infestation de phyllocnistis citrella de vergers d`agrumes du gharb

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Bull. Soc. Pharm. Bordeaux, 2013, 152(1-4), 65-74
INFESTATION DE PHYLLOCNISTIS CITRELLA
DE VERGERS D’AGRUMES DU GHARB (*)
Khaled ATTRASSI (1), Alain BADOC (2)
La dynamique populationnelle de la Mineuse des feuilles
d’agrumes, Phyllocnistis citrella (Lepidoptera : Gracillariidae), a
été étudiée dans trois vergers de la province de Sidi Kacem dans la
plaine du Gharb au Maroc. Les pullulations coïncident avec les
poussées de sève estivale et automnale des agrumes et sont liées
aux variations de température, et à l’évolution des populations
d’œufs, de chenilles et chrysalides.
INTRODUCTION
Les ravageurs-clés des agrumes, c’est-à-dire dont la nuisibilité est
économiquement importante, sont la mouche blanche (Aleurothrixus
floccosus), la teigne du citronnier (Prays citri), la cératite (Ceratitis
capitata), les acariens dont le plus nuisible est Panonychus citri, les
cochenilles tel que le pou de Californie (Aonidiella aurantii). Dans les
années 1990, un nouveau prédateur, la Mineuse des agrumes, Phyllocnistis
citrella Staiton (Lepidoptera : Gracillariidae), s’est développée dans le
monde.
(*)
(1)
(2)
Manuscrit reçu le 17 juillet 2013.
Laboratoire science de la vie et de la terre, CRMEF (Centre Régional des Métiers
de l'Éducation et de la Formation), 14000 Kénitra, Maroc. [email protected]
GESVAB – EA 3675, UFR des Sciences pharmaceutiques, Université de Bordeaux,
ISVV, 210 Chemin de Leysotte, Villenave-d’Ornon. [email protected]
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Originaire du sud-est asiatique, elle s'est répandue en Floride (1993),
en Amérique centrale (1994) et dans le bassin méditerranéen : Espagne
(1993) puis Portugal, Maghreb, Turquie, Palestine, Italie, Corse (1994)
[9,11]. Au Maroc, les dégâts des larves sur les jeunes pousses d’agrumes
sont visibles depuis la fin du printemps 1995 dans toutes les zones de
production aussi bien en pépinière que sous serre [4,7,12]. La Mineuse des
agrumes a une préférence pour le Citronnier et à moindre degré les Orangers
et le Mandarinier [2-3 ,16-18].
Phyllocnistis citrella présente trois à quatre générations par an. Le
papillon présente une activité crépusculaire ou nocturne et a un nombre
élevé de générations dans le courant de l'année. Les adultes ayant hiverné,
pondent en avril et mai. Le deuxième vol a lieu en juin-juillet et le troisième
fin juillet à aout. Il y a parfois un quatrième vol de septembre à novembre.
Les papillons issus de la dernière génération, s’abritent dans abris naturels
comme les crevasses des écorces ou autres. En cas de fortes pullulations, les
chenilles peuvent provoquer une défoliation presque complète des arbres et
compromettre les fructifications en cours et à venir [13].
La femelle pond à la face inférieure des jeunes feuilles. Elle insère
des œufs blanc jaune de 1 à 2 mm dans le parenchyme à l’aide d’un
oviscapte. Ils donnent au bout de quinze jours des larves longues de 8 à
9 mm, étroites, se rétrécissant progressivement vers l'arrière, jaune verdâtre
avec deux taches foncées sur les trois premiers segments. Les jeunes
chenilles pénètrent sous la cuticule des jeunes feuilles, se nourrissent des
cellules du parenchyme qu'elles dévorent grâce à leurs crochets
mandibulaires. Les chenilles progressent de manière sinueuse et laissent une
trainée sombre d'excréments dans la galerie larvaire. Cette dernière est
brillante, transparente, avec des reflets argentés résultant de la pénétration
de l'air sous la cuticule. Le parenchyme apparait miné de manière
caractéristique puis jaunit et se dessèche. Les dégâts sont visibles de loin sur
l’arbre. La chrysalide ou nymphe est entourée d’un cocon blanc, satiné,
allongé suspendu par des fils de soie aux bords du limbe, réunis suite à la
formation des galeries. Au terme de 20-25 jours de nymphose, les ailes des
adultes de ce microlépidoptère se déploient, font 9 mm d'envergure. Les
ailes sont étroites, bordées de longues soies, les antérieures blanc argenté
brillant avec des extrémités brun rouge et une petite tache noire à l'apex. De
tendance nocturne, ils vivent 7 à 10 jours [2-3,6-8,11,14,16-18].
