HOMÈRE L`Odyssée
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HOMÈRE L`Odyssée
867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 1 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 ANTIQUITÉ L’héritage antique HOMÈRE L’Odyssée (125) I. Le contexte A. Chronologie XVIe siècle av. J.-C. Début de la civilisation mycénienne en Grèce. Mycènes, résidence de princes puissants. Vers 1460-1410 av. J.-C. Apogée de la civilisation crétoise à Cnossos. Vers 1410-1200 av. J.-C. Déclin de la civilisation crétoise. Apogée de la civilisation mycénienne. Construction de la muraille cyclopéenne de Mycènes. (Règnes d’Atrée et d’Agamemnon.) Vers 1200 av. J.-C. Guerre de Troie. Vers 1190 av. J.-C. Fin de la civilisation mycénienne. Destruction du palais de Mycènes. Établissement des Doriens dans le Péloponnèse. XIIe siècle Âge de fer. Début du Moyen Âge grec qui dure jusqu’à l’époque de la renaissance archaïque au VIIIe siècle. Émigration des Achéens vers l’Asie Mineure. Début du VIII siècle En Ionie asiatique, composition de L’Iliade et L’Odyssée. VIIIe-VIe siècles Renom des poèmes homériques remaniés par les Homérides de Chios. Les poètes du cycle épique composent des poèmes pour raconter les événements qui précèdent ou suivent les faits narrés dans L’Iliade et L’Odyssée. e 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 2 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 2 L’HÉRITAGE ANTIQUE Vers 530 av. J.-C. IIIe-IIe Xe siècles siècle 1488 Fin du XVIIe siècle 1870 Pisistrate fait établir l’édition athénienne officielle de L’Iliade et L’Odyssée à partir d’un exemplaire acheté aux Homérides de Chios. Les grammairiens de l’école d’Alexandrie fixent le texte des poèmes tel qu’il nous est à peu près parvenu. Ils divisent L’Iliade et L’Odyssée en vingt-quatre chants. Époque des plus anciens papyrus parvenus jusqu’à nous. Époque des plus anciens manuscrits homériques du Moyen Âge. Première édition imprimée des poèmes homériques. Conjectures académiques de l’abbé d’Aubignac. Le problème de la composition de L’Iliade et L’Odyssée est posé. Début des fouilles de Schliemann sur le site de Troie, puis sur ceux de Mycènes, Cnossos, etc. B. Mystères autour d’Homère et de son œuvre La légende raconte qu’Homère aurait vécu en Ionie au VIIIe siècle av. J.-C. Plusieurs villes ioniennes et éoliennes se disputent l’honneur de l’avoir vu naître. Des sources diverses le présentent comme un aède aveugle qui, après avoir voyagé à travers le monde égéen pour réciter ses épopées, aurait fini par s’installer à Chios, en Asie Mineure, où il aurait fondé la famille sacerdotale des Homérides. Les Anciens attribuaient à Homère L’Iliade et L’Odyssée, les Hymnes dits homériques et un récit burlesque qui n’a pas été conservé, la Batrachomyomachie, décrivant un combat de grenouilles et de rats. Dès l’Antiquité, certaines de ces affirmations ont été contestées. Deux ou trois savants alexandrins, les chôrizontes, ou séparateurs, estimaient que L’Iliade et L’Odyssée étaient des œuvres dues à deux auteurs différents. La question de la composition des deux épopées a été reprise au XVIIIe siècle, avec la publication des 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 3 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 3 Conjectures académiques ou Dissertation sur l’Iliade de l’abbé d’Aubignac. S’appuyant sur les témoignages contradictoires concernant la vie d’Homère, d’Aubignac exprime des doutes sur l’existence de l’aède. Les critiques allemands du XIXe siècle renchérissent sur cette hypothèse et voient dans les poèmes épiques le produit spontané de l’imagination du peuple grec. D’autres savants arguent de la longueur des textes et de leur complexité qui rendent impossible une paternité unique. Le débat sur l’auteur de L’Iliade et L’Odyssée n’est pas clos, mais les recherches modernes ont permis de dégager un certain nombre de certitudes : les Grecs plaçaient la guerre de Troie au XIIe siècle av. J.-C., c’est-à-dire à l’époque mycénienne (âge de bronze). Or l’alphabet n’est attesté en Grèce qu’au VIIIe siècle av. J.-C., donc L’Iliade et L’Odyssée ne peuvent avoir été écrites que vers le VIIIe siècle ou le VIIe siècle av. J.-C. On localise l’auteur des épopées sur la côte d’Asie Mineure, du côté de Smyrne où l’on parlait l’éolien et de Chios où l’on pratiquait l’ionien, deux dialectes utilisés dans les épopées. En outre, pour comprendre comment procédaient les aèdes, les chercheurs ont eu l’idée d’observer leurs équivalents contemporains. On s’est aperçu qu’existaient en Yougoslavie des poètes capables de retenir par cœur des œuvres de longueur comparable à celles d’Homère et d’improviser des épopées sur le thème proposé par leur auditoire. Le barde, le guslar, s’accompagne d’un instrument de la forme d’un violon à corde unique. Un spécialiste d’Homère, Albert Lord, a réussi à faire chanter un barde pendant quinze jours, à raison de quatre heures par jour, sur un thème qu’il lui avait proposé. Ce qui a donné un poème de 10 000 vers dans lesquels on retrouve les caractéristiques des poèmes homériques : aventures d’un héros ayant pour toile de fond un âge héroïque, un monde des dieux, alternance de dialogues et de récitatifs, descriptions d’objets, emploi de procédés pour aider à la 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 4 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 4 L’HÉRITAGE ANTIQUE narration (comparaisons, répétitions), formules et scènes formulaires. Lord imagine Homère comme une sorte de guslar qui compose à la demande, en puisant dans le registre légué par ses prédécesseurs pendant plusieurs siècles. Selon le savant, un disciple patient prenait des notes sous la dictée du Maître aveugle et a permis ainsi la transmission des poèmes jusqu’à nous. On admet actuellement que chacune des épopées homériques a pour point de départ une littérature orale, composée d’un stock de héros, de thèmes et d’exploits, dont le traitement pouvait varier d’un aède à l’autre. Cependant, les chercheurs sont encore divisés sur un point : les deux œuvres sont-elles du même auteur, ou plutôt l’auteur de L’Odyssée ne serait-il pas un descendant de l’auteur de L’Iliade ? Les deux poèmes présentent des différences de langue, de métrique et de facture. Dans chaque épopée, Homère serait-il l’auteur d’un noyau primitif développé ensuite par des continuateurs ou serait-il celui qui a unifié en un ensemble tous les éléments disparates des sources légendaires antérieures ? Il est certain que L’Iliade et L’Odyssée n’ont pas été rédigées initialement sous la forme que nous leur connaissons aujourd’hui, et que les deux poèmes ont subi de nombreux remaniements au cours des siècles avant de se fixer de manière définitive. II. Pistes de lecture : étudier un récit épique A. La poésie orale L’Odyssée se présente comme une poésie orale, destinée à être dite en public et non pas lue. De son origine orale découle un certain nombre de caractéristiques : 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 5 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 5 • L’œuvre est construite sous la forme d’une suite de dialogues, de monologues et de récitatifs déclamés par un seul récitant qui interprète tour à tour tous les rôles. Chaque changement de rôle est annoncé par un vers stéréotypé qui présente le personnage en même temps qu’il introduit son discours. Ainsi, l’auditoire peut identifier sans difficulté le personnage qui prend la parole, et le récitant adopte la tonalité qui convient au rôle qu’il joue. De ce fait, l’épopée se rapproche du théâtre. • Le vers utilisé dans L’Odyssée, comme dans toute épopée, est l’hexamètre dactylique (vers formé d’une alternance particulière de syllabes longues ou brèves, groupées en six mesures). Le choix et la place des adjectifs, l’emploi d’un certain nombre de formules dépendent souvent des caractéristiques rythmiques du vers (nombre et durée des syllabes). La reprise des formules facilite la mémorisation des textes et sert de repère pour l’auditeur. Elle met en relief les actions qui se répètent et fixe l’image d’un dieu ou d’un personnage par un détail spécifique. • Le poème se compose d’une chaîne d’épisodes divisée en vingt-quatre chants ; cette division a été imposée à l’époque alexandrine (IIe siècle av. J.-C.) et correspondait certainement à la durée de la prestation de l’aède. L’aède ne récitait pas l’ensemble du texte, il choisissait telle ou telle partie, en fonction de la demande de son auditoire, ou de sa propre inspiration. • L’Odyssée développe un certain nombre de scènes qui se répètent : la réception des hôtes (p. 47, 95), la scène de reconnaissance (par exemple, la rencontre d’Ulysse avec Télémaque, avec le chien, la nourrice, les prétendants, Pénélope et Laërte), la tempête (p. 36, 89), etc. Ces scènes sont une caractéristique de la littérature orale et présentent des bases communes à partir desquelles s’établissent des variations. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 6 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 6 L’HÉRITAGE ANTIQUE B. Organisation de L’Odyssée Le Grec Aristote définit l’épopée comme un poème organisé autour d’une action unique sur laquelle viennent se greffer des épisodes. Le thème dominant de L’Odyssée est la reconquête du royaume d’Ithaque par Ulysse. Le récit en « flash-back » des aventures antérieures du héros, les récits dans le récit d’Hélène, de Ménélas, de l’aède Démodocos donnent de l’ampleur au poème épique et évitent la monotonie d’un récit purement chronologique. L’Odyssée peut être divisée en trois épisodes d’inégale longueur ayant chacun son sujet : – le premier mouvement (chants I à IV) raconte le voyage de Télémaque qui part à Lacédémone pour demander à Ménélas des nouvelles de son père. – Le deuxième mouvement (chants V à XII) rapporte les voyages d’Ulysse et son retour à Ithaque. – Le troisième mouvement (chants XIII à XXIV) met en scène les aventures d’Ulysse et de Télémaque à Ithaque jusqu’au moment où le héros rétablit enfin sa suprématie dans son royaume, et reconquiert sa place au logis. Les savants ont relevé un certain nombre d’invraisemblances dans la composition d’ensemble de l’œuvre : ainsi, par exemple, Télémaque, qui avait assuré à Euryclée que son absence serait brève, reste à Lacédémone durant un mois, alors qu’il a obtenu toutes les informations qu’il souhaite et n’a plus de raison particulière de prolonger son séjour ; c’est l’intervention d’Athéna, au chant XV, qui l’engage à reprendre la mer. En fait, entre le chant V et le chant XV, sont développés les récits des aventures d’Ulysse, de son départ de chez Calypso à son retour au pays. Il était donc nécessaire de prolonger le voyage de Télémaque pour que le père et le fils se retrouvent en même temps à Ithaque (p. 97). 