la tablature, un outil pédagogique pertinent

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la tablature, un outil pédagogique pertinent
Promotion M07 Mathieu AUBRON Mémoire de Diplôme d’État Mai 2007 LA TABLATURE, UN OUTIL PÉDAGOGIQUE PERTINENT ? Sous la direction de Philippe LECORF Cefedem de Bretagne/Pays de Loire ­ Nantes
Avant­Pr opos Il sera sujet souvent dans cet ouvrage d’écriture pour guitare et il convient ici de rappeler quelques règles d’usage en matière de notations pour qui n’est pas guitariste afin de clarifier les propos tenus. M.D. : Main Droite M.G. : Main Gauche On distingue également les doigts de la Main Gauche que l’on note par des numéros : 1 = index
2 = majeur 3 = annulaire 4 = auriculaire (le pouce n’est pas utilisé à la Main Gauche ou très rarement) de ceux de la Main Droite indiqués par l’initiale de son nom : p = pouce i = index m = majeur a = annulaire e = auriculaire En ce qui concerne la M.G., j’attire l’attention du lecteur à ne pas confondre les doigtés de guitare avec ceux du piano ou les doigts sont numérotés du pouce (1 er doigt) à l’auriculaire (5 e doigt). Les six cordes de la guitare sont numérotées en partant de la plus aiguë (1) à la plus grave (6) : (Cordes à vide de la Guitare.jpg) La guitare se lit en clé de sol octaviante, c’est­à­dire qu’elle va sonner une octave en­dessous de ce que l’on lit (le 8 octaviant en dessous de la clé de sol n’étant pas toujours présent, surtout dans les éditions anciennes). À chaque case de la guitare correspond un demi­ton, les altérations s’obtiennent donc en changeant de case dans un sens ou dans l’autre. Le bémol devant une note jouée habituellement avec une corde à vide oblige à jouer sur une corde plus grave (ou à désaccorder la corde elle­même).
Introduction Dans mon expérience de professeur de guitare, j’ai pu constater qu’une bonne proportion d’élèves qui venaient me voir avaient déjà commencé en autodidacte avec des méthodes utilisant des tablatures. Or ils se retrouvaient bloqués à un moment ou un autre, car les explications manquaient, ou elles n’étaient pas complètes, ou elles n’étaient pas claires, ou encore les exemples musicaux fournis ne correspondaient pas à leur niveau (par exemple trop rapides à suivre)… Pourtant, certains avaient déjà acquis un bon niveau instrumental. Mais est­ce que cette forme d’écriture musicale peut être intéressante à utiliser dans mes cours ? Peut­elle constituer un outil pédagogique pertinent ? Je vais donc m’intéresser tout d’abord de plus près à la notion de tablature afin d’en expliquer le sens, d’en connaître l’origine et l’évolution, ainsi que le ou les fonctionnements. J’essayerai ensuite de trouver ce qu’elle peut apporter et ce dont elle est dépourvue, et enfin j’aborderai des mises en situations concrètes. Mon but ne sera pas ici d’opposer le solfège et la tablature mais au contraire de voir s’il est possible et/ou souhaitable de les associer, et si oui dans quelle mesure, de quelle manière, voire dans quel contexte.
1 I. Approche théor ique : A. Définition : Le terme de tablature (tabulature ou intavolatura en italien, Tablatur en allemand, tablature en anglais) vient du latin tabulatura, de tabula qui veut dire « table ». Il s’applique depuis le XV e siècle à la notation musicale (généralement polyphonique) et s’affirme comme une notation alternative à la notation conventionnelle sur portée. La tablature diffère quelque peu selon le type d’instrument particulier (et la technique de jeu qui lui est propre) auquel elle est dédiée. Elle comporte un jeu de symboles représentant la hauteur du son, des lettres ou des chiffres, et un autre indiquant le rythme. Le tout est disposé en forme de table superposant les différentes voix, comme la représentation graphique des cordes, qui indique au musicien quelle frette 1 stopper, quelle touche enfoncer ou quel trou couvrir. Adaptée à un instrument spécifique, elle est destinée à une lecture et une réalisation plus aisées que celle d'une partition de musique. Ce type de notation concerne essentiellement les instruments solistes tels que l’orgue, le clavecin, la harpe, le luth, la guitare (et quasiment toute la famille des cordes pincées), la viole de gambe, l’accordéon diatonique, etc. Pour les instruments de type monodique comme la flûte et le basson, il s’apparente plus à un système de doigtés, mais le principe reste le même : elle indique où placer les doigts. Lorsqu’il s’agissait des pièces pour clavier de la fin du XVI e et du XVII e siècle, ce terme implique généralement que la musique était imprimée en notation de « partition pour clavier », c’est­à­dire sur deux portées (d’intavolatura ) plutôt qu’avec une portée séparée par partie (partitura , « partition »). 2 Utilisée essentiellement à la Renaissance pour le luth et l’orgue, elle est aujourd’hui l’apanage du jazz et des musiques actuelles, la guitare étant sa vitrine la plus fameuse et sa figure de proue. 1 Les frettes sont des tiges de métal délimitant les cases sur la guitare (et instruments de la même famille). Elles peuvent être amovibles sur les instruments anciens afin de régler chaque hauteur. 2 Sources compilées : « Tablature » de Frank Dobbins in Dictionnaire Encyclopédique de la Musique, sous la direction de Denis ARNOLD, Tome II (de L à Z), p.777 ; Guide de la Théorie de la Musique de Claude ABROMONT & Eugène de MONTALEMBERT, p.550 ; L’article « Tablature » d’Armand Machabey, in Encyclopédie de la Musique, Tome III de L à Z (sous la direction de François MICHEL), p.768 ; Dictionnaire du Musicien (les notions fondamentales) de Marc HONNEGGER, p.783 ; Dictionnaire de Musique d’Hugo RIEMANN, p.1312 ; Site internet http://fr.wikipedia.org/wiki/Tablature consulté le 09­04­07
2 B. Historique : « Le plus ancien spécimen de tablature d’orgue est le fragment connu sous le nom de Robertsbridge Codex (Londres, BrM Add. 285500), daté des environs de 1320 et vraisemblablement d’origine française. » 3 On recense quatre systèmes principaux de tablatures qui diffèrent suivant le pays où elles ont été conçues et imprimées : Allemagne, Espagne, Italie et France (dans l’ensemble, les sources anglaises ont suivi le système français 4 ). Cette séparation s’établit à partir du XV e siècle. « À partir du XVI e siècle, le déplacement de l’activité musicale en faveur de la Cour, favorise l’éclosion de la pratique instrumentale et de son apprentissage ; avec le développement du jeu instrumental en amateur s’impose la nécessité d’inventer des notations moins abstraites, plus explicitement associées à certains instruments que le solfège traditionnel, défini par rapports aux contraintes de la voix. » 5 La tablature allemande pour luth tomba dans l’oubli vers 1620. Par la suite, c’est la tablature française qui fut adoptée en Europe, face à la tablature italienne plutôt réservée à la guitare. 6 L’abandon de la tablature a été la conséquence du délaissement du luth au profit de la guitare romantique, qui elle, s’écrivait en notation traditionnelle, sans doute pour regagner quelques lettres de noblesse. Dans le même temps, la vièle à roue vint quelque peu remplacer le luth au XVIII e siècle. Les instruments à archet, comme la lyre, la viole, la lirone et le baryton, ont souvent fait appel à la tablature de luth française modifiée à l’ère baroque. 7 C’est à partir des années 1960 et de l’avènement de la musique Pop que réapparaît la tablature et son édition. Les guitares folk et électrique se multiplient et la pratique amateur explose, c’est la que va réapparaître la tablature car elle permet de lire des grilles d’accords sans passer par le solfège. C’était d’ailleurs l’objet de son invention à l’époque de la Renaissance, il apparaît donc normal qu’elle réapparaisse pour les mêmes raisons. 3 « Tablature d’orgue » par M.Honegger & W.Boetticher dans Le Dictionnaire du Musicien, les notions fondamentales de Marc Honegger © Larousse / VUEF 2002, p.783 4 « Tablature » de Frank Dobbins in Dictionnaire Encyclopédique de la Musique, Tome II (de L à Z) de Denis ARNOLD, p.778 5 Du Son au Signe (Histoire de la notation musicale), de Jean­Yves BOSSEUR, © Éditions Alternatives, Paris, 2005, p.54 6 « Tablature » par M.Honegger & W.Boetticher dans Le Dictionnaire du Musicien, les notions fondamentales de Marc Honegger © Larousse / VUEF 2002, p.785 7 « Tablature » de Frank Dobbins in Dictionnaire Encyclopédique de la Musique, Tome II (de L à Z) de Denis ARNOLD, p.778
