L`abbaye bénédictine de la Pierre qui Vire

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L`abbaye bénédictine de la Pierre qui Vire
SPIRITUALITÉ
ENTRETIEN AVEC FRÈRE YVAN,
MOINE À L’ABBAYE DE LA PIERRE QUI VIRE
L’abbaye
bénédictine
de la
Pierre qui Vire
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près le monastère orthodoxe d’Uchon et le
Centre islamique de Bouteloin, des rédacteurs
de Vents du Morvan se sont rendus au monastère bénédictin de la Pierre qui Vire, à Saint-Léger-Vauban, où nous avons rencontré frère Yvan.
Vents du Morvan : Qu’est-ce que le Morvan a de si particulier pour qu’autant de communautés religieuses
variées, catholiques, musulmans, orthodoxes, bouddhistes, aient souhaité s’y installer ?
Frère Yvan : Cela tient peut-être au Morvan même qui
est un lieu si beau, si fort, si silencieux. Lorsque des gens
arrivent à la Pierre qui Vire, ils sont souvent saisis, non
pas par l’architecture, (le monastère n’est ni ancien, ni
monument historique), mais le lieu a quelque chose qui
touche en profondeur. Par la route entre Saint-LégerVauban et la Pierre qui Vire, on s’enfonce dans quelque
chose de magique.
Le monastère de la Pierre qui vire a été fondée en 1850
par le père Muard, un prêtre de l’Avallonais qui avait le
désir de créer une communauté de prières. Les Chastellux, qui étaient les seigneurs du lieu, qui sont toujours
propriétaires d’une partie des bois qui nous entourent,
ont dit au père Muard : «Si sur nos terres vous trouvez un
lieu qui convient à votre vie, on vous le donne».
Le père Muard a choisi la Pierre-qui-Vire parce qu’il y
avait à la fois le silence et l’eau qui est nécessaire pour
vivre. Et nous lui sommes très reconnaissants d’avoir
choisi un lieu si beau. Tous les matins quand je me lève
je rends grâce à Dieu rien qu’en ouvrant ma fenêtre. Je
pense que la beauté a une valeur universelle. On comprend bien que des communautés qui vivent dans un
enracinement local, qui ne bougent pas beaucoup
- c’est notre vocation, qui comporte une certaine stabilité - ont choisi un lieu beau. Le Morvan a une valeur de
recueillement, de beauté.
VdM : Est-ce qu’en venant dans ce lieu aussi retiré, dans
lequel on arrive en traversant des forêts, vous avez le
sentiment d’être dans le Morvan ou hors du monde ?
Frère Yvan : Hors du monde, certainement pas. D’ailleurs nous sommes ensemble aujourd’hui ! Les monastères ont toujours été des lieux d’accueil. Nous sommes
bénédictins, nous avons une règle qui a 1 500 ans d’âge.
Et dans la règle de Saint Benoît, ce moine italien né vers
480, un chapitre sur l’accueil des hôtes dit : «les hôtes qui
ne manqueront jamais au monastère ...». Donc l’accueil
fait partie de la vie des moines bénédictins. Nous avons
une certaine clôture pour notre vie de prières, notre vie
de silence, notre vie de recherche de Dieu ; mais toujours
il y a une porterie, que nous venons de franchir, et une
hôtellerie. Saint Benoît prévoit ça dans la règle : il y a
une maison pour les hôtes, un frère chargé d’accueillir
les hôtes, et plusieurs s’il le faut. Donc l’accueil fait partie de notre vie.
VdM : Comment vous êtes-vous connecté, si on peut
employer ce mot moderne, avec l’environnement
social, humain de la région ?
Frère Yvan : Nous sommes à la Pierre qui Vire, nous
sommes de Saint-Léger-Vauban, nous sommes membres
de cette commune, nous votons, nous avons un maire,
Mme Richard que nous connaissons et que nous estimons, nous l’invitons pour les évènements importants.
Un frère participe au club du troisième âge. Il y a un
minimum de vie locale à laquelle nous pouvons participer sans faillir à notre vocation. Nous sommes aussi en
lien avec le pays d’Avallon, et puis avec les gens qui nous
entourent, par la ferme et aussi par notre magasin qui
est un bon lieu d’accueil et de convivialité humaine.
Les moines sont arrivés au XIXe siècle. Les premières
années correspondaient à un certain combat entre le
gouvernement français et les communautés chrétiennes,
un mouvement anticlérical, des expulsions. Par la suite,
c’est grâce à la ferme achetée avant la dernière guerre,
que les liens se sont renforcés avec notre voisinage.
Avant c’était un hameau, comme tous les hameaux du
Morvan, et les moines l’ont appelé l’Huis Saint-Benoît.
