Faust Marlowe Goethe Stein

Transcription

Faust Marlowe Goethe Stein
Anonyme : Volksbush (1587)
Christopher Marlowe : La tragique histoire du Dr Faust (1594)
Pedro Calderòn : Le Magicien prodigieux (1637)
Friedrich Maximilian Klinger : Vie, actions et descente en enfer de Faust (1792)
Johann Wolfgang von Goethe : Faust I (1808) et II (1832)
Christian Dietrich Grabbe : Don Juan et Faust (1828)
Honoré de Balzac : Melmoth réconcilié (1835)
Nikolaus Lenau : Faust, ein Gedicht (1836)
Gertrud Stein, Docteur Faustus lights in the lights,1938
Michel de Ghelderode : La Mort du docteur Faust (1925)
Paul Valéry : Mon Faust (1941-1945)
Thomas Mann : Docteur Faustus (1947)
Jean Giono : Faust au village (1947)
Mikhaïl Boulgakov : Le Maître et Marguerite (1966)
Fernando Pessoa : Faust (1988)
Michael Swanwick : Jack Faust (1997).
L' horloge sonne onze heures.
Faust. Ah! Faust!
Tu n'as plus maintenant qu'une pauvre heure à vivre,
Puis il te faut périr, à tout jamais damné!
Arrêtez-vous, sphères du ciel, toujours mouvantes!
Que le temps cesse et que minuit jamais n'arrive!
Bel œil de la nature, ah! lève-toi, surgis
Sur un jour éternel; ou que cette heure soit
Un an, un mois, une semaine, un jour complet,
Pour que Faust se repente et qu'il sauve son âme !
o lente, lente currite noctis equi.1
En dépit de mes pleurs, les étoiles cheminent,
Le temps maintient son cours, l'horloge va sonner,
Le démon va venir, c'est la damnation ...
Je veux bondir vers Dieu! ... Qui donc à bas me tire? ...
Voyez, le sang du Christ ruisselle au firmament !
Ah! mon Christ !
Une goutte, une à peine et mon âme est sauvée!
Tu m'arraches le cœur pour avoir nommé Christ ...
Je le ferai pourtant !... Ah! pitié, Lucifer!
Où est ce sang? Parti! mais voyez Dieu là-haut
Le bras tendu, le front de colère chargé.
Montagnes, arrivez, venez tomber sur moi
Et dérobez ma tête au lourd courroux de Dieu!
Ah ! vous me refusez !
Donc je veux follement m'enfoncer dans la terre:
Terre, ouvre-toi! Non, non, point d'asile pour moi!
Etoiles qui régniez sur ma nativité,
Qui m'avez alloué l'enfer et le trépas,
Aspirez aujourd'hui Faust ainsi qu'un brouillard;
Aux flancs de cette nue en travail cachez-moi;
Alors l'éruption de vos bouches fumeuses
Dans les airs projetant mes membres déchirés,
Mon âme ne pourra que monter vers le ciel.
L' horloge sonne.
Ah! la demi-heure est passée ...
Le reste va passer ...
Seigneur, si tu n'as point de mon âme pitié,
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Oh! pour l'amour du Christ, par le Sang Rédempteur,
40 Impose quelque terme 11 ma peine éternelle,
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Que Faust dans les enfers demeure mille années,
Cent mille ans, mais qu'enfin arrive le salut.
Aux âmes des damnés, nul terme n'est fixé!
Pourquoi n'est-tu pas né créature sans âme?
Et l'âme que tu as, pourquoi donc immortelle?
Ah! Pythagore ...
Si ta métempsycose était la vérité,
Mon âme s'enfuirait et je serais changé
En quelque bête brute; ah! les heureuses bêtes!
Lorsque la mort les tient,
Leur âme se dissout bientôt en éléments;
Mais la mienne éternelle aux enfers souffrira.
Maudits soient les parents qui m'ont donné la vie!
Mais, non, maudit soit Faust, maudit soit Lucifer
Qui t'ont privé du ciel et de toutes ses joies.
L' horloge sonne minuit.
Minuit ! minuit ! mon corps, en air transforme-toi,
Ou Lucifer t'entraîne aux enfers tout vivant.
Tonnerre, éclairs.
Mon âme, change-toi, fais-toi gouttes menues,
Tombe dans l'Océan, disparais pour toujours;
Ah! détourne de moi, Seigneur, ton œil terrible!
Entrent les diables.
Vipères et serpents, un instant laissez-moi;
Horrible enfer béant, referme ton abîme;
Ne viens pas, Lucifer, je vais brûler mes livres ....
Ah! Méphistophélès, ah! Méphistophélès !
(Ils l’entraînent..}
Entre le Chœur.
Chœur. Coupé, le lier rameau qui pouvait pousser droit;
Hélas! il est brûlé, le laurier d'Apollon,
Naguère florissant en ce docteur insigne!
Faust est mort, méditez sur sa chute infernale.
Que sa fin de démon puisse exhorter le sage
A contempler de loin les choses défendues
Qui ont poussé cet imprudent par leur mystère
A se risquer plus haut qu'il n'est permis sur terre.
1
Citation tirée des Métamorphoses d’Ovide (I, XII) « Lentement,
allez plus lentement, ô coursiers de la nuit ! »
Christopher Marlowe, La Tragique Histoire du Docteur
Faust, 1589
FAUST, seul — Philosophie, hélas ! jurisprudence, médecine, et toi aussi, triste théologie !... je vous ai donc
