gazette de la propriété industrielle

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gazette de la propriété industrielle
Gazettedu Palais
EN LIGNE SUR
TRI-HEBDOMADAIRE
DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
129e année
Nos 88 à 90
GAZETTE
DE LA PROPRIÉTÉ
INDUSTRIELLE
No 5
Sous la direction de
Emmanuelle Hoffman Attias
Avocat à la Cour
Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle
Cabinet Serge Hoffman
JOURNAL SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS
FRANÇAISES PAR ACTIONS
CETTE PUBLICATION COMPORTE 3 CAHIERS :
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INDUSTRIELLE
S O M M A I R E
GAZETTE
DE LA PROPRIÉTÉ
INDUSTRIELLE NO 5
Sous la direction
d’Emmanuelle Hoffman Attias
Entretien
4
BENOÎT BATTISTELLI, NOUVEAU PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION
DE L’ORGANISATION EUROPÉENNE DES BREVETS
Doctrine
LES ATTEINTES À LA MARQUE DE RENOMMÉE
(À propos de l’arrêt Intel de la Cour de justice des Communautés européennes
du 27 novembre 2008)
par Frédéric Pollaud-Dulian
7
MARQUE COMMUNAUTAIRE : CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE
par José Monteiro
17
DE LA CONTREFAÇON EN AMÉRIQUE
par Emmanuelle Hoffman Attias et Amaïa Oyhamberry
24
BREVETABILITÉ DES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES HUMAINES :
UNE PREMIÈRE DÉCISION DE LA GRANDE CHAMBRE DE RECOURS
DE L’OFFICE EUROPÉEN DES BREVETS
par Gaëlle Bourout
L’INVENTION DE MISSION OUVRANT DROIT À UNE RÉMUNÉRATION
SUPPLÉMENTAIRE DES INVENTEURS SALARIÉS
par Magali Touroude et Marie Cercle
28
30
PROPRIÉTÉ
Jurisprudence
Rendez-vous
■ CONCURRENCE DÉLOYALE
• C. Paris, 14 janvier 2009
34
■ BREVETS D’INVENTION
• C. Lyon, 5 février 2009
• Trib. gr. inst. Paris, 14 janvier 2009
35
■ MARQUES
• C. Paris, 28 janvier 2009
• C. Paris, 24 septembre 2008
• C. Paris, 8 octobre 2008
37
■ DESSINS ET MODÈLES
• C. Paris, 10 septembre 2008
• C. Paris, 17 décembre 2008
40
■ Entretien avec Marc-Antoine Jamet
■ 14ème Forum européen de la propriété intellectuelle
(Paris − 7 et 8 avril 2009)
42
Libres propos
44
Internet et clair ?
par Marc-Antoine Jamet
2
46
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
ÉDITORIAL
Éditorial
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A
près avoir principalement abordé dans nos précédentes éditions le thème de la contrefaçon
et les instruments juridiques de lutte contre ce fléau mondial et multisectoriel (1), à travers notamment l’étude de la loi no 2007-1544 du 29 octobre 2007, nous faisons une large place dans ce numéro
à la matière des brevets, spécialement dans sa dimension européenne, en accueillant notamment
le directeur général de l’INPI Benoît Battistelli, élu récemment à la tête du conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets, qui évoque pour nous la construction d’une « Europe
des brevets » (2).
Le droit des marques n’est pas en reste, comme l’atteste l’étude du professeur Frédéric Pollaud
Dulian (3) consacrée aux atteintes portées à la « marque de renommée », à travers l’analyse qu’il
fait de l’arrêt Intel de la Cour de Luxembourg. La marque communautaire fait également l’objet
d’une étude d’actualité jurisprudentielle (4). Quant à la contrefaçon, elle est toujours présente avec
une étude sur le phénomène Outre-Atlantique (5)... le tout sur fond de crise économique, dont les
conséquences sur le secteur seront au cœur du prochain Forum européen de la propriété intellectuelle organisé par l’Union des fabricants, que nous présente Marc-Antoine Jamet (6).
Ajoutons enfin que le jour où nous bouclons ce numéro reprend à l’Assemblée nationale l’examen
de la loi Création Internet (7), qui aurait pu légitimement trouver sa place dans ce numéro (8) mais
qui fera prochainement l’objet dans la Gazette du Palais d’un dossier spécial.
Éric Bonnet
Directeur de la rédaction
de la Gazette du Palais
(1) Gaz. Pal. no 311 du 6 novembre 2008 ; no 87 du 27 mars 2008 ; no 268 du 25 septembre 2007 et no 355 du 21 décembre 2006.
(2) V. son interview infra, p. 4 ; sont également abordées dans ce numéro d’autres questions touchant à la brevetabilité, notamment au plan européen,
celle des cellules souches embryonnaires humaines : v. infra, p. 28 l’article de G. Bourout.
(3) Infra, p. 7.
(4) J. Monteiro, infra, p. 17.
(5) E. Hoffman Attias et A. Oyamberry, infra, p. 24.
(6) Infra, p. 42 ; v. également son article : « Internet et clair », infra p. 44.
(7) Journal du Dimanche du 29 mars, p. 10.
(8) Inutile de souligner, dans le cadre notamment de la lutte contre la contrefaçon, la place centrale d’internet et particulièrement des sites de vente
en ligne et d’enchères (v. sur ce point Gaz. Pal. no spécial du 25 septembre 2007, préc.).
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Gazette du Palais : Vous venez d’être élu à la tête
de l’Organisation européenne des brevets (*).
Quelles premières impressions en retirez-vous ?
Benoît Battistelli : L’Office européen des brevets
(OEB), malheureusement trop méconnu, est une
grande réussite de la construction européenne.
L’organisation, qui vient de fêter ses trente ans, a
été fondée par sept pays dont la France, et compte
maintenant 35 États membres. Ainsi, en plus des
États de l’Union européenne, on trouve le Liechtenstein, la Suisse, la Norvège, l’Islande, Monaco, la
Turquie, la Croatie et la République yougoslave de
Macédoine. Mais ce succès ne tient pas seulement
à l’extension géographique de l’OEB mais aussi au
fait qu’il a su, pendant ces trente dernières années,
s’imposer comme l’Office de brevet de référence au
niveau mondial en termes de recherche et d’examen. Or, vous savez que la qualité d’un brevet tient
d’abord à la qualité de la recherche qui précède le
dépôt et qui permet d’assurer que l’invention est
effectivement nouvelle. Enfin, pour vous donner
une idée de son importance, cet Office européen
comprend 6.500 personnes dont 4.000 ingénieurs
brevets. Le budget est de 1.400.000.000 Q entièrement autofinancé. Le travail s’y effectue dans les 3
langues officielles : anglais, allemand, français.
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G.P. : Quel a été le rôle de la France dans cette
construction d’une « Europe des brevets » ?
4
B.B. : La France a été un des pays fondateurs de
l’OEB. Elle a très tôt organisé sa procédure de délivrance de brevets en intégrant cette dimension
européenne. En effet, comme vous le savez, l’INPI
délivre ses brevets en sous-traitant à l’OEB le rapport de recherche. Ainsi, le déposant français dispose pendant l’année de priorité d’un rapport de
recherche de qualité et de niveau européen.
Ceci a un certain nombre de conséquences, la première étant que la France est le pays en Europe à
avoir le taux de transformation des brevets nationaux en brevets européens le plus important : près
de 60 % des brevets français deviennent des brevets européens. Ceci est dû à cette intégration des
procédures européennes et françaises au sein de la
(*) NDLR : L’Organisation européenne des brevets est une organisation
intergouvernementale instituée le 7 octobre 1977 sur la base de la Convention sur le brevet européen (CBE) du 5 octobre 1973. Elle comprend deux
organes : l’Office européen des brevets (OEB) qui délivre un brevet européen et le Conseil d’administration, qui exerce un contrôle sur les activités de l’Office. L’Organisation compte actuellement 34 États membres.
Plus de 220.000 demandes de brevets européens ont été déposés à l’OEB
en 2007.
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Crédit photo : D.R.
INTERVIEW
Entretien avec Benoît Battistelli, nouveau
Président du conseil d’administration de
l’Organisation européenne des brevets
procédure nationale française. Donc pour nous, il
est essentiel que l’Office européen des brevets fonctionne bien ; il est essentiel qu’il continue à jouer
pleinement son rôle d’autorité centrale de délivrance d’un titre européen en Europe.
L’Office européen des brevets est toutefois victime
de son succès et il est confronté comme tous les
grands offices dans le monde à une croissance du
nombre de dépôts de brevets, ce qui engendre des
arriérés de « stock » et donc une difficulté à traiter
des demandes dans des délais raisonnables.
La Convention de Paris fixait à trois ans le délai
moyen pour traiter un brevet européen dont 18
mois de délai de confidentialité et 18 mois de délai
administratif. Nous en sommes plutôt maintenant
à cinq ans de délai en moyenne. Donc, il est important que l’OEB, par une série de mesures à venir,
parvienne à retrouver une capacité de traitement
des demandes sans diminution naturellement de la
qualité. C’est la raison pour laquelle la France
s’implique dans la vie quotidienne de l’OEB.
L’Office est dirigé par une présidente, Alison Brimelow, la présidence du conseil d’administration
« non executive » pour laquelle j’ai été élu permettant d’exercer une influence sur le fonctionnement
de l’Office.
G.P. : Que vous inspirent de façon générale les
positions de la France en matière de dépôt de brevets ?
B.B. : Je crois qu’il faut lutter contre un certain
nombre d’idées reçues. Les performances françaises en matière de dépôt de brevets sont tout à fait
honorables même si elles sont susceptibles d’être
encore améliorées. D’une part, nous sommes le
deuxième pays en terme de dépôts de brevets européens après l’Allemagne, mais devant la GrandeBretagne et l’Espagne. Pour les dépôts de brevets
internationaux (brevets PCT), nous nous situons au
cinquième rang avec une part de l’ordre de 5 %. Or,
si l’on compare notre place en termes de PIB, la
France se place au sixième rang avec une part du
PIB mondial qui est de l’ordre de 4,5 %. Nous nous
situons donc au même niveau voire à un niveau
légèrement supérieur.
Les dépôts de brevets par les entreprises françaises
ont augmenté très régulièrement ces dernières
années, de l’ordre de 2 à 3 % depuis une douzaine
d’années. Cette tendance s’est accentuée depuis
2004, étant plutôt à 3 à 4 % plutôt que 2 à 3 %.
Naturellement, 2008 est une année particulière :
nous étions sur un rythme de croissance de dépôt
de brevets par les entreprises françaises de l’ordre
de 4 % à 5 % jusqu’au mois de juillet 2008. Il y a eu
ensuite une inflexion liée à la crise mais nous avons
tout de même terminé l’année 2008 à plus 1,6 % par
rapport à l’année 2007.
La tendance est donc à une augmentation régulière des dépôts de brevets par les entreprises françaises. Il est vrai que ces dépôts de brevets sont
encore très largement le fait des grandes entreprises françaises. Nous avons un effort particulier à
faire pour les petites et moyennes entreprises. C’est
tout le sens de la politique que mène l’INPI depuis
plusieurs années. Ce que nous cherchons à faire,
c’est réduire le coût d’accès aux brevets de manière
à ce que celui-ci ne soit pas un obstacle pour les
petites et moyennes entreprises. Cet effort est
financé par les annuités que nous percevons sur les
brevets qui durent le plus longtemps sachant qu’un
brevet dont on continue à payer les annuités pendant 15 à 20 ans est un brevet qui rapporte de
l’argent car, s’il en ne rapportait pas, c’est très simple : le titulaire arrêterait de payer l’annuité et le
brevet tomberait dans le domaine public.
Pour illustrer cette politique de coût d’accès réduit,
nous avons notamment lancé – et nous sommes les
premiers en Europe à l’avoir fait – des tarifs réduits
pour les petites et moyennes entreprises sur les
principales redevances de l’INPI. Cette réduction a
été portée au 1er mai 2008 à 50 %. Elle concerne les
PME qui emploient jusqu’à 1.000 salariés.
G.P. : Vous êtes à l’origine, en tant que directeur
général de l’INPI, de mesures permettant de simplifier notamment le dépôt des marques grâce à
Internet. Ces simplifications ont-elles eu une incidence sur le nombre de dépôts et la connaissance notamment par les PME de l’importance de
la propriété industrielle ?
B.B. : Depuis novembre 2008, les innovateurs peuvent effectuer leurs dépôts de marques en ligne. Le
système est simple et rencontre un grand succès
puisqu’à l’heure actuelle, plus du tiers des marques qui sont déposées à l’INPI le sont par voie
électronique. C’est donc une amélioration importante pour les entreprises ; cela permet aussi de
réduire les erreurs par rapport au dépôt sur formulaire papier puisque le déposant est guidé par l’ordinateur.
G.P. : Vous nous aviez fait part dans un précédent numéro ( 1) des objectifs 2005-2008 sur lesquels l’INPI était engagé. Quels sont les résultats, ainsi que les nouveaux axes fixés dans le
contrat 2009-2012, notamment face à une crise
économique d’une envergure sans précédent qui
ne peut bien évidemment qu’avoir une incidence
sur les dépôts et le développement de la propriété industrielle ?
B.B. : L’INPI avait effectivement signé avec l’État un
premier contrat d’objectifs pour la période 20052008, qui est arrivé à échéance à la fin de l’année
dernière. L’INPI s’engageait à évoluer « d’une culture de procédure à une culture de services ». Cela
ne veut pas dire que nous voulons négliger les procédures que nous gérons car c’est bien notre cœur
de métier de délivrer des titres de qualité, qu’il
s’agisse de brevets, de marques ou de dessins et
modèles. Mais cela signifiait que l’INPI ne peut pas
se contenter de gérer les procédures en obligeant
les innovateurs à se déplacer dans ses bureaux. La
propriété industrielle est un outil stratégique pour
les entreprises. Elle leur permet d’avoir des avantages compétitifs par rapport à leurs concurrents.
L’INPI doit donc devenir une sorte d’agent du développement économique qui permet aux entreprises françaises de mieux utiliser la propriété industrielle. C’est cette culture de service de proximité
que nous avions déjà avec nos grands déposants,
pendant ces quatre dernières années que nous voulons développer auprès des petites et moyennes
entreprises.
Ces deux contrats d’objectifs avec l’État – le précédant et le suivant – se traduisent par des indicateurs très précis qui permettent de mesurer la réussite. Nous avons à la fin du contrat 2005-2008 été
très heureux de constater que nous avions globa(1) Gaz. Pal. spécial Propriété industrielle no 355 du 21 décembre 2006,
p.45 à 52.
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INTERVIEW
lement atteint, voire légèrement dépassé, nos objectifs, en particulier en ce qui concerne la sensibilisation et la promotion de la propriété industrielle.
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6
Sur cette base, le nouveau contrat d’objectifs que
nous venons de signer avec l’État pour une période
de quatre ans (2009 à 2012), se caractérise à la fois
par la continuité et le changement. Continuité dans
le sens où nous allons continuer à mettre l’accent
sur la politique de sensibilisation et de formation à
la propriété industrielle, auprès des petites et
moyennes entreprises mais aussi les centres de
recherches. Nous allons continuer à proposer notre
maintenant fameux pré-diagnostic de propriété
industrielle. Je dis « fameux » parce que nous en
avons réalisé 3.600 et donc, il y a 3.600 petites et
moyennes entreprises au cours de ces quatre dernières années qui ont bénéficié de cette prestation.
Je rappelle qu’elle est gratuite et qu’elle consiste à
ce qu’un expert de l’INPI vienne passer une ou deux
journées dans l’entreprise, et évalue à la fois le
potentiel et les lacunes de l’entreprise en termes de
propriété industrielle.
Le gouvernement a trouvé que ce service offert aux
petites et moyennes entreprises était très utile et il
nous a demandé de doubler le nombre de prédiagnostics que nous réalisons par an. Nous allons
donc passer d’un rythme annuel de 500 à 1.000.
Le deuxième changement instauré par le contrat
d’objectifs 2009-2012 consiste en un développement de la « e administration ». Nous sommes largement engagés dans cette voie avec les dépôts
électroniques de brevets et de marques. Nous allons
aussi, dans quelques mois rendre accessible sur le
net non seulement aux déposants mais aussi aux
tiers les pièces publiques concernant les dossiers de
brevets.
Nous allons également permettre l’accès libre et
gratuit à l’ensemble des bases de données propriété industrielle, que ce soit la base brevets, la
base marques, la base dessins et modèles ou la base
jurisprudence. Pour vous donner une idée, la base
brevets comprend 4 millions de demandes de brevets, français, européen et PCT en remontant
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jusqu’à 1978. Dans quelques jours, début avril il y
aura donc un accès libre et gratuit sur le site www.
inpi.fr à environ 2.000.000 de références marques
françaises, marques communautaires et marques
internationales, à près de 1.000.000 de dessins et
modèles et également à 55.000 décisions de jurisprudence.
La qualité est aussi un enjeu pour les 4 années à
venir et nous nous sommes engagés à ce que l’INPI
soit certifiée ISO 9000 d’ici 2012.
Enfin, dernière priorité du contrat d’objectifs : nous
renforçons notre action en matière de lutte anticontrefaçon. Ceci est légitime puisque l’INPI d’une
part délivre des titres qui permettent de se prémunir et de se défendre contre la contrefaçon et que,
d’autre part il assure le secrétariat général du Cnac
(Comité national anti-contrefaçon). Notre action se
situe au niveau de la coordination des actions
menées par les acteurs publics et privés (douanes,
police, fédérations...).
Je pense que pour être efficace il faut agir à la fois
sur l’offre de contrefaçon – c’est essentiellement le
rôle des douanes, de la police, et de la gendarmerie, de manière à ce que il y ait moins de produits
de contrefaçon qui soient proposés en France –,
mais il faut aussi agir sur le consommateur de
contrefaçon en lui faisant comprendre que, contrairement à ce qu’il croit, il ne fait pas une bonne
affaire en achetant un produit de contrefaçon, qu’il
peut mettre en danger sa vie et sa sécurité, et qu’il
contribue à détruire des emplois, à favoriser les
organisations criminelles internationales et l’exploitation des enfants.
C’est un peu comme en matière de sécurité routière : il faut à la fois des radars et de la pédagogie.
Si vous n’avez que de la pédagogie vous n’êtes pas
très crédible et si vous n’avez que de la répression,
les gens ne comprennent pas pourquoi. Il faut donc
les deux. C’est ce que nous essaierons de faire pendant les quatre ans à venir.
Propos recueillis par Emmanuelle Hoffman Attias
Les atteintes à la marque de renommée
(À propos de l’arrêt Intel de la Cour de justice des Communautés
européennes du 27 novembre 2008)
DOCTRINE
Frédéric POLLAUD-DULIAN
Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1)
Directeur du Master 2 « Propriété industrielle
et artistique »
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Selon la directive no 89/104 du 21 décembre 1988
sur les marques, les atteintes à la marque de
renommée sont de plusieurs ordres : le fait de tirer
indûment profit de la renommée ou du caractère
distinctif de la marque, c’est-à-dire le parasitisme,
et le fait de porter préjudice soit à son caractère distinctif, soit à sa renommée, ces deux sortes de préjudice étant distinctes. La Cour de justice des Communautés, dans l’arrêt Intel, énonce que « les
atteintes contre lesquelles l’article 4, § 4, sous a)
de la directive assure la protection en faveur des
marques renommées sont, premièrement, le préjudice porté au caractère distinctif de la marque
antérieure, deuxièmement, le préjudice porté à la
renommée de cette marque et, troisièmement, le
profit indûment tiré du caractère distinctif ou de
la renommée de ladite marque » (1). Pour que la
protection s’applique, il suffit de démontrer l’existence d’une seule de ces trois sortes d’atteintes, ce
qui n’empêche pas qu’elles puissent parfois se
cumuler (2). Ce que l’on tend ainsi à protéger, ce
n’est pas tellement la fonction de garantie d’identité d’origine de la marque, qui constitue certes sa
principale finalité mais pas la seule, que sa valeur
économique, notamment à travers sa fonction
publicitaire et l’image qu’elle véhicule (3). Dans un
arrêt Spa finders du 25 mai 2005, le TPICE relève en
ce sens que, si la fonction de garantie d’identité
d’origine est la fonction première de la marque, « il
n’en reste pas moins qu’une marque agit également comme moyen de transmission d’autres
messages concernant notamment les qualités ou
caractéristiques des produits ou services qu’elle
désigne, ou les images ou sensations qu’elle projette, tels que, par exemple, le luxe, le style de vie,
l’exclusivité, l’aventure, la jeunesse. En ce sens,
la marque possède une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle
des produits ou services pour lesquels elle est
enregistrée. Les messages en question que véhicule notamment (4) une marque renommée ou
qui lui sont associés confèrent à celle-ci une
valeur importante et digne de protection, et ce
(1) Points no 27-28.
(2) Trib. gr. inst. Paris, 14 octobre 2008, Play-Boy, PIBD 2009, no 890-III834.
(3) H. Cohen-Jehoram, La protection des marques contre l’usage pour des
produits différents : la loi Benelux, un exemple pour l’Europe ?, La propriété industrielle (OMPI), septembre 1978, p. 224 et s., spéc. p. 225 et 230 ;
C. Paris, 17 septembre 2008, Dom Perignon, PIBD 2008, no 886-III-701 ;
C. Paris, 15 juin 2007, Must/Pedimust, PIBD 2007, no 859-III-569 ; Trib. gr.
inst. Paris, 22 janvier 2008, SFR, PIBD 2008, no 873-III-288.
(4) C’est nous qui soulignons.
d’autant plus que, dans la plupart des cas, la
renommée est le résultat d’efforts et d’investissements considérables de son titulaire » (5). Or, ces
marques de renommée sont dotées d’une vulnérabilité paradoxale (6), sensibles qu’elles sont, malgré
leur force attractive, aux atteintes à leur image, à
leur caractère distinctif, à leur éventuelle unicité...
Les articles 4, § 3 et 5, § 2 de la directive du
21 décembre 1988, les articles 8, § 5 ; 9, § 1, c) et 52,
§ 1, a) du règlement no 40/94 sur la marque communautaire et l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle offrent à ces marques une protection élargie contre des atteintes qui leur sont
portées même au-delà de la spécialité.
L’arrêt Intel, rendu par la Cour de justice des
Communautés européennes le 27 novembre 2008
(affaire C. 252/07) donne l’occasion d’étudier
l’atteinte au droit sur la marque de renommée hors
de la spécialité, en abordant d’une part ce qui constitue l’atteinte (I) et, d’autre part, la manière d’établir cette atteinte (II).
I. LES COMPOSANTES DE L’ATTEINTE À LA
MARQUE DE RENOMMÉE
Nous ne reviendrons pas ici sur la condition relative à la qualification de marque de renommée (7),
pour ne traiter que des deux éléments nécessaires
à la sanction de l’atteinte : le lien opéré entre la
marque renommée et le signe critiqué, condition
préalable que nous ne traiterons qu’en second toutefois, après avoir défini les différentes sortes
d’atteintes.
A – La notion d’atteinte
1 – Les trois types d’atteintes à la marque de
renommée
Le parasitisme est une notion familière en droit
français, depuis les travaux de Saint-Gal notamment. Ce qui est ici intéressant, c’est que les textes
communautaires comme le texte français n’établissent pas de lien nécessaire entre la faute et le préjudice, de sorte qu’en théorie, il peut y avoir agissement parasitaire sans préjudice : le tiers tire avantage de la marque en se plaçant dans son sillage
sans pour autant toujours lui causer un dommage.
(5) TPICE, 25 mai 2005, Spa Finders, aff. T. 76/04, Rec. II, p. 1825, no 35.
(6) Conclusions E. Sharpston dans l’affaire Intel, point no 32.
(7) V. notre étude : Marques de renommée, histoire de la dénaturation
d’un concept, Prop. intell. 2001, no 1, p. 43.
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DOCTRINE
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8
Comme l’écrivent MM. Braun et Cornu (8) : le risque de profit indu, c’est le « risque que l’image de
la marque renommée soit transférée aux produits ou services désignés par la marque attaquée. Ce risque se distingue donc du risque de
confusion (...) », car il n’est pas nécessaire que le
consommateur se méprenne sur l’origine du produit ou du service (9). Il en résulte que l’appréciation s’opère du côté de l’auteur de l’utilisation critiquée : quel avantage en retire-t-il ? Dans l’affaire
Intel, l’avocat général relève que cette notion de
profit indu s’attache à l’avantage retiré par le titulaire de la marque postérieure plutôt qu’au préjudice subi par la marque antérieure. Il s’agit d’établir « l’existence d’une espèce de coup de pouce
dont profiterait la marque postérieure du fait de
son lien avec la marque antérieure » (10). Le profit indu est tiré aussi bien de la renommée (11), que
du caractère distinctif, le distinguo entre les deux
étant, du reste, probablement superflu en pareil
cas (12).
Quant au préjudice causé à la marque, il peut
revêtir deux aspects (13) : d’une part, le ternissement (traduction littérale mais peu parlante de la
terminologie légale américaine, ternishing) ou,
pour mieux dire, l’avilissement, c’est-à-dire
l’atteinte au caractère renommé de la marque, la
dégradation de son image ; d’autre part, le
brouillage (là encore repris de la loi américaine, qui
parle de blurring) ou, pour mieux dire, la dilution
ou l’érosion, qui est une perte d’effet attractif, voire
d’unicité, c’est-à-dire une atteinte au caractère distinctif de la marque (14). Dans l’arrêt Intel, la Cour
de justice donne une définition de la dilution (15) :
« (...) Ce préjudice est constitué dès lors que se
trouve affaiblie l’aptitude de cette marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle
est enregistrée et utilisée comme provenant du
titulaire de ladite marque, l’usage de la marque
postérieure entraînant une dispersion de l’identité de la marque antérieure et de son emprise sur
l’esprit du public. Tel est notamment le cas lorsque la marque antérieure, qui suscitait une association immédiate avec les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, n’est plus en
mesure de le faire ». Par exemple, l’utilisation de
(8) A. Braun et E. Cornu, Précis des marques, 5e éd., Larcier (Bruxelles)
2009, no 410.
(9) TPICE, 25 mai 2005, Spa Finders, aff. T. 76/04, Rec. II, p. 1825 ; TPICE,
22 mars 2007, Sigla c/ OHMI, aff. T. 215/03, Rec. II, p. 711.
(10) Conclusions E. Sharpston point no 62.
(11) Cass. com., 11 mars 2008, Vuitton c/ EMI, PIBD 2008, no 875-III345, Prop. ind., juin 2008, no 39, obs. P. Tréfigny-Goy ; C. Versailles, 27 avril
2006, Milka, PIBD 2006, no 834-III-505 ; Trib. gr. inst. Paris, 14 octobre
2008, Play-Boy, PIBD 2009, no 890-III-834.
(12) Conclusions Jacobs, Adidas c/ Fitnessworld, aff. C. 408/01, 10 juillet
2003, Rec. I, 2003, p. 12537, point no 39 ; conclusions E. Sharpston dans
l’affaire Intel, aff. C. 252/07, présentées le 26 juin 2008, point no 33.
(13) Conclusions Jacobs dans l’affaire C. 408/01, Adidas c/ Fitnessworld,
Rec. I, p. 12537, points no 336-38.
(14) Conclusions Sharpston, nos 11-12 ; conclusions Jacobs préc., no 37.
(15) Points nos 29 et 76.
