de Lattre de Tassigny - Archives

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de Lattre de Tassigny - Archives
Jean de Lattre de Tassigny (1889-1952)
L’ensemble des textes ci-dessous sont largement inspirés des ouvrages cités dans la bibliographie.
Jean de Lattre de Tassigny est né le 2 février 1889 à Mouilleron-en-Pareds (Vendée) d’une vieille famille
aristocratique des Flandres françaises. Il fait ses études au collège Saint-Joseph de Poitiers (Vienne) et à
Paris, puis fait ses classes au 29e régiment de dragons à Provins. Elève de Saint-Cyr de 1909 à 1911, il
sort 4e de la promotion « Mauritanie ». En 1911, il entre à l’école de cavalerie de Saumur. En octobre
1912, à sa sortie d’école, il est affecté au 12e régiment de dragons, à Pont-à-Mousson.
I. Débuts de la carrière militaire de Jean de Lattre de Tassigny
Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Envoyé sur le front, le lieutenant de Lattre,
officier éclaireur de la 2e division de cavalerie, est blessé à deux reprises dans les premiers mois de la
guerre.
En 1915, de Lattre demande à être affecté dans l’infanterie. Promu capitaine à titre temporaire, il choisit
le 93e régiment d’infanterie et se bat à Verdun puis au chemin des Dames.
n°1 / Référence : AUL 235
Le quartier d’habitations de Verdun situé derrière l’église a été
détruit. La zone est couverte de ruines et de débris.
1917, autochrome attribué à Jean-Baptiste Tournassoud.
n°2 / Référence : SPA 13 BO 730
La seconde bataille de l’Aisne ou l’offensive Nivelle. Camp de
prisonniers de guerre allemands à Irval.
14-18 avril 1917, photographe Maurice Boulay.
Il termine la guerre au 2e bureau de l’état-major de la 21e division. Il se distingue au combat. A la fin du
conflit, le capitaine de Lattre totalise huit citations.
Dans l’entre-deux-guerres, il passe deux années à Bayonne, au 49e régiment d’infanterie puis est affecté
au Maroc de 1921 à 1926. Il participe aux opérations de la Haute Moulouya en 1922 et de Taza en 1923.
Il est chef d’état-major de la région de Taza lors du soulèvement conduit par Abd el-Krim contre les
Français (guerre du Rif, 1925-1926). Blessé deux fois, il compte trois nouvelles citations et est promu au
grade de chef de bataillon à titre exceptionnel.
n°3 / Référence : D13-02-92
Le général Giraud passe en revue un
détachement du 151e régiment d’infanterie. Il
porte sa tenue de gouverneur militaire.
Derrière lui, à cheval, le colonel de Lattre.
Avril 1936, photographe inconnu.
En mars 1927, il épouse Simone Calary de Lamazière, avec laquelle il a un fils, Bernard, né en 1928.
De 1927 à 1929, le chef de bataillon de Lattre est élève à l’école de guerre avec la 49e promotion.
Entre 1929 et 1931, il sert au 5e régiment d’infanterie à Coulommiers puis au 4e bureau de l’état-major de
l’armée.
n° 4 / Référence : TERRE 11182-2
Prise d’armes à Versailles : de Lattre au 5e régiment
d’infanterie.
10-20 juillet 1946, photographe inconnu.
De 1932 à 1935, le lieutenant-colonel de Lattre sert à l’état-major particulier du général Maxime
Weygand, alors vice-président du Conseil supérieur de la Guerre, puis à l’état-major du général Georges.
Pendant ces trois années, de Lattre est affecté au 3e bureau et est chargé du « Plan » et des « Relations
avec l’étranger ». Il suit alors l’évolution de la politique étrangère, ainsi que certaines questions de
politique intérieure affectant les budgets militaires.
n°5 / Référence : DG 12-212
Le général d’armée Weygand marche vers
l’objectif tout en longeant sur la gauche un mur de
pierres sèches près duquel se trouvent des
tirailleurs sénégalais du 17e RTS (régiment de
tirailleurs sénégalais) postés.
Avril 1940, photographe inconnu.
Jusqu’en 1937, le colonel de Lattre commande le 151e régiment d’infanterie à Metz, sous les ordres du
général Giraud. En 1938, il complète sa formation au CHEM (Centre des hautes études militaires) puis est
nommé chef d’état-major de la Ve Armée (armée d’Alsace). Le 23 mars 1939, il est promu au grade de
général de brigade et devient alors le plus jeune général de France.