3 Les pays asiatiques utilisent également des sortes de tablatures. En Chine, elles apparaissent vers le VI e siècle pour un instrument à cordes appelé le qin. Au Japon, du X e au XII e siècles, des systèmes de tablature, avec le recours à des chiffres, se rencontrent dans le répertoire de musique de Cour pour instruments à vent et à cordes pincées (comme le koto à 13 cordes et le biwa, sorte de luth joué au plectre). Dans son œuvre November Steps 8 , Toru Takemitsu utilise un biwa et un shakuhachi (flûte droite en bambou à cinq trous) pour une cadence située au cœur de l’œuvre. Il recourt à des formes de tablature précisant la nature des actions à reproduire. Les signes tiennent donc étroitement compte de la physionomie de chaque instrument (des chiffres correspondant par exemple aux cinq cordes du biwa), de la variété de modes d’attaque et d’entretien qu’ils supposent. 9 (Toru Takemitsu, cadence pour biwa, extrait de November Steps, (1967), Du Son au Signe de Jean­Yves BOSSEUR_p.139.jpg) C. F onctionnement : D’une façon générale, les rythmes et les mesures sont suffisamment proches de la notation traditionnelle pour ne pas à être explicités outre mesure (sauf exception). Les rythmes sont généralement indiqués au­dessus de la note (ou de la représentation de celle­ci) et restent valables jusqu’à ce qu’un autre signe vienne les modifier et les mesures sont séparées comme aujourd’hui par des barres verticales. Je ne m’étendrai donc pas sur ces aspects. 8 Édition Peters, New York, 1967 9 Du Son au Signe (Histoire de la notation musicale), de Jean­Yves BOSSEUR, © Éditions Alternatives, Paris, 2005, p.136
4 1. Instr uments à vent : Depuis le XVI e siècle, certaines méthodes instrumentales ont continué à utiliser occasionnellement des diagrammes indiquant le doigté des notes pour des instruments à vent comme la flûte à bec, le flageolet, le hautbois et la clarinette. 10 Prenons l’exemple du basson avec la méthode de Maurice ALLARD, Tablature, Trilles, Gammes Diatoniques et Chromatiques, Collection Le Basson dirigée par Maurice Allard, © 1973 Éditions Gérard Billaudot. Celle­ci consiste en une série de doigtés sur l’étendue du registre du basson pour l’exécution de notes, trilles et gammes. Elle donne aussi ce qu’on appelle des doigtés de correction afin d’obtenir une note un peu plus haute ou un peu plus basse. Les tablatures pour instruments à vent sont d’une façon générale, du même tonneau. (Basson_Ex001 ­ Tablatures pour Basson en clé de Fa.jpg) (Basson_Ex003 ­ Quelques Trilles en clé d'Ut 4.jpg) 10 « Tablature » de Frank Dobbins in Dictionnaire Encyclopédique de la Musique, Tome II (de L à Z) de Denis ARNOLD, p.780
5 (Basson_Ex002 ­ Tablatures pour Basson en clé de Sol.jpg) Les ronds et les triangles noircis représentent les clés du basson où il faut que les doigts appuient, tandis que les blancs sont laissés libres et ouverts. Prenons maintenant comme exemple un instrument plutôt juvénile appartenant aux vents mais aussi aux claviers, qui a la particularité d’avoir récupéré le système de tablature et de l’avoir adapté pour son usage personnel : l’accordéon diatonique. J’utiliserai pour ce cas comme référence le recueil de tablatures pour accordéon diatonique de Bernard Loffet, Chants de Marins, Éditions Bernard Loffet, Caudan, 1991. Bernard Loffet utilise dans son ouvrage le système « CADB », qui a été créé et adopté par le Collectif des Accordéonistes Diatoniques de la Bretagne. Ce système est dit « universel », en ce sens qu’il comporte la ligne mélodique en écriture traditionnelle ou classique (solfège), la tablature pour diatonique et une ligne de basses. De plus, il est depuis longtemps celui utilisé à travers le monde (premier livre l'utilisant en 1930 !) 11 . 11 Site du luthier Bernard Loffet : http://diato.org/expltabl.htm consulté le 12­05­07
6 Le principe de la tablature consiste à codifier le geste du musicien sur l’instrument et non (comme le solfège) la musique elle­même. Pour cela, nous indiquerons quelle(s) touche(s) l’interprète utilise et, caractéristique essentielle du diatonique, dans quel sens il manœuvre le soufflet (fig.1). Rappelons que si l’on reste appuyé sur une touche de l’accordéon que ce soit à la M.G. ou à la M.D., le son résultant n’est pas le même si l’on pousse ou si l’on tire (cf. exemple de clavier d’accordéon diatonique en Sol / Do en annexes). (Accordéon_Ex001 ­ Sens de manœuvre du soufflet (fig.1)_p.01.jpg) Les touches sont numérotées du haut vers le bas (du grave à l’aigu) par rangée de boutons (1, 2, 3, etc.). Dans le cas d’une deuxième rangée, on utilise des apostrophes (1’, 2’, 3’, etc.), d’une troisième rangée des doubles apostrophes, etc. Pour la M.G. (les basses), on indique directement l’accord produit en notation internationale ou « anglo­saxonne » A, B, C, etc. (A=La, B=Si, C=Do, D=Ré, E=Mi, F=Fa, G=Sol). Avantage : une seule lettre. Le rythme se note de deux façons complémentaires : d’une part par l’intervalle séparant chaque note, d’autre part, sur la portée par le solfège. Explicitons un extrait du trio en Sol Majeur pour accordéon diatonique, cor de chasse et grosse caisse de Dimitri Hjatonycz : (Accordéon_Ex003 ­ Dimitri Hjatonycz, Trio en Sol Majeur pour accordéon diatonique, cor de chasse et grosse caisse_p.01.jpg) Dans l’ordre nous avons : ­ Mes.1 : Ré est joué à la M.D. sur le 3 e bouton de la rangée intérieure et tenu 4 temps tout comme le La à la basse (M.G.)
7 ­ Mes.2 : le Fa s’ajoute à la M.D. en appuyant sur la 6 e touche de la rangée extérieure et on ajoute un accord de Ré Maj. à la M.G. Ces deux mesures sont jouées en tirant le soufflet (en face du T), les deux suivantes en poussant (en face du P). ­ Mes.3 : Tandis que la M.D. joue une octave de Si sur les touches 4 et 7, la M.G. joue la basse puis l’accord de Sol Maj. ­ Mes.4 : après un temps de silence, la mélodie se résout sur la tonique à la M.D. tandis que la M.G. joue simultanément la basse et l’accord de Do Maj. « Les lettres en majuscules indiquent la basse et celles en minuscules l’accord, ce qui permet beaucoup de précision au niveau de l’écriture. La tablature n’est qu’un squelette, et l’arrangement donné aux basses n’est qu’une proposition. Il vous appartient de personnaliser, suivant votre jeu et votre style, les airs et les basses, éventuellement le rythme. Les doigtés sont parfois notés : PIMAO (traduisez : Pouce, Index, Majeur, Annulaire & O comme auriculaire) et ce, au­dessus de la portée. » 12 On remarque à droite du titre une lettre majuscule entourée qui indique la tonalité : (C)= Do Maj., (G)= Sol Maj., et (X)= La min. Ces musiques étant liées à la fête & à la danse(?) 13 , c’est probablement pour connaître rapidement la tonalité afin d’enchaîner plus vite dès la fin d’un morceau, ou pour trouver une tonalité adéquate. Étant donné que beaucoup d’accordéonistes se sont essayés à l’écriture de tablatures, il en a résulté un petit nombre de systèmes qui comportent des différences plus ou moins grandes, mais dont l’utilisation est plus restreinte. Il existe néanmoins un deuxième système, plébiscité par les accordéonistes, qui diffère un peu du système CADB, c’est celui conçu dès 1982 par Jean­Michel Corgeron. Chaque ligne de tablature correspondant à une rangée de touches. Un tiret sous le numéro de bouton indique que la touche est jouée "tirée", son absence équivaut à la note poussée. 12 Chants de Marins, Recueil de tablatures pour accordéon diatonique de Bernard Loffet, Éditions Bernard Loffet, Caudan, 1991 13 « À ce propos, une remarque : les chants de travail, comme certains chants à hisser, par exemple, sont en 3 temps : les jouer en valse avec l’alternance basse­2 accords les transforme en danse, alors que pour hisser, le rythme basse+accord ensemble sur le premier temps semble beaucoup plus adapté… » Chants de Marins, Recueil de tablatures pour accordéon diatonique de Bernard Loffet, Éditions Bernard Loffet, Caudan, 1991, Introduction
8 (Accordéon_Ex008 ­ Tablature Corgeron.jpg) Dans cette tablature, les doigtés de M.G. sont indiqués en dessous de la notation traditionnelle et il y a en plus le rythme pour les accords et les basses. « Ces systèmes de tablatures ont été mis en place par des musiciens et des enseignants de façon à uniformiser un peu la pratique instrumentale et sa transmission. En effet, l’histoire de l’instrument et son enseignement sont très récents. […] Les premiers enseignants à passer leur Diplôme d’État l’ont fait en 1987.» 14 Erwann Tobie explique l’appropriation des tablatures par l’accordéon diatonique « par le fait que ce soit une musique populaire, que ce soit de la musique bretonne ou plus largement folklorique, la musique dansante pour les fêtes. Dans tous les cas c’est une musique de tradition orale qui se transmettait d’un ancien aux générations suivantes par le chant souvent. […] Donc le système solfégique traditionnel a été un peu en marge pendant toute l’évolution de l’instrument. […] Le meilleur moyen pour l’enseignement c’était donc de mettre un système de tablature parce la majorité des gens ne connaissaient pas le solfège.» 15 14 15 Interview d’Erwann Tobie, professeur d’accordéon diatonique au C.R.R. de Nantes, le 01­05­07. Idem
