Epidémiologie 2.6 Conduites addictives 2 [Mode de

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Epidémiologie 2.6 Conduites addictives 2 [Mode de
Epidémiologie
des conduites
addictives
Sommaire
Introduction
Définition de l’addiction
Critères d’addiction
Addictions : un noyau commun
Exemples d’addictions
Addictions comportementales
- Mécanismes en jeu
- Traitement
- Prévention
Introduction
Introduction
La définition du concept d'addiction apparaît
de plus en plus difficile à cerner.
Des toxicomanies à l'alcoolisme et au tabagisme,
en passant par le jeu pathologique, les achats
compulsifs, la sexualité et certains troubles du
comportement… jusqu'à l'addiction, pourtant si
peu virtuelle des cyberdépendants, on peut se
demander quel est le point commun des
addictions sans drogue et tout d'abord s'il
existe.
Introduction
Ce questionnement est incontournable pour
bâtir des stratégies de prévention et
d'intervention médico-sociale adaptées.
Il a également pour conséquence de penser les
addictions en terme de conduite des sujets
plutôt qu'une approche à partir des produits
psychotropes.
Définition
de l’addiction
Définition de l’addiction
L’addiction est, au sens courant, une
dépendance à une drogue.
Au sens phénoménologique, c’est une conduite
qui repose sur une envie répétée et
irrépressible, en dépit de la motivation et des
efforts du sujet pour s’y soustraire. Le sujet se
livre à des addictions malgré la conscience
aiguë qu’il a le plus souvent d’abus et de perte
de sa liberté d’action, ou de leur éventualité.
Critères d’addiction
Critères d’addiction
La définition des addictions selon Goodman :
A/ Impossibilité de résister aux impulsions à
réaliser ce type de comportement.
B/ Sensation croissante de tension
précédant immédiatement le début du
comportement.
C/ Plaisir ou soulagement pendant sa durée.
D/ Sensation de perte de contrôle pendant le
comportement.
Critères d’addiction
E/ Présence d'au moins cinq des neuf critères
suivants :
I. Préoccupation fréquente au sujet du
comportement ou de sa préparation.
2. Intensité et durée des épisodes plus
importantes que souhaitées à l'origine.
3. Tentatives répétées pour réduire, contrôler
ou abandonner le comportement.
4. Temps important consacré à préparer les
épisodes, à les entreprendre, ou à s'en
remettre.
Critères d’addiction
5. Survenue fréquente des épisodes lorsque le
sujet doit accomplir des obligations
professionnelles, scolaires ou universitaires,
familiales ou sociales.
6. Activités sociales, professionnelles ou
récréatives majeures sacrifiées du fait du
comportement.
7. Perpétuation du comportement bien que le
sujet sache qu'il cause ou aggrave un problème
persistant ou récurrent d'ordre social, financier,
psychologique ou physique.
Critères d’addiction
8. Tolérance marquée : besoin d'augmenter
l'intensité ou la fréquence pour obtenir l'effet
désiré, ou diminution de l'effet procuré par un
comportement de même intensité.
9. Agitation ou irritabilité en cas d'impossibilité
de s'adonner au comportement.
F/ Certains éléments du syndrome ont duré
plus d'un mois ou se sont répétés pendant une
période plus longue.
D'après Aviel Goodman, 1990
Addictions :
un noyau commun
Addictions : un noyau commun
pour des conduites diverses
Alcoolisme
Toxicomanies
Troubles du comportement alimentaire :
Anorexie
Boulimie
Addictions comportementales : Le jeu
pathologique, les achats compulsifs, l’addiction
au sport et à l’exercice physique, l’addiction
sexuelle, le travail pathologique, la
cyberdépendance, l’addiction au crime, …
Addictions : un noyau commun
Dépendance
Psychique
Physique
Accoutumance
Comportement d’autodestruction et prise de
risque
Abstinence comme objectif thérapeutique
Exemples d’addictions
Alcoolisme
France : trio de tête en Europe : 17,8 litres
d’alcool pur par adulte et par an
Répartition régionale : Bretagne, Normandie,
Nord, …
Augmentation de l’alcoolisation des jeunes à
début précoce
Augmentation de l’alcoolisme de défonce
Progression de l’alcoolisme féminin
10% de la population a un problème d’alcool
Alcoolisme
Haut Comité de Santé Publique :
6 millions d’hommes,
2,5 millions de femmes
Dans les Centres Hospitaliers Généraux : 1
patient sur 3 est alcoolique
Rôle dans les tentatives de suicide : 61% des
hommes et 44% des femmes ont pris de l’alcool
Réduction de l’espérance de vie de 12 ans chez
une personne alcoolo-dépendante de 25 ans
Alcoolisme
23% des coûts d’un Centre Hospitalier
Universitaire sont imputables à l’alcool
25% du budget de la Caisse Nationale
d’Assurance Maladie est lié à l’alcool
Toxicomanies
Un adolescent sur deux a consommé au moins
une fois
150 000 héroïnomanes
200 000 toxicomanes :
80% par intraveineuse dont
40% séropositifs HIV
70% hépatite C
Facteur d’exclusion :
70% des toxicomanes sont sans emploi
15% de la population pénale
Toxicomanies
Plusieurs ordres de faits sont observés :
- l’apparition de nouvelles molécules (les drogues de
synthèse),
- l’émergence de nouveaux usages de substances déjà
répandues (cocaïne, amphétamines, LSD…),
- une diminution relative de la consommation d’opiacés.
