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LM280_P036-040_Genestier_05-Entrprise 30/05/13 17:49 Page36 ( ) Stratégies MULTIMODAL Interview Jean-Michel Genestier, directeur de l’offre intermodale de SNCF Geodis « Nous sommes certains qu’il y a aujourd’hui un modèle économique pour les autoroutes ferroviaires. » Logistiques Magazine : SNCF Geodis a cédé Novatrans au groupe GCA le 26 septembre 2012. Quelle est aujourd’hui sa stratégie dans le domaine du transport combiné ? Jean-Michel Genestier : La réponse tient en peu de mots. Nous travaillons à faire évoluer Naviland Cargo tout en le repositionnant sur le marché et nous allons développer les autoroutes ferroviaires que je considère comme un nouveau mode de transport. Lorsque Pierre Blayau a souhaité me confier la direction du « La vente de Novatrans au groupe GCA n’a pas sonné la fin du transport combiné à la SNCF qui repositionne sa stratégie à moyen terme sur les autoroutes ferroviaires en France et en Europe. Ce sont des projets ambitieux qui peuvent nécessiter d’importants investissements. En attendant, Naviland Cargo se réorganise avec l’objectif de devenir rentable et Novatrans reste l’un des principaux clients de traction ferroviaire de Fret SNCF. Jean-Michel Genestier l’affirme : SNCF Geodis est engagée dans un nouveau mode de relation avec les autres opérateurs du transport combiné en France. L’annonce du partenariat avec Combiwest semble le confirmer (1). La région parisienne est toujours le principal hinterland du Havre, mais nous pourrions avoir intérêt à positionner des lignes vers l’Allemagne, et notamment vers des ports terrestres comme Duisbourg. » pôle intermodal en septembre, un de mes objectifs était de montrer qu’il y avait un business possible pour les autoroutes ferroviaires. Aujourd’hui, nous sommes certains qu’il y en a un. Les résultats de Lorry Rail (2) sont positifs en 2012. L.M. : Quels sont les objectifs de la réforme de Naviland Cargo et quels sont les moyens mis en œuvre ? J-M.G. : L’objectif est de mettre l’entreprise en situation de pouvoir rebondir pour qu’à terme elle puisse générer des résultats positifs. En 36 LOGISTIQUES MAGAZINE// JUIN 2013 // N° 280 2012, le chiffre d’affaires a été de 102 millions d’euros. L’objectif budgétaire pour 2013 n’est pas à l’équilibre mais nous en serons proches, car à ma prise de fonction en septembre, les bases d’une réforme de Naviland Cargo avaient été posées. Nous avons maintenant un schéma directeur qui comprend notamment la mise en place d’outils de pilotage plus précis. Maintenant que notre pilotage est affirmé, il faut faire face à la crise et travailler l’acceptation par les clients d’une nouvelle grille tarifaire qui a permis de rationaliser et non pas de démultiplier les tarifs comme cela a pu se pratiquer à un moment. Pendant une longue période, la structure de l’offre du transport combiné en France a été le produit d’une sédimentation d’offres, année après année, qui avaient leur pertinence au moment où elles ont été créées. Cela concerne aussi le plan de transport que nous avons dû revoir. Aujourd’hui, il est « solidifié » pour 80 % des relations que nous proposons. Pour le reste, des expertises sont toujours en cours, nous avons dû faire des choix. Ce que LM280_P036-040_Genestier_05-Entrprise 30/05/13 17:49 Page37 nous voulons, c’est rebâtir un plan de transport à partir duquel Naviland Cargo pourra véritablement rebondir. Le socle est constitué des couples origine–destination les plus demandés par les clients, et nous avons abandonné les liaisons qui ne répondaient pas à leurs besoins. Nous avons arrêté le BarceLyon en début d’année quand nous avons constaté une très forte baisse des trafics entre Barcelone et l’Hexagone, corrélativement à une forte augmentation des flux entre Marseille Fos et Vénissieux. Il ne s’agit pas d’une défaite de l’entreprise mais d’une adaptation au marché. De la même façon, nous avons arrêté le service entre Le Havre et Ludwigshafen parce que les trafics n’étaient pas au rendez-vous. L.M. : Est-ce un effet inattendu de la réforme portuaire ? J-M.G. : Non, ce n’est pas le même sujet. C’est une adaptation à la réalité du marché. Car s’agissant de la réforme portuaire, tout montre qu’elle est en train de porter ses fruits, on Les opérateurs de transport combiné en France vont devoir « inventer d’autres modes de collaboration » entre-eux, notamment pour l’utilisation des chantiers de chargementdéchargement des trains. sent plus de souplesse, plus de réactivité. Nous le constatons à travers nos