HDA Les Temps Modernes, Chaplin

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HDA Les Temps Modernes, Chaplin
HISTOIRE DES ARTS – Arts du son (Cinéma)
Analyse d’une séquence
Exemple traité : LES TEMPS MODERNES, Charlie Chaplin, 1936
Auteur : M. MIALET, collège Jean Vilar, Herblay
1
I. INTRODUCTION :
Contexte historique du film :
Les Temps Modernes (1936) est un film sorti pendant
la période de l’entre-deux-guerres. Au niveau économique,
les Etats-Unis puis l’Europe sont frappés par une crise
économique et sociale : le krach boursier d’octobre 1929 à
New York a entrainé une crise bancaire (faillite de banques),
puis une crise industrielle (fermeture d’usines), et enfin une
crise sociale (chômage, misère, faim). C’est la « Grande
Dépression ». La politique du New Deal (« Nouvelle Donne »)
lancée par Roosevelt à partir de 1933 a pour objectif de
relancer l’activité économique grâce à l’impulsion de l’Etat
Franklin Delano Roosevelt (1933)
(grands travaux…).
Au niveau politique, la paix qui règne en Europe est
fragilisée par la montée des totalitarismes. Un peu partout
en Europe, l’extrême-droite profite de la crise économique
pour prospérer. Hitler, porté au pouvoir légalement en
janvier 1933, transforme la République de Weimar en IIIè
Reich et commence sa politique d’agression et d’expansion
(remilitarisation de la Rhénanie en 1935, alliance avec l’Italie
en 1936 : Axe Rome-Berlin).
Affiche officielle d’Hitler, 1938
2
Présentation du film :
Les Temps Modernes est une comédie dramatique en noir et blanc. Le film a été
écrit, réalisé, mis en musique et produit par Charlie Chaplin chez United Artists. C’est un
film muet (le dernier du réalisateur), ce qui était anachronique pour l’époque car l’apparition
du cinéma parlant en 1927 avec Le Chanteur de Jazz a entrainé un déclin rapide et
irréversible du muet (et de la plupart de ses stars…). En réalité, ce film est « muet et
sonore » à la fois, puisque des voix, des bruitages et même le chant clownesque du héros ont
été intégrés au film et contribuent à sa dramaturgie. C’est aussi le dernier film de Chaplin
dans lequel intervient le personnage de Charlot, mondialement connu.
Tourné en 1934-35, le film sort en salles aux Etats-Unis le 5 février 1936 sous le
titre Modern Times. Il bénéficie d’une sortie mondiale dans les semaines qui suivent. Il
ressort en 1954 puis en 1972, en pleine guerre du Vietnam.
Grand succès populaire, le film a reçu un accueil mitigé de la critique. Ce film est
considéré aujourd’hui comme une des plus grandes réussites de Charlie Chaplin et un des
meilleurs films burlesques de l’histoire du cinéma.
3
Présentation du réalisateur :
Charles Chaplin est né en 1889 dans un faubourg pauvre de Londres. C’est un « enfant
de la balle » : son père est comique, sa mère chanteuse. Mais son enfance est douloureuse :
son père, alcoolique, décède d’une cirrhose du foie alors que Charles n’a que 12 ans. Sa mère
est régulièrement internée en hôpital psychiatrique. Charlie Chaplin débute sur scène à 5 ans
et fait plusieurs tournées en Angleterre en tant que pantomime.
Il est repéré aux Etats-Unis par la Keystone, firme spécialisée dans le burlesque
(slapstick). Il crée le personnage de Charlot en 1914, joue et tourne d’innombrables courts et
longs-métrages. Le succès est fulgurant. Il devient l’artiste le mieux payé au monde dès 1916
et signe plusieurs chefs d’œuvre : Le Kid (1921), La Ruée vers l’or (1925), Les Lumières de la
ville (1931). Pour la promotion de ce dernier film, Charles Chaplin fait un tour du monde. Il
prend conscience des ravages de la crise économique. Elle devient sa source d’inspiration
principale pour Les Temps Modernes.
