Le dossier pédagogique

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Le dossier pédagogique
L
E S A R P E N T E U R S
51 rue Louis Faure, 59000 LILLE
Tel. 06.18.17.25.14. ou 09.81.02.13.68 | Mel. [email protected]
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C o d e
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Dossier préparé par FANNY HUVELLE
Professeur de Lettres agrégée
Contact : [email protected] | 06.07.23.75.79
Six heures du matin, un homme, inerte, monologue, perdu au fin fond
du néant de sa boîte crânienne. Sa conscience ne perçoit plus autour
de lui que de vagues sons, paroles et bruits, égarés dans un opaque
brouillard de langage. Il ne lui reste plus en mémoire que la faible
lueur d’un filament incandescent. Un goût de terre humide lui barre la
langue. Crépuscules du matin et du soir réunis.
Et nous voilà, nous, témoins immobiles de sa banale infortune, de ses
aventures souterraines, où seul l’écho de sa conscience raisonne. Ses
pensées sont d’eau et ses mots de terre. Il devient impossible de le discerner. Est-ce un homme ? Oui, ça a été un homme. « Je cherche un
homme » disait l’autre dans son tonneau, à la main une lanterne soufflée par les vents. Peut-être l’avons-nous trouvé ? Même de très loin il
nous parle. Même d’au-delà il s’adresse à nous. Il semble même qu’il
se rapproche. Oui, il revient.
Mais cet homme est mort.
S OMMAIRE | 3
FICHE TECHNIQUE DU SPECTACLE 4
5 PREMIÈRE PARTIE
LA PLACE DE LA NOUVELLE DANS L’ŒUVRE DE ZOLA
Le conteur dans l’ombre du romancier
Une hantise personnelle et collective
DEUXIÈME PARTIE 8
ANALYSE DE LA NOUVELLE
ET PROPOSITIONS D’ACTIVITÉS
Le dispositif narratif
Le cadre réaliste et naturaliste
L’illusion fantastique
Lazare ou la figure du revenant
16 TROISIÈME PARTIE
ANALYSE DU SPECTACLE
ET PROPOSITIONS D’ACTIVITÉS
De la nouvelle au théâtre : le travail d’adaptation
L’acteur, le zombi
L’espace scénique : une boîte à apparitions
QUATRIÈME PARTIE 22
APRÈS LE SPECTACLE...
L ES
En classe de 4e
Récits du XIXème siècle
L’illusion fantastique
Le cadre réaliste et naturaliste.
La figure du revenant.
Contacts utiles,
Les Arpenteurs
51 rue Louis Faure - 59000 Lille
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Fanny Huvelle - rédactrice de ce dossier :
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Maxence Cambron - metteur en scène de la compagnie :
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LES ARPENTEURS
EXP L O I TATI O NS
P ÉDAG O G I Q UES PO S S I B LES
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En classe de 2nde
Le roman et la nouvelle au XIXème
siècle : réalisme et naturalisme
Le cadre réaliste et naturaliste
Histoire des arts : l’influence de la
photographie.
En classe de 1ère
Le roman et ses personnages : vision
de l’homme et du monde
La figure du revenant
Le texte théâtral et sa représentation,
du XVIIème siècle à nos jours
Analyse du spectacle.
LA MORT D’OLIVIER B ÉCAILLE
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DOSSIER PÉDAGOGIQUE
FICHE TECHNIQUE | 4
Nouvelle d’Emile Zola,
publiée en 1879 dans Le Messager de l’Europe
puis reprise en 1884 dans le recueil Naïs Micoulin.
En 1884, Emile Zola fait publier le
recueil Naïs Micoulin, ainsi composé :
Un spectacle des A r p e n t e u r s
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Naïs Micoulin
Nantas
La Mort d’Olivier Bécaille
Madame Neigeon
Les Coquillages de M. Chabre
Jacques Damour
Création le 19 janvier 2012 - Théâtre Massenet, Lille
Mise en scène, scénographie & lumière,
Maxence Cambron
Interprétation,
Rémy Dehame
Conception sonore,
Melissa Jouvin & Maxence Cambron
Aujourd’hui, ces nouvelles sont réunies par les éditions Flammarion
(GF), sous le titre, Naïs Micoulin et
autres nouvelles.
C’est cette édition qui nous sert
d’ouvrage de référence.
Par ailleurs, La Mort d’Olivier Bécaille est disponible aux éditions Librio
(n°42) ainsi que chez Hatier (coll. Collège).
Extraits musicaux tirés des œuvres de
André Boucourechliev, John Adams, Jean-Paul Dessy,
György Kurtág, György Ligeti, Krzysztof Penderecki,
Wolfgang Rhim & Franz Schubert
Costume,
Fanny Huvelle
Maquillage,
Marina Gandrey
Production,
Compagnie Les Arpenteurs
Durée,
55 minutes
Les Arpenteurs sont accompagnés
par le ZEM THÉÂTRE, Lille
LES ARPENTEURS
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LA MORT D’OLIVIER B ÉCAILLE
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DOSSIER PÉDAGOGIQUE
L A NOUVELLE DANS L’ŒUVRE DE ZOLA | 5
1, Le conteur dans l’ombre du romancier
Emile Zola, caricaturé par
André Gill. Les Hommes d’aujourd’hui (septembre 1878)
Néanmoins, la composition
du recueil fait apparaître une
certaine symétrie telle qu’à la
gravité des premiers textes
(Naïs Micoulin, Nantas, La Mort
d’Olivier Bécaille) répond la dérision des derniers ( Les Coquillages de Monsieur Chabre, Madame Neigeon, Jacques Damour). A
la fois réaliste, naturaliste, satirique et fantastique par endroits, le recueil présente quelques unes des différentes facettes de la nouvelle dont Zola a
volontiers pratiqué l’art comme
nombre de ses contemporains.
Adaptée au support éditorial du
journal d’où les auteurs au XIXème siècle tirent leurs principales ressources, la nouvelle offre
une souplesse et requiert une
intensité qui pouvait plaire à
Zola plongé dans la vaste entreprise des Rougon-Macquart et
son lourd travail de documentation.
LES ARPENTEURS
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Parallèlement à la grande fresque des RougonMacquart, Zola a écrit de nombreux contes et nouvelles parus dans divers journaux et souvent repris en recueils - une dizaine en tout -, depuis Les
Contes à Ninon (1866) jusqu’à Madame Sourdis
(posthume, 1929). La Mort d’Olivier Bécaille figure
dans Naïs Micoulin, un recueil de 1884 rassemblant six nouvelles parues entre 1876 et 1880
dans Le Messager de L’Europe, la grande revue de
Saint-Pétersbourg. La republication de ces récits
brefs se produit donc à un moment décisif de la
grand ‘œuvre zolienne : elle suit la parution de La
Joie de Vivre qui d’ailleurs met en scène un personnage nommé Lazare et précède celle de Germinal.
Le choix de ces textes au scénario souvent déceptif
reflète pour Olivier Lumbroso l’humeur pessimiste
de l’auteur endeuillé par la mort de Flaubert et celle de sa mère notamment, survenues au début des
années 1880.