En janvier 1940, le général de Lattre prend le commandement de la 14e division d’infanterie. Au cours
des combats de mai et juin, cette division se distingue à Rethel, où elle repousse par trois fois les troupes
allemandes qui tentent de franchir l’Aisne, avant de se replier en menant des combats retardateurs sur la
Marne et la Loire.
n°6 / Référence : 4ARMEE 55-D442
Le général de brigade de Lattre de Tassigny, commandant la
14e DI (division d’infanterie), passe en revue des soldats du 35e
RI (régiment d’infanterie).
Avril 1940, photographe inconnu.
n°7 / Référence : 4ARMEE 55-D443
Le général de brigade de Lattre de Tassigny, commandant la 14e DI
(division d’infanterie), décore de la médaille militaire des sous-officiers
du 152e RI (régiment d’infanterie) et du 35e RI de la 14e DI.
Avril 1940, photographe inconnu.
n°8 / Référence : DG 128-1813
Un groupe de prisonniers allemands est rassemblé sous la surveillance de
gardes républicains mobiles.
16-21 mai 1940, photographe inconnu.
Le 22 juin 1940, le gouvernement Pétain signe l’armistice. Les forces armées françaises sont
démobilisées et désarmées, la France n’étant plus autorisée qu’à conserver les troupes nécessaires au
maintien de l’ordre intérieur.
Dans ce climat de défaite, le général de Lattre veut rendre l’espoir aux jeunes Français, leur redonner
confiance. Il se consacre à la formation des cadres de l’armée, se fondant sur sa devise « Ne pas subir » et
dans l’optique d’une reprise des combats aux côtés des Alliés. De juillet 1940 à septembre 1941, il est
nommé au commandement militaire de Clermont-Ferrand, il deviendra ensuite général de division
commandant les troupes de Tunisie et général de corps d’armée commandant la 10e région militaire
(Montpellier).
En septembre 1941, il est nommé commandant supérieur des troupes de Tunis et crée une nouvelle école
de cadres à Salammbô. Rappelé en France en janvier 1942, il est nommé commandant de la 16e division
militaire à Montpellier et est promu général de corps d’armée.
n°9 / Référence : TU 57-48 R3
Prise d'armes à l'école des cadres de Salammbô (Tunisie) et
au cimetière de Gammarts.
27 mars 1957, photographe Duburguet.
Le 11 novembre 1942, lorsque les Allemands pénètrent en zone libre, le général de Lattre donne à ses
troupes l’ordre de sortir de leurs garnisons et de résister. Il est incarcéré à Toulouse puis à Lyon. Le 9
janvier 1943, il est condamné à 10 ans de prison pour abandon de poste. Dans la nuit du 2 au 3 septembre,
de Lattre s’évade de la prison de Riom, avec l’aide de sa femme, de son fils et de résistants français.
Après s’être caché pendant un mois en Auvergne, il gagne la région de Mâcon puis rejoint Londres à la
mi-octobre.
Le 20 décembre 1943, il arrive à Alger, devenue capitale de la France Libre (il a été promu général
d’armée le 11 novembre 1943 par le général de Gaulle). Après la campagne d’Italie, le général de Gaulle
lui confie la formation et le commandement de l’armée B, dont les cadres s’entraînent à l’école de Douera
(Algérie). L’Armée B devient la première Armée française. Il réalise en six mois l’amalgame des troupes
d’Afrique du Nord avec les FFI (Forces françaises de l’intérieur) et les volontaires évadés de France
(intégration au sein de l’armée « régulière » des unités de résistants).
En juin, l’armée du général de Lattre, venue d’Afrique et d’Italie, est victorieuse à l’île d’Elbe.
Le 16 août 1944, elle débarque en Provence aux côtés des Alliés (opération « Anvil-Dragoon ») 1 . Elle a
pour mission de s’emparer de Toulon et de Marseille.
n°10 / Référence : TERRE 317-7602
Le général de Lattre de Tassigny, en
compagnie d’officiers français, dans les ruines
de l’arsenal de Toulon.
27 août 1944, photographe Auclaire.
Photo n°10 : Le général de Lattre de Tassigny constate l’étendue des dégâts des installations portuaires bombardées
au cours des combats menés pour la libération de la ville. Le 26 août 1944, à minuit, la bataille de Toulon est
terminée alors que seule résiste encore la presqu’île de Saint-Mandrier.
Le 3 septembre, l’armée du général de Lattre entre à Lyon, après avoir remonté la vallée du Rhône, puis
elle libère Mâcon, Autun, Dijon, où de Lattre fait jonction avec la 2e division blindée du général Leclerc.
Le 24 septembre, le général de Gaulle lui remet la Croix de la Libération au château de Bournel (Doubs).