Charlie Chaplin en 1936
4
Synopsis du film :
Ouvrier dans une usine dont le patron teste de nouvelles techniques visant à améliorer
la productivité, Charlot (Charlie Chaplin) perturbe la chaine de montage par sa distraction.
Rendu fou par la cadence infernale des machines, il est hospitalisé.
Le ballet de Charlot, rendu fou par les machines
A sa sortie, il est pris pour un meneur de manifestation et est arrêté. Libre, il fait la
rencontre de la Gamine (Paulette Goddard), une jeune orpheline, qui vole de la nourriture pour
ne pas mourir de faim. Les deux vagabonds partent en quête d’un travail pour sortir de la
misère.
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Identification de la séquence choisie :
La séquence choisie (« Charlot meneur malgré lui de la manifestation ») se situe au
début du film. Elle commence à 18 mn 08 et s’achève à 20 mn 15 (minutage du DVD chez
MK2), le film durant environ 1 h 23. Les 2 minutes de cette séquence comprennent 13 plans
différents et 4 cartons d’intertitres.
Lien : http://www.youtube.com/watch?v=tWSfQlh-R9E&feature=related (deux premières minutes)
Cette séquence a été choisie, car elle montre bien le contexte économique et social des
années 30 (Chômage, grèves, manifestations, misère). Chaplin désamorce la pesanteur du
sujet en y introduisant le burlesque de son personnage, Charlot, héros malgré lui.
Problématique :
Quel regard Charles Chaplin porte-t-il sur la crise économique et sociale des années
30 ? Comment, par le burlesque, rend-il son propos universel et intemporel ?
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II. DEVELOPPEMENT
A. Analyse de la séquence :
Découpage de la séquence
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Résumé rapide de la séquence
Charlot sort de l’hôpital où il avait été interné après son coup de folie dans l’usine (1).
Le médecin lui conseille : « Allez-y doucement et évitez toute excitation ». Il passe devant
une entreprise fermée à cause de la crise (3). Au bout du trottoir, Charlot se trouve face à
un magasin d’alimentation (4). Un camion passe devant Charlot (5). Un drapeau (probablement
rouge) tombe du camion devant Charlot (6) qui le ramasse. Il brandit le drapeau en hélant en
vain le camion (7, 8, 9). Derrière lui, se rapproche une foule de manifestants qui le happent (8
à 11). Un policier à cheval (12) suivi d’autres policiers (13) dispersent brutalement la
manifestation. Charlot qui a disparu du champ (14) réapparait de façon surprenante : il sort
d’une bouche d’égout avec son drapeau (15, 16, 17). Les policiers l’aperçoivent et l’extraient
violemment de son trou (18), le prenant pour le meneur. Il est ensuite projeté dans le camion
cellulaire (19). Le plan de la séquence suivante (20) montre en gros plan un couteau coupant un
régime de banane puis la Gamine (dont c’est la première apparition dans le film), le couteau
entre les dents (20).
La technique au service du burlesque
1) Le temps de la narration : un rythme frénétique
L’ouverture de la séquence promet un ralentissement du rythme de la narration : le
médecin conseille à Charlot : « Allez-y doucement et évitez toute excitation ». L’effet
comique provient du fait que tout va contredire cette promesse et que le héros va une
nouvelle fois se retrouver ballotté dans des événements qui le dépassent, à un rythme
d’enfer :
-
Le 2ème plan (2) montre en fondu enchainé par rapport au plan 1 (1) et en surimpression
un marteau-piqueur et des mouvements intenses de la vie urbaine. Il s’agit d’un
contrepoint ironique à la phrase du médecin.
8
-
En apparence, le temps est linéaire et le temps de l’histoire et de la narration
correspondent. Pourtant, la scène de la manifestation et de sa dispersion est marquée
par un rythme très rapide. Que de péripéties en moins de 2 minutes ! Elle en perd
toute vraisemblance pour devenir un moment comique.