Gravure illustrant La Mort d’Olivier Bécaille dans l’édition des œuvres complètes d’Emile Zola (1906).
LA MORT D’OLIVIER B ÉCAILLE
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DOSSIER PÉDAGOGIQUE
L A NOUVELLE DANS L’ŒUVRE DE ZOLA | 6
2, Une hantise personnelle et collective
Par sa charge psychique et ses accents fantastiques, La Mort d’Olivier Bécaille apparaît
comme une œuvre singulière dans la bibliographie de Zola, bien qu’elle développe une sorte
de cauchemar intime de l’auteur partagé, semble-t-il, par certains de ses contemporains.
Au siècle troublé par les contestations populaires et les fréquents changements de régimes (qui font revenir des principes monarchiques abolis), un pan de littérature répond par
un motif récurent : le revenant (précisons : celui qui revient alors qu’on le croyait ou mort ou
disparu sans retour possible). C’est en effet au XIXème siècle qu’avec l’intensification du souffle
romanesque vont naître ces personnages de retournant, souvent revenus se venger de ceux
qui avaient participé à leur déchéance ou pour contrarier les plans d’une éradication programmée. Citons comme exemples célèbres Edmond Dantès dans Le Conte de Monte-Cristo
d’Alexandre Dumas (1844) Hyacinthe Chabert dans le roman d’Honoré de Balzac Le Colonel
Chabert (1844) ou les personnages de Jean Valjean dans Les Misérables (1862) ou de Giliatt
dans Les Travailleurs de la mer
QUAND LAZARE CRAINT DE S’ENDORMIR...
(1866) chez Victor Hugo ; ces
[ Publié en 1884, La Joie de vivre met en scène un perpersonnages offrant un écho
sonnage au nom très évocateur et fondateur du traiteaux nébuleuses politiques du
ment de la mort dans l’œuvre zolienne : Lazare. Et comsiècle.
me son créateur, Lazare Chanteau a une peur maladive
de la mort. ]
A ce titre, l’œuvre d’Emile
Zola abrite elle aussi certains de
ces revenants dont les plus
marquants sont sans doute Florent Quenu dans Le Ventre de
Paris (1873) ou Auguste Lantier, dans L’Assommoir (1877).
La Mort d’Olivier Bécaille illustre cette obsession du revenant
dans la littérature du XIXème siècle, , à l’importante exception
que ce revenant là décide de
son plein gré de ne pas totalement revenir, et de conserver
son statut de disparu. Cette
chute de la nouvelle permet un
vrai parallèle avec le poème lyrique Lazare que Zola composera bien plus tard, en 1894, où il
clôt sa réécriture du récit bibli-
« Aussi les angoisses de Lazare avaient-elles
grandi. Depuis des années, à son coucher, l’idée de la
mort lui passait sur la face et lui glaçait la chair. Maintenant, il n’osait s’endormir, travaillé de la crainte de ne
plus s’éveiller. Il haïssait le sommeil, il avait horreur de
sentir son être défaillir, lorsqu’il tombait de la veille au
vertige du néant. Puis, ses réveils brusques le secouaient
davantage, le tiraient du noir, comme si un poing géant
l’avait saisi aux cheveux et rejeté à la vie, avec la terreur
bégayante de l’inconnu dont il sortait. Mon Dieu ! mon
Dieu ! il fallait mourir ! et jamais encore ses mains ne s’étaient jointes dans un élan si désespéré. Chaque soir, son
tourment devenait tel, qu’il préférait ne pas se mettre au
lit. Il avait remarqué que, le jour, s’il s’allongeait sur un
divan, il s’endormait sans secousse, dans une paix d’enfance. C’étaient alors des repos réparateurs, des sommeils de plomb, qui achevaient malheureusement de gâter ses nuits. Peu à peu, il en arrivait à des insomnies réglées, préférant ses longues siestes de l’après-midi, ne
s’assoupissant plus que le matin, lorsque l’aube chassait la
peur des ténèbres. »
Emile Zola, La Joie de vivre (1884), Editions Gallimard (coll. Folio), p.245.
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LA MORT D’OLIVIER B ÉCAILLE
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DOSSIER PÉDAGOGIQUE
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que par le retour de Lazare dans son
tombeau.
Figure obsédante, motif omniprésent, Lazare traverse l’œuvre entière de Zola, mais aussi sa vie, lui qui
en effet fut obsédé par la mort, l’enterrement vif (qui parcourt tout Germinal) et le mythe du retour, depuis une
grave maladie de jeunesse qui faillit
lui coûter la vie à son exil anglais au
moment de l’affaire Dreyfus.
Publié en 1842, « Entre quatre planches,
impressions de cercueil » de Léo Lespès
(parmi les Histoires roses et noires) compte
au grand nombre de ces récits d’enterrés vifs
et de revenants qui fleurirent au XIXe siècle.
Cette nouvelle, par la similitude avec la trame de La Mort d’Olivier Bécaille, a sans
doute été une grande source d’inspiration
pour Emile Zola.
Journal, mémoires de la vie littéraire, d’Edmond et Jules de Goncourt. Texte du 6 mars 1882.
CONFESSION INTIME
[ Fortement malade dans sa jeunesse, Zola aura gardé toute sa vie durant une peur de la
mort devenue, son œuvre l’atteste, une véritable obsession. Cet extrait du Journal des Goncourt démontre que la mort de ses proches était aussi le sujet d’une angoisse permanente ]
« Reprise aujourd’hui de notre ancien dîner des Cinq, où manque Flaubert, où sont encore Tourguéneff, Zola, Daudet et moi. Les ennuis moraux des uns, les souffrances physiques des autres, amènent la conversation sur la mort – la mort ou l’amour, chose curieuse,
c’est toujours l’entretien de nos après-dîners – et la conversation continue jusqu’à onze
heures, cherchant parfois à s’en aller de là, mais revenant toujours au noir sujet.
[…] Zola dit, que sa mère étant morte à Médan, et que l’escalier se trouvant trop petit, il a fallu la descendre par une fenêtre, et que jamais il ne rencontre des yeux cette
fenêtre, sans se demander qui va la descendre, de lui ou de sa femme : « Oui, la mort
depuis ce jour, elle est toujours au fond de notre pensée, et bien souvent, - nous avons
maintenant une veilleuse dans notre chambre à coucher – bien souvent la nuit, regardant
ma femme qui ne dort pas, je sens qu’elle pense comme moi à cela, et nous restons ainsi,
sans jamais faire allusion à quoi nous pensons, tous les deux… par pudeur, oui, par une
certaine pudeur… Oh ! c’est terrible cette pensée – et de la terreur vient à ses yeux. – Il
y a des nuits, où je saute tout à coup sur mes deux pieds, au bas de mon lit, et je reste,
une seconde, dans un état d’épouvante indicible. »
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LA MORT D’OLIVIER B ÉCAILLE
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DOSSIER PÉDAGOGIQUE
L A NOUVELLE DANS L’ŒUVRE DE ZOLA | 8
1, Le dispositif narratif
La Mort d’Olivier Bécaille se présente sous la forme d’un récit au passé mené à la première personne. Le choix d’une narration subjective s’impose en effet
dans le but de construire une expérience intérieure, de suivre les mouvements
d’une conscience à l’épreuve et de partager avec le lecteur l’inquiétude et l’effroi. La voix narrative apparaît donc comme un élément-clé de la nouvelle qui
s’engage à livrer le témoignage d’un homme mort ou presque.
