Les transferts d`argent des migrants
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Les transferts d`argent des migrants
TECHNIQUES FINANCIÈRES ET DÉVELOPPEMENT N°114 - Mars 2014 Les transferts d’argent des migrants Enjeux et impacts sur le développement A propos d’Epargne Sans Frontière Dossier : Les transferts d’argent des migrants : Enjeux et impacts sur le développement Tribune Jean-Marc Châtaigner La réduction du coût des transferts de fonds des migrants comme objectif de développement Stéphane Gallet, Saïd Bourjij Les activités de l’Agence française de développement en matière de soutien à l’investissement productif des diasporas Virginie Lucas Réflexions sur l’épargne au service du développement en Afrique Alain Le Noir Réduire les coûts des transferts de fonds : au-delà de la transparence, encourager l’innovation et faciliter l’adoption des nouveaux modes d’envois et de bi-bancarisation Frédéric Ponsot Comprendre le fonctionnement des hawalas : pour une meilleure régulation Ismael Mahamoud Réaliser des transferts depuis l’Afrique du Sud : un chemin semé d’embûches Mélanie Kuhn-Le Braz Les transferts de fonds des migrants aux Comores Abdou Katibou Revue trimestrielle éditée par Epargne Sans Frontière Notes de lecture Alternatives Internationales Hors-série n°013 - Mai 2013 « L’Afrique qui bouge », et Alternatives Internationales Hors-série n°014 - Janvier 2014 « Quel monde en 2014 ? : Afrique subsaharienne » Philippe Coquart Numéro publié avec le concours du ministère des Affaires étrangères et de l’Agence française de développement Philippe Hugon, Mémoires solidaires et solitaires Trajectoires d’un économiste du développement Michel Vernières Prix au numéro: individus 15€ ; institutions 31€ Abonnement annuel : individus 53€ ; institutions 107€ Epargne Sans Frontière 9 rue Saint-Augustin - 75002 Paris - France +33(0)1 48 00 96 82 - [email protected] www.epargnesansfrontiere.org TFD n°114 RÉSUMÉS / ABSTRACTS La réduction du coût des transferts de fonds des migrants comme objectif de développement Reduction of remittance costs as development goal Stéphane Gallet, ministère des Affaires étrangères, Saïd Bourjij, Epargne Sans Frontière L’importance des flux de transferts de fonds des migrants au départ de la France, principalement vers l’Afrique, a conduit très rapidement à la mise en place d’une réflexion et d’une stratégie en matière de diminution du coût des transferts. L’objectif premier de la baisse de ces coûts est de favoriser le développement de l’investissement productif (individuel ou collectif) au profit du développement local des pays d’origine, dans le cadre d’une dynamique concertée et pluri-acteurs. The importance of migrant’s remittances from France and mainly to Africa led rapidly to a thinking and a strategy to reduce the cost of sending money for migrants. The main objective of the reduction of these costs is to promote productive investment (individual and collective) towards local development in the countries of origin under a concerted and multi-stakeholder dynamic. Les activités de l’Agence française de développement en matière de soutien à l’investissement productif des diasporas The French Development Agency’s activities in sustaining diasporas’ productive investment Virginie Lucas, Agence française de développement Depuis les années 1990, la France est précurseur dans la mise en œuvre d’une approche originale, reconnaissant les migrants comme de véritables « acteurs » du processus de développement. L’Agence française de développement (AFD) est un des principaux opérateurs de cette politique publique liant mobilités et développement. Dans les pays du Sud, des politiques publiques d’implication de la diaspora dans le développement du pays commencent à se développer mais avec plus ou moins de succès. Depuis 2006, la communauté internationale aborde cette dialectique principalement à travers la diminution du coût de transferts de fonds et l’amélioration de l’accès aux services financiers par les diasporas qui représentent donc un véritable enjeu de développement. L’AFD a développé particulièrement ses appuis aux investissements productifs (individuels et collectifs) dans les pays d’origine des diasporas les plus représentées en France et les plus « agissantes » en matière de coopération : une première génération de projets a concerné le Maroc dès les années 2000, et une seconde, en cours de montage, concerne la bi-bancarisation au Cameroun, au Mali et au Sénégal dans la suite des travaux réalisés avec la Banque africaine de développement et Epargne Sans Frontière notamment. Au final, c’est un plaidoyer pour la bi-bancarisation qui ressort de ces expériences pilotes et du dialogue avec les partenaires publics et privés impliqués dans les pays d’origine et de résidence. Since the 90’s, France has implemented a leading and original approach which consists in considering migrants as real stakeholders in the development process of their countries of origin. The French Development Agency (AFD) is one of the main operators in this particular public policy domain of establishing a connection between migration and development. In southern countries, public policies involving their diaspora have begun to expand, albeit with mixed success. Since 