-
la brève « disparition » de Charlot, hors-champ (14) crée une attente chez le
spectateur (« Mais où est-il passé ? » « Quel gag savoureux Chaplin nous réserve-t-
il ? »). Le plan suivant crée le comique : on voit le drapeau puis l’ouvrier sortir d’une
bouche d’égout, en total décalage avec l’action : tout le monde lui tourne le dos.
-
La musique et le son sont des éléments fondamentaux du rythme chaplinien. La musique
a été composée par Chaplin lui-même (Artiste de music-hall, il était un honnête
violoniste) avec l’aide des compositeurs et chefs d’orchestre Alfred Newman et David
Raskin qui mettaient en musique les idées de Chaplin. La synchronisation entre l’action
et la musique est d’une très grande précision : souvent, la musique annonce le gag ou
une transformation de l’action. Elle donne sa couleur à chaque plan : la visite du
médecin (1) et la marche de Charlot (3, 4) s’accompagnent d’une musique calme et
mélancolique. La frénésie de l’activité économique (2) est soulignée avec des
roulements de tambour et des cuivres. La foule de manifestants et la transformation
involontaire de Charlot en leader communiste (7 à 10) sont caractérisées par un hymne
en crescendo qui n’est pas sans rappeler celui de l’Internationale. L’arrivée des
policiers est marquée par des roulements de tambour et des rythmes très saccadés qui
suggèrent les coups de matraque (11 à 14). La sortie de Charlot des égouts (15, 16, 17,
18) s’accompagne de la reprise du thème de la manifestation, joué plusieurs fois, avec
différents instruments (tuba…), de plus en plus lentement, avec une dissonance finale,
comme pour signaler, ironiquement, l’échec de la manifestation. Le bruit de la sirène
annonçant l’arrivée du fourgon cellulaire (19) le confirme. Enfin, dans le dernier plan où
9
l’on voit la Gamine couper les bananes (20), l’urgence de l’action, son caractère illégal
sont soulignés par une musique très rapide et sautillante avec des violons et des flûtes.
Le film se regarde donc aussi « avec les oreilles » : la musique est quasi permanente
dans le film et en donne le rythme.
Ce rythme est celui du burlesque. Le succès et l’universalité du cinéma de Chaplin
viennent de l’enchainement très rapide et de l’inventivité des gags.
2) La mise en scène : Charlot, héros malgré lui
La technique cinématographique fait de Charlot le héros involontaire d’une action qui le
dépasse :
-
La caméra suit le rythme de la marche saccadée de Charlot, tel un somnambule (3) :
travelling droite-gauche. Le spectateur s’identifie à Charlot, car il vit à son rythme.
-
Comme à de multiples reprises dans le film, Chaplin prépare son gag en montrant l’objet
qui en sera à l’origine. Cela crée une attente assez jouissive chez le spectateur
(« Qu’est-ce qui va encore se passer ? »). Ici, il montre d’abord en travelling latéral le
camion, puis en travelling arrière le drapeau à l’équilibre à l’arrière (5) et enfin le
drapeau par terre au moment même où Charlot revient dans le champ de la caméra (6).
Le spectateur se demande ce que Charlot va en faire.
-
La caméra opère ensuite un panoramique vers le haut (7) : dans un le plan d’ensemble,
on voit Charlot et à l’arrière-plan le port. Sur le plan suivant, Charlot apparait en plan
américain (8) tandis que l’horizon se remplit de manifestants (9). Peu à peu, l’individu se
retrouve resitué dans un contexte économique (le port) et social (la manifestation, la
grève). Charlot devient le porte-parole involontaire (9 : hèle-t-il le camion ou
10
interpelle-t-il le spectateur ?) d’un message politique et social. Il semble écrasé par le
poids de cette mission, ce que montre la caméra qui dézoome, s’élève et filme en
plongée au moment où la sirène annonce la police (11).