9 2. Instr uments à clavier : Les tablatures pour clavier les plus importantes sont celles pour orgue. En Allemagne, les tablatures d’orgue sont caractérisées par la notation mixte jusqu’à la seconde moitié du XVI e siècle. La voix supérieure est inscrite sur une portée de 5 à 9 lignes, tandis que les voix inférieures sont notées en lignes superposées à l’aide des lettres de l’alphabet : (Tablature d’orgue allemande de A.Schlick & de Buxheimer Orgelbuch (v. 1470), Dictionnaire du Musicien de Marc Honegger, Larousse VUEF 2002, p.783.jpg) (Tablatures d'orgue allemande, Dictionnaire de Musique d’Hugo RIEMANN, p.1313.jpg)
10 (La Notation Musicale, d'Armand MACHABEY, Collection Que sais­je, Le point des connaissances actuelles N°514, Presses Universitaires de France, 1971_p.87.jpg) Au cours de la seconde moitié du XVI e siècle, la notation mixte disparaît et se trouve remplacée par une notation alphabétique généralisée. Ce type de tablature a encore été utilisé par J.S.Bach au XVIII e siècle (Orgelbüchlein, 1717). En Espagne, les tablatures pour orgue comportent autant de lignes que de voix. Un premier système utilisait des nombres (de 1 à 42) pour représenter des touches, en commençant par les notes diatoniques d’une octave courte (do, fa, ré, sol, mi, la), puis procédant chromatiquement. Les rythmes étaient induits en fonction de la position du nombre au sein de la mesure. Un deuxième système utilisait des nombres (de 1 à 23) pour les touches blanches, les dièses étant indiqués par des croix au­dessus des nombres. (Article « Tablature » de A.Machabey, Encyclopédie de la Musique, Tome III de L à Z (sous la direction de François MICHEL)_p.768.jpg) (Tablatures d'orgue espagnole, Dictionnaire de Musique d’Hugo RIEMANN, p.1313.jpg)
11 Un dernier système où les notes étaient aussi inscrites à l’aide de chiffres (1 à 7 seulement) mais pouvaient être modifiées, soit par l’adjonction d’un ou deux petits traits, soit par l’ajout d’un point, ou encore d’une apostrophe selon les octaves auxquelles les notes appartenaient : (Tablature d'orgue espagnole, Dictionnaire du Musicien de Marc Honegger, Larousse VUEF 2002, p.784.jpg) En France et en Italie, les tablatures d’orgue et de clavecin sont dès ses débuts très proches de la notation actuelle pour claviers, à savoir sur deux portées correspondant aux deux mains. Elles utilisent en revanche souvent des portées de plus de cinq lignes. 3. Instr uments à manche : Cette notation à but pratique est essentiellement destinée aux instruments de la famille du luth (guitare, vihuela, chitarrone, mandoline, théorbe, archiluth, orpharion, colachon, mandore, citarino, etc.). Il existe trois types principaux de tablatures de luth (Allemagne, France & Italie) et un autre pour la vihuela (Espagne). Contrairement aux tablatures de clavier, ce n’est pas la hauteur des sons qui est indiquée mais sur quelle corde et quelle case obtenir la note voulue. Les cordes étaient dessinées horizontalement afin d’obtenir une représentation visuelle de la touche, sauf en Allemagne où elles étaient seulement suggérées par empilement du grave à l’aigu. (Tablature de luth allemande_Ex001 ­ Dictionnaire de Musique d’Hugo RIEMANN, p.1313.jpg) Destinée au luth à cinq doubles cordes, la tablature allemande utilisait la totalité de l’alphabet : (a b c d e) pour la première case de chaque double corde, (f g h i j) pour
12 la deuxième, etc. On atteignait ainsi la fin de l’alphabet avec la cinquième série (6 e case). On faisait alors débuter sur la 7 e case une série de lettres doubles. Les cordes à vide étaient quant à elles désignées par des chiffres de 1 à 5, du grave à l’aigu. (Tablature de luth allemande_Ex002 ­ Dictionnaire du Musicien de Marc Honegger, Larousse VUEF 2002, p.784.jpg) Elle apparaît de prime abord plus difficilement compréhensible, et c’est probablement la raison de son éviction au début du XVII e siècle. Les tablatures françaises, italiennes et espagnoles sont plus facilement abordables et semblables entre elles. En effet, elles vont toutes comporter des lignes représentant les cordes (5 ou 6 le plus souvent) et fonctionner avec une même représentation propre sur toutes les cordes. (Tablatures de luth française & italienne, Dictionnaire de Musique d’Hugo RIEMANN, p.1313.jpg) Ce qui donnerait en solfège traditionnel (pour une guitare) : (Equivalent en solfège des tablatures de luth française & italienne, Dictionnaire de Musique d’Hugo RIEMANN, p.1313.jpg)
13 Le système italien se servait des chiffres (1 à 9 puis X, XI, XII … suivant le nombre de cases) posés sur une des lignes pour désigner la corde et la case où il faut qu’un doigt appuie, et le système espagnol ne comportait que les chiffres (1 à 12 ou plus). Dans les deux cas le 0 signifie que la corde est jouée à vide. Outre les cases élevées, la différence majeure réside en ce que la corde la plus aiguë soit celle du haut pour la tablature espagnole alors qu’elle sera placée en bas dans la tablature italienne. Dans la tablature italienne, un 3 posé sur la 2 e ligne (en partant du bas) signifie qu’il faut placer un doigt dans la 3 e case de la 2 e corde. (Tablatures de luth française & italienne, Dictionnaire du Musicien de Marc Honegger, Larousse VUEF 2002, p.784.jpg) La convention est la même pour le système français, à cela près qu’il utilise des lettres : a est la corde à vide, b la première case, c la troisième, etc., la corde la plus aiguë étant placée en haut comme dans le système espagnol. Chacun des chiffres ou lettres représentent un demi­ton au­dessus du signe précédent. L’adjonction de cordes graves, qui firent leur apparition après 1600 et qui étaient tendues en dehors de la touche, furent représentées par la lettre a avec une à quatre barres obliques, dans la série de ces cordes accordées diatoniquement vers le grave. Mais on peut aussi trouver seulement le chiffre 4, 5 ou 6, etc., notation usuelle pour le luth basse ou le théorbe. 16 16 « La tablature de luth » par M.Honegger & W.Boetticher dans Le Dictionnaire du Musicien, les notions fondamentales de Marc Honegger © Larousse / VUEF 2002, p.785
14 (Ex de cordes graves ­ 'Tablature' de A.Machabey, Encyclopédie de la Musique, Tome III de L à Z (sous la direction de François MICHEL)_p.769.jpg) (Jean­Sébastien BACH ­ Suite in do minore BWV 997, Opere Complete Per Liutoi, Editzioni Suvini Zerboni, 1980_p.42.jpg)
15 II. Cr itiques & controver ses: Nous allons voir dans cette partie quels avantages tirer de la tablature mais aussi énumérer ses inconvénients, qui pourront tous deux porter à discussion. A. Avantages : Étant guitariste, il m’est plus facile de trouver des arguments de réflexion autour de la famille de la guitare, mais j’essaierai également de donner des exemples dans les autres familles d’instruments afin de ne pas cantonner ma pensée au seul objet de la guitare. Afin de simplifier la compréhension, les exemples de tablature pour guitare que j’utiliserai (lorsque c’est cet instrument qui est pris en exemple) suivront le système utilisé aujourd’hui, à savoir celui qui donne le numéro de la case où il faut appuyer, avec la corde aiguë en haut, hérité du modèle pour vihuela de la Renaissance espagnole. 1. Immédiateté : La tablature est tout d’abord une écriture morphologique, immédiate, facile d’appropriation. En effet, on visualise tout de suite le manche et ses cordes (en ce qui concerne la guitare) et donc à quel endroit on va jouer ce qui permet d’obtenir un rendu rapide sans pour autant qu’il y ait nécessité de compréhension de ce qui est joué (noms des notes, des accords, de la métrique …). 2. Connaissance du manche : La tablature permet également d’acquérir une connaissance du manche plus rapide. Là où un essai empirique et auditif permet la compréhension qu’une même note peut se jouer à différents endroits du manche (corde et case différentes), une simple observation de la tablature l’englobe. On peut donc aborder des notes et des positions sur tout le manche plus rapidement qu’avec la notation traditionnelle.