- une augmentation forte de la consommation précoce
de cannabis généralement associée à de l’alcool et du
tabac,
- un développement d’usages de substances
psychoactives en milieu festif (rave parties, free
parties, mais aussi mégadiscothèques, boîtes de nuit,
soirées privées, etc.).
L’anorexie mentale
Définition
L'anorexie mentale (AM) correspond à un
refus de s'alimenter lié à un état mental
particulier. La perte d'appétit est secondaire,
liée à la restriction volontaire et souvent
inavouée de l'alimentation. Si le sujet présente
des crises de boulimie, des vomissements et
recourt à des purgatifs, on différenciera
l'anorexie de type "Anorexie-Boulimie", de
l'anorexie de type restrictif.
L’anorexie mentale
Epidémiologie
La fréquence de l'AM est en augmentation
dans les sociétés occidentales où la "minceur "
fait figure d'idéal.
Elle se manifeste classiquement chez les
classes sociales élevées et moyennes au sein de
familles pour lesquelles la promotion sociale et
la réussite scolaire ont une grande importance.
Les données épidémiologiques indiquent
(source : Académie Nationale de Médecine,
mars 2002) :
L’anorexie mentale
Epidémiologie
- une prédominance féminine (en moyenne 6 à
10 filles pour 1 garçon),
- que l'âge de survenue connaît deux pics : un à
12-14 ans et un à 18-20 ans,
- une prévalence en moyenne 1 % chez les
adolescents,
- une incidence de 1/200 pour les jeunes filles
et de 1/100 000 dans la population en
générale.
Addictions
comportementales
Le jeu pathologique
Les études en population générale tendent à
démontrer que le jeu pathologique est
relativement répandu : le DSM-IV en estime la
prévalence entre 1% et 3% de la population
adulte, note que le trouble est plus fréquent
chez l'homme que chez la femme et souligne que
20% des sujets concernés ont fait des tentatives
de suicide.
Le jeu pathologique
Aux États-Unis (Lesieur), comme au Canada
(Ladouceur), des études mettent en évidence que
cette prévalence est de l'ordre de 1 à 2%, plus si l'on
inclut dans la recherche les joueurs à problème. Ces
chiffres sont l'objet de débats, et pour d'autres
auteurs ils seraient plus près de 0,5%…
Les études indiquent aussi qu'il s'agit d'une
problématique surtout masculine, jeune (surreprésentation des étudiants), et qui touche
particulièrement les couches socialement
défavorisées ou minoritaires de la population.
Il semble d'ailleurs que jeunes, pauvres, et femmes,
soient sous-représentés dans la population admise
en traitement, donc dans certaines études.
Le jeu pathologique
Une étude menée en France auprès des
personnes consultant le service téléphonique
SOS. Joueurs (A. Achour-Gaillard) donne un
aperçu de la population française des joueurs
dépendants.
Ce travail met en évidence une très forte surreprésentation des hommes (plus de 90% des
sujets), un âge de 25 à 44 ans, la tranche la plus
représentée étant les 40- 44 ans.
Une majorité de ces joueurs sont mariés, et ont
des enfants.
La plupart ne jouent qu'à un seul jeu, les femmes
surtout aux machines à sous.
Le jeu pathologique
Une majorité de ces joueurs sont surendettés, et
l'altération des relations conjugales est une
conséquence fréquente.
Près de 20% des joueurs ont commis des délits.