-
Lors de la dispersion de la manifestation, la caméra s’immobilise (15, 16, 17). Le cadre
est divisé en deux (partie inférieure : le macadam blanc permettant de faire ressortir
le personnage de Charlot qui émerge du cercle de la bouche d’égout; partie supérieure :
la masse noire des policiers et des manifestants). Charlot, globalement immobile et au
centre de l’image depuis plusieurs plans (de 7 à 13 et de 15 à 18) apparait à
contretemps de l’action, hyper rapide. On dit que la mise en scène de Chaplin est
centripète, car le corps de Charlot est toujours ramené au centre du cadre, dont il
essaie de sortir, comme pour se libérer du monde qui l’étouffe.
Le succès mondial du personnage de Charlot s’explique par la sympathie immédiate qu’il
suscite. Anti-héros maladroit, en réaction plus qu’en action, indifférent ou en décalage par
rapport à la marche du monde.
3) La dramaturgie : une structure en écho
Le film est construit de façon binaire : la plupart des séquences sont dédoublées.
Autrement dit, chaque scène peut être associée à une autre scène qui lui répond un peu
plus tard dans le film.
La séquence choisie ne fait pas exception : elle a sa réponse environ 40 minutes plus
tard : les ouvriers se mettent en grève. Charlot quitte l’usine et se trouve pris dans un
grand désordre de grévistes et manifestants. Il envoie (accidentellement ?) une brique
sur un policier. La brique fait écho au drapeau rouge et permet de décliner deux figures
du manifestant (pacifique avec le drapeau / violent avec la brique). Cette variation se
11
termine de la même manière que la séquence choisie : Charlot est embarqué dans le
fourgon de police !
Lien : http://www.youtube.com/watch?v=O0jlimCaXCY&feature=related (de 0’15 à 1’00)
La figure du manifestant apparait une troisième fois, cette fois-ci de façon tragique,
avec le père de la Gamine, chômeur, tué lors d’une manifestation violente (27’31).
Lien : http://www.youtube.com/watch?v=S3oDpIV2pPk&feature=related (du début à 1’15)
12
B. Interpréter la séquence : un message politique et social
Cette séquence s’inscrit à la fois dans l’histoire personnelle du réalisateur (une enfance
misérable) et dans le quotidien vécu par le monde ouvrier accablé par la crise économique. Le
personnage de Charlot a donc une dimension autobiographique, mais c’est aussi une figure
universelle de l’opprimé. La séquence est infusée de référents culturels qui n’échappaient pas
aux spectateurs de l’époque.
-
La thématique de la faim est omniprésente dans le film et sert souvent de ressort
dramatique. Ici, on aperçoit un magasin d’alimentation (4, 5). On voit également un
couteau découpant un régime de bananes (20) : le peuple doit voler pour survivre.
Marche contre la faim aux Etats-Unis, 1929
-
La thématique du chômage apparait dans le contraste entre le marteau-piqueur (2)
suggérant une activité économique intense et l’entreprise fermée suggérant le
contraire (3).
Foule de chômeurs, 1929
13
-
Le drapeau ramassé puis brandi par Charlot (5 à 18) est bien sûr le drapeau rouge,
celui de la révolution, du communisme, des luttes sociales, des ouvriers qui versent leur
sang pour conquérir de nouveaux droits. Il transforme un simple ouvrier seulement
préoccupé par sa survie personnelle en leader révolutionnaire.
Lamartine repoussant le drapeau rouge à l’Hôtel de Ville le 25 février 1848,
tableau de Henri Félix-Emmanuel Philippoteaux
Le drapeau rouge hier : Lors de la révolution de 1848 qui aboutit à la chute de
la monarchie de Juillet et l’avénement de la IIè République, l’écrivain et homme
politique préfère le drapeau tricolore symbolisant la nation au drapeau rouge
symbolisant la révolution.
Le drapeau rouge aujourd’hui : Le
drapeau rouge et la Liberté guidant
le Peuple détournés sur une affiche
annonçant la fête de l’Humanité
organisée par un grand quotidien
communiste.
Die Rote Fahne (« Le drapeau rouge » en Allemand, titre
du journal du mouvement spartakiste en 1918-19,
Le Drapeau rouge, titre du journal du Parti Communiste
mouvement révolutionnaire communiste réprimé dans le
sang par la République de Weimar en Allemagne.
suisse dans les années 1920.