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 7 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 7 Malgré la difficulté d’insérer de manière vraisemblable l’épisode du voyage de Télémaque dans la trame des aventures d’Ulysse, le texte présente une grande unité narrative qui se construit autour de la figure d’Ulysse. L’absence du héros à Ithaque crée un vide et un effet d’attente : pour mettre un frein aux désordres du royaume, son retour est absolument nécessaire (p. 20, 22) ; la rencontre de Télémaque et de Ménélas donne à l’attente une dimension encore plus grande : c’est la Grèce toute entière qui espère des nouvelles du héros. Les récits d’Hélène et de son époux glorifient Ulysse, avant qu’il apparaisse (p. 26). Recherché par son fils (p. 20-31), le héros surgit brusquement sur l’île de Calypso. On le voit pleurer sa patrie perdue (p. 33). Arrivé à la fin de son périple, il quitte la nymphe, essuie une dernière tempête avant d’aborder chez les Phéaciens, prêts à le ramener chez lui. Par le procédé du « retour en arrière » l’attente de dix ans est concentrée sous la forme des récits à Alcinoos. Le dernier mouvement du poème permet le rapprochement des routes séparées d’Ulysse et de Télémaque : le père et le fils, unis par une communauté d’intérêts et par des liens affectifs, rassemblent leurs efforts et leur peine dans un même objectif : éliminer les prétendants et rendre à Ithaque son maître. Le récit s’achève sur le bonheur d’un homme, qui a enfin retrouvé son identité et sa place dans son foyer et dans son royaume (p. 132). L’attente suscitée par l’absence du héros au début du poème est ainsi comblée. C. Le merveilleux L’épopée tient à la fois de la légende et du mythe. Imprégnée d’un merveilleux humain, la légende inscrit les exploits d’un héros dans un contexte historique. Gorgé de merveilleux divin, le mythe raconte des événe- 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 8 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 8 L’HÉRITAGE ANTIQUE ments et des faits qui se déroulent au temps des commencements, aux origines du monde ; sous une forme imagée, il exprime une vérité humaine en fournissant des éléments de compréhension sur nous-mêmes, sur les autres et sur le monde. En plaçant l’homme au centre de la narration, L’Odyssée est ancrée dans la légende ; elle permet à tout un peuple de se reconnaître comme l’héritier d’Ulysse, de se constituer un passé commun, par le rappel des conséquences de la guerre de Troie dont le souvenir remonte à l’âge de bronze (XII siècle) et s’est transmis de génération en génération, amplifié et embelli. Ulysse apparaît, d’autre part, comme le modèle des voyageurs qui, d’Énée à Sindbad, sillonnent avec intrépidité la Méditerranée. En présentant « une histoire primordiale exemplaire », (in Aspects du mythe, Mircéa Eliade) qui correspond à une réalité profonde, L’Odyssée est un mythe fondateur. Ancrée dans la légende et le mythe, l’œuvre combine différentes formes de merveilleux : divin, humain et magique. L’amplification épique est plus discrète dans L’Odyssée que dans L’Iliade, entièrement consacrée aux combats héroïques et au terrible cortège des malheurs de la guerre. Mais le personnage d’Ulysse, par sa beauté, sa force, son caractère, son intelligence et son énergie extraordinaires, confère à l’œuvre sa dimension épique. Soutenu par la déesse Athéna, voué à la haine de Poséidon, ce mortel hors du commun endure des épreuves exceptionnelles qu’il surmonte à chaque fois avec l’aide des dieux et grâce à ses multiples astuces. Qu’il doive lutter contre la force animale de Polyphème (p. 57), les maléfices de Circé la magicienne (p. 75), les séductions des Sirènes (p. 84), la cruauté de Scylla (p. 88), l’amour de Calypso, ou les éléments déchaînés (p. 35, 89), Ulysse montre toujours les mêmes e 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 9 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 9 aptitudes : courage, résistance et habileté. En lui sont rassemblées toutes les qualités humaines, au plus haut degré. À ce merveilleux humain se mêlent le merveilleux divin et la magie : Les dieux sont moins nombreux à intervenir dans L’Odyssée que dans L’Iliade, mais, tout au long de l’œuvre, la présence d’Athéna est récurrente : c’est elle qui ordonne à Télémaque de partir à Lacédémone (p. 20), c’est elle qui obtient le départ d’Ulysse de l’île d’Ogygie (p. 32), c’est encore elle qui protège le héros de la tempête (p. 37), qui envoie Nausicaa au-devant du naufragé (p. 40). Dans le dernier mouvement du poème, la déesse joue un rôle capital : elle accueille le héros à Ithaque, lui donne ses instructions (p. 93) ; sous la forme d’une belle et grande femme, elle demande à Ulysse de révéler son identité à Télémaque (p. 97) ; elle participe au châtiment des prétendants (p. 122) ; sous les traits de Mentor, elle fait cesser le combat entre les habitants d’Ithaque pour que renaisse enfin la paix (p. 131). Directement ou indirectement, Athéna apporte une assistance indéfectible à son protégé. Cette présence du surnaturel s’enrichit dans L’Odyssée d’une autre forme de merveilleux qui ne tient plus à l’intervention des dieux, mais à la présence d’un monde magique, d’un univers de monstres et de magiciennes. Les Lotophages, les Cyclopes, les Lestrygons, Circé, les Sirènes, Charybde et Scylla appartiennent à un ancien folklore de la Grèce et de la mer Égée et évoquent des lieux lointains, barbares et redoutables auxquels le héros doit échapper pour retrouver sa place dans la civilisation humaine et dans son univers familier. Chez Homère, le réel n’est jamais totalement exclu du monde surnaturel. En effet, l’intervention du merveilleux provoque des émotions et des sentiments universels, et met en valeur les qualités humaines du héros : 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 10 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 10 L’HÉRITAGE ANTIQUE lorsque le héros nage, ballotté par les vagues, il agit en fonction de son propre courage ; l’aide apportée par Athéna ne fait que rendre plus efficace son action. Le merveilleux suscite des exploits qui ne sont jamais irréalisables. Ainsi, quand Ulysse triomphe de la séduction des Sirènes, c’est parce qu’il a eu simplement la bonne idée de se faire ligoter au mât de son bateau… D. Un récit d’aventures Aux récits de la guerre de Troie, succèdent dans L’Odyssée les récits de retour : celui de Ménélas à Sparte (p. 29), et surtout celui d’Ulysse à Ithaque. Suite de L’Iliade, L’Odyssée met en scène un homme dont la lutte ne se déroule plus sur un champ de bataille unique, mais sur les divers points de la Méditerranée occidentale, puis chez lui, à Ithaque. Pour atteindre l’objet de sa quête, le héros doit surmonter deux épreuves : le voyage et la vengeance. Les aventures d’Ulysse se passent à la fois dans des lieux mythiques et réels. Les pays lointains peuplés de monstres et de nymphes ne sont pas sortis tout droit de l’imagination du poète. Dès l’époque antique, on était persuadé que les sites décrits par Homère existaient quelque part dans la mer du Couchant, même si l’on ne s’accordait pas toujours sur l’identification des escales d’Ulysse. Les recherches du savant Victor Bérard, auteur d’une étude sur Les Navigations d’Ulysse (1927-1929), tendent à montrer que les lieux évoqués n’étaient pas pures fictions et que les descriptions homériques rejoignaient la réalité géographique. Une carte réelle des voyages d’Ulysse a été établie par le chercheur. Un autre savant, G. Germain, expose un point de vue différent dans son Essai sur les origines de certains thèmes odysséens et sur la genèse de L’Odyssée (1954). Selon lui, le périple d’Ulysse serait surtout imaginaire. Le débat n’est pas tranché, 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 11 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 11 mais il est surtout intéressant de constater et d’analyser la valeur symbolique de la géographie odysséenne. Dans le royaume des Lestrygons, l’île des Cyclopes, ou celle de Circé, les valeurs humaines n’existent pas : à maintes reprises, Ulysse risque de perdre son identité et son humanité. Dans l’île des Lotophages, on lui offre la tentation de l’oubli (p. 55) ; pour échapper au Cyclope, il renonce à son nom (p. 63) ; dans l’île de Circé, il manque d’être transformé en porc (p. 75) ; les Sirènes lui promettent le savoir absolu (p. 87) et Calypso, l’immortalité (p. 35). C’est dans l’île des Phéaciens qu’Ulysse reprend contact avec les réalités humaines. Ici règnent les lois de l’hospitalité et un très grand raffinement. Mais le royaume d’Alcinoos, sorte de paradis humain à l’opposé de l’univers barbare d’où vient le héros, n’est encore qu’une étape avant le retour à la vie normale. Les Phéaciens reconduiront leur hôte dans sa patrie, la rude Ithaque, car Ulysse préférera retourner à ses devoirs de père, de mari et de roi, c’est-à-dire à sa simple condition d’homme, plutôt que de rester dans l’opulente Phéacie où l’existence est idyllique. Le temps de l’errance a été le temps de la découverte du vaste monde, le temps des épreuves, celui de l’apprentissage des autres et de soi. Ulysse est le héros « qui a beaucoup souffert », symbole de tous les exilés nostalgiques de la mère patrie. Son voyage, si périlleux, révèle aussi l’endurance et la maîtrise de soi qu’exige parfois la vie. Quand, enfin, Ulysse regagne Ithaque, rien n’est encore gagné : il lui faut reconquérir son identité, ses biens et sa famille. Le massacre des prétendants et le dernier combat qui clôt l’épopée sont encore empreints de violence et de barbarie. C’est Athéna, déesse de la guerre et de la sagesse, qui calme Ulysse et permet le retour à un monde enfin civilisé et apaisé. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 12 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 12 L’HÉRITAGE ANTIQUE III. Proposition de séquence A. Objectifs de la séquence Les nouveaux programmes de 6e mettent l’accent sur l’importance de la sensibilisation à l’héritage antique. L’étude de L’Odyssée s’inscrit dans cette démarche et fournira le point de départ à de multiples apprentissages centrés autour des points suivants : – Acquérir une culture à travers la lecture d’un texte fondateur. – Améliorer la maîtrise des outils documentaires. – Analyser les composantes de l’épopée. – Repérer le schéma narratif, actantiel, le procédé du retour en arrière, de l’annonce, les changements de narrateur. – Identifier différentes formes de discours (injonctif, narratif, descriptif). – Étudier les valeurs de l’impératif, du subjonctif présent. – Analyser les temps du récit et du dialogue. – Repérer les expansions du nom. – Réinvestir les acquis en rédigeant des textes à visée narrative, descriptive, injonctive. – Écrire un texte épique en utilisant des épithètes homériques, des formules, des comparaisons, en introduisant le merveilleux humain et divin. B. Déroulement de la séquence Séance Objectif S1 Entrer dans l’œuvre et construire des hypothèses de lecture. Support Dominante S2 Lecture Étude de la si- Conseils tuation initiale. d’Athéna à Télémaque Langue (p. 20). Illustration de Recherche documentaire couverture Lecture Paratexte Prologue (p. 19). Écriture S3 Retour en arrière et récit emboîté. Souvenirs de la Lecture guerre de Troie (p. 26). Activités Enquêtes sur la guerre de Troie, Homère, Ulysse. Questionnaire à partir de l’illustration de couverture, du paratexte et du prologue. Questionnaire sur les éléments de l’histoire. Étude du discours injonctif. Valeur des temps et des modes. Élaboration d’un récit injonctif. Questionnaire sur l’énonciation et sur la fonction du « flash back ». 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 13 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 13 S4 Étude du schéma narratif (progression chronologique du récit). De la grotte de Lecture Calypso au palais d’Alcinoos (p. 32-44). Questionnaire sur la description et le rôle de la tempête dans le récit. Étude comparative de la description de la grotte et du palais. Élaboration du schéma actantiel. S5 Le groupe no- Ulysse chez Al- Langue minal. cinoos (p. 45). Écriture Repérage des expansions du nom et de l’apposition. Rédaction d’un texte descriptif. S6 Retour en arrière et changement de narrateur. Étudier la figure du héros. Reconnaître la fonction de l’épreuve dans le récit. Récit du che- Lecture val de Troie (p. 50). Langue Le récit d’Ulysse (p. 53-90). Écriture Questions sur l’énonciation et sur les éléments du récit. Repérer les relations dans la phrase complexe. Rédiger l’épisode du cheval de bois en changeant de narrateur et de point de vue. Relevé des épreuves du héros. Analyser les qualités du héros. Étudier la description d’un monstre. Les cyclopes Lecture (p. 57). S7 Oral Langue Écriture Recherche documentaire S8 Étudier le pro- Discours de Ti- Lecture cédé de l’an- résias aux Ennonce. fers (p. 79). Langue Recherche documentaire Repérer la caractérisation du monstre ; relever les comparaisons. Étude de l’étymologie des mots « cyclope » et « Polyphème ». Analyser l’effet de la description. Rédiger la description d’un monstre. Chercher d’autres monstres dans la mythologie. Analyse des fonctions du texte. Réflexion sur le rôle du destin. Le futur de l’indicatif. L’expression de la condition. Enquête sur quelques « descentes aux Enfers ». S9 Étudier la Le bain de Lecture scène de recon- pieds (p. 107). naissance. Langue Questionnaire sur les éléments du récit. Distinguer les temps du récit et du dialogue. S10 Analyser la scène de vengeance. Bilan sur les caractéristiques de l’épopée. Repérer l’état d’esprit et les actions des protagonistes. Repérer les indices de temps dans le récit. Distinguer narration, description et dialogue. Débat oral : s’interroger sur l’acte d’Ulysse. S11 Le massacre Lecture des prétendants (p. 120). Langue Étudier la situa- La paix tion finale. (p. 131). Compléter le schéma narratif. Oral Lecture Écriture Questionnaire sur le rôle des dieux et des personnages. Analyser l’enjeu du récit. Rédiger l’épisode du dernier voyage d’Ulysse. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 14 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 14 L’HÉRITAGE ANTIQUE C. Propositions d’activités Séance n° 1 Objectif → Entrer dans l’œuvre. • Recherche documentaire a) La guerre de Troie : mener une courte recherche sur la guerre de Troie. Rappeler les épisodes du jugement de Pâris, le récit du cheval de Troie. b) Le héros Ulysse : on fera remplir la fiche d’identité du héros (p. 144). On complétera l’exercice « Chante avec l’aède ! » (p. 140), afin de donner le cadre culturel indispensable à la compréhension du récit. • Lecture 1. Lecture des pages de présentation du livre : l’auteur – le texte (p. 5-15). a) Repérage des formules qui indiquent la difficulté d’avoir des informations sûres à propos d’Homère. À quelle époque aurait-il vécu ? Où ? b) Rechercher la définition du mot « aède » (p. 6). c) Le texte de L’Odyssée s’est-il toujours présenté sous la même forme ? Quand a-t-il été fixé définitivement ? (p. 7-8). 2. Étude du titre et de l’illustration de couverture : les élèves seront conduits à faire des hypothèses de lecture à partir du titre. • Éléments de réponse : L’article défini indique qu’il ne s’agit pas du nom d’un personnage. Le mot « odyssée » cherché dans le dictionnaire permettra de faire des suggestions de lecture. On expliquera que le terme vient du nom grec Odusseus qui signifie Ulysse. Odyssée signifie « histoire d’Ulysse ». L’œuvre rapporte les voyages du héros grec. La lecture de la table des matières et la description de l’illustra- 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 15 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 15 tion de couverture (navire à voile, rames…) fourniront d’autres indices confirmant l’hypothèse et compléteront la thématique du récit. Les voyages d’Ulysse ne constituent qu’une partie du poème : la reconquête d’Ithaque est l’objectif du héros. (Repérage des titres : « Ulysse rencontre les prétendants », « Le massacre des prétendants », « Le châtiment des servantes », « La paix ».) 3. Le paratexte : quel est le rôle des notes en bas de page (lexique, références culturelles) ? à quoi servent les passages en italiques ? quelle est l’utilité du glossaire ? 4. Étude du prologue a) On racontera l’épisode des amours de Zeus et de Mnémosine (déesse de la Mémoire, fille d’Ouranos et de Gaia, qui s’unit au roi des dieux dont elle eut neuf filles, les Muses). On rappellera que l’épopée a une mission fondatrice puisqu’elle prétend détenir une vérité inspirée par une divinité. b) On demandera aux élèves de montrer comment le prologue sert à la fois de rappel des événements passés et d’introduction à l’œuvre. Le récit reposet-il sur le suspense ? Quelles phrases révèlent que le destin du héros et de ses compagnons est tracé d’avance ? • Éléments de réponse : Le prologue évoque l’origine du périple d’Ulysse et ses périlleux voyages sur la mer ; il annonce la mort des marins. La destinée d’Ulysse et de ses hommes est clairement établie ; seul le contenu des aventures reste mystérieux. Séance n° 2 Objectifs → Étude de la situation initiale. → Analyse du discours injonctif. → Valeur des temps et des modes. Support → « Conseils d’Athéna à Télémaque », p. 20. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 16 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 16 L’HÉRITAGE ANTIQUE Le voyage de Télémaque est ordonné par la déesse Athéna. La mission du jeune homme consiste simplement à chercher des nouvelles de son père. La déesse sait pourtant qu’Ulysse est vivant, retenu dans l’île d’Ogygie, par la nymphe Calypso. Mais ce n’est pas vers ce lieu qu’elle dirige Télémaque. Le temps des retrouvailles entre le père et le fils n’est pas encore venu et le jeune homme doit d’abord s’aguerrir, acquérir une certaine maturité qui lui permettra, au moment opportun, de se montrer à la hauteur des prouesses d’Ulysse. • Lecture – Langue a) Où se passe la scène ? b) Qui sont les personnages en présence ? c) Sous quel trait apparaît Athéna ? d) Quels signes de ponctuation signalent ses paroles ? e) Quels conseils la déesse donne-t-elle au jeune homme ? Sur quel ton s’exprime-t-elle ? f) Relever les verbes à l’impératif. Quelle est la terminaison des verbes du premier groupe à la deuxième personne du singulier ? Quelle est la valeur du subjonctif présent dans l’expression « que ta mère retourne » ? Quelle est la valeur de l’infinitif dans « aux prétendants de songer… de fournir… ». Quelle est la valeur du futur dans l’expression « que tu suivras »(p. 21, l. 19). Quel verbe d’obligation la déesse utilise-t-elle pour inciter Télémaque à faire preuve de maturité ? g) Chercher dans un dictionnaire de mythologie qui sont Nestor, Ménélas, Oreste et Égisthe. Pourquoi l’évocation du sort d’Agamemnon peut-elle pousser Télémaque à l’action ? h) Relever le champ lexical de la raison et de la sagesse dans le discours d’Athéna. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 17 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 17 . • Éléments de réponse : Nous entrons directement dans le vif du sujet : Athéna, sous les traits de Mentès, est à Ithaque, au palais d’Ulysse. Méprisant toutes les règles de l’hospitalité, les prétendants l’ont mal accueillie. Prise de pitié devant Télémaque qui subit une telle situation, la déesse exprime son souhait de voir revenir au logis l’homme qui saura remettre de l’ordre dans la maison et châtier les coupables de la pagaille (repérage de la phrase exclamative : « que cet Ulysse-là se mesure avec ces prétendants… ! »). Son discours a une valeur injonctive : il s’agit de donner des instructions à Télémaque et de le convaincre de partir rechercher des nouvelles de son père. Les verbes à l’impératif sont nombreux : ils désignent ce que doit faire le jeune homme (« convoque », « déclare », « équipe », « va t’enquérir », « interroge »…) et l’incitent à la sagesse (« médite », « avise en ton esprit », songe à mes paroles », « médite mes avis »). La tournure d’obligation à la forme négative (« il ne faut plus s’amuser à des enfantillages ») vise le même objectif : il est temps pour Télémaque de changer, d’évoluer, de sortir de l’enfance, et d’exercer ses facultés de raison. Les directives d’Athéna sont très précises et concernent chaque étape des préparatifs du voyage et chaque étape de l’itinéraire de Télémaque. Le jeune prince va devoir convoquer l’assemblée, renvoyer chez eux les prétendants, demander à sa mère de retourner chez son père, équiper un bateau, se rendre dans un premier temps à Pylos, puis à Sparte. En fonction de la nature des nouvelles qu’il obtiendra, il devra soit marier sa mère, après avoir rendu les honneurs funèbres à Ulysse, soit patienter encore un an. Athéna, déesse de la raison, montre un grand sens méthodique et un souci méticuleux du détail. Dans ses sages conseils et dans ses ordres, rien n’est laissé au hasard. À la valeur injonctive du discours d’Athéna s’ajoute une valeur informative. La déesse rappelle ce qui s’est passé précédemment concernant le sort des anciens compagnons d’Ulysse à Troie : le vieux roi Nestor est rentré chez lui sans problème, Ménélas, le roi de Sparte, est de retour au pays avec la belle Hélène ; la mort tragique d’Agamemnon à Mycènes doit servir d’avertissement à Télémaque. Il ne faudrait pas qu’Ithaque soit le théâtre d’un tel drame. L’exemple d’Oreste, vengeur de son père, est à suivre. Le devoir final de Télémaque sera de punir les prétendants. Ainsi, le discours d’Athéna structure l’ensemble de L’Odyssée : il met en place la quête d’Ulysse, signale le vide que le roi a laissé en son palais, évoque les récits de retour qui seront repris par Ménélas, annonce la nécessité de la vengeance. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 18 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 18 L’HÉRITAGE ANTIQUE On fera noter sur une fiche de synthèse ce que les élèves devront retenir sur le texte injonctif : emploi et orthographe de l’impératif, utilisation de l’infinitif qui ne présente aucune marque de personne, emploi du subjonctif comme substitut de l’impératif à la 3e personne, emploi du futur de l’indicatif avec une valeur d’ordre. Des exercices tirés d’un livre de grammaire pourront compléter l’étude de ces éléments et en permettre la manipulation. • Écriture : « Télémaque veut convaincre Pénélope de retourner au manoir de son père. » Consignes : • L’introduction du discours présente la nécessité pour Télémaque de partir à la recherche d’Ulysse. • Le texte injonctif utilise l’impératif, le subjonctif présent et le futur. • Utiliser une ou deux phrases exclamatives pour traduire les sentiments du jeune homme. Séance n° 3 Objectif → Retour en arrière et récit emboîté. Support → Souvenirs de la guerre de Troie, p. 26. • Lecture 1. Une grande partie de L’Odyssée repose sur le procédé de l’analepse. L’analepse, appelée « flash-back » au cinéma, consiste à raconter après coup un événement antérieur. Cette technique d’écriture a souvent une valeur explicative : elle éclaire sur ce qui a précédé, sur ce qu’un personnage a fait depuis sa disparition (les récits d’Ulysse à Alcinoos permettent d’apprendre ce qu’a vécu le héros pendant dix ans). 2. La présence de récits emboîtés est fréquente dans L’Odyssée. Plusieurs personnages deviennent tour à tour 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 19 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 19 narrateurs d’une histoire : le procédé peut avoir une valeur d’explication, de commentaire, de prédiction… a) Quel accueil Ménélas et Hélène réservent-ils à Télémaque ? b) Dans la narration, les événements passés sont introduits par « je ne vais pas vous narrer ni vous énumérer tous les exploits de l’endurant Ulysse, mais entre autres le haut fait qu’accomplit […] cet homme énergique… » (l. 16), « voyez encore », (l. 41). Quels sont les événements racontés ? Qui est l’émetteur des récits ? Qui est le récepteur ? c) Montrer qu’Hélène est un personnage complexe : ni tout à fait coupable, ni totalement innocent. d) Quels traits de caractère d’Ulysse, la reine et le roi présentent-ils ? e) Dans le récit d’Hélène et de Ménélas, le mot « ruse » et le verbe « ruser » sont employés à plusieurs reprises. Quel est l’auteur de la ruse et la victime visée ? f) À quoi servent ces deux récits d’événements passés ? • Éléments de réponse : La scène se passe à Sparte : Télémaque est reçu chaleureusement par Hélène et Ménélas. Deux locuteurs se succèdent dans la narration : Hélène évoque le souvenir de son voyage à Troie, et raconte à Télémaque et Ménélas un exploit d’Ulysse pendant la guerre contre les Troyens. Ménélas prend le relais et fait le récit d’un deuxième haut fait du héros, dans le cheval de bois. Il s’adresse tantôt directement à son épouse (« Oui, femme », « tu vins… »), tantôt à Télémaque et à son épouse (« voyez »). Par le procédé du retour en arrière, Hélène rappelle l’événement qui a déclenché les hostilités entre Grecs et Troyens : sa passion pour Pâris. Les expressions « car déjà mon cœur était changé » et « l’aveuglement » montrent que la reine avait d’abord adopté le camp des Troyens, avant de se sentir coupable de son attitude. Mais la responsabilité de sa faute est rejetée sur Aphrodite, déesse de l’amour extraconjugal. Nostal- 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 20 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 20 L’HÉRITAGE ANTIQUE gique de sa patrie, Hélène fait part d’un sentiment qui est celui d’Ulysse tout au long de ses voyages. La reine relate un exploit du héros, qui, déguisé en mendiant, s’est infiltré à Troie pour recueillir des informations. Elle souligne l’énergie d’Ulysse et sa ruse. Bien qu’identifié par elle, Ulysse refuse de révéler son nom ; ce n’est qu’après le bain qu’il accepte de reconnaître qui il est. (cf. p. 94 : transformation d’Ulysse en mendiant ; p. 107 : le bain de pieds). Le thème de la dissimulation et du dévoilement est un des fils directeurs de l’œuvre. Ménélas vante les qualités d’endurance d’Ulysse, son énergie, sa maîtrise de soi et sa prudence. Dans la première scène, la ruse est le fait d’Ulysse ; dans la deuxième, elle est imaginée par Hélène. La première ruse est découverte par Hélène ; la deuxième par Ulysse. Le rapprochement entre les deux personnages se confirme. Les deux retours en arrière servent à glorifier le héros, avant qu’il ne surgisse, par le rappel de ses hauts faits pendant la guerre de Troie, et sont destinés à renforcer l’effet d’attente. Séance n° 4 Objectifs → Étude du schéma narratif. → Analyse de la description de la grotte de Calypso, de la tempête et du palais d’Alcinoos. Support → De la grotte de Calypso au palais d’Alcinoos, p. 32 à 44. • Lecture La situation est grave à Ithaque : Pénélope, dont la ruse a échoué, a dû terminer le linceul de Laërte (p. 25), les prétendants sèment le désordre et Télémaque séjourne chez Ménélas, à Sparte. Le récit des événements est suspendu : le lecteur espère des nouvelles d’Ulysse dont le retour est indispensable. La première étape du récit chronologique des aventures d’Ulysse commence dans la grotte de Calypso. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 21 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 21 Depuis sept ans, le périple du héros, retenu par la nymphe qu’il n’aime plus, est interrompu. Le temps est arrêté. L’action est relancée par l’intervention d’Hermès, messager des dieux, qui va ordonner à Calypso de renvoyer Ulysse. La progression du texte, liée au déroulement des événements dans le temps, reprend. Pendant cette durée, va s’opérer un processus de transformation qui fera passer le héros d’un état initial à un état final provisoire. 1. Étude du schéma narratif On fera compléter le tableau suivant : Schéma Situation initiale Élément perturbateur Conséquences Élément de résolution Situation finale Événements Ulysse retenu par la nymphe Calypso. Arrivée d’Hermès chez Calypso. Conversation Calypso/Ulysse. Tempête : le héros est sauvé par Ino. Soutien d’Athéna. Soutien du fleuve. Ulysse échoue chez les Phéaciens. Intervention d’Athéna auprès de Nausicaa. Accueil d’Ulysse au palais d’Alcinoos. Pages 32 32 34 36-37 39 39 40 40-44 45-49 2. La tempête : analyse de l’épreuve ultime du héros a) Qui est l’adversaire acharné d’Ulysse ? b) Relever les termes qui appartiennent au champ lexical de la tempête. c) Repérer les comparaisons du texte. Quel est leur intérêt ? d) Justifier l’adjectif qui qualifie Ulysse : « le héros d’endurance ». e) Quelles sont les aides apportées au héros pendant cet épisode ? 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 22 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 22 L’HÉRITAGE ANTIQUE 3. La description de la grotte de Calypso et du palais d’Alcinoos a) Quel est le point de vue adopté dans la description de la grotte de Calypso ? b) Compléter le tableau ci-dessous : Sensations Noms communs Verbes Adjectifs et épithètes Vue Odeur Son c) Relever les termes qui révèlent la beauté et le luxe du palais d’Alcinoos. d) Repérer le champ lexical de l’opulence. e) Quels sont les mots qui signalent l’organisation du jardin d’Alcinoos ? En quoi ce lieu est-il paradisiaque ? f) Quelle est la différence entre l’île de Calypso et le palais d’Alcinoos ? g) Quelle sens donner au passage d’Ulysse de l’île de la nymphe au pays des Phéaciens ? • Éléments de réponse : 2a. Le héros subit la haine de Poséidon mû par la colère et la rancune. 2b.« Une grande vague, terrible, effroyable, formant une voûte au-dessus de sa tête, et qui s’écroula sur lui », « la vague dissémina », « puissantes houles », « grandes lames », « les vagues bondissent et mugissent », « forte lame », « grande vague », « le jeta », « le violent ressac l’atteignit, le rejeta », « le recouvrit »… 2c. « Quand un fort coup de vent disperse un tas de paille sèche, les chaumes s’éparpillent en tous sens ; ainsi la vague dissémina les longues planches » (p. 37) ; « Quand un poulpe est arraché de son gîte, des cailloux restent en tas attachés à ses suçoirs, ainsi des vaillantes mains d’Ulysse la peau fut déchirée » (p. 39). Les comparaisons évoquent la violence des flots, et permettent de visualiser la fiction. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 23 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 23 2d. Il semble que le héros vive ici ses derniers instants (« il aurait eu la peau déchirée et les os brisés », « le malheureux eût péri malgré son destin ») : la mer est déchaînée et s’acharne sur Ulysse dont les gémissements traduisent la souffrance (p. 3839). Le héros sent « défaillir son cœur et ses genoux » (p. 38). Mais jusqu’au bout, il lutte de toutes ses forces et résiste à l’assaut des vagues (« dès que le flot aura disjoint mon radeau, je nagerai, puisque je n’ai rien de mieux à prévoir », p. 37). Il chevauche une planche de son radeau, retire ses vêtements, s’élance et saisit le roc des deux mains, etc. (multiplication des verbes d’action)… Deux jours de suite, Ulysse nage sans répit. Sa vigueur exceptionnelle, sa capacité à s’adapter à la violence de la situation et l’aide des dieux vont lui apporter le salut. 2e. Ino, Athéna et le fleuve sont les alliés du héros. Ino, sous la forme d’une mouette, remet à Ulysse un voile talismanique, Athéna brise les vagues et apaise les vents, puis suggère à deux reprises à son protégé le moyen d’échapper à la noyade : en s’agrippant à un roc, et en se mettant à l’abri dans un endroit abrité du vent. Le fleuve cède à la prière d’Ulysse et le reçoit dans son estuaire. L’heure de la mort n’est pas encore venue pour Ulysse. Les dieux font en sorte que le destin du héros se réalise. 