ACTIVITÉ N°1 (LECTURE)
Etudier le point de vue interne de la narration. Nous avons sélectionné deux extraits du chapitre II pouvant l’un ou l’autre servir de support pour l’exercice.
Exemple 1 (pp. 137-138)
« Toutes deux, la mère et la fille, s’étaient installées devant notre table. Le bruit de leurs
ciseaux découpant les abat-jour me parvenait distinctement ; ceux-là, très délicats, demandaient sans doute un découpage compliqué, car elles l’allaient pas vite : je les comptais un à un, pour combattre mon angoisse croissante.
Et, dans la chambre, il n’y avait que le petit bruit des ciseaux. Marguerite, vaincue par la
fatigue, devait s’être assoupie. A deux reprises, Simoneau se leva. L’idée abominable
qu’il profitait du sommeil de Marguerite, pour effleurer des lèvres ses cheveux me torturait. Je ne connaissais pas cet homme, et je sentais qu’il aimait ma femme. Un rire de la
petite Dédé acheva de m’irriter. »
Exemple 2 (p.139)
« Et il [le médecin] s’éloigna. C’était ma vie qui s’en allait. Des cris, des larmes, des injures m’étouffaient, déchiraient ma gorge convulsée, où ne passait plus un souffle. Ah ! le
misérable, dont l’habitude professionnelle avait fait une machine, et qui venait au lit
des morts avec l’idée d’une simple formalité à remplir ! Il ne savait donc rien, cet
homme ! Toute sa science était donc menteuse, puisqu’il ne pouvait d’un coup d’œil
distinguer la vie de la mort ! Et il s’en allait, et il s’en allait !
-Bonsoir, monsieur, dit Simoneau.
Il y eut un silence. Le médecin devait s’incliner devant Marguerite, qui était revenue, pendant que Mme Gabin fermait la fenêtre. Puis, il sortit de la chambre, j’entendis ses pas
qui descendaient l’escalier.
Allons, c’était fini, j’étais condamné. Mon dernier espoir disparaissait avec cet homme.
Si je ne m’éveillais pas avant le lendemain onze heures, on m’enterrerait vivant. Et
cette pensée était si effroyable que je perdis conscience de ce qui m’entourait. Ce fut
comme un évanouissement dans la mort elle-même. Le dernier bruit qui me frappa fut le
petit bruit des ciseaux de Mme Gabin et de Dédé. La veillée funèbre commençait. Personne ne parlait plus. »
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LA MORT D’OLIVIER B ÉCAILLE
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DOSSIER PÉDAGOGIQUE
ANALYSE DE LA NOUVELLE | 9
ACTIVITÉ N°1 (SUITE)
LE RÔLE DES PERCEPTIONS
a. Relever les verbes de perceptions et les mots ou expressions renvoyant aux sons (italique)
Ce que nous savons de la scène, nous ne le tenons que du personnage qui tâche de la reconstituer essentiellement à partir de ce qu’il entend. Sa perception étant incomplète, il doit parfois
imaginer ce qui se passe, d’où la présence de modalisateurs. Soulignons d’ailleurs qu’il se préoccupe
surtout des agissements de Simoneau. Mais du fait de la subjectivité du point de vue, le lecteur ne
sait pas s’il a raison – ce que tend à accréditer a posteriori le dénouement de la nouvelle et qui rend
ce passage programmatique - ou si c’est sa jalousie qui le trompe. Néanmoins, d’une certaine manière, la narration gagne paradoxalement en précision car son infirmité passagère lui permet d’embrasser, en un sens, la réalité qui l’entoure. De même que « [sa] mémoire avait pris une vivacité
extraordinaire », il développe une certaine acuité, une autre forme de conscience.
b. Ecriture : décrire une scène de la vie quotidienne à travers les perceptions sensorielles
du narrateur. Comme dans la nouvelle Zola, le récit se fera à la 1ère personne et le narrateur aura
l’un de ses sens paralysé (on pourra l’imaginer sourd ou aveugle).
LE RÉCIT DE PENSÉES : repérer les phrases dans lesquelles le narrateur exprime ses pensées.
(en rouge)
La focalisation interne favorise le récit de pensées, il entraîne le flot de la parole intérieure. En plus de narrer les évènements, le personnage exprime donc ses réflexions, ses peurs ou ses
espérances, relate ses souvenirs et ses rêves, de façon directe (présence de phrases exclamatives) ou
indirecte (lexique de la pensée et locution conjonctive « l’idée que …»).
2, Le cadre réaliste et naturaliste
Les éléments réalistes et naturalistes de la nouvelle découlent surtout du cadre
géographique et social choisi par l’auteur, à savoir un quartier pauvre de Paris.
Se conformant en outre aux exigences de la nouvelle, Zola concentre son action
autour de quelques lieux qui organisent un ESPACE RÉALISTE.
•
•
•
La chambre de l’hôtel meublé situé rue Dauphine où Olivier Bécaille et sa
femme se sont installés à leur arrivée à Paris (I-III ; pp. 127 -145)
Le cimetière où Olivier Bécaille est enterré vivant (de la fin du chapitre III
au début du chapitre V, p. 145-154). L’indétermination de la situation du
cimetière n’en est que plus vraisemblable puisqu’elle ne peut être identifiée par Bécaille enfermé dans son cercueil et méconnaissant la ville.
Le restaurant qui occupe le bas de l’immeuble rue Dauphine (V ; pp.154157)
A l’époque où se passe la nouvelle, les époux Bécaille ont fraîchement débarqué
de leur pauvre Bretagne natale. Marguerite est fille de « paludiers » miséreux
(p.130) et Olivier n’est, quant à lui, qu’un petit employé d’administration. Le voyage
en 3ème classe, les bougies faisant office de cierges témoignent de la MODESTIE DU
MÉNAGE venu à Paris à l’initiative du mari. Mais détourner sa femme de ce « coin de
campagne » (p.130) n’aura pas suffi à dissiper sa tristesse car force est de constater
que Marguerite ne trouve pas plus de consolation dans le vacarme des faubourgs
parisiens. Le restaurant à la clientèle douteuse (« le restaurant borgne », selon les
mots du narrateur [p.155]) renforce d’ailleurs l’aspect sordide de l’immeuble.