16 3. Tr ansposition et bar r és : La tablature permet de comprendre mieux le concept de transposition, tout d’abord mélodiquement, mais aussi au niveau des accords. Comparons un fragment mélodique ainsi qu’une suite d’accords notés de façon traditionnelle et en tablatures : (Ex001a ­ Transposition (mélodie).bmp) (Ex001b ­ Transposition (accords).bmp) On voit le phénomène de « translation » due à la transposition apparaître clairement sur la tablature. En ce qui concerne la transposition, il est à noter que la guitare a cela de pratique que la transposition se résume par « c’est la même chose X cases plus bas (ou plus haut) » et sera donc associée à un déplacement de la M.G. plutôt qu’à un concept intellectuel (et mathématique !). Dans ces exemples, on voit aussi l’intérêt de la tablature en ce qui concerne les barrés. Lorsque celle­ci comporte les mêmes chiffres verticalement, c’est qu’il faut faire un barré, et lorsque l’on regarde la tablature on comprend immédiatement que l’on va devoir faire un barré, ce qui n’est pas du tout le cas avec l’écriture solfégique où l’on doit vérifier quasiment toutes les notes de l’accord avant de comprendre qu’il faudra faire un barré.
17 4. Nouvelles notes et ar pèges: La tablature résout le problème des nouvelles notes et du « comment joue­t­on cela ? » Là où chaque nouvelle note nécessite une explication pour savoir comment la jouer, un nouveau chiffre sur la tablature se comprend sans commentaire à partir du moment où l’on sait compter. (Ex002a ­ Nouvelles notes & arpèges.bmp) Cet exemple nous montre aussi l’intérêt de la tablature pour exécuter des arpèges. Sur les 8 notes de la première mesure, on voit immédiatement que l’on joue une note par corde sur les 6 croches du milieu, chose pas forcément évidente sur la partie en notation traditionnelle. Pour aller dans ce sens on pourrait avoir, pour des notes identiques, une tablature différente privilégiant les arpèges : (Ex002b ­ Nouvelles notes & arpèges.bmp) 5. Inter valles et enhar monies : Les intervalles et les enharmonies sont plus facilement appréciables sur la tablature que sur la portée traditionnelle. En particulier lorsqu’il s’agit d’intervalles altérés ou délimités par des notes altérées. On trouvera plus facilement la taille de l’intervalle en comptant le nombre de cases séparant les deux notes sur une même corde, ou en mémorisant une position de M.G. que l’on a associé à un intervalle particulier sur des cordes différentes. Cela entre en relation avec l’idée de transposition.
18 (Ex006 ­ Intervalles et enharmonies.bmp) 6. Lignes supplémentair es : Les lignes supplémentaires sont souvent un problème pour le musicien qui lit la musique. Le problème est d’autant plus important pour le guitariste qui dispose d’un ambitus très large (à peu près équivalent au violoncelle) mais qui ne dispose que d’une seule clé pour toutes ces notes. D’aucuns diront que cela évite les facéties et problèmes liés aux changements de clés, surtout que le guitariste souffre d’une réputation (plus ou moins justifiée) de piètre lecteur. La tablature permet d’annihiler ces problèmes aussi bien dans le grave que dans l’aigu : (Ex003 ­ Lignes supplémentaires dans le grave et le suraigu.bmp) 7. Les squadr atur es 17 : L’avantage de la tablature est aussi de pouvoir jouer avec n’importe quelle squadrature. En musique ancienne, les accords des instruments variaient souvent, en particulier avec l’ajout de cordes graves. Pour le luth, les systèmes fonctionnaient sur le même accord sol1­do2­fa2­la2­ré3­sol3 mais avec la corde grave en bas pour les systèmes français, allemand et espagnol et en haut pour le système italien. Denis Gaultier introduit un « nouveau ton » (la1­ré2­fa2­la2­ré3­fa3) vers 1650 dans le système français. Pour la guitare, c’est l’accord italien qui est encore aujourd’hui conservé : La 17 Modification de l’accord habituel d’un instrument à cordes permettant ou d’en étendre la tessiture, d’en varier la couleur ou d’en faciliter certains problèmes techniques. Il existe différentes orthographes : scordature, scordatura …
19 grave­ré­sol­si­mi, mais dans le système espagnol, c’est­à­dire avec les graves dans le bas et avec une sixième corde Mi grave (cf. Avant­propos). Aujourd’hui, on retrouve la tonalité d’origine du morceau sur la guitare en abaissant (par exemple) la 3 e corde en Fa# et en utilisant un capodastre en III e case. (Ex004a ­ Squadrature (Lute or Vihuela Tunning).bmp) (Ex004b ­ Squadrature (Open F Tunnig).bmp) 8. Déplacements : La tablature permet également de voir avec plus de rapidité et de précision les déplacements à effectuer sur le manche de la guitare, appelés démanchés. On voit clairement que l’on va de tel endroit, de telle position, de telle case, à tel autre endroit, position ou case. 9. Gammes et positions : La tablature permet de jouer facilement les différentes gammes en en retenant seulement la position sur le manche. On en comprend beaucoup plus facilement le fonctionnement que dans la notation usuelle.
20 (Ex005 ­ Gammes.bmp) 10. Rythmes : Dans les tablatures de musiques actuelles ne comportant pas le double système de notations, il est nécessaire de connaître ou de pouvoir écouter la chanson ou le morceau à exécuter afin de le reproduire. Mais plutôt qu’un inconvénient, cela est d’un avantage certain pour les amateurs, débutants et/ou autodidactes qui ne savent pas déchiffrer une partition ou lire un rythme. Leur seul recours est donc le mimétisme à partir d’un support audio. On remarque d’ailleurs que depuis quelques années déjà, la plupart des méthodes, et pas seulement de tablatures mais celles­ci ont du être d’avant­garde, adjoignent un CD afin que les utilisateurs puissent écouter ce qui leur est proposé par écrit. B. Inconvénients : 1. Elle est quasiment exclusive : La tablature est une représentation visuelle de l’instrument pour lequel elle est écrite, elle n’est pas lisible par n’importe quel autre instrument (hormis ceux de sa famille proche). En ce sens elle n’est pas la musique, elle est seulement un moyen, un intermédiaire. On pourrait dire que le solfège n’est pas la musique non plus, comme toute écriture, mais il a cette dimension universelle qui fait que la musique prend vie à travers lui. Disons que la tablature manque de possibilités d’ouverture si elle est utilisée seule.
21 2. Rythmes : Les tablatures peuvent générer des imprécisions rythmiques : l’espacement entre deux chiffres peut ne pas être aussi proportionnel qu’il devrait et ainsi donner un mauvais rythme. a) (Accordéon_Ex004b ­ Croche pointée­double (tablature seule)_ p.48, mes.1.jpg) b) (Accordéon_Ex006b ­ Imprécision rythmique (tablature seule)_p.18, mes.7.jpg) Pour être sûr du rythme voulu, il faut donc regarder celui du chant : c) (Accordéon_Ex004 ­ Croche pointée­double_ p.48, mes.1.jpg) d) (Accordéon_Ex006 ­ Imprécision rythmique_p.18, mes.7.jpg)
22 La notion de rythme est difficile à connaître sans la ligne du dessus, en particulier ici où nous avons à faire à un manuscrit : (Accordéon_Ex005b ­ Imprécision rythmique (tablature seule)_p.50, mes.1 à 4.jpg) Une fois encore, sans l’apport de la mélodie, le déchiffrage du rythme ne se fait pas de façon immédiate : (Accordéon_Ex005 ­ Imprécision rythmique_p.50, mes.3 & 4.jpg) La chose serait sans doute évitable avec un imprimé édité. Une édition éviterait sans doute aussi de petites différences de concordances/transcriptions pour un même texte : (Accordéon_Ex007 ­ Différences sur une même mélodie_p.50, l.3, mes.1 & 5.jpg) Dans cet extrait, la première mesure et la cinquième sont identiques sur la portée mais dans la tablature, la cinquième mesure comporte un trait de plus après le chiffre 8, ce qui indique une note tenue. Sur une partition de guitare on l’a vu, une même note peut donner dans un même système une tablature différente sans que cela soit une erreur mais plutôt une volonté très précise du compositeur.