3a. C’est au travers du point de vue d’Hermès qu’est développée la description de l’île de Calypso. Le caractère extraordinaire du site est mis d’autant plus en valeur qu’il suscite l’admiration d’un dieu. 3b. Le décor de l’île fait l’objet d’une description détaillée qui mêle des remarques d’ordre visuel, olfactif et auditif. – Descriptions visuelles : « un grand feu flambait », « un bois luxuriant », « aune, peuplier noir », « sous les branches nichaient des oiseaux de large envergure », « une vigne déployait ses rameaux vivaces », « les grappes pendaient en abondance », « quatre fontaines versaient une eau claire », « molles prairies de violettes et de persil ». – Descriptions olfactives : « se répandait l’odeur du cèdre et du thuya, qui… embaumaient », « odorant cyprès ». – Description auditive : « la nymphe chantait ». 3c. Beauté des matériaux du palais d’Alcinoos : murs en bronze, corniche en émail bleu, portes en or, montants en argent, chiens d’or et d’argent, fin tissu, jeunes garçons en or. La perfection du travail est soulignée : les chiens sculptés « avec une savante adresse », les piédestaux sont « bien construits », les femmes sont « de toutes les plus adroites au tissage ». 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 24 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 24 L’HÉRITAGE ANTIQUE 3d. Opulence du palais : les murs de bronze vont « du seuil au fond », les sièges sont adossés « du seuil au fond », « cinquante servantes » travaillent dans le palais. 3e. Le jardin d’Alcinoos est un lieu agencé avec une grande maîtrise : « une enceinte l’enclôt de long en large », la description commence par le verger : « hors de la cour et près de la porte est un grand verger », « plus loin » est planté le vignoble, « plus loin » s’étend le potager, une source du potager coule « vers la haute maison », une autre « s’épand dans tout le jardin ». Les Phéaciens ont organisé le lieu avec art et raffinement. Le jardin d’Alcinoos est un paradis sur terre car « jamais les fruits ne meurent, ni ne manquent, hiver, ni été », « sans répit mûrissent la poire après la poire, la pomme après la pomme, le raisin après le raisin, la figue après la figue », les légumes sont « verts toute l’année », tout se fait simultanément : tandis que les grappes de raisin commencent à rougir, des pieds de vigne perdent leur fleurs. Tout paraît croître sans le moindre effort : Zéphir fait pousser les fruits, le soleil sèche le raisin, les sources arrosent le jardin. La main de l’homme est uniquement nécessaire pour le travail de la récolte. 4e. L’île de Calypso est un lieu entièrement naturel et sauvage : le bois est « luxuriant », les oiseaux sont libres, la vigne « déployait ses rameaux vivaces », sans que l’homme ne semble avoir besoin de la cultiver. La richesse du lieu ne vient ni de l’or, ni de l’argent, ni d’aucun autre matériau précieux. La demeure de la nymphe est une grotte spacieuse : l’ouvrage humain en est exclu. La beauté du palais d’Alcinoos tient au travail et à l’art de l’homme ; le jardin du roi est organisé par l’homme. Dans l’île des Phéaciens, la nature est domestiquée, le degré de civilisation est très raffiné. 5e. D’une escale à l’autre, Ulysse quitte la nature pour entrer dans la civilisation. L’étape chez les Phéaciens est la dernière avant son arrivée à Ithaque, c’est-à-dire avant son retour à la vie normale. • Prolongement : On pourra établir avec les élèves un schéma actantiel qui permettra de synthétiser les grandes lignes du récit. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 25 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE Destinateur Destins Opposant Poséidon 25 Objet Destinataire Retourner à Ithaque et retrouver Ulysse et les siens sa place Sujet Adjuvant Ulysse Athéna Séance n° 5 Objectif → Étudier le groupe nominal. Support → Ulysse chez Alcinoos, p. 46 (lignes 28 à 46). • Langue a) Repérage des noms « verger », « arbres », « vignoble », « légumes » et de leur déterminant. Rappel des notions de genre et de nombre. b) Repérage des expansions du nom : « un grand verger de quatre arpents », « de grands arbres florissants », « le fertile vignoble », « des légumes variés, verts ». Distinction entre le noyau, le déterminant, l’adjectif qualificatif, le complément du nom. Le verger a pour complément un groupe nominal « de quatre arpents ». Rappel de la fonction d’adjectif épithète. c) Repérage de l’apposition : « de grands arbres florissants, poiriers, grenadiers… ». d) Repérage de la proposition relative « dont les uns perdent leurs fleurs » : recherche de l’antécédent. Rappel de la fonction de la subordonnée relative. • Écriture : Rédiger un texte descriptif. « Décris en un court paragraphe un lieu idéal à tes yeux. Guide le lecteur en utilisant des formules comme : d’abord, plus loin, tout près, etc. Utilise des verbes et des expansions du nom, pour noter tes sensations olfactives, auditives, et visuelles. » 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 26 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 26 L’HÉRITAGE ANTIQUE Séance n° 6 Objectifs → Approfondir l’étude du procédé du retour en arrière et du récit emboîté. → Reconnaître le narrateur et le changement de narrateur. → Étudier les relations dans la phrase complexe. → Repérer les adjuvants, les opposants, les épreuves et les performances du héros. Supports → Récit du cheval de Troie, p. 50 ; le récit d’Ulysse, p. 53-90. • Lecture-Langue a) Qui raconte l’épisode du cheval de Troie (p. 5051) ? Relever les indices qui le prouvent. Quel est l’intérêt de ce changement de narrateur ? b) Où se passe la scène ? Qui sont les destinataires du récit ? c) De la ligne 1 à 22, repérer les verbes qui introduisent les paroles de l’aède. Les propositions dans lesquelles se trouvent ces verbes sont-elles simples ou complexes ? Parmi les propositions notées, donner un exemple de propositions coordonnées par une conjonction de coordination, un exemple de propositions reliées par un pronom relatif, et deux exemples de propositions reliées par une conjonction de subordination. d) Montrer comment, dans le discours du narrateur, la défaite de Troie est inévitable. De quelles qualités font preuve les Grecs, et en particulier Ulysse ? e) Quelle est la réaction d’Ulysse en entendant le récit ? Comment la justifier. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 27 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 27 • Éléments de réponse : a) À la lecture du texte en italique et du premier mot du récit on constate que l’épisode du cheval de Troie est raconté par l’aède. Après Ménélas, Démodocos est le deuxième personnage de L’Odyssée à rappeler l’épisode du cheval de Troie. Au témoignage direct, vient s’ajouter un récit proposé par un personnage extérieur à l’action. Le caractère illustre du héros est ainsi souligné, puisque la gloire d’Ulysse s’est répandue chez un peuple isolé, sur une île lointaine. Ce récit emboîté donne plus d’authenticité aux événements rapportés. b) La scène se déroule dans le palais d’Alcinoos, à l’occasion d’un festin organisé en l’honneur d’Ulysse, dont le roi ne connaît pas encore l’identité. c) Les verbes qui introduisent les paroles de l’aède sont les suivants : « l’aède […] commençait et déroulait » (l. 1), « il avait pris au moment » (l. 2), « l’aède chantait aussi » (l. 15), « il chantait » (l. 17). Les paroles de l’aède ne sont pas rapportées directement (discours indirect et indirect libre). Le repérage des propositions dans lesquelles se trouvent les verbes introducteurs permettra une révision de la phrase complexe dont on précisera la définition (ensemble formé de propositions construites autour de plusieurs verbes conjugués). Dans le premier exemple, les propositions sont coordonnées par « et », dans le deuxième, les propositions sont reliées par le pronom relatif « où », dans les deux derniers exemples, les propositions sont liées par le mot de subordination « comment ». On rappellera la distinction entre proposition indépendante, principale et subordonnée. d) L’aède insiste sur le caractère inéluctable de la défaite troyenne : « la ruine était fatale ». Les tergiversations des Troyens sont inutiles. Leurs « infinis discours » s’opposent à l’énergie que déploient les Grecs, « répandus hors du cheval », « apportant le meurtre et la mort ». Parmi les Argiens s’illustrent particulièrement leurs chefs, Ulysse et Ménélas. La stratégie imaginée par Ulysse est le résultat de sa grande habileté : l’on retrouve ici le héros « aux mille ruses » ; les qualités de guerrier d’Ulysse sont mises en valeur par la comparaison avec Arès et par l’évocation du « terrible combat » dont il sort vainqueur, « grâce à la magnanime Athéna ». e) Ulysse est à la fois un personnage du récit de l’aède et l’auditeur de sa propre histoire. Le rappel de ses malheurs passés lui fait verser des larmes. Il est temps pour lui de révéler son identité à son hôte qui a remarqué son émotion. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 28 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 28 L’HÉRITAGE ANTIQUE • Écriture : Changer le point de vue dans le récit du cheval de bois. « Pendant le festin, le héraut vient annoncer l’arrivée d’un nouveau naufragé sur l’île des Phéaciens. Il s’agit d’un Troyen, qui depuis dix ans erre sur les mers, à la recherche d’une terre d’accueil. Alcinoos invite l’étranger à sa table. Imagine le récit de cet homme, qui, à son tour, raconte l’épisode du cheval de Troie. » • Prolongement : Lecture de l’épisode du cheval de Troie raconté par Énée (in Virgile, L’Énéide, GF-Flammarion, « Étonnants classiques » no 109). • Lecture a) Qui parle à la p. 53 ? À qui renvoient les pronoms personnels « je », « nous » « te » et « ils », employés p. 53-54 ? b) Quel est le but et l’intérêt du récit de ce nouveau narrateur ? c) Oral : quelles épreuves surmonte Ulysse à chaque étape de son itinéraire ? Compléter le tableau suivant : Épreuves Adversaire Adjuvant d) Quelles qualités du héros apparaissent tout au long du récit ? e) Quel sens peut-on donner aux différentes étapes du voyage d’Ulysse ? 