du Louvre sur l’avenir des musées100. Ces bâtiments sont soit des lieux historiques qui ont été rénovés de manière à y installer les œuvres des musées, soit les ouvrages d’architectes de renom qui ont pu laisser libre cour à leur imagination. Les musées sont en plus des lieux très cotés, composés de très grandes pièces, souvent implantés dans des quartiers appréciés, associés le plus souvent à des bibliothèques et des salles de conférences très reconnues, et emplis des valeurs de culture et de créativité. Ce sont donc des bâtiments exceptionnels et les dirigeants de musées ont très vite compris qu’ils pouvaient en tirer profit. 99 HERTZBERG, 2008 GALARD, 2001. pp.21-51. 100 42 Le premier profit que les musées ont pu tirer a été amené par les entrepreneurs. En effet, ils ont toujours considéré le musée comme un lieu idéal pour implanter une boutique et vendre des produits à dimension artistique, destinés à des populations issues des catégories socioprofessionnelles supérieures. Ce phénomène est aujourd’hui devenu habituel. Ainsi, les musées louent un peu de leur espace à des entrepreneurs qui installent à l’entrée ou à la sortie de la visite, des boutiques en lien thématique avec le musée comme les librairies d’art spécialisées dans la vente des produits dérivés des musées, ou encore des boutiques de design. Le MOMA en est un exemple type puisqu’il dispose d’une librairie, d’une boutique de design et dune boutique mêlant librairie et design101. Cette location apporte des revenus supplémentaires aux musées qui peuvent, par la même occasion, diffuser leurs produits dérivés. Parmi les exemples les plus marquants de ce phénomène est la création en 1993 du Carrousel du Louvre102. Ce carrousel est une véritable galerie marchande accolée aux entrées du Louvre. Il a provoqué quelques scandales en 2009 suite à l’annonce de l’installation d’un magasin Apple (Apple Store) ainsi que de celle d’un McDonald’s dans la galerie. Ce carrousel est sous concession du Louvre depuis 1993 et lui rapporte ainsi des dividendes annuels103. De même, rappelons qu’une boutique de la marque Ladurée a eu le droit de s’installer dans l’enceinte du château de Versailles car, selon Jean-Jacques Aillagon, président du domaine de Versailles, « Le macaron est un symbole de l’excellence française, et les visiteurs de Versailles aiment emporter des souvenirs après leur visite. »104 Les cafétérias, bars, et restaurants sont la deuxième source de profit des musées. Bien que souvent laissés en gérance à des entreprises privées, ils apportent une rente supplémentaire aux musées : location de la salle et souvent billet d’entrée au musée, mais leur donnent surtout un surplus de visibilité. En effet, le fait que ces cafés et restaurants soient dans des salles d’un musée les rend très attractives pour le public. Cette attractivité tient premièrement à l’association directe avec l’identité et les valeurs du musée, mais elle tient aussi au fait que ces cafés sont très souvent situés dans des salles exceptionnelles du musée et offrent très souvent une architecture et une vue hors du commun. Ces lieux attirent au musée des populations qui gravitent autour du monde de la Culture et de l’Art et qui ne viennent parfois au musée que pour boire un verre. Grâce à ces cafés et restaurants le musée devient donc un lieu de passage, un lieu de vie. Il se construit alors une identité plus forte, se rapproche 101 http://www.moma.org/visit/plan/stores http://www.carrouseldulouvre.com/W/do/centre/histoire 103 LOUVRE POUR TOUS, 2009 104 BOMMELAER. 2009 102 43 toujours plus de son public et le fidélise encore d’avantage. La Tate Modern, à Londres, offre un très bon exemple de café et restaurant intégrés à un musée. Située sur les bords de la Tamise, elle dispose ainsi de trois lieux de restauration : un café au rez-de-chaussée, le « Café 2 »105, dont les parois vitrées permettent d’ouvrir le musée sur la verdure des bords de la Tamise, et, en arrière plan, la cathédrale Saint-Paul ; un café intermédiaire au quatrième étage, L’« Espresso Bar », disposant de deux balcons avec vue sur la Tamise ; un restaurant situé au septième et dernier étage, le Tate Modern Restaurant, compté parmi les plus belles vues de Londres par l’Evening Standard106. Ces lieux offrent le plus souvent des produits de qualité très recherchés par les catégories socioprofessionnelles supérieures. La Tate Modern, en plus d’offrir des produits de qualités s’est aussi spécialisée dans le service de vins d’exception107. Ce genre de services risque de se développer, et on voit certains responsables prôner le développement d’hôtels de luxes dans les murs de certains musées-monuments tels le Louvre108. Les Musées ont enfin développé une solution de location de salle. Ils louent ainsi certaines de leurs salles comme leurs salles de restaurant, leurs salles de conférences, leurs amphithéâtres ou parfois même une salle de galerie pour des évènements particuliers. Les clients sont le plus souvent des entreprises mais un particulier peut aussi avoir accès à ces offres. Les musées rentabilisent ainsi en les louant, en soirée principalement, des espaces qui sont fermés à ces horaires. Ces solutions apportent tout d’abord une rente supplémentaire du fait du coût de location et des partenariats noués avec les traiteurs autorisés par le musée. De surcroît, cette mise à disposition n’est souvent possible que si l’entreprise ou le particulier concernés sont adhérents ou donateurs au musée, ainsi, le musée peut effectuer un profit supplémentaire lors de l’adhésion et fidéliser cette clientèle. Nous pouvons citer deux exemples de ce type d’offre. Le Museum Of Contemporary Art (MOCA) de Los Angeles, offre quatre salles à la location109 : une salle de réunion, un auditorium, une salle de réception, et une dépendance. Par ce moyen, le musée couvre tous les besoins de ses clients. Les locations ne sont pas conditionnées à l’adhésion du client. Par contre un prix différent est établi selon que le client en question est une entreprise, un donateur, ou encore une organisation non gouvernementale. Une visite guidée du musée peut-être demandée en supplément. Enfin, seuls les employés du MOCA peuvent intervenir à la réception. Le Royal 105 La description des cafés peut être retrouvée ici : http://www.tate.org.uk/modern/eatanddrink/cafe.htm http://www.tate.org.uk/modern/eatanddrink/restaurant.htm 107 http://www.tate.org.uk/modern/eatanddrink/winelist.htm 108 BOMMELAER. 7 novembre 2009 109 MOCA, 2010. 106 44 Ontario Museum (ROM) de Toronto, quant à lui, a fait le choix d’offrir la possibilité de privatiser un grand nombre de ses salles110. Douze salles différentes peuvent ainsi être louées et combinées par des entreprises ou des particuliers qui devront être adhérents au musée. Les clients n’ont pas obligation de choisir les employés du musée mais peuvent choisir parmi une liste de traiteurs partenaires. B- Monétiser ses collections La seconde dimension de leur patrimoine que les musées ont appréhendée comme une possible source de profit a concerné leurs collections. En effet, comme l’explique Martin Shubik, en 1991 : « Great flow of art into museums since the end of the 19th century may have stop because the supply of important art (by dead artists) in the hand of private collectors has been virtually exhausted »111. Cette raréfaction des œuvres en circulation a entraîné une augmentation exponentielle de leur valeur sur le marché de l’art. Dès lors, les musées ont rencontré d’importantes difficultés à acquérir les œuvres qu’ils souhaitaient. Au même moment, les musées se sont retrouvés face à un problème de place. En effet, à force d’emmagasiner les œuvres, les musées sont arrivés à une situation où ils ne trouvaient plus de place ni pour les exposer ni pour les stocker en réserve. Ces évènements ont de plus coïncidé avec la mise en place de politiques économiques poussant les musées à rechercher l’équilibre budgétaire. Ainsi, les dirigeants de musées on commencé à réfléchir à la possibilité de céder, échanger, ou vendre les œuvres de leur collection qu’ils considéraient comme mineures pour pouvoir en acquérir des majeures ou pour pouvoir financer des projets qu’ils jugeaient plus important. Richard Oldenburg, alors directeur du MOMA, expliquait d’ailleurs en 1991 que « Today museums feel compelled to sell art to private buyers in order to raise enouth money to be able to purchase high quality art from private sellers »112 Les musées ont donc fortement investi les ventes d’art. Les ventes d’œuvres de musées chez Christie’s sont passées de 228 lots pour l’année 1984-1985 à 1284 lots pour l’année 1988-1989, et les bénéfices de ses ventes respectivement de moins de 4 millions de dollars à plus de 29 millions de dollars113. Ce phénomène a alors développé chez les conservateurs des musées la crainte de voir certains d’entre eux privilégier l’équilibre budgétaire et certains projets à la qualité de leur collection et, par là même, d’assister impuissant à la dilapidation du patrimoine du public 110 ROM, 2010 FELDSTEIN, 1991. 112 Ibid. p.32 113 Ibid. p.46 111 45 dans des collections privées. Ainsi Oldenburg nous rappelle que « a critical issue of deaccessioning is whether the work of art remains in the public domain or returns in private hands »114. Il souligne d’ailleurs que, bien que dans le passé les musées commerçaient entre eux pour pouvoir s’accorder sur des prix convenables, leur besoin d’argent affaiblissait cette pratique. De plus, ce débat ne s’est pas uniquement concentré sur les musées privés comme on pourrait le penser mais sur l’intégralité des institutions muséales comme le révèlent les préoccupations d’Oldenburg qui prône, lui, une gestion privée des musées : « Private trustees might wrongly choose to sell art for their own instiution’s operating expenses. However, local governments could find it extremely convenient to build a new hospital out of the collection and see nothing wrong about it »115. Face à ces craintes, il convient d’examiner la question de l’inaliénabilité des œuvres qui diffère entre les pays. Les situations d’inaliénabilité des œuvres se résument à un libre choix des pays entre la situation française et la situation américaine. En France, le principe d’inaliénabilité des œuvres possédées par des personnes privées est régi par la loi du 31 décembre 1913 tandis que c’est l’article 68 du Code du domaine de l’Etat qui le régit pour celles possédées par l’Etat. Cette inaliénabilité est incontestable et rien ne peut, en théorie, la contourner. Malgré tout, on notera que l’utilisation d’un prêt à long terme a parfois pu s’apparenter à un don ad vitam eternam de même de rappeler qu’un projet de loi en 1993 tentait de réformer ce système pour permettre aux musées une gestion plus dynamique de leurs collections116. Les musées américains n’obéissent à aucune règle en matière de « deaccessioning ». Ils sont totalement libres de vendre des parties de leurs collections et la seule chose qui pourrait les contraindre à ne pas vendre une œuvre serait la pression publique. Les exemples de vente d’œuvres se multiplient donc et le MET qui semblait pourtant très conservateur sur ce point a effectué ses premières ventes en 2006117. Cependant, certaines voix s’élèvent contre ces évolutions comme par exemple un projet de loi visant, en 2009, à réguler les reventes d’œuvres sur l’Etat de New-York118. Entre ces deux extrêmes, l’Espagne et l’Italie ont mis en place une législation assurant l’inaliénabilité des œuvres sous certaines conditions. En Espagne par exemple seuls les biens déclarés d’intérêt culturel par une loi et directement propriété de l’Etat sont inaliénables, ce n’est donc pas le cas si une œuvre a été 114 FELDSTEIN, 1991. p.32 Ibid. 116 GALARD, 2001. p.255 117 RYKNER. 2006 118 MAROZEAU. 2009 115 46 achetée par une communauté autonome par exemple119. L’Allemagne et l’Angleterre n’ont eux aucune norme concernant ce sujet. Cependant, ces pays tendent à éviter ces aliénations d’œuvres, notamment en cas de sortie du territoire national120. Bien que ces règles soient actuellement en vigueur, il convient de rappeler que les pays tendent à aligner leur encadrement des musées sur celui des musées américains. Ainsi, certains gouvernements européens on déjà mené des expériences à cet effet. Dès la fin des années 1980, John Hale nous rappelle : « In England, the government encouraged museums and galleries to support their operations by selling art. (…) This lead to a political backlash. (…) The Advisory Committee to the Government Art Collection in Britain had unanimously decided not to sell their excess art but to explore the possibility of permanent loans to other institutions in Britain »121. Pour trouver d’autres moyens de capitaliser sur leurs collections sans pour autant les vendre, les musées ont essayé de développer des solutions de substitution. La première d’entre elles est une solution très ancienne qui est celle du prêt d’œuvres à d’autres musées. Ces prêts permettent notamment à certains musées, comme nous le verrons plus tard, de commencer à exposer sans avoir eu le temps de constituer de collection propre. Cependant ils permettent aussi la création d’expositions et, notamment, d’expositions itinérantes qui rapporteront au musée. Ce prêt d’œuvres à d’autres musées pose cependant quelques problèmes en plus des habituels problèmes de conservation et de transport des œuvres. Dane Wood souligne notamment un problème de concurrence latente entre musées : « If museums make too much money using art loaned by other museums, those museums will demand that top-quality art be loaned in return »122. Dès lors, la viabilité d’un tel mode de fonctionnement semble réduite. Une autre solution avait été explorée, celle de louer des œuvres d’art non exposées à des grandes entreprises, des banques, des cabinets d’avocats, etc. John Walsh, évoque à ce titre l’expérience ratée du musée des Beaux-arts de Boston123. Le musée avait mis en place ce système qui s’était avéré très rentable malgré la contestation de certains conservateurs, d’autant pus qu’un grand nombre d’entreprises ont ainsi été convaincue de devenir donatrices. Cependant, ces allers-retours de tableaux ont entraîné une augmentation des coûts de conservation et, par conséquent, un prêt de tableaux de valeur moins importante alors que, dans le même temps, les entreprises conquises par le principe souhaitaient accueillir 119 GALARD. 2001. p.256 Ibid. p.258 121 Feldstein. 1991. p. 24. 122 Ibid. p.87 123 Ibid. p.89 120 47 des tableaux de plus grande valeur. Cette divergence de point vue a ainsi partiellement causé la fin de l’opération. Les musées aujourd’hui se trouvent donc dans une situation telle que la décrivait Richard Rosett en 1991, « It’s a mistake simply to rope into the notion of a museum’s mission the question of whether it should ever charge for a very popular exhibition. Rather, museum directors must realize that whatever their mission is, it cannot be achieved unless the streams of revenue and the stream of expenditures have a set relationship to each other »124. Bien que cette situation soit atténuée par l’aide publique en Europe, les musées sont aujourd’hui tous confrontés à ces problèmes. Pour assurer l’équilibre de leur budget, les musées sont devenus des institutions à la recherche de financement, que ce soit par le don ou l’utilisation de leur patrimoine, chacun essaie d’inventer un modèle économique idéal et d’attirer le plus d’investisseurs possible. Dans cette recherche de public et de mécènes, le musée a su se trouver un allié de poids, le marketing. Il convient ainsi de s’intéresser à la manière dont un outil entrepreneurial a été incorporé dans le fonctionnement quotidien du musée. 124 Ibid. p. 89 48 Section 2 - Le marketing comme outil Le marketing a longtemps été honni du monde des musées. En effet, il apparaissait aux yeux des conservateurs comme un instrument utilisé par la grande consommation pour manipuler le consommateur. Cependant, la définition d’une logique plus entrepreneuriale et la nécessité de trouver des solutions permettant aux musées d’accomplir leur rôle de médiation culturelle ont poussé leurs responsables à revoir cette position. Il convient là encore de noter l’avance prise dans ce domaine par les musées américains, moins réfractaires au monde de l’entreprise. Bien que le marketing ait d’abord été intégré de manière directe par les gestionnaires de musée, il a connu des évolutions dans sa pratique de manière à l’adapter aux spécificités de l’institution muséale. I - Le besoin de connaître son public Le rôle politique conféré au musée depuis les années 1980 l’a obligé à s’intéresser plus à son public. En effet, alors que c’était préalablement la collection qui était au centre du musée, et que l’évaluation de ce dernier se faisait sur ses compétences scientifiques et la valeur de ses expositions, les besoins de démocratisation de la culture ont replacé le public au centre du musée. Ce phénomène a longtemps été critiqué de peur que le musée ne s’intéresse qu’à des objectifs d’accroissement sans fin du nombre de visiteurs et, par là même, pour la mauvaise utilisation d’un marketing « de masse » qu’il aurait pu faire. Les premiers intervenants dans ce domaine ont d’ailleurs souvent appliqué directement les concepts du marketing mis en place dans les entreprises de produits de grande consommation. Les relatifs échecs de ces politiques et le massif rejet qu’elles entraînaient de la part des conservateurs ont cependant poussé les équipes gestionnaires à développer des outils marketing plus axés sur les besoins du musée. Ainsi, le musée a surtout besoin d’attirer un public qualitatif. Il ne recherche pas « le plus possible » de visiteurs mais que chacun puisse se retrouver dans ses choix. Cette différence fait rentrer l’étude marketing au centre de la stratégie du musée. Alors que l’étude marketing n’est généralement que le nécessaire préalable, le guide de la mise en place d’un marketing-mix, les musées ont perçu son intérêt pour connaître les publics et se la sont appropriée. Les musées n’ont traditionnellement que très peu d’informations concernant leur public. Ainsi, seule la billetterie peut donner quelques indices : le nombre de visiteurs est comptabilisé tous les jours et une répartition des visiteurs peut-être faite selon la tarification demandée (tarif plein, tarif réduit, tarif de groupe, gratuité) dont les motifs de demande sont parfois enregistrés (étudiant, retraité, enseignant, demandeur d’emploi, etc.). De même, une répartition peut-être effectuée selon les modalités de visite demandées (collection 49 permanente, expositions temporaires, ensemble du musée, etc.). Or, ces données demeurent très rudimentaires et ne permettent pas d’appréhender les visiteurs de manière qualitative. II - Etudier le public Christine Petr, maître de conférence en marketing à l’IGR-IAE de Rennes et chercheuse au CREM, définit plusieurs méthodes que les musées peuvent utiliser afin d’organiser des études leur permettant d’approfondir leur connaissance du public125. Elle recommande tout d’abord de se référer à l’existant. Cela consiste en effectuer un benchmarking afin de se renseigner sur les pratiques de ses concurrents, qui nous renseigneront sur leur connaissance du public ; faire de la recherche documentaire pour trouver les études statistiques et rapports publiés sur la thématique recherchée ; s’abonner à des panels, échantillons de consommateurs ou spectateurs interrogés de manières régulière sur divers sujets ; et consulter les baromètres et observatoires pour lesquels le sujet d’enquête est toujours stable et le panel évolue. Le but de cette première phase est de s’informer à moindre frais. Ces solutions permettent en effet au musée de ne lire que les résultats d’études menées par d’autres. Le plus difficile est alors de trouver les données qui concernent le musée. Cependant, comme nousl’avons déjà évoqué, l’existence de revues scientifiques spécialisées (The International Journal of Museum Management and Curatorship, Museum News, Culture et Musées, etc.), et d’institutions référentes (ICOM, AAMD, RMN, etc.), permettent d’orienter le musée vers des sources d’information sûres. Néanmoins cette prise d’information constitue souvent pour le responsable du musée soit une base de travail lui permettant de construire sa propre étude, soit un moyen de se maintenir au fait des évolutions pour compléter une récente étude qu’il a menée. Selon l’universitaire, le responsable de musée ne doit donc pas hésiter à mener une étude approfondie de son public. Bien que coûteuse, cette solution s’avère nécessaire pour personnaliser les informations recueillies lors de la phase de prise de renseignements, et prendre en compte les spécificités de son musée. Elle décrit à ce titre quatre types d’études différents entre lesquels le responsable de musée devra choisir selon le type d’information qu’il recherche126. La première de ces techniques est le questionnaire. Il consiste en un questionnaire, offrant souvent des réponses à choix multiple, présenté aux visiteurs en fin de sortie ou sur les sites Internet des musées. Il permet de toucher un grand nombre de personnes rapidement car il ne demande pas d’aide pour être rempli. Le questionnaire est un outil usuel et très largement 125 126 BOURGEON-RENAULT et al. 2009 Cf. annexe 4 50 répandu. Cependant, le choix des questions présentées au public et la connaissance de l’échantillon sont cruciaux dans la mesure où chacun doit pouvoir comprendre les questions et se retrouver dans les réponses à choix multiple, et dans la mesure où les questions ne peuvent être reposées une fois que le questionnaire est rempli –bien souvent anonymement. Une deuxième solution est offerte par l’entretien. L’entretien peut-être réalisé individuellement ou par groupe, selon l’importance du fait social dans ce que l’on étudie. Ces deux types d’entretiens sont cependant perçus comme complémentaires et souvent combinés. Concernant l’entretien, ce sont souvent l’échantillonnage et les phrases d’introduction des entretiens qui le rendent productif et révélateur. Un troisième type d’étude est constitué par l’observation des comportements. Cette solution permet de s’assurer que les réponses ne seront pas biaisées par les comportements sociaux des sujets d’étude. Cependant, elle ne permet pas d’approfondir qualitativement la réponse. Deux types d’observations peuvent être réalisés : l’observation sans hypothèses préalable, qui consiste alors en une simple observation des faits et gestes du public, ou l’observation dont la liste des comportements à observer est formalisée, qui consiste alors en une analyse quantitative de chaque phénomène notifié. L’analyse de comportement permet aussi souvent de contrôler l’efficacité de nouvelles solutions mises en place dans le musée. Enfin, la chercheuse nous propose un dernier type d’étude, les mesures psychophysiologiques. Cette étude a pour but de mesurer le ressenti des visiteurs lors de l’expérience de visite à l’aide d’appareils (mesure de l’ouverture de la pupille, enregistrement des pulsations cardiaques, etc.). Bien que les freins logistiques et financiers à ce type d’étude soient nombreux, il présente des potentiels d’études très intéressants. L’étude des publics a longtemps semblé trop coûteuse aux responsables de musées en comparaison de l’apport qu’elle engendrait. Cependant, en réévaluant l’importance du public, ces apports sont devenus plus importants. Chaque musée mène aujourd’hui et régulièrement des études et il arrive souvent au visiteur d’être interrogé à ce sujet. Dès lors, il convient que chaque responsable décide des thèmes et modalités des études qu’il mène afin de toujours mieux connaître son public et, ainsi, pouvoir s’adapter aux attentes qu’il exprime. III - Répondre aux attentes du public ? Suite à la réalisation de ces études, une question se pose quant à la manière dont elles doivent être utilisées. Elles doivent tout d’abord faire l’objet d’une publication. La question suivante est : doivent-elles uniquement servir d’étalon représentant le public à un temps défini, ou doivent-elles permettre au musée de faire évoluer sa relation au public ? Incluses dans un cheminement marketing, elles devraient donner naissance à une stratégie qui 51 s’implémenterait ensuite à tous les niveaux de l’institution muséale. Cependant, le musée a ses spécificités et notamment le fait que le marketing n’est pas principalement axé sur la demande mais sur l’offre ; en d’autres termes, la qualité et l’intérêt scientifique d’une exposition passe avant la satisfaction du public. Cette vision semble archétypale et désuète aujourd’hui, et il convient de reformuler son objectif selon l’idée qu’on construit une collection que l’on propose au public en essayant de lui donner envie d’aller la rencontrer au lieu de construire une exposition directement en fonction des demandes du public127. Cette vision est bien sûr traitée à des degrés divers selon les musées. Cependant, les responsables d’établissement continuent à avoir peur du marketing et l’utilisent très peu, croyant justement que ceci les emmènerait à obéir à la demande. Ainsi, jusqu’à récemment, très peu de musées développaient de réels plans marketing à l’issue d’une étude. La majorité d’entre eux ne se servait en effet de ces études que pour aider les plans de communication, les nongestionnaires confondant encore trop souvent marketing et communication128. Ce phénomène a évolué grandement en Amérique du Nord et semble évoluer maintenant en Europe. Enfin, une dernière interrogation quant à l’efficacité des plans marketing est due au fait que les visiteurs sont peu sensibilisés aux problématiques de la démarche culturelle. Ils n’ont pas de référents pour comparer le musée et presque aucune connaissance en termes de technique muséographique. Dès lors, ce sont avant tout l’adhésion du public au projet défendu par l’institution et la sensation de celui-ci pendant la visite qui décidera de sa satisfaction. Autrement dit, les motifs de satisfaction du public ne semblent pas concrètement matérialisés. Il n’en demeure pas moins que ces études peuvent servir de support pour comprendre ces sensations et apporter ainsi une réponse positive à certains besoins des visiteurs. Dominique Bourgeon-Renault décrit à ce titre les différents points du marketing mix muséal129. Elle conseille de travailler à la fois sur l’offre, c'est-à-dire le produit, puis sur sa valorisation. Concernant le produit, elle détermine trois nécessités clefs : maintenir l’aura de l’œuvre, travailler sur l’espace et développer les services d’aide à la visite. Le premier travail marketing est donc le maintien de l’aura de l’œuvre par sa conservation et la publication de travaux scientifiques à son sujet, rôle central du musée. Ce travail est rapidement complété par le besoin de travailler sur l’espace autour de l’œuvre, c'est-à-dire l’architecture interne et externe du bâtiment et des galeries. L’universitaire rappelle ainsi l’importance joué par les architectes de renom comme Jean Nouvel, architecte du prochain Louvre Abu Dhabi ou 127 TOBELEM. 