Le 19 novembre, l’armée du général de Lattre atteint le Rhin. Avec la reconquête de Belfort, Mulhouse,
Strasbourg et Colmar (2 février) s’achève la libération totale de la France. Le 31 mars 1945 enfin, les
troupes du général de Lattre passent le Rhin. Elles atteignent Karlsruhe et Stuttgart, franchissent le
Danube et poussent jusqu’à Ulm, tandis que d’autres éléments longent la frontière suisse de Bâle à
Constance, jusqu’au col de l’Arlberg. C’est la campagne Rhin et Danube.
n°11 / Référence : TERRE 10266-R9
Portrait du général de Lattre de Tassigny, commandant la 1re
Armée.
4-7 avril 1945, photographe Germaine Kanova.
1
n°12 / Référence : TERRE 10267-R10
Le général Dromard, commandant le génie de la 1re Armée, le général de
Lattre de Tassigny et le général de Gaulle passent en revue les hommes
du 31e BCP (Bataillon de chasseurs à pied) à Spire (Allemagne).
6-7 avril 1945, photographe Jacques Belin.
Voir aussi le dossier documentaire du mois d’août 2008 sur le débarquement de Provence.
n°13 / Référence : TERRE 10266-L29
A Karlsruhe, les généraux de Gaulle, de Lattre de Tassigny, Valluy (coiffé d’un bonnet de police), commandant la 9e DIC
(Division d’infanterie coloniale) et André Diethelm, ministre de la guerre, rendent les honneurs au drapeau du 21e RIC
(Régiment d’infanterie coloniale).
4-7 avril 1945, photographe Germaine Kanova.
n°14 / Référence : TERRE 10570 G4
Sur le perron du quartier général des forces soviétiques à Berlin, les quatre membres de la commission de contrôle interalliée
de l’Allemagne posent pour les photographes ; de gauche à droite, le maréchal britannique Bernard Law Montgomery, le
général américain Dwight Eisenhower, le maréchal soviétique Gheorghi Joukov et le général Jean de Lattre de Tassigny.
5 juin 1945, photographe V. Verdu.
Photo n°14 : La commission de contrôle interalliée, chargée d'administrer l'Allemagne vaincue, se réunit à Berlin le 5 juin
1945 pour rédiger sa première déclaration. Elle y annonce que l'Allemagne sera divisée en quatre zones d'occupation. Berlin
sera administré par un gouvernement interallié.
Les quatre membres de cette commission, le maréchal britannique Bernard Law Montgomery, le général américain Dwight
Eisenhower, le maréchal soviétique Gheorghi Joukov et le général Jean de Lattre de Tassigny se rencontrent au quartier
général des forces soviétiques afin de signer la convention fixant les zones d'occupation alliées.
Dans la nuit du 8 au 9 mai 1945, le général de Lattre signe à Berlin, au nom de la France, l’acte de
capitulation de l’Allemagne nazie. De 1945 à 1947, il est nommé inspecteur général et chef d’état-major
général de l’armée de terre. En mars 1947, il reste inspecteur général de l’armée et devient en sus viceprésident du conseil supérieur de la guerre. En mars 1948, il est présent lors de la signature du traité de
Bruxelles, alliance défensive entre la France, la Grande-Bretagne et les trois pays du Benelux (Belgique,
Pays-Bas et Luxembourg).
Puis il devient le premier commandant supérieur des forces terrestres de l’Europe occidentale. Il est en
poste à l’état-major des cinq signataires à Fontainebleau auprès du maréchal Montgomery.
II. Le général de Lattre de Tassigny en Indochine
n°15 / Référence : COC 50-29 R22
Accrochage entre le 2e BEP (Bataillon étranger de
parachutistes) et des partisans du Viêt-minh à Baria, en
Cochinchine.
29 août – 4 septembre 1950, photographe inconnu.
n°16 / Référence : CVN 54-68 R6
Au premier plan, un parachutiste du 1er BEP (Bataillon
étranger de parachutistes), en position de tir couché, armé
d'un fusil-mitrailleur M24/29, appuie un groupe de
parachutistes partant à l’assaut. Une explosion a eu lieu et
une fumée épaisse s'élève (reconstitution).
2-7 novembre 1954, photographe Fernand Jentile.
Le 2 septembre 1945, Ho Chi Minh, leader du Viêt-minh 2 , proclame l’indépendance du Vietnam.
En 1945-1946, la guerre n’est que larvée. Il n’y a pas stricto sensu de guerre entre les Français et les
forces du Viêt-minh mais une série d’incidents sanglants dont chacun rejette la responsabilité sur l’autre.
