Indications pour le jury

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Indications pour le jury
Histoire des arts : Get Up, Stand Up ! de Bob Marley (1973).
Il s’agit d’une chanson de reggae, écrite en 1973 par Bob Marley et Peter Tosh, deux figures emblématiques du reggae et du mouvement Rastafari.
Le reggae est un genre musical qui émerge dans les années 1960 en Jamaïque. Il est le fruit du mélange du ska et
du rocksteady, de musique traditionnelle africaine et des musiques coloniales blanches qu’on faisait jouer aux esclaves
noirs. Le reggae est facilement reconnaissable par sa rythmique très caractéristique : un tempo plutôt lent, et des
accents (temps forts) sur les 2e et 4e temps (à contretemps).
Cette chanson est l’une des plus connues du Bob Marley
(elle est jouée à chacun de ses concerts. . .). Elle est maintenant l’hymne d’Amnesty International, ONG qui œuvre pour
le respect, la défense et la promotion des droits humains.
Son titre est une exhortation à lutter, à protester (sens figuré
des verbes), à se dresser contre quelque chose : il s’agit de
« réveiller » ses auditeurs (c’est-à-dire de leur faire prendre
conscience de quelque chose) et de les pousser à (utilisation d’un double impératif) s’ériger contre quelque chose.
Structure musicale :
• Le morceau commence avec une courte introduction de percussions digitales (jouées avec les
mains et les doigts), typiques des percussions africaines et caribéennes, et de percussions
aux sonorités plus métalliques, jouées avec des baguettes : l’instrumentation évoque donc
déjà un certain métissage musical, et met en valeur le contraste entre la douceur des peaux et
l’agressivité des sons métalliques.
• La guitare basse et la guitare électrique entrent juste après ; la batterie (avec ses cymbales et
sa grosse caisse) marque le 2e et le 4e temps : c’est la mise en place de la rythmique reggae.
• Les paroles s’ajoutent enfin, avec deux voix d’homme. Les autres instruments (clavier notamment, ainsi que les autres percussions) se font également entendre. Les premiers mots
reprennent le titre et ajoutent une première information — « stand up for your rights » — il
s’agit de protester pour revendiquer ses droits. Dès la première phrase, nous entrons dans la
catégorie des Protest Songs, c’est-à-dire de la chanson engagée.
• Le 1er couplet apporte un nouveau changement : il n’y a plus qu’une seule voix d’homme,
celle de Bob Marley.
• La structure propose une alternance entre couplets (1 voix + accompagnement) et refrain
(2 voix + accompagnement), l’un des couplets est chanté par Peter Tosh, et dans ce couplet
un seul vers — Almighty God is a living man — sera chanté à deux voix.
• La mélodie et la rythmique sont répétitives : nous entendons une carrure de 4 mesures, ellemême constituée de 2 mesures sans cesse répétées (ce sont des riffs instrumentaux et vocaux)
et improvisations courtes dans l’accompagnement.
Extrait de partition : chant, basse et batterie
Chant
Basse
Chant
3
Get up,
Basse
Get up,
stand up
stand up
Don't give
for
your right
Stand up
up
the fight
Les paroles :
1er couplet : Bob Marley commence par interpeller directement un prêcheur (prêtre). Il remet en
question la conception chrétienne du monde (le paradis « sous terre », c’est-à-dire après la
mort), imposée aux Noirs depuis la colonisation. Bien qu’influencée par la Bible (Ancien
Testament), la culture rastafarienne remet en cause des passages qu’elle considère comme
écrits à l’avantage des Blancs : ici, Marley réaffirme l’importance de la vie terrestre, le paradis étant décrit comme une arme qui permet d’asservir les Noirs en leur promettant une vie
éternelle dépourvue d’injustice. . . mais seulement après leur mort.
Ce premier couplet est donc engagé contre le pouvoir « spirituel » exercé par les Blancs
contre les Noirs, pouvoir exercé avec la complicité de la religion imposée. On retrouve cet
élément dans d’autres œuvres d’art, comme le film 12 Years A Slave de Steve McQueen
(2013) (DVD : Chap. 9) 54e et 55e minutes : on y montre l’utilisation de l’Évangile pour justifier à la fois l’esclavage, l’obéissance et les châtiments corporels en cas de désobéissance.
2e couplet : Même thématique mais Bob Marley ne s’adresse plus à celui qui prétend répandre la
parole divine, mais à la communauté des croyants, potentiellement nous tous. Après s’être
opposé aux prêcheurs, il s’adresse à nous pour nous dire de ne pas attendre l’arrivée d’un
Dieu venu du ciel : c’est à nous de nous battre pour nos droits, ici, sur terre. Il se positionne
lui-même comme un prêcheur, celui qui nous apporte la lumière (Now you see the light),
nous guide vers la vérité, différente de celle décrite par le prêtre.