14
-
La foule des manifestants porte des drapeaux aux slogans universels (Liberté !
Unité !) en deux langues (anglais, espagnol). Ces drapeaux donnent un sens (et une
couleur !) au drapeau brandi par Charlot. Les revendications sont brièvement réalisées,
le temps d’un plan (11) : la foule est libre de manifester et unie derrière Charlot.
Illusion contredite par le regard terrifié de Charlot, dépassé par les événements.
Ironie de la séquence : ce sont les manifestants prônant la liberté qui vont priver
Charlot de sa liberté en l’envoyant dans le fourgon de police !
-
Les policiers et le fourgon cellulaire (18-19) sont aussi un thème récurrent du film en
particulier, de l’univers des Charlot en général. Ils incarnent la répression bourgeoise
qui met fin à la revendication de liberté et de solidarité. Mais ils ont aussi une fonction
burlesque : ils sont un des ingrédients majeurs du slapstick.
-
Le couteau que tient la Gamine entre les dents (20) est une relecture mordante de
célèbres affiches de propagande sur lesquelles l’extrême-droite et l’extrême gauche
se dénoncent mutuellement.
Ici, le sens politique est désamorcé au profit de
l’affirmation d’un besoin vital que la Gamine partage avec Charlot : celui de se nourrir.
Une affiche communiste dénonçant l’extrême-droite et le
Une affiche des Républicains Nationaux (extrême-droite)
nazisme (1934)
dénonçant le communisme (1934)
15
III. CONCLUSION
1) Les Temps Modernes est un film charnière dans la carrière de Chaplin :
-
Il est le dernier grand film muet du réalisateur et un des derniers grands films muets
de l’histoire du cinéma.
Avant Les Temps Modernes, Chaplin a réalisé plusieurs chefs d’œuvre du muet (Le Kid,
L’Opinion publique, La Ruée vers l’or, Le Cirque, Les Lumières de la ville …). Après, il est
une des rares stars du muet à réussir le tournant du parlant et il continue à rester en
haut de l’affiche avec Le Dictateur (1940), Monsieur Verdoux (1946) qui enterre
définitivement le personnage de Charlot et le muet, Les Feux de la Rampe (1952), Un
Roi à New York (1957), La Comtesse de Hong-Kong (1967)
2) Les Temps Modernes est également un film important de l’histoire du cinéma par :
-
-
-
la parfaite maitrise du rythme burlesque. 75 ans après sa sortie, sa force comique n’a
pas pris une ride. Le film continue à faire rire, partout dans le monde (voir dans les
bonus du DVD le film Por primera vez (1967) qui montre la réaction des paysans
cubains à la vue du film). Cela prouve sa force universelle.
l’utilisation originale et très habile du son (bruitages, chant, musique) et son refus de
céder aux sirènes du cinéma parlant. Il critique l’emprise de la technologie et défend la
liberté de création.
La critique cinglante du travail à la chaine et de ses déclinaisons américaines
(fordisme) et même soviétiques (stakhanovisme).
La dénonciation des injustices sociales aggravées par la Grande Dépression.
Le film n’est pas une critique en tant
que telle du progrès, de la modernité
(« Les temps modernes »), mais une
revendication, celle de pouvoir vivre
libre, à son rythme, et ne pas être
enfermé dans le rythme effréné du
travail à la chaîne. Cette liberté se gagne
par l’art et par le cinéma.
De nombreux réalisateurs ont repris
cette idée, comme Jacques Tati dans Les
Vacances de Monsieur Hulot (1953), Mon
oncle (1957) et Playtime (1970).
Scène de Mon Oncle de Jacques Tati (1957)
16
3) Cette postérité glorieuse n’a pas été immédiate :
-
-
La critique a reproché à Chaplin de ne pas avoir fait un film parlant.