Le tapis végétal d’espèces spontanées fort diversifié offre un refuge
aux adultes de P. citrella, qui envahissent ensuite les jeunes pousses des
agrumes.
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Trois modes de désherbage sont pratiqués :
- manuel : c’est le mode de désherbage le plus couramment utilisé
pour lequel les mauvaises herbes récoltées sont destinées à
l’alimentation du bétail ;
- mécanique : travaux du sol par le labour au cover-crop au nombre de
trois par an ;
- chimique en utilisant des herbicides totaux ou sélectifs, en particulier
dans les plantations modernes. Les agriculteurs ont tendance à
s’orienter spontanément vers la lutte chimique, pratique plus
rassurante pour la protection de leur production.
Les produits phytosanitaires utilisés par les producteurs d’agrumes,
pour contrôler les dégâts dus aux ravageurs-clés appartiennent aux groupes
des organophosphorés, pyréthrinoïdes et récemment des régulateurs de
croissance.
Divers produits ont été testés contre la mineuse des feuilles des
agrumes dont certains sont homologués contre les ‫״‬ravageurs clés‫ ״‬des
Citrus cultivés, tels le méthomyl et le diméthoate [1].
Cependant, la mineuse des feuilles des agrumes échappe à tout
contrôle efficace par un quelconque produit homologué, d’autant plus que
les renseignements relatifs à l’écologie et à la dynamique des populations de
l’insecte sont encore trop insuffisants pour pouvoir agir efficacement.
Devant cette situation, nous avons entamé cette étude relative à la biologie
de P. citrella.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Zone d’étude
Trois vergers d’agrumes du Gharb au Maroc ont été prospectés
d’avril 2012 à avril 2013, deux de la Société Sodea-Sogeta et un de la ferme
Hakemat, à Mechra BelKsiri dans la province de Sidi Kacem.
Le climat du bassin versant de l’Oued Sebou au Maroc est de type
humide à semi-humide. La pluviosité annuelle moyenne d’environ 500 mm
est irrégulière allant de 200 à 700 mm selon les campagnes agricoles. Les
précipitations sont en général plus fréquentes en décembre, janvier et avril.
On a plus de 65 jours de pluie par an. Les températures moyennes annuelles
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varient de 17,6 à 20,5°C avec une moyenne de 18,2°C. Les mois les plus
froids sont décembre et janvier, et les plus chauds, juillet et aout.
Tableau I :
Variation de la température du bassin versant de l’Oued Sebou d’avril
2012 à avril 2013.
Les données correspondent aux moyennes de 20 stations.
Temps (mois)
Température
maxima
Température
minima
Température
moyenne
2012
avril
mai
juin
juillet
aout
septembre
octobre
novembre
décembre
20
23
26
25
33
26
25,5
23
18
5
8
10
6
10
16
20
18
20
12,5
15,5
18
15,5
21,5
21
22,75
20,5
19
2013
janvier
février
mars
avril
23
22
22,2
20
13
14
19
5
15
18
20,6
12,5
Le périmètre couvrant la zone d’étude est caractérisé par des cultures
très diversifiées, notamment industrielles (agrumes, betteraves, canne à
sucre, tomate…) et fourragères, avec une prédominance de plantations
fruitières qui couvrent à peu près 33 % de la surface irriguée, dont plus de
50 % d’agrumes avec 50 % de Clémentiniers.
La plupart des vergers agrumicoles potentiellement productifs sont
concentrés sur des sols appelés au Maroc tirs (sols lourds argileux, de
couleur foncée) et les dehs (alluvions). Les sols de surface (tirs) proviennent
essentiellement des apports de l’oued Sebou avec plusieurs modes
d’irrigations : gravitaire, goutte à goutte, micro-irrigation et pivot.