23 3. Par cœur : Le fait de pouvoir la déchiffrer facilement peut avoir comme côté pervers de ne jamais rien apprendre par cœur ou peu. Beaucoup d’instruments du reste, souvent ceux de l’orchestre, n’ont pas cette culture de l’apprentissage par cœur. Mais on ne niera pas l’apport évident que celui­ci apporte au service de l’interprétation. 4. Communication & lectur e : Un côté plus pernicieux est aussi à signaler, c’est le fait que l’on finisse par parler uniquement de cases et non plus de notes, et donc de musique. Il faut bien garder à l’esprit quelles notes sont entendues lorsque l’on lit les numéros ou les lettres sur la tablature. Cet élément est renforcé lorsque l’on doit communiquer avec des musiciens pratiquant des instruments différents, le « tablaturiste » ne peut échanger avec eux en invoquant les cases et les cordes qu’il joue, il est donc nécessaire qu’il puisse converser avec eux dans un langage commun. La tablature fut d’ailleurs critiquée pour ne pas former de vrais musiciens et c’est pourquoi elle fut combattue au XVIII e siècle. En effet, les luthistes (amateurs à n’en point douter) finissaient par ne plus savoir lire la musique. 5. Tr anscr iption & polyphonie : Cela pose donc le problème de la transcription. En effet, l’exécution en « legato » était généralement sous­entendue ; la durée exacte d’une note n’était pas déterminée d’une façon précise, pour autant que le luthiste ne retouchât pas la même corde. Dans la polyphonie, les notes à tenir ne sont pas toujours très claires. Il faut donc faire un travail de recherche pour l’interprétation car les voix sont un peu cachées. Ce détail ainsi que les particularités de cette écriture peuvent rendre approximative toute transcription en notation usuelle. Afin d’obtenir la meilleure transcription possible, il faut tenir compte de l’époque et de sa technique de jeu, puis du type d’écriture (purement instrumentale, polyphonique ou par accords à la manière d’une danse, arrangement d’une pièce vocale, etc.). En ce sens, la transcription n’obéit à aucune règle d’ensemble. 18 18 « La tablature de luth » par M.Honegger & W.Boetticher dans Le Dictionnaire du Musicien, les notions fondamentales de Marc Honegger © Larousse / VUEF 2002, p.785
24 6. Doigtés : La tablature ne dit pas quel(s) doigt(s) utiliser pour appuyer dans la ou les cases, même si cela est généralement induit suivant les positions et/ou la succession des cases à jouer. 7. Inter valles : L’inconvénient de la tablature au niveau des intervalles c’est que pour une même tablature peuvent correspondre différents noms d’intervalle. Avec le jeu des enharmonies on peut trouver par exemple pour un intervalle de 1,5 ton des qualifications différentes (tierce mineure, seconde augmentée, quarte sous­diminuée) et le lecteur de tablature peut perdre cette notion.
25 III. Synthèse de mise en pr atique : À partir de l’analyse que nous venons d’effectuer, nous allons maintenant essayer de déterminer dans quelle mesure nous pourrions utiliser ces tablatures dans un contexte pédagogique. Nous allons donc reconvoquer des éléments des parties I & II et en les appliquant à des cas concrets. 1. Pour les débutants : Pour ceux qui commencent l’instrument, la tablature peut être un atout permettant d’obtenir un résultat rapidement. N’est­ce pas d’ailleurs le but premier recherché par l’élève : faire de la musique ? Le solfège est pour le débutant un nouveau langage en soi, et qui dit langage dit apprentissage long. La tablature permet de trouver rapidement comment jouer les notes que l’on apprend et donc d’aller plus vite vers la musique. Nous avons vu qu’un des risques de la tablature était de ne plus lire la musique elle­même, mais de choisir la facilité et de lire uniquement la tablature. Je pense donc qu’il est nécessaire d’associer à chaque fois la tablature avec les notes auxquelles elle est associée. De plus, au cours de son apprentissage, le professeur devra donc être attentif à alterner lecture sur tablature (en notation double) pour faire apprendre de nouvelles notes, de nouvelles positions, de nouveaux accords, etc, et lecture sur le solfège seul, afin de garder contact avec les notes elles­mêmes et leur réalisation directe sur l’instrument. Dans la notation solfégique, il existe des symboles permettant de savoir où jouer la musique sur l’instrument : (Exemple de surplus d'information sur le solfège_2.jpg) En effet, le chiffre entouré désigne la corde sur laquelle jouer, et en cherchant la note on trouve la case ; parfois celle­ci est indiquée par un chiffre romain. Toutefois, cela est utile pour le lecteur expérimenté qui sait déjà où trouver cette note une fois qu’il a repéré la corde concernée. Le débutant devra chercher parfois longtemps avant de trouver ou attendre une indication de son professeur. Le guitariste un peu plus avancé
26 fera souvent l’erreur de jouer la note qu’il voit là où il l’a apprise et jouée le plus souvent, à savoir en première position. La tablature indique une note à jouer à un endroit et pas un autre, ce qui évite toute confusion et/ou perte de temps. De plus, à force d’ajouter des indications sur une seule et même note (hauteur, rythme, nuance, mode(s) de jeu, articulation, phrasé, expression, corde, position, doigtés de M.G. & de M.D., etc.), on finit par surcharger la partition jusqu’à la rendre parfois peu lisible. (Exemple de surplus d'information sur le solfège_1.jpg) 2. Pour l’autonomie : Cette double notation permet aussi à l’élève de progresser tout seul plus facilement. Mr Piat, professeur de basson au C.R.R. 19 de Nantes l’utilise ainsi avec ses élèves : il donne à ses élèves une série de tablatures pour qu’ils puissent eux­mêmes s’en servir lorsqu’ils rencontrent une nouvelle note, ils pourront trouver eux­mêmes comment la jouer grâce à la tablature. Par la suite, on peut imaginer que le déchiffrage de partitions puisse s’effectuer avec une tablature afin de voir les accords ou les démanchés plus rapidement et ainsi gagner du temps dans la première phase d’approche d’une partition. 3. Pour les adultes : Les adultes qui commencent un instrument n’ont pas toujours la patience ni l’envie de passer du temps à l’apprentissage du solfège. C’est un nouveau langage en soi comme une nouvelle langue à apprendre. La tablature permet donc de pallier à ce qui peut représenter une difficulté pour eux, sans pour autant laisser de côté le solfège mais en l’associant à la tablature qui est plus intuitive. 19 Conservatoire à Rayonnement Régional (anciennement C.N.R.)