autres activités comme la commission de transport international. Les annonces récentes de Frédéric Cuvillier, ministre des Transports (il a présenté « un plan stratégique pour la relance portuaire » lors d’un déplacement à Rouen le 24 mai, ndlr), devraient participer à donner une nouvelle dynamique aux ports français. Pour Naviland Cargo, cela a plusieurs conséquences à court ou moyen terme, notamment en termes de développement international. Notre réflexion se porte sur l’hinterland du port de Marseille en moyenne distance et en international. De même, la région parisienne est toujours le principal hinterland du Havre, mais nous pourrions avoir intérêt à positionner des lignes vers l’Allemagne, et notamment vers des ports terrestres comme Duisbourg. Enfin, nous sommes en contact permanent avec les sept grands ports maritimes. À cela il faut ajouter un élément structurel important : toutes les projections effectuées sur le transport de marchandises par conteneurs dans les prochaines années montrent que ces flux vont avoir tendance à se concentrer par grandes régions, ces régions étant des continents. On prévoit notamment que les transferts entre l’Asie et l’Europe vont diminuer et que les flux intra Asie vont monter en puissance. Et cela devrait se vérifier sur tous les continents. Sans abandonner leur stratégie commerciale intercontinentale, je pense que les ports européens vont devoir accentuer leur démarche commerciale sur l’Europe. À nouveau, c’est un phénomène que nous identifions à travers l’activité de commission de transport intracontinental du groupe. L’un des objectifs de Naviland Cargo est donc d’accroître les synergies à l’intérieur du groupe en se rapprochant un peu plus des activités de commission de transport, et notamment de Geodis Wilson. N° 280 \\ JUIN 2013 \\ LOGISTIQUES MAGAZINE 37 LM280_P036-040_Genestier_05-Entrprise 30/05/13 17:49 Page38 ( ) Stratégies 38 MULTIMODAL L’autoroute ferroviaire Lorry Rail entre Bettembourg et Le Boulou utilise des wagons Lohr qui ne peuvent pas circuler sur l’ensemble du réseau ferroviaire UIC. La nouvelle version du wagon, prévue pour être produite en série à la fin de l’année, sera conforme au gabarit UIC. L.M. : Est-ce le repositionnement dont vous avez parlé tout à l’heure ? J-M.G. : Nous sommes dans une démarche commerciale innovante pour Naviland Cargo. C’est d’abord cela notre repositionnement. Nos cibles commerciales restent les armateurs, les transitaires, mais aussi, dans le transport routier, les citerniers. société d’exploitation permette qu’économiquement elle soit au moins à l’équilibre. L.M. : Où en est le terminal multimodal du Havre et quel rôle pensez-vous jouer dans son exploitation ? J-M.G. : Le ministre des Transports vient de déposer symboliquement un rail de la future plate-forme multimodale. Cette structure est un maillon essentiel dans la compétitivité du port et positionne le transport multimodal comme un vecteur incontournable. Le terminal multimodal du Havre sera opérationnel en 2014. Nous nous étions engagés à être acteur dans ce projet. Nous le sommes toujours, mais nous n’accepterons pas de pertes. Il faudra donc que le montage de la L.M. : Quelle est aujourd’hui l’offre internationale de Naviland Cargo ? Une bonne partie des services internationaux de transport combiné à la SNCF reposait sur des accords passés par Novatrans... J-M.G. : Effectivement, Novatrans avait un partenariat avec Hupac sur Anvers–Dourges et Dourges–Bordeaux. Nous regardons quels accords pourront être noués au niveau européen. Cela dit, notre principal chantier va consister à mettre en œuvre notre nouveau schéma directeur national. L’international, ce sera pour les exercices suivants. Pour l’instant, nous sommes toujours en période de crise. LOGISTIQUES MAGAZINE// JUIN 2013 // N° 280 L.M. : Cela nous ramène à Novatrans. La cession met-elle un terme à la coopération avec Naviland Cargo ? J-M.G. : Non ! Vendre l’entreprise Novatrans au groupe Charles André a permis de maintenir une activité de transport combiné terrestre et nous avons la volonté d’organiser des synergies avec ce groupe. Les chantiers Naviland Cargo de Marseille, Toulouse et Bordeaux se sont ainsi réorganisés pour prendre en charge les flux de Novatrans. Mais nous avons à inventer d’autres modes de collaboration avec les autres acteurs du transport combiné. L.M. : En juin 2012, à Barcelone, SNCF Geodis a lancé la marque VIIA comme une marque « ombrelle » de l’activité autoroute ferroviaire du groupe. Depuis lors, vous êtes resté discret sur