Avec la ferme on a eu en commun le même travail que
les gens qui nous entouraient. Il y a eu un moine, qui est
mort maintenant, le père Anschaire, qui était très actif
pour fonder des syndicats agricoles, qui a beaucoup fait
pour le développement de l’agriculture dans cette région
... Donc par le travail, on a pu communiquer : se prêter
du matériel, mais aussi s’entraider, se rendre des services, se connaître...
Les gens du village ne venaient pas trop nous parler de
Dieu, mais ils pouvaient parler d’une vache malade ou de
problème de paille ou de foin. Je crois que l’on peut dire
que la ferme nous a beaucoup aidé pour établir des liens.
Et maintenant, nous avons de bonnes relations avec les
gens qui nous entourent, vraiment fraternelles : quand
l’un de nous meurt, les gens viennent à son enterrement...
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L’abbaye de la Pierre qui Vire
peux dire qu’il y a 15 ans, à leur installation, le directeur de l’époque avait demandé à l’évêque de Nevers que
des frères viennent parler du christianisme. Parce qu’ils
disaient : «nous formons des imams qui sont amenés à
vivre en Europe, et donc c’est important qu’ils sachent un
peu ce qu’est la religion des gens des pays qu’ils vont habiter». Le fait que nous n’ayons plus de relations dépend
peut-être de nous ? Il y a 15 ans, au moment où il y a eu
cette amorce de relation, des frères de l’abbaye sont allés
pour donner des enseignements ; je me souviens même
que deux fois des étudiants de Bouteloin- qui n’étaient
qu’une trentaine à l’époque, sont venus à la Pierre-quivire et ont partagé un repas avec nous. Ça a duré un ou
deux ans, mais ça n’a pas été renouvelé...
VdM : Comment expliquer à certains de nos lecteurs
qui ne savent rien de la vie monastique, comment vit
un moine, quelle est sa vocation et la manière dont est
orientée sa vie?
VdM : Parlez-nous de l’œcuménisme, et des relations
que vous entretenez avec les autres communautés religieuses du Morvan
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Frère Yvan : La Pierre qui Vire a fondé un monastère
au Vietnam en 1936, et au Cambodge vers 1950. Et làbas, les frères, envoyés par la Pierre qui Vire ont été en
contact avec des moines bouddhistes. Et puis en 1975,
les Khmers rouges ont tué tous les moines khmers, et
quelques moines français, et tout le monde est parti. Les
quelques moines originaires de la Pierre qui Vire qui ont
pu sont revenus ici. Mais là-bas, ils avaient rencontré le
Bouddhisme comme voie spirituelle. Nous avons comme
parenté la vie monastique, avec les mêmes richesses que
sont la vie commune, la pauvreté, le silence, la recherche
spirituelle, le silence du cœur, l’accueil. Au moment où
ces frères sont revenus du Cambodge vers 1975/1976,
c’était le moment où les moines de Plaige se sont installés à Toulon-sur-Arroux. Venant du Boutan pour la plupart, arrivant avec leur tenue de moine bouddhiste dans
un petit village de Bourgogne, ils n’ont pas été non plus
accueillis à bras ouverts, comme nous au départ, par les
gens des environs pour qui ça devait ressembler un peu à
une secte. Et ils sont très vite venus nous voir et on a établi de très bons liens, très forts. Pour eux, le fait que les
moines de la Pierre qui Vire leur rendent visite, c’était un
peu comme dire à ceux, méfiants, qui doutaient de la sincérité de leur démarche «voyez, on n’est pas une secte, on
n’est pas dangereux, nous sommes différents mais nous
sommes reconnus.»
Et je sais que l’évêque d’Autun de l’époque, et plusieurs
prêtres de son diocèse ont été en lien avec ces moines
tibétains, en très bons termes, très fraternels, parce que
ce sont des hommes avec lesquels nous-autres hommes
de foi et de paix, partageons beaucoup de choses.
VdM : Avez-vous ce même type de relation avec les
Musulmans de Bouteloin à Saint-Léger de Fougeret ?
Frère Yvan : C’est différent, parce que ce ne sont pas
des moines. C’est un séminaire, un lieu de formation. Je
Frère Yvan : On peut dire d’abord que le moine ici c’est
un chrétien, un croyant qui cherche Dieu, et qui a senti
cet appel de Dieu à ce type de vie très spéciale, dans le
célibat, et dans une vie entièrement structurée par et
pour la recherche de Dieu. Dans un monastère, tout est
fait pour nous aider à la recherche de Dieu, à la vie de
prière, à la relation avec Dieu, à l’approfondissement de
l’amour de Dieu dans une vie d’homme.