27 4. Pour les musiques ancienne & actuelle : Il va sans dire que pour comprendre et jouer avec le plus de précision la musique ancienne, il faut se référer aux documents originaux, afin d’obtenir des renseignements sûrs concernant la technique de jeu et la volonté du compositeur. Et c’est dans ce sens que sont allées les recherches ces dernières décennies, menées sur toute la musique du passé, et que l’on a pu découvrir et/ou redécouvrir des œuvres sous un œil nouveau (et une oreille !). Aujourd’hui abondent les ensembles dédiés à la musique médiévale, baroque et de la Renaissance. Or, beaucoup de documents d’époque sont des imprimés de tablatures, preuve s’il en est qu’elle fut très prisée. Cela permet également de connaître la volonté spécifique du compositeur qui désire telle note sur telle corde pour obtenir tel son. Car une des richesses de la guitare, c’est son panel de sons et de timbres différents pour une même note. L’auteur va ainsi écrire un son plus rond pour un passage qu’il souhaite plus chanté ou au contraire écrire une note à un endroit qui sonne moins bien pour salir le son exprès. En ce qui concerne la musique actuelle, elle est aujourd’hui écrite et imprimée en tablature ou en notation double. La tablature reste l’élément de prédilection des guitaristes électriques, et dans l’enseignement elle est incontournable ou presque. Il s’est d’ailleurs développé des logiciels pour ordinateurs spécifiques aux tablatures qui permettent d’avoir la partition sous les yeux, de l’imprimer et de pouvoir l’écouter en suivant son déroulement. On trouve sur internet un nombre incalculable de partitions de tous styles, allant du rock au reggae, du métal à la chanson etc… et les partitions classiques commencent à fleurir également. Preuve que la tablature a pris une place importante dans les éditeurs de partitions, le logiciel Finale lui­même, qui est considéré comme étant un des meilleurs, complet et répandu, a intégré la notation en tablature dans sa palette de possibilité. Dans ses cours, Dominique Morisset, professeur de musiques actuelles au C.R.M. 20 de la Balinière à Rezé, utilise comme support la double notation solfège/tablature, mais il estime que seule la tablature sert car les élèves ne savent pas lire le solfège. À leur décharge, il faut dire qu’il n’y a pas de cours de solfège pour ces élèves concernés. Toutefois, Dominique s’est aperçu que pour certains, la tablature ne leur parlait pas beaucoup non plus et il l’explique par une carence en solfège rythmique. Pour faire face à ce problème, il donne aussi un enregistrement du morceau travaillé. Ce qui lui permet de faire jouer des rythmes complexes (comme ¼ de soupir ­ double 20 Conservatoire à Rayonnement Municipal
28 croche ­ ¼ de soupir ­ double croche dans une rythmique funk), alors que s’il devait le faire déchiffrer sur une partition, ce serait beaucoup plus difficile. Dominique a le souci de laisser à ses élèves une trace écrite, chose qui ne se fait pas systématiquement en musiques actuelles. 5. Or alité : La tablature est un outil qui est extrêmement lié à l’apprentissage par oralité. Le répertoire de l’accordéon par exemple, s’est toujours transmis de façon orale, il est donc tout naturel que cet instrument se soit tourné vers la tablature qui s’est imposée d’elle­ même comme vecteur de cette oralité. En effet, elle ne nécessite pas l’apprentissage du solfège et va donc servir de support pour apprendre le geste instrumental. Reste à la charge du professeur de faire entendre la référence de la musique à reproduire par l’élève, d’en vérifier l’exactitude et de corriger le cas échéant. Erwann Tobie, professeur d’accordéon diatonique au C.R.R.de Nantes, l’explique de cette façon : « L’utilité avec des élèves va être pour ceux qui ont un blocage avec la lecture solfégique ou avec des élèves qui ne connaissent rien au départ, [on] peut les diriger vers la pratique orale. Mais cela demande aussi un peu de temps, une habitude d’écoute et puis de retransmission sur le clavier et l’instrument. Donc l’intérêt des tablatures sera de pouvoir écrire des petites parties d’un morceau. Et le fait de travailler avec un enregistrement à côté qu’on leur fournit, cela permet de faire le lien avec la tablature : ils vont pouvoir se repérer par rapport aux numéros pour les notes, et pour tout ce qui est rythmique, s’ils ne savent pas lire la partition, ils vont pouvoir se repérer par rapport à l’enregistrement. » 21 En effet, dans ses cours, il donne à ses élèves un enregistrement du morceau qu’ils travaillent. Ils ont donc chez eux un moyen de vérifier que ce qu’ils jouent est correct. Les apports sont multiples : l’autonomie, le travail rythmique, le travail d’oreille et/ou d’écoute, la transcription (ou retranscription). 6. Tr anscr iption & r appor t digital à l’instr ument: Erwann Tobie utilise aussi la tablature comme intermédiaire entre l’oralité et la partition solfégique. Cela entre en compte dans la prise de conscience et dans le contact physique avec l’instrument. Il donne la partition en solfège et on demande à l’élève d’écrire la tablature. L’élève doit donc écrire le rapport digital qu’il va mettre en œuvre pour jouer les notes de la partition solfégique, ce qui va l’aider au final à jouer le morceau. Ce rapport physique n’est à mon sens pas à négliger car il permet aussi de 21 Interview d’Erwann Tobie, professeur d’Accordéon Diatonique au CRR de Nantes, le 01­05­07
29 faire le lien avec ce qu’on entend : si le doigt n’est pas au bon endroit, on n’entend pas la même chose. Dans le sens inverse, on travaillera d’abord le morceau par oralité et on passera par la tablature pour ensuite l’écrire en solfège. 7. Cour s collectifs Avec le développement des pratiques innovantes et des classes à maître unique, les cours collectifs commencent à foisonner dans les écoles de musique. Or, dans les cours de solfège, si les instruments sont mélangés et que quelques­uns d’entre eux utilisent leur propre tablature, le suivi de l’ensemble se complique pour le professeur, sans pour autant que cela ne soit pas possible. On peut très bien imaginer que le conducteur d’un morceau d’ensemble soit en solfège et que les parties séparées soient adaptées aux instruments. À charge ensuite au professeur et aux élèves de faire la navette intellectuelle entre les deux systèmes, ce qui pour le cas du professeur peut être un vrai casse­tête… Pourtant à l’époque de l’avènement de la basse continue, le luth et le théorbe étaient des instruments de musique de chambre, et il n’était pas rare de voir apparaître une tablature parmi des voix instrumentales écrites en notation habituelle. 22 En effet, bien qu’elle fut critiquée pour ne pas former de vrais musiciens ne sachant pas du tout ou pas bien lire la musique, à l’époque les luthistes et les théorbistes qui accompagnaient la basse continue savaient tout à fait quelles notes ils jouaient. On peut donc prendre soin à ce qu’il en soit de même pour les élèves. 22 « La tablature de luth » par M.Honegger & W.Boetticher dans Le Dictionnaire du Musicien, les notions fondamentales de Marc Honegger © Larousse / VUEF 2002, p.785
30 Conclusion On l’a vu la tablature portée par son histoire est à la fois universelle, car utilisée par beaucoup d’instruments, et individuelle, car elle est spécifique à une famille d’instruments. Elle a un intérêt certain du point de vue pédagogique et elle peut être réutilisée au cours de différentes phases de l’apprentissage. Pourtant, elle a également des travers qui lui sont préjudiciables, ce qui fait ressortir ses limites. Il apparaît donc que l’on peut l’utiliser mais avec modération, et que dans tous les cas, la double notation solfège/tablature semble être un bon compromis. C’est toutefois au professeur qu’il incombe la tâche d’apprécier dans quelle mesure il peut utiliser cet outil en fonction du ou des élèves qu’il a en face de lui. En effet la tablature ne remplacera pas le professeur et la place qu’il occupe dans l’apprentissage d’un élève. C’est tout ce qui fait l’enjeu et l’intérêt du rapport humain et tout ce qu’on ne comprend que dans un rapport enseignant/apprenant. Il existe pourtant une envolée des multimédias vers l’apprentissage. On ne compte plus les sources disponibles (CD, DVD, logiciels, sites internet…) permettant ou vantant les mérites de telle ou telle méthode pour apprendre tout seul. Mais dans un apprentissage, quelle est la part du professeur et quelle est celle du support (écrit, audio ou vidéo) ? L’un peut­il se passer de l’autre ?
31 Annexes A. F onctionnement de la tablature de Clavecin : J’utiliserai comme ouvrage de référence le recueil double de Michel de SAINT­ LAMBERT : Les Principes du Clavecin et Nouveau Traité de L'Accompagnement du Clavecin de L’Orgue et des Autres Instruments, © Éditions Minkoff, Genève 1974, Réimpression des éditions de Paris, 1702 & 1707, Réimpression de 1986. Dans ce livre, la tablature n’est en fait qu’une portée de 5 lignes avec les notes que l’on connaît en solfège traditionnel, mais qui a la particularité de pouvoir s’écrire en clé d’Ut 1, en plus des clés de Sol et de Fa, et que ces trois clefs peuvent se poser sur toutes les lignes. (Clavecin_Ex001 ­ Clés utilisées.jpg) Les silences sont quasiment identiques : (Clavecin_Ex002 ­ Silences.jpg) , la M.D. joue la tessiture aiguë (appelée ici « Dessus ») et la M.G. la tessiture grave (appelée ici « Basses ») : (Clavecin_Ex003 ­ Tessitures MG & MD.jpg) On a donc deux portées non reliées par une accolade.