2010. p. 236 BEALAC, COLBERT, DUHAIME. 1991. 129 BOURGEON-RENAULT et al. 2009. pp.195-210 128 52 encore Frank Gehry, architecte du Guggenheim Bilbao et futur architecte du Guggenheim Abu Dhabi, dans ses projets. La beauté des bâtiments et la fluidité des espaces intérieurs sont ainsi des éléments clefs qui renforcent la sensation, l’expérience du visiteur. La dernière action dans le travail sur le produit est l’animation de la visite par des services associés. Ces services sont multiples ; on peut par exemple citer les services d’aide à la visite comme les audio guides, les services d’accueil, la proximité de services commerciaux ou de services culturels complémentaires, etc. L’auteur cite à titre d’exemple la réussite des modèles de médiation des musées québécois ou encore le rôle joué par la dimension d’edutainment essentielle dans les musées américains et australiens130. Ces services participent au sentiment du visiteur de vivre une expérience totalement déconnectée de sa réalité et lui permet de mieux appréhender l’œuvre. Le produit n’est dès lors plus un tableau, ni une exposition, mais une exposition composée de tableaux dans un lieu magique où la visite est agréable et où l’accueil et les services associés font se sentir dans un royaume de la culture. La deuxième part du travail marketing est la valorisation du produit. Cette valorisation se fait par trois axes : la communication, la maîtrise des réseaux, et la stratégie de prix. La communication, premier axe de développement, est essentielle au musée. En effet, elle permet tout d’abord d’attirer et de conquérir des publics grâce aux relations-presse, à l’organisation d’évènements, ou encore à la publicité et au e-marketing –pour l’instant très peu utilisés en Europe malgré des résultats probants. La communication permet aussi dans un deuxième temps de fidéliser les publics par la mise en place d’un marketing direct avec les visiteurs et d’outils de communications adressés plus spécifiquement aux partenaires ou financeurs du musée. Dans un deuxième temps, la maîtrise des réseaux de distribution de son image est nécessaire au musée. En effet, pour que ses communications aient un impact, il faut qu’elles soient diffusées et regardées par les bonnes personnes. Connaître les institutions auxquelles s’adresser, exister sur les bons sites internet sont des éléments qui ne peuvent être négligés aujourd’hui. Enfin, et comme nous l’avons déjà vu, les stratégies de prix permettent au musée d’être attractif pour chaque type de public visé. La stratégie de prix peut aussi être la mise en place de périodes de gratuité ou encore l’attribution de tarifications particulières à l’« offre périphérique » (expositions temporaires exclues de l’offre centrale, conférences, visites guidées, médiathèque, produits dérivés, ou encore location de salle). 130 Ibid. p.199 53 Les musées tendent à développer toujours plus leur stratégie marketing, non pour créer un musée répondant aux demandes des consommateurs mais pour attirer un public plus représentatif et plus développé vers la culture. La mise en place de telles stratégies nécessite des investissements importants et des équipes spécialisées complexifiant encore la gestion des ressources financières et humaines au sein de l’institution muséale. Section 3 - Une gestion professionnalisée La recherche de financement, l’utilisation d’outils marketing, comme la mise en place de stratégies globales ont entraîné l’apparition dans les musées de nouveaux métiers. C’est le cas par exemple des responsables des publics, directeurs de la communication, ou encore régisseurs des œuvres. Le musée, dans son mode de fonctionnement originel, quasi associatif, ne permettait pas à une lourde structure de fonctionner efficacement. Il a ainsi fallu faire évoluer les modes de fonctionnement et développer une nouvelle fonction au sein des musées : la gestion des ressources humaines. I - Professionnaliser la gestion du musée A- Assurer la formation des employés Le premier point essentiel auquel les services de gestion des ressources humaines se sont attelés dès leur création, est de développer la formation au sein de l’institution. Ce point est devenu important pour deux raisons. La première de ces raisons est la présence d’un grand nombre de bénévoles au sein des musées. Ces bénévoles sont d’un grand secours au musée car même s’ils ne travaillent pas à temps plein dans l’institution, ils permettent à celle-ci d’effectuer des économies clefs en temps de réduction budgétaire. Tobelem révèle à ce titre qu’en 1994, le nombre de bénévoles dans les musées était deux fois et demie plus important que le nombre de leurs employés131. Ce ratio, et le rôle joué par les bénévoles dans les musées, est moindre dans les musées européens du fait du soutien financier apporté par les institutions politiques qui permettait de se tourner vers des professionnels. Cependant, avec la réduction des budgets d’une majorité d’entre eux, tout porte à croire qu’ils se tourneront vers cette ressource économique. L’inconvénient majeur des bénévoles étant leur inexpérience et leur manque de qualification, les musées ont dû développer des programmes de formation de manière à les « professionnaliser » et les légitimer face aux professionnels. On peut citer à ce titre l’expérience du Oakland Museum of California qui permet à ses bénévoles de suivre un réel programme de formation par le biais de conférences mensuelles, de voyages d’études, 131 Ibid. p.134 54 d’un semestre de cours et de deux semestres dans les galeries du musée de manière à leur donner l’expertise dont ils ont besoin. La deuxième raison nécessitant une formation provient des lacunes des formations initiales. En effet, les actuels professionnels exerçant des responsabilités dans les institutions muséales n’ont jamais été formés aux métiers que les évolutions récentes les obligent à exercer. Ils ont donc besoin d’un suivi leur permettant d’appréhender ces nouvelles missions et de développer les compétences nécessaires. Même de nos jours, les enseignements universitaires permettant d’acquérir les compétences pour travailler dans un musée sont souvent orientés sur un seul domaine de compétence. Ainsi, soit les étudiants sont formés à exercer des tâches de conservation, soit ils sont formés à exercer des tâches de gestion. Bien que cette séparation soit compréhensible, les métiers exercés par les employés de musée nécessitent cette double compétence. De plus, bien que les universités s’attachent à progresser sur ce point, l’évolution actuelle des musées rend souvent ces formations très rapidement obsolètes. Un complément de formation est donc essentiel. B- Une organisation complexe Alors que les tâches traditionnellement exercées dans les musées étaient suffisamment simples pour pouvoir être placées sous la responsabilité d’une poignée d’hommes, les besoins des récentes institutions muséales ont fortement complexifié leur organisation. Les musées ont dû créer un nombre diversifié de services de manière à pouvoir remplir chaque tâche relevant de leur activité. Ces activités peuvent être divisées en trois grands domaines de compétences : l’administration générale, la conservation et les collections, et l’activité commerciale et de service. Le musée du Louvre est ainsi composé de 11 directions, et 9 départements132. Cette augmentation exponentielle du nombre de services dans les musées a renforcé le rôle du management et des ressources humaines dans ces institutions. Dès lors, ils ont dû développer des équipes en charge de chaque activité et construire un système hiérarchique complexe. Les services de ressources humaines ont alors mis en place des éléments complexes de contrôle et d’évaluation des politiques implémentées. Enfin, ils ont joué un rôle essentiel dans le travail de réconciliation des équipes d’administration et de conservation. 132 Cf. Annexe 5 55 II - Conservateurs vs administrateurs Les musées sont souvent le lieu d’affrontements entre conservateurs et administrateurs. Alors qu’on penserait que ces équipes travaillent en binôme, elles sont régulièrement accusées de travailler séparément. L’institution est-elle alors organisée pour permettre le travail en binôme ou est-elle une organisation bicéphale où chaque service travaille de manière séparée ? La réponse à cette interrogation se situe dans les liens construits entre conservateurs et administrateurs. Le conservateur est le cœur traditionnel du musée. Cet employé exerce « des responsabilités scientifiques et techniques visant à étudier, classer, conserver, entretenir, enrichir, mettre en valeur et faire connaître le patrimoine »133. Il est ainsi en charge de la qualité de la collection permanente et des expositions organisées par le musée. Il est également responsable des travaux scientifiques et des publications réalisés par le musée. Les conservateurs ont donc une formation scientifique et sont des spécialistes de l’histoire de l’art. Ils exercent leur métier soit pour le compte d’un musée, soit en freelance, cela signifie qu’ils organisent des expositions qu’ils vendent ensuite aux musées. Enfin, le conservateur occupe souvent la place de chef d’établissement du musée. L’administrateur, lui, a fait son apparition dans le musée dans une période plus récente. Son rôle dans le musée est devenu essentiel suite au développement des activités de gestion au sein des musées. Formé aux sciences de gestion, il assure toutes les tâches administratives au sein de l’institution muséale. Il seconde le conservateur général du musée pour lui permettre de jouer son rôle de chef d’établissement. La relation entre conservateurs et administrateurs semble souvent compliquée. Alors que l’administrateur est supposé être une aide conséquente pour le conservateur, celui-ci le prend souvent pour un concurrent direct. Selon certains conservateurs « Les secrétaires généraux constituent un écran vis-à-vis des élus, c’est une catastrophe ; ils essaient de prendre le pouvoir »134. Cette sensation est souvent renforcée par la place des administrateurs qui sont en charge des dimensions juridiques, budgétaires, politiques de l’institution muséale. En effet, il est au courant des usages, techniques, codes, en jeu dans chacun de ces domaines alors que le conservateur y est totalement étranger. Ainsi, la tradition veut que ces administrateurs soient toujours placés sous la coupe du conservateur – chef d’établissement. De cette manière, il peut assurer le leadership sur le positionnement du futur tout en contrôlant le travail 133 134 TOBELEM. 2010. p.109. Ibid. p.117 56 qu’effectue l’administrateur pour lui. Une bonne entente entre le conservateur en chef et l’administrateur en chef est essentielle au bon fonctionnement de l’institution car son organisation nécessite que tous deux aillent dans la même direction et que le binôme permette de concilier le bicéphalisme créé par la séparation entre directions et départements. III - Le rôle majeur du directeur Le directeur est le plus souvent un conservateur. Ce choix est issu de la tradition. Cependant, la complexité de l’environnement des musées a nécessité l’accession au pouvoir dans certains musées de gestionnaires. Les chefs d’établissement doivent en effet assumer des responsabilités croissantes au sein des institutions et le besoin de compétences en termes de management ou de mise en place de stratégie d’entreprise ne colle pas avec la formation reçue par les conservateurs. Ce sont souvent les institutions les plus grandes, et donc les plus complexes à administrer, qui sont dirigées par des « non-conservateurs » comme le musée du quai Branly, le centre Georges Pompidou, ou encore le château de Versailles. Ainsi, il semblerait que cette tradition s’efface au profit de l’homme le plus efficace : « Conservateur, directeur, ça n’est pas le problème. Il faut des compétences de conservateur et des compétences de directeur, ça peut-être la même personne. Ce qui compte c’est l’efficacité »135. Ainsi le directeur doit être doté d’un grand nombre de compétences. Il doit tout d’abord jouer un grand rôle en interne dans la mesure où il est le leader du musée. Il est ainsi dans l’obligation d’imprimer une stratégie de développement du musée à long terme qui implique à la fois des connaissances scientifiques et des connaissances de gestion. Dans le même temps, il doit être en mesure d’assurer la cohésion au sein du musée et de permettre le travail de chaque équipe. Il doit donc avoir des compétences de management très développées. Le rôle du directeur ne s’arrête cependant pas à un rôle interne. Son rôle externe est tout aussi, voire plus important pour l’institution. En effet, le directeur doit être capable, par ses capacités de communicant et de négociateur, de se rapprocher des mécènes, partenaires et institutions politiques de manière à défendre le statut et le développement de l’institution au sein de la société. Posséder l’ensemble de ces qualités est très rare, d’autant plus que les directeurs arrivent souvent au moment où les musées doivent affronter des conditions de crise sur le marché. 135 TOBELEM. 2010. p.125. 57 Certains directeurs sont devenus des exemples de réussite souvent cités. C’est par exemple le cas de Glenn Lowry qui dirige le MOMA depuis 1995 et avait, préalablement, permis à l’Art Gallery de Totonto dont il était le directeur, de collecter plus de 58 millions de dollars, sauvant ainsi le musée de la faillite. Tobelem souligne cependant un élément très important pour les directeurs de musées. Ainsi, il semblerait qu’un « bon directeur » n’existe pas mais que, pour que l’expérience d’un directeur soit considérée comme une réussite, le directeur doive bénéficier de la bonne combinaison de facteurs. L’auteur avance à ce titre trois critères. Le premier de ces critères est la réussite du directeur comme « entrepreneur culturel ». Cette expression signifie que le directeur doit posséder les qualités nécessaires pour comprendre le fonctionnement d’un musée. Ce sont donc ces qualités intrinsèques qui sont en jeu. Le deuxième critère est la facilité à appréhender le contexte et à en tirer les bonnes décisions stratégiques. Selon l’auteur, les directeurs de musées se trouveraient très facilement sur la sellette lorsque le musée changerait de situation. Ainsi, quand bien même un directeur aurait sauvé un musée en redressant ses finances, l’arrivée de celui-ci dans une situation de faste serait une menace pour le directeur qui n’aurait pas été habitué et donc préparé à diriger en ce sens 136. Enfin, le dernier critère est la cohérence entre le directeur et son musée. Ainsi, il convient de recruter un directeur qui ait démontré des passions et des valeurs similaires à celle du musée. En effet, le contraire ferait prendre de gros risques au musée. Comme nous venons de le voir dans cette partie, l’environnement des musées s’est considérablement modifié au cours des trente dernières années. Le musée a ainsi été contraint d’assumer sa responsabilité dans de nouvelles missions sociales et économiques mais aussi s’adapter à de nouveaux publics à la recherche de l’ « expérience ». Face à ces modifications, le musée a mis en place des solutions de financement, de commercialisation de ses produits, ou encore de gestion de ses ressources humaines. Ces solutions sont le plus souvent le fruit d’ajustements au coup par coup. Cependant, le musée est arrivé à une masse critique où simplement adopter les bonnes réactions à l’environnement ne suffit plus et où il ressent la nécessité de stratégies à long terme. En les déduisant de notre développement principal et en étayant les observations théoriques au sein d’études de cas, il convient maintenant d’analyser ces stratégies. 136 TOBELEM. 2010. P129. 58 DEUXIÈME PARTIE - LES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT DES SUPER-MUSÉES Comme nous venons de le souligner, les évolutions qui ont bouleversé la place des musées, ont entrainé d’importantes mutation de leur structure et de leur mode de gestion, jusqu’à les transformer en musées entrepreneuriaux. Cette masse critique, que les grandes institutions muséales ont atteinte, leur a donné l’obligation de s’organiser efficacement mais aussi les moyens de construire de réelles stratégies de développement à long terme. Comprendre ces stratégies permet d’appréhender le musée tel qu’il sera dans dix ou vingt ans. Au cours de cette analyse, nous différencieront trois stratégies majeures qui émergent de notre développement : les stratégies d’expansion, les stratégies d’attraction, et les stratégies de communion. Pour chacun de ces axes il conviendra tout d’abord de décrire le principe de fonctionnement théorique, les moyens mis en œuvre par le musée et les objectifs qu’il poursuit ; puis de les expliciter par l’évocation de cas représentatifs. CHAPITRE 1 - LE DÉVELOPPEMENT PAR L’EXPANSION L’expansion est une des stratégies les plus anciennes des musées. Cette stratégie relève d’une logique de développement basique. Lorsqu’on veut se développer, on essaie de grandir. Elle prend cependant un grand nombre de formes qu’il convient d’étudier dans une première partie. Dans une deuxième partie, nous prendrons comme exemple d’évolutions possibles le musée Guggenheim, dont le Guggenheim Bilbao est considéré comme une référence en matière d’expansion. Enfin, nous travaillerons le cas du Louvre pour apporter de nouvelles dimensions à cette stratégie. Section 1 - Les stratégies expansionnistes Les choix de stratégies expansionnistes dans les musées correspondent à des logiques très simples mais ces stratégies peuvent aujourd’hui se développer de manière très diverse. Ce phénomène est d’ailleurs accentué par le fait que tous les Super-musées ont déjà implémenté de telles stratégies. Ainsi, afin de bien saisir l’ampleur de ces stratégies il est important d’examiner en premier lieu leurs justifications avant d’en explorer les différentes possibilités. I - Pourquoi une telle stratégie ? Les justifications des stratégies d’entreprises se trouvent le plus souvent dans le fait qu’elles permettent d’une manière ou d’une autre au musée de remplir les missions qui lui 59 sont assignées. Dès lors, la solution la plus aisée pour rappeler ces raisons reste de les classer au sein des missions auxquelles elles sont rattachées. A- Répondre à la mission scientifique et pédagogique du musée La mission scientifique et pédagogique du musée est sa mission principale. Cela signifie qu’aucun crédit n’est donné à l’institution muséale si elle ne justifie pas de son apport dans cette mission. La politique d’expansion s’insère dans cette mission car elle remplit une mission de meilleure conservation et diffusion de ses œuvres. En effet, avant les années 1990, la relative inexistence d’un marché de l’art a permis aux musées d’acquérir des œuvres pour des prix raisonnables. Les Super-musées ont ainsi bâti des collections immenses. Ce phénomène est d’autant plus important en Europe où les musées ont été dépositaires des collections de l’Etat bénéficiant largement de l’aide de ce dernier pour se porter acquéreur des œuvres les plus intéressantes. Cependant, un problème se pose à ces musées depuis le début des années 1990 : les artistes ont continué à produire des œuvres que les musées achètent régulièrement pour exposition mais, dans le même temps, les règles d’inaliénabilité du patrimoine et la volonté des musées de conserver leurs acquisitions les ont amenés à avoir plus d’œuvres que d’espace d’exposition. Cette situation à faible échelle permettrait au musée d’effectuer un roulement entre ses œuvres pour permettre à certaines d’être restaurées ou étudiées. Cependant, ce problème se pose aujourd’hui à grande échelle pour des musées à qui l’on reproche de stocker dans de mauvaises conditions des trésors oubliés. L’expansion assure ainsi au musée un espace d’exposition plus grand et lui permet donc de présenter une plus grande partie de sa collection permanente. Les nouvelles œuvres exposées seraient ainsi mieux conservées que dans une réserve et mise à la disposition du public. B- Répondre à la mission politique du musée L’expansion d’un musée peut lui permettre d’intégrer dans ses activités habituelles de nouvelles activités plus en accord avec sa destinée de centre culturel. Ainsi, au lieu de favoriser les espaces d’exposition, les musées pourraient augmenter leur taille de manière à accueillir un cinéma ou une salle de conférence et s’inscrire directement dans ce projet à long terme qu’est la création la vie au sein même du musée. De plus, lorsque le musée s’installe dans un lieu, il peut le faire pour soutenir un projet culturel en place. Il peut en effet prendre des participations dans un projet mené par une autre organisation. Il apporte ainsi un soutien financier à un projet culturel ou social. 60 Les projets d’expansion, lorsqu’il s’agit d’une nouvelle implantation, sont de plus régulièrement associés à des projets d’urbanisation. Le musée rempli alors une action sociale supplémentaire. En effet, en créant des bâtiments implantés dans d’autres quartiers il prend un rôle, notamment dans la réhabilitation de ces quartiers. Il convient de noter aussi le fait qu’à plus long terme, il prendra également des engagements sociaux en menant des programmes de rencontre avec le musée au sein des quartiers dans lesquels il sera installé. Enfin, une implantation dans un autre lieu ou encore l’utilisation de réseaux de diffusion permet d’apporter l’œuvre, la collection, et le savoir à un nouveau public, qui n’aurait pas connu le musée sinon. Cela permet donc d’intégrer un public supplémentaire dans les considérations du musée. C- Répondre à la mission économique du musée La première mission économique des musées est d’atteindre leur autosuffisance. L’expansion permet à ce titre de faire plusieurs profits. Elle devrait permettre tout d’abord de faire plus de bénéfices puisqu’elle crée un nouveau vivier de visiteurs. Cependant, il convient de rappeler que ces institutions sont souvent déficitaires et qu’en l’état, le musée accroîtrait plus ses pertes. Ainsi, seule la création d’expositions vendues à d’autres musées serait enrichissante. Néanmoins, la création d’une deuxième entité permet de réaliser certaines économies d’échelle. La première étant due à l’expérience de gestion acquise par le musée et qui n’a pas à l’apprendre à nouveau. De plus, certaines équipes (partenariats, communication, etc.) peuvent être partagées entre les deux musées, ce qui permet d’obtenir plus d’action de la part des équipes sans dépenser plus. Enfin, les investissements concernant les collections sont aussi réunis, et souvent faible pour une implantation qui récupère des tableaux déjà acquis par le musée. Une dernière possibilité d’enrichissement vient du fait d’une concurrence des villes pour recevoir une succursale du musée. Cette concurrence est due aux effets positifs attendus mais elle permet donc au musée de choisir la proposition la plus intéressante pour lui, c'est-àdire qui lui assure une rémunération importante et lui ouvre des portes vers d’autres sources de financement. Le rôle économique des musées est aussi un rôle de création de richesses pour le territoire dans lequel il est implanté. Ainsi, une deuxième implantation permet une source de richesse supplémentaire pour les collectivités. Cette source est à la fois directe et indirecte et, le fait qu’on parle dans ce mémoire de Super-musées renforce leur pouvoir d’attraction des publics. 