L'auteur remarque à la fois que cette étude n'est
qu'exploratoire, mais qu'elle semble en accord avec
les résultats des recherches nord-américaines : les
différences de culture, quant au jeu, comme les
différences de conception quant à l'abord de ce
problème, n'empêchent donc pas une convergence,
dans l'appréciation globale du phénomène ou le
profil des joueurs pathologiques.
Les achats compulsifs
La prévalence(1) des achats compulsifs touche
environ 6% de la population générale.
(1) mesure de l’état de santé d’une population
à un instant donnée.
Les achats compulsifs
Il a été identifié quatre types de
consommateurs :
- le consommateur émotionnel dont l’achat est
une auto-thérapie anxiolytique et/ou
antidépressive,
- le consommateur impulsif envahi par un désir
soudain et spontané d’acheter,
- le consommateur fanatique ou collectionneur
qui achète le même objet ou type d’objet en
plusieurs exemplaires,
Les achats compulsifs
- l’acheteur compulsif qui achète pour lutter
contre de fortes tensions intérieures ou
angoisses incontrôlables.
Un vide intérieur, une dépression, une
défaillance narcissique caractérisent ces
acheteurs pathologiques qui, grâce à l’argent,
trouvent le moyen de restaurer leur image de
soi.
La cyberdépendance
Cette addiction en France toucherait moins de 1% des
Internautes mais cette nouvelle catégorie d'addiction est
encore difficile à définir.
L'addiction à Internet fait partie de la catégorie de
l'usage avec dépendance, selon les critères de l'O.M.S.
Ces conduites addictives ne se qualifient pas en terme
de durée de temps passé devant Internet mais davantage
par la perte de maîtrise, la perte de liberté de s'abstenir.
La personne n'est plus capable de modifier seule son
comportement par perte d'une partie de capacité de
discernement. Cela implique des soins par une équipe
spécialisée qui s'intéresse au produit (ici internet et son
centre d'intérêt principal), à la personne et à son
environnement (social, affectif, familial).
L’addiction au sport
Dans une société où l’on valorise l’activité
physique, il peut paraître surprenant de parler
d’addiction au sport. Elle se manifeste par la
nécessité de pratiquer sans relâche un sport.
Une activité physique régulière, répétitive,
agirait comme un stupéfiant anesthésique qui
empêcherait l’expression de la souffrance
corporelle ou psychique.
L’addiction au sport
Chez le sujet addict, l’image et l’estime de soi
occupent une place importante.
Le psychiatre Dan Véléa a répertorié les
caractéristiques de cette pratique sportive à
outrance où le sportif aura tendance à vouloir
résoudre tous ses problèmes par le sport. En
période de sevrage, des excès de colère, une
tendance à la dépression et à la boulimie ont
été relevés.
L’addiction au sport
Ce type d’addiction évolue souvent vers
d’autres dépendances ou pathologies telles
que les jeux, l’obésité ou la surconsommation de
tabac ou de drogues.
L’addiction au travail
L’addiction au travail désigne une relation
pathologique d’un sujet à son travail
caractérisée par la compulsion et la perte de
contrôle, malgré des répercussions importantes
sur les plans familiaux et de santé.
Cette addiction s’inscrit dans un contexte
social qui donne au travail une place primordiale
et gratifiante engendrant une sous-estimation
de ce type d’addiction.
L’addiction au travail
Trois étapes sont caractéristiques de ce
trouble :
- stade 1 : excès d’énergie, augmentation des
capacités, heures supplémentaires,
- stade 2 : apparition de difficultés dans la vie
familiale et sociale
L’addiction au travail
- stade 3 : forte diminution des capacités de
travail, apparition de troubles psychosomatiques (troubles du sommeil, lombalgies,
céphalées persistantes, problèmes
cardiovasculaires, …).
Au stade ultime, le sujet souffre de
complications majeures liées au stress (troubles
anxio-dépressifs et le syndrome du burn-out
caractérisé par une fatigue et un épuisement
physique et psychique extrême).
L’addiction sexuelle
Le psychologue E. Coleman a mis en évidence
l’existence d’au moins deux des cinq entités
suivantes :
- la drague compulsive avec des partenaires
multiples,
- la masturbation compulsive,
- la fixation compulsive sur un ou des
partenaires inaccessibles pouvant conduire à
des actes agressifs orientés vers la personne
aimée,
L’addiction sexuelle
- les rapports compulsifs amoureux multiples
avec une insatisfaction des relations
amoureuses et la quête perpétuelle de l’amour
idéal,
- la sexualité compulsive avec un besoin
perpétuel d’actes sexuels, d’expression
amoureuse et d’attention.