Matériel végétal
Les trois vergers sont non expérimentaux, traités par les insecticides
recommandés comme le méthomyl ou le diméthoate. Ils fournissent des
clémentines dont les variétés Nour et Mouska, des oranges dont les variétés
Navel et Maroc Late, des citrons, des pomelos et des pamplemousses.
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Les agrumes présentent trois phases principales de croissance,
appelées poussées végétatives ou poussées de sève entrecoupées par un arrêt
de sève hivernal (janvier et février 2013) :
- première poussée de sève importante (mars à juin 2012) en nombre
et en volume foliaire a lieu au printemps ;
- deuxième poussée de sève faible (juillet à septembre 2012) initiée
au début de l’été ;
- troisième poussée moyenne (novembre à décembre 2012), apparait
en automne.
Échantillonnage
Le mode de prélèvement de Phyllocnistis citrella est inspiré des
travaux d’Al-Khateeb et al. [1]. Ces auteurs ont prélevé toutes les semaines
sur quatre vergers 100 jeunes branches de 20 cm de longueur de divers
agrumes de dix ans et calculé les taux de l’infestation correspondant au
pourcentage de feuilles infestées.
Pour chacun des trois vergers, des jeunes pousses ont été prélevées
sur dix arbres pris au hasard et à différentes expositions dans chaque verger
tous dix jours de mai 2012 à avril 2013. Pour chaque arbre, dix pousses ont
été prélevées : deux pousses terminales par direction cardinale et deux
pousses au centre de la frondaison. Les jeunes pousses ont été
immédiatement mises dans des sachets en plastique et ramenées au
laboratoire dans une glacière portative pour un dénombrement des différents
stades biologiques de la mineuse.
Le dénombrement des œufs, des chenilles, des chrysalides a été
effectué au laboratoire sous loupe binoculaire sur les jeunes rameaux et les
faces inférieure et supérieure des feuilles. Les données ont été réunies par
mois sous forme de moyennes.
RÉSULTATS
Infestation des vergers
Les feuilles âgées de la première pousse du printemps 2001 sont
exemptes de traces de mines anciennes.
La Mineuse affecte les trois vergers avec quelques petites différences
(Tableau II). Le verger 2 de la Sodea-Sogeta est plus atteint au départ
contrairement au verger 1. Le verger Hakamat moyennement infesté au
départ est celui qui a le plus souffert. L’infestation est inférieure à 20 % en
début d’année.
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Tableau II : Infestations de trois vergers de la région du Gharb par la
Mineuse des feuilles d’agrumes d’avril 2012 à avril 2013.
Année
2012
2013
Moyenne
Mois
avril
mai
juin
juillet
aout
septembre
octobre
novembre
décembre
janvier
février
mars
avril
Verger 1
Sodea-Sogeta
0e
4d
30b
85a
85a
40b
30b
20c
10d
15c
4d
0e
0e
24,8
Vergers
Verger 2
Sodea-Sogeta
15c
20c
25c
65a
65a
45b
35b
25c
3d
5d
1d
0e
0e
23,4
Hakamat
Moyenne
8c
15c
50b
65a
65a
60a
45b
35bc
50b
10c
4c
0d
0d
31,3
8e
13e
35c
72a
72a
48b
37c
27d
21d
10e
3e
0f
0f
26,5
Pour une même colonne, deux résultats suivis de la même lettre ne diffèrent
pas significativement au seuil de 5 %.
Une reprise d’infestation a lieu dès juin 2012. De juin à septembre
2012, les pullulations estivales ont entrainé la défoliation de 25 à 85 % des
jeunes pousses sur les 3 vergers. D’octobre à décembre 2012, l’infestation
diminue et ne dépasse pas 50 %. Toutes les variétés de Citrus cultivées
précoces comme tardives ont été touchées pour les trois vergers.
Dynamique populationnelle
Vers la fin du printemps 2012, le nombre moyen d’œufs par feuille
oscille entre un et deux (Figure 1). En période estivale, l’effectif moyen
augmente de 6 (juin 2012) à 10 (aout 2012) œufs par feuille. À la fin de
l’été, entre mi-aout et mi-septembre 2012, le nombre d’œufs diminue puis
réaugmente. La décroissance reprend après le mois d’octobre. Au cours de
la période hivernale (décembre 2012 à février 2013), la densité est faible
variant de 1 à 0,3 œufs par feuille et nulle en mars et avril, malgré
l’abondance des jeunes pousses liée à la première poussée de sève.