Satire du capitalisme, du taylorisme et du fordisme, le film a été taxé de
« bolchévisme » par la presse d’extrême-droite. Il a aussi été interdit dans l’Allemagne
nazie et l’Italie fasciste.
Après-guerre, dans le contexte de la Guerre Froide contre l’U.R.S.S., Chaplin a été
suspecté de sympathies communistes et a été victime de la « chasse aux sorcières »
(appelée aussi maccarthysme). Figurant sur la liste noire d’Hollywood, il a dû s’exiler en
Europe (Suisse) pour tourner ses deux derniers films. Sa réhabilitation a été tardive
(dans les années 1970).
Joseph McCarthy à l’origine de la « chasse aux sorcières »
17
Annexe 1 : LEXIQUE
Lexique historique :
Fordisme ; organisation du travail recourant au travail à la chaine (La Ford T a été la première voiture
produite en grande série sur des chaînes de montage).
Maccarthysme : période (1950-54) de traque et de répression à l’encontre de militants et
sympathisants communistes (supposés ou réels) aux Etats-Unis. De nombreux artistes d’Hollywood
figuraient sur les listes noires, comme Charlie Chaplin ou Orson Welles et ont dû s’exiler pour
continuer à travailler.
Productivité : quantité produite divisée par la quantité de travail nécessaire pour la produire.
Stakhanovisme : en URSS, technique de propagande visant à accroître la productivité des travailleurs
(du nom du mineur Stakhanov qui aurait extrait 14 fois la quantité de charbon demandée et qui a été
élevé au rang de héros national)
Taylorisme : organisation du travail visant à augmenter la cadence de travail, donc la production et la
productivité.
Lexique d’analyse filmique :
Burlesque : genre cinématographique typique du cinéma muet (Charlie Chaplin, Buster Keaton, Marx
Brothers, Harold Lloyd, Laurel & Hardy…). Il repose sur un enchainement rapide de gags de type
slapstick, souvent absurdes et irrationnels. Les gags sont souvent autonomes et ne jouent pas
toujours un rôle indispensable dans la narration.
Cadre : partie de l’espace visuel enregistré sur la pellicule et apparaissant à l’écran.
Dramaturgie : étude de la composition d’un film, de la façon dont l’histoire est racontée.
Ellipse temporelle : omission (= passage sous silence) d’une période de temps, ce qui permet
d’accélérer le récit.
Fondu enchainé : surimpression d’une ouverture et d’une fermeture de plans (une image disparait
pendant que la suivante apparait).
Hors-champ : action se déroulant hors du champ de la caméra (action non visible à l’écran).
Intertitre (ou carton) : texte d’explication ou de dialogue inséré entre deux plans, en général dans le
cinéma muet.
Panoramique : mouvement de rotation de la caméra sur elle-même.
Pantomime : spectacle souvent accompagné de musique utilisant l’art du mime. Par extension, désigne
le mime lui-même.
Plan : morceau du film enregistré au cours d’une même prise.
Plan américain : cadrage d’un personnage à mi-cuisse.
Plan d’ensemble : cadrage couvrant la totalité du décor et les personnages qui s’y trouvent.
Plongée : prise de vue du haut vers le bas. Le point de vue du bas vers le haut est la contre-plongée.
Séquence : ensemble de plans ayant une unité de lieu ou d’action.
Slapstick (« coup de bâton ») : gag reposant sur un comique physique et violent (ex : chutes, bagarres,
chocs, poursuites…)
Surimpression : superposition de deux images.
Synopsis : résumé du scénario d’un film
Travelling : déplacement de la caméra.
Zoom : objectif donnant l’impression de se rapprocher de l’objet. (La caméra zoome en se rapprochant
et dézoome en s’éloignant)
18
Annexe 2 : Le cadrage au cinéma
19
Annexe 3 : Le langage cinématographique par Marcel Gotlib
20
21
Annexe 4 : pistes pédagogiques, bibliographie, sitographie, filmographie
Angles d’attaque dans l’optique de l’épreuve orale d’Histoire des Arts :
-
Le travail à la chaine
La crise économique et sociale des années 1930
De nombreuses séquences peuvent être analysées (Charlot dans l’usine sur la chaine de montage,
Charlot avalé par la machine, Charlot et l’auto-mangeoire etc.)