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
la marque « Rolls » et du dessin de la calandre
d’automobiles pour désigner de la bière crée une
possibilité de dilution (16). Cette approche correspond bien à celle de l’arrêt Claereyn, rendu par la
Cour de justice de Benelux le 1er avril 1975 (17),
auquel se référaient d’ailleurs tant les conclusions
de Mme Sharpston dans l’affaire Intel, que celles de
M. Jacobs dans l’affaire Adidas c/ fitnessworld (18).
En l’occurrence, il s’agissait de l’emploi d’une marque similaire à une marque de genièvre pour désigner du savon liquide.
Par ailleurs, il arrive qu’une marque de renommée soit « unique », en ce sens qu’elle n’est utilisée que par son titulaire et pour des produits ou
services particuliers, éventuellement très limités en
nombre : si d’autres s’en servent pour des produits
ou services différents, elle perd la force que lui
donne son unicité, que ce soit l’unicité tirée de son
emploi pour un tout petit nombre de produits, voire
un seul, ou celle qu’elle tire de ce que le signe n’est
employé que par son propriétaire et par aucune
autre entreprise... Encore faut-il bien souligner que
le risque de dilution ne joue pas seulement si la
marque présente ce caractère d’unicité.
Les deux formes de dommages – préjudice causé
au caractère distinctif ou à la renommée – sont bien
distinctes et touchent deux caractéristiques différentes. En ce qui les concerne, à la différence du
parasitisme, on s’attache au préjudice subi par la
marque antérieure et non à l’avantage procuré à la
marque postérieure. Le préjudice causé au caractère distinctif (dilution, brouillage, grignotage, banalisation (19)) (20) implique un certain affaiblissement de ce caractère distinctif pour les produits ou
services que la marque touchée sert à désigner (21)
et donc une détérioration de la valeur de la marque (22). Le préjudice causé à la renommée, l’avilissement de la marque, est peut-être encore plus
grave, car c’est l’image même de la marque qui se
(16) Trib. com. Bruxelles (réf.), 5 janvier 1988, Rolls-Royce, Ing.-Cons.
1988, p. 28.
(17) L’atteinte « peut consister dans cette circonstance que la marque
n’est plus susceptible, par la perte de son caractère exclusif, de provoquer dans l’esprit du public l’association immédiate avec les produits pour
lesquels elle est enregistrée, mais il est également possible que le produit
qui fait l’objet de l’autre emploi de la marque ou d’un signe ressemblant
influence les sens de manière telle que la marque soit atteinte dans son
pouvoir attractif et dans son pouvoir d’inciter à l’achat de la sorte de produits pour lesquels elle est enregistrée ; dans les deux cas, cet autre emploi
peut causer préjudice au titulaire de la marque ». V. aussi C. just. Benelux,
22 mai 1985, Lever c/ IMS (aff. Lux/Lux Talc), Ing.-Cons. 1985, p. 189 (en
l’espèce, la marque de savon était reprise pour du talc destiné à l’industrie).
(18) Conclusions Jacobs, Adidas c/ Fitnessworld, aff. C. 408/01, 10 juillet
2003, Rec. I, 2003, p. 12537, PIBD 2004, no 781-III-128, point no 38.
(19) Cass. com., 20 février 2007, Desperados, PIBD 2007, no 850-III-275 ;
Cass. com., 11 mars 2008, Vuitton c/ EMI (utilisation de la marque figurative de maroquinerie sur la couverture de phonogrammes), PIBD 2008,
no 875-III-345, Prop. ind., juin 2008, no 39, obs. P. Tréfigny-Goy.
(20) « (...) the gradual whittling away or dispersion of the identity and hold
upon the public mind of the mark or name by its use upon noncompeting good s », F.-I. Schechter, article cité infra note 25, p. 825.
(21) Conclusions Sharpston, no 78 ; conclusions Jacobs, sous Marca Mode
c/ Adidas, points 43-44 ; H. Cohen-Jehoram, article cité, p. 226.
(22) C. Paris, 15 juin 2007, Must c/ Pedimust, PIBD 2007, no 859-III-569 ;
Trib. gr. inst. Paris, 22 janvier 2008, SFR, PIBD 2008, no 873-III-288.
trouve dégradée dans l’esprit de la clientèle par ce
qu’évoque ou véhicule la marque postérieure (23).
Bien entendu, un même usage peut simultanément
porter atteinte au caractère distinctif et à la réputation de la marque (24).
Ces diverses atteintes peuvent justifier aussi bien
le refus ou l’annulation de l’enregistrement sur le
fondement de l’article 4, § 1 de la directive, que
l’interdiction de l’usage dans la vie des affaires du
signe qui porte de telles atteintes à une marque de
renommée (article 5, § 2). À cet égard, peu importe
que les produits ou services visés par la marque de
renommée et par le signe litigieux soient identiques, similaires ou entièrement différents.
2 – L’origine de la prise en compte de la dilution
par le droit communautaire des marques.
La construction de la notion de « dilution » se
trouve dans un très intéressant article publié au
début du XXe siècle par Frank Schechter, qui s’efforçait de déterminer la véritable fonction de la marque (25), la trouvant davantage dans son rôle publicitaire et son pouvoir d’attraction que dans la fonction de garantie d’origine (26). Il proposait de sanctionner la dilution (27) mais uniquement lorsque la
marque touchée était une marque unique, de pure
fantaisie, extrêmement distinctive (« (...) arbitrary,
coined or fanciful marks or names ») et non seulement une marque renommée, du moins dans la
mesure où celle-ci pourrait être constituée de termes laudatifs, plus ou moins évocateurs ou semidescriptifs (28). On en trouve un écho, mais heureusement affaibli, dans un arrêt Spa Finders du
TPICE, qui considère que le risque de dilution est
moins élevé (sans être complètement exclu), lorsque la marque antérieure consiste en un terme qui
est très répandu, fréquemment utilisé indépendamment de la marque elle-même, comme le mot
« Spa » (29). Schechter lui-même s’était inspiré de la
doctrine allemande et avait emprunté le mot « dilution » (Verwässerung) à une décision allemande (30).
La loi uniforme Benelux du 1er janvier 1971 qui a
certainement eu une grande influence sur l’élabo(23) Conclusions Sharpston, no 79. Par exemple : C. Paris, 17 septembre
2008, Dom Perignon, PIBD 2008, no 886-III-701 ; C. Paris, 11 mai 2007,
Ricard, PIBD 2007, no 858-III-538 (« t-shirts » revêtus de logos imitant celui
de Ricard mais avec des termes dévalorisants tels que « tricard », « smicard », « zonard », « flicard », « ringard », etc.) ; C. Paris, 9 septembre 1998,
Mr. Propre, D. Aff., 1998, p. 1960 (« T-shirts » portant une imitation déformante de la marque verbale et figurative « Mr. Propre » à forte connotation homosexuelle)
(24) Trib. gr. inst. Paris, 14 octobre 2008, Play-Boy, préc. ; Trib. com.
Bruxelles, 26 juillet 2007, Ikéa c/ Idéa, Ing.-Cons. 2007, p. 752.
(25) F.-I. Schechter, The rational basis of trademark protection, Harvard
Law Review, vol. XL, 1926-27, p. 813.
(26) « The true functions of the trademark are, then, to identify a product as satisfactory and thereby to stimulate further purchases by the
consuming public » (p. 818) ; « the value of the modern trademark lies in
its selling power » (p. 831).
(27) Article cité p. 825.
(28) Ibid. p. 824-830.
(29) TPICE, 25 mai 2005, Spa finders, préc., no 38.
(30) F. Schechter, préc., p. 832.
ration de la directive communautaire (31), comportait un article 13, A, 2) qui permettait au titulaire
d’une marque de s’opposer non seulement à tout
emploi de la marque ou d’un signe similaire pour
les produits pour lesquels elle est enregistrée ou des
produits similaires, mais aussi à « tout autre
emploi qui, dans la vie des affaires et sans juste
motif, serait fait de la marque ou d’un signe ressemblant, en des conditions susceptibles de causer un préjudice au titulaire de la marque » (32).
Et la Cour de justice Benelux avait bien précisé,
d’une part, que cette disposition tendait à donner
à la marque une protection allant au-delà de la
défense contre une atteinte à son pouvoir distinctif et de la prévention du risque de confusion et,
d’autre part, que rien n’autorisait « à limiter la
portée de la disposition à une protection de la
marque contre un emploi par lequel il serait
indûment tiré avantage de la renommée de la
marque dont la protection est invoquée ». La qualification de marque de haute renommée pouvait
seulement avoir une utilité pour apprécier si, dans
un cas donné, il est effectivement plausible que
l’emploi visé puisse « causer au titulaire de la
marque un préjudice consistant en une atteinte
au pouvoir de la marque d’inciter à l’achat » (33).
Autrement dit, cette approche différait en partie de
celle de la future directive, puisqu’elle ne se limitait pas à la défense des marques notoires ou de
renommée mais pouvait bénéficier à n’importe
quelle marque, en même temps que de la doctrine
de Schechter, bien que la fonction d’incitation à
l’achat soit aussi mise en exergue par ce dernier
(the true functions of the trademark are, then, to
identify a product as satisfactory and thereby to
stimulate further purchases by the consuming
public)... (34)
L’article 14, alinéa 2 de l’avant-projet de convention relative à un droit européen des marques
publié en 1973, reprit le texte de l’article 13, A, 2)
de la loi Benelux, ce qui fut critiqué (35) : la dispo(31) H. Cohen-Jehoram, article précité, La propriété industrielle, septembre 1978, p. 230 ; D. Brandt, La protection élargie de la marque de haute
renommée au-delà des produits identiques et similaires, éd. Droz
(Genève), 1985, p. 226 ; A. Braun et E. Cornu, Précis des marques, 5e éd.,
Larcier (Bruxelles), 2009, no 408.
(32) A. Braun, Précis des marques, 2e éd. Larcier (Bruxelles), 1987, nos 411
et s. ; D. Brandt, La protection élargie de la marque de haute renommée
au-delà des produits identiques et similaires, éd. Droz (Genève), 1985,
p. 221 et s.
(33) C. just. Benelux, 1er mars 1975, Colgate-Palmolive c/ Distillerie Bols,
Journal des tribunaux, 1975, p. 293, Ing.-Cons. 1975, p. 73, IIC 1976,
p. 420 ; N.J. (Nederlandse Jurisprudentie), 1975, no 472, Grur.-Int. 1975,
p. 399 et obs. Krasser.
(34) Article cité, p. 818. « (...) the most effective agent for the creation of
goodwill, imprinting upon the public mind an anonymous and impersonal guaranty of satisfaction, creating a desire for further satisfactions. The
mark actually sells goods. And, self-evidently, the more distinctive the
mark, the more effective is its selling power » (ibid. p. 819).
(35) Dans le Memorandum sur la création d’une marque communautaire de la Commission européenne du 6 juillet 1976, Bull. des Communautés européennes, suppl. 8/76, qui refusait l’idée d’étendre ainsi le droit
sur la marque au-delà de sa fonction et n’admettait que l’idée d’un régime
particulier en faveur des marques notoirement connues contre une utilisation pour des produits non similaires qui serait de nature à porter
DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 9
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sition fut supprimée dans l’avant-projet présenté
par la Commission en 1977, avant de réapparaître
dans les textes ultérieurs mais seulement pour
défendre les marques renommées (article 8, alinéa
1, b) de la proposition de règlement du Conseil sur
la marque communautaire du 25 novembre
1980 (36). La Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle du 25 février 2005 reprend, dans
son article 2.20, alinéa 1er, c), la règle permettant de
sanctionner l’usage dans la vie des affaires d’un
signe identique ou similaire à la marque pour des
produits ou services non similaires, lorsque l’usage
tire indûment profit du caractère distinctif ou de la
renommée de la marque ou leur porte préjudice,
mais cet alinéa ne concerne que la marque qui jouit
d’une renommée à l’intérieur du Benelux et non
plus toutes les marques comme avec
l’article 13 A, 2) de la loi uniforme de 1971 (37). Toutefois, à la différence du droit français mais conformément à la directive communautaire, cette protection est fondée sur le droit de marque et non sur
la responsabilité civile (38), le texte précisant bien
in limine qu’il est sans préjudice de l’application
éventuelle du droit commun en matière de responsabilité civile. De plus, ce même article 2.20, alinéa
1er, d) interdit aussi de « faire usage d’un signe à
des fins autres que celles de distinguer les produits ou services, lorsque l’usage de ce signe sans
juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur
porte préjudice ». Ainsi, la règle Benelux se
trouvait-elle à l’origine de la règle communautaire,
même si celle-ci en a circonscrit sa portée, ce qui
confère un intérêt particulier à la jurisprudence et
la doctrine Benelux sur ce point.
B – L’existence d’un lien entre la marque de
renommée et le signe critiqué dans l’esprit du
public concerné
La notion de lien a déjà été explorée par la jurisprudence communautaire et la doctrine en matière
d’imitation illicite. Nous serons donc plus bref sur
cette notion malgré son importance.
L’existence d’un lien constitue la condition préalable, sans laquelle il ne saurait y avoir ni profit indu
ni préjudice (39). Si le public concerné n’opère
aucun rapprochement, n’établit aucune espèce
d’association entre la marque de renommée et le
signe postérieur, ce dernier ne peut pas tirer un
atteinte au caractère distinctif et attractif de ces marques, mais de façon
exceptionnelle, considérant d’ailleurs que la question relevait plutôt de
la responsabilité civile... Cf. H. Cohen-Jehoram, article cité, p.230 ; D.
Brandt, op. cit., p. 226.
(36) Bulletin des Communautés européennes, supplément 5/80.
(37) A. Braun et E. Cornu, Précis des marques, 5e éd. Larcier, Bruxelles
(2009), no 176 : « la directive ne va cependant pas aussi loin que l’ancienne
loi Benelux, qui s’appliquait à toute marque, qu’elle soit de haute renommée, notoirement connue ou ordinaire ».
(38) A. Braun et E. Cornu, préc., no 177.
(39) CJCE, 23 octobre 2003, Adidas c/ Fitnessworld, aff. C. 408/01, Rec. I,
p. 12537, point no 31 ; CJCE, 27 novembre 2008, Intel, point no 32.
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
profit parasitaire de la ressemblance des signes, et
cette ressemblance ne peut causer aucun dommage à la marque. Il faut donc qu’il existe un certain degré de similitude entre les deux marques, qui
fasse que le public concerné établisse un lien entre
elles (40). Mais ce lien n’implique pas une confusion ou un risque de confusion. Il peut y avoir association bien que le client ne confonde nullement les
deux signes (41) : le risque de confusion n’est pas
une condition de cette protection, à la différence de
celle que prévoient l’article 4, § 1, b) et l’article 5, § 1, b) de la directive. Cela fait une bonne part
de l’intérêt de la protection résultant des
articles 4, § 4, a) (42) et 5, § 2 (43) de la directive, qui
ne contiennent effectivement aucune exigence
explicite ou implicite relative à la création d’un risque de confusion (44). Lorsqu’il s’agit d’imitation
pour des produits identiques ou similaires, la directive fait du risque de confusion, « la condition spécifique de la protection » (considérant no 10).
S’agissant de la protection renforcée de la marque
de renommée, l’arrêt Intel précise (45), à propos de
l’article 4, § 4, a) de la directive, que « la condition
spécifique de cette protection est constituée par
un usage sans juste motif de la marque antérieure qui tire ou tirerait indûment profit du
caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porte ou porterait préjudice » – ce qu’elle avait déjà énoncé à propos de
l’article 5, § 2 (46). Dès lors, il n’est pas nécessaire
que la similitude entre les signes en litige crée un
risque de confusion (47) : il suffit que le public
concerné établisse un lien entre la marque de
renommée et la marque ou le signe postérieur (48).
Mais, bien entendu, si le titulaire de la marque de
renommée démontre qu’il existe un risque de
confusion, il établit par là même l’existence d’un
lien (49) et d’un préjudice (50) car l’atteinte au caractère distinctif en découle nécessairement.
(40) TPICE, 25 mai 2005, Spa Finders, aff. T. 76/04, préc., no 41.
(41) C. Paris, 11 mai 2007, Ricard, PIBD 2007, no 858-III-538 ; C. Paris,
9 septembre 1998, Mr. Propre, D. aff., 1998, p. 1960.
(42) CJCE, 27 novembre 2008, Intel, point 30.
(43) CJCE, 23 octobre 2003, Adidas c/ Fitnessworld, aff. C.408/01, Rec. I,
p. 12537, point 29 ; CJCE, 14 septembre 1999, General motors c/ Yplon,
aff. C.375/97, Rec. I, p. 5421, point 23.
(44) CJCE, 10 avril 2008, Adidas c/ Marca Mode, aff. C. 102/07, PIBD 2008,
no 875-III-336, point no 41.
(45) Points nos 26 et 32.
(46) CJCE, 10 avril 2008, Marca Mode, point 36 ; CJCE, 23 octobre 2003,
Adidas c/ Fitnessworld, aff. C. 408/01, Rec. I, p. 12537, point 27 ; CJCE,
Adidas c/ Marca Mode, aff. C. 102/07, point no 40.
(47) Point no 58 : « la mise en œuvre de la protection instaurée à l’article 4, § 4, a) de la directive n’exige pas l’existence d’un risque de confusion » ; C. Versailles, 27 avril 2006, Milka, PIBD 2006, no 834-III-505 ; C.
Paris, 18 janvier 2006, Orlane c/ Dior, PIBD 2006, no 826-III-226.
(48) CJCE, 23 octobre 2003, Adidas Salomon et Adidas Benelux c/ Fitnessworld, aff. C. 408/01, point no 31 et conclusions Jacobs, point no 44.
(49) Point no 57, Trib. com. Bruxelles, 26 juillet 2007, Ikéa c/ Idéa, Ing.Cons. 2007, p. 752.
(50) En ce sens : C. just. Benelux, 22 mai 1985, Lever c/ IMS (aff. Lux c/
Lux Talc), Ing.-Cons. 1985, p. 189. Rapprochez : Cass. com., 23 septembre 2008, Hachette Filipacchi c/ Chefar Archeval (Elle c/ X-elle-S),
PIBD 2008, no 884-III-620, Prop. ind., novembre 2008, no 85, obs. P.
Tréfigny-Goy.
L’association peut tenir dans le fait que le public
concerné est conduit à penser que les produits ou
services émanent du titulaire de la marque de
renommée ou d’une entreprise liée. Elle surgit aussi
lorsque le public fait rejaillir la nature ou la mauvaise qualité des produits marqués sur la marque
renommée, qu’ils dévalorisent dans son esprit (51).
Il se peut encore que, quelle que soit la qualité des
produits ou services, le tiers se place délibérément
dans le sillage de la marque pour bénéficier de sa
célébrité, de son image, de son unicité ou des
efforts publicitaires, commerciaux ou d’innovation
de son titulaire, imposant alors lui-même un lien à
un public qui n’attribue pourtant pas forcément
l’origine de ces produits au titulaire de la marque
renommée. Par ailleurs, le rapprochement ou
l’association peut être opéré par le public concerné,
même s’il ne considère pas qu’il existe un lien économique ou juridique entre les deux marques (52).
C – L’usage dans la vie des affaires
L’article 5, § 2 de la directive du 21 décembre 1988
permet au titulaire d’interdire l’usage du signe
« dans la vie des affaires », précision qui ne se
retrouve pas dans la législation française (53) mais
dans laquelle il convient de la sous-entendre. Que
faut-il entendre par là ? Dans l’arrêt Arsenal du
12 novembre 2002, la Cour de justice des Communautés européennes a dit que l’usage ressortit à la
vie des affaires « dès lors qu’il se situe dans le
contexte d’une activité commerciale visant un
avantage économique et non dans le domaine
(51) Trib. com. Bruxelles (référé), 24 février 1987, Guerlain, Ing.-Cons.
1987, p. 200 (association avilissante de marques de parfum avec le
contenu d’une bande dessinée) ; Trib. com. Anvers, 1er juin 1989, Davidoff, Ing.-Cons. 1990, p. 317 (usage de la marque « Davidoff » comme
dénomination sociale et enseigne d’un débit de boissons, entraînant à la
fois dilution et avilissement).
(52) Conclusions Sharpston, point no 61. C’est le cas notamment des
pseudo-parodies de marques de renommées utilisées pour vendre divers
produits, supra note no 23.
(53) J. Passa, Droit de la propriété industrielle, T. 1, LGDJ 2006, no 382 ;
A. Braun et E. Cornu, préc., nos 355-355 bis.
privé » (54). La jurisprudence Benelux va dans le
même sens, la Cour de justice Benelux considérant
que l’expression doit s’interpréter largement,
comme couvrant tout emploi de la marque dans le
cadre d’une activité commerciale ou dans des circonstances telles qu’il procure à son auteur un profit commercial (55). Par exemple, l’usage du mot
« décathlon » dans son sens commun pour critiquer la pratique de ce sport, serait-ce de façon vulgaire, sur un site Internet ne ressortit pas à l’article
L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle en
l’absence de toute référence aux signes distinctifs
de l’entreprise Décathlon (56).
II. LA DÉMONSTRATION DE L’EXISTENCE
D’UNE ATTEINTE À LA MARQUE DE
RENOMMÉE
Que faut-il démontrer ? Deux étapes doivent être
franchies (57) : d’abord il faut démontrer que le
public établit un lien entre la marque critiquée et
la marque de renommée, ou, du moins, qu’il existe
un risque d’association ; ensuite seulement, on
pourra établir qu’au moins l’une des trois sortes
d’atteinte (préjudice au caractère distinctif, préjudice à la renommée, ou profit indûment tiré du
caractère distinctif ou de la renommée de la marque) est consommée ou présente un risque sérieux
de survenir dans l’avenir (58). Les deux étapes sont
cumulatives : s’il n’y a pas de lien, il ne peut y avoir
de préjudice ni de parasitisme mais si le lien est
concevable, il n’emporte pas nécessairement par
lui-même la dilution ou le parasitisme (59).
(54) CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal, aff. C. 206/1, Rec. I, p. 10273, point
no 40.
(55) C. just. Benelux, 9 juillet 1984, Ciba-Geigy, Ing.-Cons. 1984, p. 317 ;
Trib. com. Bruxelles (référé), 24 février 1987, Guerlain, préc.
(56) Cass. com., 20 février 2007, Décathlon, PIBD 2007, no 850-III-273.
(57) Conclusions E. Sharpston, point no 40.
(58) Points nos 38-39.
(59) Points nos 31-32.
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Quant à l’« impératif de disponibilité », la Cour de
justice a, dans un arrêt du 10 avril 2008 (60), déjà
trouvé l’occasion de dire, sur le terrain de l’article 5, § 2 de la directive, qu’il est « étranger tant à
l’appréciation du degré de similitude entre la
marque renommée et le signe utilisé par le tiers,
qu’au lien qui pourrait être fait par le public
concerné entre ladite marque et ledit signe. Il ne
saurait donc constituer un élément pertinent
pour vérifier si l’usage du signe tire indûment
profit du caractère distinctif ou de la renommée
de la marque ou leur porte préjudice ».
A – L’appréciation globale du lien entre la
marque renommée et le signe critiqué
Si le risque de confusion n’entre pas dans la définition du lien que le public opère entre les deux
signes, la méthode d’appréciation de l’existence du
lien s’apparentant à celle que la Cour de justice, suivant les instructions du 10ème considérant de la
directive, a imposé en matière de risque de confusion (61) une appréciation globale. Ainsi, la Cour
affirmait-elle dans l’arrêt Adidas c/ Fitnessworld (62)
que : « L’existence d’un tel lien doit, de même
qu’un risque de confusion dans le cadre de l’article 5, § 1, b) de la directive, être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs
pertinents ». On remarquera que c’est de l’existence d’un lien qu’il s’agit et non du risque qu’un
tel lien soit établi, sauf, en bonne logique, lorsque
le signe critiqué n’a pas encore été exploité, comme,
spécialement, quand il s’agit d’une marque qui
vient d’être déposée.
Ce sont tous les facteurs pertinents de l’espèce
qu’il faut prendre en compte. L’arrêt Intel énumère les principaux (63) : la similarité des signes ; la
nature des produits ou services visés ; le public
concerné ; l’intensité de la renommée et du caractère distinctif de la marque... Tous ces facteurs doivent être pris en compte dans le cadre d’une appréciation d’ensemble, sans que l’un ou l’autre prévale (64). L’arrêt mentionne le degré de similitude
entre la marque de renommée et le signe critiqué.
Il ne peut y avoir de risque d’association en
l’absence de toute similarité. La démonstration de
ce que le signe évoque la marque de renommée
dans l’esprit du public concerné établit l’association, donc le lien (65). Plus la similarité est grande –
et a fortiori en cas d’identité –, plus il est vraisemblable que le public établisse un lien. Toutefois, ni
(60) CJCE, 10 avril 2008, Marca Mode, préc., point no 43.
(61) CJCE, 11 novembre 1997, Sabel, aff. C. 251/95, Rec. I, p. 6191,
PIBD 1998, no 653-III-248, point no 22 ; conclusions E. Sharpston, no 52.
(62) CJCE, 10 juillet 2003, préc., point no 30.
(63) Point no 42.
(64) Point no 61.
(65) Conclusions E. Sharpston, point 46 ; point no 60 de l’arrêt : « Le fait
que la marque postérieure évoque la marque antérieure dans l’esprit du
consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, équivaut à l’existence d’un tel lien ».
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
la similarité ni même l’identité ne suffisent dans cet
examen qui doit être global. La Cour de justice envisage deux séries d’hypothèses où le public n’associera pas le signe à la marque de renommée (66).
D’une part, il se peut que la marque de renommée
soit inconnue du public particulier que vise la marque postérieure et vice versa, notamment parce que
l’une concerne une clientèle de professionnels,
l’autre la grande consommation, si bien que « le
public visé par chacune des deux marques peut
n’être jamais confronté à l’autre marque, de sorte
qu’il n’établira aucun lien entre ces marques ».
D’autre part, même si les publics concernés sont les
mêmes ou coïncident en partie, les produits ou services visés respectivement par les deux signes peuvent être si différents que la marque ou le signe
postérieur ne sera pas susceptible d’évoquer la marque antérieure, ce qui signifie que, dans une certaine mesure, l’on peut prendre en considération le
degré de similitude des produits ou services pour
démontrer que les publics sont différents et peuvent ignorer l’une ou l’autre marque, sans que cette
similitude soit pourtant suffisante ni même et surtout nécessaire (67). En effet, comme le remarque
l’avocat général Sharpston, « la directive fait très
clairement état de produits ou de services qui ne
sont pas similaires, de sorte que l’on ne saurait
imposer une condition de similitude. Cela reviendrait presque à effacer la distinction entre les
conditions respectives auxquelles sont accordées
la protection de base contre le risque de confusion et la protection élargie prévue à l’article 4,
§ 4, a) de la directive » (68). Mais, il se peut aussi
que la marque ait une renommée particulière ou un
caractère distinctif très fort : « Dès lors (...), il peut
être nécessaire de prendre en considération
l’intensité de la renommée de la marque antérieure, afin de déterminer si cette renommée
s’étend au-delà du public visé par cette marque » – on relèvera au passage que cette précision
s’explique par la définition de la marque de renommée retenue par la Cour de justice des Communautés dans l’arrêt General Motors c/ Yplon (69), qui
n’exige pas que la marque soit connue d’une large
fraction du grand public mais seulement du public
concerné par les produits ou services qu’elle sert à
distinguer –, « de même, plus la marque antérieure présente un caractère distinctif fort, qu’il
soit intrinsèque ou acquis par l’usage qui a été
fait de cette marque, plus il est vraisemblable
que, confronté à une marque postérieure, identique ou similaire, le public pertinent évoque
ladite marque antérieure » (70). Le caractère dis(66) Points nos 46 et s.
