Les pratiques culturelles des adolescents

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Les pratiques culturelles des adolescents
Compte-rendu de l’intervention de Hélène Sagnet lors du colloque « Littérature de
jeunesse et lecture des adolescents » (CRDP Amiens 16/10/2008)
Les pratiques culturelles des adolescents : la place de la lecture
Hélène Sagnet, directrice de l’association Lecture-jeunesse
Quels sont les enjeux de la lecture pour adolescents ?
O. Donnat s’est interrogé : « Peut-on identifier à l’échelle de la population française des
ensembles de connaissances, de goûts et de comportements culturels suffisamment
homogènes et stables pour caractériser le rapport à la culture de certaines catégories de
population ? »
D. Pasquier : homogénéisation (moyennisation) des cultures des adolescents autour de la
culture médiatique. Culture médiatique se transmet horizontalement par les pairs (amis) plutôt
que verticalement (parents). Il faut réfléchir ici en terme de génération plutôt que par tranche
d’âge.
Bibliographie :
D. Pasquier Culture lycéenne : la tyrannie de la majorité
V. Le Goaziou Lecteurs précaires. Des jeunes exclus de la lecture
S. Octobre Les loisirs culturels des 6-14 ans
C. Baudelot, C. Detrez, M. Cartier Et pourtant ils lisent
O. Donnat Les français et la culture.
D’après une enquête de la DLL (Direction du Livre et de la Lecture) et du CNL (Centre
National du Livre) :
Les loisirs des jeunes : télévision, musique, jeux vidéo, Internet, sport et lecture (qui arrive en
7ème position). La lecture est une activité parmi d’autres. Les activités en tête de liste sont les
activités tournées vers l'extérieur, vers la société. Pour les jeunes, le défaut du livre : il n’est
pas objet de sociabilité. A partir de la classe de 6ème, les jeunes écoutent plus de la musique, la
radio. A l’école primaire, la lecture tient une place beaucoup plus importante. Il reste une
différence entre les filles et les garçons sur les pratiques de lecture : les filles lisent plus que
les garçons. On remarque également un décrochage en classe de 5ème de la lecture.
L’adolescence c’est le temps des sociabilités, le temps des copains (cela devient une pratique
en soi). A l’adolescence, il y a la hantise d’être seul, besoin d’être en groupe. Le groupe est
important pour la construction de son identité, « avec qui on fait…. ».
Importance de la culture du son : musique, radio (plus de 2 heures par jour)
Musique : l’écoute se fait seul ou en groupe, ils échangent de la musique ou à propos de la
musique, ils adoptent des attitudes vestimentaires. La musique est un vecteur identitaire et de
sociabilité. Il faut avoir un style musical.
Radio : La « libre antenne » représente un espace d’expression ouvert, transgressif mais aussi
est support d’identité. Les radios sont prescriptives. Elles participent à l’homogénéisation des
goûts des jeunes (rap, Rn’B)
Culture de l’écran « Digital natives » (M. Prensky). Usage mobile et individualisé des
écrans. Pour eux, ce ne sont pas de « nouvelles » technologies mais des objets du quotidien
car cette génération des 15-20 ans aujourd’hui est née avec les TIC. Le livre n’est plus
l’unique objet de sociabilité et de connaissance. Les écrans modifient :
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-
leur rapport au temps (immédiateté, temps élastique, zapping), la lecture demande trop de
temps pour eux
leur rapport à l’écrit (dématérialisation, Roger Chartier)
leur rapport à la connaissance. Aujourd’hui, on peut faire plusieurs choses en même temps
et savoir un peu sur tout. Les adolescents sont poly actifs. Les TIC permettent d’avancer
par tâtonnement (inductif), système d’essais-erreurs. Les TIC permettent une autre
construction du savoir. Les adolescents ont inventé des usages de sociabilité par les TIC
avec les SMS, MSN et les blogs. Le livre n’est plus le seul objet de culture.
Le rapport à l’image de soi est modifié, ils ont plusieurs images d’eux-mêmes : Avatars,
pseudos. Les jeunes montrent plusieurs facettes de leur identité par la création d'une
identité différente dans le virtuel (S. Tisseron). Objectif : se faire remarquer et non donner
une image de soi vraie. Excessif.
Le rapport aux images elles-mêmes a changé : les adolescents sont aussi producteurs
d’images, créateurs d’images. On peut voir ici la dimension créative de l’adolescence.
La génération Internet est celle qui a le taux de connexion le plus important : temps moyen de
connexion à 32 heures par mois.
