032 Rock V

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032 Rock V
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R ock V
I
er
ELVIS
par remi forsans
king of rock’n’roll 1935-1977
Si nous devions ne relater que ses records, cet article n’y suffirait pas. Avec plus d’un milliard et demi de disques vendus, Elvis dépasse de très loin ses challengers. A l’époque du vinyle, Elvis possédait environ 20 000 références dans le monde entier et a interprété plus de 820 chansons. Le Billboard US ou le British Hit, références
mondiales dans le domaine du classement des artistes, hissent Elvis largement en tête du top 100 des artistes
loin devant les Beatles, Elton John, Madonna, Stevie Wonder, Michael Jackson ou les Rolling Stones… Rappelons que le concert de 1973 en mondovision reste encore à ce jour unique, aucun autre artiste en solo n’ayant
pris un tel risque : jouer en direct devant 1,5 milliards de téléspectateurs dans 38 pays depuis Hawaï. Depuis 2003,
Elvis est le seul artiste disparu qui continue de "partir" en tournée mondiale.
Juillet 1954, le jeune Elvis Presley et ses
compagnons Scotty Moore et Bill Black se
retrouvent à Memphis dans les studios Sun
Records pour la séance d’enregistrement la plus
célèbre et la plus extraordinaire de toute l’histoire
de la musique, devant un Sam Philips médusé. Il
tenait enfin cette fusion des cultures blanche et
noire. La magie s’opère, ce jeune blanc-bec a réussi
à faire ce qu’il rêvait d’entendre : le mélange du
blues et du hillbilly. Le rock’n’roll venait de naître.
Mai 2004, j’ai eu le bonheur de pouvoir me rendre
à Memphis afin de réaliser un rêve d’adolescent :
visiter la maison du King Elvis, respirer l’âme
du rock’n’roll (et du blues dans les rues de
Memphis.) Ce fut une émotion énorme, mon
voyage coïncidant avec l’anniversaire des 50 ans
du R’N’R. On ne s’imagine pas ce que ça signifie
de se retrouver devant un lieu mythique qu’on a
rêvé de visiter en étant gamin. J’arrive tout d’abord
aux studios Sun Records. Ici se sont produits les
plus grands pour leurs premiers enregistrements
tel Jerry Lee Lewis, Johnny Cash, Carl Perkins,
Roy Orbinson et surtout Elvis Presley. Le rock’n’roll
est né ici et une atmosphère spéciale se dégage.
Les visiteurs sont sous le choc et le silence règne
entre deux passages de bon vieux tubes. Le lieu
est devenu un musée et l’on vient du monde entier
pour le visiter.
C’est à partir de la fin de 1954, alors que
son premier disque cartonne sur les
radios locales de Memphis, que le jeune
prodige entame alors une carrière
extraordinaire. Rapidement, il se
produit et enregistre dans Louisiana
Hayride, célèbre émission radio de
l’époque qui est diffusée dans plusieurs états. Les
tournées s’enchaînent. La presse spécialisée est
unanime et reconnaît son talent et son ascension
fulgurante. Rapidement, la célèbre maison de
disques RCA Records propose à Sam Philips de
reprendre son poulain pour la somme fabuleuse
de 40 000 $. Le très controversé colonel Parker
devient son manager. Les tournées se poursuivent
et des salles entières deviennent vite hystériques.
Elvis tourne en même temps que Carl Perkins,
Johnny Cash, Jerry Lee Lewis, June Carter…
(Vous imaginez le casting ?). Partout où ils passent,
ils créent des émules et le rock’n’roll se répand
comme une traînée de poudre. L’Amérique
pudibonde découvre avec stupéfaction ces démons
qui encouragent aux vices.
1956, c’est l’année du premier album RCA, dont
la célèbre pochette inspirera les Clash bien des
années plus tard, mais c’est aussi la première
télé du King : en quelques minutes le monde va
changer : plus jamais on écoutera de la musique de
la même manière qu’auparavant.