Le 19 décembre 1946, le corps expéditionnaire français est assailli dans différentes villes du nord du
pays. L’Indochine bascule alors vraiment dans la guerre.
C’est la défaite de Cao Bang qui va décider les dirigeants français à solliciter le général de Lattre et à lui
confier son second commandement.
Cao Bang est une ville du Nord Vietnam, située tout au bout de la RC 4, la route coloniale qui longe la
frontière chinoise depuis la mer en passant par Langson. A l’automne 1950, le ravitaillement de la
garnison de Cao Bang est de plus en plus difficile car il est impossible de contrôler la jungle
environnante. Le général en chef Marcel Carpentier décide d’abandonner la ville après la saison des
pluies. La colonne Lepage doit se diriger vers l’ouest et rejoindre la garnison de Cao Bang. Mais la
colonne échoue dans sa mission. L’évacuation de Cao Bang est maintenue malgré tout. Le lieutenantcolonel Charton, commandant de la garnison, commence l’évacuation le 3 octobre 1950. Mais la colonne
Lepage est sérieusement malmenée. Charton reçoit l’ordre de se porter à son secours. Dans une zone au
relief difficile, les deux groupements sont anéantis. Au total, la bataille de Cao Bang (ou de la RC 4) fait
4 000 morts du côté français. Du côté du Viêt-minh, le général Giap, après ce succès, prétend pouvoir
atteindre rapidement Hanoi et le delta du fleuve Rouge. En fait, Cao Bang n’ouvre pas le chemin de la
victoire pour l’armée révolutionnaire mais seulement la dernière phase militaire de la guerre d’Indochine.
Et le général de Lattre de Tassigny en sera l’un des acteurs importants.
2
Abréviation de Viet Nam Doc Lap Dong Minh, Ligue pour l’indépendance du Vietnam, organisation communiste dont le but
premier est de lutter contre les « fascistes japonais » et leurs « complices français » afin d’instaurer une république du Vietnam
indépendante.
n°17 / Référence : TONK 50-27 R7
Vue aérienne de Cao Bang, au Tonkin.
Juillet-août 1950, photographe inconnu.
Le général de Lattre demande et obtient les pouvoirs civils et militaires ; le 6 décembre 1950, il est
nommé haut-commissaire de France en Indochine et commandant en chef en Indochine. Son fils, Bernard,
au Tonkin depuis quinze mois avec le 1er régiment de chasseurs, avait écrit à sa mère : « Dis à papa qu’on
a besoin de lui, sans cela ça ira mal… ».
Le général de Lattre constitue son équipe. Les civils (le gouverneur général Georges Gautier et
l’administrateur Jean Aurillac) sont des collaborateurs de l’amiral Decoux, ancien gouverneur général de
l’Indochine. Les militaires sont essentiellement des anciens de la 1re Armée : Allard sera chef d’étatmajor, Cogny deviendra chef de cabinet, Beauffre sera chargé des plans et stratégies ; enfin, Salan, le
« mandarin 3 » sera l’adjoint opérationnel.
L’arrivée du général de Lattre, malgré certaines réticences à haut niveau, représente néanmoins un nouvel
espoir pour le corps expéditionnaire qui a besoin d’un chef digne de ce nom.
« Son arrivée est à la hauteur du personnage : spectaculaire. Il s’arrête en haut de la coupée, parcourant
d’un regard insistant, […], scrutant tous ceux qui sont là. […] Affichant un rictus de mépris, le nouveau
commandant en chef descend lentement les degrés… » 4
Lucien Bodard, correspondant de guerre en Indochine, écrit dans l’un de ses papiers : « Pas question de
séduction, il veut être « mauvais ». Il prend en charge une Indochine veule et vaincue, celle qui s’étale à
ses pieds…Derrière lui ses gens débouchent, un à un de la carlingue. Ce sont des trognes armées de la
même impassibilité agressive, de la même insolence froide… ».
n° 18 / Référence : TONK 52-118 R18
Le général de brigade Cogny.
24 avril 1952, photographe Pierre Jahan.
3
n° 19 / Référence : TONK 52-113 R24
A Thai Binh, le colonel Gilles accueille le général Raoul Salan.
Derrière eux, M. Gautier, gouverneur général.
10 avril 1952, photographes Robert Bouvet et Fernand
Jentile.
Depuis 1924, Raoul Salan a passé la plus grande partie de sa carrière en Extrême-Orient, ce qui lui vaut ce surnom. Il a des
relations privilégiées avec les souverains du Laos, ceux du Cambodge, avec l’empereur d’Annam Bao Dai et également avec
les leaders de « l’autre bord », Hô Chi Minh et Vô Nguyen Giap.