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 29 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 29 • Éléments de réponse : a) Le titre permet aux élèves de donner une réponse rapide à la question. Le changement de narrateur est de nouveau constaté : ici, Ulysse raconte lui-même sa propre histoire. Il est une nouvelle figure d’aède. Il s’exprime à la première personne du singulier. Il utilise « nous » (l. 24, 33…) pour parler de lui et de ses compagnons de voyage. « Ils » renvoient aux Cicones. « Tu » est le destinataire du récit, Alcinoos. b) Ulysse répond à la demande du roi qui veut connaître ses aventures. Le récit est un retour en arrière et forme une parenthèse explicative. Le changement de narrateur est intéressant car le héros témoigne en personne de ce qu’il a vécu ; cela permet au lecteur de se sentir plus proche de lui et d’accorder plus de crédibilité aux événements rapportés. c) Les épreuves – Cicones : Ulysse et ses compagnons attaquent et pillent la ville des Cicones. Ces derniers vont chercher du secours auprès de leurs voisins, pendant que leurs ennemis font ripaille malgré les conseils d’Ulysse. Battus au cours d’un combat, les Grecs, punis par Zeus, s’enfuient. – Lotophages : Les fruits du lotos apportent l’oubli du retour. Ulysse doit contraindre ses hommes « au cœur affligé » à poursuivre leur route, malgré eux. – Cyclopes : Les Cyclopes sont des sauvages chez qui seule compte la force. Leur peuple ne connaît ni organisation sociale, ni agriculture, ni lois de l’hospitalité. Polyphème dévore plusieurs compagnons d’Ulysse et menace de manger le héros. – Éole : Ulysse est trahi par ses compagnons qui pensent que l’outre offerte par Éole contient de l’or. Les vents s’échappent et provoquent une tempête. – Lestrygons : Peuple de géants inhospitaliers et anthropophages. Les Lestrygons sont aussi sauvages que les Cyclopes. – Circé : Magicienne qui séduit ses hôtes avant de les métamorphoser en cochons. Elle a le pouvoir de priver Ulysse de son humanité. (Auxiliaire : Hermès.) – Les Enfers : Il est très dangereux pour un mortel de descendre aux Enfers, si l’heure de la mort n’est pas encore venue. Le risque consiste à ne plus pouvoir regagner le monde des vivants. (Auxiliaire : Circé.) – Les Sirènes : Monstres marins qui, après avoir charmé les navigateurs par leurs chants et par l’étendue de leur connaissance, fracassent leur navire sur les rochers . Les Sirènes affirment 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 30 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 30 L’HÉRITAGE ANTIQUE tout connaître de la guerre de Troie et tout savoir sur tout. Ulysse risque de se perdre s’il cherche à s’enfermer dans le souvenir du passé et dans le désir de connaître tout ce qui se passe à Ithaque et ailleurs. (Auxiliaire : Circé.) – Scylla : Monstre marin aux gueules redoutables et à la force exceptionnelle. Il enlève les compagnons d’Ulysse et les rejette sur les rochers. Ulysse ne peut rien faire pour les sauver. C’est la première fois qu’il ne trouve pas la parade pour épargner ses marins. (Auxiliaire : Circé.) – Tempête : Les compagnons d’Ulysse tuent les bœufs d’Hélios. Zeus, pour les punir, déclenche une terrible tempête. Le passage explique rétrospectivement pourquoi le héros arrive seul chez Calypso. d) Tout au long des épreuves, Ulysse révèle ses qualités de force, d’endurance, de patience, d’intelligence et de ruse. Il montre aussi sa sensibilité (cf. lorsque ses marins sont emportés par Scylla, ou lorsqu’il rencontre sa mère aux Enfers). Il se signale toujours comme différent des autres hommes de son équipage et parvient à chaque occasion à se tirer des situations les plus périlleuses. En cela il semble doté d’une nature exceptionnelle. e) Au cours de sa première escale, Ulysse fait preuve d’une force brutale et sauvage : il ne demande pas l’hospitalité aux Cicones, il tue, pille et ravage leur terre. Il poursuit ici la guerre de Troie, car les Cicones étaient les alliés des Troyens (Iliade, chant II). Lors des étapes suivantes, il accomplit une succession de performances en affrontant tour à tour des géants barbares, une sorcière malfaisante et des monstres marins, qu’il va vaincre par la ruse, la prudence et la parole. Ulysse apprend à résoudre les difficultés autrement que par la violence. Il se bat pour conserver son statut d’homme (les Lotophages lui proposent l’oubli de ce qu’il est, Circé veut le transformer en pourceau, Calypso lui promet l’immortalité). Son triomphe sur la force de Polyphème et des Lestrygons, sur la ruse de Circé et des Sirènes, marque à chaque fois un pas vers une humanité retrouvée. Chaque étape de son itinéraire conduit Ulysse à s’éloigner du monde barbare d’où il vient pour rejoindre la civilisation. « Toute L’Odyssée, souligne P. Vidal-Naquet, est un récit du retour d’Ulysse à la normalité, de son acceptation délibérée de la condition humaine. » (« Valeurs religieuses et mythiques de la terre et du sacrifice dans L’Odyssée », in Le Chasseur noir, coll. « Textes à l’appui », La Découverte, 1991.) 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 31 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 31 Séance n° 7 Objectifs → Étudier la description d’un monstre. → Travail sur l’étymologie. → Recherche documentaire. Support → Les Cyclopes, p. 57-69. • Lecture-Écriture On demandera aux élèves de relever dans le texte les indices qui font de Polyphème un être monstrueux (œil unique au milieu du front, gigantisme, sauvagerie, force extraordinaire, anthropophagie). On fera noter les comparaisons qui mettent en valeur ces caractéristiques : « il ressemblait à un pic boisé », « il les mangeait comme un lion nourri sur les monts ». Le géant représente la nature sauvage. Le terme Polyphème veut dire « celui qui fait beaucoup de bruit », le mot « cyclope » signifie « œil rond ». (voir dossier, p. 160, pour un rapprochement entre la langue française et grecque). Virgile et Euripide situaient le pays des Cyclopes sur l’Etna ; V. Bérard le place en Campanie, dans les Champs phlégréens, couverts de cratères de boue à ras du sol. Les élèves chercheront ce qui permet de dire que les cyclopes personnifient les volcans ou les cratères. Le cyclope se comporte également comme un être frustre, « il rotait dans l’ivresse ». Il appartient à un univers barbare, très éloigné de la civilisation homérique : il ne respecte pas les lois divines : il méprise Zeus, protecteur des hôtes et des suppliants. Il ne respecte pas les règles de l’hospitalité : « Personne, je te mangerai le dernier de tes compagnons ; oui, tous les autres avant toi ; ce sera mon présent d’hospitalité. » (Comparer l’accueil d’Alcinoos, p. 48, à la manière dont Polyphème reçoit ses hôtes.) L’expression « d’un cœur impitoyable » est répétée à plusieurs reprises pour qualifier son attitude. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 32 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 32 L’HÉRITAGE ANTIQUE Polyphème est également un géant stupide : préoccupé seulement de boire et manger, il ne pense pas qu’Ulysse est en train de préparer un plan pour s’échapper. Il ne fait preuve d’aucune intelligence humaine. On cherchera les définitions du terme « monstre » : de manière générale, le monstre est celui qui transgresse une limite fixée par des lois humaines ou naturelles. On fera un relevé des expressions qui traduisent l’impression que provoque le cyclope sur les humains : « La peur nous chassa au fond de la caverne » (p. 60), « Nous avions le cœur brisé d’épouvante » (p. 60). • Prolongement : On lira aux élèves la description de Polyphème par Virgile (L’Énéide, GF-Flammarion « Étonnants classiques »). On relèvera les rapprochements entre le cyclope et l’Etna. • Recherche documentaire 1. Demander aux élèves de trouver d’autres peintures de monstres et de les présenter oralement à la classe. 2. Faire des recherches dans d’autres passages de L’Odyssée, dans les Métamorphoses d’Ovide, les Aventures de Sindbad. • Écriture : « En utilisant des comparaisons, décris avec précision un être monstrueux, soit totalement imaginaire, soit emprunté à un film ou à une bande dessinée. Ton texte commencera par “Soudain, apparut devant moi…”. Utilise des adjectifs qualificatifs, des compléments du nom, des propositions relatives. » 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 33 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 33 Séance n° 8 Objectifs → Étudier le procédé de l’annonce. → Les temps dans le discours de prédiction. → Recherche documentaire. Support → Discours de Tirésias aux Enfers, p. 79-80. On commencera par un relevé des annonces dans le récit (voir dossier, p. 143) pour montrer comment les prédictions créent un effet d’écho dans le texte. La reprise des épisodes constitue une sorte de refrain et traduit l’une des marques de l’oralité de l’épopée. Aux Enfers, dans le royaume des ombres, le héros s’éloigne de l’humanité, car il entreprend un voyage interdit aux vivants et dont, normalement, nul homme ne peut revenir. Mais Ulysse a des alliés divins et, grâce à leur soutien, il parvient à surmonter l’épreuve et à dominer sa nature mortelle. Le devin Tirésias annonce à Ulysse la perte de son navire et de ses compagnons, son retour à Ithaque et sa vengeance. Son discours explique à la fois la situation présente et donne des conseils pour l’avenir. Il permet au héros, ballotté au fil de l’eau, de trouver des repères précis pour poursuivre sa route avec clairvoyance. Ulysse sait désormais ce qui l’attend à Ithaque, il connaît son destin. Mais avant de rejoindre sa terre, il lui faudra vaincre les derniers monstres qui le tourmentent. a) Qu’annonce à l’avance Tirésias à Ulysse ? b) Quel est le rôle du destin dans L’Odyssée ? c) Quels sont les temps et les modes dominants du texte ? Peux-tu préciser leur valeur ? d) Comment les Grecs se représentaient-ils les Enfers ? Ulysse n’est pas le seul héros de la mythologie grecque à être descendu aux Enfers. Énée, Héraclès, Orphée et Thésée ont, eux aussi, fait le 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 34 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 34 L’HÉRITAGE ANTIQUE voyage au pays des morts. En quelles circonstances, dans quel but, et avec quel résultat ? • Éléments de réponse : a) Tirésias prédit l’arrivée chez Hélios, le retour difficile à Ithaque, le massacre des prétendants et la mort du héros, au terme d’une vieillesse heureuse et paisible. Il annonce également une suite aux voyages d’Ulysse, une dernière escale chez « des hommes qui ignorent la mer et mangent leur pitance sans sel ». Ce peuple doit sembler bien extraordinaire et exotique aux auditeurs grecs d’Homère pour lesquels il est sans doute bien peu vraisemblable qu’existent quelque part au monde des gens qui n’aient jamais vu de vaisseaux, et qui confondent une rame et un battoir à vanner. Cette ultime escale lie le destin d’Ulysse, non pas à la mer, mais à la terre, et marquera le retour du héros parmi « les mangeurs de pain », dans le monde des humains. b) Toutes les qualités d’Ulysse seraient inutiles si son destin avait été de mourir en mer. L’homme ne peut que se soumettre à ce qui a été fixé pour lui. Cependant, Tirésias montre les limites de son