Dès 1956, Elvis effectue ses premiers pas à
Hollywood et offre une première maison à ses
parents à Memphis, loin de la baraque en bois de
30 m² qui l’a vu naître à Tupelo (Mississippi). Elvis
devient le premier artiste RCA à vendre un million
d’albums, ce qui, à l’époque, alors qu’à peine
20 % des foyers US possédent un électrophone,
est considérable. La suite c’est une multitude de
shows et d’albums qui marqueront la conscience
collective. Le rock n’est plus seulement une danse,
il bouleverse le monde profondément d’un point
de vue musical, social et spirituel. Rien qu’en 1956,
Elvis se produira lors de 230 concerts pour faire
accepter sa musique et gagner sa gloire.
Dès 1957, pour des raisons de sécurité, Elvis doit
arrêter les concerts et même déménager. C’est
alors que la famille s’installe dans un faubourg isolé
de Memphis. Devenue lieu de culte, cette maison
sera la dernière demeure du King qui y repose
aujourd’hui au milieu des siens.
2004, ça y est j’y suis, je suis arrivé à Graceland.
Devant la propriété, le fameux mur du souvenir
où des milliers de personnes signent leur passage
de leur nom est régulièrement nettoyé mais le
©2007 Sony BMG
Le magazine Forbes le classe premier artiste
disparu, toutes disciplines confondues, en matière
de chiffre d’affaires. La plupart des grands artistes
planétaires sont unanimes sur l’apport de Presley
à la musique moderne. "Avant Elvis il n’y avait rien"
dira John Lennon, mais beaucoup d’autres se sont
exprimés à son sujet comme Jim Morisson : "Elvis
était le meilleur, le plus exceptionnel" ; Britney
Spears : "Je pense qu’Elvis était l’homme le plus
sexy à avoir marché sur cette terre" ; Mick Jagger :
"Personne, mais alors personne, n’est et ne sera
jamais à la hauteur. Elvis était et est suprême" ;
Paul McCartney : "A chaque fois que les choses
vont mal, j’écoute un disque d’Elvis et elles
s’arrangent" ; Barry White : "J’étais en prison quand
j’ai entendu Elvis, ça a changé toute ma vie" ; Bono :
"Elvis était d’une telle sagesse qu’à côté de lui les
sages avaient l’air idiot. Nous devons tout à
Elvis" ; Roger Daltrey : "J’ai toujours voulu être
comme Elvis, une star du rock’n’roll, mais
je n’ai pas pu, alors à la place j’ai rejoint
un groupe branché" ; Elton John : "Il a
complètement changé la façon dont
je pouvais ressentir la musique, il
combinait tout ce qu’une star devait
posséder : le look, le charisme, le
talent et l’originalité".
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© EPE
elvis 1er
phénomène persiste car tout le monde veut laisser
son empreinte comme un hommage... Quel que
soit le moment de l’année, c’est toujours plein :
on vient des quatre coins du monde pour visiter,
ce qui fait de Graceland le second monument des
USA avec près de 700 000 visiteurs par an. Tout
est organisé à l’américaine, style Disneyland : les
grandes files d’attente, la montée dans le service
de navettes obligatoires (un bus toutes les 5
minutes) puis on nous dépose devant la maison.
A partir de là, on a un casque sur les oreilles
et dans sa langue natale on découvre tous les
mystères de Graceland. Le parfum du King flotte
non loin… La vie d’Elvis est offerte à tous : la
célèbre Cadillac rose, les avions privés, le costume
en lamé or, les innombrables disques d’or et de
platine, les incroyables costumes de scène, les
témoignages des amis, de la famille, les traces du
passage des plus grands chanteurs ou groupes de
rock, pop, punk, blues, soul, rap…
A partir de 1958, Elvis accumule les tournages
de films puis doit partir à l’armée pour deux
ans en Allemagne. A cette époque il n’a encore
jamais chanté en dehors des USA sauf lors de
quelques concerts au Canada, mais sa célébrité
l’a précédé et l’Europe l’accueille les bras ouverts.
Malheureusement, il n’effectuera aucun concert.
Cette année-là, Gladys, la mère du King, décède
à 46 ans. Elvis est anéanti. Il rencontre cependant
Priscilla Baulieu qui, quelques années plus tard
en 1967, deviendra sa femme et lui donnera une
fille : Lisa Marie. De retour d’Europe, en 1960, Elvis
revient à la télévision et à Hollywood, où il enchaîne
hits et films. Il se fait discret, obligé d’honorer
les contrats signés par Parker avec les majors du
cinéma.