32 On retrouve des doigtés pour les deux mains : (Clavecin_Ex004 ­ Doigtés.jpg) et, le clavecin ayant particulièrement le rôle de basse continue à cette époque, on peut retrouver des chiffrages d’accords au­dessus de la portée du bas lorsqu’il accompagne. (Clavecin_Ex005 ­ Chiffrages d'accords.jpg)
33 B. Quelques exemples : 1. L’accor déon diatonique : (Clavier d'accordéon diatonique, Chants de Marins de Bernard Loffet_p.65.jpg)
34 (Jean­François de Nantes, extrait des Chants de Marins de Bernard Loffet_p.04.jpg)
35 Bernard Loffet donne un exemple pour illustrer le système CADB: (Accordéon_Ex002 ­ Dessous le Rosier Blanc_p.01.jpg) 2. Le luth : (Tablature de luth allemande (Hans Neusidler, Nüremberg, 1536) ­ Du son au signe de J­Y.Bosseur_p.57.jpg)
36 Premier imprimé de tablatures pour luth (1507) : (Petrucci, Intrabolatura de Lauto, Libro Primo, Venise, 1507 ­ Du son au signe de J­Y.Bosseur_p.56.jpg)
37 3. L’or gue : (Boumgartner, Buxheimer Orgelbuch (1460) ­ Du son au signe de J­Y.Bosseur_p.59.jpg)
38 (Nicolaus Bruhns ­ Praeludium in e (tablature originale).jpg)
39 (Nicolaus Bruhns ­ Praeludium in e.jpg)
40 4. La guitar e classique: (Fernando Sor ­ Etude en Si m (avec tablatures), 39 progressive solos for Classical Guitar with tablature_p.06.jpg)
41 Transcription d’une mélodie de Joe Dassin : (Joe Dassin ­ Aux Champs Elysées (avec le logiciel Guitar Pro).jpg)
42 5. La guitar e électr ique (musiques actuelles) : (LED ZEPPELIN ­ Stairway to Heaven (Jimmy Page & Robert Plant) ­ Transcription Daniel Pox Pochon, Editions Superhype Pub Inc (1968), Connection (1991)_p.4.jpg)
43 (NIRVANA ­ Come As You Are (Kurt Cobain), extrait du recueil de partition avec tablatures de l’album Nevermind © 1991, EMI Virgin Songs, Inc. and The End of Music_p.18.jpg)
44 6. Diver s instr uments : (Tablature de harpe celtique (Robert ap Huw, XVIIe siècle) ­ Du son au signe de J­Y.Bosseur_p.58.jpg) (Tablature de flûte à bec (T.Greeting, The Pleasant Companion, Playford, 1682) ­ Du son au signe de J­Y.Bosseur_p.57.jpg) (Tablature de basse de viole (M.Agricola, Musica instrumentalis deudsch, Wittenberg, 1529) ­ Du son au signe de J­ Y.Bosseur_p.57.jpg)
45 C. Interview d’Erwann Tobie, professeur d’Accordéon Diatonique au CRR de Nantes, le 01­05­07 : Mathieu Aubron : Bonjour Erwann. Je te resitue un peu le but de mon appel : je suis au Cefedem de Nantes et je fais mon mémoire de fin d’année sur les tablatures. Or au cours de mes recherches, j’ai découvert qu’il en existait pour accordéon et donc j’aurais voulu que tu m’en dises plus sur ces tablatures spécifiques à l’accordéon diatonique. Er wann Tobie : Bonjour Mathieu. Ces systèmes de tablatures ont été mis en place par des musiciens et des enseignants de façon à uniformiser un peu la pratique instrumentale et sa transmission. En effet, l’histoire de l’instrument et son enseignement sont très récentes. […] Le système CADB et le système Corgeron sont utilisés de façon équivalente. […] Le diatonique comporte 2 ou 3 rangées (au niveau de la M.D.) . […] Les emplacements des notes peuvent changer selon les instruments et selon les facteurs d’instrument. […] Cette disposition des notes sur le clavier qui définie quelle note sera jouée sous quel bouton et dans quel sens (tiré ou poussé) s’appelle aussi, et c’est en soi remarquable, la tablature de l’accordéon. […] Ces changements apparaissent plus souvent sur la 3 e rangée. […] Pour en revenir aux tablatures, le petit souci que j’ai rencontré avec des élèves, c’est qu’en travaillant par oralité et avec une tablature, ils ne disposent pas de système de lecture universel par rapport aux autres musiciens. Cela a d’ailleurs été mon cas car à l’âge de 15 ans, je me suis retrouvé à jouer avec des musiciens qui fonctionnaient par oralité ou par partition, et lorsque je devais déchiffrer une partition je ne savais pas comment faire. Il fallait que j’associe chaque note avec un doigt et le marquer en dessous ou de regarder sur un tableau que par exemple le sol est accessible sur le 6 Poussé, et donc on se rend compte que l’on est un petit peu en galère. En ce sens, notre pratique instrumentale est rendu marginale si on ne fait aucun lien avec la notation solfégique. […] Parmi mes élèves qui travaillent sur tablatures, il y en a certains à qui si je leur demande le nom de la note qu’ils viennent de jouer, je peux attendre un quart d’heure avant d’avoir une réponse. M.A. : Oui, je vois, car le problème est le même pour les guitaristes. C’est un peu le côté pervers des tablatures. E.T. : Je pense que c’est très intéressant pour une pratique en autonomie, pour un amateur qui veut rester autodidacte en quelque sorte, cela a quand même un côté confort et ludique. Parce que c’est vrai que l’on peut rencontrer quelques contraintes dans la pratique du solfège. Pourquoi est­ce que les élèves préfèrent la tablature, c’est parce qu’ils ont appris à compter depuis le CP et qu’ils ont seulement à apprendre l’emplacement pour le Poussé et le Tiré, et ils ont juste à lire un numéro donc c’est facile. […] Tandis que le solfège au contraire, c’est un nouvel apprentissage au même titre que l’alphabet… M.A. : …Oui c’est un nouveau langage. E.T. : C’est un nouveau langage, et donc il faut refaire une démarche qu’ils n’ont pas tous envie de faire. […] M.A. : Pour les guitaristes, les tablatures datent de l’époque de la Renaissance et ont évolué jusqu’au système actuel. Ce qui m’intéressait, c’est le fait que l’accordéon ait récupéré le système de tablature, et donc je me demandais pourquoi cette réappropriation de la tablature plutôt que de garder le système de notation traditionnelle ? E.T. : En fait la réponse est entre guillemets très simple, c’est le fait que ce soit une musique populaire, que ce soit de la musique bretonne ou plus largement folklorique, la musique dansante pour faire danser dans les fêtes. Dans tous les cas c’est une musique de tradition orale qui se transmettait d’un ancien aux générations suivantes par le chant souvent, parce qu’une grande partie du répertoire c’est quand même ça. Il y a aussi beaucoup de compositions plus récentes notamment depuis les années 70, mais à la base c’est ça. Donc le système solfégique traditionnel a été un peu en marge pendant toute l’évolution de l’instrument. Les collectes qui on été fait au niveau traditionnel à partir du début du siècle ont été fait surtout par les notables. […] L’accordéon a une connotation folklorique car il est récent si l’on compare à la bombarde par exemple. […] L’accordéon chromatique est l’évolution du diatonique. […]
46 Il s’enseigne sur la principe de la partition de piano en clé de Sol et clé de Fa et si on devait écrire le diatonique en notation solfégique, ce serait la même chose. À la base l’accordéon diatonique se pratiquait surtout en autonomie, car l’enseignement est très récent. Les premiers enseignants à passer leur Diplôme d’État l’ont fait en 1987. M.A. : Oui cela fait 20 ans seulement. E.T. : Oui, donc du coup avant les gens faisaient soit tout seul soit en se donnant des coups de mains entre eux, mais le meilleur moyen c’était quand même de mettre un système de tablature parce la majorité des gens ne connaissaient pas le solfège. M.A. : D’ailleurs sais­tu si ce système de tablature pour accordéon diatonique n’est pas né avec cet enseignement qui est apparu, et donc de la nécessité de fixer les choses et de les transmettre de façon uniforme comme tu le disais tout à l’heure? E.T. : Là je ne sais pas car je n’ai pas connu les débuts de l’enseignement à proprement parlé, mais je pourrais te donner des coordonnées de personne qui ont connu l’apparition des tablatures CADB notamment. M.A. : Oui très bien. Enfin tu m’as donné déjà pas mal d’éléments. Maintenant, ce dont je voudrais que tu me parles, c’est plus la façon dont tu l’utilises dans tes cours et quelle utilité tu as trouvé en particulier avec tes élèves ? E.T. : Si tu veux l’utilité avec des élèves ça va être plus pour ceux qui ont un blocage avec la lecture solfégique ou avec des élèves qui ne connaissent rien au départ, tu peux les diriger vers la pratique orale. Mais cela demande aussi un peu de temps, une habitude d’écoute et puis de retransmission sur le clavier et l’instrument. Donc l’intérêt des tablatures sera de pouvoir écrire des petites parties d’un morceau. Et le fait de travailler avec un enregistrement à côté qu’on leur donne, cela permet de faire le lien avec la tablature : ils vont pouvoir se repérer par rapport aux numéros pour les notes, et pour tout ce qui est rythmique, s’ils ne savent pas lire la partition, ils vont pouvoir se repérer par rapport à l’enregistrement. […] Personnellement, dans un souci d’homogénéité, je pense qu’il est préférable que tout le monde ait le même discours. C’est à dire qu’un élève d’accordéon ne va peut être pas vouloir rester dans un répertoire de musique traditionnelle toute sa vie, il voudra peut­être évoluer vers le jazz, ou aller voir d’autres musiciens. Et s’il ne fonctionne que par tablatures et qu’il n’arrive pas à se débrouiller avec une partition traditionnelle, il ne pourra pas communiquer avec les autres instruments. On pourrait comparer ça avec l’anglais qui permet de communiquer avec tous les pays ; pour la musique c’est un peu la même chose, la tablature va être le langage national d’un instrument et le solfège va être le langage universel de l’ensemble des instruments. Les deux sont intéressants, moi je m’arrange pour qu’ils sachent pratiquer l’ensemble : la notation solfégique, les deux systèmes de tablatures et l’oralité. Les élèves on ne va pas les garder toute notre vie ou toute la leur, donc l’objectif c’est qu’ils puissent être autonomes. M.A. : Oui tu leur donnes aussi des supports écrits en solfège ? E.T. : Oui mais on va l’utiliser dans un premier temps pour la lecture et la pratique orale, et on va pouvoir la remettre en partition après, une fois que l’on aura appris à jouer le morceau. On peut utiliser la tablature dans les deux sens : on donne la partition en solfège et on demande à l’élève d’écrire la tablature, ce qui va l’aider au final à jouer le morceau.;Dans le sens inverse : travailler le morceau par oralité puis passer par la tablature pour ensuite l’écrire en solfège. M.A. : Donc cela constitue un parallèle, un intermédiaire. E.T. : Voilà c’est un parallèle. Je pense que c’est un outil pédagogique. Maintenant sur la pratique de l’accordéon, la tablature a été un outil d’apprentissage quasiment exclusif.