L’évolution des chenilles suit celle des œufs avec des effectifs plus
faibles (Figure 1). Au cours du printemps 2012, la population larvaire est au
niveau le plus bas. L’infestation est amorcée à partir du 15 mai 2012 avec
un maximum de deux larves par feuille en juin 2012. On atteint 3 à 4 larves
par feuille entre le 15 juin et le 5 juillet. Cette population abondante persiste
jusqu’au 10 septembre, est encore importante en octobre, et diminue
fortement en novembre.
71
Fig. 1 : Évolution du nombre d’œufs, de chenilles et de chrysalides
de Phyllocnistis citrella par feuille d’agrume dans trois vergers du Gharb
de mai 2012 à avril 2013.
Les chrysalides ont une évolution semblable à celles des œufs et des
larves, mais décalée d’environ un mois avec des effectifs plus faibles
(Figure 1). La densité des nymphes est non négligeable de mi-juillet à midécembre avec plus de deux chrysalides par feuille le 1er aout 2012.
Au-delà, la densité diminue. Juste après la mi-février 2013, les effectifs sont
faibles à nuls durant la poussée de sève de printemps.
DISCUSSION ET CONCLUSION
L’absence de traces de mines anciennes sur les feuilles âgées de la
première pousse du printemps 2012 laisse supposer que la Mineuse est
probablement apparue au début de 2012 dans les vergers testés.
La dynamique saisonnière des populations de la Mineuse des feuilles
d’agrumes dépend de la physiologie de la plante hôte et du climat.
Les périodes hivernale et printanière ralentissent le développement
de Phyllocnistis citrella où le niveau des populations des stades
embryonnaires (œufs et larves) est faible. Ce ralentissement pourrait
s’expliquer par les basses températures en hiver et au début du printemps
défavorables pour l’insecte. Les basses températures nuisent à la survie des
chrysalides et des papillons en hiver. La reprise d’infestation dès juin
s’explique par l’augmentation des températures puis la deuxième poussée de
72
sève favorables au développement de l'insecte. Les deux pics de densité des
œufs correspondent à la poussée de sève d’été et à celle d’automne, périodes
où les agrumes développent les jeunes pousses et où le volume foliaire
relativement important favorise le développement de l’insecte. D’autres
auteurs [5] ont observé trois pics annuels correspondant aux trois poussées
de sève.
Les populations de chrysalides sont décalées par rapport à celles des
chenilles, qui elles-mêmes dépendent des populations d’œufs. A chaque
stade, les effectifs diminuent. La femelle choisit les feuilles jeunes de la
partie apicale du rameau [9,12] et délaisse les feuilles âgées à parenchyme
plus ou moins lignifié afin d’optimiser les chances de survie de sa
progéniture [15,19]. Mais ce choix peut entrainer une surpopulation d’où une
compétition accrue pour la nourriture en été et en automne et une
augmentation de la mortalité larvaire [10-11].
Sauf en hiver, la Mineuse des agrumes pullule dans tous les vergers.
Les œufs, les chenilles et les chrysalides colonisent les jeunes pousses de
printemps, d’été et d’automne. Les pullulations d’été et d’automne sont les
plus importantes que celles du printemps.
Le cycle biologique débute par un œuf pendu déposé sous la cuticule
inférieure des feuilles d’agrumes. L’éclosion donne une larve vermiforme
apode et vert jaunâtre après quinze jours. Après 20 à 25 jours de creusement
de galeries, les larves se nymphosent dans un cocon. Leur évolution au stade
adulte dure quinze jours.
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ABSTRACT
Infestation of Phyllocnistis citrella Citrus orchards in Gharb
The population dynamics of the citrus leaf miner, Phyllocnistis
citrella (Lepidoptera: Gracillariidae), was studied in three orchards in the
low Sebou and Gharb plain, Morocco. Outbreaks coincided with the rise in
summer and autumnal sap and were associated with temperature variations
and changes in populations of eggs, caterpillars and chrysalises.
Keywords: Citrus leaf miner, Phyllocnistis citrella, population dynamics.
__________