61 D- Répondre à la mission d’attraction du musée La décision de réaliser une expansion fait souvent débat et est toujours relayée par la presse. Par la suite, la première exposition qui émane de cette expansion est toujours un évènement très attendu. On pourra découvrir des trésors cachés du musée –comme le suggérait le centre Pompidou en ouvrant une succursale à Metz- mais on pourra aussi savoir si le musée n’a pas essayé de nous avoir en nous proposant des œuvres mineures juste pour faire de l’argent. Ces évènements attirent donc un public plus important qui veut aller voir de ses propres yeux la nouvelle exposition, ou le nouveau musée, « dont on parle tant ». La nouveauté représente aussi une nouvelle expérience pour le visiteur et l’ouverture d’un nouveau musée peut-être l’occasion d’y développer des expériences différentes, des types de visite plus créatifs et innovants que celles organisées dans le musée mère, plus traditionnel. Par ce biais, l’attractivité du musée vis-à-vis des visiteurs est augmentée, tout comme son pouvoir d’attraction, c'est-à-dire de satisfaction des visiteurs à la recherche d’une expérience plus forte et jamais vue. II - Comment s’implémentent les stratégies d’expansion ? Ayant souligné les différentes raisons qui poussent les musées à décider de telles stratégies, il convient maintenant d’analyser la manière dont elles s’expriment dans leur implémentation. Les stratégies d’expansion peuvent à ce titre être implémentées par le développement d’un nouveau bâtiment, expansion par le patrimoine, ou par le développement d’opérations externes en partenariats avec d’autres institutions, expansion par le réseau. A- Construire l’expansion par le patrimoine L’expansion par le patrimoine consiste en la construction ou l’acquisition d’un bâtiment supplémentaire pour mettre en place une collection. Une telle expansion peut commencer par la simple mise en place ou la construction d’une aile supplémentaire au musée lui donnant plus de place pour installer les galeries exposant sa collection. Cette expansion n’est alors qu’une croissance du musée qui ressent le besoin de se développer. Cet agrandissement correspond souvent à une volonté du musée de développer une autre partie de sa collection. On pourrait imaginer par exemple la mise en place d’une galerie sur le pointillisme dans un musée qui ne présentait auparavant que très peu de tableaux sur ce sujet. Le prolongement de cet agrandissement est l’ouverture ou l’acquisition d’une succursale géographiquement proche du lieu de résidence du musée. Ce type d’expansion se réalise souvent par la mise en place d’une quasi fusion entre un musée traditionnel et un centre 62 culturel émergent. Ce système permet alors au musée traditionnel de moderniser son image tout en asseyant la gestion d’un centre émergent et souvent associatif. Il lui permet aussi de développer un autre type d’exposition, plus innovante, et ainsi de proposer une nouvelle expérience au public. Enfin, vient la constitution d’une succursale sur une zone géographique relativement éloignée. Elle permet alors souvent d’apporter le musée à un nouveau public. Le fait que cette succursale soit implantée nationalement ou internationalement change souvent la perception de l’expansion. Lorsqu’elles sont réalisées au sein du pays dans lequel est implanté le musée, les expansions sont considérées comme guidées par la volonté de se rapprocher de populations qui n’ont pas habituellement accès aux musées. Cependant, dès qu’il s’agit d’une expansion internationale, l’impact est plus grand et, bien que cette action permette de rapprocher les musées de certains peuples qui n’ont pas l’habitude d’y aller, le gain de publicité du musée revient en question et son objectif commercial parla même occasion. Enfin, une expansion à l’international qui accueillerait une partie de la collection permanente du musée réveille la peur d’une fuite du patrimoine, que personne ne soutient actuellement. B- Construire l’expansion par le réseau L’expansion du musée ne se fait cependant pas seulement par l’accroissement physique mais aussi par l’exploitation d’un réseau de partenariats actifs. Ainsi, le musée assure son expansion lorsqu’il organise des expositions internationales ou qu’il prête des œuvres. La participation à des opérations internationales transporte le musée sur le marché des musées d’art internationaux sur lequel il n’est pas à l’origine, et lui donne une visibilité bien supérieure. Le prêt d’œuvre est un très bon moyen de débuter son expansion. En effet, ce phénomène est courant entre musées. Or, bien que cela apporte en tout premier lieu des avantages au musée qui peut intégrer une œuvre de qualité dans sa collection, il convient de rappeler que ces prêts, lorsqu’ils sont importants, font l’objet d’une communication intense qui a des retombées positives sur les deux musées. De même que le fait que l’œuvre soit exposée au sein d’un autre musée mais que ce dernier remercie le prêteur sur le panneau explicatif de l’œuvre renforce l’image du musée prêteur. Selon ce même schéma, des partenariats forts peuvent être créés entre certains musées pour des prêts plus réguliers et, souvent, à long terme. Ces partenariats permettent d’associer l’image des deux musées et, là encore, de diffuser des œuvres à un public peu susceptible de venir les voir dans leur musée d’origine. 63 Cette logique est approfondie par la création d’expositions temporaires internationales. Ces expositions itinérantes peuvent être organisées soit par un seul musée, soit par un partenariat entre plusieurs musées. Bien qu’elle soit plus profitable lorsqu’elle est organisée par un seul musée, il est souvent difficile, tant au niveau financier qu’au niveau de la constitution des collections, de monter une exposition seul. Ces expositions sont des évènements très médiatisés et leur dimension internationale renforce la publicité faite aux musées organisateurs. Enfin, les expositions temporaires défendent l’objectif de présenter le résultat d’une recherche ou d’une collection au monde entier. Enfin, ce sont avant tout des concepts très séduisants et attractifs pour les publics des musées. Il convient à présent de s’intéresser à l’expression concrète d’une telle stratégie. Section 2 - L’exemple Guggenheim En 1995, Isabelle Durieux, journaliste à L’Expansion, qualifiait déjà le Guggenheim comme le « musée qui veut devenir une multinationale »137. Dans son article, elle raconte le Guggenheim et son développement, la stratégie risquée de Thomas Krens, son directeur jusqu’en 2007, ses développements financiers, ses projets d’expansion internationale, et développe plus précisément ce point qui occupe une place centrale dans la stratégie du Guggenheim. C’est cette place là que nous allons nous attacher à étudier. I - La stratégie d’expansion du Guggenheim La stratégie du musée Guggenheim n’est pas une stratégie collective. Elle est en fait l’œuvre d’un seul homme considéré comme un visionnaire par nombre de ses pairs. Thomas Krens a été directeur du musée de 1988 à 2008 et l’exceptionnelle longueur de son mandat est principalement due au tournant qu’il a fait prendre au musée. A son arrivée à la présidence du musée, Krens trouve une institution « financièrement et intellectuellement moribonde »138 et dont le seul espoir est selon lui l'expansion et la rénovation initiées par son prédécesseur (une tour de 20 000 mètres carrés accolée au musée et l’aménagement d’une annexe du Guggenheim à Soho. Pour le tout nouveau directeur, ces politiques ne sont pas suffisantes et le musée doit anticiper une future révolution du statut des musées dans la société. Pour ce faire, il imprime deux dynamiques révolutionnaires pour l’époque. La première est la financiarisation du musée. En effet, pour financer les projets de son prédécesseur, le musée a émis en 1992 pour 54,6 millions de dollars d'obligations, un système de financement 137 138 DURIEUX. 1995. Ibid. 64 inhabituel pour une institution dont les fonds propres n'excédaient pas 20 millions de dollars. Une polémique naît alors sur une possibilité d’engagement des œuvres dans le système. La deuxième grande dynamique imprimée par Krens est le choix de développer l’expansion du musée jusqu’à l’international. Selon une logique simple : « L'idée de Thomas Krens est de s'allier avec différents gouvernements pour créer des satellites, auxquels l'institution newyorkaise prêtera par roulement sa prestigieuse collection. Partant du constat que seulement 5 % des œuvres rassemblées par Solomon Guggenheim, puis par Peggy Guggenheim et Justin Thannhauser (et qui constituent le fonds du musée), sont exposées au public, le directeur de musée a décidé de devenir loueur d'œuvres. En outre, il aidera les institutions nouvelles, financées à 100 % par les autorités locales (pays ou régions), à constituer leurs propres collections. Un service que, bien entendu, il veut monnayer. Il s'agit, en somme, de créer des franchises qui rapporteront des liquidités au Guggenheim et qui renforceront sa notoriété sans lui coûter un dollar »139. Selon le directeur du musée cette stratégie n’était pas préalablement établie mais est à considérer comme une somme d’opportunités saisies qui a poussé le musée à développer des compétences spécifiques dans ce domaine. Au début des années 1980, le musée Guggenheim pouvait profiter de deux collections très fournies : celle de la fondation Solomon R. Guggenheim à New-York et celle du musée Peggy Guggenheim à Venise. Alors qu’il avait été prévu que la collection de Venise soit rapatriée à New-York, le gouvernement italien, en déclarant ce musée trésor national, obligea la fondation Guggenheim à gérer les deux musées dans deux lieux différents. C’est cette spécificité qui a, de fait, définit le musée Guggenheim comme un musée international. En 1988, Krens demande une analyse complète des atouts et faiblesses du musée. Les résultats furent parlants : une faiblesse, la finance posait problème. Il a donc été nécessaire de trouver plus de financements et de stabiliser des budgets en pleine explosion. La meilleure façon d’exploiter les ressources du musée était d’augmenter la taille des lieux d’exposition et d’augmenter le nombre de conservateurs afin d’augmenter le nombre d’expositions. La fin des années 1980 a donc poussé à la construction d’un bâtiment supplémentaire à New-York et la recherche d’un bâtiment plus grand pour exposer la collection vénitienne. Il a fallu ensuite accroître la collection et cela a été fait grâce à la vente très contestée de trois tableaux de maîtres (Chagall, Kandinsky, Modigliani). Dès lors, le musée était prêt à s’agrandir toujours plus. Plusieurs projets se sont succédés : créer un musée d’art contemporain du Massachussetts, la création d’un musée d’art à Salzbourg (Autriche), ou encore à Osaka 139 Ibid. 65 (Tokyo). Ces projets n’ont pas abouti. Cependant chacun a contribué à forger la compétence du Guggenheim dans l’expansion internationale. Ainsi, ces projets n’étaient pas commandités par le musée mais, comme le souligne Krens : « des représentants de gouvernements d’autres pays venaient nous voir en nous demandant de venir construire un musée chez eux »140. Finalement, le projet clef est arrivé au début des années 1990 avec le projet Guggenheim Bilbao qu’il faut étudier plus précisément. II - Le « syndrome Bilbao » : des effets attendus d’une expansion internationale Pendant les années 1990, Bilbao était une ville sans avenir, dont l’économie était basée sur une industrie métallurgique en fort déclin puisque touchée de plein fouet par la crise de la sidérurgie et des chantiers navals. De plus, Bilbao ne pouvait pas compter sur le tourisme du fait de sa position excentrée en Europe, du manque d’axes de communication, et des actions terroristes menées par l’ETA. Cependant, le musée se présente dès le départ comme une très bonne affaire pour le Guggenheim. Krens décrit ainsi sa rencontre avec les responsables basques : « M. Alonso a dit à ce moment-là quelque chose de tout à fait intéressant : « Essayez d’oublier vos préjugés en ce qui concerne le pays basque. Combien cela coûteraitil de faire un Guggenheim à Bilbao ? - Si vous pensez au Centre Pompidou ou à l’Opéra de Sydney, il faudrait 150 millions de dollars, ai-je répondu. Il me faudrait probablement une subvention de l’ordre de plus de 50% des frais de fonctionnement pour qu’on assure le fonctionnement. Il faudrait encore 50 millions de dollars pour commencer à constituer une collection. De plus, nous risquerions notre réputation dans cette affaire. Il faudrait donc qu’on reçoive 20 millions de dollars d’avance. Enfin, il faudrait qu’on nous laisse le droit de choisir le site et l’architecte. » On ne s’attendait pas à ce qu’il dise oui, mais il a dit oui tout de suite »141. Cette prise de décision montre bien que la recherche première du Guggenheim dans cette affaire est la recherche de financement. Krens avoue cependant s’être penché plus en détail sur la situation du Pays Basque et avoir longuement hésité avant de donner son accord. Cependant, le musée est aujourd’hui une réussite incontestée et un exemple d’expansion pour tous les Supermusées d’Art. Lisa Dennison, directrice du Guggenheim en 2006-2007, disait à propos de Bilbao : « C'est le phénomène : Construisez et tout viendra »142. Et il est vrai que nombre de municipalités et collectivités territoriales se sont empressées de mettre en application ce 140 GALARD. 2001. p.232 Ibid p.234. 142 D’AGOSTINO. 2009. 141 66 précepte. Les raisons de ce sentiment de miracle autour du Guggenheim Bilbao sont assez simples, le musée Guggenheim de Bilbao est devenu le symbole du nouveau dynamisme de l'économie du pays basque espagnol. En effet, le musée Guggenheim est « Une locomotive qui a permis de changer l'image de la région »143. Ainsi, comme le souligne l’Usine Nouvelle, en 10 ans et plus de 100 expositions à son actif, le musée aurait aussi généré 1,57 milliards d'euros de retombées économiques et 45 000 emplois directs ont été créés. La capitale régionale a alors vu son taux de chômage passer de 25 % à 4,1 % entre 1995 et 2006. Il ne faut cependant pas oublier que ce succès n’est pas dû qu’au Guggenheim mais à l’implication du gouvernement basque dans une réelle politique d’urbanisation, de réorganisation du tissu industriel, et de relance de l’économie au sein de la région. On peut rappeler à ce titre que les autorités ont, en 1991, consulté Michael Porter, professeur à Harvard pour déterminer les secteurs industriels dans lesquels la région avait des atouts et ceux qui étaient porteurs. De cette consultation, onze clusters « prioritaires » ont été retenus, qui sont aujourd’hui les fers de lance de l’industrie régionale144. Cette réussite a élevé le musée Guggenheim au rang de modèle d’expansion internationale. Il est donc tout naturel que le musée soit aujourd’hui impliqué dans un projet d’implantation à Abu Dhabi, aux côtés du Louvre, dont nous allons étudier la politique d’expansion. Section 3 - L’exemple du Louvre L’historique du Louvre n’est pas nécessaire. Il est aujourd’hui l’un des plus grands et importants musées du monde, il est aussi le plus fréquenté au monde avec notamment 7,5 millions de visiteurs en 2005145. Un élément clef de son histoire a cependant marqué l’institution. Le musée du Louvre s’est, au tournant des années 1990 muté en « Grand Louvre ». En effet, le projet du Gand Louvre s’est développé en deux phases, une en 1989 et une en 1993. Cette évolution a transformé le Louvre, tant physiquement (pyramide du Louvre, carrousel du Louvre, etc.), que « psychologiquement ». Ce bouleversement du musée du Louvre est d’ailleurs souligné à l’époque par Eric Chol, journaliste à L’Expansion : « depuis l'inauguration de la Galerie Richelieu, en novembre 1993, le Louvre est victime de son succès. L'établissement bicentenaire (c'est en 1793 qu'il a été converti en musée) enregistrera près de 6 millions d'entrées cette année, soit deux fois plus qu'avant l'ouverture de la 143 USINE NOUVELLE. 2007 MACELLIN. 2007. 145 LIBERATION.FR. 2007 144 67 Pyramide, en 1988. A vrai dire, ce n'est plus le même musée. Les gestionnaires de cette énorme machine culturelle doivent intégrer à leur vocabulaire des notions insolites, comme l'équilibre financier ou le marché. Et se montrer capables de trouver, à côté de l'argent public, des ressources autonomes. Tout le Metropolitan Museum of Art (…), qui offre l'image d'un véritable musée-entreprise »146 A partir de ce moment l’institution est entrée de plain pied dans la concurrence internationale et s’est attachée à assurer son développement, notamment par la définition d’une stratégie d’expansion. Au début des années 2010, cette stratégie devient concrète et il convient que nous l’analysions sous ses deux aspects : le développement des activités du musée, expansion nationale, et l’intensification de son influence, expansion internationale. I - Le développement des activités du Louvre, une expansion nationale Le développement des activités du Louvre se réalise avant tout au sein du musée. Ainsi, pour pouvoir élargir ses collections, le musée a ouvert en juillet 2010 plusieurs salles d’art grec classique et hellénistique. Ces salles ont permis au musée de mettre plus en valeur une de ses œuvres les plus connues, la Vénus de Milo, et de mettre à la disposition du public des œuvres moins réputées et autrefois gardées en collection. Le musée voit aussi ces galeries comme une opportunité de retravailler la scénographie de sa collection permanente puisqu’elles traitent d’une période peu évoquée jusqu’alors. Ainsi, par cette expansion interne, le musée répond à son besoin d’augmentation d’activité mais aussi à ses missions de pédagogie et de conservation. Une deuxième part de ce développement d’activité est actuellement en cours avec le projet du Louvre-Lens. En effet, en 2004, le Louvre a annoncé qu’il installait une « antenne » à Lens, qui ouvrira en 2012. Le but de ce projet, selon Renaud Donnedieu de Vabres, ancien ministre de la culture et de la communication, de « développer un département expérimental du Louvre, une sorte de « musée d’art et d’essai » qui proposera un nouveau regard sur les œuvres d’art. Le Louvre-Lens, ce sera le Louvre même, dans toutes ses facettes, dans toutes ses missions, porté par toutes ses équipes, attentif au terrain – géographique, culturel, sociologique – soucieux de s’insérer dans un réseau régional, dense et structuré »147. Ainsi, la vocation de ce nouveau musée, placé au cœur de l’Union Européenne mais en région, sera d’être le laboratoire muséal du Louvre, un lieu qui questionnera l’évolution de l’art, des œuvres, de l’institution muséale. Il défend donc une vocation scientifique mais aussi de 146 147 CHOL. 1994. CHALMIN. 2009. 68 rapprochement de certaines populations, et, surtout, revendique son intégration dans un projet de réaménagement urbain et régional. En effet, il sera implanté, comme un symbole, à l’emplacement d’une friche industrielle de 20 hectares, partiellement reconvertie en zone d'activités dans les années 1980, et sur laquelle s'étendait le carreau de la fosse 9 des Mines de Lens. Le Louvre-Lens sera construit selon une architecture innovante : « au parcours obligé et strictement balisé d’un bâtiment uniforme et sans surprise, on préférera celui aléatoire, à travers différents espaces, tantôt indépendants, tantôt regroupés et distribués le long d’une rue. Au musée qui dissimule ses coulisses, qui cache ses réserves et ses espaces techniques, on préférera le musée qui se montre dans tous ses aspects, qui rend ses réserves visibles et visitables, qui peut conduire en public une restauration, qui insiste donc sur la transparence et l’ouverture et qui, ce faisant, exalte les diverses activités et les divers métiers qui le composent »148. Dans ces bâtiments, le musée présentera des œuvres importantes du Louvre suivant deux modes de présentations conçues pour susciter au maximum l’intérêt des publics. 3 000 mètres carrés minimum seront consacrés aux « présentations renouvelées », regroupant chefs d’œuvres reconnus et découvertes provenant des 8 départements du Louvre (peintures, sculptures, objets d’art, antiquités grecques et romaines, antiquités égyptiennes, antiquités orientales, arts graphiques et arts de l’Islam). Les collections seront présentées de façon transversale et pluridisciplinaire, abolissant les frontières qui structurent actuellement les 8 départements du Louvre. Les œuvres seront renouvelées par sections tous les deux ou trois ans. En parallèle, près de 2 000 mètres carrés seront consacrés à des expositions temporaires, d’une durée de trois à six mois. Ces expositions, de dimension internationale, présenteront des œuvres issues du Louvre, mais aussi d’autres établissements français et étrangers. II - L’intensification de l’influence du Louvre, une expansion internationale Cet impact international, le Louvre ne cherche cependant pas uniquement à l’avoir depuis l’intérieur des frontières françaises. Au contraire, le musée a développé une importante stratégie d’expansion internationale en deux volets. Tout d’abord un partenariat avec le High Museum of Art d’Atlanta, ensuite un projet de Louvre-Abu Dhabi. Construit par Richard Meier en 1983, le HMA s’est agrandi en 2005 pour pouvoir augmenter ses volumes d’exposition. Un accord entre le Louvre et le musée a alors décidé de la dévotion d’une des nouvelles ailes à une série d’expositions et manifestations conçue par le 148 Ibid. 69 Louvre et le High Museum of art. Ce sont huit expositions temporaires retraçant l’histoire du musée du Louvre, en rendant compte de l'incroyable richesse et complexité de ses collections qui furent organisées de 2006 à 2009. Ce partenariat a été très contesté car il semblait avant tout être avantageux pour le musée d’Atlanta. Cependant, le Louvre y a trouvé des avantages très concrets. Le premier de ces avantages est la possibilité de construire des expositions et de directement les exposer aux Etats-Unis, assurant ainsi sa renommée. Un autre avantage à être apparu en contrepartie de ces prêts a été une plus grande facilité à obtenir des prêts de la part des musées américains pour les expositions organisées dans l’enceinte du Louvre. Enfin, un dernier avantage a été l’utilisation de cet espace d’exposition comme brouillon à ce que sera le Louvre Lens. En effet, selon le Louvre lui-même, le HMA « permet au Louvre d’expérimenter pour la première fois une organisation totalement transversale entre tous les départements de conservation, y compris le plus récent, celui des Arts de l’Islam »149, une mission très ressemblante à celle du Louvre-Lens. Le Louvre Abu Dhabi semble aujourd’hui être le principal projet de développement du musée du Louvre. Le projet de Louvre Abu Dhabi a pour vocation première de créer un musée universel. Il est à noter qu’il s’implante dans le projet de l’île du bonheur déjà évoqué et qu’il sera notamment implanté aux côtés d’un Guggenheim Abu Dhabi 150. Le Louvre Abu Dhabi consiste en une collaboration de 30 ans entre l’équipe du Louvre Abu Dhabi et l’équipe du Louvre-Paris. La France s’est en effet engagée à prêter, sur une durée totale de dix ans à compter de l’ouverture du musée, des œuvres issues des collections françaises, venues du musée du Louvre, mais aussi des autres musées nationaux (le château de Versailles, le musée d’Orsay, le Centre Pompidou, etc.). Par rotation, la France prêtera ainsi en permanence plusieurs centaines de pièces, représentatives de son patrimoine artistique. Pendant une durée de quinze ans à partir de l’ouverture du Louvre Abu Dhabi, la France assurera la programmation et la présentation des expositions temporaires. Enfin, tout au long de ces trente années, le Louvre transmettra ses compétences aux gestionnaires du musée et l’aidera à constituer une collection permanente. Ce projet est mis en œuvre par une « Agence Internationale des Musées de France », créée à cette occasion et qui regroupe des représentants des principaux musées nationaux. Ce projet, dont la volonté universelle renvoie aux missions scientifiques et pédagogiques du Louvre, représente avant tout un important avantage en termes de positionnement international du musée, mais aussi en termes financiers. En effet, la participation à ce musée, dont l’architecture innovante a été définie par 149 150 LOUVRE. 2005. Cf. p.23 70 Jean Nouvel, est synonyme pour la Direction des Musées de France, dont dépend le musée du Louvre, d’un profit qui s’élève à un milliard d’euro151. Enfin, il convient d’évoquer une volonté d’expansion du Louvre vers le Japon. En effet, lorsque le musée évoque son ouverture sur le monde il n’oublie jamais celle initiée « Avec le Japon : le Louvre, en lien avec la société Daï Nippon Printing, a engagé en octobre 2006 une coopération de 3 ans baptisée MuseumLab. Il s’agit d’une initiative expérimentale destinée à mobiliser les technologies de l’information et de l’image les plus sophistiquées pour les mettre au service de la (re)découverte d’œuvres issues des collections du Louvre »152. Ce type de partenariat est cependant fréquent et le Louvre est ainsi impliqué dans des projets dans une vingtaine de pays répartis sur tout le globe. 151 152 PRAT. 2007 LOUVRE. 