(67) Conclusions Sharpston nos 59-61.
(68) Conclusions point no 59.
(69) CJCE, 14 septembre 1999, General Motors c/ Yplon, aff. C. 375/97,
Rec. I, p. 5421.
(70) Points nos 53-54.
tinctif est particulièrement marqué lorsque la marque est unique, c’est-à-dire qu’elle n’est utilisée que
par un seul titulaire (ou quasiment), et ce quels que
soient les produits ou services considérés, ce qui a
forcément une incidence sur le risque d’association (71).
Rapporter la preuve du lien ne suffit pas : c’est
une condition préalable qui ne dispense pas de
démontrer que la seconde est remplie, c’est-à-dire
l’atteinte effective ou le risque sérieux d’atteinte à
la marque de renommée (72). Il convient de souligner que des facteurs qui ont été pris en compte
pour apprécier l’existence du lien, seront pertinents aussi pour apprécier la dilution.
B – La preuve de l’atteinte
Le titulaire de la marque de renommée qui invoque l’atteinte que ce lien rend possible ou effective, doit naturellement démontrer que l’usage du
signe ou de la marque postérieure tire indûment
profit du caractère distinctif ou de la renommée de
la marque, ou leur porte préjudice ou, au moins,
qu’il existe « un risque sérieux qu’une telle
atteinte se produise dans le futur » (73). Il faut
pouvoir agir de façon préventive avant que l’atteinte
ne se produise, notamment dans l’hypothèse du
dépôt second qui n’a pas encore été exploité. Mais
on ne doit pas se contenter d’une simple hypothèse, il faut établir la vraisemblance de l’atteinte,
comme l’enseignent la jurisprudence et la doctrine
Benelux (74), ainsi que le TPICE (75). Si la démonstration de l’atteinte est distincte de celle de l’existence du lien entre les signes, il est évident que plus
le lien est fort dans l’esprit du public concerné,
c’est-à-dire plus le signe critiqué évoque la marque de renommée, plus le risque d’atteinte est
grand, sans pour autant que le titulaire de la marque soit dispensé de prouver l’atteinte (76).
La Cour de justice estime que le public pertinent
par rapport auquel on apprécie l’atteinte n’est pas
le même selon qu’il s’agit de parasitisme ou de préjudice au caractère distinctif ou à la renommée.
Dans le cas où l’on invoque le profit indu que le
tiers tirerait de la renommée ou du caractère distinctif de la marque par l’usage du signe similaire
ou identique, l’arrêt Intel énonce que, « dans la
mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré
de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, l’existence de ladite atteinte doit être
apprécié dans le chef du consommateur moyen
des produits ou services pour lesquels la marque
(71) Point no 56.
(72) Points nos 31-32 et 71.
(73) Points nos 37-39 ; conclusions no 85.
(74) Bruxelles, 9 janvier 2003, Solvay, Ing.-Cons. 2004, p. 39 ; Gand,
9 février 2004, Proximusic, Ing.-Cons. 2004, p. 196 ; A. Braun et E. Cornu,
préc., no 410 bis.
(75) TPICE, 25 mai 2005, Spa Finders, aff. T. 76/04, préc., no 40.
(76) Points 67 et 71 de l’arrêt ; points 70 et 84 des conclusions.
postérieure est enregistrée, normalement informé
et raisonnablement attentif et avisé » (77). Le titulaire de la marque seconde est supposé chercher à
se placer dans le sillage de la marque renommée :
on apprécie l’atteinte en fonction des consommateurs des produits ou services que lui-même vise
pour déterminer s’il y a effectivement parasitisme.
À l’inverse, lorsque le titulaire de la marque renommée invoque non le profit indu mais le préjudice
causé au caractère distinctif ou à la renommée de
sa marque, la Cour de justice impose d’apprécier
l’existence de l’atteinte « dans le chef du consommateur moyen des produits ou des services pour
lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et
avisé » (78). Cette fois, la volonté et même l’absence
de profit ou d’avantage du côté du tiers sont indifférents, ce qui compte, c’est de savoir si le pouvoir
attractif, la fonction publicitaire, l’unicité... de la
marque de renommée sont atteints ou risquent de
l’être : c’est alors du côté de la clientèle des produits ou services pour lesquels elle est enregistrée
qu’il faut se placer. Ce distinguo subtil est logique
mais il devrait être nuancé pour au moins deux raisons : d’une part, les dispositions en cause servent
à défendre la marque de renommée au-delà de la
spécialité ; d’autre part, bien souvent les deux types
d’atteintes se cumulent dans les faits.
L’atteinte ou le risque d’atteinte doivent être
appréciés, eux aussi, de façon globale, c’est-à-dire
en tenant compte de tous les facteurs pertinents de
l’espèce (79), qui peuvent varier d’un cas à
l’autre (80). Cela implique que les facteurs pris en
compte pour apprécier le lien vont pouvoir intervenir aussi dans l’examen de l’atteinte (degré de
similitude des signes ; public concerné ; intensité de
la renommée ; degré de caractère distinctif...) (81).
Mais il faut avoir une approche globale. Selon l’avocat général Sharpston (82), d’une part, « les faits
pertinents variant d’une affaire à l’autre, il est
impossible d’en dresser une liste exhaustive. Il est
probable qu’aucun fait isolé ne soit décisif » et,
d’autre part, « l’impératif d’une appréciation globale tenant compte de tous les faits pertinents
oblige à accorder à chaque facteur l’importance
qu’il mérite tout en donnant le dernier mot à leur
mise en balance globale ». Cela veut dire qu’un
facteur faiblement présent peut être compensé par
un ou plusieurs autres facteurs qui le sont davantage.
(77) Point no 36.
(78) Point no 35.
(79) Point no 68. La même règle avait déjà été posée par la Cour de justice de Benelux dans l’arrêt « Lux/ Lux Talc » du 22 mai 1985, Ing.-Cons.
1985, p. 189.
(80) Conclusions Sharpston, point no 83 ; arrêt Intel, point no 68.
(81) Conclusions no 45.
(82) Points nos 77 et 83 des conclusions.
DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 13
DOCTRINE
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14
L’arrêt Intel apporte d’utiles précisions sur le préjudice porté au caractère distinctif, qui est l’une des
formes d’atteinte. En l’occurrence, la marque Intel
est une marque unique, constituée d’un néologisme et employé par son seul titulaire – ce qui correspond bien au type de marques que Schechter
entendait protéger du risque de dilution (83) – et se
pose la question de savoir si cette unicité est une
condition nécessaire pour admettre l’atteinte au
caractère distinctif (84). Il parait indiscutable,
comme l’admet la Cour de justice des Communautés, que plus le caractère distinctif de la marque est
fort et, en particulier, si elle a un caractère unique
ou quasiment unique (c’est-à-dire très rare ou très
inhabituel), plus l’emploi d’un signe identique ou
similaire est susceptible de porter atteinte à ce
caractère distinctif. Néanmoins, la Cour refuse, à
juste titre, de cantonner la sanction de ce type
d’atteintes à de telles marques, ce qui restreindrait
à l’excès la portée du texte : « (...) Même si une
marque antérieure renommée n’est pas unique,
l’usage d’une marque identique ou similaire postérieure peut être de nature à affaiblir le caractère distinctif dont jouit ladite marque antérieure » (85).
Une autre précision concerne le point de savoir
si un seul usage du signe critiqué peut suffire, le cas
échéant, à porter atteinte au caractère distinctif de
la marque de renommée. L’avocat général avait
répondu plutôt par la négative, en soutenant que
c’est plutôt un usage répété qui est de nature à éroder le caractère distinctif de la marque. Toutefois,
dans la mesure où de telles atteintes doivent pouvoir être prévenues, Mme Sharpston admettait que
l’usage répété et son effet de sape puissent être
extrapolés à partir d’un premier usage (86). On y
inclura le simple dépôt comme marque, même
avant toute utilisation (87). La Cour de justice, quant
à elle, admet qu’un premier usage « peut suffire, le
cas échéant, à causer un préjudice effectif et
actuel au caractère distinctif de la marque antérieure ou à faire naître un risque sérieux qu’un
tel préjudice se produise dans le futur » (88).
Sur un autre point, l’arrêt semble diverger des
conclusions de Mme Sharpston, d’une manière
d’ailleurs discutable (89) ou, en tout cas, ambiguë.
La Cour était interrogée sur le point de savoir si le
préjudice au caractère distinctif suppose « une inci(83) « The more distinctive or unique the mark, the deeper is its impress
upon the public consciousness, and the greater its need for protection
against vitiation or dissociation forom the particular product with which
it has been used », préc., p. 825.
(84) V. en ce sens (mais obsolète), BGH, 11 juillet 1958, Triumph,
GRUR 1959, p. 29.
(85) Point no 73 de l’arrêt ; point no 72 des conclusions.
(86) Conclusions no 73.
(87) Trib. gr. inst. Paris, 14 octobre 2008, Play-Boy, PIBD 2009, no 890III-834.
(88) Point no 75
(89) V. le commentaire de A. Folliard-Monguiral, Prop. ind., janvier 2009,
no 3.
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
dence sur le comportement économique du
consommateur ». L’avocat général avait estimé
« qu’un préjudice porté au caractère distinctif
n’implique pas nécessairement un préjudice économique, de sorte qu’un changement du comportement économique n’est pas essentiel. Si la marque Coca-Cola, ou une marque ou signe similaire, était utilisée pour distinguer une gamme de
produits ou services sans rapport avec la célèbre
boisson, il se pourrait fort que son caractère distinctif s’en trouve affaibli, mais sans que les gens
se mettent à moins consommer la boisson. Il est
clair, cependant, que toute preuve d’un changement négatif réel dans le comportement des
consommateurs étaierait l’argumentation de la
requérante » (90). La Cour de justice des Communautés (91), en revanche, rappelant que le préjudice au caractère distinctif est constitué en cas
d’affaiblissement du pouvoir d’identification et de
perte d’emprise sur l’esprit du public, « la preuve
que l’usage de la marque postérieure porte ou
porterait préjudice au caractère distinctif (...) suppose que soient démontrés une modification du
comportement économique du consommateur
moyen des produits ou des services pour lesquels
la marque antérieure est enregistrée consécutive
à l’usage de la marque postérieure ou un risque
sérieux qu’une telle modification se produise ».
Comment expliquer cette exigence ? Le titulaire
d’une marque ne possède pas un droit à l’unicité
de sa marque hors de la spécialité : ce n’est que
parce que se conjuguent la renommée et un usage
préjudiciable au caractère distinctif ou fautif qu’il
obtient une protection au-delà de la spécialité.
Lorsque l’on n’invoque pas le caractère parasitaire
de l’usage (ce qui correspondrait d’ailleurs aussi à
l’hypothèse envisagée par l’avocat général), le préjudice est lié aux effets actuels ou potentiels de
l’usage – usage qui touche à la fonction publicitaire de la marque – sur le comportement de la
clientèle. Par conséquent, il faut au moins démontrer un risque de modification de ce comportement, serait-il limité, faute de quoi l’on voit mal où
se situerait l’atteinte. Il est vrai que, dans l’exemple donné par Mme Sharpston, la marque est unique et l’usage entraîne la perte de cette unicité, ce
que l’on pourrait bien considérer comme un préjudice en soi, indépendamment de toute référence
au comportement de la clientèle : la perte d’unicité affaiblit nécessairement la force attractive et
publicitaire de la marque dans l’esprit du consommateur, de sorte qu’il ne perçoit plus l’image de la
marque de la même façon, même s’il ne s’en éloigne pas pour autant. C’est bien l’idée soutenue
autrefois par Schechter. La formule retenue par la
(90) Conclusions, point no 74.
(91) Point no 77.
Cour de justice semble donc trop restrictive et peutêtre aura-t-elle l’occasion de l’amender. En tout cas,
la preuve de l’existence d’un risque doit suffire,
faute de quoi la protection contre la dilution
deviendrait inefficace et ne pourrait intervenir au
moment où elle est le plus nécessaire, c’est-à-dire
au moment du dépôt de la marque seconde ou dès
les débuts de l’utilisation du signe critiqué, au premier stade de l’érosion ou du « grignotage » (92)...
La Cour de justice ajoute, toutefois, que le fait
que le titulaire de la marque postérieure tire ou non
un réel avantage commercial du caractère distinctif de la marque antérieure est indifférent (93) : si
l’on démontre qu’il en tire un tel avantage, on passe
sur le terrain du profit indu (du parasitisme) mais
s’agissant de la seule atteinte au caractère distinctif, la dilution suffit, quelle que soit l’intention de
celui qui utilise le signe identique ou similaire et
même s’il n’en tire aucun profit. Rien n’empêche,
bien sûr, dans certains cas d’invoquer cumulativement les deux griefs.
C – L’absence de “juste motif”
Si le titulaire de la marque de renommée a établi à
la fois le lien et l’atteinte ou le risque d’atteinte, la
charge de la preuve passe à son adversaire, qui peut
démontrer que l’usage du signe ou de la marque
contestée a un juste motif, comme le prévoient les
articles 4, § 3 et 5, § 2 de la directive mais pas l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle
(mais il faut l’y sous-entendre (94)). L’arrêt Intel ne
fait que mentionner cette possibilité (95) sur laquelle
ne portait aucune question préjudicielle. La jurisprudence Benelux, ici encore, donne des indications sur ce que pourrait être le juste motif. En premier lieu, dans l’arrêt Claereyn du 1er mars 1975, la
Cour de justice de Benelux a dit que l’on ne pouvait définir in abstracto les critères permettant de
conclure à l’existence ou l’absence d’un « juste
motif ».
En deuxième lieu, la Cour a exclu que le juste
motif puisse résulter du seul caractère particulièrement approprié du signe pour désigner les produits ou services de l’utilisateur (ce que l’on rapprochera de la mise à l’écart du concept d’« impératif de disponibilité » par la CJCE), ni du fait que
le tiers s’en soit déjà servi. En troisième lieu, elle a
énoncé qu’« il faut généralement poser comme
condition qu’il y ait pour l’utilisateur du signe
une nécessité à faire usage de ce signe-là, telle
que, malgré le préjudice causé au titulaire de la
marque, il ne puisse être raisonnablement exigé
(92) A. Folliard-Monguiral, obs. sous l’arrêt Intel, Prop. ind., janvier 2009,
no 3, p. 27.
(93) Point no 78. En ce sens déjà : Trib. com. Bruxelles (réf.), 24 février
1987, Guerlain, Ing.-Cons. 1987, p. 200.
(94) Cass. com., 11 mars 2008, Vuitton c/ EMI, PIBD 2008, no 875-III345, Prop. ind., juin 2008, no 39, obs. P. Tréfigny-Goy.
(95) Point no 39.
de l’utilisateur qu’il s’abstienne de l’emploi de la
marque, ou que l’utilisateur ait un droit propre
à faire usage de ce signe et que (...) ce droit propre ne soit pas primé par le droit du titulaire de
la marque (...) au surplus, il appartiendra au juge
du fond d’apprécier, d’après les circonstances
particulières de chaque espèce, si le droit propre
éventuel de l’utilisateur doit ou ne doit pas être
primé par celui du titulaire de la marque (...) »,
en tenant compte de la nature et de l’importance
du préjudice. Ainsi, l’utilisation de bonne foi de son
propre patronyme (96) pourrait constituer un juste
motif (97) sous réserve de la mettre en balance avec
la nature et l’importance du préjudice causé à la
marque et d’en démontrer la nécessité et pas seulement l’utilité (98). Dans l’affaire « Lux c/ Lux
Talc » (99), la Cour de justice de Benelux a fourni
une autre précision. Le tiers prétendait justifier
l’usage de la marque « Lux » par référence à sa
nationalité luxembourgeoise. La Cour de justice de
Benelux lui répondit que : « Si un tiers fait usage
de la marque ou d’un signe ressemblant dans la
vie des affaires en des circonstances susceptibles
de causer un préjudice au titulaire de la marque, le seul intérêt de ce tiers à exprimer sa nationalité par la marque ou le signe qu’il utilise ne
peut pas être admis comme justification de pareil
emploi ». Ces enseignements paraissent pouvoir
être conservés pour l’application des textes communautaires et de l’article L. 713-5 : le « juste
motif » implique la démonstration non d’un intérêt mais d’une nécessité d’employer le signe (100) et
encore faut-il que le préjudice causé ne soit pas tel
que cette nécessité doive passer au second rang
pour donner la préférence au droit sur la marque
de renommée.
Ainsi, le droit communautaire des marques fait-il
largement échapper la marque de renommée au
carcan du principe de spécialité afin de préserver,
non plus la fonction de garantie d’identité d’origine, mais d’autres fonctions économiques de la
marque (101), notamment publicitaire (102), et finalement sa valeur de la marque, son pouvoir attractif et son image. Cependant, on ne peut s’empêcher de faire deux réserves. La première consiste à
dire que ce renforcement de la défense de la marque, parfaitement justifié s’agissant de marques
véritablement dotées d’une célébrité particulière
(96) J. Passa, préc., no 387.
(97) Trib. gr. inst. Paris, 22 mai 1991, Michelin, PIBD 1991, no 511-III683. Rapprochez : CJCE, 11 septembre 2007, Céline c/ Céline, aff. C. 17/06,
Rec. I, p. 7041.
(98) C. Versailles, 27 avril 2006, Milka, PIBD 2006, no 834-III-505 (confirmant Trib. gr. inst. Nanterre, 14 mars 2005, PIBD 2005, no 811-III-402).
(99) C. just. Benelux, 22 mai 1985, Lever c/ International Metals, Ing.Cons. 1985, p. 189.
(100) Trib. gr. inst. Paris, 22 janvier 2008, SFR, PIBD 2008, no 873-III-288.
(101) A. Braun et E. Cornu, préc., no 410.
(102) G. Guglielmetti, La protection des marques de haute renommée, in
Le droit comparé des marques dans la CEE, colloque Cuerpi (Grenoble),
1975, p. 116 (sp. p. 122) ; H. Cohen-Jehoram, préc.
DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 15
DOCTRINE
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(au sens que la jurisprudence et la doctrine française donnaient à la marque notoire avant l’arrêt
General Motors c/ Yplon), convainc moins pour les
marques renommées telles que la Cour de justice
les a définies de façon plutôt libérale, au point que
l’on comprend mal que la protection des fonctions
autres que de garantie d’origine et la sanction du
risque de dilution ne soient pas offertes à toutes les
marques comme le faisait la loi Benelux. La seconde
réserve concerne la méthode de la Cour de justice
des Communautés en la matière, consistant à donner des directives extrêmement complexes, théoriques et stratifiées, mais qui, de façon paradoxale,
débouchent sur la plus grande incertitude, tant
l’appréciation globale qu’elle systématise, n’assure
aucune espèce de prévisibilité. Quant à l’exigence
de la démonstration d’un changement de comportement économique de la clientèle, force est de
reconnaître que la formulation de l’arrêt Intel prête
à discussion. Si l’on tient compte de la volonté
exprimée par la Cour de justice de sanctionner la
dilution, il nous semble que cette exigence sera suffisamment satisfaite, avant toute exploitation dilutive ou dans ses premiers temps, si l’on établit un
risque de changement de comportement, mais il
peut y avoir des hypothèses où, bien que l’usage
n’implique aucun changement de comportement,
il doive être sanctionné quand même. Avec l’arrêt
Intel, l’analyse jurisprudentielle du statut de la marque de renommée est complétée. Il reste à la Cour
de justice des Communautés à finir de préciser
celui qu’elle entend donner à la marque notoire.
16
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
DOCTRINE
Marque communautaire : chronique de
jurisprudence (*)
P R O P R I É T É
I N D U S T R U E L L E
H3668
José MONTEIRO
Chargé d’enseignement au CEIPI
et à l’Institut de sciences politiques de Paris
I. HARMONISATION DU DROIT
Dans le court laps de temps couvert par cette chronique, c’est-à-dire de décembre 2008 à février 2009,
la Cour de justice des Communautés européennes
a rendu trois décisions de grande importance touchant aux confins de la notion d’usage sérieux de
la marque enregistrée (1). Ces trois affaires ont ceci
de commun qu’elles concernent les contours de la
contrainte liée à l’utilisation du signe non pas sous
l’angle quantitatif, mais qualitatif.
A – CJCE, 9 décembre 2008, aff. C-442/07,
Verein Radetzky-Orden (2)
La Bundesvereinigung Kameradschaft Feldmarschall Radetzky (BKFR) est une association à but non
lucratif autrichienne, qui se consacre au maintien
de traditions militaires et à des œuvres caritatives
destinés aux anciens combattants. Elle est titulaire
d’une série de marques constituées pour l’essentiel des médailles et insignes d’honneur, décernées
aux membres et aux donateurs pour annoncer des
manifestations ou collecter des dons, dans ses
papiers d’affaires ou sur son matériel publicitaire.
La déchéance pour non-usage de ces marques est
demandée par une entité similaire dénommée
Verein Radetzky-Orden.
La question qui était posée à la Cour de justice
était la suivante : « L’article 12-1 de la directive
doit-il être interprété en ce sens qu’une marque
fait l’objet d’un usage sérieux pour différencier les
produits et services d’une entreprise de ceux
d’autres entreprises lorsqu’une association à but
non lucratif l’utilise pour annoncer des manifestations, dans ses papiers d’affaires ainsi que sur
son matériel publicitaire et que ses membres
l’arborent sur des insignes qu’ils portent lors de
la collecte et de la distribution de dons ? ».
Dans l’arrêt Ansul, la Cour de justice avait déjà
jugé que la notion d’usage sérieux au sens de la
directive devait s’entendre d’un usage qui n’est pas
effectué à titre symbolique, aux seules fins du maintien des droits conférés par la marque, mais au
contraire d’un usage effectif, conforme à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au
consommateur ou à l’utilisateur final l’identité
(*) La seconde partie de cette étude paraîtra dans la prochaine édition
de la Gazette propriété industrielle.
(1) J. Monteiro, L’usage sérieux de la marque communautaire, Propriété
industrielle, juillet-août 2008, no 15, p. 10.
(2) Toutes les décisions citées de la Cour de justice ou du Tribunal de
première instance sont disponibles sur le site de la Cour accessible à
l’adresse suivante : http://curia.europa.eu
d’origine d’un produit ou d’un service, en lui permettant de le distinguer sans confusion possible de
ceux qui ont une autre provenance (3). Un tel usage
doit intervenir sur le marché des produits ou des
services protégés par la marque et pas seulement
au sein de l’entreprise concernée.
De façon générale, quand il est question d’interpréter la notion d’usage sérieux, il faut tenir compte
du fait que la protection accordée à la marque étant
liée à son exploitation, cette protection ne saurait
perdurer dès lors que la marque ne satisfait pas à
cet objectif de créer ou conserver des débouchés
pour les produits ou services auxquels elle s’applique.
Toutefois, l’usage de la marque dans un environnement concurrentiel ne fait pas obstacle à ce que
des services soient fournis sans contrepartie financière. Comme l’a souligné un éminent auteur, la
gratuité ne vise que les bénéficiaires. Le titulaire de
la marque peut être récompensé autrement que
sous forme de profits (4).
En réponse à la question posée, la Cour estime
tout d’abord que la circonstance que l’offre de produits ou de services faite par le titulaire de la marque, le soit sans but lucratif n’est pas déterminante.
Tant que l’association en question utilise les marques dont elle est titulaire pour identifier et promouvoir les produits ou services pour lesquels
celles-ci sont enregistrées, elle en fait un usage
effectif qui constitue un « usage sérieux » au sens
de l’article 12-1 de la directive.
Dans les faits, il appartiendra à la juridiction de
renvoi de vérifier si l’usage qui est fait par la BKFR
a bien lieu pour identifier et promouvoir ses produits ou services auprès du public ou au contraire,
dans un cadre purement interne.
En conséquence, l’article 12-1 de la directive doit
être interprété en ce sens qu’une marque fait l’objet
d’un usage sérieux lorsqu’une association à but non
lucratif l’utilise, dans ses relations avec le public,
pour annoncer des manifestations, dans ses papiers
d’affaires ainsi que sur son matériel publicitaire et
que ses membres l’arborent sur des insignes qu’ils
portent lors de la collecte et de la distribution de
dons (5).
(3) CJCE, 11 mars 2003, aff. C-40/01, Ansul, points 35 et 36.
(4) A. Folliard-Monguiral, Propriété industrielle, no 2, février 2009, comm.
no 10.
(5) CJCE, 9 décembre 2008, aff. C-442/07, Verein Radetzky-Orden,
point 24.
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B – CJCE, 15 janvier 2009, aff. C-49507, Silberquelle (6)
Dans ce litige, également d’origine autrichienne, la
Cour est interrogée sur le point de savoir si le titulaire d’une marque désignant une certaine catégorie de produits, fait un usage sérieux de celle-ci
lorsqu’il l’appose sur des objets qu’il offre gratuitement aux acquéreurs d’autres produits.
En l’espèce, la société Maselli exerce des activités dans le domaine de l’habillement. Elle est titulaire de la marque Wellness qu’elle utilise sans
doute dans le cadre de son activité principale, mais
aussi pour des boissons sans alcool qu’elle offre en
accompagnement de la vente de ses vêtements.
Cette affaire est différente de la précédente en ce
sens que dans le cas de la BKFR les marques étaient
utilisées en relation avec des produits ou services
qui relevaient certes, du domaine d’activités du titulaire, mais surtout, il s’agissait de produits autonomes. Quand bien même il s’agirait de souvenirs,
l’usage pour ces produits se suffisait à lui-même.
Au contraire, dans l’affaire Silberquelle les boissons sans alcool n’ont pas une existence autonome
en dehors des vêtements dont elles constituent le
support promotionnel. En d’autres termes, l’apposition du signe sur ces produits constitue, en quelque sorte, le prolongement de l’activité principale
de vente d’articles d’habillement et n’a donc pas
pour objectif l’acquisition ou la conservation de
débouchés et de parts de marché dans le domaine
des boissons. Cet usage constitue certainement un
geste sympathique en direction du consommateur,
mais reste étranger au marché des rafraichissements dans lequel Maselli ne pénètre pas et ne rivalise pas avec les autres concurrents.
Comme l’a relevé l’avocat général Damaso Colomer dans ses conclusions, il est nécessaire, eu égard
au nombre de marques enregistrées et aux conflits
susceptibles de surgir entre elles, de ne reconnaître le maintien des droits conférés par une marque
pour une classe donnée de produits ou de services
que lorsque cette marque a été utilisée sur le marché des produits ou services de cette classe. Cette
condition n’est pas remplie lorsque des objets
publicitaires sont distribués pour récompenser
l’achat d’autres produits et pour promouvoir la
vente de ces derniers (7). Selon lui, il semble hau(6) CJCE, 15 janvier 2009, aff. C-49507, Silberquelle c/ Maselli-Strickmode.