Je crois qu’un groupe d’hommes qui se retire dans la
forêt du Morvan pour chercher Dieu est un signe, et
que cela pose question. Et la meilleurs preuve, c’est le
nombre de gens qui vient chez nous, environ 60 000 personnes par an comme touristes, et nous accueillons à peu
près 6 000 hôtes qui logent chez nous chaque année. Le
symbole passe. Si personne ne venait, ni en tant que touriste de passage ni comme hôte, on pourrait dire : là il y
a quelque chose qui ne passe plus du tout.
VdM : Il y a quelques années, nous étions venu un soir
avec une équipe pour faire un cd-rom sur l’art roman,
et pendant la collation apportée par le frère portier de
l’époque, le sujet dont il voulait parler, c’était le sida. Un
sujet qui lui tenait à cœur. Ce qui m’avait frappé aussi,
c’est que les lectures au moment des repas portent souvent sur une actualité très branchée sur le monde, y
compris sur les pays étrangers, sur les problèmes de
fond comme l’eau, la faim ...
Frère Yvan : C’est vrai que, si retirés du monde qu’ils
paraissent, les moines d’aujourd’hui sont en liens, souvent profonds, avec le monde contemporain et l’actualité. En ce moment on nous lit une vie de Gandhi par son
petit-fils qui nous ouvre à un autre chercheur de vérité,
de paix. La Pierre-qui Vire a fondé des monastères en
Asie, en Afrique, à Madagascar. Nous sommes une cinquantaine présents ; mais parmi nous, une bonne quinzaine a vécu dans ces monastères, Cambodge, Vietnam,
Madagascar ; moi-même j’ai vécu 7 ans au Congo ; du
coup des frères congolais, appartenant au monastère du
Congo et des frères vietnamiens, appartenant au monas-
tère du Vietnam, sont présents parmi nous. Donc ce souci
du monde, cette ouverture au monde fait partie de notre
vie. Nous tous nous savons ce que sont les pays pauvres,
les pays où les gens n’ont pas à manger, où l’eau est rare.
Quand on lit dans le journal des discours d’hommes politiques, toujours ça résonne avec ce que nous avons vécu,
avec ce que nos frères étrangers nous redisent.
VdM : De quoi vivez-vous ?
Frère Yvan : Ah, notre gagne-pain. Notre règle de vie nous
est lue, commentée chaque matin par le père abbé. Saint
Benoît dit : «Ils seront vraiment moines s’ils vivent du
travail de leurs mains». Parmi les innombrables familles
religieuses, il y a les ordres mendiants, les ordres prédicateurs, comme les dominicains ou les jésuites et puis
ceux qui ont depuis le départ essayé de gagner leur vie
par leur travail.
Actuellement le premier gagne-pain c’est la librairie. Il
y passe beaucoup de monde, c’est une belle librairie religieuse avec aussi un bon fonds sur la Région, le Morvan
et la Bourgogne. Je ne suis sans doute pas très objectif,
mais je suis très fier de cette librairie. Le frère Servan qui
fait le choix des livres est très cultivé, compétent, astucieux et à 100 km à la ronde il n’y a pas une librairie religieuse aussi bien achalandée. Dans cette librairie nous
vendons aussi les objets artisanaux que nous fabriquons.
Nous sommes deux frères potiers pour réaliser des poteries, un frère fait des décors sur porcelaine et nous éditons des cartes postales faites ici sur place. Nous proposons aussi quelques produits en provenance d’autres
monastères.
Frère Yvan est l’un des deux potiers de l’abbaye de la Pierre qui Vire
Le deuxième gagne-pain, c’est l’usine électrique, grâce
au Trinquelin qui passe chez nous. Dans les années 60,
il y avait un vieux frère polytechnicien et un frère ancien
élève de l’Ecole Centrale qui ont mis en place le système
hydroélectrique. Ce sont les moines qui ont creusé le
canal, posé les conduites forcées et installé les turbines.
Ces deux turbines produisent le double de ce que nous
consommons, donc nous vendons de l’électricité à EDF.
C’est pour nous un bon rapport.
Et puis il y a la ferme : il n’y a plus de moines qui travaillent à la ferme mais un couple de gérants, assisté par
un moine qui est cogérant. Il y a une dizaine de personnes
laïques qui travaillent à la ferme. Notre fromage est bon,
nous le vendons au magasin, il se vend bien, il est apprécié : il est biologique depuis 1969. C’est certainement une
des premières exploitations biologique de la région. Mais
comme dans toutes les fermes, quand le budget est bouclé, c’est les bonnes années ; parce que l’agriculture est
toujours à la merci de la sécheresse, de trop d’eau etc ...
Mais nous sommes fiers aussi de cette belle exploitation
qui est bien gérée.