savoir : il envisage des hypothèses (« malgré sa colère, vous pourriez encore… arriver chez vous, si tu veux contenir ton cœur et celui de tes compagnons », « si tu ne leur fais aucun mal, si tu penses à votre retour, vous pourrez encore, non sans souffrir atteindre Ithaque ; mais si tu les endommages, alors je te prédis la perte de ton vaisseau et de tes compagnons », « si tu échappes au trépas, tu rentreras tard ») qui peuvent laisser à penser que l’homme garde tout de même une part de liberté et de responsabilité dans la façon dont il gère sa vie. L’équipage d’Ulysse pourrait être sauvé s’il respecte le troupeau d’Hélios. Avertis par leur chef, les marins n’obéiront pas et périront tous en mer. Leur mort est-elle l’effet d’une causalité humaine ou divine ? (voir le prologue qui annonçait la mort des compagnons d’Ulysse). On fera noter aux élèves les marques de l’expression de la condition. c) Les verbes au présent de l’indicatif (« c’est le retour que tu cherches », « il t’en veut », « des hommes qui dévorent ton bien » expliquent et relatent les événements actuels. Le verbe au passé composé (« Il a conçu… de la rancune ») établit un lien entre l’événement passé et le présent (non accompli du passé) : Poséidon éprouve aujourd’hui encore du ressentiment contre Ulysse qui a aveuglé son fils, Polyphème. Les verbes au futur de 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 35 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 35 l’indicatif ont une valeur de prédiction (« un dieu te le rendra pénible », « L’Ébranleur de la terre ne te laissera point passer », « vous y trouverez au pacage les vaches et les robustes moutons d’Hélios », « tu leur feras expier leurs violences », « la mort te viendra alors »… Les verbes à l’impératif présent (« prends une rame bien faite et va », « plante… ta rame », « offre un sacrifice », « reviens sacrifier des hécatombes ») ont une valeur d’ordre. d) Les descentes aux Enfers – Énée : au cours d’une des étapes de son voyage, Énée aborde en Campanie et va consulter la Sibylle de Cumes. Elle le mène aux Enfers afin qu’il apprenne de la bouche d’Anchise ce que sera son destin. Le héros surmonte sans difficulté cette épreuve. La vision prophétique de son père lui donne un nouvel élan pour poursuivre sa route et atteindre son objectif : trouver une terre d’accueil pour fonder une nouvelle Troie. – Héraclès : aidé par Hermès et Athéna, Héraclès descend aux Enfers pour capturer Cerbère, à la demande d’Eurysthée (12e épreuve). Au cours de son séjour dans ce lieu il rencontre Thésée et Pirithoos, qui s’étaient hasardés dans le royaume des ombres pour enlever Perséphone. Héraclès délivre Thésée, mais il ne peut rendre le même service à Pirithoos. Sur son chemin, il croise ensuite les âmes des morts qui réclament quelques gouttes de sang. Sensible à leurs prières, il décide d’abattre le troupeau d’Hadès. Le dieu des Enfers intervient, Héraclès le blesse. Vaincu, Hadès autorise Héraclès à capturer Cerbère. Le héros grec affronte à mains nues le monstre à trois têtes. Traînant le chien par la peau du cou, il le conduit à Eurysthée qui, effrayé, lui demande de le rendre aux Enfers. – Orphée : fils de la muse Calliope, il a des dons de poète et de musicien. Sa voix charme les fauves. Un jour, Aristée, fils d’Apollon, cherche à violenter Eurydice, la femme d’Orphée. Dans sa fuite, Eurydice marche sur une vipère qui la mord. Elle meurt. Orphée décide de descendre aux Enfers pour aller la chercher. Hadès et Perséphone se laissent attendrir par la beauté de sa musique et par ses lamentations. Ils lui rendent Eurydice, mais Orphée ne doit pas se retourner en chemin pour regarder sa femme. Avant d’atteindre la sortie, Orphée oublie sa promesse : son épouse disparaît aussitôt, pour toujours. – Thésée : fils du roi d’Athènes Égée, il avait une grande affection pour Pirithoos. Les deux amis décident de séduire chacun une fille de Zeus. Ils enlèvent Hélène de Sparte, encore enfant, 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 36 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 36 L’HÉRITAGE ANTIQUE qui est destinée à devenir la future femme de Thésée. (La fillette sera délivrée par ses frères Castor et Pollux.) Puis, ils descendent aux Enfers pour enlever Perséphone, que Pirithoos veut épouser. Hadès fait semblant de recevoir les deux héros avec hospitalité. Il les installe sur une chaise qu’ils ne peuvent plus quitter. Séance n° 9 Objectifs → Étudier le procédé de la reconnaissance. → Temps du récit, temps du dialogue. Support → Le bain de pieds, p. 107-109. • Lecture-Langue Reconduit à Ithaque par les Phéaciens, Ulysse, déguisé en mendiant, révèle son identité à son fils Télémaque. Tous deux préparent la vengeance. Les scènes de reconnaissance se multiplient dans la dernière partie de l’épopée : le chien Argos reconnaît son maître avant de mourir (p. 100), la nourrice Euryclée découvre qui se cache derrière l’apparence du pauvre gueux. Plus tard, Ulysse se fera reconnaître des prétendants, de Pénélope, puis de Laërte. La scène avec la nourrice met en jeu le thème récurrent de la dissimulation et du dévoilement dont on étudiera les variations dans l’œuvre. a) Le chapitre intitulé « Le bain de pieds » est ce qu’on appelle une « scène de reconnaissance ». Définir ce que signifie cette formule. b) Quels sont le statut social et la fonction d’Euryclée dans le récit ? c) À quel signe Euryclée reconnaît-elle Ulysse ? d) Comment l’aède rend-il vraisemblable la reconnaissance d’Ulysse ? Relever les verbes conjugués dans la narration : à quel temps sont-ils ? Expliquer leur valeur. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 37 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 37 e) Du point de vue dramatique, pourquoi est-il important que Pénélope ne reconnaisse pas son époux ? f) Quels sont les sentiments d’Euryclée en découvrant l’identité du héros ? Quelles paroles prononce-t-elle ? Sur quel ton ? Quels sont les temps des verbes utilisés ? Rappeler leur valeur. g) Comment réagit Ulysse ? Quelles paroles prononce-t-il ? Sur quel ton ? Relever les deux formes verbales injonctives. • Éléments de réponse : a & b) Tout est sens dessus dessous à Ithaque : le palais est pillé, les prétendants jouent les maîtres, la reine Pénélope est en proie au doute et à la peur, le roi Ulysse se dissimule sous les traits d’un faible mendiant. Fidèle au passé dont elle peut témoigner, la nourrice Euryclée représente la stabilité au milieu des bouleversements. c) La nourrice reconnaît Ulysse grâce à la cicatrice d’une ancienne blessure, marque distinctive de l’identité du héros. Les circonstances de la reconnaissance sont clairement justifiées : la nourrice donne un bain de pieds à l’hôte, selon les lois de l’hospitalité. La tradition grecque érige comme un devoir d’accueillir l’étranger (xénos signifie « hôte » et « étranger » en grec ancien), de lui offrir, conformément au rite, bain, gîte, couvert, et cadeaux. (cf. « Ulysse chez Eumée », p. 95 ; « Discours de Nausicaa aux servantes », p. 44). Au travers de ce rituel s’exprime le haut degré de civilisation des Grecs. (Noter le contraste avec l’hospitalité refusée de Polyphème.) d) La façon dont se déroule la reconnaissance d’Ulysse est rendue vraisemblable par la multiplicité des détails évoqués : on notera la précision des gestes de la nourrice, on relèvera la volonté d’insister sur la précaution prise par Ulysse : « Ulysse s’assit au foyer : mais il se tourna vite vers l’ombre. » Le héros craint de se montrer à Euryclée en pleine lumière. Par avance, il s’inquiète d’être trahi par sa cicatrice et ce sentiment annonce ce qui va arriver : « Il craignit qu’en le touchant Euryclée ne remarquât la cicatrice et que tout ne se découvrît. » Et c’est justement au simple toucher que la nourrice découvre l’identité d’Ulysse : « Elle baignait son maître : soudain elle reconnut la cicatrice… » On fera relever les verbes au passé simple : « la vieille prit », « versa », « joignit », « il s’assit », « il se tourna », « il craignit », 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 38 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 38 L’HÉRITAGE ANTIQUE « elle reconnut », « elle lâcha », « le pied retomba », etc. On rappellera que le passé simple exprime des actions de premier plan et marque la succession chronologique des faits relatés (aspect accompli). L’imparfait a ici deux valeurs : la forme « dont elle se servait » marque l’habitude ; les verbes « elle baignait », « qu’elle touchait » montrent la nourrice en train d’agir (aspect inaccompli). f) L’émotion de la nourrice est très forte, elle se traduit par un geste de surprise : « elle lâcha le pied qui retomba dans le bassin ». Les trois conséquences du geste sont détaillées de manière réaliste : le bruit (« l’airain retentit »), la chute du vase, et l’eau qui se répand. Euryclée est en proie à des sentiments mêlés de joie et de tristesse ; son bonheur de revoir son « cher enfant » est terni par le remords de ne pas l’avoir reconnu plus tôt. Sa voix qui se brise, ses larmes, sont les signes de son trouble. Dans la réplique de la nourrice, les verbes sont au présent et au passé composé : on opposera les temps coupés du moment de l’énonciation (temps du récit) aux temps en rapport avec le moment de l’énonciation (temps du dialogue). g) Ulysse est contrarié de se voir reconnu : si Pénélope apprend trop tôt son identité, il risque de ne pas pouvoir mener à terme la vengeance qu’il prépare. Le silence de la nourrice est nécessaire à l’action. Le héros réagit avec fermeté. Les verbes « tais-toi » et « que nul autre ne soit instruit » ont une valeur d’ordre. Séance n° 10 Objectifs → Étudier la scène de vengeance. → Analyser les caractéristiques de l’épopée. → Repérer les indices de temps. → Distinguer narration, description et dialogue. → Initiation à l’argumentation. Support → Le massacre des prétendants, p. 120. • Lecture-Langue a) Qui sont les personnages présents dans ce récit ? 