2009 71 CHAPITRE 2 - LE DÉVELOPPEMENT PAR L’ATTRACTION L’attraction est un élément important des stratégies des Super-musées depuis que le public et la rentabilité sont devenus des éléments essentiels de leur quotidien. Afin de comprendre au mieux comment ces stratégies se développent, nous étudieront en quoi elles consistent avant de les replacer dans le cadre de la stratégie du centre Georges Pompidou et d’un musée sans collection, le Grand Palais. Section 1 - Les stratégies d’attraction Le terme d’attraction peut-être entendu selon deux acceptions. Tout d’abord il renvoie à la dimension d’attirer le public vers les musées ; de développer les solutions qui permettront de le convaincre de visiter le musée et d’ainsi rencontrer les œuvres. Ensuite, il renvoie à la dimension d’attractivité, de divertissement des musées. Cet aspect est aujourd’hui complémentaire du précédent et devient, même s’il est encore décrié, une évolution majeure des musées aujourd’hui, qu’il est nécessaire de développer. I - Pourquoi une telle stratégie ? La stratégie d’attraction est bien entendu au cœur de la mission d’attraction du public du musée. Cependant, le fait qu’elle soit si utilisée souligne bien qu’elle ne répond pas qu’à cette mission là. Ainsi, afin de mieux cerner les raisons qui poussent les musées à mettre en place de telles stratégies, il convient d’analyser les objectifs qu’elles remplissent pour chaque mission du musée. A- Répondre à la mission scientifique et pédagogique du musée La mission scientifique du musée n’est que rarement concernée par de telles stratégies. Cependant, certains de leurs aspects, comme la création d’une « expérience » permet au musée de créer un environnement complet autour de l’exposition qui permet parfois de faire avancer des recherches trop traditionnelles. L’enjeu des stratégies d’attraction dans le cadre de cette mission se concentre avant tout sur la dimension pédagogique de l’institution muséale. En effet, tout d’abord cette stratégie permet d’attirer plus de visiteurs au musée. Or, plus de visiteurs signifie avant tout augmentation de l’audience des collections et des recherches scientifiques. Cela permet donc aux résultats d’être transmis à plus de monde. La transmission est un deuxième aspect important de ces stratégies. L’objectif quantitatif est doublé d’un objectif qualitatif. En effet, l’edutainment, c'est-à-dire le ludo-éducatif, qui est de plus en plus utilisé et développé par les 72 musées, a pour vocation de combiner divertissement et enseignement153. Souvent critiquée par les scientifiques car elle ne permet pas l’enseignement d’informations aussi précises, techniques, et complètes que celles données via un enseignement traditionnel, cette solution assure cependant une transmission et une intégration bien plus efficaces des informations et concepts transmis au cours de la visite. Dès lors, le musée fait le choix de mettre moins d’informations à la disposition du public pendant la visite – les publications d’ouvrages et d’articles scientifiques sur internet sont à la disposition du public – mais sélectionne les informations essentielles pour s’assurer de leur bonne intégration par chaque visiteur. B- Répondre à la mission politique du musée La stratégie d’attraction répond à la mission politique du musée sous trois aspects. Le premier de ces aspects est le concours au mouvement de démocratisation du musée. En effet, attirer un public plus nombreux et plus large dans les commerces et les galeries du musée contribue de fait à une représentation moins élitiste du musée. De plus, l’édutainment permet d’adapter les connaissances transmises au plus grand monde et de désacraliser la dimension scientifique des institutions muséales. Un deuxième aspect est la stimulation de l’activité artistique. Attirer le public et lui faire vivre une expérience unique oblige le musée, et ses conservateurs à reconsidérer le statut de l’œuvre, de l’Art, et par là même à encourager de nouvelles interprétations, de nouveaux parallèles, une expression nouvelle. Expression qui sera encouragée par le développement des musées comme centres culturels. Dès lors, la vie redonnée aux musées devient un terreau fertile à la création et la résidence d’artistes. Enfin, le dernier impact politique de cette stratégie d’attraction est l’impact sur l’urbanisation des lieux d’accueils. Là encore, l’augmentation de la vie du musée coïncide avec la présence conjointe d’artistes et de visiteurs dans des quartiers qui vont pouvoir se développer sereinement et se vitaliser autour d’un cœur vivant, l’institution muséale. C- Répondre à la mission économique du musée La première conséquence attendue des stratégies d’attraction est l’augmentation du nombre de visiteurs. Or, cette augmentation du nombre de visiteurs sur chaque exposition permet d’augmenter leur rentabilité et, par là même, la situation économique des musées. De plus, en développant des opérations diversifiées et fréquentes, le musée espère fidéliser son public pour augmenter encore ses recettes. 153 http://www.journaldunet.com/encyclopedie/definition/323/41/21/edutainment.shtml 73 L’impact économique de cette stratégie se porte aussi sur l’environnement du musée. En effet, la création d’un centre culturel dynamique et d’une expérience de visite complète entraîne l’installation d’une industrie créative, très rentable aux abords du musée ainsi que de commerces de standing, pour rivaliser avec l’expérience magique proposée. Enfin, l’augmentation du nombre de visiteurs entraine l’augmentation des bénéfices indirects pour les commerçants du quartier. La stratégie d’attraction du musée est en lien direct avec sa mission d’attraction. Dès lors, il n’est pas nécessaire d’analyser en quoi elle remplit cette mission dans la mesure où chaque action est mise en place dans cette optique. II - Comment s’implémentent les stratégies d’expansion ? Les missions que nous venons de détailler, sont les éléments constitutifs d’une stratégie de développement par l’attraction. Il convient cependant maintenant d’analyser la manière dont cette stratégie est implémentée. Pour ce faire, nous diviserons notre étude en deux parties, tout d’abord la constitution d’un musée expérience, ensuite, la constitution d’un musée évènement. A- Construire le musée-expérience La sensation de « vivre une expérience » est pour le public devenue essentielle. Le musée, pour attirer du public, se doit de développer sa muséographie de manière à intégrer ces nouvelles attentes. Il n’est pas question ici de modifier la collection permanente du musée pour qu’elle plaise au public. C’est avant tout la visite qui en est modifiée, avec comme mot d’ordre l’edutainment, manière de permettre au public d’apprendre tout en l’amusant. La première évolution à réaliser pour permettre au musée de s’extraire de la perception de la visite comme « sacrée » est l’implication de celui-ci comme centre culturel. En effet, le musée ne doit plus être une institution isolée, seule face au monde. Afin de conquérir du public et de se renouveler, il est nécessaire qu’il rappelle concrètement qu’il fait partie du monde de l’art. L’institution muséale n’est alors plus un musée mais un « lieu d’art », où tous les arts s’expriment, se vivent et se rencontrent. Elle est de plus un réel centre culturel, et cette position de centre la voue à faire converger vers elle toutes les pratiques culturelles. Ainsi, celui-ci doit regrouper autour de lui d’autres institutions d’art qui ne soient pas seulement des musées mais des cinémas, des écoles de musique, des ateliers d’artistes, etc. 74 Ce travail est poussé plus loin par la réalisation d’un musée vivant, un musée qui évolue et s’adapte à la collection comme l’appelle de ses vœux Stefan Kraus154. Le conservateur incite ainsi ses confrères à expérimenter de nouvelles techniques muséographiques pour faire ressentir l’œuvre toujours plus. Le centre culturel a là son rôle à jouer. En effet, la philosophie d’une émulation entre différentes institutions des arts doit être mise en pratique au sein du musée. Le musée doit savoir échanger avec ces institutions de manière à les faire intervenir en son sein voire même dans ses galeries pour permettre un nouveau regard sur les œuvres. Là est toute l’intensité d’une expérience totale. La visite d’une collection ne doit plus être alors une visite dans un musée mais un plongeon dans le monde de l’art, à l’image de la position défendue par le Mac/val dans ses campagnes : « Venez prendre l’art »155. Ainsi, des performances artistiques sont réalisées à côté d’œuvres de maîtres, une musique appuie à sa manière la description des œuvres d’une salle, etc. L’expérience se joue aussi en dehors de la collection. En effet, des conférences, des projections de films ou même d’autres expositions peuvent être organisées en complément de l’exposition principale pour renforcer le dialogue autour de l’œuvre. Les progrès technologiques viennent à ce titre jouer un rôle central dans les tentatives menées par les musées. L’audio-guide n’est aujourd’hui qu’un outil dépassé et les responsables de musées recherchent toujours à impliquer plus la technologie dans la visite. L’avènement de la 3D et de la réalité augmentée –technique qui consiste à superposer, sur une image réelle, un calque virtuel contenant des informations supplémentaires- a énormément renforcé ce phénomène156. Enfin, l’expérience totale permet au public de franchir les portes du musée comme Alice franchirait la porte du pays des merveilles. L’idée est alors que cette porte soit le pays des Arts et du raffinement. A ce titre, l’architecture du site, souvent hors du commun, permet au visiteur d’oublier les conventions imposées dans une institution. Les restaurants deviennent alors une ressource supplémentaire puisque l’art culinaire se met souvent au service de l’image de raffinement et de voyage du musée. Le musée ne défend alors plus une spécialité dans l’art mais tout l’art, les arts voire la Culture, qui ne cesse d’évoluer dans ce lieu où échangent toutes les cultures. Cette construction de la visite comme une entité propre permettra souvent de séduire le public et de le fidéliser. Il permettra de surcroît de concurrencer les industries de loisir comme le cinéma ou les parcs de loisirs. 154 GALARD. 2010. http://www.pixelcreation.fr/nc/galerie/voir/macval/le_macval/01-5/ 156 Orange innovation. 2010 155 75 B- Construire le musée-évènement Le musée-évènement voit son apparition avec l’organisation d’expositions temporaires. Ces expositions sont par définition des expositions évènementielles. Evènementielles à deux titres. Tout d’abord parce qu’elles ne sont qu’un évènement temporaire dans la vie du musée. Ensuite parce qu’elles constituent un évènement hors de la vie du musée. Ces expositions sont le plus souvent réalisées suite à un partenariat entre plusieurs musées et permettent avant tout de réunir des œuvres exceptionnelles qui ne pourraient être étudiées simultanément en temps normal. Ces expositions sont donc des évènements importants pour un conservateur car ils permettent le plus souvent d’aborder les œuvres selon des paradigmes innovants. Elles jouissent alors d’une médiatisation intense qui attire le public dans les galeries et assurent d’importantes retombées économiques, directes comme indirectes. Il convient de préciser que ces expositions sont souvent bien plus rentables que les expositions permanentes car elles engagent moins de frais de conservation qu’un œuvre dont le musée a la charge. La réussite de ces expositions a provoqué, chez les musées mettant en place une stratégie d’attraction, la volonté d’en organiser le plus régulièrement possible pour créer sans cesse l’évènement et ainsi rester dans l’actualité et fidéliser un public important. Cette notion de l’évènement constant est d’ailleurs développée pour assurer aux musées une présence régulière dans l’actualité. En plus des expositions temporaires, les musées organisent souvent des manifestations régulières comme des visites nocturnes, des interventions d’autres arts dans les salles, des conférences, etc. Ainsi, chaque année en Europe les musées organisent la nuit des musées. Cet évènement leur permet comme nous l’avons déjà dit de rester ouverts une bonne partie de la nuit et de proposer des manifestations innovantes au sein du musée. Le musée évènement devient même parfois un principe de fonctionnement et certains musées sont aujourd’hui gérés sans collection propre. Ils ne font qu’organiser et recevoir des expositions temporaires et des évènements culturels. Tobelem critique d’ailleurs ce phénomène en parlant de « Dysneylandisation » de la culture157. Section 2 - L’exemple du centre Georges Pompidou Le centre Pompidou est un musée clef dans l’observation des évolutions de l’institution muséale ces dernières années. En effet, son ouverture au public en 1977 fait de lui un musée sans passé qui a du, quasiment dès le lendemain de son ouverture, trouver des solutions 157 TOBELEM. 2010. p.260 76 innovantes pour soutenir son développement. Dans cette étude nous verrons que le centre Pompidou est à la fois un musée-expérience et un musée-évènement. I - Le centre Pompidou, un musée-expérience Le centre Pompidou n’est pas un musée classique. En effet, il naît centre culturel, épousant dès sa création une vocation de musée expérience. Il convient à ce titre de rappeler une seconde fois la volonté de Georges Pompidou concernant le musée : « Je voudrais passionnément que Paris possède un centre culturel (...) qui soit à la fois un musée et un centre de création, où les arts plastiques voisineraient avec la musique, le cinéma, les livres, la recherche audio-visuelle, etc. Le musée ne peut être que d’art moderne, puisque nous avons le Louvre. La création, évidemment, serait moderne et évoluerait sans cesse. La bibliothèque attirerait des milliers de lecteurs qui du même coup seraient mis en contact avec les arts.»158. Le centre Pompidou se compose donc ,en un lieu unique, de l'un des plus importants musées au monde, d’une grande bibliothèque de lecture publique, d’une documentation générale sur l'art du XXe siècle, de salles de cinéma et de spectacles, d’un institut de recherche musicale (l’IRCAM), d’ espaces d'activités éducatives, et de librairies. De plus, sa première vocation est une vocation interdisciplinaire assumée159. Cette interdisciplinarité et la vie du musée sont d’ailleurs affichées sur ses « murs » tuyaux colorés qui s’enchevêtrent en faisant penser à une usine, usine à création peut-être... L’architecture même du musée fait ainsi passer le visiteur dans le mode de l’art. Enfin, ce sont les thèmes même des expositions : « ELLES@CENTREPOMPIDOU », consacrée aux artistes femmes ; « La subversion des images », consacrée au rapport des surréalistes à la photographie, ou encore « Vides », sur la place laissée au vide dans les œuvres d’art – sont de réelles expériences novatrices pour le visiteur. Des expériences recouvrant toutes les dimensions des arts puisque un film, Womanhouse, était par exemple diffusé en parallèle de l’exposition ELLES@CENTREPOMPIDOU160 pour permettre d’élargir les études sur la condition de la femme dans l’art. Cette dimension d’expérience, le centre Pompidou l’a transmise à sa descendance. En effet, le centre Pompidou-Metz, inauguré le 12 mai 2010, est qualifié par Alain Seban, président des centres Pompidou de Paris et Metz, d’ « expérience culturelle unique »161. Le musée est lui aussi un vrai centre culturel puisqu’il se compose de « trois galeries, sur trois 158 CENTRE POMPIDOU. 2010 CENTRE POMPIDOU. 2010. 160 RECASENS. 2010. 161 CALVEZ. 2010. 159 77 étages, de 1 150 m² chacune. (…)Un auditorium, un studio de création, un forum, la nef et les jardins permettront d'organiser des événements pluridisciplinaires -films, spectacles, concerts, performances, colloques, vidéos, etc. »162 La recherche de l’expérience est donc dans ses gènes. L’architecture du centre permet une grande entrée dans « le monde de l’art » et l’exposition inaugurale « Chefs D’œuvres ? » donne, dès le départ, le ton de la future programmation du musée. II - Le centre Pompidou, un musée-évènement Le centre Pompidou est aussi un musée-évènement. Cette position est d’ailleurs visible à la place qu’il accorde aux expositions temporaires. Ainsi, en 2006, le nombre de visiteurs pour les expositions temporaires était de 1,6 millions alors qu’il était de 1 million pour la collection permanente163. Cette importance des expositions temporaires se remarque aussi au fait que le centre de Paris accorde une place supérieure aux expositions temporaires qu’à la collection permanente et que le centre de Metz sera, lui, exclusivement composé d’expositions de ce genre. Le thème de ces expositions, lui aussi, semble parfois renforcer la dimension évènementielle des expositions. Ainsi, l’exposition « la subversion des images » est très attirante dès la lecture de son titre, preuve que la communication et la séduction du public entrent en jeu. Enfin, l’évènement ce n’est pas uniquement mettre en place une exposition temporaire mais aussi savoir la mettre en forme pour attirer un large public. L’exposition inaugurale du centre Pompidou-Metz fait à ce titre figure d’exemple notoire puisque le musée propose 5 jours de visite gratuite et a réussi à mettre en place unpartenariat avec la SNCF de manière à garantir une réduction de 25% pour les trajets Aller-Retour ParisMetz sur présentation d’un justificatif de visite du musée164. Le musée organise, en plus des expositions temporaires, des évènements réguliers. Le premier de ces évènements est sans doute l’organisation d’une nocturne hebdomadaire ; Ce projet n’est pas un projet du centre Pompidou mais un projet de la réunion des musées nationaux. Ainsi, chaque musée national organise un soir par semaine une visite en nocturne, le plus souvent gratuite, pour laquelle est organisé un projet spécifique d’explication des œuvres par des étudiants des beaux arts, ou encore de réalisation de prestations de danse dans les galeries. Ces évènements sont devenus des repères clefs pour le public parisien qui s’y réunit en masse. De plus, le musée reçoit environ deux représentations hebdomadaires de 162 GERGORIN. 2010 HASQUENOPH. 2009. 164 Tourmagazine.fr. 2010. 163 78 chant, de danse ou de théâtre pendant la saison. Hors saison, un festival musical est organisé. De manière moins régulière, des performances artistiques sont réalisées dans le Forum – espace accessible gratuitement et visible depuis le hall d’accès. Nous pouvons citer à titre d’exemple de réalisation « Blanche-Neige, le banquet »165 qui a eu lieu en juillet 2010. L’importante campagne d’affichage la concernant dans le métro parisien ainsi que l’intérêt du spectateur pour le thème (des blanches neiges armées de kalachnikovs) ont certainement joué un rôle dans son succès. Enfin, des projections de films et des conférences sont aussi organisées régulièrement. Ce statut de centre culturel à la fois musée-expérience et musée-évènement, le centre Pompidou l’assume et l’utilise pour remplir ses missions de médiation culturelle. Ainsi, l’institution a lancé un projet de musée nomade pour organiser des expositions itinérantes sur le territoire français. Ce centre Pompidou mobile permettra à l’exposition de garder sa muséographie et de rester encadrée par une architecture d’exception, un « monument momentané »166. Ce musée itinérant, à la fois expérience unique et évènement indiscutable, reste cependant encore à l’état de projet. Section 3 - Le Grand Palais, musée sans collection ? La question d’un musée sans collection est une question difficile à traiter. En effet, les musées sont traditionnellement définis par leur mission de conservation, et donc par la possession d’une collection permanente. Cette acception a évolué depuis quelques années seulement – 2002 en France167. Dès lors, certains musées se sont qualifiés de musées sans collection comme le centre Pompidou-Metz que nous venons de citer. Cependant, ce musée repose en fait sur la collection du centre Pompidou-Paris, qui lui attribue donc une collection. Il est donc nécessaire de retrouver un lieu qui a fonction de musée mais dont les statuts ne le qualifient pas de musée. Le Grand Palais est un exemple de ces institutions. I - Quelle place pour le Grand Palais ? Les statuts officiels du Grand Palais ne font pas de lui un musée. Ainsi, le décret de 2007 portant création de L’Etablissement Public du Grand Palais des Champs-Elysées lui attribue la charge de : « préserver, aménager, mettre en valeur et gérer le Grand Palais en liaison, 165 B, M. 2010 CHOEL. 2010 167 MICROSILLONS. 2006 166 79 pour ce qui les concerne, avec le palais de la Découverte, la Réunion des musées nationaux ainsi que les autres personnes morales de droit public et de droit privé y exerçant une activité permanente ; [et] d’animer et de promouvoir les espaces du Grand Palais dont il assure l’exploitation »168. L’animation et la promotion des espaces ne se font pas directement par l’organisation d’expositions. Ainsi, rien ne semble destiner ce monument au rôle de musées. Cependant, lorsqu’on approfondit les recherches à ce sujet, la question se pose. Alors que le site internet du Palais de la Découverte n’évoque le grand palais que sur un plan historique, celui de la réunion des musées nationaux, lui, lui accorde une plus grande place. Sous le nom de Galeries Nationales du Grand Palais, une partie du monument semble, directement et historiquement consacrée aux expositions169. Cette hypothèse est confirmée par la page du site internet du Grand Palais dédiée aux galeries nationales. Ce n’est donc pas le Grand Palais mais bien les Galeries Nationales du Grand Palais.qui présentent ce statut de « musée sans collection ». II - Un fonctionnement centré sur l’évènement Il convient alors d’étudier le mode de fonctionnement des Galeries Nationales du Grand Palais. Les galeries ont été historiquement dédiées aux grandes expositions. En effet, la vocation des Galeries Nationales et née en 1964, date à laquelle André Malraux, alors ministre de la Culture, décide de consacrer une partie de l’édifice du Grand Palais à la présentation de « prestigieuses expositions temporaires à caractère international »170. Ainsi, entre 1966 et l’exposition « Hommage à Picasso », et 2002 et l’exposition « MatissePicasso », 17 expositions ont été organisées. C’est cependant en 2002, et plus encore en 2007 que la décision d’accentuer ce rôle de « musée sans collection » a été prise. En effet, lorsque la RMN, gestionnaire du site, a décidé d’augmenter la fréquence de roulement des expositions. Ainsi, quatre grandes expositions sont alors organisées par an. Par ce mode de fonctionnement, les Galeries Nationales restent ouverte toute l’année pour présenter des expositions acquises ou organisées par la RMN contrôlée par un comité de programmation. La partie administrative est ainsi partagée entre la RMN qui gère la communication et la programmation des Galeries Nationales et l’Etablissement Public du Grand Palais Champs Elysées 168 JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE. 2007 RMN. 2010 170 Ibid. 169 80 Le musée sans collection est alors au cœur du concept de musée-évènement puisqu’il n’organise que des expositions temporaires qui, de part leur statut spécifique, sont des expositions internationalement reconnues. L’extraordinaire qualité des expositions et les moyens de communication de la RMN permettent ainsi aux Galeries Nationales de battre à chaque exposition des records d’affluence. Enfin, l’environnement des Galeries Nationales accentue cette dimension d’évènement. En effet, les Galeries Nationales sont sur l’avenue des Champs Elysées, haut lieu touristique en France. Elles sont, de plus, une partie intégrante du Grand Palais dont l’activité évènementielle, notamment dans la nef du Grand Palais, est très élevée, renforçant à l’occasion l’expérience ressentie par le visiteur. 