(7) Conclusions de M. Damaso Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire C-495/
07, Silberquelle, présentées le 18 novembre 2008, points 45 et 46 : « 45 –
En justifiant la nécessité de prouver l’usage sérieux des marques sur le
fondement de l’objectif de réduire le nombre total des enregistrements
dans la Communauté et, partant, les éventuels conflits, le huitième considérant de la directive no 89/104 témoigne de l’attachement de celle-ci à
la libre concurrence sur les marchés de biens et de services. Il est évident qu’elle vise également à alléger les procédures et à décharger les offices de marques, afin qu’ils ne deviennent pas des cimetières de ces signes,
mais elle traduit réellement la réalité du marché, en fournissant aux
concurrents la possibilité d’accéder à l’enregistrement afin d’obtenir la
certitude que le signe peut être inscrit, acte auquel on ne saurait légitimement opposer un cadavre de marque, c’est-à-dire un signe identique
ou très similaire qui ne jouit d’aucune vie sur le marché. 46 – Le fait que
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tement improbable que « quiconque rendu
enthousiaste par le rafraîchissement reçu en
cadeau pour l’achat de vêtements wellness, soit
disposé à dépenser de l’argent pour plus de vêtements, dont il n’a pas besoin, dans le seul but
d’obtenir le breuvage. Mais, même s’il agissait de
la sorte, ses achats n’augmenteraient pas la part
de marché de la marque en cause dans le segment des boissons, mais bien dans celui de
l’habillage, ce qui serait en parfaite adéquation
avec la mission que Maselli avait assignée au jus :
celle de réclame pour la diffusion de son activité
principale, la mode » (8).
En d’autres termes le maintien des droits exige
davantage que la simple apposition de la marque
sur des produits distribués à la clientèle. Il faut en
outre que le titulaire utilise sa marque dans une
logique de marché (9).
Eu égard à ces considérations, la Cour répond à
la juridiction de renvoi que les articles 10-1 et 12-1
de la directive doivent être interprétés en ce sens
que, lorsque le titulaire d’une marque appose
celle-ci sur des objets qu’il offre gratuitement aux
acquéreurs de ses produits, il ne fait pas un usage
sérieux de cette marque pour la classe dont relèvent lesdits objets.
Cette conclusion, applicable en matière de
déchéance pour non-usage d’une marque enregistrée devrait, à notre avis, s’appliquer dans les
mêmes conditions en matière de contrefaçon. En
effet il serait paradoxal de considérer que l’usage
d’un signe sur des objets promotionnels ne constitue pas un usage permettant à son titulaire de
conserver son droit, alors qu’il porterait atteinte à
un droit antérieur dans l’hypothèse où il existerait
un tel droit pour désigner la classe de produits dont
relèvent les articles promotionnels. Dans un cas
comme dans l’autre, l’usage du signe ne participe
pas au jeu de la concurrence sur le marché des
objets promotionnels dans lequel la marque appartient à un tiers, puisqu’il ne se situe pas dans le
contexte d’une activité concurrentielle visant à un
avantage économique dans le domaine des produits concernés par l’usage à des fins promotionnels.
Enfin l’usage d’un signe pour des produits publicitaires serait aussi insuffisant pour établir une similes tâches d’« assainissement » du registre sont confiées aux entreprises
concurrentes renforce le rôle prépondérant joué par la concurrence dans
l’adaptation des offices de marques à la situation économique. De la
même manière qu’il est exigé du titulaire d’un signe de l’utiliser effectivement en contrepartie de son droit de propriété industrielle, on impose
au concurrent de déclencher le mécanisme de nettoyage, à savoir la
déchéance, pour l’enregistrer en sa faveur. L’administration des offices de
marques se comporte donc de manière neutre ».
(8) Id., point 49.
(9) A. Folliard-Monguiral, Propriété industrielle, no 3, mars 2009, comm.
no 20.
larité entre ces produits et ceux dont ils assurent la
promotion ainsi que l’a jugé le Tribunal de première instance dans un arrêt du 12 juin 2007 (10).
C – CJCE, 19 février 2009 (ordonnance),
aff. C-62/08, UDV North America (11)
Dans le contexte très médiatisé opposant les titulaires de marques à certaines plateformes de vente
en ligne de produits de contrefaçon (12), cette décision de la Cour de justice revêt une importance particulière dans la mesure où la Haute juridiction était
invitée, pour la première fois, à se prononcer sur la
qualification du rôle de ces plateformes dans la réalisation de l’infraction.
Le contexte factuel du litige peut être résumé
comme suit : Brandtraders est une société belge qui
exploite un site Internet sur lequel ses membres
peuvent placer de façon anonyme des annonces en
vue de la vente ou de l’achat de leurs marchandises. Les non-membres peuvent aussi visiter le site
Internet où ils peuvent consulter les offres et les
demandes, mais aucune information ne leur est
fournie sur la localisation des marchandises ou sur
le prix qui en est demandé. Conformément aux
conditions générales, dès qu’un accord est intervenu entre l’offrant et le sollicitant, Brandtraders
conclut un contrat de vente avec l’acheteur, en tant
que commissionnaire du vendeur, c’est-à-dire en
son nom propre mais pour le compte du vendeur.
Au cours de la deuxième moitié de l’année 2001,
un vendeur a placé une offre sur le site en vue de
la vente d’une quantité importante de boissons
Smirnoff ice. Suite à l’action engagée par la société
UDV north America, titulaire de la marque, à
l’encontre de Brandtraders, la Cour d’appel de
Bruxelles a rejeté comme non fondée la demande
de cessation considérant d’une part, que le déchargement des marchandises dans le port de destination par le partenaire logistique de Brandtraders ne
peut en aucun cas constituer un usage de cette
marque par cette société, d’autre part, que, dès lors
que les mentions figurant sur le site ne sont pas le
fait de Brandtraders, l’usage de la marque litigieuse
Smirnoff ice ne saurait lui être attribuée, et enfin
qu’ayant fait un usage dans la vie des affaires de
cette marque pour le compte d’un tiers, Brandtraders n’a pas fait usage de ce signe au sens de
l’article 9-1, a) et 9-2, d) du RMC.
Sur recours de la société UDV, la Cour de cassation a décidé d’interroger la Cour de justice sur le
(10) TPICE, 12 juin 2007, aff. T-105/05, Waterford Stellenbosch c/ Waterford, point 33 : « La distribution des verres à vin avec le vin sera normalement perçue par les consommateurs concernés comme l’expression
d’un effort promotionnel visant à augmenter les ventes du vin, plutôt que
comme une indication de ce que le producteur concerné consacre une
partie de son activité à la distribution des articles de verrerie ».
(11) Avec la collaboration d’Isabelle Leroux, avocat à la Cour, Cabinet Bird
& Bird et Xavier Herfroy, ancien avocat, juriste au sein du département
des marques de L’Oréal, en charge de la lutte anti-contrefaçon.
(12) V. notamment Le Monde du 18 mars 2009, Internet facilite l’acheminement des contrefaçons, p. 12.
point de savoir si l’usage d’une marque au sens de
ces textes, exige que le tiers visé fasse un usage du
signe pour son compte propre ou en tant que partie intéressée dans une vente de marchandises ? Ou
encore si l’intermédiaire qui intervient en son nom
propre mais pour le compte d’autrui, peut être qualifié de tiers au sens des dispositions précitées ? (13).
De façon assez classique, la défense de la société
Brandtraders consistait à dire que l’usage de la marque litigieuse dans les multiples supports dont elle
a la conception ou à tout le moins la maîtrise, ne
constituaient pas un usage dans la vie des affaires
dès lors qu’elle n’a pas utilisé le signe comme partie intéressée dans une vente de marchandises dans
laquelle elle était elle-même partie liée, étant donné
qu’elle intervenenait pour le compte d’un tiers, en
l’occurrence le vendeur.
En d’autres termes, cette société qui conclut des
contrats pour le compte des ses clients et touche
des commissions sur les ventes réalisées sur le site
dont elle assure la promotion, pourrait néanmoins
continuer à s’enrichir en toute irresponsabilité, car
les biens dont elle assure la promotion et la vente
appartiennent à un tiers !
Cette argumentation a fort logiquement été rejetée par la Cour de justice. La démonstration est limpide.
À titre préalable, la Cour commence par rappeler que la notion d’usage de la marque que le titulaire est en droit d’interdire au sens de l’article 5-1
de la directive, dont le contenu est identique à celui
de l’article 9-1 du RMC, suppose la réunion cumulative des quatre conditions suivantes (14) :
– l’usage est fait sans le consentement du titulaire ;
– il a lieu dans la vie des affaires ;
– il est fait pour des produits ou des services ;
– l’utilisation du signe doit porter atteinte ou être
susceptible de porter atteinte aux fonctions de la
marque et notamment à sa fonction essentielle qui
est de garantir aux consommateurs la provenance
du produit ou du service.
Au regard de ces conditions, la circonstance que
le tiers en cause utilise un signe identique à une
marque enregistrée pour des produits qui ne sont
pas ses propres produits en ce sens qu’il ne dispose pas de titre sur ceux-ci, est sans pertinence et
ne saurait donc signifier à elle seule que cette utilisation ne relève pas de la notion d’« usage », au
sens de l’article 9-1 du RMC.
En effet, l’usage en question a bien lieu dans la
vie des affaires pour autant qu’il se situe dans le
contexte d’une activité commerciale visant à un
avantage économique et non dans le domaine
(13) CJCE, 19 février 2009 (ordonnance), aff. C-62/08, UDV north America / Brandtraders (SMIRNOFF ICE), point 27.
(14) V. notamment CJCE, 12 novembre 2002, aff. C-206/01, Arsenal football club.
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privé (15). Selon la Cour, le fait que la société Brandtraders ait agi comme commissionnaire pour le
compte du vendeur, fonction pour laquelle elle a
perçu une rémunération, est sans pertinence. Cette
situation est parue tellement incontestable que la
Cour s’est prononcée par ordonnance et non pas
par la voie classique.
Ensuite, il est clair que l’usage en cause au principal est fait pour des produits, peu importe à cet
égard que les produits en question soient ceux de
l’opérateur ou d’un tiers.
Enfin, il est tout aussi incontestable que l’utilisation du signe a lieu dans sa fonction de marque et
peu importe de nouveau que l’usage soit fait par le
tiers dans le cadre de la commercialisation de produits pour le compte d’un autre opérateur disposant seul du titre sur ces produits.
Par ces motifs, la Cour répond à la Cour de cassation belge que la notion d’usage, au sens de
l’article 9-1, a) et 9-2, d) du RMC, « vise une situation dans laquelle un intermédiaire commercial,
agissant en son nom propre mais pour le compte
du vendeur et n’étant pas, dès lors, une partie
intéressée dans une vente de marchandises dans
laquelle il est lui-même une partie liée, utilise,
dans ses papiers d’affaires, un signe identique à
une marque communautaire pour des produits
ou des services identiques à ceux pour lesquels
celle-ci est enregistrée » (16).
Qu’en est-il de celles des autres plateformes de
e-commerce qui n’auraient pas le statut de commissionnaire car elles n’agiraient pas pour le
compte de leurs clients vendeurs ? Doit-on de ce
fait, considérer que ces plateformes ne font pas
usage des marques reproduites, dans la vie des
affaires ?
Dans la majeure partie des cas (notamment les
sites dits de « ventes aux enchères »), ces plateformes sont actives à tous les stades du processus de
vente.
À titre d’exemple, le Tribunal de commerce de
Paris a retenu que la société eBay ne peut bénéficier de la qualité d’intermédiaire technique au sens
de l’article 6 de la directive e-commerce, car elle ne
limite pas son activité à celle d’hébergeur mais
déploie une activité commerciale rémunérée sur la
vente des produits mis en vente sur son site (17).
La Cour de justice prend d’ailleurs le soin de préciser que « Brandtraders est intervenu dans un
contrat de vente et a reçu une rémunération pour
cette intervention. La circonstance que, dans ce
(15) Id. point 40.
(16) CJCE, 19 février 2009, ord. Smirnoff Ice, point 54.
(17) Trib. com. Paris, 30 juin 2008, Parfums Christian Dior c/ eBay International, Revue Lamy Droit de l’immatériel, juillet 2008, no 40, p. 46.
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contexte, le commissionnaire ait agi pour le
compte du vendeur est à cet égard sans pertinence » (18).
C’est pourquoi, on doit considérer que l’usage fait
par les plateformes de e-commerce des marques
des produits commercialisés sur et ou par l’intermédiaire de leur site, constitue un usage au sens
des article 5.1 de la directive et 9-1 du RMC.
II. LA MARQUE COMMUNAUTAIRE
VALABLE
A – Signes dépourvus de caractère distinctif
(article 7-1, b) du RMC)
Il est acquis aujourd’hui, que l’exigence de caractère distinctif résultant de l’article 7-1, b) du RMC,
lequel transpose relativement à la marque communautaire les dispositions de l’article 3-1 de la directive sur les marques, constitue une exigence autonome de validité du signe déposé à titre de marque. Cette condition, comme le souligne le professeur Jérôme Passa, n’a pas d’équivalent dans la loi
française (19). C’est pourquoi il faut souligner
comme une avancée significative de notre droit, les
récentes applications par la jurisprudence (20), de
cette condition même si sur le fond l’application
n’emporte pas nécessairement notre conviction
s’agissant en particulier de l’arrêt rendu à propos
de la marque communautaire constituée par la
photographie du « Che » au béret (21).
1 – TPICE, 17 décembre 2008, aff. T-351/07, Abri
ombrageant (22)
On sait bien que les signes figuratifs et complexes
n’ont pas un bon accueil de la part des juridictions
communautaires à tel point que, contrairement aux
signes verbaux, les décisions infirmatives qui
reviennent sur l’appréciation des chambres de
recours constituent une rarissime exception. La
motivation retenue est systématiquement la même :
Si les critères d’appréciation du caractère distinctif
de ces marques ne sont pas différents de ceux
applicables aux autres catégories de marques, il
n’en demeure pas moins, selon le Tribunal et la
Cour, que les consommateurs n’ont pas l’habitude
de présumer l’origine des produits en se basant sur
leur forme, en l’absence de tout élément graphique ou textuel (23).
(18) CJCE, 19 février 2009, ord. Smirnoff Ice, point 46.
(19) J. Passa, Droit de la propriété industrielle, Tome 1, LJDJ, 2006, no 112,
p. 103.
(20) C. Paris, 21 novembre 2008, Légende / XIII Bis Records (photographie du CHE au béret), PIBD no 889 du 1er février 2009, III, p. 792 ; C. Paris, 30 janvier 2009, Trianon Chocolatiers c/ Revillon Chocolatier (forme
d’un produit torsadé évoquant un sarment de vigne), non publié.
(21) C. Paris, 21 novembre 2008, préc.
(22) TPICE, 17 décembre 2008, aff. T-351/07, Somm Srl c/ OHMI (marque tridimensionnelle constituée par la forme d’un abri ombrageant).
(23) CJCE, 7 octobre 2004, aff. C-136/02 P, Mag Instruments c/ OHMI
(lampes de torche), point 30. Concernant une des rares exceptions v.
TPICE, 3 décembre 2003, aff. T 305/02, Nestlé Waters France c/ OHMI
(forme d’une bouteille).
Dans les faits l’application de la norme de
l’article 7-1, b) du RMC aboutit purement et simplement à un renversement des rôles respectifs des
parties. En effet, alors que dans le cadre de
l’article 7-1, c), l’office est tenu de démontrer de
façon positive le caractère descriptif du signe
déposé à titre de marque communautaire, en ce qui
concerne l’article 7-1, b) il se contente de procéder
par simple affirmation et il appartient au déposant
de démontrer que le signe constituant la marque
communautaire se différencie de manière significative des normes ou des habitudes du secteur
concerné, étant entendu que de simples variantes
d’une forme habituelle de ce type de produits ne
suffisent pas à établir que ladite marque n’est pas
dépourvue de caractère distinctif au sens de ce
texte.
C’est la conclusion à laquelle est arrivé le Tribunal s’agissant de cet objet insolite appelé « abri
ombrageant » que l’on ne rencontre pas souvent le
long des routes parisiennes tant le soleil nous manque ces temps-ci, mais auquel les chambre de
recours de Alicante semblent plus habituées.
En l’espèce, le titulaire de la demande de marque communautaire prétendait que « grâce à sa
forme particulièrement esthétique caractérisée
par des lignes harmonieuses réduisant l’impact
visuel potentiel de la construction », résultant de
la structure constituée d’un pilier unique au profil
courbé, le signe contesté s’écarterait sensiblement
des solutions traditionnelles présentes sur le marché. Malheureusement l’argument n’a pas
convaincu la première chambre des recours dont la
décision (24) est approuvée par le Tribunal. Il faut
dire que la tache du Tribunal a été grandement facilitée par le déposant lui-même qui a décrit la marque demandée comme étant constituée de « plusieurs poteaux équidistants, suivis de plusieurs
éléments tubulaires équidistants également, le
tout surmonté d’une couverture de manière à former un abri ombrageant ». À partir de là, le Tribunal pouvait dire non sans raison, que la marque
demandée était considérée par la requérante ellemême comme étant « une variante d’une des formes habituelles de ce type de produits ». Du reste,
le fait qu’au moins une autre entreprise du secteur
propose également une structure à pilier unique,
confirme, selon la juridiction, que la marque
demandée constitue une variante d’une des formes habituelles de ce type de produits (25).
Le fait que la marque demandée présente une
certaine hauteur esthétique et des caractéristiques
qui lui donnent un caractère nouveau et individuel, la rendent attractive et facilitent ainsi sa
mémorisation, n’est pas exclusif du défaut de carac(24) 1ère ch. de recours, 28 juin 2007, aff. R 1653/2006-1, Somm Srl.
(25) TPICE, 17 décembre 2008, arrêt abri ombrageant, préc., point 27.
tère distinctif intrinsèque. On sait bien que, sous
réserve de leurs spécificités propres, les différents
droits de propriété industrielle peuvent se compléter utilement en ce sens qu’un même objet peut,
dans certaines conditions, être protégé par un brevet ou par un dessin ou modèle et par une marque (26). Toutefois on sait aussi que dans le dépôt
de marque, le signe n’est protégé que dans la
mesure de son caractère distinctif. C’est donc assez
logiquement que le Tribunal conclut, en l’espèce,
que les particularités esthétiques de la marque
déposée ne suffisent pas pour en faire un signe distinctif de l’origine commerciale des produits visés,
alors que la « la forme en cause pourrait être un
modèle ou un dessin particulier » (27).
2 – TPICE, 20 janvier 2009, aff. T-424/07, dénomination Optimum (28)
Nul ne conteste le fait que les termes élogieux ne
peuvent être réservés à un opérateur économique
mais doivent rester dans le domaine public afin que
tous les concurrents puissent en disposer pour procéder à la promotion de leurs produits. En revanche la question que l’on peut se poser est de savoir
si de tels signes doivent être refusés parce qu’ils
sont descriptifs des produits ou services revendiqués, au sens de l’article 7-1, c) du RMC, ou bien
parce qu’ils sont dépourvus de caractère distinctif,
selon l’article 7-1, b).
De prime abord, dès lors que le rapport entre ces
signes et les produits et services auxquels ils s’appliquent n’est pas suffisamment direct et concret, de
nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement et sans autre réflexion une
description des produits et des services en cause ou
d’une de leurs caractéristiques (29), leur caractère
descriptif n’est toujours pas évident. C’est pourquoi la référence à l’article 7-1, b), semble plus
juste.
C’est en tout cas le choix qui a été fait par le Tribunal de première instance à propos de la demande
de marque communautaire Optimum servant à
désigner des produits biologiques destinés à l’agriculture.
En effet, issu du latin, mais également d’utilisation courante dans la plupart des langues de la
Communauté, le terme optimum relève de la catégorie des superlatifs signifiant « le plus favorable
ou avantageux » ou « le meilleur ». Il s’agit par
conséquent, d’un terme laudatif banal et répandu
devant pouvoir être utilisé par n’importe quelle
(26) TPICE, 12 novembre 2008, aff. T-270/06, Lego Juris c/ OHMI, brique
Lego, point 47.
(27) TPICE, 17 décembre 2008, arrêt abri ombrageant, préc., point 29.
(28) TPICE, 20 janvier 2009, aff. T-424/07, Pioneer Hi-Bred International
c/ OHMI (Optimum).
(29) TPICE, 22 juin 2005, aff. T-19/04, Metso Paper Automation c/ OHMI
(Paperlab), point 25.
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entreprise pour promouvoir ses produits ou ses services, y compris les produits concernés relevant de
la classe 1 au sens de l’arrangement de Nice (30).
C’est précisément en raison de sa signification
générique tendant à exalter de manière indéterminée la nature, la fonction ou les qualités de
n’importe quel produit, que ce signe ne permet pas
au consommateur d’imaginer à quel type de produit il se rattache, qu’il ne peut pas être considéré
comme étant apte à identifier l’origine commerciale des produits qu’il désigne et, par conséquent,
à remplir la fonction essentielle de la marque (31).
B – Caractère descriptif (article 7-1, c) du RMC)
1 – TPICE, 21 janvier 2009, aff. T-399/06,
dénomination Giropay (32)
Aux termes de l’article 7-1, c) du RMC, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont
composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour
désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique
ou l’époque de la production du produit ou de
la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».
On sait que les signes visés par ce texte sont ceux
qui peuvent servir, dans un usage normal du point
de vue du consommateur, à désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour
lequel l’enregistrement est demandé. En effet, de
tels signes sont réputés incapables d’exercer la
fonction essentielle de la marque qui est celle
d’identifier l’origine commerciale du produit ou du
service et permettre ainsi au consommateur qui
acquiert le produit ou le service, de répéter le choix
lors d’une acquisition ultérieure, si l’expérience
s’avère positive, ou de s’en départir si elle s’avère
négative (33). Enfin, l’interdiction prévue par ce texte
s’applique dès lors que, dans au moins une de ses
significations potentielles, le signe désigne une
caractéristique des produits ou des services concernés (34).
S’agissant des marques constituées d’un néologisme ou composés d’éléments dont chacun est
descriptif des caractéristiques des produits ou des
services pour lesquels l’enregistrement est
demandé, l’ensemble ainsi constitué est lui-même
descriptif des caractéristiques des produits ou services désignés, à moins qu’il existe un écart perceptible entre le néologisme et la simple somme des
éléments qui le composent. Il en est ainsi lorsqu’en
(30)
(31)
(32)
(33)
28.
(34)
tion
TPICE, 20 janvier 2009, arrêt Optimum, préc., point 24.
Id. point 26.
TPICE, 21 janvier 2009, aff. T-399/06, Giropay c/ OHMI (Giropay).
TPICE, 27 février 2002, aff. T-219/00, Ellos c/ OHMI (ELLOS), point
CJCE, 23 octobre 2003, aff. C-191/01, OHMI c/ Wrigley, dénominaDouble Mint, point 32.
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
raison de son caractère inhabituel, la combinaison
crée une impression suffisamment éloignée de celle
produite par la simple réunion des éléments qui la
composent, de sorte que la somme desdits éléments prime (35).
Dans cette affaire concernant la dénomination
Giropay servant à désigner les produits et services
des classes 9 et 36 et notamment les programmes
de traitement des données et les affaires financières et monétaires, le Tribunal considère que les
deux composantes de la marque sont couramment
utilisés, le premier Giro, pour désigner un système
de transfert de fonds entre établissements financiers d’un pays, et le second Pay, pour désigner un
transfert d’argent versé en contrepartie d’un travail ou d’un service.
Il s’ensuit que chacun des deux mots est descriptif des caractéristiques des produits et des services
pour lesquels l’enregistrement est demandé et n’est
donc pas susceptible de distinguer les produits ou
services de la requérante de ceux d’autres entreprises (36).
Prise dans son ensemble, la dénomination Giropay est tout aussi descriptive que les éléments qui
la composent pris isolément, car elle est susceptible de désigner plusieurs opérations économiques
se déroulant dans le milieu financier, se caractérisant par des transferts de fonds (37).
Ainsi, le signe en cause, composé des mots Giro
et Pay, placés dans un ordre correct du point de vue
de la grammaire anglaise, ne crée pas, auprès du
public pertinent, une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple juxtaposition
de ces deux mots pour en modifier le sens et la portée et ne contient pas d’éléments d’ordre créatif
susceptibles de le rendre dans son ensemble apte
à distinguer les produits et les services de la requérante de ceux d’autres entreprises (38).
2 – TPICE, 21 janvier 2009, aff. T-307/07, dénomination Airshower (39)
Dans cette affaire relative à l’enregistrement de la
marque verbale Airshower désignant les produits de
classe 11 et notamment les éléments sanitaires de
douche, le déposant de la marque communautaire
critique la décision de première chambre de recours
de l’OHMI au motif que la technique consistant à
souffler de l’air dans un dispositif de douche n’est
pas connue du public ce qui aurait pour effet de
rendre inhabituelle la combinaison des mots Air et
Shower.
Le Tribunal rejette cet argument considérant que,
dans le contexte de l’article 7-1, c) du RMC, il n’est
(35) TPICE, 22 juin 2005, arrêt Paperlab, préc., point 26.
(36) TPICE, 21 janvier 2009, arrêt Giropay, préc., point 33.
(37) Id., point 36.
(38) Id., points 37 et 38.
(39) TPICE, 21 janvier 2009, aff. T-307/07, Hansgrohe c/ OHMI (Airshower).
pas nécessaire que les signes et indications composant la marque soient effectivement utilisés, au
moment de la demande d’enregistrement, à des fins
descriptives de produits ou de services tels que ceux
pour lesquels la demande est présentée ou des
caractéristiques de ces produits ou de ces services.
Il suffit que ces signes et indications puissent être
utilisés à de telles fins dans le futur (40).
Par conséquent, lors de l’examen du caractère
descriptif, l’office doit apprécier non seulement si
une marque dont l’enregistrement est demandé
constitue actuellement, aux yeux des milieux intéressés, une description des caractéristiques des produits ou des services concernés, mais aussi s’il est
raisonnable d’envisager que cela soit le cas dans un
avenir prévisible. Et si, à l’issue de cet examen,
l’autorité compétente parvient à la conclusion que
tel est le cas, elle doit refuser de procéder à l’enregistrement de la marque (41).
En l’espèce, la décision apparaît d’autant plus
justifiée que la technologie la plus élémentaire pour
augmenter la pression du débit d’eau dans les systèmes de douche, et partant réaliser des économies du liquide précieux, consiste dans l’utilisation de l’air comme cela semblait résulter d’une
publication scientifique australienne sur laquelle
s’est appuyé la première chambre de recours dans
la décision référée au Tribunal de première instance.
S’agissant de la marque litigieuse, le Tribunal
considère que la combinaison des mots Air et
Shower est conforme aux règles syntaxiques et
grammaticales de la langue anglaise. Dès lors, elle
ne sera pas perçue comme inhabituelle par le
public ciblé et de ce fait, ne crée pas une impression suffisamment éloignée de celle produite par la
simple réunion des indications apportées par lesdits termes (42).
3 – TPICE, 2 décembre 2008, aff. T-67/07, dénomination Fun (43)
Dans la décision soumise à la censure du Tribunal,
la deuxième chambre de recours avait estimé
qu’appliquée à des véhicules terrestres à moteur, la
dénomination Fun serait perçue comme l’indication que le véhicule a un aspect original et est particulièrement amusant à conduire. En outre, ce
terme faisant partie du vocabulaire anglais ordinaire de base, il y avait « clairement un intérêt
général à le maintenir disponible pour d’autres
commerçants et concurrents » (44).
(40) TPICE, 16 mars 2006, aff. T-322/03, Telefon & Buch c/ OHMI (Weisse
Seiten), point 92.
(41) CJCE, 12 février 2004, aff. C-363/99, Koninklijke KPN Nederland,
point 56.