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 39 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 39 b) Pourquoi semble-t-il juste à Ulysse de châtier les prétendants ? c) À quel signe voit-on que la vengeance est imminente ? d) Pourquoi Ulysse évoque-t-il le nom d’Apollon ? e) Antinoos s’attendait-il à mourir ? Pourquoi ? Relever les indices de temps (adverbes, GN, propositions) qui marquent les étapes du récit de la mort d’Antinoos (p. 120-121). Les prétendants ont-ils compris les intentions du héros ? f) Qu’y a-t-il de particulièrement violent dans cette scène ? Quel est le rôle d’Athéna ? g) Quelles images qualifient Ulysse et les prétendants ? Peut-on les expliquer ? h) Relever les passages narratifs, les passages descriptifs et les dialogues du chapitre. Noter les numéros des lignes. • Éléments de réponse : a) Les personnages du récit : Ulysse, les prétendants, parmi lesquels se distingue leur chef, Antinoos. Ulysse, le héros en titre, doit ici lutter contre les « faux héros » qui convoitent sa place. b) La vengeance d’Ulysse, approuvée des dieux, est présentée comme un acte de justice car les prétendants ont violé les lois humaines et divines en bafouant les règles de l’hospitalité, en pillant la maison de leur hôte, en convoitant son épouse, en couchant de force avec ses servantes. Ils ne craignaient « ni les dieux qui habitent le vaste ciel, ni la vengeance qu’un jour les hommes pouvaient tirer » d’eux. Les prétendants se sont conduits comme des sauvages, comme de véritables bêtes. Ils ne seront pas combattus comme des adversaires loyaux, mais comme du gibier. c) Un indice annonce que la vengeance est proche : le héros, après s’être dépouillé de ses haillons, s’élance en tenant en main son arc et son carquois plein de flèches qu’il verse à ses pieds, de manière à pouvoir tirer plus rapidement. Son geste accompli, il provoque immédiatement ses adversaires : « c’est un tout autre but que je vais viser » d) Apollon est le dieu des archers. Ses flèches atteignent tou- 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 40 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 40 L’HÉRITAGE ANTIQUE jours leur but (cf. les exploits d’Apollon contre le serpent Python, ou les enfants de Niobé, par exemple). e) L’aède détaille l’attitude d’Antinoos qui « s’apprêtait à porter à ses lèvres une belle coupe, en or, à deux anses ; déjà il la tenait dans ses mains : il allait boire du vin ». Bien loin de penser à la mort, Antinoos se livre au plaisir de la fête. La phrase interrogative « qui pouvait supposer que seul, en un banquet, parmi tant de convives, un homme… s’apprêtait à faire tomber sur lui la mort funeste ? » traduit le sentiment de tous les prétendants dont la méprise est confirmée quand ils se mettent à quereller Ulysse en imaginant qu’il a tué Antinoos sans le vouloir (p. 121). Indices de temps : – Adverbes : « alors » (p. 120, l. 1) ; « puis » (l. 4) ; « or » (p. 120, l. 8) ; « aussitôt » (l. 17). – Groupe nominal : « à ce moment » (p. 120, l. 8). – Formule récurrente : « il dit, et… » (l. 8). – Subordonnée de temps : « quand ils virent l’homme à terre ». f) La scène est extrêmement violente : la mise à mort d’Antinoos est brutale et rapide : « Ulysse tira et de sa flèche frappa Antinoos à la gorge… l’homme tomba à la reverse. » Dans l’univers d’exploits guerriers qui est celui des héros homériques, la scène de mort est destinée à frapper l’esprit de l’auditeur. La fête se termine dans un bain de sang. La richesse du champ lexical de la violence et de la mort ainsi que l’enchaînement des actions en témoignent. On notera la virulence des paroles d’Ulysse : « ah ! chiens… ». La cruauté de la scène de vengeance tient surtout au fait que les prétendants sont tombés dans un piège : Ulysse les a enfermés dans la salle du banquet et a fait retirer toutes les armes de la pièce. Les pillards n’ont aucune chance de salut. Le combat n’est en fait qu’une chasse. Dans sa rage effrénée, Ulysse semble être redevenu le guerrier barbare qui, après son départ de Troie, s’est acharné sur les Cicones. Fidèle alliée, Athéna, armée de son égide, effraye les prétendants livrés à Ulysse comme des moutons à l’abattoir… g) La première comparaison « ils furent effrayés dans la salle comme un troupeau de vaches que le taon agile attaque et pique » ne présente pas Ulysse comme un véritable danger, mais comme un parasite gênant. La deuxième établit une progression : « comme des vautours aux serres recourbées, au bec crochu, fondent des montagnes sur des oiseaux… ». Ulysse et ses compagnons deviennent de terrifiants oiseaux de proie qui, en position de supériorité, attaquent un gibier sans défense : « et pour l’oiseau, point de résistance ». La troisième comparaison « gisant 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 41 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 41 nombreux comme des poissons dans un creux du rivage quand les pêcheurs les ont tirés de la mer » fixe dans une dernière image les prétendants comme des victimes inertes. Chacune des comparaisons permet de suggérer la scène plutôt que de la décrire. • Écriture (travail de synthèse) On reprendra avec les élèves les caractéristiques de l’épopée : présence des dieux et du merveilleux (voir apparition d’Athéna), force surhumaine du héros : Ulysse est invincible, il se déchaîne et semble livré à une fureur qu’il n’abandonnera qu’après sa vengeance, quand il aura retrouvé sa place parmi les siens (« Ulysse et ses compagnons… frappaient de tous côtés… Tout le pavé bouillonnait de sang »), comparaisons, formules (« traits rapides », « les mets se répandirent sur le sol ») et épithètes homériques (« Ulysse l’avisé », « le noble Ulysse »). • Prolongement : Initiation à l’argumentation Débat oral : « Pensez-vous qu’Ulysse est un assassin ou un justicier ? » Justifiez votre réponse. Le sujet permettra de s’interroger sur le rôle de la justice, sur le thème de la violence comme réponse à la violence, sur l’évolution du système des valeurs. Les arguments seront notés au tableau. Séance n° 11 Objectifs → Compléter le schéma narratif. → Dégager la portée du mythe. Support → La paix, p. 131-133. • Lecture 1. Questionnaire a) Quelle est la cause de cette ultime épreuve ? b) Quel est le rôle d’Athéna dans le chapitre ? Sous quel trait apparaît-elle ? c) Quel autre dieu intervient dans le récit ? 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 42 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 42 L’HÉRITAGE ANTIQUE d) Quelle est la description de Laërte, du héros et de son fils au cours du combat ? e) Comment expliquer la joie d’Ulysse à la fin du récit ? f) Quel sens donner à ce dernier épisode ? • Éléments de réponse : a) La nouvelle du massacre s’est propagée ; le père d’Antinoos prend la tête de la révolte. Une troupe se forme et s’avance pour attaquer Ulysse et ses alliés. b) Athéna aide Laërte à lancer le jet qui atteindra Eupithès. La révolte est matée. Maintenant, la paix doit être restaurée définitivement. Ulysse a atteint chacun de ses objectifs : il a rétabli l’ordre au palais, il a châtié les coupables, il a retrouvé son identité et sa place. Après s’être présentée en déesse guerrière, Athéna devient pacifique. Sous les traits de Mentor, elle calme les ardeurs des combattants et les incite à faire preuve de sagesse. On retrouve ici la déesse de la raison. Le choix de son déguisement n’est pas dû au hasard : Mentor est le précepteur de Télémaque, illustre pour la sagesse de ses conseils. c) Zeus, fils de Cronos, fait retentir la foudre, symbole de son pouvoir. Il révèle ainsi clairement aux hommes sa volonté, et confirme les propos d’Athéna. d) Laërte, Télémaque et Ulysse sont pleins d’énergie guerrière. Ils semblent tous trois doués d’une force extraordinaire que nul ne peut arrêter. Même après l’appel d’Athéna, Ulysse est prêt à poursuivre les hostilités ; seul Zeus parviendra à retenir son bras. « Le noble Ulysse se ramasse avec un cri terrible, s’élance, comme l’aigle au vol altier. Mais le fils de Cronos fit tomber sa foudre… » Les dernières paroles d’Athéna achèvent de désamorcer sa colère. « Ulysse lui obéit, le cœur plein de joie. » e) Ulysse est heureux d’obéir à la déesse : après tant de massacres, il est temps pour lui de retrouver la paix et un bonheur tranquille. f) Le dernier épisode marque le passage de la violence et de la sauvagerie à un monde civilisé et apaisé. Les dieux, responsables de la guerre de Troie, sont ici les instigateurs de la paix. Athéna, la déesse qui porte l’égide, demande aux hommes de vivre ensemble, dans la concorde. Aussi efficace dans la guerre que dans la paix, la déesse, par ses qualités de sagesse et de raison, représente les aspects les plus positifs de la civilisation grecque. 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 43 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 L’ODYSSÉE 43 2. Compléter le schéma narratif. Établir la synthèse du déroulement de l’action. Pour atteindre son objectif, Ulysse va vivre de nombreuses épreuves qui vont révéler son destin extraordinaire et son caractère exceptionnel. La structure narrative de l’épopée s’organise autour du héros et se développe à travers une série de séquences événementielles. On débutera l’étude du schéma à partir de l’arrivée d’Ulysse à Ithaque et on demandera aux élèves de compléter le tableau suivant. Situation initiale Élément perturbateur Conséquences Élément de résolution Situation finale Les prétendants sèment le désordre à Ithaque en l’absence d’Ulysse. Retour et dissimulation d’Ulysse déguisé en mendiant. – Retrouvailles du père et du fils. – Argos reconnaît Ulysse. – Les humiliations d’Ulysse (rencontre avec les prétendants, pugilat avec Iros). – Euryclée reconnaît Ulysse. – Songe de Pénélope. – Épreuve de l’arc. – Vengeance d’Ulysse. – Scènes de reconnaissance (Pénélope, Laërte). Ulysse retrouve sa place dans son foyer. – Après un dernier combat, Ulysse retrouve sa place dans son royaume. • Écriture : Inventer la dernière épreuve d’Ulysse. « Après avoir beaucoup marché, Ulysse arrive au pays des hommes qui ignorent la mer et mangent leur pitance sans sel. » Raconte cet épisode en respectant les consignes suivantes : – Récit au passé simple et à l’imparfait. – Emploi de connecteurs temporels. – Utilisation d’épithètes homériques. – Utilisation de comparaisons. – Intervention du merveilleux (ex : apparition d’Athéna). 867-4542-53233-odyssee-1-44 Page 44 Jeudi, 26. août 2010 5:14 17 44 L’HÉRITAGE ANTIQUE – Caractérisation du héros par ses qualités exceptionnelles habituelles (courage, intelligence, prudence…). IV. Orientations bibliographiques HOMÈRE, L’Odyssée, trad. M. Dufour et J. Raison, GF-Flammarion, 1965. V. BÉRARD, Introduction à L’Odyssée, Les Belles Lettres, 1924. M. DETIENNE et J.-P. VERNANT, Les Ruses de l’intelligence ou la Métis des Grecs, Champs-Flammarion, 1974. P. FAURE, Ulysse le Crétois, Fayard, 1980. M. I. FINLEY, Les Premiers Temps de la Grèce, l’âge de bronze et l’époque archaïque, Flammarion, 1980. M. I. FINLEY, Le Monde d’Ulysse, Maspéro, 1978. P. GRIMAL, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, PUF, 1969. Jacqueline DE ROMILLY, Homère, PUF, « Que-sais-je ? », 1985. J. DE ROMILLY, Perspectives actuelles sur l’épopée homérique, PUF, 1984. Christine GARCIA