Aussi le voisinage incarné essentiellement par Madame Gabin joue-t-il un rôle
LES ARPENTEURS
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LA MORT D’OLIVIER B ÉCAILLE
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DOSSIER PÉDAGOGIQUE
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Aussi le voisinage incarné essentiellement par Madame
Gabin joue-t-il un rôle important. La présence de ce personnage flanquée d’une fillette de 10 ans surnommée Dédé ajoute une DIMENSION SOCIALE à la nouvelle. Veuve et ruinée, elle
gagne « à peine quarante sous » (p.133) en fabriquant avec
sa fille des abat-jour même en présence de morts puisque
« pour ne pas perdre son temps » (p.137) elle a installé son
atelier de fortune dans la chambre du couple. Dans cet étrange mélange de veillée mortuaire et d’atmosphère besogneuse, s’imprime de surcroît la question de l’exploitation des enfants et de la maltraitance.
En plus de ces quelques données qui permettent de façonner le « milieu » de la nouvelle, on y retrouve un ART DE
LA DESCRIPTION propre à Zola et particulièrement efficace
pour camper des personnages pittoresques. Un soin est particulièrement porté à l’onomastique mais aussi aux sociolectes voire aux idiosyncrasies si bien que le lecteur peut entendre, grâce au discours direct, le verbe coloré et gouailleur
de Mme Gabin (p.142) ou les réflexions triviales des croquemorts (p.144). C’est donc sur une toile de fonds réaliste rehaussée par cette galerie de portraits cocasses que se joue le
drame du narrateur à la limite du réel. (En ce qui concerne la
tension entre naturalisme et fantastique, voir la fin de la partie suivante).
Gustave Caillebotte, Jeune
homme à la fenêtre (1875).
3, L’illusion fantastique
ACTIVITÉ N°2 (LECTURE)
On pourra proposer aux élèves la lecture du début de la nouvelle (jusqu’à « si je fermais les yeux
pour ne les rouvrir jamais »(p.129)) voire du premier chapitre dans son intégralité et leur demander
de répondre aux questions suivantes :
A la lecture des premiers paragraphes de la nouvelle, quel semble être son registre dominant ? A
quel type de nouvelle avons-nous affaire ? Quelle atmosphère cet incipit crée-t-il ? (formulation à
choisir) Vous justifierez votre réponse en vous fondant sur divers éléments qui le montrent.
LES ARPENTEURS
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Le climat fantastique de la nouvelle
s’installe avec la fausse piste sur laquelle l’auteur a habilement entraîné son lecteur. L’ouverture du récit annonce en effet l’histoire
d’un mort vivant ayant survécu à son propre
décès, elle établit la parole vive d’un cadavre.
Mais l’hypothèse surnaturelle se trouve balayée par l’explication rationnelle et clinique
soigneusement réservée pour le deuxième
chapitre. Le lecteur n’écoute donc pas les réflexions d’une âme éternelle mais le monologue angoissé d’un cataleptique prisonnier de
son corps inerte, même si l’étrangeté de cette
expérience trouble continue de diffuser un
parfum de surnaturel. De l’inspiration fantastique, la nouvelle conserve surtout une technique narrative propre à ménager le suspens
et à susciter la peur du lecteur à la manière
d’un thriller. Aussi le lecteur craint-il que la
mort d’Olivier Bécaille affirmée dans le titre
ne soit plus passée mais à venir.
LA MORT D’OLIVIER B ÉCAILLE
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DOSSIER PÉDAGOGIQUE
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LA PREMIÈRE PHRASE mérite évidemment d’être commentée ne serait-ce parce qu’elle
remplit une des fonctions essentielles d’un incipit, à savoir capter l’attention du lecteur. On
peut même dire qu’elle va au-delà tant elle se veut percutante, et cherche à produire un véritable effet sur le lecteur, comme le montre l’emploi de la structure clivée « c’est … que » qui
met en valeur les compléments de temps et retarde l’expression de l’information principale :
« je suis mort ». Cette observation permet d’ailleurs de pointer la dimension parodique de cette phrase qui imite donc une déclaration de décès. Surtout elle dit toute l’impossibilité de la
situation proposée car seul un vivant peut dire qu’il est mort ! Puisque le verbe « mourir » ne
peut en principe pas se conjuguer au passé, c’est l’occasion de constater que la langue peut
faire éclater les limites du réel. Quand la grammaire affole la logique …
Renforcé par les cris de la veuve éplorée qui résonnent à travers tout le premier chapitre, cette déclaration initiale tend à nous garantir le décès du narrateur. Pourtant une HÉSITATION s’installe progressivement dans le discours du narrateur lorsqu’il se met à analyser sa
situation. Les questions qui apparaissent démontrent bien que le personnage, étonné d’exister encore d’une certaine manière, s’interroge sur la réalité de sa mort. Ce doute qu’il exprime est au fondement même du fantastique où, si l’on en croit Todorov, l’irréel n’est pas si facilement admis. Un choix s’offre alors entre une lecture irrationnelle - Olivier Bécaille est bien
mort et, comme il le dit lui-même, c’est « [son] âme qui [s’attarde] ainsi dans [son] crâne,
avant de prendre son envol » (p.127), ce qui fait vaguement référence à une croyance religieuse en un au-delà - et une autre vraisemblable - il n’est pas mort, son corps est simplement
endormi d’où l’attente du réveil et la nécessité d’assurer qu’il est en vie malgré les apparences. Entre le « je suis mort » du début du chapitre et le « je vis » que l’on trouve à la fin
(p.131), se dessine l’intrigue de la nouvelle, celle d’un homme ni tout à fait mort ni tout à fait
vivant.
Ainsi, voit-on apparaître dans ce premier chapitre le CHAMP LEXICAL DU SOMMEIL,
utilisé de façon privilégiée dans tout le reste
de la nouvelle. Un tel choix pourrait être discuté en raison des diverses interprétations
auxquelles il se prête. Il peut tout d’abord
entretenir l’ambiguïté sur la mort du personnage puisque, selon ses propres dires, « le
sommeil [ressemble] à la mort » (p.129). Dès
lors, on peut mettre en avant la valeur d’euphémisme du terme ou sa signification métaphorique qui lui vaut son succès poétique.
Mais le sommeil fait aussi entendre la possibilité d’un réveil, ne laissant la chair au repos
que provisoirement alors que l’esprit s’agite
encore. In fine, l’usage de cette expression
étaye une lecture onirique ou, du moins, entretient la question du rêve très présente
dans le texte. Dès le début, Olivier Bécaille
nous informe de sa peur de la nuit, de son
obsession de la terre et, au chapitre IV, relate
assez longuement l’un de ses cauchemars. Si
la nouvelle annule les frontières entre la vie
et
LES ARPENTEURS
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ACTIVITÉ N°3 (LANGUE)
On pourra, à la suite de ces remarques, donner le
passage où Olivier Bécaille comprend sa situation
et demander aux élèves de répondre aux questions
suivantes :
« Quand le silence recommença, je me demandai si ce cauchemar durerait longtemps ainsi. Je
vivais puisque je percevais les moindres faits
extérieurs. Et je commençais à me rendre un
compte exact de mon état. Il devait s’agir d’un
de ces cas de catalepsie dont j’avais entendu
parler. » (p. 136)
Par quel terme le personnage désigne son
état « exact » ? Faites des recherches pour trouver
la définition et l’étymologie du mot.
Au début, le personnage emploie le mot
« cauchemar ». Quel(s) sens ce mot peut-il recouvrir ?