4
Diên Biên Phu, René Bail, éditeur ECPAD, 2004
n° 20 / Référence : TONK 50-63 R1
Le général d'armée de Lattre de Tassigny et le général de
division Raoul Salan, son adjoint opérationnel, dans l'avion les
emmenant au Tonkin.
17 décembre 1950, photographe inconnu.
A son arrivée, le général de Lattre souhaite rencontrer au plus tôt les combattants. Il se rend donc à Hanoi
dès le 19 décembre 1950, deux jours après son arrivée sur le territoire indochinois ; il y effectue une revue
des troupes, de toutes les troupes présentes, même les bataillons rentrant tout juste d’opération. De Lattre
se sent à sa place parmi ces combattants.
Il s’emploie à frapper les esprits. Il a le goût de la parade et du panache, le sens de la formule et de
l’attitude. Lors du rassemblement d’officiers à la Maison de France, il leur dit : « Je suis venu pour vous,
les lieutenants et les capitaines. Je vous apporte la guerre, mais aussi la fierté de cette guerre. Désormais,
vous serez commandés ! ».
Contrarié par l’impact provoqué par l’arrivée du nouveau commandant en chef, le général Vô Nguyen
Giap, commandant les troupes du Viêt-minh, décide de passer à l’offensive. Il masse ses troupes (les DD 5
304, 308, 312, 320 et 351) sur le Tam Dao, un massif montagneux du Tonkin situé à moins de 60 km de
la capitale. Le 14 janvier 1951, il attaque Vinh Yen et Phuc Yen, villes ouvrant la route vers Hanoi. Le
général de Lattre réagit en mobilisant des bataillons et des groupes mobiles et fait intervenir l’aviation. La
bataille dure trois jours, l’offensive du Viêt-minh est repoussée. C’est la première victoire de l’armée de
de Lattre.
n° 21 / Référence : TONK 51-11 R16
Un tirailleur du 1er RTA (Régiment de tirailleurs algériens)
ramène sur son dos un de ses camarades blessé lors de la bataille
de Vinh Yen (Tonkin).
15-16 janvier 1951, photographe Guy Defives.
5
Dai Doan (division).
n° 22 / Référence : TONK 51-38G R3
Tournée d’inspection du général d’armée de Lattre de Tassigny à
Vinh Yen (Tonkin). De gauche à droite : le colonel de Castries,
commandant le groupe mobile n°2, le général de Lattre et le général
Baillif.
13-17 janvier 1951, photographe inconnu.
Un capitaine, détaché à l’état-major du général de Lattre, écrit le 22 janvier 1951 : « Pour une fois il y a
eu une manœuvre, c’est-à-dire risque couru sur un point de manière à être plus fort sur un autre point. Je
parle de Vinh Yen, pour une fois on a accepté la bataille et on y a mis le prix et, comme il fallait s’y
attendre, ça a été très payant. Malheureusement tout cela vient bien tard ; maintenant qu’on a laissé se
constituer une armée viêt-minh qui ne cesse de s’armer et de s’accroître, il est possible de lui donner des
leçons mais pas de l’anéantir. ».
n° 23 / Référence : TONK 51-37D R20
Largage de parachutes au-dessus du poste tonkinois de Mao Khé.
31 mars – 5 avril 1951, photographes Guy Defives et Paul
Corcuff.
n° 24 / Référence : TONK 51-37A R15
A Sept Pagodes, une colonne de chars M24 Chaffee du groupement
« Sizaire » le long de la route en direction de Mao Khé (Tonkin).
26-29 mars 1951, photographes Guy Defives et Paul Corcuff.
n° 25 / Référence : TONK 51-37C R14
A Mao Khé, au Tonkin, découverte d’un partisan du Viêt-minh
blessé, allongé dans un petit ruisseau.
26-31 mars 1951, photographes Guy Defives et Paul
Corcuff.
n° 26 / Référence : TONK 51-48 R68
A Vinh Yen (Tonkin), le général d’armée de Lattre de Tassigny,
accompagné du président du conseil Tran Van Huu, passe les troupes en
revue.
15-30 avril 1951, photographe inconnu.
n° 27 / Référence : TONK 51-64 R6
Le général de Lattre de Tassigny salue le chef d'escadron Deluc,
commandant le 8e RSA (Régiment de spahis algériens) et chef des
défenseurs de Vinh Yen, en présence de Son Excellence Malcolm Mac
Donald, commissaire général britannique pour le sud-est asiatique.