81 CHAPITRE 3 - LE DÉVELOPPEMENT PAR LA SOCIALISATION Le public a toujours été impressionné par l’institution muséale. Ces établissement avaient des règles strictes et présentaient des collections austères dans des bâtiments impressionnants. L’importance accordée à un silence total et au respect paraissaient directement inspirées de celles d’une église. Les musées, forcés de se réconcilier avec un public, ont dû réduire la distance qui les séparait. Les stratégies d’expansion leur ont permis de se rapprocher géographiquement du public, les stratégies d’attraction, elles, ont favorisé l’envie du public de rencontrer le musée. Les stratégies de socialisation, enfin, ont pour vocation de faciliter le déroulement de cette rencontre. Section 1 - Les stratégies de socialisations La rencontre entre le public et le musée est aujourd’hui de plus en plus fréquente. Cependant, il se peut qu’elle ne réponde pas aux attentes des deux parties. En effet, le public peut se sentir mal à l’aise dans le musée. De même, le contact pourrait n’être qu’une unique rencontre, non renouvelée. L’institution muséale a aujourd’hui besoin de capitaliser sur chaque contact avec le public. C’est pour cela que les musées ont du développer des stratégies de socialisation avec le public. I - Pourquoi une telle stratégie ? Ce type de stratégie ne présente pas des objectifs multiples comme les précédentes ; elle a une vocation principale : fidéliser le public. C’est alors cette fidélisation qui pourra répondre à certaines missions. En effet, le problème majeur pour les musées est de se retrouver sur un marché où ils sont en concurrence, à l’international, avec une industrie du loisir au sein de laquelle certains groupes s’avèrent bien plus riches et puissants que les musées. Alors, pour gagner une audience plus forte auprès d’un public dont les comportements de zapping sont légion, le musée doit capitaliser sur sa nouvelle position de « petit » sur le marché pour développer une relation suivie et personnelle avec chacun de ses visiteurs. Cette socialisation créera un capital sympathie nécessaire qui sera converti par la suite en capital économique dans la mesure où la fidélisation des visiteurs signifie, dans le même temps, l’assurance d’une rente annuelle stabilisée. Ainsi, le musée remplit sa mission économique. De plus, cette fidélisation signifie un élargissement du nombre de visiteurs et donc une démocratisation de la culture qui, par le bouche à oreille ne fera que croître. Enfin, c’est aussi par cette fidélisation et par ce sentiment de relation de proximité entre le public et 82 son musée que ce dernier pourra transmettre au mieux ses connaissances et remplira sa mission pédagogique. Pour autant, l’objectif de fidélisation ancré dans la stratégie de socialisation n’empêche pas le musée d’en tirer d’autres fils conducteurs comme une dimension économique forte. En effet, la socialisation permet la construction de communautés autour du musée et fluidifie la transmission de l’information. Ainsi, cela permet à l’institution muséale de mettre en place des opérations de communication moins coûteuses mais mieux reçues et intégrées par le public. Enfin, les outils utilisés pour assurer cette socialisation peuvent être d’importantes solutions pour assurer un financement futur, internet en pointe. II - Comment s’implémentent les stratégies de socialisation ? Socialiser avec le public est un processus qui doit se réaliser en plusieurs étapes. Il est essentiel lors de la première rencontre avec celui-ci de gagner sa confiance pour pouvoir sympathiser avec lui. Enfin, il est essentiel de maintenir le lien vivace en créant des réelles communautés. Ce besoin de sympathie et de confiance sera cependant toujours existant et il convient que le musée regagne toujours le droit de créer un lien avec le visiteur. Pour ce faire, l’institution muséale met en place plusieurs solutions que nous nous devons d’analyser. A- Sympathiser avec le public Afin de permettre la construction d’un lien entre l’institution muséale et le public, celle-ci doit laisser, à ses visiteurs, la place de s’exprimer et d’exister. Le confort de la visite est à ce titre un critère essentiel pour le visiteur. Afin d’assurer son confort, les musées ont mis en place de réelles politiques d’accueil des visiteurs. L’accueil est le premier contact des visiteurs avec le musée. Il est important que celui-ci laisse une bonne impression d’autant que c’est souvent le seul moment où le visiteur est mis en contact direct avec des employés du musée. Cet accueil permet une orientation efficace du public vers les lieux qu’il recherche mais aussi l’adaptation du musée à des publics plus sensibles comme les personnes handicapées ou les enfants. Nous avons préalablement souligné les difficultés que rencontraient ces publics face aux musées et l’enjeu qu’ils représentent. Dès lors, la volonté de les accueillir doit s’accompagner d’une mise en place d’infrastructures spécifiques pour faciliter leur accès aux salles mais aussi de programmes leur permettant d’appréhender les œuvres et les expositions malgré leur différence. La forme, le fond de la documentation mise à disposition doivent également être retravaillées. 83 En assurant le bien-être du public, le musée a plus de chance de gagner sa confiance. Il est alors en capacité d’échanger avec lui. La transmission des connaissances ne se fait donc plus dans un sens unique émetteur récepteur mais sous un aspect de dialogue. Ainsi, le ton du musée a changé. Au lieu de décrire, le musée explique. Au lieu de transmettre, le musée partage. Ces changements de point de vue jouent un rôle essentiel dans la manière dont le musée communique au sujet et au sein des expositions. Dans ce processus, certains musées vont d’ailleurs jusqu’à intégrer cette dimension de partage d’information dans leur positionnement face aux expositions en prenant le partie de ne développer que des points passés sous silence. Cette « confession » permet de rapprocher encore un peu plus le musée de son public. Les nouvelles technologies ont d’ailleurs offert au musée une chance inespérée de mener à bien les évolutions en termes de partage. B- Internet et la technologie, la communauté 2.0 Les TIC jouent un rôle prégnant dans les stratégies de socialisation des musées. En effet, elles permettent aux musées d’être en contact direct avec leur public, à tout moment, et à moindre coût. Les institutions muséales ont bien remarqué cette chance et sont devenues des leaders dans l’utilisation des possibilités qu’offrent les nouvelles technologies. La première utilisation est la représentation des musées sur Internet, allant parfois jusqu’à la création d’un véritable musée virtuel. Ainsi, les musées ont tous créé leur site internet. Ces sites leur permettaient avant tout de donner des informations au potentiel public. Ainsi, on y retrouvait une description du musée, la liste des expositions, et les informations pratiques (accessibilité, tarifs, horaires, etc.). Cette étape d’information était l’étape préalable toute activité du musée sur Internet. Une deuxième étape a consisté en l’ajout de « news » et de la programmation des activités périphériques (projections, conférences, débats, etc.). Toutes les deux étaient mises à jour régulièrement. Cette dynamique du site impliquait alors une visite régulière des publics pour se tenir informés des évolutions du musée. Une troisième étape a consisté en l’ajout du multimédia sur les sites. Cette technologie a permis aux musées de numériser leur collection, leurs publications ou encore les comptes-rendus et photographies des manifestations passées. Puis, le multimédia a permis de rajouter des vidéos de ces manifestations, des interviews, etc., jusqu’à pouvoir créer des visites virtuelles des musées (autrefois uniquement disponibles par cd-rom). Les sites sont alors devenus beaucoup plus attractifs pour les visiteurs qui ont pu affluer en masse. La dernière étape est la possibilité d’échanges entre les institutions et le public. Cet échange a permis aux visiteurs de poster leur point de vue sur les musées, ses collections, etc., mais aussi d’acheter en ligne. Cette solution 84 a donné l’opportunité au musée de se rapprocher encore un peu plus de ses visiteurs et de développer un modèle économique sur internet en y vendant directement les produits dérivés, les objets vendus en boutique, mais aussi des billets coupe-file, un peu plus cher que les billets en caisse mais qui protège le visiteur contre tout risque d’attente – parfois longue pour les expositions temporaires. Les sites internet n’ont été que le point de départ de l’aventure technologique des musées. Internet a permis de connecter des bornes électroniques aux serveurs centraux. Ces bornes, installés dans les musés, leur ont permis d’offrir aux visiteurs des services de renseignement, des compléments d’information sur les œuvres ou encore la possibilité d’acheter des billets. Sur Internet, les musées ont aussi développé l’échange par le biais de l’envoi de newsletters qui permettent d’envoyer directement et régulièrement une « lettre » d’information dans la boite mail du visiteur qui l’a choisi. Ce procédé implique que le public n’a même plus besoin de faire le moindre effort pour obtenir des informations, il les reçoit directement. Cela a encore augmenté les possibilités de rencontre entre le musée et le public. Agissant comme une piqure de rappel sur l’existence du musée, elles permettent de tisser ce lien unique entre le musée et le visiteur. Ce lien unique, le musée a alors souhaité l’accroitre, l’intensifier en utilisant les solutions de marketing direct que les entreprises avaient développées. Dès lors, les visiteurs ont pu donner leurs données personnelles et recevoir en échange des offres personnalisées, de la part du musée. Il convient de préciser que la présence des musées sur internet s’est significativement multipliée avec l’apparition des réseaux sociaux. L’apparition de ces sites internet dans les années 2000 a permis aux musées de développer pleinement leurs stratégies de socialisation. Les réseaux sociaux permettent la création et l’échange du contenu généré par les utilisateurs. Par le biais de ces outils, des individus ou des groupes d’individus qui collaborent créent ensemble du contenu Web, organisent ce contenu, l’indexent, le modifient, le commentent, le partagent, etc. Les médias sociaux ont ainsi pour but la création et le maintien d’un lien social entre individus et, à l’usage, entre organisations et individus. Les musées ont connu un succès révélateur de leur importance dans la société. En contact permanent avec des visiteurs, qui considèrent le musée qu’ils « ajoutent » comme un « ami », et qui échange avec lui dans une relation amicale, le musée a pu mener à bien sa stratégie de socialisation. Plusieurs réseaux sociaux existent, se différenciant les uns des autres par des spécificités géographiques, des différences de contenu (textes, vidéos, etc.), de sujets (musique, sport, etc.), ou encore d’intérêt (vie privée, professionnelle, associative, etc.). Les musées se doivent alors d’être 85 présents sur tous les réseaux qui les concernent et de faire vivre les communautés qui se créent autour d’eux. La blogueuse Diane Dubray souligne cet enjeu en rappelant l’expérience du Brooklyn Museum : « Le Brooklyn Museum est donc présent sur Facebook, Flickr, MySpace, Youtube, Blip tv et Twitter ! Rien que ça !! Leur stratégie a été d’utiliser chacun des outils avec des objectifs différents. Ainsi, Twitter leur permet de communiquer l’actualité des expos ou les infos de dernière minute (« Tempête à Brooklyn ! Le Musée est obligé de fermer ses portes ! »), YouTube leur permet de diffuser des interviews d’artistes ou de conservateurs ou encore de présenter les expos, MySpace laisse la parole aux visiteurs et permet de créer une communauté très soudée, Facebook a le même intérêt mais pour une cible différente avec des widgets plus nombreux et enfin Flickr donne la possibilité à la communauté « Brooklyn Museum » de partager leurs expériences via des photos ! »171. Enfin, les nouvelles technologies ne cessant d’évoluer, les musées développent petit à petit leurs « Widgets », petits encarts choisis par les internautes pour être sur leur page d’accueil lors de leur connexion à internet et qui relaient les actualités des musées, et leurs « applications », logiciel gratuit ou payant de petite taille que les utilisateurs de smartphones ou de tablettes électroniques installent pour pouvoir accéder aux informations et actualités du musée. L’objectif de cette adaptation aux nouvelles technologies étant d’être en contact permanent avec le public de manière à pérenniser un lien et assurer son retour dans les galeries du musée. Section 2 - L’exemple de la Pinacothèque de Paris La pinacothèque de Paris est un des rares musées privés de la capitale. Elle a ouvert ses portes en 2003 dans le Xème arrondissement de Paris puis a déménagé en 2007 vers un lieu plus accessible, la place de la Madeleine dans le VIIIème arrondissement. Ce déplacement va avec la volonté de l’institution d’être accessible. La pinacothèque est ainsi un lieu à taille humaine de 2000 m² de salles d’expositions. Ce musée se différencie de ses concurrents par sa volonté de partager autre chose avec le public. Ce partage s’effectue de deux manières, révéler un art que l’on n’a pas l’habitude de voir, et partager sur Internet. I - Révéler un art oublié Lorsque Marc Restellini, Directeur de la Pinacothèque de Paris, décide de créer la Pinacothèque, il le fait avec l’optique qu’elle regardera l’art d’une manière différente. Lorsqu’en 2008, il est interrogé sur la raison de ses contestations, l’historien de l’art répond : 171 DRUBAY. 2008 86 « La technocratie culturelle ; le fait que l’art soit trusté par la Direction des Musées de France et la Réunion des Musées Nationaux. On se retrouve face à des bureaucrates, des administratifs. Malheureusement, c’est une plaie. (…) Une des vocations de la Pinacothèque de Paris est de remettre les historiens de l’art au premier plan, à travers ses diverses expositions. (…) [Certains] sont de grande valeur, et n’ont pas souvent l’occasion de s’exprimer en France. Si la Pinacothèque peut leur en donner l’occasion, c’est très important »172. Cette divergence d’avec les expositions traditionnelles, cette volonté de diffuser l’histoire de l’art, fondent la seule cohérence de la programmation de la Pinacothèque. Ainsi, au sujet de l’existence d’un fil conducteur dans la programmation, Restellini répond « Aucun, si ce n’est mon choix. Plus sérieusement, nous essayons d’apporter un regard nouveau sur les artistes, montrer des choses qu’on ne voit pas ailleurs »173. Ainsi, les œuvres d’art que présente le musée ne sont pas toujours les plus connues de l’artiste, comme lors de l’exposition « Edvard Munch, ou l’anti-cri » qui avait pour spécificité première d’étudier la peinture de Munch sans évoquer « le cri », souvent considéré comme son œuvre maîtresse. De même, l’étude d’une œuvre devient parfois plus sociologique que technique, comme dans l’exposition « Pollock et le chamanisme » qui s’attardait sur le lien entre Pollock et le chamanisme et sur sa transcription dans la peinture de Pollock avant de disséquer la technique du dripping, si particulière à l’artiste, et dont chaque musée nous a déjà vanté les mérites. Cette position est assumée et soutenue par la disposition des œuvres. A ce titre nous pouvons citer le commentaire de artscape lors de l’exposition « Roy Lichtenstein, Evolution » : « La scénographie (...) propose un parcours en vague, assez sympathique à suivre - pas de salle longiligne à perte d’horizon, qui décourage le visiteur à peine engagé dans son apprentissage culturel! L’organisation de l’espace reprend celui de l’atelier de l’artiste. Avec, en prime, la volonté - par des effets de transparence et de reflets (murs blancs et discontinus de manière à créer des vides) - de solliciter la mémoire du visiteur d’une œuvre à l’autre. Un effort cérébral de forme qui coïncide avec le fond de l’exposition. Celle-ci entend décrypter le processus créatif de Roy Lichtenstein. Déconstruire son œuvre, en partant de l’idée initiale pour atteindre la réalisation finale, et ainsi mieux la comprendre »174. Toutes ces techniques utilisées par le musée donnent ainsi au public la sensation d’apprendre quelque chose de rare, d’unique, et de faire partie d’un petit groupe d’initié. La 172 SALEZ. 2008. Ibid. 174 ARTSCAPE. 2007. 173 87 Pinacothèque invite donc chacun à rentrer dans la confidence de l’analyse qu’elle donne à voir et, ainsi, de faire partie d’un club sélectif des connaisseurs. C’est cette capacité du musée à s’adresser à tous de manière individuelle et sélective qui crée un lien intense avec son public. Ce lien, la Pinacothèque a décidé de l’entretenir et de l’encourager en partageant l’art via internet. II - Partager l’art via internet La politique de la Pinacothèque concernant internet est fondée sur le même principe de partage de l’histoire de l’Art avec le plus grand nombre. Cette vision entraîne un double positionnement de la part du musée. Dans un premier temps, la position du musée face à Internet est une utilisation de la toile comme un outil de diffusion de l’histoire de l’Art au plus grand nombre. Ainsi, le musée a ouvert un site internet de présentation succincte et qui sert principalement à stocker un maximum d’information sur chaque exposition organisée. Lors de la création de la Pinacothèque, Internet était déjà une réalité. Ainsi, le musée n’a pas affronté les différentes étapes : dynamique, multimédia, et d’échange qui avaient toutes eu lieu. Dès lors, le musée a créé un blog de manière à organiser sur un même lieu la publication de l’ensemble des actualités du musée, triées et organisées ensuite sur le site. Ce blog, « L’essentiel », est le cœur de l’activité internet du musée. Ici, la Pinacothèque donne accès à la vidéo de présentation de chaque exposition mais aussi à l’ensemble des vidéos et articles parus sur les expositions175. Sur ce site aussi le musée publie les podcasts, fichiers sonores téléchargeables, retraçant la visite du musée ou les conférences organisées 176. Là encore l’institution favorise l’échange, puisqu’elle met en place des jeux concours pour augmenter la culture du public en lui faisant gagner des entrées au musée177. Cette concentration des opérations sur Internet s’est aussi développée vers le téléphone mobile intelligent, ou smartphone. En effet, pour ses expositions, le musée développe une application pour les utilisateurs d’iPhone accessible par la réserve d’application Apple, l’Appstore, ou en prenant en photo les flashcode, ou QR codes, placés sur chaque support de communication de l’exposition178. Cependant, on constate dans un deuxième temps que le musée est totalement absent des réseaux sociaux, peut-être par volonté de ne pas trop vulgariser sa communication, ou peut- 175 http://essentielblog.pinacotheque.com/category/video/ http://essentielblog.pinacotheque.com/category/ecouter/ 177 http://essentielblog.pinacotheque.com/category/jeux/ 178 JA_FS. 2010. 176 88 être simplement parce que la Pinacothèque cherche à monétiser ses publications : 2 euros pour la visite audio, 2,99 euros pour l’application destinée à l’iPhone179. Cette stratégie de socialisation est aujourd’hui pleinement saluée par les visiteurs avec 700 000 visiteurs pour l’exposition « l’âge d’or hollandais »180, par les critiques qui soulignent que l’institution étudie l’ « évidence généralement méconnue et qui fait tout l’intérêt de cet événement culturel »181, mais aussi par sa situation financière, puisque l’institution a dégagé 200 000 euros de bénéfices à l’issue de l’exercice de son activité en 2009182. Elle devient d’ailleurs un modèle de réussite puisque la Pinacothèque de Paris ouvrira un nouvel espace en 2011 pour accueillir l’exposition de sa future collection permanente et envisagerait de signer un contrat de collaboration de cinq ans avec le musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg183. Section 3 - L’exemple du MET Le Metropolitan Museum of Art of New York a la socialisation dans les veines. Preuve en est, les escaliers qui mènent au musée et son parvis sont parmi les lieux les plus fréquentés de New-York. Paul Goldberger, critique d’Architecture, pense même que : « There are some stairs in the city - like those in front of The Metropolitan Museum of Art - that are arguably more important urban events than the buildings to which they lead »184. En effet, ces escaliers sont devenus un lieu d’observation, de repas, ou encore de rendez-vous. Il convient alors d’analyser comment cette socialisation est implémentée une fois la porte du parvis franchie. I - L’art pour tous La première charte du musée expliquait la localisation de celui-ci dans la ville de NewYork pour lui permettre d’apporter l’art au plus grand nombre. Cette mission a été confirmée par la dernière charte rédigée en 2000 : « The mission of The Metropolitan Museum of Art is to collect, preserve, study, exhibit, and stimulate appreciation for and advance knowledge of works of art that collectively represent the broadest spectrum of human achievement at the highest level of quality, all in the service of the public and in accordance with the highest professional standards »185. Première vocation du musée, la socialisation avec le public 179 CLIC France. 2010 JOURNAL DES PEINTRES EN LIGNE. 2010. 181 LABOITEASORTIE. 2008. 182 BARROS. 2010 183 ARTCLAIR. 2010. 184 PPS. 2010. 185 MET. 2002 180 89 commence donc par la mise à disposition, pour celui-ci, d’une collection la plus riche et variée possible. Le musée a ainsi développé sa collection permanente sans spécialité réelle comme le révèle l’existence de 22 départements de conservation 186 – soit deux fois plus que pour le musée du Louvre. De même, le musée gère en même temps, à l’été 2010, plus de 20 expositions temporaires187. Cette volonté d’offrir un choix le plus élargi possible à son public a entraîné pour le musée un besoin de prendre en compte le panel le plus large de public. L’importance donnée au confort du public est visible dès les années 1970 et ne cessera de se développer. Ainsi, Entre 1971 et 1991 un cabinet d'architectes a eu la charge d'étendre le musée pour le rendre plus accessible au public. Il ne construisit pas moins de 6 ailes nouvelles au sein du musée. D'autres espaces ont été créés ou rénovés à la fin des années 1990 comme la Galerie des Arts Coréens, les galeries d'antiquités grecques, romaines et du Proche-Orient et plus récemment les New Greek Galleries en 1999 et les galeries chypriotes en 2000. De plus, pour s’assurer d’un confort total, le MET a mis en place des solutions pour chaque type de public : malentendants, sourds, malvoyants, non-voyants, etc., sont tous pris en compte séparément pour s’adapter réellement à leurs besoins. Ainsi, les malvoyants ont accès à des guides imprimés en plus gros caractères s’ils ne souhaitent pas utiliser un audio-guide. De même, des guides en langue des signes sont prévus pour que les personnes sourdes puissent malgré tout avoir une visite guidée. Les enfants ont, eux aussi, accès à des activités d’edutainment particulièrement adaptées. La socialisation au sein du musée ne s’arrête cependant pas là pour le Met. En effet, des programmes permettant la rencontre entre personnel du musée et public ont été mis en place. Ces programmes se composent le plus souvent de cycles de conférences, de stages d’apprentissage ou de pratique de certaines techniques artistiques. Ces programmes sont eux aussi adaptés à leurs participants. Ainsi, le musée a créé un programme « Explore & learn » pour les enfants et les familles qui se compose de divers ateliers. De même, des programmes ont été créés pour les professeurs, les artistes, les étudiants, les jeunes, les personnes handicapées, les groupes scolaires, les groupes de vacanciers, les hispaniques, le public multiculturel, ou encore les employés du musée188. Ce phénomène et cette philosophie sont cependant poussés plus loin encore lors de programmes comme le programme « spectrum », qui consiste à confronter le public à une œuvre d’art et à la vision de cette œuvre par un artiste (acteur, chanteur, etc.), ou encore lors de programmes comme le programme « Travel with the 186 http://www.metmuseum.org/works_of_art/curatorial_departments http://www.metmuseum.org/special/ 188 http://www.metmuseum.org/events/ 187 90 Met » qui offre la possibilité au public de partir 10 à 15 jours en voyage à l’étranger avec les conservateurs du musée pour bénéficier de leur analyse scientifique et culturelle. Le Met propose ainsi environ 25 destinations différentes par an189. Cette vision de la socialisation, le Met l’applique aussi à ses outils technologiques de manière à permettre à chacun de posséder l’art, comme nous allons l’analyser dans la partie suivante. II - L’art à tous La philosophie du Met selon laquelle l’art devrait être accessible pour tous, et appartenir à tous, est aussi fortement en cause dans sa relation aux nouvelles technologies et notamment à Internet. Cette vision entraîne un triple positionnement de la part du musée. Dans un premier temps, la position du musée face à Internet est une utilisation de la toile comme un outil de diffusion, massive et totale, de son travail et des œuvres. Ainsi, le musée a ouvert un site internet exhaustif. Chaque publication réalisée par le musée, chaque évènement planifié, etc. y sont retranscrits avec la plus grande précision. Internet et les évolutions qu’il a entraînées ont grandement influé sur les contenus publiés par le musée. Dès lors, à chaque type de contenu pour lequel la technique permettait une diffusion correcte, le musée a développé les moyens pour s’en servir. Ainsi, le musée a énormément développé les contenus multimédias au cours des années 2000. Les articles vidéos, ou encore les podcasts, sont alors devenus des éléments majeurs de diffusion pour le Metropolitan Museum. Le positionnement du musée comme un établissement qui apporte l’art à chaque individu, a poussé le musée à ne pas vendre ses contenus mais bien à laisser chaque visiteur venir se servir de ce dont il a besoin. Le Met n’a pas comme volonté première l’échange avec le public ; c’est pour cette raison qu’il a fait le choix de ne pas développer de blog. L’échange, le musée le réserve pour d’autres espaces, comme nous le verrons plus tard. C’est donc le site Internet qui est au cœur de l’activité internet de l’institution. Ce site se doit alors d’être dense et de permettre à chacun d’y accéder, comme les enfants qui bénéficient d’un accès à des pages d’accueil spécifiques et adaptées. Logiquement, un positionnement du musée sur les réseaux sociaux était nécessaire. Lieux d’échange brut de contenu et d’égalité entre institutions et public, les réseaux sociaux sont le meilleur moyen pour le Met de diffuser efficacement ses contenus. Ainsi, ce dernier a fait le choix d’être présent sur la plus grande partie des réseaux sociaux actifs à ce jour. Par cette 189 http://www.metmuseum.org/events/travel 91 solution, le musée s’assure qu’il pourra diffuser chaque type de contenu et que ces contenus toucheront un public élargi. De même, il développe des applications pour les smartphones. Cette politique d’hyper-présence (Met Share)190 implique la création régulière de contenus et la création d’une équipe de community manager de manière à pérenniser le compte du musée et demandent, par là même, des investissements constants et lourds. Un dernier positionnement du musée est sa volonté de permettre à chacun de s’approprier l’art. Ainsi, pour assurer cela, le musée favorise l’intégration des contenus selon le souhait du public. La mise des podcats sur itunes, logiciel de gestion de podcast en est une. Cependant cette logique est poussée bien plus loin. Il permet ainsi au public d’intégrer directement les données des calendriers dans ses propres calendriers électroniques, et lui offre de s’abonner aux flux RSS du site Internet, c'est-à-dire créer une connexion permanente entre l’ordinateur de chaque visiteur et le site internet du Met, afin de permettre au public d’être tenu au courant en temps réel des informations et publications postées sur le site. Enfin, le musée a développé un portail personnel pour ses abonnés191. « My Met Museum » permet donc au visiteur de se créer une page spécifique concernant le Met. Il peu y choisir les œuvres qui lui plaisent, accéder à un calendrier plus dense et focaliser son attention sur ses centres d’intérêt au sein du Met. Comme nous venons de le voir, les musées développent aujourd’hui des stratégies de développement très axées sur leur ouverture : ouverture à de nouveaux territoires, ouverture à de nouvelles pratiques, ouverture à de nouveaux publics. Ces stratégies sont aujourd’hui celles qui sont le plus développées par les Super-musées qui les combinent en fonction de leurs volontés et des opportunités qui se présentent. Les études de cas nous ont permis d’ancrer cette évolution dans la réalité des musées. Cependant, elles n’apportent aucune réponse ni aucune piste quant au futur choix de développement de ceux-ci. Il convient ainsi, dans une dernière partie, d’approfondir la recherche en ce sens. 190 191 http://www.metmuseum.org/metshare/ https://www.metmuseum.org/mymetmuseum/ 92 TROISIÈME PARTIE – QUELLES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT FUTUR ? Les stratégies de développement des musées se fondent aujourd’hui principalement sur la satisfaction du public. Ces stratégies que nous venons d’analyser ne concernent cependant que les développements actuels et n’ont aucune dimension prospective. Or c’est aussi cette dimension là que la problématique au sujet de stratégies de développement des Super-musées d’Art interrogeait. Dès lors, il est important d’utiliser nos analyses pour brosser les traits des futures orientations que devront, ou choisirons de prendre, les managers de Super-musées. Ainsi, nous évaluerons dans une première partie les grandes tendances de cette évolution avant, dans un deuxième temps, de les discuter et d’exposer les risques qu’elles représentent CHAPITRE 1 - LE SUPER-MUSÉE D’ART FUTUR : L’HYPER-MUSÉE MÉDIA Comme nous l’avons vu précédemment, les Super-musées d’Art doivent lutter contre la concurrence croissante des industries de loisir, composées en grande partie d’entreprises multinationales puissantes. Le musée doit alors développer les armes qui lui permettront de séduire toujours plus de public de manière à leur faire découvrir l’art, puis les fidéliser pour leur permettre d’apprendre l’art. Les musées ont jusqu’ici pris deux positions claires, celle de se structurer et de se renforcer, et celle de développer de nouveaux concepts muséographiques permettant de séduire le visiteur. Ces deux points semblent être encore les enjeux de la réussite des musées. Dès lors, nous pouvons légitimement penser que l’implication des musées en ce sens va s’accroître. Nous nous proposons ainsi d’analyser le futur développement des musées sous ces deux axes du renforcement et de l’expérience. Section 1 - Le développement de l’Hyper-musée La stratégie de croissance dans laquelle les Super-musées se sont investis ne semble en être qu’à ses premiers balbutiements. En effet, en intégrant le marché de l’industrie des loisirs, les institutions muséales ont découvert la concurrence, et, avec elle, les comportements entrepreneuriaux qui y sont rattachés. Or, comme le font régulièrement les nouveaux acteurs d’un marché, les musées sont obligés de lutter pour atteindre une masse critique suffisante qui leur permettra d’assurer leur survie et de se développer par des stratégies d’ouvertures. Cette démarche est une démarche à long terme et les musées n’ont pas encore parcouru la moitié du chemin. Ce développement tend à encourager une croissance de la structure des musées 93 d’associations vers leur conversion en groupes, ainsi qu’un élargissement de leur zone d’activité jusqu’à une mondialisation totale. I - Le musée, d’une association à un groupe économique Les musées avaient le plus souvent le statut d’association ou d’établissement public et faisaient preuve d’une gestion quasi-familiale des projets et des expositions. Cependant, les Super-musées ont du adapter ces modes de gestion pour pouvoir assurer leur autonomie financière, voire leur rentabilité. Ils ont donc modernisé leurs structures et leur mode de management et de gestion pour tendre de plus en plus vers ceux d’une entreprise. Ainsi, les Super-musées fonctionnent aujourd’hui selon les logiques en place dans des entreprises de taille moyenne. Or, ces modes de gestion parfois critiqués ne sont pas une volonté directe des musées mais plutôt une conséquence de la croissance de leur activité. Or, il semble que cette activité continue de progresser et que les Super-musées développent autour d’eux de véritables complexes qui entraineront le développement de leur mode de gestion vers ceux des grandes entreprises. Deux types de complexes sont développés autour des musées, les complexes culturels et les complexes commerciaux qu’il convient tous deux d’étudier plus précisément afin d’anticiper les évolutions des musées en terme de structure. A- Le développement d’un complexe culturel Les présidents de musées ont traditionnellement eu comme rôle de gérer le bon fonctionnement de leur établissement. Lorsque les musées étaient principalement soutenus par les pouvoirs publics et que leurs budgets étaient faibles, seule l’activité de conservation et de présentation importaient et la gestion des musées s’avérait très triviale. Cependant, le désengagement progressif des pouvoirs publics et l’augmentation exponentielle des budgets ont constitué un écueil trop grand à la subsistance de telles pratiques. En effet, les recettes réalisées par les billetteries des musées sont bien inférieures au coût des expositions. Or, il convient de préciser que ce coût est loin de constituer la seule dépense du musée qui doit notamment pendre en charge les frais de conservation, de recherche et d’entretien du musée. Ainsi, la viabilité d’un musée géré isolément est contraire à la réalité et à toute volonté de viabilité économique. Le développement de centres culturels, dont le musée est le point de gravité, a apporté des solutions pour attirer un plus grand nombre de visiteurs et développer un écosystème autour du musée qui paraissait autrefois comme une institution austère. Cette évolution, portée par la création du centre Georges Pompidou a d’ailleurs séduit les villes et territoires 94 au point de trouver une place centrale dans leurs politiques d’urbanisation. Par ce moyen, les musées ont eu l’opportunité de récolter des subventions supplémentaires et, ainsi, pourvoir un peu plus à leurs besoins. Dès lors, chaque nouveau musée a tâché de se construire comme un centre culturel, et chaque musée existant a cherché à s’intégrer dans une démarche d’action pluriculturelle dont il était le leader. Une telle réussite a également encouragé la mise en place de centres toujours plus grands, toujours plus développés. Ainsi, les musées tendent à devenir aujourd’hui, et surtout demain, des complexes culturels qui ne gèrent plus uniquement une collection et des galeries d’exposition mais aussi un cinéma, un théâtre, un auditorium, une bibliothèque, des écoles de musique ou de dessin, des jardins, etc. B- Le développement d’un complexe commercial En parallèle du développement de son activité culturelle, l’institution muséale a aussi assuré le développement de son activité commerciale. Comme nous l’avons préalablement étudié, les produits dérivés et autres services commercialisés, notamment au sein du musée, s’avèrent de plus en plus intéressant pour lui. Dès lors, les musées ont renforcé leur présence au sein de cette activité. Souvent confiée à des gestionnaires, les boutiques et les magasins sont de plus en plus sous la direction directe du musée. Seuls les restaurants demeurent loués aux cuisiniers pour permettre aux visiteurs d’avoir accès à une nourriture réputée. Alors que les commerces au sein des musées étaient centrés sur l’activité de leur hôte, ils ont débuté une phase de diversification. Ainsi, les boutiques ont plus généralement un lien avec le domaine d’activité de leur hôte. Le musée d’art moderne du centre Pompidou héberge par exemple un magasin de design qui, bien qu’il ne soit pas directement relié aux œuvres exposées, rappelle la dimension créative de l’art. L’ouverture a continué et des musées comme le Louvre accueille aujourd’hui des entreprises dont la dimension créative est de plus en plus ténue, nous pouvons citer à ce titre l’exemple de l’Apple-Store installé dans le Carrousel, et permettent à des restaurants purement commerciaux de s’installer, à l’image de McDonald’s. Continuant ce passage vers des activités commerciales, le musée devient un lieu fréquenté par le public et, par là même, susceptible d’accueillir des commerces de tous types. Les musées gèrent donc leur espace de manière à offrir la possibilité à certains de ces commerces de s’installer, comme c’est le cas au Carrousel du Louvre. De même, certains centres commerciaux ont ouvert des musées dans leur bâtiment. C’est une pratique 95 aujourd’hui courante au Japon, comme nous l’avons déjà évoqué, et elle semble se transmettre aux autres pays « occidentaux ». Allant encore plus loin, certains prônent même une réelle fusion entre les centres commerciaux et les musées comme par exemple le Bangkok art and culture center, inauguré en 2008, et dont les trois premiers étages sont réservés à une galerie marchande composée de plus de 30 magasins192. La création de musées complexes était au centre du débat dès 2001, ainsi, Kathy Halbreicht, directrice du Walker Art Cener de Minneapolis, avait choqué en révélant que le Mall of America, plus grand centre commercial des Etats-Unis, avait été une source d’inspiration profonde pour le réaménagement de son musée. Elle précisait ainsi : « Even the artists who come here want to see it, perhaps in a more jaded sense than others. It’s a place where things come together—film, theme park, eating, shopping. If you start to deconstruct the Mall of America, it’s not that different from what we offer »193. Cette position, qui avait entrainé une levée de boucliers de la part de certains conservateurs serait beaucoup mieux acceptée aujourd’hui, notamment du fait que certains d’entre eux ont aujourd’hui développé une stratégie identique. Dès lors, le musée va se trouver gestionnaire de complexes culturels et commerciaux toujours plus importants et développés. La diversification de l’activité du musée, puisque ces rôles autrefois hors de son périmètre d’activité seront demain intégrés à son organisation, devra être gérée par des services spécifiques. Ils complexifieront encore l’organisation et le fonctionnement des musées qui, tout en restant sous un statut quasiment associatif, s’assimileront à de grandes entreprises. Ces entreprises, lorsqu’elles auront atteint une masse critique suffisante et qu’elles pourront équilibrer leurs budgets, chercheront des débouchés plus importants par une phase de concentration, d’expansion, et d’ouvertures qui leur permettront d’acquérir une audience internationale. II - Le musée, une multinationale agressive ? Pour pérenniser sa situation, le musée doit aujourd’hui ancrer son activité dans la dynamique de mondialisation de l’activité culturelle. Ainsi, alors que le journal L’Expansion notait en 1995 la différence du Guggenheim, « le musée qui veut devenir une 192 193 BACC. 2010 ESKIN. 2001 96 multinationale »194, les musées ont aujourd’hui l’obligation de devenir des multinationales et le monde des Super-musées sera, demain, uniquement composé d’institutions mondialisées. La seule interrogation qui pourrait subsister est la manière dont se fera cette mondialisation. Or, quand on analyse les développements récents, il semble évident qu’elle se fera par le concept de marque. A- L’importance de la marque Traditionnellement, l’institution muséale était définie par sa fonction d’utilité. Le musée n’avait souvent pas de Logo, et n’avait pas d’autre identité que le bâtiment dans lequel il exposait et la collection qu’il exposait. Les noms des musées sont d’ailleurs un révélateur significatif de cette vision, le Museum of Modern Art of New-York, le Metropolitan Museum of Art of New-York, ou encore le Musée du Louvre ne sont qualifiés que par leur fonction et leur localisation. De même, les musées issus de donations de fondations portaient le nom de leur fondateur, comme le Solomon R. Guggenheim Museum ou encore la Tate Gallery. Cependant, avec le temps et leur intégration dans la vie de ces villes, les institutions muséales ont été adoptées par les habitants qui ont souvent raccourci leur nom pour faciliter les discussions à leur sujet. Les musées ont, au cours du temps, repris ces appellations pour être facilement identifiés par le public et sont devenu le MOMA, le Met, le Louvre, Le Guggenheim, ou encore la Tate. Plus tard, lorsque le marketing a commencé à faire son apparition dans les musées, ceux-ci ont transformé leurs sceaux en logos. Chaque institution s’est donc créé une identité, définie par un nom, un logo, une collection, et une charte définissant ses missions. Ce sont ces marques qui se sont diffusées mondialement et ont donné une image, une réputation aux musées. C’est cette réputation qui a permis aux Supermusées de conquérir leurs premiers visiteurs internationaux et devenir des références pour les conservateurs du monde entier. Les musées capitalisent aujourd’hui sur la notoriété qu’ils ont pu acquérir pour réaliser des projets qui renforceront leur activité. B- La quête de l’expansion Le développement des musées en tant que complexe étant en action, le musée se retrouve rapidement face aux limites du potentiel de développement de son bâtiment. Il le rénove, l’agrandit, et adapte sa muséographie pour gagner toujours plus de place mais il se retrouve souvent encadré par l’urbanisation environnante. Cependant, ses besoins et sa volonté ne sont pas épuisés. C’est à ce moment que la marque joue tout son rôle pour le musée. Un bâtiment 194 DURIEUX. 1995. 97 n’est pas modulable à l’infini, il n’est pas non plus mobile. La marque, au contraire, fait voyager rapidement et internationalement l’image et la réputation du musée. C’est dans ce cadre là que le musée trouve une porte de sortie. En effet, alors que pendant des siècles, les musées n’avaient eu aucune activité à l’extérieur des territoires dans lesquels ils étaient implantés, lorsqu’ils ont cherché des débouchés en dehors de ce territoire, leur réputation en tant que marque les avait devancés et les portes leur étaient ouvertes. Les musées ne sont encore qu’en période d’évaluation des potentialités qu’offre cet appui et s’attachent déjà à le mettre à profit en développant diverses stratégies d’expansions. Il convient alors de préciser que ce phénomène va s’intensifier dans un futur proche et, qu’alors qu’une disparité se fait aujourd’hui entre les quatre plus grands musées internationaux et leurs concurrents, ces musées jouent le rôle de laboratoire pour les autres. Ainsi, il va sans dire que si les expériences d’expansion des musées comme le Guggenheim, le Louvre, ou encore le centre Pompidou réussissent, ils seront copiés par leurs concurrents. La première solution qu’implémente chaque musée est le recours aux alliances, et aux partenariats. Cette solution est plus aisée à développer dans la mesure où elle consiste souvent en l’association de plusieurs musées dans un projet particulier, que ce soit pour le prêt d’œuvres, la réalisation d’une exposition temporaire, ou encore la réalisation d’expositions à long terme d’un musée pour un autre. La facilité de cette opération réside ainsi en deux caractéristiques clefs. La première de ces caractéristiques est que l’opération n’exige pas un important investissement de la part des musées puisque ceux-ci n’ont qu’à prêter des œuvres. La deuxième caractéristique réside, elle, dans les parties prenantes à l’opération. En effet, l’opération se réalise entre musées dont la réputation est déjà faite, ce qui signifie que chacun connaît déjà son partenaire et que les négociations se font entre gestionnaires pour ce qui est de l’aspect financier, et entre conservateurs pour ce qui est de l’aspect scientifique. Les risques sont donc réduits pour le musée. Déjà courants aujourd’hui, les partenariats tendent à se développer toujours plus et ils seront donc omniprésents dans la gestion future des musées, et ce d’autant plus que des musées sans collection se développent. De plus, et c’est sûrement l’élément le plus important, alors que l’essentiel des partenariats sont aujourd’hui réalisés pour des opérations à court terme, il semble que la part des partenariats à long terme, à l’instar de celui mis en place en 2006 entre le Louvre et le HMA d’Atlanta, augmentera significativement. Une deuxième solution, beaucoup plus récente, consiste en la création de filiales. Ce recours est très récent et encore énormément contesté au sein même des responsables 98 d’établissement. Le Guggenheim a été le premier musée à mettre en place des filiales avec la création d’un Guggenheim Bilbao. Depuis, la réussite de cette première expérience a fait beaucoup d’émules comme le Louvre-Lens, Le centre Pompidou-Metz, les Louvre et Guggenheim-Abu Dhabi, etc. Ces filiales présentent l’avantage pour le musée d’accroître son potentiel en ouvrant une entité nouvelle tout en ne partant pas de zéro. En effet, l’utilisation de la marque du musée permet de capitaliser sur une réputation, et d’ainsi attirer plus de public. Les filiales ne sont pas toutes les mêmes. On peut alors différencier deux types généraux : les licences et les succursales. Les licences consistent en la vente d’un droit d’utilisation de la marque d’un musée et de son savoir-faire capitalisé à la fois en connaissances scientifiques et en expérience opérationnelle. C’est l’exemple des filiales Guggenheim ou Abu Dhabi. Dans ce cas, les créateurs de la filiale achètent le service du musée mère pour un temps donné. Par exemple, le Louvre donne son nom au musée d’Abu Dhabi et lui apporte son aide pour l’organisation d’expositions ainsi que la création d’une collection permanente pendant une durée de trente ans ; ensuite, la filiale devient normalement une entité autonome et a pour seule obligation de respecter une charte cohérente avec celle du musée mère. Cette solution permet au musée mère de bénéficier d’un apport de liquidités important et, ensuite, du prestige que pourra avoir le musée-filiale sans pour autant alourdir sa gestion. La succursale, quant à elle, a beau être dotée d'une direction distincte jouissant d'une certaine autonomie et capable de commercer avec les tiers, elle est en fait une extension géographique du musée mère qui ne dispose pas d'une personnalité juridique distincte et ne saurait, par exemple, avoir de collection propre. Lorsqu'une succursale contracte, c'est en fait le musée mère qui s'engage. Cette solution est celle développée lors de la création du centre Pompidou-Metz ou encore du Louvre-Lens. Elle permet au musée mère de développer des débouchés extérieurs pour sa propre collection tout en capitalisant sur le succès que rencontrera le musée. Celui-ci gère donc totalement le musée-succursale mais profite de ses bénéfices et, là encore, de son aura. Les deux cas de figure que nous présentons dans ce mémoire consistent pour les musées-mère en des solutions de diversification pour un musée qui trouve là une plus grande liberté d’expression et d’expérimentation, tant pour la muséographie que pour le sujet des expositions. L’utilisation d’une telle solution n’étant aujourd’hui que très rare, son développement dépendra de la réussite des expériences préalablement considérées. Néanmoins, les projets en cours au sein des musées et la réussite du Guggenheim Bilbao semblent, à moyen terme, encourager une généralisation du processus de filialisation. D’autant plus que ce processus sera couplé à une troisième solution d’expansion future, la concentration. 99 Le phénomène de concentration est un phénomène courant sur les marchés dont le nombre de concurrents est très élevé. En effet, le public et son temps libre n’étant pas indéfiniment extensibles, le public doit hiérarchiser ses priorités. Dès lors, certains musées attirent plus de public que d’autres. Le marché permet donc à certains musées de dégager des bénéfices croissants tandis que d’autres ne parviennent pas à trouver les ressources nécessaires à leur fonctionnement. Un phénomène se développe petit à petit, l’intégration horizontale. L’intégration horizontale, ou concentration du marché, est un phénomène au cours duquel les musées leader essaient d’étendre leurs réseaux, en acquérant des musées concurrents. Le but de la concentration est avant tout de répartir les coûts sur une plus grande quantité d’expositions et, parfois, sur une plus grande quantité d’activités – le musée absorbé peut par exemple permettre à un musée traditionnel de développer une programmation plus avant-gardiste ou permettre à un musée grand public de développer des expositions plus pointues. Enfin, un objectif moins avouable est celui de réduire la concurrence. Des freins existent pour limiter la concentration du marché des musées d’art. Le rôle des politiques est à ce titre essentiel et il tient à eux de s’assurer que chaque dimension de l’art est représentée et que la mission scientifique et pédagogique est assurée par chaque musée, tout en soutenant la démocratisation de la culture. Ainsi, les fusions-acquisitions brutes ne sont pas possibles entre musées. Néanmoins, les difficultés rencontrées par certains musées obligent les responsables politiques à accepter un adossement de ce musée en faillite, sur un musée en essor. Que cet adossement prenne la forme d’un partenariat ou d’une prise de participation importe peu, le musée leader en bénéficie. Bien que moins médiatisés, car en apparence moins économiques, les « rapprochements » entre musées se sont développés. On peut ainsi citer comme exemple celui du MOMA et du P.S.1195, ou encore celui plus récent du musée de l’Orangerie au musée d’Orsay196. Bien que ce phénomène ne soit pas encore présent dans le débat public, il semble évident que les Super-musées vont ressentir le besoin de fusionner avec des musées moins importants leur permettant de diversifier leur activité ou d’élargir leur ère d’influence. Néanmoins, lorsque ce phénomène sera plus fortement analysé, il risque d’être très contesté et sera difficile à mettre en place. En conclusion, Les Super-musées tendent à devenir des Hyper-musées. Pour ce faire ils développeront peu à peu des complexes culturels et commerciaux autour des galeries. De plus, ils encourageront leur croissance par la généralisation des procédés de partenariats et de filialisation leur assurant ainsi la concentration d’un marché où la concurrence est nombreuse, 195 196 GALARD. 2001. pp.211-222 AFP. 2010 100 une augmentation significative de leur zone d’influence mais surtout des économies réelles et des bénéfices plus importants. Ces évolutions vont concourir à la complexification de la structure des musées et à la multiplication de services spécialisés qui devront gérer de nouvelles problématiques d’expansions. Ces hyper-musées sont donc un premier aspect des développements futurs. Or, l’analyse des stratégies actuelles souligne un autre aspect : la recherche de l’expérience qui place le musée en position de média. Section 2 - Le musée, un nouveau-média comme un autre ? La comparaison entre les musées et les médias semble de prime abord plus polémique que justifiée. La tradition scientifique veut que les musées soient aujourd’hui plus comparés à d’autres membres de l’industrie culturelle comme la production musicale. De plus, ces mises en relation restent souvent de simples allusions dans la mesure où la spécificité des musées et la sacralité de leurs collections semblent les prémunir de toute comparaison. Pourtant, l’évocation de quelques mots clefs récurrents dans ce mémoire comme le public, les TICs, l’expérience, l’évènement, la déontologie, le rôle des pouvoirs publics, etc., associent naturellement ces deux domaines. Il convient ainsi d’analyser leur ressemblance à la fois d’un point de vue des enjeux du marché que des structures en place. I - Les problématiques des musées, problématiques de l’industrie des médias ? Si les médias et les Super-musées paraissent d’un premier coup d’œil très proches, c’est que les enjeux qui rythment le marché dans lequel chacun évolue permettent de les rapprocher. Analyser ce qui les unit permettra de mettre plus en valeur les possibles évolutions des musées. Le premier de ces challenges est la mondialisation. En effet, alors qu’il y a trente ans les musées, comme les médias, étaient protégés par les frontières Etatiques, ils sont maintenant entrés dans un marché mondial où la concurrence a été fortement multipliée. Ce rapprochement ne constitue pas un rapprochement essentiel dans la mesure où de nombreuses activités ont connu la même évolution. A- Le public, un objectif vital Le point essentiel de rapprochement entre les Super-musées et les médias est la place qu’occupe le public dans leur fonctionnement quotidien. Cette place peut être analysée sous deux aspects, tout d’abord l’enjeu de la conquête du public, ensuite l’intensité du lien avec le public. 