On fera ainsi apparaître l’origine savante des
termes médicaux (racines grecques), et leur restriction de sens comparé à la polysémie du mot
« cauchemar » (sens figuré / sens propre). De fait,
le terme « catalepsie » valide et entérine la solution
rationnelle alors qu’un mot comme « cauchemar »
demeure plus ambigu.
LA MORT D’OLIVIER B ÉCAILLE
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DOSSIER PÉDAGOGIQUE
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et la mort, elle fait aussi se mêler le rêve et la réalité pour explorer les zones d’ombre dans
l’épouvante de son cercueil enseveli.
Enfin, on peut évoquer le MOTIF DE LA FOLIE (p.149) que contient le portrait du narrateur- très proche en ce sens de certains personnages de Maupassant- et qui participe
aussi à la montée en tension du récit. En interrogeant les élèves sur le geste terrifiant
qu’effectue Olivier Bécaille dans son cercueil, on fera émerger la figure du VAMPIRE
(p.152). Mais s’il en est véritablement une
centrale dans la nouvelle, c’est moins cette
créature fantastique que le personnage biblique de Lazare.
Mais avant de poursuivre plus avant
sur ce sujet, il est intéressant de se demander comment cet écart fantastique peut s’articuler à la THÉORIE NATURALISTE dont Zola a
été promoteur. Le diagnostic médical qui,
en tombant nous révèle notre erreur et le
piège tendu par l’auteur, tend à renforcer la pensée matérialiste portée en Gustave Courbet,
triomphe dans le cycle des Rougon-Macquart. Néanmoins, parce qu’elle
Le Désespéré
(1843-1845).
met au jour une obsession tenace de l’écrivain, la Mort d’Olivier Bécaille
nous conduit à admettre cette part d’angoisse et de hantise au sein du naturalisme zolien.
ILLUSION ET RÉALITÉ :
LA MORT D’OLIVIER BÉCAILLE VUE PAR OLIVIER LUMBROSO
« Sans l’objectivité du dénouement, le lecteur croirait que le récit rapporte moins l’enterrement réel d’un cataleptique que les cauchemars du narrateur, dont la mort et la mise en bière reproduisent, dans une étrange coïncidence, ses délires d’enfant. Sur le mode fantastique, lui aussi souffre des
dérives de l’imagination, qui, pendant les deux tiers de la nouvelle, font vaciller les repères du lecteur, soumis au seul point de vue d’un homme au cerveau détraqué, qui se complaît dans les scènes morbides. Il s’avoue lui-même
habile « conteur », sachant « varier le drame à l’infini », goûtant « l’atroce
plaisir de se créer des catastrophes », confondant souvent « rêve et réalité ».
un inventeur de fictions emboîtées, en résumé un personnage à la Borgès. Le
Lazare de La Joie de vivre n’est pas loin, mais pourquoi pas aussi le narrateur
de la Bérénice d’Edgar Poe. Il s’agit là du point ultime du questionnement dominant qui traverse ces six nouvelles naturalistes : la réalité fuit devant le
réseau des discours, des signes, des fantasmes qui guident notre interprétation faussée, grotesque, presque toujours aveuglée, du réel des sentiments et
des liens sociaux. Sous cet angle, les récits échappent à leurs décors d’époque car ils scrutent l’individu aux prises avec l’opacité de ses rêves et du réel,
en usant de la légèreté qu’offre la nouvelle ou le conte. »
LES ARPENTEURS
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LA MORT D’OLIVIER B ÉCAILLE
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Olivier Lumbroso,
introduction au
recueil Naïs Micoulin, in Œuvres complètes (tome 12),
pp.558-559
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4, Lazare ou la figure du revenant
Dans le cadre d’un travail consacré à la figure de Lazare, nous renvoyons au dossier de la collection « Textes fondateurs » consultable en ligne sur le site du crdp de Paris (http://crdp.acparis.fr/parcours/fondateurs/index.php/category/lazare).
Pour les auteurs de cette étude, le mythe de Lazare s’est développé en suivant deux grandes
tendances opposées : une tradition positive qui consacre Lazare comme la figure de la Résurrection et une autre, négative, où il représente un revenant qui a perdu sa place dans le monde.
•
Lazare, la figure positive de la Résurrection
L’histoire de Lazare se trouve exclusivement dans l’Evangile de St Jean (11, 2046) : Jésus, de passage en Judée, est sollicité
par Marthe et Marie endeuillées par la mort
de leur frère. Il prend pitié d’elles, en attestent les larmes qu’il verse, et ressuscite Lazare en l’exhortant à sortir de son tombeau. Face à un tel miracle, certains des juifs présents
se convertissent à la religion du Christ.
C’est dans le sens de la symbolique
chrétienne que le mythe se propage du
Moyen Âge jusqu’à l’époque classique. L’épisode de Lazare a pour fonction d’attester, en
tant que récit de miracle, de la divinité de Jésus et de figurer l’article de la Résurrection
en annonçant celle du fils de Dieu.
On peut ainsi rattacher à cette tradition
le symbole politique que Hugo tire du mythe
chrétien notamment dans le recueil des Châtiments qui mêle verve pamphlétaire et souffle prophétique et où le peuple, tel Lazare, est
appelé à se réveiller. A noter aussi un texte,
issu des mémoires de Malraux, intitulé Lazare (1974). Sous la plume de l’auteur de La
Condition humaine, l’état de coma apparaît
comme une expérience fraternelle, l’occasion
d’éprouver la communion des hommes. Enfin
signalons le récit L’homme qui plantait des
arbres de Giono où s’affirme la possibilité de
retrouver une confiance dans le monde.
LES ARPENTEURS
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Rembrandt, La Résurrection de Lazare
(1630-1631).
•
Lazare ou le sentiment d’étrangeté
Il se trouve que dans la littérature liturgique, du fait de son passage dans l’au-delà,
Lazare peut aussi apparaitre comme un témoin de l’horreur. C’est cette lecture qui
donne lieu à l’autre postérité du
personnage.
Ainsi, au XIXème siècle, émergent une série
des personnages de revenants chez Balzac,
Zola ou encore Gaston Leroux. Pour une raison ou pour une autre, ils sont dans l’impossibilité de réintégrer leur vie d’alors, à se
fondre dans une société à laquelle ils n’adhèrent plus tout à fait et qui s’est empressée
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de les oublier. Ils sont ainsi, tôt ou tard, condamnés à s’effacer et à vivre tels des mortsvivants. C’est aussi à cette époque que les potentialités fantastiques du mythe sont le plus
exploitées comme chez Dumas, Villers de l’Isle Adam ou dans le Frankenstein de Mary Shelley.
D’autre part, la figure de Lazare peut être utilisée pour emblématiser un certain romanesque moderne et contemporain qui s’articule autour de sujets errants dans le monde.