1er – 15 mai 1951, photographe inconnu.
n° 28 / Référence : TONK 51-90 L10
Construction d’un blockhaus dans la région de Vinh Yen (Tonkin).
Juin 1951, photographe inconnu.
Avec les victoires de Mao Khé (du 23 mars au 5 avril 1951) et lors de la bataille du Day (29 mai – 7 juin
1951), le général de Lattre, surnommé le « roi Jean », rétablit la situation au Tonkin et redonne confiance
à tous. Pour parer à de futurs assauts, il fait construire une ligne fortifiée autour du delta tonkinois (la
« ligne de Lattre ») et fait aménager un réduit fortifié à Haiphong. Cette ligne est constituée de points
forts bétonnés, renforcés de mines et soutenus par de puissants feux d’artillerie.
n° 29 / Référence : TONK 51-64 R14
Le général de Lattre, à l'aide de cailloux, explique à Son
Excellence Malcolm Mac Donald le rôle des blockhaus qui
composent une ligne de défense du delta tonkinois, la « ligne
de Lattre ». Au premier plan, de dos, le colonel Allard.
1er-15 mai 1951, photographe inconnu.
Le 30 mai 1951, son fils unique, Bernard, est tué à Ninh Binh, au Tonkin, à la tête d’un escadron
vietnamien du 1er régiment de chasseurs. « Il n’est pas mort pour la France, il est mort pour le Vietnam »
déclarera son père. Le général ramène en France le corps de son fils et de ses deux compagnons tombés à
ses côtés. Les trois cercueils, drapés d’un catafalque tricolore, traversant Paris sur des automitrailleuses
escortées de gardes républicains, portent alors témoignage de ce qu’à l’autre bout du monde la jeunesse
de France soutient un grand combat.
n° 30 / Référence : TONK 51-49 R81
Le lieutenant Bernard de Lattre de Tassigny, du 8e escadron
du 1er RCh (1er régiment de chasseurs), fils unique du
général.
15-30 avril 1951, photographe inconnu.
n° 31 / Référence : P 51-10 R14
A Phu Ly, au Tonkin, le général d'armée de Lattre de
Tassigny, haut-commissaire et commandant en chef en
Indochine, décore son fils Bernard de la croix de Guerre des
TOE (Théâtres d'opérations extérieures).
11 mai 1951, photographe Paul Corcuff.
Le 11 juillet 1951 au lycée Chasseloup-Laubat de Saigon, à l’occasion d’une distribution de prix, le
général prononce un discours destiné à inciter la jeunesse du pays à s’engager : « Soyez des hommes,
c’est-à-dire, si vous êtes communistes, rejoignez le Viet Minh, il y a là-bas des individus qui se battent
bien pour une cause mauvaise. Mais, si vous êtes des patriotes, combattez pour votre patrie, car cette
guerre est la vôtre. Elle ne concerne plus la France que dans la limite de ses promesses envers le Vietnam
et de la part qu’elle entend prendre à la défense de l’univers libre. D’entreprise aussi désintéressée, il n’y
en avait pas eu, pour la France, depuis les croisades. Cette guerre, que vous l’ayez voulue ou non, est la
guerre du Vietnam pour le Vietnam. Et la France ne la fera pour vous que si vous la faites avec elle. ».
Par ce discours, il tente d’entraîner le Vietnam officiel (celui de Bao Dai 6 ) dans la guerre. Il sera
récompensé cinq jours plus tard par la décision de Bao Dai de mobiliser le pays.
n° 32 / Référence : ANN 51-1 L19
Visite du général d’armée de Lattre de Tassigny et de Sa
Majesté Bao Dai à Ban Me Thuot (Annam). Le hautcommissaire et commandant en chef en Indochine et le chef de
l’état vietnamien se soumettent au rite de bienvenue.
7 janvier 1951, photographe inconnu.
6
Chef de l’état du Vietnam de 1949 à 1953.
n° 33 / Référence : F 48-60 G1 (recadrée)
Sa Majesté Bao Dai.
5 juin 1948, photographe André Darteil.
Parallèlement à son action sur le territoire indochinois, le général de Lattre parcourt le monde pour
défendre la guerre, tenter de trouver des soutiens et des financements.
Dès son arrivée en Indochine, de Lattre de Tassigny exige des renforts et notamment le RBCEO
(Régiment blindé colonial d’Extrême-Orient), dernier né des régiments des troupes de Marine 7 , qui
débarque au Tonkin le 6 janvier 1951. En février 1951, le général est à Paris dans le but d’obtenir des
renforts. Il obtient 15 000 hommes sur les 20 000 demandés.