Refrain : Le refrain est ici est différent de celui du début : nous entendons de nombreuses interventions de Bob Marley pendant les silences laissés par les choristes qui scandent le refrain.
Ses interventions vont progressivement glisser de la chanson vers la prière, avec de nombreux
appels à Dieu — « Jah », ou « Lord ». Jah est le nom de Dieu dans la foi rastafarienne ; c’est
le diminutif de Jaweh (Yahvé) en hébreu. N.B. : Les Rastafaris considèrent Hailé Sélassié Ier
d’Éthiopie comme un prophète (Messie), pas comme Dieu.
le 3e et dernier couplet est le plus virulent : il annonce le ras-le-bol des schismes, qu’il présente comme de simples « querelles de chapelles » (schism game) qui provoquent « guerres
saintes » où les gens meurent au nom de Jésus (dying and going to heaven in Jesus’ name). Il
dénonce également le mensonge des religions qui font passer pour volonté divine ce qui n’est
que la volonté des hommes (Almighty God is a living man), et de ce fait trompent (fool) les
gens. Les Rastas rejettent tout le vocabulaire en -isme, comme capitalisme, communisme,
christianisme, etc. Ces concepts sont vus comme inspirés par « Babylone » (symbole du
Mal).
Dans sa chanson Babylon System, Bob Marley donne une définition allégorique de ce que représente Babylone pour les membres du mouvement rastafari :
« Le système babylonien est le vampire
Qui suce le sang de ceux qui souffrent,
Qui construit des églises et des universités,
Qui trahit le peuple continuellement ;
Voleurs et assassins, je vous le dis,
Regardez maintenant : ils sucent le sang de ceux qui souffrent.
Dites la vérité aux enfants,
Dites la vérité aux enfants. »
Conclusion :
Il s’agit d’une Protest Song plutôt originale : elle ne dénonce pas simplement les exactions de
l’État, du pouvoir politique, et ses lois injustes (apartheid en Afrique du Sud, ségrégation aux ÉtatsUnis. . . tous sont des sujets d’actualité à l’époque de la chanson), mais elle dénonce également son
emprise sur les esprits, c’est-à-dire dans le domaine spirituel. C’est cette emprise psychologique
sur les peuples (grâce à la religion imposée aux populations noires depuis la colonisation) qu’il
entend combattre, et qu’il exhorte le peuple noir à combattre avec lui.
La chanson n’est pas exempte d’une certaine ambiguïté : à la fois très critique envers la religion
chrétienne (ou du moins envers ceux qui en sont les représentants auto-proclamés), elle glisse progressivement, et se termine plus proche du chant liturgique (avec ses appels à Dieu, Jah) que d’une
simple chanson protestataire. C’est une invitation à rejoindre le mouvement rastafari, caractérisé
par sa soif de liberté, de vie en harmonie avec la nature (végétarisme), et de non-violence (vœu de
ne jamais rien couper, d’où les dreadlocks), soucieux du bien-être de l’humain ici sur terre, de son
vivant. . .
« Émancipez-vous de l’esclavage mental
Vous seuls pouvez libérer votre esprit.
(...) Nous devons accomplir ce qui est écrit dans le Livre.
Chanterez-vous avec moi
Ces chansons de liberté ? »
Bob Marley — Redemption Song
Contexte historique international de l’œuvre :
• 1930 : Tafari Makonnen, le Ras Tafari (le mot Ras signifie « tête » en langue amharique, et
par extension c’est un titre qui désigne le chef), est couronné Empereur d’Éthiopie sous le
nom de Hailé Sélassié Ier. Il serait le descendant de la lignée du Roi Salomon et de la Reine
de Saba (cf. Cantique des Cantiques dans l’Ancien Testament.) Il est considéré comme un
prophète par les Rastas, celui qui libèrera et fédèrera le peuple Noir.
• 1940 : Décès de Marcus Garvey (dit « Moïse ») prophète jamaïcain à l’origine du mouvement
Rasta.
• 1945 : Naissance de Robert (Bob) Nesta Marley le 6 février à Nine Miles, en Jamaïque.
• 1962 : Nelson Mandela, qui lutte contre l’Apartheid en Afrique du Sud, est condamné à la
prison à vie. La Jamaïque, ancienne colonie britannique, devient indépendante.
• 1963 : Hailé Sélassié Ier fonde l’Organisation de l’Unité Africaine en présence de presque
tous les chefs d’États africains. Aux États-Unis, Martin Luther King prononce le discours
I Have a Dream devant le Lincoln Memorial à Washington DC.
Naissance du groupe The Wailers fondé par Bob Marley, Peter Tosh et Bunny Wailer.
• 1965 : Malcolm X, prêcheur musulman Afro-Américain, est assassiné par 3 fanatiques de
Nation of Islam, organisation qu’il a quittée un an plus tôt.