le sujet, quel est son avenir ? J-M.G. : Il est vrai que nous sommes restés discrets et que nous devons encore nous faire connaître, mais j’ai LM280_P036-040_Genestier_05-Entrprise 30/05/13 17:49 Page39 L’offre intermodale dans l’organisation du groupe SNCF SNCF Geodis est la branche transport de marchandises du groupe SNCF, elle regroupe trois familles d’activités : les opérateurs globaux de transport et de logistique (groupe Geodis, STVA), les gestionnaires d’actifs (Ermewa, Akiem) et le transport ferroviaire de marchandises (TFM) où l’on trouve notamment Fret SNCF, VFLI et les entreprises de transport combiné. Ces voulu prendre le temps de consolider les bases du modèle économique des autoroutes ferroviaires. Car je le redis, pour moi, il s’agit d’un nouveau mode de transport à part entière. Son développement s’appuie sur des projets très importants auxquels nous travaillons aujourd’hui et je pense que s’il doit y avoir un rebond du fret ferroviaire, il passera par eux. Dans ces projets, les transporteurs routiers ne sont pas nos concurrents ; ce sont nos clients, c’est la raison pour laquelle nos tarifs doivent être très attractifs pour les routiers. dernières sont constituées en une sorte de pôle multimodal, dirigé par Jean-Michel Genestier, qui comprend Naviland Cargo et les autoroutes ferroviaires AFA et Lorry Rail. Il y a L.M. : Avant de parler des nouveaux projets, pouvez-vous nous dresser un rapide bilan des activités de l’AFA (autoroute ferroviaire alpine) entre Aiton et Orbassono et de Lorry Rail ? J-M.G. : En 2012, Lorry Rail a transporté 41 000 semi-remorques et 14 000 caisses. Nous avons fait moins de trains mais le nombre d’unités transportées a augmenté de plus de 10 %. Le compte d’exploitation est très légèrement positif (pour un chiffre d’affaires de l’ordre de 33 M€, ndlr). Nous avons étendu le réseau jusqu’à Elsingborg. Le service fonctionne à raison de quatre allers-retours par jour quelques mois, cette dernière activité s’est donné une marque commerciale, VIIA, qui devrait appuyer les développements futurs de la SNCF dans le domaine des autoroutes ferroviaires. entre Bettembourg et le Boulou, et 3 allers-retours par semaine entre Bettembourg et Elsingborg. En ce qui concerne l’AFA, le résultat opérationnel s’améliore. La contribution des États italien et français a tendance à baisser alors que le trafic progresse légèrement, mais la subvention représente toujours 50 % du chiffre d’affaires (10 M€, ndlr). Historiquement, c’est une activité voulue par les pouvoirs publics. Je rappelle que le domaine de pertinence du ferroviaire se caractérise par de la longue distance, des produits lourds et transportés régulièrement. Avec l’AFA N° 280 \\ JUIN 2013 \\ LOGISTIQUES MAGAZINE 39 LM280_P036-040_Genestier_05-Entrprise 30/05/13 17:49 Page40 ( ) Stratégies MULTIMODAL Le multimodal promis par Guillaume Pepy Auditionné en mars par le Parlement dans le cadre de la procédure qui devait le reconduire pour un nouveau mandat à la présidence de la SNCF, Guillaume Pepy a expliqué que pour le transport de marchandises, le projet stratégique du groupe des prochaines années s’appuiera sur le multimodal. Il a donné à ce concept une étendue qui va bien au-delà du transport combiné, exprimant l’idée d’une polyvalence des métiers compris entre le transport de proximité et des trains longs « qui un jour circuleront jusqu’en Asie ». Il a indiqué notamment que la SNCF devait « être capable d’aller chercher de la marchandise dans les ports et de faire des autoroutes ferroviaires ». Or, ces deux métiers constituent le cœur de l’activité de JeanMichel Genestier, directeur de l’offre intermodale de la branche SNCF Geodis depuis septembre 2012. Ce département de la branche SNCF Geodis, dirigée par Pierre Blayau, regroupe Naviland Cargo et VIIA, marque commerciale pour l’offre d’autoroute ferroviaire de la SNCF, Lorry Rail et l’AFA. Jusqu’à une époque récente ce département comptait aussi Novatrans cédée officiellement le 14 mars au transporteur routier GCA (Groupe Charles André). Novatrans aurait dû être recapitalisée une nouvelle fois par son actionnaire principal, la SNCF, qui ne pouvait le faire au regard des règles européennes. Dès lors, seules deux options demeuraient, la fermeture ou la cession. Ce désengagement n’est pas contradictoire avec la stratégie multimodale annoncée par Guillaume Pepy, car le département intermodal de la SNCF regarde ailleurs. Il travaille sur des projets à moyen terme qui pourraient même s’intéresser aussi au fluvial. Cependant, ses principaux