(42) TPICE, 21 janvier 2009, arrêt Airshower, préc., point 37.
(43) TPICE, 2 décembre 2008, aff. T-67/07, Ford Motor c/ OHMI (Fun).
(44) 2ème ch. de recours, 20 décembre 2006, aff. R 1135/2006-2, Ford
Motor.
Le Tribunal n’est pas de cet avis. Selon lui, le fait
qu’une entreprise souhaite conférer une image
positive à ses produits, indirectement et de façon
abstraite, sans pour autant informer directement et
immédiatement le consommateur de l’une des qualités ou des caractéristiques déterminées des produits concernés, relève de l’évocation et non de la
désignation au sens de l’article 7-1 c) du RMC.
Ainsi, si le signe Fun peut être compris, en rapport avec les véhicules, comme indiquant qu’ils
peuvent être amusants et leur conférer une image
positive, il ne dépasse pas le domaine de la suggestion. Dans ces circonstances, force est de constater
que le lien existant entre le sens du mot Fun, d’une
part, et les véhicules terrestres à moteur, d’autre
part, apparaît trop vague, indéterminé et subjectif,
pour conférer à ce mot un caractère descriptif par
rapport auxdits produits.
À la différence de certaines indications descriptives des caractéristiques d’un véhicule, telles que
turbo, ABS ou 4x4, le signe Fun situé à l’arrière d’un
véhicule ne peut pas servir pour désigner directement un véhicule terrestre à moteur ou une de ses
caractéristiques essentielles, mais sera perçu par le
consommateur comme une désignation de l’origine commerciale du produit.
Partant, la constatation par la chambre de recours
selon laquelle le consommateur percevra le mot
Fun comme indiquant qu’un véhicule a un aspect
original ou est amusant à conduire, est insuffisante
pour conférer au signe un caractère descriptif au
sens de l’article 7-1, c) du RMC.
En conclusion, le Tribunal est d’avis que le vocable Fun ne présente pas en rapport avec les véhicules terrestres à moteur, un rapport suffisamment
direct et concret permettant au public concerné de
percevoir immédiatement, sans autre réflexion, une
description de ces produits ou de l’une de leurs
caractéristiques. Partant, il ne tombe pas sous le
coup de l’interdiction de l’article 7-1, c) du
RMC (45).
Nous ne pouvons qu’approuver et nous réjouir de
cette motivation et ce d’autant plus que la jurisprudence du Tribunal de première instance n’est pas
prolifique en ce qui concerne les signes encourageants à destination des titulaires de marques. En
effet comme l’a affirmé une chambre de recours à
propos de la marque Oilgear, « les entreprises peuvent avoir un intérêt légitime à utiliser des marques évocatrices et suggestives lesquelles ne doivent pas être exclues de la protection » (46).
(à suivre)
(45) TPICE, 2 décembre 2008, arrêt Fun, préc., points 33 à 38.
(46) 2ème ch. de recours, 22 septembre 1998, aff. R 36/1998-2, The Oilgear Company, point 10.
DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 23
De la contrefaçon en Amérique
DOCTRINE
Emmanuelle HOFFMAN ATTIAS
Avocat au Barreau de Paris
Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle
Cabinet Hoffman
Amaïa OYHAMBERRY
Élève-avocate
Master 2 Droit des créations intellectuelles
P R O P R I É T É
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24
Selon James Moody, ancien chef de la division drogue et crime organisé du FBI, la contrefaçon tend
à devenir le « crime du XXI ème siècle » (1).
Aux États-Unis, comme en France et dans le reste
du monde, la contrefaçon représente désormais un
véritable fléau et une menace de plus en plus prégnante pour l’économie. L’impact direct de la
contrefaçon est en effet évalué à 6 % du PNB américain, et, selon les douanes américaines, le trafic de
marchandises contrefaites serait responsable de la
perte de plus de 750.000 emplois pour l’année 2007.
L’Agence américaine des douanes et de la protection des frontières estime que les biens contrefaits
et piratés saisis s’élèvent à une hauteur de 196,7
million de dollars (contre 155,3 millions de dollars
en 2006) (2). Tous les secteurs de l’économie sont
touchés par ce phénomène, et notamment l’industrie de la mode et du prêt-à-porter dont le montant total de la production s’élevait à 350 milliards
de dollars... et les pertes liées à la contrefaçon sont
estimées à un montant de 12 milliards de dollars
annuels (3).
La ville de New York est particulièrement touchée par la contrefaçon : selon un rapport publié en
2004 (4), environ 8 % que représente le commerce
des biens contrefaits est vendu à New York, ce qui
aurait pour conséquence un manque à gagner en
matière fiscale s’élevant à plus d’un million de dollars. La ville est une des plaques tournantes de la
contrefaçon à l’échelle mondiale en raison notamment de sa situation géographique, 13,4 % des
échanges maritimes passant par le port de New
York. Selon Caroline Joiner, directrice du Global
intellectual property center, la plupart des biens
contrefaits viennent de Chine ou seraient fabriqués 60 à 85 % des biens contrefaits à l’échelle
mondiale... avant d’être revendus dans les rues de
Chinatown.
C’est justement pour lutter contre ce phénomène
que le maire Michael Bloomberg s’est attaqué en
février 2007 au « triangle de la contrefaçon » en faisant procéder par le New York City police department et le Mayor’s office special enforcement à de
véritables raids pour sévir contre le commerce des
(1) G. W. Abbott, Jr. and Lee S. Sporn, Trademark counterfeiting § 1.01
(2001).
(2) http://www.cfo.com/article.cfm/11475740/c_11476271?f=singlepage
(3) R. Moody, Logo Cops fight Apparel Knockoffs, Portland Business Journal, 9 april, 2004. http://www.intellectualsecurity.com/2004 avril logo_cops_fight_apparel_knocko.html
(4) http://www.comptroller.nyc.gov/bureaus/bud/04reports/BootlegBillions.pdf
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
biens contrefaits, nuisible à l’économie locale ; la
totalité des biens saisis a été estimée à une valeur
de 16 millions de dollars. M. Bloomberg qualifie luimême la contrefaçon de « crime organisé » et
l’opération d’une des plus importantes « attaques
contre l’argent facile et sale » dérivé du commerce
des biens contrefaits (5). La ville de New York a
fondé son action sur le « nuisance abatement
law » – comparable aux troubles de voisinage – et
ce afin d’obtenir des injonctions permettant de procéder à des opérations anti-contrefaçon.
Cette opération de grande ampleur fait suite à
une série d’actions en justice intentées par des
grandes marques à l’instar de Burberry, Givenchy
et Marc Jacobs, à l’encontre d’une société immobilière – Terranova Estate – louant les locaux destinés au commerce de biens contrefaits à Chinatown.
C’est plus précisément suite au dépôt d’une
plainte par Louis Vuitton pour atteinte au droit des
marques devant le Tribunal du Southern district de
New York (6) contre trois sociétés immobilières,
propriétaires d’immeubles abritant des commerces vendant des biens contrefaits, que l’action
menée par M. Bloomberg a abouti. En l’espèce,
Louis Vuitton accusait lesdits propriétaires d’avoir
facilité le commerce des biens contrefaits et d’en
avoir tiré profit, en basant son action sur le New
York Real property law § 231 qui permet en effet
d’engager la responsabilité des propriétaires pour
l’atteinte aux droits d’auteur et aux droits des marques pratiqués par leurs locataires et résultant en
des dommages liés à un usage illicite, au commerce
ou à la fabrication de biens illicites.
Le 19 avril 2005, le Tribunal du Southern District de la ville de New York a enjoint les propriétaires des immeubles au cœur du litige à changer
immédiatement de locataires, à afficher des encarts
reproduisant la décision de justice sur les lieux dits,
à inclure une nouvelle clause « anti-contrefaçon »
dans les contrats de location à venir, et enfin à
expulser tous les locataires refusant de suivre ces
règles. Cet accord constitue une véritable avancée
dans la lutte contre la contrefaçon et ouvre une
nouvelle brèche quant à la responsabilité des propriétaires des locaux dans le commerce des biens
contrefaits.
(5) http://www.nytimes.com/2008 février 27/nyregion/27chinatown.html
(6) Louis Vuitton Malletier v. Richard E. Carroll, 05 CV 3331 (SDNY 2005).
Aux États-Unis comme en France, la contrefaçon se développe sous de nouvelles formes, représente de nouvelles menaces et appelle de nouvelles réponses pour faire face à ce défi. La législation
et la jurisprudence américaines, en véritable évolution, ont récemment permis des avancées notables en matière de lutte contre la contrefaçon, en
accordant une protection plus adaptée aux droits de
la propriété intellectuelle, en étendant cette protection et en favorisant les actions préventives.
En matière de droit des marques, l’arrêt Louis
Vuitton malletier v. Haute diggity dog rendu par la
Cour d’appel de Virginie a, pour la première fois,
fondé sa décision sur le Trademark dilution revision act qui permet aux titulaires d’une marque de
prévenir tout risque de dilution de leur marque (I).
En matière de droit des dessins et modèles, la
dernière avancée majeure en matière de droit de la
propriété intellectuelle est le vote du Design piracy
prohibition act qui propose d’amender le US copyright act afin de fournir une véritable protection aux
créations de mode (II).
I. LE TRADEMARK DILUTION REVISION
ACT : UN OUTIL PRÉVENTIF CONTRE LE
RISQUE DE DILUTION DE LA MARQUE
La Cour d’appel de Virginie (4th circuit), dans l’arrêt
Louis Vuitton malletier v. Haute diggity dog (7) du
13 novembre 2007, a pour la première fois mis en
œuvre le Trademark dilution revision act (TDRA)
voté le 6 octobre 2006. Le TDRA vient réviser le
Lanham act (8) qui établit le statut fédéral du droit
des marques aux États-Unis en permettant au titulaire d’une marque connue d’engager une procédure en cas de risque de dilution de sa marque.
Avant l’application du TDRA, le Federal trademark dilution act se situait dans le cadre classique d’une action en responsabilité qui requiert de
prouver une réelle dilution de la marque, un réel
préjudice économique né de l’atteinte au droit de
la marque, et un lien de causalité entre les deux.
Ainsi, le TDRA a restauré la possibilité offerte au
propriétaire d’une marque de se prémunir contre
toute atteinte à l’image de sa marque née de l’usage
de cette même marque par un tiers pour la commercialisation de biens ou services différents, sans
toutefois avoir à apporter la preuve d’un préjudice
réellement subi.
Le TDRA prévient donc toute atteinte à l’image
de marque qui peut se matérialiser par un risque
de confusion (dilution by blurring, soit l’utilisation d’un signe qui, en raison de sa similarité avec
une marque antérieure jouissant d’une certaine
réputation, porte atteinte à sa distinctivité sans pour
(7) 507 F 3d 252 (4th cir. 2007).
(8) Title 15, chapter 22 of the United States Code.
autant créer un risque de confusion dans l’esprit du
consommateur (9)) ou par un avilissement de la
marque (dilution by tarnishment, soit l’utilisation
par le défendeur d’une marque identique ou similaire d’une manière qui crée une association indésirable, équivoque avec la marque jouissant d’une
certaine réputation, résultant en un véritable avilissement).
Pour qu’une action fondée sur le TDRA aboutisse, le titulaire de la marque jouissant d’une certaine réputation doit en être propriétaire et elle doit
être distinctive, le défenseur doit avoir fait usage de
sa marque dans le commerce, il doit y avoir similitude entre les deux marques, et cette même similitude doit être susceptible de porter préjudice au
titulaire de la marque.
Dans l’affaire précitée, Louis Vuitton Malletier
(ci-après LVM) a assigné Haute diggity dog (ciaprès HDD), une petite société spécialisée dans la
fabrication de jouets et niches pour chiens parodiant des marques notoires en produisant des articles baptisés « Furcedes » ou encore « Chewnel
n o 5 ». En l’espèce ladite société avait mis en vente
une peluche pour chien intitulée « Chewy Vuitton », évoquant un sac Vuitton dans sa forme, ses
couleurs et ses motifs.
En première instance, il avait été juge que HDD
ne portait pas atteinte aux droits de LVM car
« Chewy Vuitton » était une parodie ne créant pas
de confusion dans l’esprit du public, et donc ne
portant pas atteinte à l’image de marque de LVM.
Dans la mesure ou le jouet pour chien « Chewy
Vuitton » n’avait pour autre but que d’imiter en
parodiant la marque LVM, la question posée en
appel devant le 4th Circuit était de savoir dans
quelle mesure le risque de confusion était réel et
prégnant entre les soi-disant parodies de HDD et
la marque de luxe LVM.
LVM a en effet estimé que le jouet portait atteinte
à sa marque dans la mesure où le design, le marketing et la commercialisation des jouets risquaient
de faire naître une confusion dans l’esprit du
public. La Cour d’appel a tout d’abord rappelé la
définition de la parodie, soit la production humoristique créée par la juxtaposition de la représentation irrévérente d’une marque avec l’image idéalisée créée par le propriétaire de la marque (10). Afin
de déterminer si les produits « Chewy Vuitton »
étaient susceptibles de créer un risque de confusion, elle a appliqué les critères (11) déterminés par
(9) D’autres facteurs sont à prendre en compte, au titre desquels les tribunaux retiennent (1) le degré de similarité ; (2) le degré de distinctivité
de la marque jouissant d’une certaine réputation ; (3) l’étendue de l’utilisation exclusive de cette marque par son titulaire ; (4) l’étendue de la
reconnaissance de cette marque ; (5) l’intention de créer une association
dans l’esprit du consommateur entre cette marque et la marque postérieure ; (6) toute association existant entre les deux marques.
(10) PETA v. Doughney, 263 F3d 359,366 (4th circuit 2001).
(11) (1) la distinctivité de la marque du plaignant ; (2) la similarité entre
les deux marques ; (3) la similarité des biens et services rattachés à la marDIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 25
DOCTRINE
P R O P R I É T É
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l’arrêt Pizzeria Uno (12), pour conclure qu’il s’agissait bel et bien d’une parodie excluant tout risque
de confusion en raison de la réputation installée de
la marque LVM et de la faible similitude avec
l’appellation « Chewy Vuitton ».
S’agissant du « dilution by blurring », LVM a
estimé que l’usage et l’imitation de la marque
engendrait un risque de dilution de sa marque. La
Cour a tout d’abord rejeté la suggestion de LVM
selon laquelle une parodie ouvrait automatiquement la voie à une action judiciaire pour dilution
de la marque. Elle a ensuite, dans son raisonnement, appliqué les six critères prévus par le TDRA
afin de déterminer s’il y avait ou non risque de dilution de la marque, pour conclure que la marque
LVM était particulièrement forte et distinctive et
qu’il était peu probable qu’une parodie vienne affaiblir la distinctivité de la marque. La Cour va même
plus loin en suggérant qu’en choisissant de parodier la marque Louis Vuitton, une parodie réussie
pourrait renforcer la distinctivité de la marque en
la transformant en véritable icône.
Enfin, concernant le « dilution by tarnishment »
de la marque, la Cour a rejeté pour absence de fondement l’argument de LVM selon lequel l’éventuelle mort par étouffement d’un chien pourrait
engendrer une bataille judiciaire qui porterait
atteinte à la réputation et à l’image de marque de
LVM.
Enfin, concernant l’avilissement de la marque, la
Cour a rejeté pour absence de fondement l’argument de LVM selon lequel l’éventuelle mort par
étouffement d’un chien pourrait engendrer une
bataille judiciaire qui porterait atteinte à la réputation et à l’image de marque de LVM.
L’intérêt de cet arrêt est double dans la mesure
où d’une part, il met en œuvre pour la première fois
le TDRA, et d’autre part, il apporte la preuve que,
bien que le droit des marques protège habituellement les titulaires d’une marque notoire contre
toute atteinte ou dilution, il en va différemment
lorsqu’il s’agit d’une parodie réussie, l’humour
constituant alors un bouclier imparable.
II. LE DESIGN PIRACY PROTECTION ACT :
VERS UNE PROTECTION DES CRÉATIONS
DE MODE
Contrairement aux pays de l’Union européenne ou
au Japon, les créations de mode ne bénéficient pas
aux États-Unis d’un régime de protection adéquat
par le droit de la propriété intellectuelle. Une telle
protection est revendiquée de longue date par les
acteurs de l’industrie de la mode, et a été récemque ; (4) la similarité des infrastructures utilisées par les parties dans le
cadre de leur activité ; (5) la similarité des stratégies marketing ; (6) l’intention du défendeur ; (7) la confusion réelle.
(12) Pizzeria Uno Corp. v. Temple, 747 F 2d 1522, 1527 (4th circuit 1984).
26
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
ment réalisée par le Design piracy protection act
qui consacre désormais une protection aux créations de mode de trois ans, suite à leur enregistrement auprès du US Copyright office.
Ce projet de loi – voté le 16 octobre 2008 – avait
été introduit le 25 avril 2007 par les Representative
Delahunt, Maloney, Bono et Goodlatte pour qui « la
plupart des pays industrialisés offrent un cadre
juridique de protection pour les créations de
mode. Pourtant, aux États-Unis – leader mondial de l’innovation et de la créativité – les créations de mode ne sont pas protégées par le droit
de la propriété intellectuelle (...). Ce vide juridique permet aux pirates de tirer profit des efforts
de création et d’empêcher les designers de récolter un juste retour sur leur investissement créatif » (13). Ce projet de loi a été largement soutenu
par le puissant lobby du Council of fashion designers in America, au nom duquel notamment Narcisso Rodriguez a – entre autres – témoigné lors des
débats parlementaires pour qui cette protection est
indispensable en raison de l’investissement financier nécessaire pour créer une collection (14).
De telles constatations justifient donc la mise en
place d’un régime de protection adéquat pour les
créations de mode. En effet, le droit de la propriété
intellectuelle au niveau fédéral offrait déjà une
gamme de protection, incomplète, à travers le droit
d’auteur, le droit des brevets et le droit des marques. Tout d’abord, la protection des créations par
le droit d’auteur est limitée aux aspects « utilitaires » des objets, sans tenir compte de la dimension
artistique. De plus, le droit des brevets n’est pas
non plus adapté dans la mesure ou l’obtention d’un
brevet est longue et onéreuse, et les critères de nouveauté et d’inventivité peuvent être difficiles à appliquer aux créations de mode. Par ailleurs, le droit
des marques n’offre pas en soi une protection aux
créations de mode, mais protègent plutôt certaines
configurations permettant d’identifier la source du
produit.
La question de la protection des créations de
design avait déjà été évoquée et débattue à plusieurs reprises devant le Congrès depuis 1914 sans
jamais réellement aboutir. Un projet de loi voté par
le Sénat en 1975 prévoyait un titre consacré à la
protection des création du design, sans toutefois
apparaître lors du vote de la loi modifiant le Copyright act en 1976. De même, en 1998, le Digital
millenium copyright act en son titre V a offert une
protection sui generis pour le design des coques de
vaisseau. Ce n’est qu’en 2007 que le Design piracy
prohibition act a été voté, modifiant le chapitre 13
du US Copyright act, et accordant une protection
de trois ans pour les créations de mode. Sont désor(13) http://www.wptn.com/Mailing/May_17/details/crights/
notaro.html
(14) http://www.publicknowledge.org/node/1399
mais protégées les créations de mode (15), soit
l’aspect extérieur d’un article d’habillement y compris les ornementations. La notion d’habillement est
définie très largement et inclut les vêtements pour
homme, femme et enfants, y compris sousvêtements et vêtements d’extérieurs, chaussures,
chapeaux et autres accessoires tels que sacs, ceintures et montures de lunettes. Ces créations bénéficieront d’une protection de trois ans (16), qui semble adaptée au cycle de vie d’un produit dans
l’industrie de la mode.
Pour bénéficier d’une telle protection, une
demande d’enregistrement auprès de l’US Copyright office doit être effectuée dans les deux ans suivant la divulgation de la création (17). Toute contrefaçon s’entendant comme un article imitant le
design ou l’image (18) d’un article enregistré et protégé. Les sanctions ont également été modifiées : le
titulaire des droits peut demander à titre de dommages pour toute contrefaçon d’une création de
mode jusqu’à 250.000 $, ou à titre alternatif, une
somme proportionnelle à 5 $ par copie (19).
Ce projet de loi a été largement commenté par
les professionnels de la mode et du droit qui ont
exprimé divers points de vue quant à la nécessité
et l’opportunité de cette nouvelle législation.
(15)
(16)
(17)
(18)
(19)
Les adversaires au DPPA estiment qu’une protection des créations de mode n’est pas fondée dans
la mesure ou il est de l’essence même des créations d’être copiées, ce qui est une partie intégrale
et acceptée de l’industrie de la mode. De plus, ils
craignent que cette loi ait pour conséquence
d’accroître le contentieux relatif aux créations de
mode, et par extension d’étouffer la production de
celles-ci, dont il résulterait un choix limité pour les
consommateurs.
Le design piracy protection act a au contraire eu
de nombreux échos positifs auprès des professionnels qui se réjouissent de la création d’une protection adéquate pour la dimension artistique et créative des créations de mode, lesquelles ne sauraient
être réduites à une dimension purement utilitariste. Par ailleurs, a été également mis en avant la
menace des nouvelles technologies qui à travers les
photos et vidéos postées sur le net permettent un
large accès aux créations, et accroît donc le risque
de copie. Enfin, cette loi est tout particulièrement
destinée aux jeunes créateurs dont les noms et
l’empreinte ne sont pas encore suffisamment développés pour faire face au risque de copie par leurs
compétiteurs, à armes égales.
HR 2033, 110th Cong., 1st Session § 2(a)(2)(A)(2007).
§ 2(a)(2)(B).
17 USC §§ 1310 (a-b).
§ 2 (d)(2).
17 USC § 1323(a).
DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 27
DOCTRINE
Brevetabilité des cellules souches
embryonnaires humaines : une première
décision de la Grande chambre de recours
de l’Office européen des brevets
Gaëlle BOUROUT
Conseil en propriété industrielle
Mandataire agréée près l’Office européen
des brevets
I N D U S T R I E L L E
H3662
La Grande chambre de recours de l’Office européen des brevets (OEB), la plus haute instance de
cet organisme chargé de la délivrance des brevets
européens, a rendu récemment sa décision G 2/06
dans l’affaire WARF (Wisconsin alumni research
foundation). La saisine de la Grande chambre de
recours portait sur la brevetabilité des cellules souches embryonnaires humaines.
DES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES
Ces cellules, issues d’embryons, suscitent de nombreux espoirs dans le domaine biomédical : elles
ont la capacité quasi miraculeuse de pouvoir se différencier en tout type cellulaire, c’est-à-dire qu’elles
ont le potentiel de se transformer en neurones, cellules de foie, cellules de rein, etc. Cette technologie
devrait, à l’avenir, ouvrir d’immenses perspectives
pour la thérapie.
Malheureusement, ces fameuses cellules sont
extrêmement instables et difficiles à manipuler :
elles perdent très rapidement leurs propriétés intéressantes.
P R O P R I É T É
DE LA BREVETABILITÉ DES CELLULES
SOUCHES EMBRYONNAIRES HUMAINES
Le droit européen exclut certaines inventions biotechnologiques de la brevetabilité, en particulier au
titre de l’article 53(a) et de la règle 28(c) de la
Convention sur le brevet européen (CBE), qui
s’énoncent comme suit :
Article 53 CBE : « Exceptions à la brevetabilité :
Les brevets européens ne sont pas délivrés
pour :
a – les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, une telle contradiction ne pouvant
être déduite du seul fait que l’exploitation est
interdite, dans tous les États contractants ou dans
plusieurs d’entre eux, par une disposition légale
ou réglementaire (...) ».
Règle 28 CBE (anciennement 23 quinquies c)) :
« Exceptions à la brevetabilité :
Conformément à l’article 53 a), les brevets
européens ne sont pas délivrés notamment pour
28
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
les inventions biotechnologiques qui ont pour
objet (...) :
c – des utilisations d’embryons humains à des fins
industrielles ou commerciales (...) ».
Ces dispositions découlent immédiatement de la
directive no 98/44/CE du Parlement européen et du
Conseil du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, qui a été
directement intégrée à la CBE, et également transposée en droit français (1).
DE LA SAISINE DE LA GRANDE CHAMBRE
DE RECOURS DE L’OEB, ET DE SES
RÉPONSES EN L’ESPÈCE
En l’espèce, l’inventeur de la demande de brevet
européen « WARF » a pour la première fois réussi à
isoler et mettre en culture in vitro des cellules souches embryonnaires humaines. Cette demande,
déposée en 1995 et revendiquant des cultures de
cellules souches embryonnaires humaines, a été
rejetée en première instance par l’OEB, sur la base
de l’article 53(a) et de la règle 28(c) de la CBE.
Suite à ce rejet, WARF a fait appel de la décision,
et la Chambre de recours en charge de l’affaire,
considérant que se posait une question de droit
d’importance fondamentale, a saisi la Grande
chambre de recours, lui posant quatre questions :
1 – La règle 23 quinquies c) CBE (présentement
règle 28(c) CBE) s’applique-t-elle à une demande
déposée avant l’entrée en vigueur de ladite règle ?
La Grande chambre a répondu par l’affirmative,
se basant essentiellement sur l’absence de mesures transitoires lors de l’introduction de ladite disposition dans la CBE.
2 – S’il est répondu par l’affirmative à la question 1,
la règle 23 quinquies c) (présentement règle 28(c))
CBE interdit-elle de délivrer des brevets sur la base
de revendications portant sur des produits (en
l’espèce : des cultures de cellules souches embryonnaires humaines) qui – comme indiqué dans la
demande – ne pouvaient être obtenus à la date de
dépôt qu’à l’aide d’une méthode impliquant nécessairement la destruction des embryons humains à
l’origine desdits produits, si ladite méthode ne fait
pas partie des revendications ?
La Grande chambre a répondu par l’affirmative.
(1) Articles L. 611-17 et L. 611-18 du Code de la propriété intellectuelle,
créés par la loi no 2004-800 du 6 août 2004, dite « loi de bio-éthique ».
En l’espèce, d’après la description de la demande
de brevet, l’objet des revendications ne pouvait être
obtenu que par destruction d’embryons humains.
Quand bien même la demande de brevet portait sur
un produit et non un procédé, et quand bien même
le mode d’obtention des cultures de cellules ne
figurait pas au libellé de la revendication, la Grande
chambre a considéré que l’invention était exclue de
la brevetabilité au titre de l’article 53 (a) et de la
règle 28(c) CBE : ces dispositions font en effet référence à l’invention dans sa globalité, et donc à
l’enseignement technique exposé dans la demande
de brevet. La Grande chambre a également noté
qu’un produit doit effectivement être obtenu avant
d’être utilisé, et que le titulaire d’un brevet de produit est en mesure d’interdire un tiers de fabriquer
le produit en question.
Ainsi, puisque le produit de demande « WARF »
ne pouvait être obtenu que par des procédés nécessitant la destruction d’embryons humains, les dispositions correspondantes s’appliquaient, et l’objet
de la demande « WARF » n’était pas brevetable.
La Grande chambre a également jugé utile de
préciser que certaines considérations n’avaient pas
place dans la discussion, notamment la question
d’une définition de l’ordre public et des bonnes
mœurs (notions pouvant évoluer au cours du
temps, et pouvant varier d’un état à l’autre) ; l’autorisation de mener des recherches sur les cellules
souches embryonnaires humaines ; et la question
du bénéfice apporté par l’invention à l’humanité
(comme cela a pu être considéré dans l’affaire de
la souris oncogène).