2006, the international community has addressed this dialectic question mainly through reduction of remittance costs and improvement of diasporas’ access to financial services, both of these items therefore representing a real issue for development of recipient countries. AFD particularly has set up supports to individual and collective productive investments in countries of origin of the main diasporas who live in France and are the most active in the cooperation field. Since 2000, a first generation of projects have had to do with Morocco ; a second one, which is being implemented, supply of classic linked bank account (« bi-bancarisation ») products in Cameroun, Mali and Senegal in the wake of research mainly conducted by the African Development Bank and Epargne Sans Frontière. By the end, these pilot programs and dialogues with concerned public and private partners in the migrant’s countries of origin and of residence strongly advocate for support of the « bi-bancarisation » process. TFD n°114 Réflexions sur l’épargne au service du développement en Afrique Reflexions relating to the question of savings for support of Africa’s development Alain Le Noir, Finances Sans Frontières, Club des dirigeants des banques et établissements de crédit d’Afrique L’investissement, nécessaire au développement de l’Afrique, suppose l’existence d’une épargne suffisante. Or les revenus du continent restent faibles rendant nécessaire l’appel à l’épargne des autres continents sous la forme de subventions ou, le plus souvent, de prêts. Cette situation met l’Afrique sous la dépendance de ses prêteurs comme l’est tout débiteur vis-à-vis de son créancier. Dès lors, il est nécessaire d’encourager les transferts vers leurs pays d’origine des Africains installés durablement ou temporairement hors de l’Afrique. Le niveau de ces transferts dépend des facilités (réseau d’agences), des incitations (taux d’intérêt) et de l’utilisation de cette épargne (investissements sociaux et productifs). La création de banques africaines en France permettant la collecte de l’épargne des diasporas, et la mise en place, dans chaque pays d’accueil, de banques d’investissements des petites et moyennes entreprises (PME) sont des moyens indispensables pour permettre un niveau suffisant de collecte de l’épargne et sa transformation en investissements productifs. Ceci suppose l’adhésion de tous les acteurs politiques et économiques concernés par un développement durable du continent. Investment which is a necessity for Africa to get developed implies that a sufficient level of local savings are at hand. But because of the lower level of continent’s income it is necessary to make call for savings from other continents in the form of grants, or more often of loans. Such a situation places Africa under dependency of its moneylenders in the same way all borrowers are vis-à-vis creditors. Therefore it is necessary to encourage remittances to their home country from Africans living temporarily or permanently abroad. The level of these remittances depends on available facilities (banking branches network), incentives (interest rates) and the uses that these savings are for (social and productive investments). Establishment in France of African banks allowing collection of savings from diasporas and creation in each of these home countries of investment banks for financing of small and mediumsized companies are essential to allow a sufficient level of savings’ collection and its conversion into productive investments. This presupposes adhesion to this movement on the part of all political and economic actors who are concerned by a sustainable development of the continent. Réduire les coûts des transferts de fonds : au-delà de la transparence, encourager l’innovation et faciliter l’adoption des nouveaux modes d’envois et de bi-bancarisation Reducing the costs of remittances: beyond transparency, stimulate competition and client adoption of innovative and inclusive patterns for sending money home Frédéric Ponsot, Consultant en finance inclusive Les coûts des transferts d’argent de faible montant en espèces de la France vers l’Afrique subsaharienne ont diminué de 30% depuis 2009 pour les sociétés de transferts d’argent (STA) dominantes sur le marché pour s’établir désormais autour de 7% dans la tranche d’envoi de 200 dollars US / 140 euros. Dans le même temps, les modes d’envois se sont diversifiés, y compris au sein même des STA ayant développé leur marché sur le transfert en espèces en se reposant davantage sur l’utilisation d’un compte, de cartes bancaires et d’internet, en s’affranchissant des coûts de gestion de l’espèce et de points physiques de distribution, et en ouvrant des potentialités de baisse des coûts qui peinent encore à se matérialiser. L’article s’interroge sur les niveaux des coûts selon les types de prestataires et sur les dynamiques à l’origine de la baisse de coût, mais aussi sur les barrières à l’adoption de nouvelles solutions d’envois en prenant la perspective d’une clientèle habituée aux envois en espèces. TFD n°114 The cost of remittances sent in cash decreased in the France to Sub-Saharan corridors by 30% since 2009 to reach 7% of amounts within the range of 200 dollars US / 140 euros for