Bibliographie, sitographie :
-
Dossier pédagogique 142, CNC, Collège au cinéma (dossier très complet auquel on se référera
pour une bibliographie et une sitographie complète)
-
Télérama hors-série, « Charlot/Chaplin, du rire aux larmes », 2002.
-
Articles « Charlie Chaplin » et « Les Temps Modernes » dans Wikipédia
-
http://www.ac-paris.fr/portail/upload/docs/application/pdf/201009/demarche_lycee_les_temps_modernes_19.01.10.pdf : analyse du travail à la chaine et de
l’aliénation de l’ouvrier (par un professeur du lycée Lavoisier)
-
http://www.artcinema.org/spip.php?article74 : article d’Emmanuel Dreux sur Charlot, ouvrier
dans les Temps Modernes.
Filmographie :
-
Les Temps Modernes, DVD zone 2, MK2 Editions, sortie 2003.
Quelques films qui font écho à Les Temps Modernes
Sur la critique du monde du travail :
- CLAIR René, A nous la liberté (1931)
Sur la critique du monde moderne :
- TATI Jacques, Mon oncle (1957)
- TATI Jacques, Playtime (1970)
Sur la vision de la ville du futur :
- LANG Fritz, Metropolis (1927)
Sur le passage du muet au parlant :
- CROSLAND Alan, Le Chanteur de Jazz (1927)
- KEATON Buster, Le Caméraman (1928)
- DONEN Stanley, KELLY Gene, Chantons sous la pluie (1952)
- HAZANAVICIUS Michel, The Artist (2011)
Sur la Grande Dépression :
- FORD John, Les Raisins de la colère (1940)
22
Annexe 5 : Suggestions d’œuvres à mettre en parallèle :
Arts du langage
Sur la crise économique des années 1930 :
STEINBECK John, Les Raisins de la colère, 1939
TERKEL Studs, Hard Times, histoires orales de la Grande Dépression, 1970.
Arts du visuel
Un symbole politique revisité par Chaplin : le couteau entre les dents, le drapeau rouge
-
Une des affiches p 14 ou p 15
La figure du leader révolutionnaire
-
GUERASSIMOV Alexander, Lénine à la tribune, 1930
Le travail à la chaine
-
Affiches de propagande américaines ou soviétiques (doc 1)
Couverture du magazine américain Times (1936) présentant Stakhanov (doc 2)
Affiches de mai 1968 dénonçant l’aliénation par le travail
Doc 2 : Stakhanov en couverture de Times, 1936
Doc 1 ; Affiche de propagande soviétique,
« l’industrialisation à toute vapeur », 1931
La Grande Dépression et la crise économique
-
Peintures du réalisme social américain des années 1930 (de Thomas Hart Benton, Ben Shahn,
Grant Wood, Reginald Marsh) (doc 3)
LANGE Dorothea, Le Cœur et les raisons d’une photographe, 2002 (Photographies de la Grande
Dépression telles que Migrant Mother en 1935) (doc 4)
23
-
Apple Mary, comic-strip (bande dessinée) américain (1934-39) décrivant les aventures d’une
vendeuse de pommes optimiste à New York pendant la crise. (doc 5)
Doc 3 : Ben Shahn, Lest We Forget,
1937
Doc 4 : Dotothea Lange, Migrant
Mother, 1935
Doc 5 : Apple Mary, un comic strip
américain sur la Grande Dépression
Arts de l’espace
Le travail à la chaine
-
GANIVET Vincent, Travail à la chaine, 2010
ESPOSITO Mathieu, La Vie en rose, 2009
Arts du son (chanson)
La crise économique
- Remember My Forgotten Man, extrait de film Gold Diggers Of 1933 de Mervyn Leroy (1933)
Lien : http://www.youtube.com/watch?v=CzMy7-7WV44
24