En septembre 1951, il est aux Etats-Unis. Il y rencontre notamment le président Truman et le cardinal
Spellmann, leaders dans la lutte anticommuniste. Il mène une active campagne dans les différents médias
américains. Convaincre l’opinion de la justesse du combat mené en Indochine, discuter de coopération
militaire, mais surtout obtenir une aide accrue : tels sont les buts de ce voyage remarqué.
Que ce soit au Vietnam, où il a fort à faire avec les dirigeants officiels, en France, à Washington, à
Londres, au Vatican, partout il s’emploie à « vendre » sa guerre, partout il essaie de mobiliser les énergies
pour que ce combat en forme de croisade soit conduit et gagné.
n° 34 / Référence : TONK 51-169 R14
Le général Lawton Collins, représentant extraordinaire des
Etats-Unis au Vietnam et le général de Lattre à la tribune
officielle.
Octobre 1951, photographe inconnu.
Sur le théâtre d’opérations, lors des absences du général de Lattre, le général Salan assure son interim. En
septembre et octobre, après une offensive de Giap à Nghia Lo (Tonkin) et malgré l’infériorité numérique
des troupes françaises et les échecs tactiques sur le terrain, le général Salan fait intervenir les
parachutistes ; cette intervention s’avère décisive. Avec seulement trois bataillons, il brise l’offensive
contre le pays thaï et contraint onze bataillons du Viêt-minh à la retraite.
n° 35 / Référence : TONK 51-48 R92
Le général de division Raoul Salan, adjoint du général
d’armée de Lattre de Tassigny.
15-30 avril 1951, photographe inconnu.
7
Le RBCEO est créé en décembre 1950 à Fréjus après les revers de Cao Bang et de Langson.
n° 36 / Référence : P51-19 R22
Le général d'armée de Lattre de Tassigny, haut-commissaire
de France et commandant en chef en chef en Indochine,
décore l'adjudant-chef Vandenberghe, chef du commando
n°24 dit commando "Vandenberghe".
27 juin – 8 juillet 1951, photographe inconnu.
La création d’une armée vietnamienne
Avant son départ de métropole, le général s’était entretenu avec deux anciens gouverneurs généraux,
Albert Sarraut et l’amiral Decoux ; il est convaincu du besoin urgent de former une puissante armée
vietnamienne destinée à relever les TFEO (Troupes françaises d’Extrême-Orient) dans un temps plus ou
moins long. Il rallie à ses vues son adjoint, le général Salan, puis l’empereur d’Annam Bao Dai. Dès lors,
un ensemble de décisions va favoriser la croissance des forces gouvernementales.
Le 5 mars 1951 à Dalat, un programme accéléré de mise sur pied est adopté. Dans l’année en cours,
l’AVN (armée vietnamienne) doit passer de 70 000 à 134 000 hommes. Le général Spillmann, à la tête
d’une mission militaire française, et le chef du gouvernement Tran Van Huu, sont plus particulièrement
chargés de cette action.
n° 37 / Référence : TONK 51-159 R5
Son Excellence Tran Van Huu, chef du gouvernement
vietnamien.
15 octobre 1951, photographe inconnu.
En juillet 1951, après l’annonce de la mobilisation générale, le principe de la conscription est instauré
ainsi que celui de la réquisition de spécialistes. Ces dispositions vont de pair avec le détachement de
cadres français et l’octroi de crédits par la métropole. Le gouvernement vietnamien s’engage en outre à
consacrer 40% de son budget à la défense nationale.
Les Etats-Unis, pourtant opposés au maintien de la France en Indochine, se montrent favorables à la
formation d’une AVN, une « armée nouvelle », qui leur paraît devoir être un rempart contre l’avancée du
communisme en Extrême-Orient. Bien qu’engagés à ce moment-là dans la guerre de Corée, ils entendent
soutenir l’opération.
n° 38 / Référence : TONK 51-36 R1
Le tirailleur de 2e classe Dinh présentant le fanion du 1er bataillon
muong, décoré de la croix de guerre des théâtres d'opérations
extérieures (TOE), reçue après les combats de Vinh Yen en janvier
1951.
26 mars 1951, photographe Guy Defives.
n° 39 / Référence : TONK 52-153 R4
Le centre de transmissions du poste de commandement de
Hung Yen ; il est dirigé par le caporal-chef Le Priol (au
centre) ; des éléments vietnamiens y sont formés.
17 août 1952, photographe Paul Corcuff.