Jean Cayrol, après la seconde guerre mondiale, s’empare de Lazare pour figurer les survivants des camps et fonder une littérature lazaréenne, « d’après Auschwitz », empreinte
d’un tragique incommunicable. De fait, l’adjectif lazaréen peut également s’appliquer plus
largement à des romans qui subliment le sentiment d’étrangeté ou d’indigence chez l’individu. On pense ainsi au Meursault de Camus, aux personnages de Duras, ou dans le champ
contemporain, à ceux de Marie NDiaye. Dans le roman Un temps de saison (2004), la mélancolie, « la tristesse insondable » qui habitent la femme d’Herman et leur fils, les métamorphosent en véritables fantômes : des « âmes en peine » errant dans le village de leurs
vacances. Rosie Carpe, l’héroïne du roman éponyme, de son vrai nom Rose-Marie, mène
une vie fantomatique, plongeant toujours plus dans l’hébétude et l’incompréhension au
point d’oublier ses devoirs de jeune mère et la conduisent à abandonner au moins affectivement son enfant. Son frère, quant à lui, prénommé Lazare, revient après des années
d’absence et d’errements, ne pouvant prétendre qu’au statut de parasite rejeté par la société. Ainsi on peut voir comment le mythe de Lazare évolue et s’enrichit à travers les sensibilités de différents écrivains qui continuent d’y trouver un sujet d’expression privilégié.
•
La Mort d’Olivier Bécaille et le mythe de Lazare
La nouvelle s’inscrit donc dans ce deuxième
versant de la tradition lazaréenne, puisque le dernier chapitre de la nouvelle nous montre l’inévitable séparation entre le revenant et le monde.
N’oublions pas que le récit est rétrospectif : les
évènements que relate Olivier Bécaille sont donc
bien antérieurs ; on peut savoir ce qu’il est devenu.
Or, nous constatons que ce Lazare zolien, ayant
« beaucoup voyagé » et « vécu un peu partout » (p.157), intègre le motif de l’errance. Errant
déjà dans les rues inconnues de Paris au sortir de
son exhumation, il poursuit son retour à la vie
comme un vagabond ayant l’existence oubliée de
ceux qui vivent en dehors des places assignées.
Ce qui néanmoins caractérise le narrateur, c’est sa
résignation par opposition à un autre revenant de
Zola, Jacques Damour beaucoup plus opiniâtre. Olivier Bécaille, ayant compris la fausseté de son ma-
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LA MORT D’OLIVIER B ÉCAILLE
ACTIVITÉ N°4
L’édition Hatier propose dans son
dossier un corpus de documents consacré à la figure de Lazare et accompagné d’un questionnaire suivi. Il
contient le texte de l’Evangile de
Jean, une reproduction du tableau de
Juan de Flandres La Résurrection de
Lazare, un extrait du Colonel Chabert
de Balzac ainsi que le poème Michaux intitulé « Lazare, dors-tu ? »
extrait du recueil Epreuves, exorcismes.
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riage, se considère d’emblée comme un gêneur :
« Pourquoi aurais-je de nouveau dérangé sa
vie ! » (p.157), dit-il à la fin de la nouvelle en parlant de sa femme. S’il ne revendique pas ses
droits et qu’il refuse de « faire la bêtise de ressusciter » pour la laisser à son rival - éloignant par là
la problématique de l’adultère - c’est parce qu’il
est moins un époux qu’un frère. Les souvenirs
évoqués au premier chapitre (lorsqu’il jouait avec
elle en la poussant dans une brouette ou lorsqu’il
l’a pris sur ses genoux pour qu’elle puisse dormir) et enfin ce sacrifice aimant le dépeignent davantage comme un frère pour Marguerite dont le
prénom n’est pas sans faire penser à Marthe et
Marie, le sœurs de Lazare.
Van Gogh, La Résurrection de Lazare
(d’après Rembrandt) (1899-1900).
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1, De la nouvelle au théâtre : le travail d’adaptation
La nouvelle de Zola dans sa version originale est un monologue. Olivier Bécaille parle à la
première personne du singulier et fait le récit de ses aventures en relatant au discours direct
les propos des personnages secondaires. Le temps est au passé. Il s’agit donc d’un témoignage,
de l’exploration d’un souvenir.
L’adaptation du texte, ainsi facilitée par son aspect manifestement théâtral, se construit
autour de trois axes majeurs :
•
Des coupes de texte et des suppressions
de personnages et d’épisodes de l’intrigue.
• Des personnages et des lieux transLes modifications progressivement effecformés en figures anonymes.
tuées par le metteur en scène ont donc eu pour
but premier la réduction de la taille du texte afin
Dans l’adaptation des Arpenteurs, les
de limiter sa durée de profération à moins de
personnages du voisin (Monsieur Simosoixante minutes. Dans cet objectif, il a fallu supneau) et de la voisine (Madame Gabin) perprimer certaines phases de description oraledent leur nom de famille. Cette option
ment indigeste ou certaines actions ou personchoisie par le metteur en scène renforce à
nages très secondaires. Dans cette optique, deux
la fois la solitude du personnage, entourée
aménagements sont particulièrement notoires :
de formes abstraites et anonymes, et par
•
La suppression du personnage de la petite
conséquent l’étrangeté et la menace que
Adèle, la fillette de la voisine, qui suit sa
représentent ces personnages : la voisine
mère à la trace et la gêne par sa curiosité
prend progressivement une forte emprise
avide.
sur le déroulement des événements ; le
•
La suppression d’un personnage et d’un
voisin, lui, finira par partir avec la femme
passage le mettant en scène : à la sortie de
de Bécaille (Marguerite, dont le nom a été
sa prison souterraine, Olivier Bécaille fait
conservé pour garder son « humanité » et
la rencontre d’un médecin qui l’accueille et
la référence à Faust). Ainsi ces « étrangers
le loge pendant plusieurs semaines. En
dans la maison », ce voisin et cette voisine,
supprimant cet épisode, l’adaptation prosont affirmés comme des figures proches
cède délibérément à une accélération
mais angoissantes. Notons également la
anormale de l’intrigue puisque, dans cette
suppression de toutes références géograversion, Olivier Bécaille quittant le cimetièphiques (Paris, la rue Dauphine, Nantes,
re retourne directement dans sa rue pour
Guérande, Piriac ne sont pas cités dans l’aretrouver sa femme, qui est déjà partie
avec le voisin. Etrangeté qui renforce l’idée daptation), permettant de la même manière d’isoler le personnage dans une solitude
d’une possible hallucination de Bécaille.
désertique.
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•
Effacement des incises et des formules d’introduction.
Dans le cadre d’une prise de parole orale directe, toutes les formules introduisant des dialogues ou situant le personnage parlant s’avèrent inutiles, d’autant
qu’elles ralentissent à la fois le rythme de profération et celui de l’intrigue. L’adaptation a donc délaissé toute précision de ce genre, réservant à la mise en scène le soin
de préciser par le jeu l’origine des parlants.
ACTIVITÉ N°5
Sont reproduits ci-dessous deux états du même extrait tiré du chapitre II (pp.138-139), le premier
étant la version originale, la deuxième étant celle du spectacle. Vous observerez les principales modifications opérées sur le texte original et déterminerez les effets produits pas celles-ci.
Version originale
– Ah ! Voici le médecin, dit la vieille femme.