La scène et son public lui manquent cruellement et
en 1968, le King fait son come-back ! Elvis ne s’est
alors pas produit depuis 7 ans. Le show a lieu à Las
Vegas. La voix est intacte et le public impatient. Le
King apparaît vêtu de cuir noir, il est transcendé.
Il ne quittera plus jamais la scène et donnera plus
de 1100 concerts dans les années 70 et jusqu’à
sa mort en 1977. Il s’offre alors totalement à son
public, dans son comportement, son humanité,
son humilité. Il est le King dans le cœur des fans
du monde entier. Ses prestations seront rendues
célèbres aussi grâce à ses "Jumpsuits", tenues de
scène incroyables ornées de pierres, de clous, de
franges et soulignées par d’énormes ceintures avec
des boucles monstrueuses en métal doré. Dans ce
domaine aussi, le roi du rock aura été précurseur.
Ces objets de culte sont désormais exposés à
Graceland, des salles entières y sont consacrées.
Le plus surprenant malgré la foule qui s’y presse,
c’est le silence, le recueillement devant ces parures
du roi.
1975, le rythme des tournées s’accélère et Elvis
parcourt les Etats-Unis dans des jets privés à ses
couleurs, recouverts de son logo TCB (Take care
of business). La santé du King se dégrade, il est
fatigué mais il continue sa mission.
Le 16 août 1977, la nouvelle tombe ! Elvis a
succombé à un arrêt cardiaque. C’est une onde de
choc. Je n’avais que 14 ans mais je me souviens
très bien de ce jour quand ma mère, alors que je
me levais le matin, m’annonça ce malheur. Jamais
la mort d’un artiste n’avait provoqué une telle
vague d’émotion sur la planète. Plus de 100 000
personnes viennent devant les grilles de Graceland,
la garde nationale est déployée, et le président
Carter déclare alors : "La mort d’Elvis Presley prive
notre nation d’une partie d’elle-même. Dans le
monde entier, il symbolisait la vitalité, la rébellion
et la bonne humeur de notre pays. Il était unique et
irremplaçable. Sa musique et sa personnalité ont
radicalement transformé l’aspect de la musique
populaire américaine". Depuis Elvis, seule l’annonce
du décès de Michael Jackson a déclenché une telle
tristesse sur toute la planète, à une différence près,
Elvis n’a jamais chanté hors de l’Amérique du Nord.
Le corps d’Elvis a été transféré dans le jardin des
méditations au cœur de sa propriété.
2004, je suis devant le sanctuaire de la famille
Presley. Tout le monde gît là : sa grand-mère,
Mae ; son père Vernon ; sa mère Gladys ; et le
frère jumeau d’Elvis, décédé à la naissance, Jesse
Garon. La tombe est là, fleurie toute l’année par les
centaines de milliers de fans qui viennent rendre
un dernier hommage où qui séjournent à Memphis
pour leur pèlerinage annuel. Calme et recueillement
règnent autour des stèles.
Bon, c’est vrai qu’en mai 2004, c’était les 50 ans du
rock et cela conférait à notre voyage un sentiment
de retour à la source, mais je recommande à
quiconque aime la musique blues, rock, soul,
gospel, de passer quelques jours là-bas. Je me
rappelle cette visite au musée du Mississippi ou
bien ces soirées blues à dîner dans des ambiances
hallucinantes ! Et puis Memphis garde toujours
cet air de ville du sud que continuent de hanter
quelques fantômes de cette époque, et où un jour
un petit blanc s’est mis à chanter comme un noir.
Ce jour-là en juillet 1954, le rock’n’roll est né, a
bouleversé la musique, et bien plus que ce qui est
aujourd’hui notre vie de tous les jours, notre vie
normale, mais à cette époque personne ne pouvait
se douter de ce qui allait arriver !
"Des gens comme moi, Mick Jagger et tous les
autres, n’ont tout simplement fait que suivre ses
pas", Rod Stewart.
www.elvis.com

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