leading Money Transfer Operators (MTOs). In the meantime, the patterns for sending remittances evolved thanks to cashless and internet based channels of distribution opening opportunities to reduce operational costs but still face challenges on customer adoption. The article analyzes the level and the evolution of costs by types of remittances providers, the key determinants of cost reduction and the constraints faced by clients to adopt new channels of distribution and change their user experience. Comprendre le fonctionnement des hawalas : pour une meilleure régulation Understand operation of hawala: Better Regulation Ismael Mahamoud, Université de Djibouti Le système des transferts de fonds, dit les hawalas, suscite un intérêt accru de la part à la fois des pouvoirs publics soucieux de les réglementer, et des chercheurs qui tentent d’analyser le fonctionnement de ce système financier parallèle afin de mieux le comprendre. Les durcissements actuels de la réglementation bancaire et financière au niveau international seraient contre-productifs face à des institutions comme les hawalas qui ont une architecture institutionnelle spécifique qui leur permet de limiter les coûts de transactions. Cet article permet de saisir le fonctionnement de ces institutions comme un club, et montre qu’à partir d’un certain niveau de régulation, ces institutions se soustraient volontairement aux règlements et se réfugient dans la clandestinité. The system of money transfer (hawala) generates increased interest from both the public authorities concerned to regulate but also among researchers trying to analyze how to better understand this parallel financial system. The current tightening of banking and financial regulation at the international level would be against -productive against institutions such as hawala, which have a specific institutional architecture that allows them to reduce transaction costs. The article attempts to provide a theoretical model that captures the functioning of these institutions as a club but also shows a certain level of control these institutions voluntarily evade regulations and into hiding. Réaliser des transferts depuis l’Afrique du Sud : un chemin semé d’embûches Remittances from South Africa: a path full of pitfalls Mélanie Kuhn-Le Braz, PSL - Université Paris-Dauphine Cet article présente brièvement les migrations en Afrique du Sud ainsi que le comportement de transferts des migrants installés dans ce pays. Il montre que l’Afrique du Sud joue un rôle central dans les migrations transfrontalières et intra-régionales. Il souligne par ailleurs les difficultés que rencontrent les migrants pour réaliser des transferts par l’intermédiaire de canaux formels, et présente les moyens alternatifs utilisés par ces derniers pour envoyer de l’argent et/ou des biens à leur famille restée dans le pays d’origine. Enfin, il souligne la nécessité de réfléchir aux mesures susceptibles de faciliter l’accès des migrants aux canaux formels de transferts. This article presents migration to and migrants’ remittance behavior in South Africa. It shows that South Africa plays a key role in cross-border and intra-regional migration. It also highlights migrants’ difficulties to remit through formal channels and presents the alternative channels they use to send money and/or goods to their family left behind. Finally, it underlines the need to consider measures allowing migrants to access to formal channels. TFD n°114 Les transferts de fonds des migrants aux Comores Remittances to Comoros Islands Abdou Katibou, Docteur en économie de l’Université Paris 1 Sorbonne Les estimations montrent qu’entre 150 000 et 250 000 ressortissants comoriens vivent à l’étranger, plus particulièrement en France métropolitaine (95%). Ces travailleurs transfèrent une bonne partie de leurs revenus aux Comores. Cet article se propose d’étudier ces flux monétaires. Il en ressort qu’ils croissent d’une décennie à une autre et constituent la principale source d’entrée de devises pour les Comores. Cette étude montre aussi que l’Union des îles Comores est l’un des pays les plus dépendants des transferts de fonds des migrants. Ces mouvements financiers proviennent essentiellement de France et sont principalement destinés à l’île de la Grande-Comore. Par ailleurs, il semble que ces flux financiers soient principalement déterminés par les normes socioculturelles, en l’occurrence le coût du « Grand-Mariage » ou mariage coutumier. The estimations show that between 150,000 and 250,000 Comorian are living abroad, more particularly in metropolitan France (95%). These workers remit a large part of their income to the Comoros. This article aims to study these remittances. It appears that these monetary flows grow from a decade to another one and constitute the main source of foreign currency for the Comoros Islands. This study also shows that the Comoros Islands is one of the most strongly dependent countries on remittances. These financial flows come essentially from France and are primarily intended for the island of Grande-Comore. Moreover, it appears that these financial flows are mainly determined by cultural norms of Comoros, in this particular case the cost of the “Grand Mariage” or Anda wedding ceremonies.