relais de croissance pour l’avenir pourraient être les autoroutes ferroviaires. Jean-Michel Genestier les considère comme un « nouveau mode de transport » pour une marchandise correspondant en tout point au domaine de pertinence du ferroviaire : des flux réguliers à transporter sur de longues distances : les nous transportons des produits lourds, régulièrement, mais pas sur de la longue distance. Et c’est l’élément principal qui fait qu’il est difficile d’atteindre l’équilibre. L.M. : Vous parliez tout à l’heure de nouveaux projets d’autoroute ferroviaire en France et en Europe. De quoi s’agit-il ? J-M.G. : Le premier d’entre eux est l’autoroute ferroviaire Atlantique pour laquelle l’offre de Lorry Rail avait été retenue par les pouvoirs publics en 2009, à l’issue d’un appel à candidatures. Nous attendons la publication du contrat de délégation de service public pour pouvoir avancer. C’est un projet qui pourrait être opérationnel en 2015. À la même échéance, nous prévoyons aussi d’ouvrir une ligne Calais–Le Boulou via un passage par le sillon rhodanien, avec un terminal sur le port de Calais pour que les camions puissent prendre le train à la sortie des ferries ou prendre le ferry à la descente du train. En Suisse, le projet Transhelvética (3) pourrait aboutir aussi en 2015. Les tests dans le tunnel du Gothard avec un wagon Lohr UIC ont été réussis. Enfin, nous regardons avec intérêt l’énorme projet d’extension du terminal multimodal à Bettembourg (Voir LM n° 277, ndlr) 40 LOGISTIQUES MAGAZINE// JUIN 2013 // N° 280 camions. Sur les axes où une alternative ferroviaire à la route est possible, le potentiel représente 80 à 85 % du parc de poids lourds en circulation. Mais le ticket d’entrée sur ce marché se chiffre en centaines de millions d’euros pour financer des terminaux et construire des wagons. Et il faut du temps pour bâtir les montages financiers, car pour les seuls projets en cours, des wagons, il va en falloir beaucoup, plus de 800. On sait déjà que ce seront des wagons Lohr, compatibles avec le gabarit ferroviaire international UIC. Ils devraient être fabriqués en France. L.B. J-M.G. : Les wagons seront les nouveaux wagons Lohr UIC qui devraient être disponibles au début de l’année prochaine. Les commandes n’ont pas été lancées, pour l’autoroute ferroviaire atlantique, nous attendons notamment l’attribution du contrat de DSP. Propos recueillis par Luc Battais « Le domaine de pertinence du ferroviaire se caractérise par de la longue distance, des produits lourds et transportés régulièrement. qui nous permettrait de repositionner notre offre entre Bettembourg et certains ports allemands. Nous réfléchissons à un Bettembourg–Lübeck et d’autres ports intérieurs également. L.M. : Quels investissements ces projets représentent-ils ? Les commandes de wagons sont-elles déjà passées et combien de wagons faudrait-il ? » (1) SNCF Geodis a annoncé le 27 mai un accord entre Combiwest et Naviland Cargo : Combiwest a choisi les services de Naviland Cargo pour les opérations terminalistiques sur le chantier combiné de Vénissieux pour ses lignes Rennes–Lyon, Le Mans–Lyon et Château-Gontier–Lyon. En plus de cet accord, Combiwest utilisera les relations assurées par Naviland Cargo au départ de Lyon sur Fos et Marseille. Réciproquement, selon les besoins de ses clients, Naviland Cargo aura recours au service de Combiwest au départ ou à l’arrivée de Rennes et du Mans. Le temps paraît bien loin où Combiwest et Novatrans-SNCF s’écharpaient devant la justice pour des questions de concurrence entre Renne et Lyon. (2) La SNCF possède 58 % de Lorry Rail (le reste est détenu par les chemins de fer luxembourgeois, CFL) et 50 % de l’AFA (autoroute ferroviaire alpine), à part égale avec les chemins de fer italiens. (3) Voir à ce sujet Logistiques Magazine n° 271 : le projet Transhelvética mené par le ministère des Transports suisse est une ligne de transport combiné de transit nord–sud. Elle utilise le nouveau tunnel du Gothard entre un terminal au nord de l’Italie et le sud de l’Allemagne. VIIA a proposé ses services avec un prototype de wagon Modalohr, au gabarit UIC. Pour mémoire, les wagons Modalohr actuels ne peuvent circuler que sur la ligne Bettembourg – Le Boulou en raison de leur gabarit bas, non conforme aux spécifications UIC. La production en série chez le constructeur d’un wagon conforme à ces spécifications, donc susceptible de circuler sur le réseau international, est annoncée pour le début de l’année prochaine.
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