Une addiction sexuelle peut aller à terme vers
des comportements de plus en plus déviants :
rapports sexuels sans protection,
comportements délinquants voire criminels,
pédophilie, inceste, …
Mécanismes en jeu
Les addictions comportementales sont
marquées par un dysfonctionnement du
système nerveux central au niveau du circuit de
récompense. Des stimulations cérébrales
libérent des neuro-hormones comme la
dopamine, l’hormone du plaisir par excellence.
Mécanismes en jeu
Le circuit de récompense présente des
connections anatomo-fonctionnelles avec trois
autres circuits :
- celui de la mémoire et de l’apprentissage,
- celui de la régulation du stress,
- celui de la motricité,
ce qui explique notamment la puissance de l’état
d’addiction (mémoire, conditionnement) et ses
aspects moteurs compulsifs.
Mécanismes en jeu
La mémorisation de l’expérience fait que sa
simple anticipation mentale stimule déjà les
neuro-hormones. Les addictions
comportementales sont donc l’exacerbation de
mécanismes naturels.
Traitement
Actuellement, il n’existe aucun médicament
spécifique efficace pour traiter la dépendance
comportementale.
Aux Etats-Unis, des groupes thérapeutiques
se sont mis en place sur le modèle des
Alcooliques Anonymes.
En France, certaines départements
d’addictologie récemment créés dans les CHU
dans le cadre du Plan Addictions
Traitement
En France, certaines départements
d’addictologie récemment créés dans les CHU
dans le cadre du Plan Addictions 2007-2011
du gouvernement qui a souhaité regrouper les
consultations de tabaccologie, de toxicomanie,
et d’addictions sans substances psychotropes
au sein d’un même pôle pour en faire ces
consultations hospitalières d’addiction,
organisent des groupes de parole thématique,
le but étant la guérison par l’abstinence totale
durable.
Traitement
Le Plan prévoit également le développement de
centres de soins d’accompagnement et de
prévention en addictologie (CSAPA),
structure ouverte à toutes les addictions.
Par ailleurs, l’Inserm a été mandaté par le
ministère de la Santé en 2006 pour identifier
les besoins en termes de soins et de prévention.
Prévention
Les addictions comportementales renvoient à la
question de la vulnérabilité. Les causes de
l’addiction sont multifonctionnelles : génétiques,
psychologiques, familiales, sociales,
environnementales…
Ce sont ces facteurs cumulés qui, à une
période donnée de notre vie, nous rendent plus
fragiles donc plus enclins à ce type de
comportements.
Prévention
Si l’on part de ce postulat, alors on reconnaît
la nécessité dès le plus jeune âge d’acquérir les
compétences psychosociales (capacité à gérer
ses émotions, son stress, à développer de
l’estime de soi, …) pour faire face aux pressions
et difficultés de la vie quotidienne.
Prévention
Il est d’ailleurs nécessaire d’informer sur les
dangers encourus de ces consommations, de
faire réfléchir aux motivations qui sous-tendent
de tels comportements et de former les
professionnels des secteurs sanitaires, sociaux,
éducatifs, véritables relais d’information auprès
des jeunes et des adultes au repérage et à
l’orientation vers les centres spécialisés.
Références utiles
Organismes de référence :
- Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la
toxicomanie (MILDT) http://www.drogues.gouv.fr
- Observatoire français des drogues et des
toxicomanies (OFDT) http://www.ofdt.fr
- Hôpital Marmottan http://www.hopital-marmottan.fr
- Bizia – Médecins du monde
http://www.chez.moi/bizia
- Association nationale des intervenants en toxicomanie
(ANIT)
Références utiles
Sites utiles :
* Hometox (fédération française de psychiatrie –
dépendance – toxicomanie – conduites addictives)
http://psydocfr.broca.inserm.fr/toxicomanies/index.htm
* Psynternaute (site canadien sur les conduites
addictives) http://psynternaute.com
Références utiles
Parutions et ouvrages :
- Approche du concept d’addiction en
psychopathologie, Fernandez L., Sztulman H.,
Annales médico-psychologiques, 1997
- Cent questions sur les drogues, la toxicomanie et les
hépatites virales associées. Quels mécanismes du
cerveau entrent en jeu lors de la consommation de
drogues, Guffens J.-M., 2003
- Le grand dictionnaire de la Psychologie, Larousse,
Paris
- Propos critiques sur les notions d’addictions et de
conduites de dépendance, entre lieu commun et
chimère, dépendance et conduites de dépendances,
Rigaud A., Jacquet M., Masson, 1994