3 – S’il est répondu par la négative à la question 1
ou 2, l’article 53a) CBE interdit-il de délivrer des
brevets sur la base de telles revendications ?
Cette question n’a pas nécessité de réponse de la
Grande chambre.
4 – Dans le cadre des questions 2 et 3, est-il utile
de savoir que les mêmes produits pouvaient être
obtenus après la date de dépôt sans devoir recourir à une méthode impliquant nécessairement la
destruction d’embryons humains (par exemple, en
l’espèce, par dérivation à partir de lignées de cellules embryonnaires humaines disponibles) ?
La Grande chambre a répondu par la négative. La
sécurité des tiers a primé : comme pour la question de la suffisance de description, le critère retenu
est le contenu de la demande telle que déposée.
PERSPECTIVES
La Grande chambre a précisé dans sa décision que
les conclusions tirées ne peuvent s’appliquer à la
question de la brevetabilité des cellules souches
humaines en général, et a expressément limité la
portée de cette décision au cas où les produits
revendiqués nécessitent la destruction d’embryons
humains. La demande « WARF » avait été déposée
en 1995. La décision G 2/06 aura donc vraisemblablement un impact restreint, dû aux prochaines
avancées technologiques en la matière, notamment
pour les nouvelles sources de cellules embryonnaires. De futures décisions, de l’OEB ou des cours et
tribunaux nationaux, permettront sans doute de
clarifier l’interprétation des dispositions correspondantes de la CBE et de la directive no 98/44/CE.
Outre les enjeux éthiques, à l’heure où les ÉtatsUnis envisagent d’encourager à nouveau la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, les questions de brevetabilité, cruciales au
développement de cette technologie, ne sont donc
pas encore tranchées.
DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 29
L’invention de mission ouvrant droit à une
rémunération supplémentaire des inventeurs
salariés
DOCTRINE
Magali TOUROUDE
Ingénieur brevet en biologie
Mandataire agréée près l’Office européen des brevets
Cabinet Plasseraud
Marie CERCLE
Juriste
Cabinet Plasseraud
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30
La question de l’inventeur salarié, en particulier
l’inventeur salarié ayant une mission inventive, est
de plus en plus fréquemment soulevée par les
entreprises et par les inventeurs. En effet, comme
nous le verrons, si un tel régime est bien prévu dans
la loi, son application peut être complexe et ambigüe du fait de l’absence de réglementation claire et
d’une jurisprudence, abondante en la matière mais
pas toujours homogène.
Nous nous intéresserons en particulier à la question de la rémunération supplémentaire de l’inventeur salarié dans le cadre d’une invention de mission, des modalités pratiques de versement et des
critères de calcul qui découlent de l’analyse jurisprudentielle et enfin de l’épineuse question de la
prescription de l’action en revendication de cette
rémunération supplémentaire.
En introduction, il convient de rappeler l’article
L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle (CPI)
qui dispose : « Les inventions faites par le salarié
dans l’exécution [...] d’un contrat de travail comportant une mission inventive [...] appartiennent
à l’employeur. Les conditions dans lesquelles le
salarié, auteur d’une telle invention, bénéficie
d’une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords
d’entreprise et les contrats individuels de travail ».
De plus, la loi dispose que tout accord entre le
salarié et son employeur ayant pour objet une
invention de salarié doit être constaté par écrit, sous
peine de nullité (article L. 611-7-3, alinéa 3 du CPI).
L’absence d’information plus précise contraint les
entreprises à mettre en place une politique interne
pour définir notamment les conditions d’octroi et
le calcul des rémunérations supplémentaires de
leurs salariés inventeurs ayant une mission inventive dans le cadre de leur contrat de travail, ou
explicitement chargés d’études ou de recherches.
Le système prévu doit être incitatif pour encourager l’innovation au sein de l’entreprise, équitable
aux yeux des salariés (et de la loi !), et suffisamment complet pour tenter de prévenir tout litige sur
cette question.
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
I. LA DÉCLARATION D’INVENTION :
CLASSEMENT DE L’INVENTION EN
“INVENTION DE MISSION” OU EN
“INVENTION HORS MISSION”
L’inventeur doit informer son employeur de l’existence d’une invention et proposer un classement de
ladite invention en « invention de mission » ou en
« invention hors mission ».
La déclaration d’invention est nécessairement
écrite et peut se faire directement auprès de
l’employeur, préférablement par lettre recommandée avec accusé de réception (ou tout autre moyen
permettant de prouver la bonne réception), ou par
le biais de l’INPI (article R. 611-9 du CPI).
L’employeur a ensuite deux mois pour contester
le classement effectué par le salarié.
Ce délai court à compter de la date de réception
par l’employeur de la déclaration de l’invention.
En cas d’inobservation des formalités de déclaration par le salarié, le délai ne court qu’à partir de
la date à laquelle l’employeur a finalement eu
connaissance de l’existence de l’invention. La
preuve pourra en être faite par l’employeur par tout
moyen.
Le silence de l’employeur pendant plus de deux
mois équivaut à acceptation du classement proposé par l’inventeur salarié.
Cette déclaration permet à l’employeur de prendre connaissance de l’invention et, dans le cas
d’une « invention hors mission attribuable », d’exercer ses droits sur ladite invention, contre versement d’un « juste prix ».
Nous développerons ici le cas particulier du classement de l’invention en « invention de mission »
et la question des modalités d’attribution de la
rémunération supplémentaire qui en découle pour
l’inventeur.
II. “INVENTION DE MISSION” : OBLIGATION
D’UNE RÉMUNÉRATION SUPPLÉMENTAIRE
POUR L’INVENTEUR
Cette rémunération supplémentaire est obligatoire
au sens de l’article L. 611-7-1 du CPI et la doctrine
s’accorde pour estimer qu’elle constitue une disposition d’ordre public.
Les conditions dans lesquelles le salarié auteur de
l’invention a droit à cette rémunération supplémentaire doivent être définies par les conventions collectives, les accords d’entreprise ou les contrats de
travail, la disposition la plus favorable devant
s’appliquer.
En pratique, les conventions collectives ne suivant pas toujours une évolution jurisprudentielle
rapide concernant cette question de la rémunération supplémentaire, de nombreuses entreprises
établissent un accord d’entreprise et/ou prévoient
le versement d’une rémunération supplémentaire
dans les contrats de travail eux-mêmes, dont le
mode de calcul est plus en adéquation avec la jurisprudence.
III. MODALITÉS DU VERSEMENT ET
CRITÈRES DE CALCUL DE LA
RÉMUNÉRATION SUPPLÉMENTAIRE
Rappelons ici que la Cour de cassation, notamment dans un arrêt de 2000 rendu par sa chambre
commerciale (1) a estimé que la rémunération supplémentaire de l’inventeur salarié doit être déterminée en s’intéressant :
– au salarié (sa contribution à la réalisation de
l’invention, son salaire annuel), étant entendu que
la rémunération ne saurait être fixée au regard du
seul salaire (2) ;
– mais aussi à la valeur de l’invention pour l’entreprise.
Conformément à cet arrêt, le montant de la
rémunération supplémentaire doit tenir compte de
« l’intérêt économique ou commercial de l’invention », par exemple du chiffre d’affaires ou des profits réalisés grâce à son exploitation commerciale.
La Cour d’appel de Lyon (3) a confirmé par la
suite en 2002 que le fait de subordonner la rétribution des inventeurs à un intérêt exceptionnel de
l’invention pour l’entreprise contrevenait aux dispositions de l’article L. 611-7 du Code de la propriété industrielle. Confirmant cet arrêt, la Cour de
cassation (4) a estimé que de telles conditions, prévues en l’espèce dans une convention collective,
devaient être réputées non écrites.
Rappelons ici que le droit au versement d’une
rémunération supplémentaire ne saurait être subordonné au dépôt effectif d’une demande de brevet,
mais à la brevetabilité de l’invention déclarée, et ce
(1) Cass. com., 21 novembre 2000, Société Hoechst Marion Roussel c/
Raynaud.
(2) Contrairement à ce qui est statué dans l’arrêt Cour d’appel de Paris
(4e ch., sect. B), 28 novembre 2008, Thurier c/ SA Comau, qui opère un
retour sur la jurisprudence antérieure constante, retour très critiqué,
notamment par l’Association des inventeurs salariés (AIS) : en effet, l’arrêt
se fonde sur le seul dernier salaire de l’inventeur salarié pour la détermination de la rémunération supplémentaire.
À noter qu’il n’y a pas eu de pourvoi en cassation dans cette affaire.
(3) C. Lyon, 14 novembre 2002, Scrémin c/ ADG.
(4) Cass. com., 22 février 2005, Scrémin c/ ADG.
selon une jurisprudence constante (5). En effet,
l’employeur peut décider de garder l’invention
secrète, sans pour autant se dédouaner de l’obligation de paiement d’une rémunération supplémentaire à l’inventeur salarié.
En outre, il n’est pas d’obligation d’exploitation
de l’invention pour ouvrir un droit à une rémunération supplémentaire de l’inventeur salarié.
Ainsi, une invention brevetable mais qui ne serait
pas protégée par un dépôt de brevet ni exploitée
par l’employeur devra néanmoins faire l’objet d’une
rémunération supplémentaire à l’inventeur salarié (6).
Au vu de ces décisions jurisprudentielles, il est
prudent, pour les entreprises, d’établir un mode de
calcul préalable prenant en compte la brevetabilité
de l’invention et son intérêt économique et commercial. Ce mode de calcul devant être reconnu par
l’employeur et les salariés, afin de prévenir tout
litige ultérieur sur cette question.
En pratique, un grand nombre d’entreprises semblent avoir opté pour un ou plusieurs versements
forfaitaires à une ou plusieurs étapes de la vie de
l’invention.
Ces entreprises font également suivre ces versements forfaitaires d’une gratification ultérieure si
l’invention vient à être exploitée.
Pour résumer, en pratique, la rémunération supplémentaire de l’inventeur salarié se fonde généralement sur deux « primes » distinctes, et ce, conformément à la jurisprudence précitée :
– une prime « d’incitation à la brevetabilité »,
pour rémunérer la déclaration d’une invention brevetable par un inventeur salarié et éventuellement
le dépôt d’une demande de brevet. Cette prime permet d’inciter à l’innovation les salariés tout en les
dissuadant de toute publication anticipée d’une
innovation potentiellement brevetable ;
– une prime liée à l’intérêt économique ou commercial de l’invention, dans le cas d’une exploitation de l’invention, une exploitation directe, ou une
cession du brevet (ou de la demande de brevet), ou
encore une concession de licence pouvant générer
des revenus substantiels pour l’entreprise.
À ce stade de la réflexion, force est de constater
que de nombreux litiges opposent les entreprises à
leurs inventeurs salariés, faute d’un procédé d’attribution et de calcul de la rémunération supplémentaire plus clair. Les inventeurs salariés voient également leur action en justice complexifiée par le
problème de la prescription en la matière.
(5) Par exemple, Trib. gr. inst. Paris, 5 avril 2006, Sebillaud c/ Fabricom
Airport System et Trib. gr. inst. Paris, 10 septembre 2008, Grek c/ Sanofi,
Centelion.
(6) Concernant la rémunération supplémentaire due à l’inventeur salarié, même en cas de non exploitation de l’invention, v. par exemple Trib.
gr. inst. Paris, 24 septembre 2008, Levasseur-Cruz c/ Laboratoires Goëmar.
DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 31
DOCTRINE
IV. PRESCRIPTION
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En effet, il existe actuellement et depuis de nombreuses années un problème quant à la durée et au
point de départ de cette prescription. On verra ici
que la jurisprudence peine à trancher ces deux
points.
En ce qui concerne tout d’abord la question de
la durée de la prescription, jusqu’à récemment, la
jurisprudence assimilait la rémunération supplémentaire à un complément de salaire et admettait
donc la prescription quinquennale en vertu de
l’article 2277 du Code civil et de l’article L. 143-14
du Code du travail, selon lesquels les actions en
paiement de salaire se prescrivent par cinq ans.
Cette assimilation n’est plus aussi évidente depuis
notamment l’arrêt Scrémin c/ ADG du 22 février
2005 rendu par la Cour de cassation. Selon cet arrêt,
la prescription quinquennale n’est pas applicable à
une action en paiement de rémunération supplémentaire d’invention de salarié « dont le montant
(qui constitue l’objet même du litige) n’est pas
déterminé ».
D’autres arrêts rejettent la prescription quinquennale dans des cas particuliers : Cour d’appel de
Paris, 28 avril 2004 (Meybeck c/ Christian Dior Parfums) et 13 mai 2005 (Ray c/ Rhodia) : en l’espèce,
défaut d’information de l’exploitation de l’invention et de son étendue par l’employeur envers le
salarié inventeur.
La durée de la prescription à prendre en compte
lors d’un litige entre un employeur et un inventeur
salarié est donc une question dont la réponse donnée par la jurisprudence est plus que fluctuante !
Autre point problématique : le point de départ de
cette prescription.
Ainsi, le jugement Sebillaud c/ Fabricom Airport
du Tribunal de grande instance de Paris du 5 avril
2006 fait courir la prescription (qui est quinquennale en l’espèce) à compter de la date à laquelle elle
devient « déterminable », c’est-à-dire :
i – la date à laquelle l’une des parties notifie à
l’autre l’évaluation qu’elle croit pouvoir en faire ;
ii – ou la date de la cessation de tout monopole
d’exploitation de l’employeur (donc la date de cession ou de concession exclusive du brevet) ;
iii – ou encore la date de cessation d’exploitation
de l’invention si celle-ci est postérieure à l’expiration du brevet.
Cette dernière éventualité peut faire partir la
période de prescription 25 ans (ou davantage) après
le dépôt de la demande de brevet.
La loi no 2008-141 du 17 juin 2008 porte réforme
de la prescription en matière civile. Elle ne modifie
pas la prescription quinquennale de l’article 2277
du Code civil sur les créances salariales.
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
L’article 2233 du Code civil confirme expressément que la prescription quinquennale n’est applicable que pour autant que les conditions exigées
pour son applicabilité soient satisfaites, c’est-àdire que le montant de la créance salariale soit
déterminé et ne fasse pas l’objet même du litige.
Néanmoins, la loi du 17 juin 2008 et les travaux
parlementaires ne mentionnent pas le paiement de
rémunération supplémentaire d’inventions.
En résumé, la jurisprudence est mouvante sur la
question de la prescription et la loi du 17 juin 2008
n’apporte pas de réponse claire.
Aussi, si l’inventeur salarié n’a pas perçu de
rémunération supplémentaire dans un délai raisonnable après dépôt du brevet, et/ou si ses demandes d’information auprès de son employeur sont
restées infructueuses, ce dernier court le risque
d’être assigné en justice par une action recevable
pendant une période pouvant atteindre 25 ans ou
davantage après le dépôt du brevet.
CONCLUSION
S’il est bien établi que la rémunération supplémentaire est obligatoire pour les inventions de mission, il n’en reste pas moins que différents points
peuvent faire l’objet de désaccord entre l’inventeur salarié et son employeur.
En premier lieu, le classement de l’invention dans
la catégorie des « inventions de mission » peut poser
problème et doit se faire par un accord écrit entre
l’inventeur salarié et son employeur.
Ensuite, le mode de calcul de la rémunération
supplémentaire par l’employeur doit être basé sur
la brevetabilité de l’invention et sur l’intérêt économique et commercial apporté à l’entreprise par
l’invention afin de respecter la loi et l’évolution
jurisprudentielle, ayant été vu que ces notions sont
parfois délicates à évaluer.
Enfin, la prescription de l’action en justice pour
faire valoir ce droit à la rémunération supplémentaire est malheureusement très mal définie, la jurisprudence étant particulièrement irrégulière sur
cette question.
Le silence de la loi et l’instabilité jurisprudentielle sur le mode de calcul de la rémunération supplémentaire et sur la prescription entraînent un risque pour les entreprises de voir leurs accords sur
la question invalidés ou réputés non écrits lors
d’éventuels litiges avec leurs salariés.
Les inventeurs salariés, quant à eux, peuvent voir
leur droit à la rémunération supplémentaire mal
appliqué par leur employeur et le montant de cette
rémunération supplémentaire sous-évalué. De plus,
leur action en justice peut se retrouver avortée faute
d’une règle de prescription plus claire.
Le Conseil supérieur de la propriété industrielle
(CSPI) a donc été chargé, depuis novembre 2007,
d’élaborer un rapport proposant des mesures législatives afin d’instituer un mode de calcul légal de
la rémunération supplémentaire des inventeurs
salariés.
Début décembre 2008, le CSPI a remis au ministère de l’Économie et des finances son rapport prévoyant diverses mesures pouvant éventuellement
faire l’objet d’un projet de loi. Malheureusement, au
17 mars 2009, cet avis n’a pas encore été rendu
public.
Il serait souhaitable qu’il soit rapidement publié
afin d’étudier les propositions du CSPI et d’en
apprécier les conséquences pour les employeurs
comme pour les inventeurs salariés.
DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 33
JURISPRUDENCE
Sommaires de jurisprudence
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CONCURRENCE DÉLOYALE
Concurrence
déloyale
résultant
d’actes
parasitaires – Preuve – Éléments constitutifs du
parasitisme distinct de la concurrence déloyale
Les sociétés demanderesses appelantes font grief
à une société intimée d’avoir commis à leur préjudice des actes de concurrence déloyale pour
avoir rompu les relations commerciales précédemment entretenues puis commercialisé une
gamme de lunettes de protection reproduisant
servilement les modèles diffusés par son ancien
fournisseur, et créé ainsi un risque de confusion
dans l’esprit de la clientèle tout en profitant indûment du travail de prospection et du marketing
qu’elles ont réalisé pendant plusieurs dizaines
d’années. Ce dernier grief relève précisément de
la qualification de parasitisme, étant observé que
la concurrence déloyale et le parasitisme sont certes pareillement fondés sur l’article 1382 du Code
civil, mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au
regard du risque de confusion, considération
étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon
injustifiée, une personne morale ou physique
copie une valeur économique d’autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit
d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et
d’investissements.
En effet, la concurrence déloyale comme le
parasitisme présentent la caractéristique commune d’être appréciés à l’aune du principe de la
liberté du commerce qui implique qu’un produit
qui ne fait pas ou ne fait plus l’objet de droits de
propriété intellectuelle, puisse être librement
reproduit sous certaines conditions, tenant à
l’absence de faute par la création d’un risque de
confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine
du produit, ou par l’existence d’une captation
parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice
paisible et loyal du commerce.
L’appréciation de la faute au regard du risque
de confusion doit résulter d’une approche
concrète et circonstanciée des faits de la cause,
prenant en compte notamment le caractère plus
ou moins servile, systématique ou répétitif de la
reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté
d’usage, l’originalité, la notoriété du produit
copié.
En l’espèce, les modèles opposés s’adressent à
une clientèle de professionnels qualifiés et avertis
des secteurs de l’industrie, de la médecine ou des
services qui ont une connaissance aiguisée du
marché et de ses acteurs qui, visant au premier
chef à assurer à leurs personnels une protection
efficace et confortable contre les risques du travail
et se déterminant en conséquence en fonction de
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
critères de qualité, ne sont pas susceptibles de
confondre les produits en présence à raison de
leur aspect ressemblant.
S’agissant du grief de parasitisme, les sociétés
demanderesses appelantes se bornent à invoquer
l’importance de leurs investissements de prospection de la clientèle et de marketing, sans donner
la moindre précision quant à leur nature, à leur
importance ni à les justifier au regard des modèles en cause. Par ailleurs, elles n’établissent nullement que la société intimée aurait indûment profité de leurs investissements humains, techniques
ou publicitaires. Il s’ensuit que les sociétés
appelantes ne sont pas fondées, au regard des critères précédemment invoqués, à reprocher à la
société intimée d’avoir cherché, en les imitant, à
détourner leur clientèle en semant la confusion
sur l’origine des produits ou à tirer profit, sans
bourse déliée, du succès rencontré par leurs produits, de sorte que la prétention émise au titre de
la concurrence déloyale et du parasitisme doit
être rejetée.
C. Paris (4e ch. A), 14 janvier 2009 : SAS Bushnell
Outdoor Products, SARL Bolle Protection c. SARL
Euro Protection – M. Carre-Pierrat, prés. ;
Mmes Rosenthal-Rolland, Chokron, cons. – SCP
Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Duboscq-Pellerin,
H3657
avoués ; Mes LLacer, Saunier-Plumaz, av.
...........................................................................................................................................
1) APPEL CIVIL
Qualité pour interjeter appel – Entreprise sous
procédure de sauvegarde – Loi du 26 juillet 2005
– Dirigeants de l’entreprise sous sauvegarde –
Recevabilité
2) BREVETS D’INVENTION
Brevet européen – Exploitation des brevets –
Cession des droits moyennant une redevance
3) CONTRATS ET OBLIGATIONS
a) Vices du consentement – Dol – Charge de la
preuve – b) Cause – Obligation avec ou sans
cause – Office du juge
1) Il résulte des dispositions des articles L. 622-1
et L. 622-3 du Code de commerce dans leur
rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, qu’au
cours de la période d’observation faisant suite au
jugement de sauvegarde, l’administration de
l’entreprise est assurée par son dirigeant qui
continue à exercer sur son patrimoine les actes de
disposition et d’administration. Il s’ensuit qu’une
société alors sous procédure de sauvegarde est
recevable à relever appel d’un jugement lui faisant grief.
2) Une société a conclu le 8 janvier 1999 avec un
inventeur un contrat par lequel ce dernier s’engageait à fournir chaque année un nombre indéter-
miné d’inventions dans le domaine des jouets à
base électronique ou mécanique, ces inventions
devant faire l’objet de brevets dont la société et
l’inventeur seraient copropriétaires, l’inventeur
cédant à la première l’exclusivité de ses droits
d’exploitation et de priorité. Les inventions étant
payées à l’inventeur par lots et en cas d’exploitation moyennant une redevance de 2 %.
Deux avenants à ce contrat ont été signés prévoyant le remplacement de la redevance de 2 %
par une redevance forfaitaire applicable
rétroactivement ; le second avenant précisait la
quantité vendue en 2001. La société contractante
ayant le 29 octobre 2002 résilié le contrat passé
avec l’inventeur à compter du 31 janvier 2003, a
été assignée par l’inventeur à effet de voir prononcer la nullité des avenants. Le premier juge y
ayant fait droit, la Cour a infirmé la décision. En
effet, le premier avenant incriminé ne concernait
que les dispositions relatives à la redevance dont
il modifie le mode de calcul et le montant. Le
second se limitant à préciser le nombre de ventes
au titre de l’année 2001.
L’intimé, l’inventeur, invoque la nullité de ces
deux avenants pour dol. Or, selon le dernier alinéa de l’article 116 du Code civil, le dol ne se présume et doit être prouvé. L’intimé ne produit à
l’appui de ses affirmations aucun élément permettant de caractériser des manœuvres frauduleuses
de la part de son cocontractant.
3) La société appelante conteste la décision de
première instance en ce qu’elle a retenu l’absence
de cause pour prononcer la nullité des avenants.
Dans un contrat synallagmatique, la cause
d’une obligation de chacune des parties réside
dans l’obligation de l’autre. Il y a absence de
cause lorsque la contrepartie attendue pour l’un
des contractants fait défaut.
L’existence de la cause d’une obligation doit
s’apprécier à la date où elle est souscrite, c’est-àdire au moment de la formation du contrat, or, en
l’espèce, à la date de la formation du contrat, soit
le 8 janvier 1999, les obligations de l’inventeur
étaient, d’une part, la fourniture de brevets à son
cocontractant, et d’autre part, la concession des
droits d’exploitation de ces brevets. En contrepartie de la première obligation, il recevait le versement d’une somme d’argent et une redevance.
En tout état de cause, même si les nouvelles
conditions découlant de l’adoption des deux avenants s’avéraient moins intéressantes que dans le
contrat initial, il n’en demeure pas moins que
ceux-ci n’étaient pas dépourvus de cause dès lors
que l’intimé continuait à percevoir une redevance
en contrepartie de l’exploitation de ses inventions. De plus, la contrepartie de la cession des
droits d’exploitation ne se limitait pas au versement de la redevance. En effet, l’inventeur ne disposait pas des moyens techniques et commerciaux pour la fabrication et la commercialisation
de ses inventions que la société contractante
assurait en contrepartie de la cession des droits
d’exploitation.
C. Lyon (1re ch. civ. A), 5 février 2009 : Société
Groupe Berchet SA, Mes Picard, Jeannerot, ès qual.
c. M. X – Mme Martin, prés. ; Mmes Biot, Auge,
cons. – SCP Laffly-Wicky, Me Verrière, avoués ;
H3656
Mes Prothière, Delsart, av.
...........................................................................................................................................
BREVETS D’INVENTION
Contrefaçon – Sanction de la contrefaçon –
Réparation du préjudice – Éléments constitutifs –
Masse contrefaisante – Taux du report – Effet
tremplin
En l’espèce, la société américaine Waters fabrique
les appareils comprenant le dispositif contrefaisant. La société française Waters SAS les commercialise en France. Elle s’approvisionne auprès
d’une société faisant partie du même groupe et
ayant son siège aux Pays-Bas.
Un jugement du 29 mai 2002 a retenu que les
sociétés Waters Corporation et Waters SAS avaient
commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 10, 11 et 12 du brevet des requérants en
important, en offrant à la vente et en vendant en
France des dispositifs 2690 et 2695 et leurs variantes 2690 D et 2690 XE, et il les a condamnées in
solidum à payer une provision de 150.000 Q à
valoir sur le préjudice subi.
Il est ainsi suffisamment établi que la société
Waters Corporation réalise des actes de contrefaçon et elle doit donc être tenue à indemniser la
société requérante victime de la contrefaçon, du
préjudice résultant de l’introduction et de l’offre
de vente en France des appareils comprenant le
dispositif contrefaisant dès le 12 septembre 1997.
Il convient en effet de rappeler que la prescription
de l’action de la victime du dommage contre l’un
des responsables in solidum n’exclut pas la
condamnation pour le tout de l’autre responsable.
Il ressort des rapports d’expertise que la société
Waters Corporation devra être tenue à indemniser
seule le préjudice résultant de l’importation et de
l’offre de vente en France entre septembre 1997 et
septembre 1998 de 117 dispositifs contrefaisants,
et que les sociétés Waters Corporation et Waters
SAS seront tenus in solidum à réparer le préjudice
résultant de l’importation, de l’offre de vente et
de la vente en France entre septembre 1998 et le
29 juillet 2002 de 692 dispositifs contrefaisants.
Si l’indemnité allouée au breveté, en compensation du manque à gagner que lui a causé la
DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 35
JURISPRUDENCE
contrefaçon, peut être calculée sur la base d’une
licence, c’est seulement dans le cas où le breveté
n’exploite pas lui-même son brevet. Si, au
contraire, il exploite lui-même son brevet, le gain
manqué correspond au bénéfice que la contrefaçon l’a empêché de réaliser.
P R O P R I É T É
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H3673
36
Il convient en effet d’admettre que la société
Agilent Technologies Deutschland qui fabrique les
appareils brevetés et les vend à une société française en vue de leur commercialisation exploite le
brevet en France, et qu’elle est donc bien fondée
à solliciter l’indemnisation de son préjudice sur la
base des gains manqués sur ce territoire, car tout
appareil non vendu par la société Agilent Technologies France est un appareil non vendu par la
société Agilent Technologies Deutschland.