101 Les musées comme les médias éprouvent le besoin de conquérir et d’attirer le public. L’enjeu de conquérir le public n’est plus un mystère dans les médias. Les mesures d’audience sont aujourd’hui l’élément clef de la concurrence entre médias. On notera à ce titre une importance toute particulière de la tranche horaire sept heures-neuf heures pour la radio ou encore celle de dix-neuf heures-vingt-deux heures pour la télévision. Les mesures d’audiences cristallisent autour d’elles tous les enjeux économiques des médias et une augmentation de cette fameuse audience permet à un média de réaliser des bénéfices plus importants en matière de publicité ou encore de subvention. Cependant, il est essentiel de préciser que l’influence de l’audience est surtout indirecte, et qu’elle n’agit pas directement sur les bénéfices. En effet, la rémunération directe du public n’occupe pas une place importante dans l’économie des médias aujourd’hui. Le public paie un forfait annuel pour la radio ou la télévision. Et sa participation ne suffit pas, dans la presse, à rembourser les coûts de production Le musée se retrouve aujourd’hui dans une situation fort ressemblante. Ainsi, le public joue un rôle de plus en plus important dans l’économie des musées. Bien que leur rôle premier soit celui d’assurer le développement scientifique et de présenter les œuvres, la réception que le public pouvait avoir de ces œuvres, autrefois totalement ignorée, est devenue la cause de multiples modifications dans l’approche de l’exposition par le musée. De plus, comme nous l’avons précisé, l’entrée du musée dans une concurrence soutenue a obligé les responsables de musées à mettre en place des éléments d’évaluation des politiques implémentées, l’affluence en est un. Cette affluence permet aussi de comparer les musées ou les expositions entre eux et sert souvent de seul étalon entre les musées. Le rôle direct du public est là aussi peu élevé, bien qu’il le soit plus que dans les médias, mais son rôle est surtout présent dans l’obtention de financements de la part du musée. En plus de cette importance de l’audience ou de l’affluence, un autre élément essentiel est la volonté de socialiser toujours plus avec le public. Ainsi, les médias sont en communication constante avec le public et l’intègrent souvent dans leur programmation par le biais d’échange de courriers, d’appels, ou encore par la mise en place de jeux en direct, et, plus récemment la possibilité de voter pour éliminer les candidats de certaines émissions. Le public est le sujet principal des médias qui savent que celui-ci veut se sentir au centre de l’écriture ou, si ce n’est pas le cas, veut que le spectacle et l’expérience vécue en lisant, écoutant ou regardant, soient d’une exception rare. Dans le cas du musée, la volonté de socialisation avec le public fait aujourd’hui l’objet de stratégies de développement. Sa relation à l’exposition a été régulièrement étudiée de manière à comprendre ses attentes et lui offrir l’expérience qu’il ne 102 cesse de demander. De plus, le musée essaie de rester en lien constant avec son public de manière à pouvoir engager un réel rapport de conversation, notamment via les réseaux sociaux. Les musées ont d’ailleurs, dans leur volonté de faire participer le public à leur activité, développé des solutions très proches de celles utilisées par les médias, comme par exemple le projet « YouTubePlay ». Ce projet mis en place suite à un partenariat entre le musée Guggenheim et YouTube, vise à découvrir et exposer les meilleurs créateurs vidéo de la planète. Chacun pouvait ainsi poster une vidéo sur le site internet, et chaque vidéo sera ensuite jugée par un jury de manière à pouvoir déterminer les meilleurs197. B- La nécessité de développer de nouveaux modèles économiques Un autre point commun entre les institutions muséales et les médias est le besoin de développer un nouveau modèle économique. En effet, les deux secteurs semblent éprouver des difficultés à équilibrer leurs budgets. Concernant les médias, ce problème est surtout vrai dans la presse ou encore au sujet des institutions les moins développées. Concernant les raisons des difficultés éprouvées par ces deux secteurs, il convient d’étudier leur ressemblance. En effet, l’élément le plus évoqué par les responsables de musées dans la justification de ces difficultés économiques est le désengagement de l’Etat. Or, ce désengagement de l’Etat, les médias l’ont connu il y a quelques années, avec la libéralisation de la presse, de la radio ou encore de la télévision. Alors que ces médias étaient souvent politiquement contrôlés par les pouvoirs publics, ceux-ci se détachent même de leur financement. Une deuxième cause explicative de la diminution des bénéfices est l’apparition d’une concurrence soutenue. Cette concurrence, arrivée dans la télévision avec la TNT et la mondialisation, et dans les musées par leur positionnement au sein du marché des industries de loisir, a encore affaibli les ressources à la disposition des entreprises de ces secteurs en réduisant notamment le nombre des mécènes et augmentant la possibilité de choix du public. Enfin, un dernier point qui a entrainé la nécessité de développer de nouveaux modèles est l’explosion des budgets. Le monde des médias a connu ce problème dans les années 1990 au cours desquelles de nombreuses entreprises ont dû réduire leur masse salariale. C’est aujourd’hui au tour des musées de devoir stabiliser, voire réduire, des budgets dont l’augmentation entre 1990 et 2005 a souvent été exponentielle. Les sources des difficultés des musées et des médias étant les mêmes, les solutions apportées au besoin d’augmenter les bénéfices est identique. Un maître mot a guidé le 197 VOGEL. 2010. 103 positionnement des médias pendant les dix dernières années, l’évènement. Le programme qui crée le buzz est quasiment assuré d’être vu par la moitié de la population. Dès lors, l’image de la chaîne ou du magazine remonte et son audience augmente, entraînant la venue de profits immédiats. Ce modèle se développe rapidement dans les Super-musées où l’exposition temporaire ou l’expérience accroissent significativement le nombre de visiteurs. La deuxième solution de développement est l’utilisation des TIC., qu’il convient d’aborder à part tant leur importance dans le fonctionnement général des entreprises de ces secteurs est devenue grande. C- La révolution technologique, entre menace et opportunité Lorsqu’on évoque les Technologies de l’Information et de la Communication, il convient de rappeler que le monde est actuellement face à des progrès qui bouleversent le quotidien des organisations. Les nouvelles technologies représentent en tout premier lieu un danger pour les médias et les musées. L’existence de musées numériques, de médias sur internet, produits à des coûts très réduits sont un vrai risque pour les médias et les mussées car ils contribuent aujourd’hui à augmenter sensiblement le nombre de concurrents sur le marché. De plus, la multitude de sites internet peut entrainer une désaffection du public des canaux de communication des médias ou des musées. Néanmoins, les TIC sont devenues un réel espoir de développement tant pour les médias que pour les musées. Cela est tout d’abord dû à la capacité de communication qu’offre Internet : une communication mondiale, à bas coûts, et souvent bien plus efficace sur les publics visés qu’une campagne traditionnelle. De plus, les nouvelles technologies permettent aux médias et aux musées de densifier leur offre. L’importance des Smartphones ne cesse de se vérifier et chacun offre des services innovants au consommateur pour espérer se différencier de ses concurrents. Ainsi, rappelons que les musées développent des stratégies d’approches différentes sur Internet, selon qu’elles correspondent à une volonté de partager de l’information importante avec les visiteurs ou de partager l’information avec l’intégralité des publics potentiels. De même, la 3D est un enjeu de développement important pour la télévision en 2010 et cette technologie pourrait très bien être additionnée, au sein des musées, aux technologies de réalité augmentée qui sont développées. Enfin, les nouvelles technologies facilitent les échanges entre l’organisation et son public. La rapide croissance des réseaux sociaux a permis aux organisations de communiquer directement avec chacun des visiteurs. Là encore, elle a aussi permis à chacun de se différencier en fonction de ses choix d’investissement dans tel ou tel réseau social (facebook ou twitter ?, linkedin ou viadeo ?) ou 104 dans telle ou telle production multimédia (publications écrites ou podcasts ? photographies ou vidéos ?). Ces capacités de différenciation sont plus importantes par le biais des nouvelles technologies qui peuvent jouer un grand rôle dans l’expérience de visite du public. De plus, internet permet aujourd’hui de mettre à la disposition des publics des services additionnels payants qui pourraient, à terme, devenir de réels enjeux de création de nouveaux modèles économiques. II - Un fonctionnement similaire Cette grande proximité que nous venons de constater entre musées et médias est encore accentuée par la proximité de ces deux secteurs en terme de fonctionnement général, tant au niveau économique que managérial. A- Un fondement économique similaire Dans son ouvrage sur L’économie des médias, Nadine Toussaint-Desmoulins, professeur à l’Université de Paris II, s’attache à étudier les dimensions de coût et de financements au sein des médias198. Il convient ici de suivre cette logique dans le but toujours présent de déterminer si une ressemblance pourrait être mise en évidence. Lorsqu’elle étudie les différents coûts que les médias doivent assumer, l’universitaire relève la prépondérance des logiques actuelles des coûts de production de contenu et des coûts de distribution. Ainsi, les opérations de production de contenu de la part des médias nécessitent des investissements importants en termes de salaires, mais aussi d’outils technologiques et de création. Cette phase de création du patrimoine, du contenu, que le média pourra utiliser pour se différencier de ses concurrents et attirer le public, s’apparente dans son statut et les dépenses qu’elle engendre à la phase de conservation du musée. Alors que le média a besoin de créer, le musée a pour mission de conserver. Ces deux phases sont des préalables à l’utilisation attendue du contenu (article, émission, ou exposition). Bien qu’elles génèrent des coûts différents, leur fonctionnement est le même et demande aux entreprises de médias comme aux musées d’être en mesure de produire du contenu pour pouvoir le présenter au public. Un deuxième type de coût qui régule le fonctionnement des médias est le coût de diffusion. Ce coût représente l’investissement nécessaire pour que le contenu soit rendu accessible au public. Dans le secteur des médias, les coûts divergent selon que le contenu est diffusé depuis l’entreprise ou depuis le domicile du public. Ainsi, les coûts de diffusions d’émissions de radio ou de télévision sont moins importants car ces contenus 198 TOUSSAINT-DESMOULINS. 2008. 105 sont directement diffusés depuis l’entreprise. Au contraire, les coûts de diffusion sont beaucoup plus importants dans les entreprises de presse qui doivent acheminer le contenu jusqu’au domicile du public et gérer ainsi l’intégralité du transport. Là encore, une similitude importante apparaît. Des coûts de diffusions existent au musée, bien qu’ils soient de valeur inférieure. Le musée a besoin de personnel pour installer l’exposition et s’assurer de son bon déroulement. Ces coûts sont d’ailleurs très différents si le musée réalise l’exposition au sein de ses galeries, diffusion depuis l’entreprise, ou s’il doit les déplacer pour les apporter dans le lieu de visite du public visé, diffusion au « domicile du consommateur ». Lorsque l’auteur se concentre sur le financement des médias, elle distingue trois types majeurs de financement : Les recettes commerciales, les aides de l’Etat, et les recettes publicitaires. Ces trois points sont les trois sources de financement des médias. Le montant rapporté par chacune de ces sources varie bien entendu selon le type de média concerné et la taille de la structure. Comme nous l’avons précédemment analysé, les musées reçoivent eux aussi trois sources de financement : les recettes commerciales, c’est-à-dire les bénéfices des billetteries et des magasins, les subventions étatiques, et le mécénat, étant assimilable à des revenus publicitaires puisque le mécène verse par exemple une certaine somme d’agent au musée en échange d’une visibilité. B- Des pratiques managériales comparables Ces ressemblances entre médias et musées se poursuivent dans leurs pratiques managériales. Ainsi dans son ouvrage Le management des médias, Ghislain Deslandes, directeur scientifique du Master médias à l’ECP-EAP, analyse la place du manager dans une institution médiatique199. Selon lui, trois rôles se dessinent distinctement pour le responsable d’établissement. Trois points qu’il convient là encore de comparer au développement des musées. La première qualité attendue d’un directeur de média est sa capacité à unifier derrière son projet les équipes gestionnaires, en charge de la gestion administrative de l’entreprise, et les équipes de rédaction, en charge des contenus diffusés par l’entreprise. Ce travail est un travail très important dans la mesure où il permet de pacifier des rivalités entre les deux formations concurrentes. Là encore, le musée se retrouve confronté à la même problématique puisque le président de l’institution muséale doit savoir faire travailler en binôme les deux parties d’une organisation bicéphale. L’équipe de conservation, en charge de produire les contenus des expositions, doit pouvoir s’appuyer sur les gestionnaires, en charge de la gestion administrative du musée. 199 DESLANDES. 2008 106 Un autre point essentiel du management des médias et des institutions culturelles est la passion du leader de l’organisation. Cette passion est à analyser sous deux angles. Premièrement il est essentiel que le président d’une telle entreprise connaisse parfaitement le marché et les spécificités de telles institutions. En effet, bien que ces marchés entrent de plein pied dans la concurrence et le libéralisme, les produits dont ils s’occupent demandent une plus grande précaution que des produits de grande consommation. En parallèle, il est important que la passion du dirigeant lui permette de développer une véritable vision du musée à long terme et de la transmettre à ses employés. Certains personnages, comme Thomas Krens, Glenn Lowry, ou Henri de Loyrette peuvent impulser une réussite dans l’institution qu’ils dirigent. C’est également le cas dans les médias avec Robert Murdoch ou, plus récemment, avec Alexandre Bompard. Rapprocher les musées des médias permet sur une vision à long terme de définir de possibles évolutions des institutions muséales. Ainsi, l’apparition de musées sans collection rappelle les craintes des pouvoirs politiques à l’apparition de chaînes de télévision sans production, celle des chaînes de radios uniquement musicales, ou encore celle des journaux sans rédaction. Dès lors, l’avenir de ce phénomène peut-être réduit à trois possibilités. Soit ce développement n’est pas ce que le public attend et, comme l’ont montré en Allemagne ou au Canada des expériences de journaux comme simple relais de dépêches200, le public ne soutiendra pas longtemps un fonctionnement qui ne lui convient pas ; soit, suivant l’exemple de la télévision, ce fonctionnement sera cautionné mais restera toujours, pour le public, en retrait par rapport à un musée créatif et productif ; soit encore, comme l’a montré la radio, les deux types de musées se développeront et tendront à se spécialiser, ainsi, comme la radio de débat a fait une place à la radio musicale, les musées à collection devront laisser une place aux musées sans collection. Il apparait notamment de cette analyse que les chances pour que le musée sans collection soit plus soutenu par le public que le musée avec collection sont rares. Ce rapprochement nous apporte aussi des indices concernant une possible accélération du rythme de production et d’évolution des musées vers une politique du présent. Ces évolutions futures des musées soulèvent cependant des critiques, des limites, qu’il convient de considérer pour pouvoir mieux appréhender la pertinence de certaines évolutions. 200 SAVARD. 2010. 107 CHAPITRE 2 - UN DÉVELOPPEMENT RISQUÉ Tout développement stratégique entraîne un risque nouveau pour l’organisation et c’est au responsable de pouvoir évaluer ces risques et les anticiper de manière à mieux les réduire. La partie que nous entamons a ainsi pour but d’anticiper ces risques afin qu’ils ne soient pas oubliés dans la mise en place des stratégies précédentes. Ainsi, les risques que nous allons relever ici sont naturellement « caricaturaux » puisqu’ils représentent le pire. Section 1 - La vulgarisation du musée, vers un musée vulgaire ? La première considération des responsables d’établissement doit être de s’assurer constamment que la vulgarisation du musée, c'est-à-dire sa démocratisation, n’aboutisse pas au développement de musées vulgaires. En effet, le musée pourrait, à trop vouloir s’agrandir, y perdre son identité et devenir quelconque, voire grossier. La première des raisons qui pourraient pousser à ça est le risque de développement d’un seul musée-type, similaire pour chaque « marque ». Les phénomènes de concentration et de filialisation sur le marché de l’art risquent de réduire considérablement le nombre d’acteurs. Seuls quelques musées pourront alors rivaliser ensemble, une poigné d’institutions se disputant le public en se développant toujours plus. Ce développement se fera aussi avec la création d’omni-musées. En effet, les institutions muséales, pour attirer plus de public, risquent de faire le choix de la multiplication des activités au sein du musée, essayant même de jouer tous les rôles. Les musées risquent de se transformer alors en complexes culturels et commerciaux gigantesque où les collections ne seront plus spécialisées mais généralistes. Ce risque peut-être rapproché de la « McDonaldisation » analysée par Tobelem201 qui consiste à apporter au public une culture calibrée dans des musées standardisés, filiales de multinationales culturelles. De plus, ce schéma pourrait encourager l’institution muséale à adopter des comportements marketing globaux, mal adaptés et donc plus agressifs de la part du musée. Ayant pour volonté d’attirer un maximum de public dans les galeries, le musée pourrait tout aussi bien être tenté de se convertir en un lieu d’amusement où tout serait fait pour le divertissement des spectateurs. Bien que profitable à court terme, il est important de se rendre compte de la dangerosité, à long terme, d’une telle pratique qui désacraliserait totalement le musée pour le mettre au même niveau que toute autre activité de loisir, voire de 201 TOBELEM. 2010. p.275 108 divertissement, lui faisant alors perdre sa seule possibilité de différenciation en le noyant dans la masse. Section 2 - Conservation de l’œuvre ou conservation du statut du musée? Faisant écho aux problèmes posés au-dessus, un autre risque émerge, celui d’un mauvais arbitrage entre les besoins de l’institution et les besoins de l’œuvre ou, plus précisément le choix, par le musée, de privilégier son statut à sa mission de conservation. Là encore, deux éléments en sont les causes concomitantes. Le premier de ces éléments est la création de l’expérience au sein du musée. Comme nous l’avons souligné, le public est aujourd’hui à la recherche de muséographies innovantes et de la sensation de vivre une expérience totale lors de la visite. Ainsi, le musée, qui recherche un public élargi et plus nombreux, développe toujours plus les moyens de cette expérience, mais aussi de la faire évoluer le plus souvent possible pour faire revenir les visiteurs. C’est donc l’expérience qui prend une place toujours plus grande dans les galeries et, avec elle, l’utilisation d’outils technologiques allant du simple audio-guide à des outils de reconstruction 3D ou de réalité augmentée. Cependant, cette quête de l’expérience, voire du divertissement, que Tobelem qualifie de « Dysneylandisation »202 risque de réduire l’attention concrètement portée, tant par le visiteur que par le conservateur, aux œuvres. Poussé à l’extrême, ce raisonnement entraînerait un risque bien plus grand, celui de la disparition des œuvres au profit du statut du musée. En fait, privilégier la séduction du visiteur requiert avant tout de lui présenter les œuvres qu’il demande. Or, ces œuvres sont soit les plus réputées et connues, soit des œuvres contemporaines particulièrement recherchées. Le musée, pour obtenir sa Joconde (l’œuvre pour laquelle les visiteurs se bousculeront), devra alors faire des sacrifices qui auront un impact important sur la collection permanente. En effet, soit des œuvres secondaires laisseront leur place à des œuvres plus réputées et « disparaîtront » dans les réserves du musée ; soit le musée essaiera de vendre des œuvres pour avoir les moyens d’acheter une œuvre de premier plan. Dans ce cas là, le musée réintroduirait une œuvre d’art sur le marché de l’art privé, ce qui provoquerait sa disparition à plus ou moins long terme. Enfin, l’importance accordée à certaines périodes et aux travaux contemporains pourrait entraîner la fermeture de départements dont le succès était moindre pour les remplacer par des équipes supplémentaires, ce qui signifierait la fin de certaines spécialités 202 TOBELEM. 2010. P.278 109 Section 3 - Le musée Boursier Le développement financier des musées constitue un risque important dès aujourd’hui. En effet, les musées ont très grandement augmenté leurs capacités financières pour pouvoir autonomiser leurs budgets. Cette augmentation de capacité a été accompagnée d’importantes politiques de recrutement de spécialistes des finances dans les organisations. Ces experts sont aujourd’hui souvent seuls face à leurs responsabilités puisque les responsables d’établissement, bien qu’ils essaient de s’ouvrir à toutes les disciplines de la stratégie d’entreprise, se trouvent le plus souvent en difficulté face au monde de la finance et doivent donc croire leurs employés. Les stratégies financières prennent aujourd’hui de plus en plus de place dans la création de richesses par les musées, notamment du fait de la gestion des endowments, mais aussi par l’émission d’obligations comme l’a fait le Met dans les années 1990. Un contrôle strict doit dès lors être exercé face à l’engagement financier des Supermusées. Les risques avec la finance sont grands, et le premier est de perdre tout pouvoir sur le devenir de l’institution. En effet, un échec de certaines positions pourrait entraîner un rachat, au profit d’une entreprise sans lien avec la culture, des parts du musée engagées, voire une faillite totale du musée et, par là même, l’explosion de sa collection sans chance de la récupérer totalement dans le domaine public. 