C'était le médecin, en effet. Il ne s'excusa même pas de venir si tard. Sans doute, il avait eu bien des
étages à monter, dans la journée. Comme la lampe éclairait très faiblement la chambre, il demanda :
– Le corps est ici ?
– Oui, monsieur, répondit Simoneau.
Marguerite s'était levée, frissonnante. Mme Gabin avait mis Dédé sur le palier, parce qu'un enfant
n'a pas besoin d'assister à ça ; et elle s'efforçait d'entraîner ma femme vers la fenêtre, afin de lui
épargner un tel spectacle.
Pourtant, le médecin venait de s'approcher d'un pas rapide. Je le devinais fatigué, pressé, impatienté.
M'avait-il touché la main ? Avait-il posé la sienne sur mon cœur ? Je ne saurais le dire. Mais il me sembla
qu'il s'était simplement penché d'un air indifférent.
– Voulez-vous que je prenne la lampe pour vous éclairer ? offrit Simoneau avec obligeance.
– Non, inutile, dit le médecin tranquillement.
Comment ! inutile ! Cet homme avait ma vie entre les mains, et il jugeait inutile de procéder à un
examen attentif. Mais je n'étais pas mort ! j'aurais voulu crier que je n'étais pas mort !
– À quelle heure est-il mort ? reprit-il.
– À six heures du matin, répondit Simoneau.
Une furieuse révolte montait en moi, dans les liens terribles qui me liaient. Oh ! ne pouvoir parler, ne
pouvoir remuer un membre !
Le médecin ajouta :
– Ce temps lourd est mauvais… Rien n'est fatigant comme ces premières journées de printemps.
Et il s'éloigna. C'était ma vie qui s'en allait. Des cris, des larmes, des injures m'étouffaient, déchiraient
ma gorge convulsée, où ne passait plus un souffle. Ah ! le misérable, dont l'habitude professionnelle
avait fait une machine, et qui venait au lit des morts avec l'idée d'une simple formalité à remplir ! Il ne
savait donc rien, cet homme ! Toute sa science était donc menteuse, puisqu'il ne pouvait d'un coup d'œil
distinguer la vie de la mort ! Et il s'en allait, et il s'en allait !
– Bonsoir monsieur, dit Simoneau.
Il y eut un silence. Le médecin devait s'incliner devant Marguerite, qui était revenue, pendant que
Mme Gabin fermait la fenêtre. Puis, il sortit de la chambre, j'entendis ses pas qui descendaient l'escalier.
Version de l’adaptation
LA VIEILLE - Ah ! Voici le médecin.
C'était le médecin, en effet. Il ne s'excusa même pas de venir si tard. Sans doute, il avait eu bien des
étages à monter, dans la journée.
LE MÉDECIN - Le corps est ici ?
LE VOISIN - Oui, monsieur.
Le médecin venait de s'approcher d'un pas rapide. Je le devinais fatigué, pressé, impatienté. M'avait-il
touché la main ? Avait-il posé la sienne sur mon cœur ? Je ne saurais le dire. Mais il me sembla qu'il s'était
simplement penché d'un air indifférent.
LE VOISIN - Voulez-vous que je prenne la lampe pour vous éclairer ?
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ACTIVITÉ N°5 (SUITE)
LE MÉDECIN - Non, inutile. À quelle heure est-il mort ?
C’est de maladie que je suis mort, à trois heures du matin, samedi un jour six après.
LA VIEILLE - À six heures du matin.
Une furieuse révolte montait en moi, dans les liens terribles qui me liaient.
LE MEDECIN - Ce temps lourd est mauvais… Rien n'est fatigant comme ces premières journées de
printemps.
Et il s'éloigna. C'était ma vie qui s'en allait. Ah ! le misérable, dont l'habitude professionnelle avait
fait une machine, et qui venait au lit des morts avec l'idée d'une simple formalité à remplir ! Il ne savait donc rien, cet homme ! Toute sa science était donc menteuse, puisqu'il ne pouvait d'un coup d'œil
distinguer la vie de la mort ! Et il s'en allait, et il s'en allait ! Bonsoir monsieur !
On remarque que les phrases en incise sont systématiquement supprimées dans la deuxième
version. Ces supports du discours direct sont au cœur de la transformation d’un texte narratif en un monologue théâtral où ils n’ont plus lieu d’être. La distinction entre les différents locuteurs est présentée, sur
le papier, selon les codes de l’écriture dramatique et prise en charge, sur scène, par le jeu de l’acteur.
Des coupes sont aussi effectuées afin de donner à la scène une certaine brièveté et une efficacité dramatique. Il s’agit en quelque sorte de faire ressortir la théâtralité de la scène et de la jouer à
plein. Apparaissent alors les questions de rythme qui s’imposent au texte théâtral alors que le récit peut
s’étendre dans une plus grande précision.
De fait, émergent aussi les libertés prises par rapport au texte, libertés qui peuvent correspondre à des contraintes liées à la représentation théâtrale. Il serait plus difficile de monter le texte dans
son intégralité. Des choix doivent être faits pour pouvoir s’emparer d’œuvres littéraires et en livrer une
lecture. Ainsi de nombreux metteurs adaptent pour la scène des romans comme La Douleur de Duras par
Patrice Chéreau, Les Oiseaux de Vesaas par Claude Régy. Ici, le spectacle se donne pour vocation de
rendre l’âme d’un récit plus que d’en restituer la lettre (la question ne se poserait cependant pas de la
même manière pour un texte poétique). On peut alors aborder la question de l’autonomisation de la mise
en scène et considérer les perspectives qu’elle offre quant au renouvellement de l’art théâtral et à l’animation de la littérature.
2, L’acteur, le zombi
EXTRAITS DE LA NOTE D’INTENTION DU METTEUR EN SCÈNE
Je m’interroge sur la représentation d’un zombi au théâtre. N’est-ce pas là une entrée possible pour considérer la présence de l’acteur ? Le personnage n’est pas tout à
fait vivant puisqu’il est joué par un autre, de même l’acteur n’est plus tout à fait en
vie tant que son corps est traversé par un autre corps, même fictif. Le
personnage est
une entité passée, l’acteur une entité présente. En prononçant « JE », il déguise son
imagination en mémoire et se place d’emblée à la frontière de la vie et de la mort : un
vivant-mort.
*
On sait bien que le théâtre est le lieu des fantômes, ce n’est pas neuf. Mais les
acteurs ont-ils le goût de la terre en bouche lorsqu’ils prononcent ? Il faudrait que
l’acteur agisse avec la mémoire de la terre remuée.
Bien sûr, il n’est pas question ici de composition, ni même de réalisme. Tout cela n’est
qu’illusion.