Le préjudice subi par la société victime de
contrefaçon sera donc évalué sur la base de sa
marge sur coûts directs, dans la mesure où
celle-ci pourra être déterminée avec suffisamment
de certitude.
Pour déterminer le taux de report, même si les
sociétés Waters et Agilent se partagent le marché
de la chromatographie haut de gamme, il ne peut
être retenu un taux de report de 100 % compte
tenu des nombreux éléments intervenant dans le
choix d’un appareil de mesure de ce type, et
notamment la fidélité à un fabricant. Ainsi que le
soutient la société Waters, à défaut de proposer
des appareils de la gamme Alliance, elles auraient
pu continuer à vendre des appareils de la gamme
600 à leur clientèle en raison notamment de la
fidélité de celle-ci à un fabricant réputé.
Aussi, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il y aura lieu de retenir un taux de report
de 50 % pour les appareils de chromatographie et
leurs accessoires concomitants à la vente. S’agissant des autres accessoires, il y aura lieu de retenir la proposition des sociétés Waters, soit un
taux de 20 % à appliquer aux 50 % retenu.
La redevance indemnitaire doit être utilisée
pour les années 1997, 1998 et 1999, ainsi que pour
évaluer le préjudice résultant des ventes des
appareils contrefaisants qui ne se seraient pas
reportées sur la société Agilent.
Dans l’évaluation de cette indemnité, il y a lieu
de tenir compte de l’avantage commercial important qui résultait de ce dispositif qui, s’il avait
uniquement été proposé par la société requérante, aurait nécessairement conduit à une réduction de la part de marché des sociétés Waters. Le
taux sera également fixé en tenant compte du fait
que la société requérante n’aurait pas consenti de
licence à son principal concurrent pour un dispositif présentant un tel intérêt.
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments,
l’indemnité telle que prévue par l’expert apparaît
correspondre à une juste évaluation du préjudice
subi par la société requérante, victime de l’infraction.
La société requérante explique que les appareils
modifiés n’ont pas été considérés comme
contrefaisants, mais que la société Waters SAS
n’en aurait pas vendu autant si elle n’avait pas
auparavant commercialisé des appareils contrefaisants. Elle fait valoir que les laboratoires d’analyse notamment sont tenus d’utiliser des appareils
ayant des caractéristiques identiques sur une longue durée (7 à 15 ans) pour continuer à utiliser
« la qualification d’analyse » définie pour un produit. Elle précise que les appareils modifiés ont
été vendus sous les mêmes références que les
appareils contrefaisants 2690, 2695, 2790 et 2795.
La société Agilent Technologies Deutschland
estime que si les appareils contrefaisants
n’avaient pas existé, elle aurait réalisé 40 % des
ventes non contrefaisantes intervenues en août
2002 et 20 % des ventes intervenues en 2003. Elle
réclame 460.490 Q à ce titre.
Les sociétés Waters répondent que les parts de
marché sont restées stables avant, pendant et
après la période de contrefaçon, et que cette stabilité exclut tout effet tremplin. Elles font valoir
que cette demande n’a d’autre objet que de
contourner le jugement ayant exclu la contrefaçon
pour les appareils modifiés.
En l’absence de toute contrefaçon et compte
tenu de l’avantage technique et commercial que
conférait le brevet à la société Agilent, celle-ci
aurait dû voir s’accroître ses parts de marché.
Ainsi, la stabilité du marché apparaît comme une
conséquence de la contrefaçon et n’est pas de
nature à exclure l’effet tremplin invoqué par la
société requérante.
En utilisant les appareils modifiés, les mêmes
références que pour les appareils contrefaisants,
les sociétés contrefaisantes ont entendu les placer
dans le sillage de ces derniers et continuer ainsi à
bénéficier de l’avantage commercial qu’il lui avait
indûment procuré.
Pour apprécier le préjudice résultant de ce
comportement fautif, il convient de tenir compte
de la fidélité des clients à leur fournisseur et aux
appareils qu’il fabrique. Il doit aussi être tenu
compte du fait que ces appareils s’adressent à des
spécialistes capables de comprendre les différences entre les dispositifs proposés. Enfin, en raison
de la grande durée de vie des chromatographes,
les clients qui ont acquis des appareils modifiés
n’avaient pas nécessairement déjà acheté des
appareils contrefaisants pendant la période 19972002.
Ainsi, il y a lieu d’apprécier le préjudice subi
par la société requérante à la somme de 100.000 Q,
sans qu’il apparaisse nécessaire de procéder à son
actualisation.
Trib. gr. inst. Paris (3e ch., 1re sect.), 14 janvier
2009 : Société Waters Corporation, Société Waters
SAS c. Société Hewlett-Packard GmbH, Société
Agilent Technology Deutschland GmbH –
Mme Hervé, vice-prés. ; Mmes Chaply, Viton, juges
– Mes Casalonga, Véron, Bouvet, SCP Véron et
H3673
Associés, av.
...........................................................................................................................................
MARQUES
a) Perte du droit de propriété – Déchéance –
Défaut d’exploitation – b) Éléments constitutifs
– Caractère de fantaisie et d’originalité –
Caractère distinctif – c) Contrefaçon – Risque de
confusion – Produits similaires – d) Nullité –
Marque portant atteinte à la marque antérieure
– Nullité – e) Concurrence déloyale et arguments
parasitaires – Défaut de grief distinct de la contrefaçon – Débouté
Aux termes de l’article L. 714-5 du Code la propriété intellectuelle, l’usage sérieux doit s’entendre d’un usage qui n’est pas effectué à titre symbolique aux seuls fins du maintien des droits
conférés par la marque, mais qui répond à sa
fonction essentielle qui est de garantir aux
consommateurs l’identité d’origine des produits
ou des services pour lesquels elle a été enregistrée. L’appréciation du caractère sérieux de
l’usage à prendre en considération repose sur les
usages considérés comme justifiés dans le secteur
économique considéré, pour maintenir ou créer
des parts de marché au profit des produits ou services protégés par la marque, notamment la
nature du produit en cause.
de faire du café et non pas d’être rapide. Il
s’ensuit qu’un consommateur d’attention
moyenne ne saurait faire un lien direct, immédiat
et indiscutable entre ce signe et une machine à
café ; la marque Presto étant distinctive selon
l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, sa validité est donc contestée à tort par les
WMF.
En l’espèce, les signes opposés d’une marque
n’étant pas identiques, il convient d’apprécier la
contrefaçon alléguée en application des dispositions de l’article L. 713-3 du Code de la propriété
intellectuelle, ainsi que justement retenu par le
tribunal selon lesquelles « sont interdits, sauf
autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter
un risque de confusion dans l’esprit du public :
L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque
imitée pour des produits ou services identiques
ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement », en second lieu que le signe critiqué
n’étant identique à la marque opposée faute de la
reproduire sans modification ni ajout, il convient
de rechercher s’il existe entre eux un risque de
confusion visuelle, auditive, conceptuelle au
terme d’une appréciation globale fondée sur
l’impression d’ensemble produite, en tenant
compte de leurs éléments distinctifs et dominants.
En l’espèce, la société intimée pour la période
considérée justifie l’exploitation de la marque
contestée, d’une part par son apposition sur les
produits visés aux factures versées aux débats,
peu important que le mode d’exploitation prenne
la forme d’une vente ou d’une location, et d’autre
part par les compagnes publicitaires sans omettre
les contrats de licence conclus par la société intimée.
Les premiers juges ont justement retenu que,
au plan visuel, le signe second reproduit l’élément
dénominatif, dominant et distinctif de la marque
– Presto – dans une calligraphie très proche, renforcée par l’utilisation d’un point d’exclamation
dans le signe second aux lieux et place du tréma
en forme de fumerolles s’échappant de la lettre O.
Au plan phonétique, l’élément distinctif prépondérant dans l’un et l’autre des signes, à savoir
Presto, se prononce avec évidence de la même
manière. Au plan intellectuel, la seule adjonction
du sigle WMF constitue une différence insignifiante pour le consommateur d’attention
moyenne qui, tout au contraire, sera enclin à penser que la société WMP commercialise le produit
marqué Presto de la société intimée, de sorte que,
en réalité, une telle adjonction est de nature à
accroître le risque de confusion dans l’esprit de ce
consommateur.
Il résulte de ces éléments que la marque
contestée a fait l’objet d’un usage sérieux au sens
des dispositions de l’article L. 714-5 précité, de
sorte que la demande en déchéance formée par
les sociétés appelantes sera rejetée.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les
premiers juges ont, à bon droit, estimé que la
contrefaçon de marque était constituée de sorte
que, sur ce point, le jugement déféré sera
confirmé.
En l’espèce, à supposer même que le terme de
langue étrangère Presto soit compris comme
signifiant rapide, il ne saurait être regardé comme
une caractéristique du produit en cause, dès lors
que celle d’une machine à café est précisément
La demande de nullité formée par la société M.
constitue manifestement une conséquence des
actes de contrefaçon précédemment retenus, ou à
tout le moins, le complément des sanctions prononcées pour mettre fin à ces actes illicites, de
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JURISPRUDENCE
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sorte que le moyen d’irrecevabilité soulevé par la
société appelante n’étant pas fondé doit être
rejeté et la société intimée déclarée recevable en
sa demande.
Pour les motifs précédemment retenus au titre
de la contrefaçon de marque, celle déposée par la
société appelante porte atteinte à la marque antérieure de la société intimée.
Il convient, en conséquence, de prononcer la
nullité de la marque WMF presto, enregistrée sous
le no 828.015.
La requérante en contrefaçon doit être
déboutée de sa demande formée au titre de la
concurrence déloyale, dès lors qu’elle ne formule
aucun grief distinct de ceux invoqués au titre de
la contrefaçon, de sorte que sur ce point, le jugement déféré mérite confirmation.
C. Paris (4e ch. A), 28 janvier 2009 : SARL WMF
France c. SA Maj et autres – M. Carre-Pierrat,
prés. ; M m e s Rosenthal, Chokron, cons. –
M e Couturier, SCP Monin-d’Auriac de Brons ;
H3658
Mes Pernez, Blandin, av.
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MARQUES
a) Éléments de nature à constituer une marque
– Originalité – Signes distinctifs – Appréciation par
rapport au produit et services désignés à la date
du dépôt – Terme silhouette – b) Contrefaçon –
Éléments constitutifs (article L. 713-3 Code de la
propriété intellectuelle) – Cure – Silhouette –
Risque de confusion (non)
En droit, aux termes des dispositions de l’article
L. 711-2 a) du Code de la propriété intellectuelle,
sont dépourvus de caractère distinctif les signes
ou dénominations qui, dans le langage courant ou
professionnel, sont exclusivement la désignation
nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du
service. L’alinéa B de l’article L. 711-2 du Code
précité dispose que sont également dépourvus de
caractère distinctif les signes ou dénominations
pouvant servir à désigner une caractéristique du
produit, et notamment l’espèce, la qualité, la
quantité, la destination, la valeur... du bien.
Le caractère distinctif d’un signe doit s’apprécier par rapport aux produits et services désignés
dans l’enregistrement et par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, en se plaçant à la
date du dépôt.
En l’espèce, les marques en présence sont
déposées pour désigner notamment en classe 5,
les « aliments, substances, boissons diététiques et
préparation biologiques à usage médical : thé
amaigrissant à usage médical, tisanes, préparations médicales pour l’amincissement ». d’une
part, force est de constater que la société
Téléshopping ne produit aux débats aucun docu-
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
ment de nature à établir qu’au jour du dépôt des
marques incriminées, le terme « silhouette » était
dans le langage courant ou professionnel la désignation exclusive, nécessaire ou usuelle pour
désigner les produits visés, et notamment les
substances liées à l’amaigrissement.
D’autre part, le vocable « silhouette », même
évocateur, n’est pas au sens de l’article L. 711-2 a)
du Code de la propriété intellectuelle dans le langage courant ou professionnel, la désignation
exclusivement nécessaire, générique ou usuelle
des produits visés aux dépôts, et notamment les
préparations alimentaires ou médicales destinées
à l’amincissement.
Ce terme ne peut davantage être regardé au
visa de l’article L. 711-2 a) du Code de la propriété
intellectuelle comme la désignation d’une caractéristique des produits désignés aux dépôts, mais
au mieux comme leur évocation indirecte, dès
lors que le vocable « silhouette », ne présentant
pas un rapport suffisamment direct et concret de
nature à permettre au public pertinent et
concerné de percevoir immédiatement et sans
autre réflexion une de leurs caractéristiques, ne
dépasse le domaine licite de la suggestion. Par
voie de conséquence, confirmant le jugement
déféré, les marques « Silhouette » sont valables.
L’expression « Cure silhouette » a été utilisée
sur les documents promotionnels de la société
Téléshopping proposant aux clients l’achat d’un
substitut de repas destiné à la perte de poids. Les
marques Silhouette n’étant pas reproduites à
l’identique faute de reproduction, sans modification ni ajout de tous les éléments, il convient de
rechercher au sens de l’article L. 713-3 du Code
de la propriété intellectuelle, s’il existe entre les
dénominations en présence un risque de confusion qui doit être apprécié globalement, en tenant
compte de tous les facteurs pertinents du cas
d’espèce, l’appréciation des similitudes visuelle ou
conceptuelle entre elles devant être fondée sur
l’impression d’ensemble produite, en tenant
compte de leurs éléments distinctifs et dominants.
L’appréciation du risque de confusion dépend
d’une part du caractère distinctif de la marque
première élevé intrinsèquement, soit en raison de
sa connaissance sur le marché, de l’intensité et de
sa durée d’usage. En l’espèce, force est de constater que la Société Laboratoires Élysée ne peut se
prévaloir du caractère distinctif fort de ses marques, soit par leur distinctivité propre ou par
l’usage qu’elle en fait, de sorte qu’elle n’est pas
fondée à revendiquer un monopole sur le terme
« Silhouette » faiblement attractif, pour l’avoir
déposé à titre de marques.
La société Téléshopping fait pertinemment
valoir qu’au sein de l’expression « cure silhouette », employée à l’occasion d’argumentaires
de vente ou de publicité sur ses documents
promotionnels et rédactionnels, le vocable « silhouette » qui n’est pas mis en exergue, ne
conserve ni son individualité, ni son pouvoir
attractif, dès lors qu’associé aux termes « cure »,
« cure d’attaque », « cure de stabilisation », « mincir là où il faut », « c’est très simple avec la cure
silhouette », il est employé dans un sens évocateur d’acception courante comme nom commun
et non comme un signe distinctif. Par voie de
conséquence, la reprise du terme « silhouette » est
insuffisante à engendrer un risque de confusion
dans l’esprit du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé
qui ne sera conduit à confondre les dénominations en présence, voire à accroître à une origine
commune des produits offerts sous les deux
signes en forme de déclinaison des marques premières.
Il en résulte que, réformant la décision déférée,
le grief de contrefaçon n’est pas caractérisé.
C. Paris (4e ch. A), 24 septembre 2008 : SA Laboratoires Élysées, SA société Groupe Lea Nature c.
SA Téléshopping – M. Carre-Pierrat, prés. ;
Mmes Rosenthal-Rolland, Chokron, cons. – SCP
Bernabé-Chardin-Cheviller, M e Olivier, avoué ;
H3682
Mes Demoly, Pillot, av.
...........................................................................................................................................
MARQUES
Contrefaçon – a) Usage d’une marque non
autorisée – Saisie – Qualité pour l’exercer –
b) Atteinte portée aux droits du propriétaire de
la marque – Pratique dite de la marque d’appel
– c) Concurrence déloyale – Actes constitutifs –
Publicité induisant manifestement en erreur –
Tromperie – Préjudice – Réparation
Si dans sa requête en contrefaçon le titulaire de la
marque indiquait que l’entrepôt 2A5, mentionné
sur le mailing litigieux invitant à la vente de costumes de sa marque par un revendeur qui n’était
pas autorisé à commercialiser les produits de sa
marque reproduite sur ce document, il avait qualité à solliciter une mesure de saisie-contrefaçon
aux fins de constater l’offre de vente de costumes
contrefaisants de la part d’une société
contrefaisante.
C’est à bon droit que le titulaire d’une marque
invoque les dispositions des l’article 1382 du Code
civil, en soutenant qu’une société s’est rendue
coupable de la pratique dite de la marque d’appel
en diffusant un mailing annonçant l’arrivage et la
vente privée dans son entrepôt de 2.600 costumes
dont ceux marqués de sa marque, alors qu’elle
n’en détenait qu’une quantité dérisoire.
Le distributeur de produits marqués régulièrement acquis, qui est en droit de les revendre sous
la marque, peut librement faire référence à
celle-ci à des fins promotionnelles. En revanche,
la liberté d’usage de la marque dans la publicité
cesse lorsque le commerçant, détenteur de produits marqués authentiques régulièrement acquis,
en tire prétexte pour utiliser la marque, certes
pour désigner les produits eux-mêmes, mais dans
le but, en réalité, de promouvoir des produits ou
services d’une autre marque, voire ses propres
activités de manière générale. Dès lors, la pratique dite de la marque d’appel est constituée
lorsqu’un distributeur annonce à la vente des produits d’une marque, alors qu’il en détient un
nombre d’exemplaires insuffisant pour répondre à
la demande normale de la clientèle afin d’attirer
cette dernière et de lui proposer d’autres produits.
Le fait que d’autres vêtements étaient revêtus
de six autres marques est inopérant à écarter le
grief de la pratique illicite de marque d’appel. En
effet, en raison de la quantité dérisoire des costumes de la marque requérante, au regard de
l’annonce faite, les consommateurs, attirés par
l’invitation faisant mention de la présence de ces
produits, se sont nécessairement tournés vers
ceux des autres marques en présence, circonstance qui constitue un détournement de clientèle
à son préjudice.
L’usager non autorisé se rend ainsi coupable de
la pratique dite de la marque d’appel, au préjudice de la société titulaire de la marque.
La publicité effectuée par le contrefacteur qui
utilise le pouvoir attractif d’une marque afin
d’attirer la clientèle qu’elle induit manifestement
en erreur en lui faisant croire de manière trompeuse à un arrivage massif de costumes griffés de
celle-ci, cette publicité est constitutive d’actes de
concurrence déloyale par publicité trompeuse, au
détriment de la société titulaire de la marque.
Les actes illicites retenus à l’encontre de la
société incriminée ont indéniablement porté
atteinte à l’image de la société titulaire de la marque. L’indemnité de 60.000 Q fixée par le tribunal,
répare exactement l’entier préjudice de la société
requérante.
C. Paris (4 e ch. A), 8 octobre 2008 : SARL
Golfergreen c. SAS Cerruti 1881 – M. Carre-Pierrat,
prés. ; Mmes Rosenthal-Rolland, Chokron, cons. –
SCP Petit-Lesénéchal, SCP Narrat-Peytavi,
H3659
avoués ; Mes Amiel, Abrat, av.
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DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 39
JURISPRUDENCE
P R O P R I É T É
I N D U S T R I E L L E
H3678
40
DESSINS ET MODÈLES
a) Propriété – Paternité – Détermination – Preuve
– Certitude – b) Concurrence déloyale – Éléments
constitutifs – Distinction avec le parasitisme –
Éléments constitutifs de ce dernier
La preuve de la création d’un modèle revendiquée
ou de la présomption de paternité, doit être établie avec certitude à la date soit de la création,
soit de la divulgation, ainsi que la correspondance
entre le modèle divulgué et celui dont la paternité
est revendiquée.
En l’espèce, il se déduit des constatations que
la société revendiquante ne produit aucune pièce
probante de nature à justifier de la titularité des
droits d’auteur dont elle entend se prévaloir sur
les modèles litigieux, alors que s’agissant de la
présomption de titularité, il lui appartient d’identifier de manière certaine les modèles sur lesquels
elle revendique des droits d’auteur.
La société revendiquante ne saurait établir
l’identification des modèles divulgués avec les
modèles litigieux en opérant un rapprochement
avec les fiches techniques, dès lors que ces dernières n’ont aucune valeur probante.
Au vu de ces éléments, la société revendiquante
ne justifie pas de sa qualité d’auteur sur les
modèles litigieux, de sorte que son action en
contrefaçon fondée sur les dispositions du Livre I
du Code de la propriété intellectuelle ne saurait
valablement prospérer.
Au soutien de ses prétentions formées au titre
de la concurrence déloyale et parasitaire, la
société requérante fait griefs aux sociétés intimées
d’avoir commis une copie systématique de ses
modèles et pratiqué des prix inférieurs aux siens.
Cependant, le principe de la liberté du commerce implique qu’une prestation qui ne fait pas
ou ne fait plus l’objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduite, à supposer au demeurant que la preuve en soit rapportée
sous certaines conditions, tenant notamment à
l’absence de risque de confusion dans l’esprit des
consommateurs sur l’origine du produit, et si une
telle reprise procure nécessairement à celui qui la
pratique des économies, elle ne saurait à elle
seule être tenue pour faute, sauf à vider de toute
substance ce principe.
Or, en l’espèce, aucune confusion ne peut exister dans l’esprit du consommateur moyen de la
catégorie des produits concernés, normalement
informé et raisonnablement attentif et avisé, dès
lors que les modèles commercialisés sont griffés
sous la dénomination de leur enseigne Jennyfer,
de telle sorte que leurs produits sont parfaitement
identifiables et se distinguent de ceux mis sur le
marché par la société requérante.
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
Or, force est de constater en l’espèce que la
société requérante ne verse aux débats aucun
document de nature à justifier, au regard des
modèles en cause, de la réalité et de l’importance
de ses investissements tant techniques que publicitaires, ni de la réalité de son savoir faire, alors
même qu’il résulte des constatations précédentes
que les modèles litigieux n’ont pas été créés par la
société revendiquante mais acquis par elle auprès
d’une tierce entreprise.
Il convient en conséquence de confirmer le
jugement déféré en ce que le tribunal l’a débouté
de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
C. Paris (4e ch. A), 10 septembre 2008 : SAS Étam
lingerie c. SARL Jennyfer Secret, SAS Stock J. Boutique Jennyfer – M. Carre-Pierrat, prés. ;
Mmes Rosenthal-Rolland, Chokron, cons. – SCP
Fanet-Serra, SCP Baskal-Chalut-Natal, avoués ;
H3678
Mes Neri, Hoffmann, av.
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DESSINS ET MODÈLES
a) Propriété paternité – Preuve – Certitude –
b) Concurrence déloyale – Éléments constitutifs
– c) Parasitisme – Agissements parasitaires –
Éléments constitutifs distincts de la concurrence
déloyale
L’exploitation d’une œuvre par une personne
morale sous son nom fait présumer, en l’absence
de revendication judiciaire du ou des auteurs
contre elle à l’égard des tiers recherchés pour
contrefaçon, que cette personne est titulaire sur
l’œuvre, qu’elle soit collective ou non du droit de
propriété incorporelle de l’auteur. Toutefois, cette
présomption devant être regardée comme étant
simple, il convient de retenir pour la combattre,
outre la circonstance de l’absence d’une revendication judiciaire du ou des auteurs du modèle litigieux celle tenant à la preuve apportée par le
défendeur à l’action en contrefaçon d’une exploitation antérieure de celui-ci par une personne
morale tierce.
En l’espèce, la société revendiquante prétend
justifier d’une telle exploitation sous son nom de
six modèles litigieux par la production de factures
de commercialisation de l’historique des ventes et
de catalogues.
En réponse à des attestations de nature à mettre à néant la présomption de titularité de ses
droits, la société revendiquante ne produit aucune
pièce (ni attestation, ni bon de commande de
fabrication, ni patron des modèles...).
Or, compte tenu de l’évolution de la
commercialisation mondiale, il convient d’observer le procédé devenu classique et utilisé par un
grand nombre de distributeurs européen qui
consiste à prospecter, notamment le marché asiatique, à y découvrir des modèles dont ils évaluent
le potentiel commercial, à les importer dans un
premier temps puis à les déposer en tant que
modèle à l’INPI, ou encore à en assurer la
commercialisation sous leur nom afin de se
garantir l’exploitation monopolistique de ce
modèle vis-à-vis de leurs concurrents sur leur territoire de distribution.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la
société revendiquante n’est pas fondée à se prévaloir d’une quelconque présomption de
titularité, de sorte que ne disposant d’aucun droit
de propriété intellectuelle sur les modèles litigieux, elle est irrecevable faute de qualité à agir
en ses prétentions émises au titre de la contrefaçon.
S’agissant de la concurrence déloyale, la société
requérante fait valoir que, d’une part, la société
défenderesse incriminée ne se serait pas contentée de copier servilement un seul modèle de sa
création mais six, créant ainsi un effet de gamme,
et, d’autre part, d’avoir pratiqué des prix de
commercialisation inférieurs aux siens.
Outre la circonstance selon laquelle la société
requérante ne saurait, ainsi que précédemment
retenu, se prévaloir de la qualité de créateur des
modèles en cause, il convient de rappeler le principe de la liberté du commerce et de la libre
concurrence qui permet, sauf à démontrer des
pratiques déloyales dont la preuve n’est pas rapportée en l’espèce, de mettre dans le commerce
de manière concurrente des produits acquis
auprès d’un même fournisseur. Il convient en
conséquence, par voie d’infirmation du jugement
déféré, de rejeter les prétentions émises par cette
société au titre de la concurrence déloyale.
En ce qui concerne les agissements parasitaires
allégués par la société requérante, il convient de
rappeler que le parasitisme est caractérisé par la
circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de
façon injustifiée, une personne morale ou physique s’inspire ou copie une valeur économique
d’autrui individualisée et procurant un avantage
concurrentiel, fuit d’un savoir-faire, d’un travail
intellectuel et d’investissements.
Il se déduit des éléments précédemment retenus par la Cour que la société requérante ne saurait se prévaloir d’un quelconque savoir-faire ou
travail intellectuel, et que, s’agissant des investissements publicitaires, force est de constater
qu’aucun élément propre aux modèles litigieux
n’est versé aux débats. Cette circonstance est
d’ailleurs reconnue par la société intimée qui
indique dans ses dernières écritures, que ses
investissements ne sont pas individualisés
puisqu’ils concernent « plusieurs centaines d’articles ».
Il convient, en conséquence, de confirmer sur
ce point le jugement déféré l’ayant débouté de sa
demande au titre de la concurrence parasitaire.
C. Paris (4e ch. A), 17 décembre 2008 : SARL
Oscar et Lola c. Société Codico, Société Codico
international SAS – M. Carre-Pierrat, prés. ;
M m e s Rosenthal-Rolland, Chokron, cons. –
M e Teytaud, SCP Calarn-Delaunay, avoués ;
H3684
Mes Mergui, Kœring, av.
DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 41
INTERVIEW
Entretien avec Marc-Antoine Jamet, président
de l’Unifab
P R O P R I É T É
MARC-ANTOINE JAMET, PRÉSIDENT DE
L’UNION DES FABRICANTS (UNIFAB), NOUS
ème
FORUM EUROPÉEN DE
PRÉSENTE LE 14
LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE QUI SE
TIENDRA LES
PARIS (V.
7
ET
8 AVRIL
PROCHAINS À
PROGRAMME INFRA P.
46).
Gazette du Palais : Pouvez-vous nous présenter le
14 ème Forum européen de la propriété intellectuelle ?