étudiées à fond avec ardeur et patience : et maintenant me voici là, pauvre fou, tout aussi sage que devant. Je
m'intitule, il est vrai, maître, docteur, et, depuis dix ans, je promène çà et là mes élèves par le nez — et je vois bien
que nous ne pouvons rien connaître !... Voilà ce qui me brûle le sang ! J'en sais plus, il est vrai, que tout ce qu'il y a
5 de sots, de docteurs, de maîtres, d'écrivains et de moines au monde ! Ni scrupule ni doute ne me tourmentent plus !
Je ne crains rien du diable, ni de l'enfer ; mais aussi toute joie m'est enlevée. Je ne crois pas savoir rien de bon en
effet, ni pouvoir rien enseigner aux hommes pour les améliorer et les convertir. Aussi n'ai-je ni bien, ni argent, ni
honneur, ni domination dans le monde : un chien ne voudrait pas de la vie à ce prix ! Il ne me reste désormais qu'à
me jeter dans la magie. Oh ! si la force de l'esprit et de la parole me dévoilait les secrets que j'ignore, et si je n'étais
10 plus obligé de dire péniblement ce que je ne sais pas ; si enfin je pouvais connaître tout ce que le monde cache en
lui-même, et, sans m'attacher davantage à des mots inutiles, voir ce que la nature contient de secrète énergie et de
semences éternelles ! Astre à la lumière argentée, lune silencieuse, daigne pour la dernière fois jeter un regard sur
ma peine !... j'ai si souvent, la nuit, veillé près de ce pupitre ! C'est alors que tu m'apparaissais sur un amas de
livres et de papiers, mélancolique amie ! Ah ! que ne puis-je, à ta douce clarté, gravir les hautes montagnes, errer
15 dans les cavernes avec les esprits, danser sur le gazon pâle des prairies, oublier toutes les misères de la science, et
me baigner rajeuni dans la fraîcheur de ta rosée.
Hélas ! et je languis encore dans mon cachot ! Misérable trou de muraille, où la douce lumière du ciel ne peut
pénétrer qu'avec peine à travers ces vitrages peints, à travers cet amas de livres poudreux et vermoulus, et de
papiers entassés jusqu'à la voûte. Je n'aperçois autour de moi que verres, boîtes, instruments, meubles pourris,
20 héritage de mes ancêtres... Et c'est là ton monde, et cela s'appelle un monde
Et tu demandes encore pourquoi ton cœur se serre dans ta poitrine avec inquiétude, pourquoi une douleur secrète
entrave en toi tous les mouvements de la vie ! Tu le demandes !... Et au lieu de la nature vivante dans laquelle
Dieu t'a créé, tu n'es environné que de fumée et de moisissure, dépouilles d'animaux et ossements de morts !
Délivre-toi ! Lance-toi dans l'espace ! Ce livre mystérieux, tout écrit de la main de Nostradamus, ne suffit-il pas
25 pour te conduire ? Tu pourras connaître alors le cours des astres ; alors, si la nature daigne t'instruire, l'énergie de
l'âme te sera communiquée comme un esprit à un autre esprit. C'est en vain que, par un sens aride, tu voudrais ici
t'expliquer les signes divins... Esprits qui nagez près de moi, répondez-moi, si vous m'entendez ! (Il frappe le livre,
et considère le signe du macrocosme.) Ah ! quelle extase à cette vue s'empare de tout mon être ! Je crois sentir une
vie nouvelle, sainte et bouillante, circuler dans mes nerfs et dans mes veines.
J.W. von GOETHE, Faust (1808), Première partie, traduction de Gérard de Nerval.
Dr Faustus
Qu'est-ce que j'ai fait, je savais, je savais qu'il
pouvait y avoir de la lumière, pas celle de la lune
pas celle des étoiles, pas celle du jour, ni celle des
5 bougies, je savais je savais, j'ai vu la lumière de
l'éclair, je l'ai vu éclairer, j'ai dit, moi moi je dois
avoir cette lumière et qu'est-ce que j'ai fait, oh
qu'est j'ai fait, j'ai dis que je voulais vendre mon
âme intégralement, mais je savais je savais que la
10 lumière électrique c'est la vérité, vraiment la vérité,
oh oui c'est vrai qu'ils ont aussi compris que c'était
vrai que je leur avais vendu mon âme, et donc que
jamais jamais je pourrais aller en enfer, jamais
jamais moi.
15 Barrez-vous Dog and Boy
barrez-vous Marguerite Ida and Helena Annabel
barrez-vous tous ceux qui peuvent mourir et aller
au paradis ou en enfer
barrez-vous
20 oh barrez-vous, oh barrez-vous
laissez-moi tout seul, oh laissez-moi tout seul.
Je l'ai dit
Je l'ai dit que c'était la lumière
j'ai dit que j'ai donné la lumière
25 j'ai dit les lumières sont vraies
et le jour est lumineux
oh Boy and Dog foutez-moi la paix
oh laissez-moi tout seul
Gertrud Stein, Docteur Faustus lights in the lights,1938

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