110 CONCLUSION Ce mémoire de recherche s’inscrit dans un contexte de grande mutation pour les musées, et notamment les musées d’art internationaux. Alors qu’ils étaient il y a trente ans encore des associations sacralisées et fortement empreintes de leur localisation, ils sont maintenant dénoncés comme des entreprises de loisir à la recherche du profit maximum. L’objectif de ce mémoire de recherche était alors d’évaluer objectivement les principales stratégies de développement des Super-musées d’art internationaux et, à terme, d’adopter une démarche prospective pour évaluer quelques lignes directrices et tendances futures dans ces stratégies. Pour ce faire, nous avons pris le parti méthodologique de déduire ces traits des seules informations que nous possédions, les descriptions des évolutions qu’ont affrontées les musées et de la manière dont ils se sont adaptés. De l’analyse de ces descriptions nous avons pu faire émerger trois grandes politiques de développement stratégiques, avant d’en déduire des tendances de développement sur un futur à moyen et long terme. Au cours de ce développement, nous avons pu déterminer la manière dont trois évolutions clefs dans l’environnement des musées – un bouleversement de leurs ancrages, une redéfinition de leurs missions, et une évolution de leur public – ont complètement remis en cause leur mode de fonctionnement et leurs techniques de gestion. En effet, les modifications structurelles qui s’en sont suivies – comme la financiarisation des échanges, l’utilisation du marketing, ou encore la mise en place de réelles politiques de ressources humaines – ont professionnalisé les institutions muséales jusqu’à créer en elle des structures et des activités semblables à celles d’un groupe économique, d’une grande entreprise. Cette évolution a constitué le fondement de notre étude puisque c’est à partir de ce moment que les institutions muséales ont converti une juxtaposition de solutions développées pour affronter les mutations de l’environnement, en une organisation complexe. Et c’est la complexification de leur organisation et de leur gestion qui a impliqué la définition de stratégies d’entreprise précises. Trois stratégies ressortent ainsi comme les principales lignes directrices des musées : La stratégie d’expansion, permet au musée d’agrandir sa capacité de dégager des bénéfices tout en gagnant en représentation, notamment à l’international. La stratégie d’attraction permet à celui-ci d’attirer plus de public au musée, d’une part par un renforcement de la place des évènements dans sa programmation, mais aussi en revisitant la muséographie pour offrir au public une visite synonyme d’expérience totale. La stratégie de 111 socialisation, quant à elle, a pour vocation de renforcer le lien si particulier qui unit le musée et le visiteur, tant pendant sa visite qu’en dehors, de manière à s’assurer de sa fidélité. En développant ces trois stratégies majeures, qu’ils pondèrent en fonction de leurs objectifs les plus forts, les Super-musées internationaux initient une forte dynamique entrepreneuriale au cœur même de l’activité muséale. Dès lors, il est important d’approfondir l’analyse pour déterminer la trajectoire que suivra le développement des musées et, les institutions qui en résulteront. Cette deuxième phase d’analyse a révélé la persistance, à long terme, des stratégies préalablement énoncées, jusqu’à la construction de complexes culturels et commerciaux organisés et gérés comme des multinationales. Ces hyper-musées tendront à se développer dans le sillage des entreprises médiatiques où la production de contenu et la recherche de l’évènement, entre revendications culturelles et nécessités financières, placent le visiteur au centre de tout développement. Cette évolution peut bien entendu paraître fort pessimiste, surtout lorsqu’on développe les multiples risques : trop grande financiarisation, aseptisation et formatage des musées, ou encore désacralisation de l’œuvre, qui menacent les musées et l’Art tout entier. Néanmoins, il convient de rappeler que ces prévisions ne sont que des prévisions issues de données actuelles et qui ne peuvent pas prendre en compte la passion propre à chaque chef d’établissement et la vision qu’il développe pour son institution – à ce titre, des entretiens réalisés avec certains responsables de musées auraient pu nous éclairer. De même, difficile de deviner quelles seront les compétences développées par les futurs responsables, en formation de nos jours. En effet, alors que leurs aînés n’ont pas reçu d’éducation en management, en fiance ou en gestion, les futurs présidents de musées se doivent d’être armés pour prendre les meilleures décisions et pour gagner plus de marge de manœuvre face à des évolutions vers l’autonomie et la concurrence qui semblent aujourd’hui inéluctables. Ainsi, bien que le devenir des musée effraye et que la déontologie muséale, fondée sur le respect de l’œuvre, soit régulièrement destituée de sa place de guide, l’avènement d’un nouveau modèle économique et le développement de solutions permettant aux musées de concilier défense de la Culture et recherche de profits se dessinera peut-être avec l’émergence d’une nouvelle génération de dirigeants qui, formés aux sciences de gestion et à l’histoire de l’Art pourront, créer la stratégie du développement durable des musées. 112 Il faut cependant objecter à notre démarche que manque d’interviews et faible prise en compte du rôle du directeur 113 ANNEXES Annexe 1 : Les trois âges des musées Annexe 2 : Musée et entreprise : une comparaison Annexe 3 : Enquête sur les pratiques culturelles des français Annexe 4 : Choisir la bonne technique d’étude marketing Annexe 5 : Organigramme du musée du Louvre 114 ANNEXE 1 : LES TROIS ÂGES DES MUSÉES Source : TOBELEM, J-M. Le nouvel âge des musées : Les institutions culturelles au défi de la gestion, 2ème édition. Paris, Armand Colin, 2010, p.17 115 ANNEXE 2 : MUSÉE ET ENTREPRISE : UNE COMPARAISON Source : TOBELEM, J-M. Le nouvel âge des musées : Les institutions culturelles au défi de la gestion, 2ème édition. Paris, Armand Colin, 2010, p.21 116 ANNEXE 3 : ENQUÊTE SUR LES PRATIQUES CULTURELLES DES FRANÇAIS [VII-3-2] QUESTION 75B : SONT ALLES AU COURS DES 12 DERNIERS MOIS… sur 100 personnes de chaque groupe Parc (Futuroscope, Cité des sciences et de l'industrie (La Villette)… Exposition temporaire de peinture ou de scultpture Exposition de photographie Galerie d'art Spectacle son et lumière Musée Monument historique 8 24 15 15 17 30 29 9 7 24 24 15 14 16 14 19 16 30 29 31 28 15 13 10 12 8 5 2 21 26 21 25 28 27 19 13 14 13 15 17 17 13 15 17 13 15 16 19 10 27 21 22 21 17 14 7 37 34 29 34 29 31 21 36 36 32 32 30 31 19 Aucun,CEP CAP, BEP BEPC BAC BAC+2 ou +3 BAC+4 et plus Elève, étudiant TAILLE DE L'AGGLOMERATION 3 7 7 8 15 18 17 12 18 24 31 40 61 29 8 11 13 20 24 41 17 6 9 13 19 26 45 21 10 17 19 21 27 25 26 15 23 26 37 47 72 47 14 24 30 40 47 64 45 Communes rurales Moins de 20 000 hab. 20 000 à 100 000 hab. Plus de 100 000 hab. Paris intra-muros Reste de l'agglom. parisienne 6 6 6 7 30 15 17 19 21 27 62 28 10 12 13 17 46 16 8 10 12 18 46 19 15 18 19 19 20 15 22 23 26 34 65 40 24 26 26 32 52 35 Indépendants Cadres et prof. intell. sup. Professions intermédiaires Employés Ouvriers Anciens indépendants Anciens cadres Anciens profession. Interm. Anciens employés Anciens ouvriers A la recherche d'un emploi Etudiants Lycéens Femmes au foyer Autres inactifs SITUATION FAMILIALE 9 19 11 9 7 2 5 4 1 3 9 16 19 2 6 20 55 37 19 11 17 53 34 16 8 18 36 20 17 12 10 41 20 11 8 10 33 23 10 6 12 20 14 11 7 14 43 21 9 6 9 31 23 8 3 13 25 16 8 8 16 27 27 19 15 6 17 16 7 6 19 27 25 10 14 22 68 44 26 16 19 47 38 19 13 27 50 42 16 16 25 63 45 25 17 20 41 40 19 8 26 51 37 18 19 Pers. seule moins de 35 ans Pers. seule 35 à 62 ans Pers. seule 63 ans et plus 12 6 2 32 26 14 21 16 9 24 19 8 25 16 5 42 30 15 43 27 13 ENSEMBLE SEXE Hommes Femmes AGE 15 à 19 ans 20 à 24 ans 25 à 34 ans 35 à 44 ans 45 à 54 ans 55 à 64 ans 65 ans et plus NIVEAU DE DIPLOME PCS DE L'INDIVIDU 117 Couples sans enf. moins de 35 ans Couples sans enf. 35 à 62 ans Couples sans enf. 63 ans et plus Couples 1 enf. Couples 2 enf. Couple 3 enf. et plus Familles monoparentales Autres 14 6 2 9 9 12 9 19 29 29 23 22 22 19 20 20 16 18 16 11 14 11 14 13 18 19 14 11 12 7 12 15 26 17 9 20 21 19 20 23 42 31 26 28 32 27 24 36 41 32 25 32 30 26 22 36 Source : Enquête Pratiques culturelles des Français, 2008 - DEPS ministère de la Culture et de la Communication [VII-3-3] QUESTION 75C : FREQUENCE ANNUELLE DES VISITES (GALERIES D'ART, MUSEES ET MONUMENTS HISTORIQUES) sur 100 personnes de chaque groupe qui sont allés dans le lieu d'exposition Effectifs concerné au cours des 12 derniers mois MUSEE MONUMENT HISTORIQUE 1à2 fois 3à4 fois 5 fois et plus Effectifs 1à2 fois 3à4 fois 5 fois et plus 1621 69 17 14 1611 61 19 20 Hommes 772 71 16 13 784 61 19 20 Femmes 849 67 18 15 827 61 18 20 15 à 19 ans 20 à 24 ans 25 à 34 ans 35 à 44 ans 45 à 54 ans 55 à 64 ans 122 121 252 341 251 283 73 66 67 72 71 60 14 21 19 15 13 22 13 13 14 13 16 18 122 124 274 325 257 284 69 59 60 62 60 56 11 24 23 16 15 25 20 17 17 22 25 19 65 ans et plus 251 74 16 10 225 65 16 19 177 273 73 274 270 362 192 81 82 66 69 65 50 67 12 12 22 17 17 26 18 7 6 12 14 18 24 15 158 286 89 293 275 324 186 72 73 62 60 55 43 62 16 13 20 21 23 24 17 12 14 18 20 22 34 21 Communes rurales Moins de 20 000 hab. 20 000 à 100 000 hab. Plus de 100 000 hab. Paris intra-muros 283 216 187 526 122 81 83 76 65 39 9 10 16 22 21 9 7 7 13 41 327 240 199 499 99 66 70 66 58 38 18 14 22 19 23 16 15 12 23 39 Reste de l'agglom. parisienne 287 62 19 19 247 58 19 23 60 229 249 182 91 40 129 114 80 52 71 78 81 70 63 64 13 21 17 14 10 18 21 23 7 27 12 8 9 12 16 13 69 209 248 187 99 39 117 119 73 49 60 68 71 78 50 49 18 20 20 17 19 9 28 29 10 31 20 15 9 13 22 22 ENSEMBLE SEXE AGE NIVEAU DE DIPLOME Aucun,CEP CAP, BEP BEPC BAC BAC+2 ou +3 BAC+4 et plus Elève, étudiant TAILLE DE L'AGGLOMERATION PCS DE L'INDIVIDU Indépendants Cadres et prof. intell. sup. Professions intermédiaires Employés Ouvriers Anciens indépendants Anciens cadres Anciens profession. Interm. 118 Anciens employés Anciens ouvriers A la recherche d'un emploi Etudiants Lycéens Femmes au foyer Autres inactifs 67 41 94 125 67 83 50 75 89 72 65 71 67 79 20 8 16 19 17 18 11 5 3 12 16 13 15 11 72 25 96 127 59 88 57 67 65 71 58 68 60 67 12 8 15 19 13 17 18 21 27 14 23 19 22 15 167 138 92 107 277 206 179 182 98 63 112 57 60 71 71 66 72 73 78 73 70 73 24 18 18 19 19 18 16 9 15 15 15 19 23 12 10 16 10 10 13 11 15 12 163 126 74 106 292 199 201 186 91 57 116 59 59 67 52 56 62 67 60 66 64 67 20 22 15 29 19 18 16 21 21 11 12 21 19 18 19 25 20 17 18 13 25 21 SITUATION FAMILIALE Pers. seule moins de 35 ans Pers. seule 35 à 62 ans Pers. seule 63 ans et plus Couples sans enf. moins de 35 ans Couples sans enf. 35 à 62 ans Couples sans enf. 63 ans et plus Couples 1 enf. Couples 2 enf. Couple 3 enf. et plus Familles monoparentales Autres Source : Enquête Pratiques culturelles des Français, 2008 - DEPS ministère de la Culture et de la Communication 119 ANNEXE 4 : CHOISIR LA BONNE TECHNIQUE D’ÉTUDE MARKETING Source : BOURGEON-RENAULT, D. et al. Marketing de l’Art et de la Culture. Paris, Dunod, 2009, p.125 120 ANNEXE 5 : ORGANIGRAMME DU MUSÉE DU LOUVRE Source : http://www.louvre.fr/llv/musee/organigramme.jsp 121 BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES ANDERSON, M.L. Metrics of Success in Art Museums. New-York, Getty Leadership Institute, 2004 BAUMOL, W.J. & BOWEN,W.G. Performing Arts – The Economic Dilemma. Cambridge, MIT Press, 1966 BOURGEON-RENAULT, D. et al. Marketing de l’Art et de la Culture. Paris, Dunod, 2009 CAUNE, J. La Démocratisation Culturelle. Grenoble, Presse Universitaire de Grenoble, 2006 DELOCHE, B. Le musée virtuel. Paris, PUF, 2001 DESLANDES, G. Le management des medias. Paris, La Découverte, 2008. FELDSTEIN, M. The economy of arts Museums. 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................................................................... 24 Section 3 - Les évolutions du Public .............................................................................................. 25 I - La permanence d’une audience traditionnelle ..................................................................... 25 II - De nouveaux publics à conquérir : le musée pour tous ....................................................... 27 A- Le musée et les visiteurs multiculturels ........................................................................ 27 B- Le musée et les populations défavorisées .................................................................... 28 C- Le musée et les populations handicapées ..................................................................... 29 D- Le musée et les enfants ................................................................................................. 29 III - Un nouveau type de consommation culturelle ................................................................... 30 130 A- La consommation culturelle, de la connaissance à l’expérience .................................. 30 B- Le musée : du sacré à la vie ........................................................................................... 32 Chapitre 2 - Une structure redéfinie ................................................................................................. 33 Section 1 - La recherche de financements .................................................................................... 34 I - La création de richesses propres ........................................................................................... 35 A- Tarifier les visites ........................................................................................................... 35 B- Développer les activités commerciales ......................................................................... 36 C- Recourir à la loterie ....................................................................................................... 36 II - La recherche de participations extérieures .......................................................................... 37 A- Auprès de qui obtenir des financements externes ?..................................................... 37 B- Comment gérer ses financements ?.............................................................................. 40 III - La capitalisation du patrimoine ........................................................................................... 42 A- Mettre à profit ses infrastructures ................................................................................ 42 B- Monétiser ses collections .............................................................................................. 45 Section 2 - Le marketing comme outil........................................................................................... 49 I - Le besoin de connaître son public ......................................................................................... 49 II - Etudier le public.................................................................................................................... 50 III - Répondre aux attentes du public ? ..................................................................................... 51 Section 3 - Une gestion professionnalisée .................................................................................... 54 I - Professionnaliser la gestion du musée .................................................................................. 54 A- Assurer la formation des employés ............................................................................... 54 B- Une organisation complexe........................................................................................... 55 II - Conservateurs vs administrateurs ........................................................................................ 56 III - Le rôle majeur du directeur................................................................................................. 57 Deuxième partie - Les Stratégies de développement des super-musées ............................................. 59 Chapitre 1 - Le développement par l’expansion ............................................................................... 59 Section 1 - Les stratégies expansionnistes .................................................................................... 59 I - Pourquoi une telle stratégie ? ............................................................................................... 59 A- Répondre à la mission scientifique et pédagogique du musée ..................................... 60 B- Répondre à la mission politique du musée ................................................................... 60 C- Répondre à la mission économique du musée ............................................................. 61 D- Répondre à la mission d’attraction du musée .............................................................. 62 II - Comment s’implémentent les stratégies d’expansion ? ...................................................... 62 A- Construire l’expansion par le patrimoine ...................................................................... 62 131 B- Construire l’expansion par le réseau ............................................................................. 63 Section 2 - L’exemple Guggenheim ............................................................................................... 64 I - La stratégie d’expansion du Guggenheim ............................................................................. 64 II - Le « syndrome Bilbao » : des effets attendus d’une expansion internationale ................... 66 Section 3 - L’exemple du Louvre ................................................................................................... 67 I - Le développement des activités du Louvre, une expansion nationale ................................. 68 II - L’intensification de l’influence du Louvre, une expansion internationale ........................... 69 Chapitre 2 - Le développement par l’attraction ................................................................................ 72 Section 1 - Les stratégies d’attraction ........................................................................................... 72 I - Pourquoi une telle stratégie ? ............................................................................................... 72 A- Répondre à la mission scientifique et pédagogique du musée ..................................... 72 B- Répondre à la mission politique du musée ................................................................... 73 C- Répondre à la mission économique du musée ............................................................. 73 II - Comment s’implémentent les stratégies d’expansion ? ...................................................... 74 A- Construire le musée-expérience ................................................................................... 74 B- Construire le musée-évènement ................................................................................... 76 Section 2 - L’exemple du centre Georges Pompidou .................................................................... 76 I - Le centre Pompidou, un musée-expérience ......................................................................... 77 II - Le centre Pompidou, un musée-évènement ........................................................................ 78 Section 3 - Le Grand Palais, musée sans collection ? .................................................................... 79 I - Quelle place pour le Grand Palais ?....................................................................................... 79 II - Un fonctionnement centré sur l’évènement ....................................................................... 80 Chapitre 3 - Le développement par la socialisation .......................................................................... 82 Section 1 - Les stratégies de socialisations .................................................................................... 82 I - Pourquoi une telle stratégie ? ............................................................................................... 82 II - Comment s’implémentent les stratégies de socialisation ?................................................. 83 A- Sympathiser avec le public ............................................................................................ 83 B- Internet et la technologie, la communauté 2.0............................................................. 84 Section 2 - L’exemple de la Pinacothèque de Paris ....................................................................... 86 I - Révéler un art oublié ............................................................................................................. 86 II - Partager l’art via internet ..................................................................................................... 88 Section 3 - L’exemple du MET ....................................................................................................... 89 I - L’art pour tous ....................................................................................................................... 89 II - L’art à tous ............................................................................................................................ 91 Troisième partie – Quelles stratégies de développement futur ? ........................................................ 93 132 Chapitre 1 - Le Super-musée d’art futur : L’hyper-musée média ..................................................... 93 Section 1 - Le développement de l’Hyper-musée ......................................................................... 93 I - Le musée, d’une association à un groupe économique ........................................................ 94 A- Le développement d’un complexe culturel................................................................... 94 B- Le développement d’un complexe commercial ............................................................ 95 II - Le musée, une multinationale agressive ? ........................................................................... 96 A- L’importance de la marque ........................................................................................... 97 B- La quête de l’expansion ................................................................................................. 97 Section 2 - Le musée, un nouveau-média comme un autre ? ..................................................... 101 I - Les problématiques des musées, problématiques de l’industrie des médias ? .................. 101 A- Le public, un objectif vital............................................................................................ 101 B- La nécessité de développer de nouveaux modèles économiques .............................. 103 C- La révolution technologique, entre menace et opportunité ...................................... 104 II - Un fonctionnement similaire ............................................................................................. 105 A- Un fondement économique similaire.......................................................................... 105 B- Des pratiques managériales comparables .................................................................. 106 Chapitre 2 - Un développement risqué ........................................................................................... 108 Section 1 - La vulgarisation du musée, vers un musée vulgaire ? ............................................... 108 Section 2 - Conservation de l’œuvre ou conservation du statut du musée? .............................. 109 Section 3 - Le musée Boursier ..................................................................................................... 110 Conclusion ........................................................................................................................................... 111 ANNEXES.............................................................................................................................................. 114 Annexe 1 : Les trois âges des musées ............................................................................................. 115 Annexe 2 : Musée et entreprise : une comparaison ....................................................................... 116 Annexe 3 : Enquête sur les pratiques culturelles des français ........................................................ 117 Annexe 4 : Choisir la bonne technique d’étude marketing ............................................................. 120 Annexe 5 : Organigramme du Musée du Louvre ............................................................................ 121 BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................... 122 Ouvrages.......................................................................................................................................... 122 Articles ............................................................................................................................................. 123 Table des Matières .............................................................................................................................. 130 133 RÉSUMÉ Ce mémoire de recherche s’inscrit dans un contexte de grande mutation pour les musées d’art internationaux. Alors qu’ils étaient il y a trente ans encore des associations sacralisées et fortement empreintes de leur localisation, ils sont maintenant dénoncés comme des entreprises de loisir à la recherche du profit maximum. L’objectif de ce mémoire de recherche était alors d’évaluer objectivement les principales stratégies de développement des Super-musées d’art internationaux et, à terme, d’adopter une démarche prospective pour évaluer quelques lignes directrices et tendances futures dans ces stratégies. A partir du moment où les institutions muséales ont converti une juxtaposition de solutions développées pour affronter les mutations de l’environnement, en une organisation complexe. La complexification de leur organisation et de leur gestion a impliqué la définition de stratégies d’entreprise précises. Trois stratégies ressortent ainsi comme les principales lignes directrices des musées : La stratégie d’expansion, la stratégie d’attraction, et la stratégie de socialisation. En développant ces trois stratégies majeures, qu’ils pondèrent en fonction de leurs objectifs les plus forts, les Super-musées internationaux initient une forte dynamique entrepreneuriale au cœur même de l’activité muséale. Par le biais de ces stratégies, nous pourrons déterminer comment les Super-musées tendent à devenir des Hyper-musées médias. MOTS-CLEFS : Stratégie, Développement, Gestion, Musées, Culture, Art