*
Imaginer un zombi au théâtre... On sait que les films de Romero embarrassèrent l’Amérique de Johnson et Nixon en montrant ces soldats morts revenus du Viêt-Nam pour se
rappeler à la mémoire de leur pays. Qu’en serait-il théâtralement si l’on faisait revenir
un oublié d’aujourd’hui ? Qu’entendrions-nous du récit de sa vie dans la mort ? Fiction
ou métaphore ? Reste à savoir maintenant qui sont les oubliés de notre époque…
*
La Mort d’Olivier Bécaille est un récit : l’avis d’un mort. Le monologue intérieur
d’un esprit contemporain. Son drame le plus profond est la parole ; le langage même l’abandonne, le trahit, le perd et l’enterre. Sa réalité n’est plus la notre et sa langue ne
sait plus s’adapter à sa situation : il déraisonne par les mots. Son histoire se déroule
en deux temps : d’abord vivant passant pour mort aux yeux des autres vivants, puis mort
se croyant vivant. D’une disparition à une autre.
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•
Comment jouer un revenant ?
Tout au long du spectacle, l’acteur interprétant Olivier Bécaille est amené à jouer avec
des verres qui lui apparaissent mystérieusement dans les mains et s’accumulent peu à
peu sur sa table - debout ou renversés, vides
ou pleins d’eau ou de terre… Une sorte de ballet de la soif s’exécute ainsi sous nos yeux,
presque mécaniquement, compulsivement,
comme si les bras de l’acteur bougeaient d’eux
-mêmes.
Dans les témoignages d’expériences de
mort imminente – plus connus sous le nom de
NDE (Near death experience), beaucoup de patients parlent d’une sensation de sortie du
corps. C’est que les scientifiques appellent la
phase de « décorporation », phase pendant
laquelle l’individu peut avoir l’impression d’être au-dessus de lui-même, de voler au dessus
de son corps inerte.
Bosch, L’Ascension vers l’Empyrée
(après 1500)
Une des façons d’ « incarner » Olivier Bécaille, serait
d’introduire une distance dans le corps, de donner aux gestes une forme d’étrangeté.
Et il en va de même pour la voix du comédien,
puisque c’est une « voix lointaine » qui raconte à Olivier Bécaille son « histoire » (p.130). C’est par le travail
du rythme, de l’intonation et du souffle que l’acteur
cherche des accents inconnus et porte cette parole obscène. « Car on ne parle pas de la mort, pas plus qu’on
ne prononce certains mots obscènes », nous dit le narrateur.
Une autre façon d’incarner, entre présence et absence, jeu d’apparition et de disparition, reposant sur
le paradoxe des ombres, du mystère et du secret .
Photo spirite avec apparition
d’un ectoplasme (début XXe)
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3, L’espace scénique : une boîte à apparitions
La scénographie du spectacle : comme une grande boîte qui enveloppe de pénombre un
acteur assis à une table. Or, une boîte c’est un peu comme …
… un cercueil
S’il est un lieu prépondérant dans la nouvelle, c’est bien le cercueil d’Olivier Bécaille cercueil d’ailleurs mal proportionné car, à en
croire l’un des croque-morts en charge de le
porter, « la boîte est trop longue » (p.144). Le
parti-pris a donc été d’élargir cette boîte aux
proportions d’une aire de jeu, et non pas de la
représenter de façon vériste puisque l’expérience d’enfermement excède l’acte d’ensevelissement qui vient plutôt la couronner. L’espace scénique, claustrophobe et engourdissant, se donne
comme le développement du cercueil qui est luimême l’extension du corps paralytique.
Manet, L’Absinthe (1876)
Niepce, La Table mise (1822)
... une salle de restaurant
Histoire et récit ne se superposant pas, se
pose nécessairement la question du lieu de l’énonciation. Quand Bécaille parle, où est-il ? Une
des possibilités est de le prendre exactement là
où la nouvelle le laisse : dans le restaurant situé
en bas de son ancien immeuble. Ce choix est aussi lié à l’attrait de l’école réaliste et naturaliste
pour ce type d’endroits, ce que le tableau de Manet, L’Absinthe, a illustré de façon mémorable.
C’est donc un espace de solitude mais de parole
aussi, habité par les confidences des voyageurs
sans attaches comme celui qu’est devenu le narrateur à la fin de la nouvelle. Il s’agit toutefois
d’en donner une évocation, une impression à la
fois familière et étrangère plus qu’une représentation saturant la vision du spectateur. Car, dans
un sens ou un autre, c’est d’ailleurs que le personnage parle.
… une boîte crânienne
Parce qu’Olivier Bécaille est un faiseur de
rêves, la scénographie dessine quelque chose
comme un espace mental. La boîte dressée au
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centre du plateau délimite le périmètre de cette « chambre de l’imagination » dont parlait Tadeusz Kantor. En
l’occurrence, celle-ci résonnera de l’intime « pensée de la terre » qui poursuit le personnage, faisant entendre
son histoire d’enfouissement – comme une énième « variation » du même
« drame » ? Le spectateur se trouve
donc face à un espace symbolique et,
dans une certaine mesure, symboliste
car le travail en clair-obscur laisse sa
place à la pénombre. De la sorte, le
personnage est plongé dans cette nuit
qu’il redoute, nuit qui efface aussi les
parois de son propre espace. La réalité
se trouve alors rejointe ou bien la salGravure représentant une camera
obscura
le, enveloppée dans une commune
obscurité. Le théâtre se fait alors le
lieu où « rêver » de la mort dans la vie, voire, comme le propose le narrateur lui-même, « de la
vie dans la mort ».
… une chambre obscure
Plus encore que le nouvelliste, c’est le Zola photographe qu’a éclipsé le grand auteur des
Rougon-Macquart. La convergence entre l’écriture et la photographie fait actuellement l’objet
de débats dans les études zoliennes puisque c’est véritablement après avoir achevé sa fresque
romanesque que Zola s’adonne à cette passion et devient un photographe « avisé ». Si l’on
peut considérer la boîte noire du décor comme une camera obscura, ce n’est pas parce que,
comme il est dit souvent, la photographie a à voir avec l’esthétique naturaliste ou inversement, mais parce qu’elle a à voir
avec les revenants. Selon Barthes, il y a dans toute photographie « cette chose un peu terrible » – et c’est en cela que la
Photo est pour lui plus proche du Théâtre - : « le retour du
mort » (OC, III, La chambre claire, p. 795). Car l’image vivante
ranime la chose morte que peut être aussi un sujet devenu
objet. En se plaçant dans un volume « photographique » qui
double en réalité celui, théâtral, de la cage de scène, le spectacle exprime son désir de donner à voir et à entendre jusque
dans ses répercussions sensibles le discours du revenant qui
crève l’absence. « Etre en proie à la présence d’esprit », comme
disait Barthes. (Journal de deuil, p. 40)
Passionné de photographie, et photographe amateur, Zola
pose ici avec l’un de ses appareils.
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Pour échanger autour du spectacle, parlons de ses lumières suivant ces quelques questions...
Quelles sensations, quelles impressions ai-je ressenties pendant le spectacle ?
Dans quelle atmosphère les lumières nous plongeaient-elles ?
Quel effet de lumière m’a particulièrement marqué ? Pourquoi ?
Quelle signification peut-on donner aux différents jeux de lumière ?
En quoi le tableau de René Magritte, Le Principe de plaisir (1937), vous évoque-t-il
le spectacle ?
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