47 Bibliogr aphie A. Livres : Ø Le Petit Larousse 2003 © Larousse/VUEF 2003 Ø Le Petit Robert, Dictionnaire de la Langue Française, Préface de Paul Robert, mars 1977, Présentation du dictionnaire par Alain Rey, © Les Dictionnaires Robert – Canada S.C.C., Montréal, Canada – 1991, © Dictionnaires Le Robert – 1991 Ø ABROMONT Claude & de MONTALEMBERT Eugène, Guide de la Théorie de la Musique, Préface d’Alain Poirier, Collection Les Indispensables de la Musique, Avec la collaboration de Philippe Fourquet, Emmanuel Oriol & Brice Pauset, Éditions Henry Lemoine / Librairie Arthème Fayard 2001 Ø ARNOLD Denis, Dictionnaire Encyclopédique de la Musique, Tome I (de A à K) & Tome II (de L à Z) (sous la direction de), Université d’Oxford, Traduit de l’anglais par Marie­Stella Pâris, Adaptation française par Alain Pâris, Titre original : « The New Oxford Companion to Music », © Oxford University Press, 1983, © Édition Robert Laffont, S.A., Paris, 1988 pour la traduction française et les ajouts, première réimpression de juin 1989 Ø BOSSEUR Jean­Yves, Du Son au Signe (Histoire de la notation musicale), Calligraphies de Roger Druet, © Éditions Alternatives, Paris, 2005 Ø HONNEGGER Marc, Dictionnaire du Musicien (les notions fondamentales) © Éditions Larousse/VUEF 2002 Ø MACHABEY Armand, La Notation Musicale, Collection « Que sais­je ? » Le point des connaissances actuelles N°514, 1 ère édition © 1952, Presses Universitaires de France, 3 e édition mise à jour par Michel Hugo, 1971 Ø MASSIN Jean & Brigitte, Histoire de la Musique Occidentale (sous la direction de), Collection Les Indispensables de la Musique, Nouvelle édition revue et augmentée, © Messidor – Temps Actuels, 1983, © Fayard/Messidor­Temps Actuels, 1985 pour l’édition non illustrée, réédition de septembre 2000 Ø MICHEL François, Encyclopédie de la Musique, Tome III de L à Z (sous la direction de), En collaboration avec François Lesure & Vladimir Fédorov, © Fasquelle éditeurs, Paris, 1961
48 Ø LÉVY Fabien, Les Écritures du Temps (musique, rythme, etc.) (textes réunis par), © L’Harmattan, Ircam / Centre Georges­Pompidou, 2001 Ø RIEMANN Hugo, Dictionnaire de Musique, traduit par Georges Humbert, Troisième édition entièrement refondue et augmentée sous la direction d’André Schaeffner, avec la collaboration de M. Pincherle, Y. Rokseth, A. Tessier, Avant­ propos de la IIIe édition d’A. Schaeffner, Éditions Payot, Paris, 1931 Ø VIGNAL Marc, Dictionnaire de la Musique (sous la direction de), Larousse, Paris, HER 1999 pour la précédente édition, VUEF 2001 pour la présente édition B. Articles de presse : Ø BRAS Jean­Yves, « L’interprète dans la société du XXe siècle », dans Dictionnaire des Interprètes, Robert Laffont, 1995, pp. 112­117 Ø BRETON Pierre, « Le disque, la radio et la télévision », dans Dictionnaire des Interprètes, Robert Laffont, 1995, pp. 146­151 Ø CADIEU Martine, « Les instruments à cordes pincées », dans Dictionnaire des Interprètes, Robert Laffont, 1995, pp. 40­43 Ø CADIEU Martine, « L’interprète et musique d’aujourd’hui », dans Dictionnaire des Interprètes, Robert Laffont, 1995, pp. 95­106 Ø CHOMET Isabelle, « La guitare, instrument de paradoxes » (dossier réalisé sous la direction de), dans La lettre du musicien, 2 e quinzaine de novembre 2003, n°290, p. III à XXXV C. Partitions : Ø ALLARD Maurice, Tablature, Trilles, Gammes Diatoniques et Chromatiques, Collection Le Basson dirigée par Maurice Allard, © 1973 Éditions Gérard Billaudot Ø BACH Jean­Sébastien, Opere Complete Per Liuto, Version Originale, Transcrizione con intavolatura a confronto e revisione di Paolo Cherici, Editzioni Suvini Zerboni, Milano, 1980 Ø BOCQUET Pascale, Approche du Luth Renaissance, Édition personnelle, ???
49 Ø BOLT Ben, 39 progressive solos for Classical Guitar with tablature Book II, © 1991 Cherry Lane Music Company, Inc. Ø BROUWER Léo (1939), La Espiral Eterna (1971), Schott Musik Internationnal, Mainz, 1973 Ø BRUHNS Nicolaus, Sämtliche Orgelwerke, Herausgegeben von Klaus Beckmann, Breitkopff & Härtel, Wiesbaden, Edition Breitkopf Nr. 6670 © 1972 Ø LED ZEPPELIN, Stairway to Heaven (Jimmy Page & Robert Plant) ­ Transcription Daniel Pox Pochon, Editions Superhype Pub Inc (1968), Connection (1991) Ø LOFFET Bernard, Chants de Marins, Recueil de tablatures pour accordéon diatonique, Éditions Bernard Loffet, Caudan, 1991 Ø NIRVANA ­ Come As You Are (Kurt Cobain), extrait du recueil de partition avec tablatures de l’album Nevermind © 1991, EMI Virgin Songs, Inc. and The End of Music Ø SAINT­LAMBERT Michel de, Les Principes du Clavecin & Nouveau Traité de L'Accompagnement du Clavecin de L’Orgue et des Autres Instruments, Réimpression des éditions de Paris, 1702 & 1707, © Éditions Minkoff, Genève 1974, Réimpression de 1986 Ø SWEELINCK Jan Pieterszoon, Opera Omnia, Edito altera quam edendam curavit, Vereniging voor nederlandse muziekgeschiedenis, Vol. I The Instrumental Works, edited by Gustav Leonhardt, Alfons Annegarn & Frits Noske, © 1968 by Gustav Leonhardt, Alfons Annegarn & Frits Noske, Library of congress catalog card N°68­ 58529 D. Sites Internet : Ø Site de Wikipedia, projet d'encyclopédie librement distribuable que chacun peut améliorer : http://fr.wikipedia.org/wiki/Accueil Ø Site de l'association "Société Française de Luth" : http://www.sf­luth.org/ Ø Site du luthier Bernard Loffet : http://diato.org/
50 Table des Matières INTRODUCTION.......................................................................................................1 I. APPROCHE THEORIQUE : .............................................................................2 A. DEFINITION : ......................................................................................................2 B. HISTORIQUE : .....................................................................................................3 C. FONCTIONNEMENT :............................................................................................4 1. Instruments à vent :........................................................................................5 2. Instruments à clavier : .................................................................................10 3. Instruments à manche : ................................................................................12 II. CRITIQUES & CONTROVERSES: ............................................................16 A. AVANTAGES :...................................................................................................16 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. Immédiateté : ...............................................................................................16 Connaissance du manche :...........................................................................16 Transposition et barrés : ..............................................................................17 Nouvelles notes et arpèges: ..........................................................................18 Intervalles et enharmonies : .........................................................................18 Lignes supplémentaires : .............................................................................19 Les squadratures : ......................................................................................19 Déplacements : ............................................................................................20 Gammes et positions : ..................................................................................20 Rythmes : .................................................................................................21 B. INCONVENIENTS : .............................................................................................21 1. Elle est quasiment exclusive :.......................................................................21 2. Rythmes : .....................................................................................................22 3. Par cœur : ...................................................................................................24 4. Communication & lecture : ..........................................................................24 5. Transcription & polyphonie : .......................................................................24 6. Doigtés : ......................................................................................................25 7. Intervalles : .................................................................................................25 III. SYNTHESE DE MISE EN PRATIQUE :.....................................................26 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Pour les débutants : .....................................................................................26 Pour l’autonomie :.......................................................................................27 Pour les adultes : .........................................................................................27 Pour les musiques ancienne & actuelle : ......................................................28 Oralité : .......................................................................................................29 Transcription & rapport digital à l’instrument: ...........................................29 Cours collectifs............................................................................................30 CONCLUSION .........................................................................................................31 ANNEXES .................................................................................................................32 BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................48
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