• 1966 : Hailé Sélassié Ier est en visite officielle à Kingston, capitale de la Jamaïque.
• 1967 : enregistrement de Sélassié is the Chapel : le groupe s’engage dans la voie des Rastas.
• 1968 : Assassinat de Martin Luther King.
• 1972 : le producteur Chris Blackwell, du label Island Records, propulse le groupe sur la
scène internationale.
• 1973 : sortie de l’album Burnin’ : Get Up Stand Up, I shot the Sheriff, etc.
• 1975 : sortie de l’album Natty Dread (avec des titres comme No Woman No Cry) : révélation
du message Rasta aux jeunesses opprimées du monde entier ; Bob acquiert sa dimension
prophétique.
• 1976 : Bob est attaqué avec sa famille chez lui, à Kingston. Il quitte la Jamaïque pour aller
aux Bahamas.
• 1978 : sortie de l’album Kaya. Bob rentre en Jamaïque. Peace Concert : Bob fait monter sur
scène les deux opposants politiques de l’île à l’origine des combats armés dans les rues des
ghettos.
• 1979 : sortie de l’album Survival : création la plus engagée de Bob, où le chanteur appelle
le Tiers-Monde à se rassembler, et dénonce la corruption des politiciens. Sortie de Uprising,
son dernier album, avec les titres Could you be loved et Redemption Song. . .
• 1980 : Bob est pris de malaises après ses concerts à New York.
• 1981 : il meurt à Miami, le 11 mai.
Paroles de la chanson :
1
4
7
10
13
16
19
22
25
28
31
34
37
Get up, stand up ! Stand up for your right ! (3x)
Get up, stand up ! Don’t give up the fight !
Preacher, man, don’t tell me,
Heaven is under the earth
I know you don’t know
What life is really worth
It’s not all that glitters is gold
Half the story has never been told
So now you see the light, eh !
You stand up for your right
Come on !
Get up, stand up ! Stand up for your right ! (3x)
Get up, stand up ! Don’t give up the fight !
Most people think
Great God will come from the sky,
Take away everything
And make-a everybody feel high
But if you know what life is worth,
You will look for yours on earth
And now you see the light,
You stand up for your rights, Jah !
Get up, stand up (Jah, Jah)
Stand up for your right (Oh, hoo)
Get up, stand up (Get up, stand up)
Don’t give up the fight (Life is your right)
Get up, stand up (So we can’t give up the fight)
Stand up for your right (Lord, Lord)
Get up, stand up (Keep us struggling on)
Don’t give up the fight, yeah !
We sick an’ tired of your ism-schism game
Dyin’ ’n’ goin’ to heaven in-a Jesus’ name, Lord
We know when we understand
Almighty God is a living man
You can fool some people sometimes,
But you can’t fool all the people all the time
So now we see the light (What you gonna do ?)
We gonna stand up for our rights (Yeah, yeah, yeah !)
Traduction des paroles proposée par M. Morin :
1
4
7
10
13
16
19
22
25
28
31
34
37
Debout ! Lève-toi ! Bats-toi pour tes droits !
Debout ! Lève-toi ! N’abandonne pas le combat !
Prêtre, ne me dis pas
Que le paradis est sous terre
Je sais que tu ne sais pas,
Ce que la vie vaut vraiment
Tout ce qui brille n’est pas or,
La moitié de l’histoire n’a jamais été racontée
Alors maintenant que tu vois la lumière, hé !
Bats-toi pour tes droits !
Allez !
Debout ! Lève-toi ! Bats-toi pour tes droits !
Debout ! Lève-toi ! N’abandonne pas le combat !
La plupart des gens pensent
Que le Bon Dieu viendra du ciel
Emportera tout
Et que tout le monde se sentira bien
Mais si tu connais la valeur de la vie
Tu chercheras la tienne sur terre
Et maintenant que tu vois la lumière
Bats-toi pour tes droits, Jah !
Debout ! Lève-toi ! (Jah, Jah !)
Bats-toi pour tes droits ! (Oh-hoo !)
Debout ! Lève-toi ! (Debout ! Lève-toi !)
Continue le combat ! (Vivre est ton droit !)
Debout ! Lève-toi ! (Nous ne pouvons abandonner le combat !)
Bats-toi pour tes droits ! (Seigneur ! Seigneur !)
Debout ! Lève-toi ! (Aide-nous à continuer le combat !)
Continue le combat ! (Ouais !)
Ras-le-bol de vos schismes et autres -ismes
Mourir et aller au paradis au nom de Jésus, Seigneur !
On sait quand on comprend
Que Dieu Tout-Puissant est un simple vivant
Vous pouvez tromper certains, parfois. . .
Mais pas tromper tout le monde, tout le temps !
Alors maintenant que nous voyons la lumière (Qu’allez-vous faire ?)
Nous allons nous battre pour nos droits ! (Ouais, ouais, ouais !)