Taux de connexion au Web par tranche d’âge :
13-17 ans 82%
18-24 ans 81%
25-34 ans 59%
Activités des 13-17 ans :
1. Consulter un blog est une pratique évidente pour l’adolescent
2. Messenger, messageries instantanées plutôt que d’utiliser le mail
3. Chat
4. Jeux en réseau
5. Téléchargement
Internet est un média en concurrence avec la télévision, la radio et le cinéma.
Les TIC permettent une plus grande autonomie familiale (culture de la chambre), amitié,
amour.
Ces nouvelles sociabilités des adolescents créées par les TIC ont mis en évidence plusieurs
choses :
• sur le plan familial : une autonomie relationnelle, culture de la chambre
• sur le plan amical : être ensemble tout le temps, être avec ses amis à distance.
Le phénomène des blogs : espace de communication et de production de contenu, ils
permettent de réinventer les rapports avec l’écrit. Skyblog : 18700000 blogs, 9100000 profils,
6000 nouveaux blogs par jour
Avec Internet, un fossé se creuse entre les pratiques des adolescents chez eux et celles de
l’école.
Rapport à la lecture (livres, BD, presse…)
Journal : objet familial donc familier. L’acte de lire s’applique à beaucoup d’objets plutôt que
la lecture du livre lui-même : pratique de la lecture BD et de la presse, notamment la presse
locale qui est un objet familier pour l’adolescent.
Recul du livre concerne tous les âges pas seulement les jeunes, car il y a une augmentation
des loisirs concurrents et une baisse de la lecture légitime.
Les femmes lisent plus que les hommes. Médiateurs du livre sont surtout des médiatrices.
Le recul de la lecture peut être rapproché d’une forme de défiance par rapport à l’école et au
livre. L’unique sollicitation à la lecture se fait par l’école. La lecture est une activité pour les
bons élèves. D. Pasquier explique que la lecture est considérée comme « un truc de
bouffons ». Les façons de lire évoluent entre le collège et le lycée. Elle est perçue comme
lecture d’obligation, contrainte et forcée. 15 à 30% des ados ne lisent jamais en dehors de
l’école on parle de lecture utilitaire (pour avoir le bac): "pratique sans croyance"
(Baudelot).
Les auteurs préférés des jeunes sont Tolkien, S. King, A. Christie, Shakespeare.
Comment choisissent-ils leurs livres ? D’après la DLL, une importance est accordée à l’objet
livre par sa couverture qui détermine le choix. Viennent ensuite le conseil des amis, les
articles dans les journaux, les conseils des parents, les conseils des profs. L’enquête révèle
que les acquisitions de livres sont différentes : cadeaux, achetés, empruntés en bibliothèque.
Que lisent-ils ?
- Des romans : Fantastique, fantasy, héroïc-fantasy, SF (texte engagé qui interroge le
fonctionnement politique), des récits de vie. Pourtant, ce sont des genres qui imposent des
codes de lecture. Ils lisent rarement une littérature légère.
Importance de la possible identification au personnage.
Prix Goncourt des lycéens: souvent des textes durs, noirs, sur la question des origines et la
construction des identités.
- Des BD : cette pratique de la lecture de bande dessinée différencie les filles et les garçons,
elle recule avec l’âge.
- Des mangas : c’est un phénomène de lecture nouveau, inconnu et incompris des parents et
à un prix de vente abordable. Autant de garçons que de filles lisent les mangas. Les
mangas sont des vecteurs de sociabilité (possibilité d'échanges…), ils forment une culture
à part entière : des dessins animés y sont associés, une mode, des musiques. Il y a une
forte identification aux personnages. Le schéma narratif est simple, centré sur la
psychologie des personnages. Ils font référence à une autre culture, à une autre
philosophie de la vie (littérature post-atomique : comment apprendre à vivre ensemble ?).
Les codes graphiques privilégient souvent l'expressivité au réalisme. Pas de représentation
des parents dans les mangas. Lecture rythmée. Série.
- Des périodiques : leur choix est libre, ils peuvent lire à plusieurs, échanger autour de ce
qu’ils ont lu.
Conclusion : La culture des jeunes est éclectique, omnivore. Les livres n’y tiennent pas une
grande place. Il faut travailler autour de la désacralisation du livre., créer plus de sociabilité
autour des livres, partir des centres d’intérêt des adolescents pour les faire lire et réintégrer le
livre dans leurs centres d’intérêt.
Rendre le livre familier. Lecture à haute voix.
http://croqueuse2livres.skyrock.com/
http://www.mag-a-lire.info/wordpress/
http://www.lecturejeunesse.com/index1024.php?page=presentation
http://www.livres-a-gogo.be/