Marc-Antoine Jamet : Il s’agit sans doute du
meilleur plateau que nous ayons rassemblé depuis
la création de cette manifestation. Le premier élément qui mérite d’être souligné est le nombre de
responsables gouvernementaux qui ont accepté de
parler du sujet. Seront en effet présents Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de la
Consommation, qui s’exprimera sur la politique du
gouvernement, dont il est le porte-parole, ainsi
qu’Éric Woerth, ministre du Budget, des Comptes
publics et de la Fonction publique, qui révélera les
derniers chiffres des douanes et leurs performances pour l’année 2009. Ils dresseront un bilan de
leur action respective. Les actions du Comité national anti-contrefaçon (CNAC), le plan douanier européen, les initiatives importantes prises sous présidence française seront évidemment expliqués,
éclairés. Nous aurons donc de très précieux interlocuteurs. Mais je note également la présence, pour
la première fois, d’un commissaire européen, László
Kovács, qui viendra donner la vision qu’a la Commission de la propriété intellectuelle.
Le deuxième élément important, c’est la présence
d’experts pour évoquer les plans européens. Nous
réunirons la « Troïka », c’est-à-dire l’ambassadeur
de la République tchèque Pavel Fischer, l’ambassadeur Suédois Gunnar Lund et Gilles Briatta, secrétaire général aux Affaires européennes. Ils parleront d’une seule voix de la lutte anti-contrefaçon.
Enfin, au cours de ces deux journées interviendront également des praticiens chevronnés tels
Hervé Lécuyer ou Alain Carre-Pierrat.
Une fois encore, jamais le Forum n’avait réussi à
mobiliser de tels intervenants pour parler d’un sujet
européen.
42
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
D.R.
I N D U S T R I E L L E
H3683
G.P. : Quels thèmes seront abordés au cours de ces
deux journées ?
M.-A. J. : Les deux principaux thèmes abordés au
cours de ce 14e Forum sous la forme de nombreuses tables rondes, seront, le premier sur l’Europe
face à la contrefaçon, et, le second, sur la propriété
intellectuelle face à l’internet. Pour traiter de ces
thèmes, des parlementaires en charge des dossiers,
comme Jean-Paul Gauzès, coordonnateur des députés PPE-DE à la Commission des affaires économiques et monétaires, Jacques Toubon, ou encore
Arlen McCarthy, qui est la présidente de la Commission parlementaire du marché intérieur et de la
protection des consommateurs, seront évidemment
les mieux placés.
À côté de ces derniers, on trouvera à la tribune des
acteurs importants impliqués dans la création de
l’Observatoire européen de la Contrefaçon, dont
Alvydas Stancikas, qui sera véritablement le l’orga-
nisateur et le coordinateur de l’« Observatoire
européen de la Contrefaçon : un outil performant contre le faux ? ».
En ce qui concerne le second volet du Forum,
consacré à la loi « Création et Internet », nous assisterons à une véritable réflexion entre ceux qui sont
vraiment actuellement en charge du dossier,
comme Franck Riester, député de Coulommiers qui
est le rapporteur du projet de loi sur la diffusion et
la protection de la création sur internet, et les députés Christian Paul et Didier Mathus, qui sont ses
principaux contradicteurs.
La présence autour d’une même table de Bruno
Parent, directeur général de la DGCCRF, de Mercedes Erra, présidente du groupe publicitaire Euro
RSCG worldwide, et de Richard Health, président de
l’International trademark association, constituera
aussi un temps fort et sera un symbole à l’adresse
des consommateurs.
La deuxième journée s’ouvrira sur un débat d’économistes autour de la question de savoir si l’économie grise suit le même rythme que l’économie
transparente, en d’autres termes si la contrefaçon
va chuter ou prospérer en fonction de l’intensité de
la crise. Y participeront notamment les professeurs
Bernard Maris, journaliste, écrivain et économiste,
et Philippe Chalmin, économiste, dont certains
d’entre nous aiment entendre les débats animés sur
les ondes de France Inter ou sur I Télévision. Seront
également à leurs côtés Pascal Boniface, directeur
de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), et Liêm Hoang-Ngoc, par ailleurs candidat du parti socialiste à la députation européenne.
Nous aurons ainsi à la fois des libéraux, des alternatifs et des opposants.
La matinée du mercredi, où sera abordé le thème
de la distribution sélective et du commerce électronique, réunira à la fois le président du comité de la
propriété intellectuelle du Medef, Thierry Sueur, le
chef de l’unité politique de l’antitrust et des
concentrations et contrôle interne des décisions à
la DG Concurrence de la Commission européenne
Claude Rakovsky, le directeur général de Colipa,
Bertil Heerink, qui sera là pour soutenir que la distribution sélective permet de lutter contre la contrefaçon. Interviendront également Antoine Winckler,
avocat spécialiste du droit européen, et Pierre Kosciusko Morizet, PDG de Prime Minister, qui soutiendra pour sa part que l’on peut faire de l’Internet sans pour autant mettre en jeu la transparence
du marché et favoriser la fraude. Avec ces cinq personnalités, nous aurons plusieurs manières d’abor-
der le sujet : la vision de la Commission européenne, la vision d’un avocat, la vision d’un utilisateur et la vision d’un chalengeur.
L’après-midi du mercredi, consacré à « La propriété intellectuelle est-elle un droit en Amérique du Nord ? », va permettre de se pencher, non
pas sur un pays habituellement montré du doigt
comme la Chine, l’Italie ou le Maroc, mais sur un
grand pays consommateur de faux, les États-Unis.
Cette table ronde s’annonce de qualité car y participeront entre autres le chargé d’affaires américain
Mark Pekala, le procureur en charge de la section
criminalité informatique et propriété intellectuelle
au ministère de la Justice américain Matthew Bassiur, la directrice de la propriété intellectuelle à
l’Office des représentants de commerce des ÉtatsUnis – en quelque sorte l’Office des marques américain – Rachel Bae, le juge fédéral Ronald S.W. Lew,
spécialiste de contrefaçon. Ce sont tous des praticiens et techniciens du droit américain spécialistes
de la lutte anti-contrefaçon.
C’est probablement une approche que l’on n’avait
jamais eu, alliant une vision tout à fait moderne et
des témoignages de terrain, une prise de conscience
du danger « contrefaçon » par rapport au terrorisme, par rapport à l’actualité américaine, par rapport à la fiscalité, à l’emploi et la croissance des
États-Unis.
G.P. : Qu’attendez-vous de ce Forum ?
M.-A. J. : Cette année, la plupart des intervenants
seront des témoins de la société civile, des gens
inattendus, que l’on n’a pas l’habitude d’entendre
dans nos forums. C’est ce qui fera la particularité
de cette édition par rapport à la précédente. Nous
conjuguerons la pertinence du propos avec la qualité des intervenants.
Pour tout cela, je tiens évidemment à remercier
Benoît Battistelli, directeur général de l’INPI, qui est
notre partenaire et qui a accepté de présider l’une
des journée, de même que Bernard Brochand président du CNAC, Philippe Lacoste, qui n’est plus à
présenter, et Marc Mosset de Microsoft, tous présidents de séance de ce forum inédit en France, qui
s’annonce d’un très haut niveau et nous apportera
sans nul doute un éclairage pertinent et nouveau
sur le problème de la contrefaçon.
Propos recueillis par Emmanuelle Hoffman Attias
(v. programme détaillé, infra p. 46)
DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 43
LIBRES PROPOS
Internet et clair ?
H3697
P R O P R I É T É
I N D U S T R I E L L E
H3697
44
En matière de propriété intellectuelle, aussi, la présidence française
de l’Union européenne, son dynamisme, son volontarisme, ont produit leurs effets. Lancement, le
2 avril, à Bruxelles, de l’Observatoire
de lutte anti-contrefaçon. Démarrage en trombe du plan douanier
commun aux 27 États membres. Initiatives appuyées, en dépit d’un
contexte post-olympique traumatique, vers la Chine, pour enfin qu’elle
ferme ateliers et usines qui inondent de faux la planète. Irruption
soudaine du sujet, avec les avantages et les inconvénients que peut
avoir ce brusque réveil, dans une
demi-douzaine de textes sur les
droits des consommateurs, la distribution sélective, l’« e.commerce »,
l’harmonisation des sanctions pénales. Séminaires et colloques comme
s’il en pleuvait faisant appel à de
terribles Savonarole ou à de naïfs
néophytes. Au total, pas moins de la
moitié de la commission sur le pont,
Lazlo Kowacs, Jacques Barrot Charlie Mc Greevy, Nelly Kroess ou
Milena Kunéva, tous, parmi d’autres
et sous des angles parfois divergents,
s’emparant d’un dossier qui laissait
naguère indifférent.
La France n’est pas en reste. Réunion en mars à Bercy du Comité
national anti-contrefaçon sous
l’égide, ce qui était encore inédit
sous ce gouvernement, du ministre
Luc Chatel qu’il faut pour cela saluer.
Consigne donnée par ce dernier au
tandem de choc, Bernard Brochand,
député-maire de Cannes et Pierre
Sirinelli, de proposer, avec un
agenda qui se compte en mois, une
« Charte » pour amener au dialogue titulaires de droit et acteurs du
numérique, engageant une course
de vitesse avec la DG Markt qui, à
Bruxelles, s’est jurée, dans le même
calendrier, d’arriver à des buts
approchants. Déclaration unilatérale, à Paris, puis à Londres, de Price
Minister appelant par la voix de son
président, Pierre Koziusko-Morizet, à
la diffusion et à l’adoption de « bonnes pratiques », conjurant ses homologues européens et américains de
sortir de l’ambiguïté et de se déterminer en faveur de sites propres,
sécurisés, débarrassés des produits
contrefaisants. Quadruplement des
services des douanes dédiées à la
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
lutte contre la cybercontrefaçon
pour faire face à la déferlante des
copies sur Internet. Mobilisation
record autour du Forum européen
de la propriété intellectuelle, 14ème
du nom, organisé par l’Unifab pour
trouver des solutions réelles aux problèmes posées en matière de copies
par les réseaux, portails, fournisseurs
d’accès et autres enchérisseurs on
line qui peuplent l’univers quasi
divin, déjà sacré, souvent irrationnel du virtuel.
L’exigence d’une régulation
Pour en faire disparaître les marchands du temple, le monde de
l’Internet, comme celui des banques,
des médias, des assurances, a besoin
de régulation. Faut-il le rappeler ?
C’est également par ses tuyaux et
ses claviers que la crise est arrivée
jusqu’à nos écrans. Or, en matière
d’authenticité, il y a plus d’un dysfonctionnement dans le petit monde
du numérique. Les profits peu imposés, l’utilisation des données personnelles par certaines de ses plus
importantes sociétés systématiquement prônée, les sièges et les services de ses empires de la vente par
écran interposé souvent délocalisés
dans des contrées laxistes ou lointaines, associant paradis informatiques
et nirvanas fiscaux, les garanties
absentes pour les clients, les douanes contournées et les autres administrations publiques ignorées, les
factures jamais fournies, les conditions de reprise abracadabrantesques, les procédures d’après-vente
fantômes, en sont le quotidien. Ces
dérives exigent sans délais un minimum d’ordre qui ne viendra pas que
de la softlaw. Un média sans censure, c’est l’idéal des démocrates. Un
média sans cadre, c’est le bonheur
des démagogues. Comme à chaque
fois qu’est inventé un nouveau
moyen d’échanger et de communiquer, sur la toile ont, hélas, surgi
tous les extrémismes, toutes les intolérances, tous les négationnismes.
L’enfance, l’innocence, l’intimité ont,
ainsi, été confrontées avec une multiplicité de perversités. Ce qui est
vrai pour les mœurs ou en politique
l’est également en économie. Idées
fausses et faux produits ont suivi les
mêmes canaux accessibles depuis
l’ordinateur d’un bureau, d’une
chambre d’enfants ou d’un cyber-
café. Il est grand temps de diminuer la volatilité des ventes sur
Internet, d’en organiser la traçabilité.
Le boom de la cybercontrefaçon
S’appuyant sur des paiements électroniques pas toujours sécurisés, sur
des transporteurs express inégalement sensibilisés (La Poste, avec lucidité, vient seulement d’adhérer à
l’Union des fabricants), les contrefaçons se sont mises à pulluler (1). La
fraude, en changeant d’échelle, a
changé de nature. Utilisant de vraies
publicités, n’hésitant pas à pratiquer des prix déments, des platesformes, plus ou moins inconsciemment, ont participé à une double
escroquerie. Celle qui consiste, non
seulement, à vendre aux consommateurs une copie qui, le plus souvent,
ne vaut rien, comme naguère à Vintimille ou à Canton. Mais également
à leur faire croire, là est le caractère vicieux du marketing du faux
sur Internet, qu’ils achètent un produit authentique avec les dangers
que l’on imagine pour la santé et la
sécurité des personnes lorsque ce
sont des aliments, des outils, des
équipements, des médicaments imités qu’on cherche à faire passer pour
des produits normés et vérifiés... Certaines absurdités, loin de le freiner,
ont permis au système de prospérer. Grâce à nombre de moteurs de
recherche, les addwords pirates, liens
commerciaux frelatés, apparaissent,
sur la même page que les adresses
authentiques, comme si un même
hôtel se revendiquait de la pension
de famille et du bouge mal famé.
Les keys words spam font bondir,
sans retenue, hors de la clandestinité, au milieu de nos écrans, les
sites « lookalike » et « replica »,
bazar des imitations. Cela ne peut
perdurer sans conduire à des catastrophes.
Une solution en quatre propositions
Internet, dans son propre intêret, ne
peut rester un espace de droit à
éclipses. Pour mettre fin à cette
situation, propositions, négociations,
(1) En 2008, les saisies effectuées par les douanes d’articles commandés sur Internet et acheminés par fret express ont augmenté de 115 %
aboutissant à plus de 600.000 procédures, chiffre qui devrait doubler en 2009.
discussions prolifèrent à foison. Il
suffirait de quatre décisions, de
s’engager dans quatre directions
pour mettre fin à cette situation.
La première est celle de la responsabilisation. Internet est le seul système où le distributeur n’est pas responsable de ce qu’il met sur le marché. On peut rapporter des tomates
avariées au marchand de quatre saisons, sur le marché, à l’épicerie du
coin, dans la grande surface ou la
supérette. Pas sur le Net ! Pourquoi
et au nom de quoi ? Parce que c’est
nouveau et qu’il ne faudrait pas
embêter le progrès qui passe. Quelle
drôle de moralité qui ne serait fondée que sur l’ancienneté. Même
après avoir touché une commission,
parfois deux, l’une pour la mise en
ligne et l’autre lors la transaction, ce
qui dans le monde brick & mortar
serait considéré, pour le loyer d’une
boutique par exemple, comme du
recel d’argent de la contrefaçon se
fait, dans le monde du virtuel, quotidiennement, sans plus de façon.
Notations et promotions des vendeurs, publicité des adresses ou des
sites, échanges financiers sont assurés dans une très grande irresponsabilité comme s’il s’agissait, sur
second life ou ailleurs, d’un grand
jeu de société. Non, les hébergeurs
ont beau se proclamer simples et
neutres intermédiaires, ils sont de
très prosaïques prestataires, des
courtiers, parfaitement impliqués
dans un processus, dont ils ne sont
pas les spectateurs désengagés, mais
les acteurs conscients et rémunérés.
Les opérateurs doivent donc respecter les lois en vigueur.
La seconde, c’est la répartition. Celle
qui existe partout entre ce qui est
occasionnel et ce qui est commercial, entre ce qui est individuel et ce
qui est professionnel entre l’annonce
sympathique passée de particulier à
particulier et le discounter, le grossiste, le contrefacteur qui, discrètement, vide ses stocks. Trop de vendeurs d’un objet unique l’écoulent
des dizaines de fois. Nous avons tous
de autour de nous des victimes de
ces grivèleries. La frontière entre
business et réseau social ne se construira pas en limitant le nombre
d’objets vendus par chaque internaute, ni par la détermination d’un
seuil de chiffre d’affaires qui,
dépassé, démasquerait le vendeur
professionnel. On ne définit pas un
marché et ses opérateurs, donc les
règles à leur appliquer, uniquement
par le franchissement de seuils de
tolérance. La confiance ne viendra
que d’une totale transparence et
d’une véritable codification.
La troisième, c’est la régulation. Le
système de veille, éclaté, difficile à
mettre en place, coûteux et a posteriori, comme les titulaires de droit
tentent de l’assurer actuellement, ne
pourra continuer éternellement.
C’est aux sociétés on line de réaliser
ce contrôle et très largement de le
financer. Alors qu’il le met en ligne,
c’est, a priori, que le fournisseur
d’accès, le portail, la société on line,
devra, à l’avenir, vérifier l’honnêteté du vendeur et s’assurer la régularité de son offre. Il en a les moyens
techniques. Il en dispose des éléments cachés (adresse physique,
adresse IP, identité, compte bancaire,
etc...). S’appuyant sur des data
rooms, confidentialisées, permettant
la coopération entre « titulaires de
droits » et sociétés Internet, un filtrage par critères, centralisé, concret
pourrait demain être instauré, la fin
de l’anonymat des vendeurs professionnels obtenue, le délistage rapide
et automatique des offres suspectes
facilité, l’opacité des « pseudos »
déjouée. Il est invraisemblable que
l’on puisse vendre un véhicule ou un
appareil électroménager en masquant sa marque ou son nom...
La quatrième repose, comme toute
règle de droit, sur la sanction. Elle
seule peut garantir l’application des
trois conditions précitées. Il faut
donc bien parler, sans fausse honte
ou pudeur déplacée, de répression.
Les pistes sont nombreuses : interdiction, provisoire ou définitive, de
vente pour l’internaute indélicat,
mise à la charge de la plate-forme
du coût liée à la saisie des contrefaçons, publication des condamnations en page d’accueil, insertion sur
chaque site d’un cahier de doléances ouvert aux cyberconsommateurs.
On le constatera, cet arsenal relève
peu de la torture ou de la violence...
Mais le mal original vient de la loi.
En oubliant de créer une circonstance aggravante de cybercontrafaçon, au contraire de ce qu’il avait
fait contre le négationnisme ou la
pédophilie, en n’ajoutant pas le
cyberdélit à la récidive et à l’action
en bande organisée pour porter les
condamnations de 300.000 à 500.000
5 d’amende, de trois à cinq ans
d’emprisonnement, appliqués désormais à ceux qui mettent en danger
la santé et la sécurité des personnes
par la production ou la distribution
de faux, le législateur, en 2007, a
oublié une partie de son ouvrage en
chemin. Il lui appartient de le
reprendre. Rapidement.
Ces actions ne sont ni complexes, ni
excessives. Elles ne nécessitent nulle
expertise. Elles exigent simplement
de tous les acteurs concernés le sens
des valeurs et des responsabilités.
Elles demandent de préférer la clarté
à l’obscurité, la protection sans
exception des consommateurs à la
promotion sans discernement des
cyberentrepreneurs, les stratégies
coopératives au rapport de force
qui, s’il est maintenu par les intégristes numériques finira, hélas, à la
barre des tribunaux.
Quand, parce que l’Internet aura
décrédibilisé le marché, il n’y aura
plus rien à vendre ni à acheter, que
la loi de l’offre et de la demande
aura été remplacée par celle du clic
et du troc, il n’y aura plus d’économie classique, c’est vrai, mais il n’y
aura plus non plus d’économie
numérique. Pour définir une stratégie d’avenir et envisager le commerce de demain, sans copie, ni
faux, ni imitations ou contrefaçons,
il faut « ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe », lever
le nez de son clavier, s’apercevoir
qu’un système a disjoncté et prendre la peine, lorsqu’il en est encore
temps de le réformer. Ainsi agiraient
les véritables partisans de l’Internet.
Marc-Antoine Jamet
Président de l’Union des fabricants
DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009 GAZETTE DU PALAIS 45
14 ème Forum européen de la propriété
intellectuelle
(Paris, 7 et 8 avril 2009)
RENDEZ-VOUS
H3653
P R O P R I É T É
I N D U S T R I E L L E
H3653
46
L’Union des fabricants (Unifab) organise les 7 et 8 avril prochains de
8 h 30 à 19 h 30 à Paris, au Jardin
d’acclimatation (bois de Boulogne,
75116 Paris), son 14ème forum européen sur le thème : « Crise économique, initiatives européennes,
controverse « distribution sélective
vs internet » : 2009 va-t-il changer le
paysage de la lutte anti-contrefaçon ? ».
PROGRAMME :
• Mardi 7 avril 2009
8 h 30 : Accueil
9 h 00 : Allocution de bienvenue, par
Marc-Antoine Jamet, président de
l’Unifab
9 h 15-10 h 00 : Discours d’ouverture : La politique du gouvernement
pour 2009, par Luc Chatel, secrétaire d’État, chargé de l’Industrie et
de la Consommation, porte parole
du gouvernement
La propriété intellectuelle sera-t-elle
une priorité de la Commission européenne en 2009 ?, par László Kovács,
commissaire européen chargé de la
Fiscalité et de l’Union douanière, et
Hubert Védrine, ancien ministre des
Affaires étrangères, ancien commissaire européen
Président de séance : Bernard Brochand, député-maire de Cannes, président du Comité national anticontrefaçon (CNAC)
10 h 00-11 h 15 : Le plan européen
anti-contrefaçon, une action efficace et durable ?, par Gunnar Lund,
ambassadeur de Suède en France,
Pavel Fischer, ambassadeur de la
République Tchèque en France,
Kunio Mikuriya, secrétaire général
de l’Organisation mondiale des
douanes (OMD), Anne-Laure de
Coincy, secrétaire générale adjointe
aux Affaires européennes auprès du
Premier ministre, Philippe Setton,
directeur des Affaires communautaires internes du Quai d’Orsay, et
Jérome Fournel, directeur général
des douanes et droits indirects
11 h 15-11 h 45 : Pause
11 h 45-13 h 00 : Observatoire européen de la Contrefaçon : un outil
performant contre le faux ?, par Jacques Toubon, député européen,
GAZETTE DU PALAIS DIMANCHE 29 AU MARDI 31 MARS 2009
Jean-Paul Gauzès, député européen,
Arlen McCarthy, députée européenne, présidente de la Commission parlementaire du Marché intérieur et de la protection des consommateurs, Alvydas Stancikas, chef de
l’Unité mise en œuvre des droits de
propriété intellectuelle de la DG
Marché intérieur de la Commission
européenne, Silvio Paschi, secrétaire
général de l’Indicam (Italie), Doris
Moeller, directrice générale de l’APM
(Allemagne), et Antonio Campinos,
président de l’Institut national de la
propriété industrielle (Portugal)
13 h 00-14 h 30 : Déjeuner
Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargé de la prospective et du développement de l’économie numérique
Président de séance : Benoît Battistelli, directeur général de l’Institut
national de la propriété industrielle
(INPI), président du conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets (OEB)
14 h 30-15 h 30 : Sensibilisation des
consommateurs : une campagne
européenne est-elle possible ?, par
Benoît Parent, directeur général de
la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes (DGCCRF),
Richard Heath, président de l’International trademark association
(INTA), vice-président juridique de
Unilever Plc, Thadeus Burns, directeur juridique à General Electric
France, Alain Bazot, président de
l’UFC-Que Choisir, Loïc Armand, président de l’Union des annonceurs
(UDA), et Mercedes Erra, présidente
exécutive de Euro RSCG worldwide
15 h 30-16 h 00 : Questions – Débats
16 h 00-16 h 45 : La loi française de
2007 sur la propriété intellectuelle
peut-elle être le moteur de l’harmonisation du droit européen ?, par
Philippe Gosselin, député, rapporteur du projet de loi de lutte contre
la contrefaçon de 2007, Alain CarrePierrat, avocat général à la Cour de
cassation, et Hervé Lécuyer, professeur à l’Université Paris II PanthéonAssas
16 h 45-17 h 00 : Questions – Débats
17 h 00-17 h 45 : La loi « Création et
Internet » : peut-elle sauver le droit
d’auteur sur la toile ?, par Franck
Riester, député, rapporteur du projet de loi sur la diffusion et protection de la création sur Internet, Frédéric Lefebvre, député, et Didier
Mathus, député, secrétaire du
groupe d’études Internet, audiovisuel et société de l’information
17 h 45-18 h 00 : Questions – Débats
18 h 00-18 h 15 : Douanes : quelles
performances pour 2009 ?, par Éric
Wœrth, ministre du Budget, des
comptes publics et de la fonction
publique
18 h 15 : Cocktail
• Mercredi 8 avril 2009
9 h 15-9 h 30 : Message d’ouverture,
par Jacques Barrot, vice-président de
la Commission européenne, commissaire européen responsable pour la
justice, la liberté et la sécurité
9 h 30-9 h 45 : Président de séance :
Philippe Lacoste, vice-président de
l’Unifab
9 h 45-11 h 00 : Récession, essor :
l’économie grise suit-elle le même
rythme que l’économie transparente ?, par Philippe Chalmin, économiste, professeur associé à l’Université Paris-Dauphine, Bernard
Maris, économiste, écrivain, journaliste, professeur à l’Université Paris
VIII, Liêm Hoang-Ngoc, économiste,
maître de conférence à l’Université
Paris I Panthéon-Sorbonne, Pascal
Boniface, directeur de l’Institut de
relations internationales et stratégiques (IRIS)
11 h 00-11 h 30 : Pause
11 h 30-12 h 45 : Distribution sélective et commerce électronique : une
cohabitation utopique ?, par Claude
Rakovsky, chef de l’unité politique
de l’antitrust et des concentrations
et contrôle interne des décisions à la
DG Concurence de la Commission
européenne, Eliana Garces Tolon,
membre du cabinet de Meglena
Kuneva, commissaire européen
chargé de la Protection des consommateurs, Isabelle Falque-Perrotin,
présidente du Forum des droits sur
Internet, Daniel Fava, président de
l’Association des fournisseurs d’accès
à Internet (AFA), directeur business
et qualité de Telecom Italia, et
Antoine Winckler, avocat au cabinet Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP
12 h 45-13 h 00 : Questions – Débats
13 h 00-14 h 30 : Déjeuner cocktail
14 h 30-16 h 00 : La propriété intellectuelle est-elle un droit en Amérique du Nord ?
Président de séance : Marc Mossé,
directeur des Affaires juridiques et
publiques de Microsoft, administrateur de l’Unifab
Interventions de Ronald S.W. Lew,
juge au Tribunal fédéral de première
instance, District central de Californie, Stuart Dwyer, conseiller économique à l’Ambassade des États-Unis
d’Amérique en France, David Appia,
président de l’Agence française pour
les investissements internationaux
(AFII), ancien chef de la mission économique de Washington, Richard
Rademan, directeur de la Protec-
tion de la marque Nike Europe (1),
Matthew J. Bassiur, procureur en
charge de la Section criminalité
informatique et propriété intellectuelle au ministère de la Justice des
États-Unis, Graham Henderson, président de l’Association de l’industrie
canadienne de l’enregistrement,
vice-président de la Chambre de
commerce du Canada
16 h 00-16 h 15 : Questions – Débats
16 h 15-17 h 00 : Art et propriété
intellectuelle : où s’arrête le droit
des artistes ?, par Jean-FrançoisHébert, directeur de cabinet de
Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, Martin
Bethenod, commissaire général de la
Foire internationale des arts contem-
porains (FIAC), Nathalie MoulléBerteaux, directrice de la propriété
intellectuelle de Louis Vuitton Malletier, et Ora-Ïto, designer
17 h 00 : Conclusion, par Christine
Laï, directrice générale de l’Unifab
17 h 15 : Cocktail de clôture
Renseignements :
Contact : Delphine Sarfati-Sobreira
Union des fabricants
16, rue de la Faisanderie
75116 Paris
Site : www.unifab.com
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ET
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