Photo n° 38: Le 1er bataillon muong est l’un des bataillons « jaunis », des soldats vietnamiens ayant été progressivement
incorporés dans les régiments français. Les Indochinois de l’Armée française seront de plus en plus nombreux jusqu’au début
de 1952. Puis, suite aux transferts aux armées nationales, les effectifs diminuent. Modeste durant les premières années (19491951), parfois ralenti en raison de l’irrégularité de l’aide américaine, freiné par le manque de cadres supérieurs autochtones, le
développement des nouvelles forces va s’accélérer à partir de 1952.
n° 40 / Référence : TONK 51-49 R50
Lors d’une visite officielle dans le secteur de Duc Linh, le
général de Lattre de Tassigny reçoit des fleurs.
15-30 avril 1951, photographe inconnu.
n° 41 / Référence : SVN 54-7 R14
Le général Nguyen Van Hinh, chef d'état-major vietnamien,
pendant son allocution lors du baptême de la promotion des
élèves officiers de l'école de Thu Duc (Cochinchine).
8 mars 1954, photographe Raymond Martinoff.
L’aviation vietnamienne est créée par une ordonnance du 25 juin 1951. A Nha-Trang (Annam), cette
naissance se concrétise par la création d’une école de l’air. Dans cette école et dans d’autres réparties sur
tout le territoire, les cadres français forment les officiers et les sous-officiers indochinois. Petit à petit, de
plus en plus d’officiers indochinois prennent en charge la formation de leurs compatriotes.
En faisant partager aux futurs cadres de l’armée vietnamienne ces « mêmes raisons de vivre et de
mourir » et ses méthodes de formation humaine du soldat, le général de Lattre marque durablement la
jeune armée vietnamienne de son empreinte. Ce faisant, il a clarifié et anobli à la fois la mission des
Français.
Le général rentre en France le 15 novembre pour présenter au Haut Conseil de l’Union française pour les
Etats associés (Vietnam, Cambodge, Laos) un bilan de la situation en Indochine.
Le 11 janvier 1952, le général de Lattre de Tassigny meurt à Paris à l’âge de 63 ans d’un cancer à la
hanche. Quatre jours plus tard, lors de ses funérailles en la cathédrale Notre-Dame de Paris, il est élevé, à
titre posthume, à la dignité de maréchal de France.
Il est inhumé dans son village natal de Mouilleron-en-Pareds.
n° 42 / Référence : F 52-4 R24
Obsèques du général de Lattre de Tassigny ; sortie du corps
de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
15 janvier 1952, photographe Buidin.
n° 43 / Référence : F 52-113 R1
Les tombes du maréchal de Lattre et de son fils Bernard à
Mouilleron-en-Pareds, en Vendée.
13-14 août 1952, photographe Voinier.
Le général Nguyen Van Hinh, chef d’état-major général de l’armée du Vietnam, écrit en avril 1952 dans
Indochine Sud Est asiatique : « L’énergique action du maréchal de Lattre déclencha ensuite un essor qui
s’est révélé fécond et la sincérité de ce grand chef, imprimant l’esprit de franche coopération, permit la
conclusion du programme 1951 malgré des difficultés de tous ordres. Il faut continuer à présent, après
cette première impulsion, à réaliser vite pour que l’efficacité de l’armée nationale entraîne une aide
accrue des Etats-Unis, dont le matériel équipe déjà de nombreuses unités. »
Dans l’histoire de la guerre d’Indochine, le rôle essentiel du général de Lattre de Tassigny aura été de
rétablir une situation catastrophique par un double redressement militaire et politique. En quelques mois,
il a relevé le moral du corps expéditionnaire français, remporté trois victoires, organisé la défense du
Tonkin et donné une impulsion décisive à l’armée vietnamienne. Moins spectaculaire que sur le plan
militaire, le redressement apparaît effectif sur le plan politique. L’indépendance du Vietnam est devenue
une réalité. Le gouvernement vietnamien est entré dans « sa » guerre et s’apprête à la faire résolument.
Ces résultats ont été obtenus sans moyens supplémentaires : tous les renforts accordés au début de l’année
1952 ne sont pas arrivés à temps pour être engagés avant la saison des pluies.
Les hommes qui succèderont au général (Letourneau, Salan, Gautier…) continueront sur sa lancée.
Panache et charisme en moins, c’est le même discours, la même politique.
Bibliographie :
Diên Biên Phu, un combat pour l’impossible, René Bail, ECPAD, 2004.
Histoire de la guerre d’Indochine, général Yves Gras, Denoël, 1992.
Dictionnaire de la guerre d’Indochine, Jacques Dalloz, Armand Colin, 2006.
Delphine Bizet
Chargée d’études documentaires