Nous avons aussi l’hôtellerie qui accueille 5 000 à 6 000
personnes par an. Mais c’est une hôtellerie monastique,
c’est à dire qu’il n’y a pas de tarif, les gens donnent ce
qu’ils veulent. C’est aussi un contact avec le monde. Nous
accueillons toute personne qui vient pour une recherche
spirituelle. Par contre aux touristes nous recommandons : «allez dans les hôtels». Il y a même quelque fois
des écrivains qui viennent ici pour être tranquille pour
écrire. D’autre part, nous accueillons de plus en plus de
scolaires de toute la Bourgogne qui, à l’occasion d’une
retraite, passent la journée ici.
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VdM : Est-ce que vous pouvez nous raconter la journée
d’un moine ?
Frère Yvan : La journée commence assez tôt puisqu’on a
une première prière de 2 à 3 h du matin, un beau et long
moment de prière, très silencieux, il y a un silence de la nuit.
Ensuite les moines se recouchent, et nous nous relevons
à 6 h moins le quart. Et on peut dire que de 6h à 10h, la
journée commence par un temps plus resserré, plus centré sur la recherche de Dieu, avec d’abord la prière du
matin « laudes », le commentaire de la règle de SaintBenoît au chapitre par le père abbé ; et puis un temps,
jusqu’à la messe, pour la lectio divina, temps de lecture
spirituelle, de la bible ou d’auteurs qui nous aident dans
notre recherche de Dieu. C’est le temps aussi où les frères
casent le petit déjeuner et le ménage de la cellule. Puis
l’eucharistie à 9h et quart, jusqu’à 10h.
A partir de 10 h jusqu’à midi et quart, c’est le temps du
travail dans les emplois ; là, les frères sont dans la cuisine, le lavoir etc ... les emplois nécessaires. Il n’y a pas
que les gagne-pain, il y a aussi les emplois nécessaires à
une vie de communauté.
A midi et quart la cloche sonne, on arrête le travail et on
a une petite prière à midi trente qu’on appelle «sexte», la
sixième heure du jour, qui dure 1/4 d’heure, puis le repas
en silence avec une lecture. Et après le repas, 3/4 d’heure
de temps libre où beaucoup de frères font la sieste pour
récupérer ce qu’ils n’ont pas eu la nuit.
Et puis à 2h et quart la cloche sonne, il y a une petite
prière, «none», que les frères disent individuellement
dans les emplois. Et puis à nouveau le travail de 2h et
demi à 5h et demi. Donc un bon temps de travail.
A 5h et demi la cloche sonne et à nouveau la vie se
recentre sur l’essentiel avec d’abord la prière de vêpres à
18h ; 1/2 heure d’oraison, de prière silencieuse, ensemble
ou dans le cloître ; le repas du soir ; une rencontre communautaire, le «chapitre du soir», pas tous les soirs mais
certains soirs : c’est le père abbé qui donne des nouvelles,
qui donne la parole à tel frère qui revient de session ou
à tel visiteur de passage ; et puis complies à 20h30 qui
est la dernière prière du jour. Et après complies, c’est
le grand silence de la nuit qui ne s’interrompra qu’aux
laudes. Voilà la journée des moines.
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VdM : De quelles origines sont les
frères ?
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Frère Yvan : Nous sommes un peu
plus de 50 présents d’origines très
variées. Nous avons actuellement
trois frères africains parmi nous :
un frère camerounais, deux frères
congolais qui sont là pour études ;
deux frères vietnamiens qui sont
là pour leurs études aussi. Pendant longtemps, j’ai l’impression
que les deux grands lieux d’origine
des moines c’était Paris et un peu la
Lorraine. Il y avait quelques Bourguignons ; moi je suis Breton, il y
a toujours eu des Bretons dans le
monastère. L’origine sociale aussi
est assez variée.
Quand je suis arrivé en 63, nous
étions une centaine, et l’âge moyen
devait être de 38 ans. C’est monté
tous les ans. Maintenant ce doit être
presque 70 ans. Le plus jeune d’entre
nous a 30 ans et le plus âgé 95 ans.
VdM : Y aurait-il un sujet qui vous
tient à cœur et sur lequel on ne vous
a pas interrogé ?
Frère Yvan : J’ai rencontré ce matin
un groupe de scolaires venus de Belgique et hier un autre groupe, et les
deux m’ont posé la même question :
«est-ce qu’il y a des conflits entre les
moines ?» et «comment gérez-vous
ces conflits ?»
Faire vivre toujours ensemble 50 personnes très différentes, forcément
ça comporte des moments moins
faciles. Et Saint Benoît dans la règle
dit : « il y aura forcément entre vous,
des épines de scandale». Ça fait partie du caractère humain. Il y a des
moments où on s’énerve, où la colère
monte et saint Benoît dit : « S’il y a
conflit, essayez de vous réconcilier
avant le coucher du soleil». Et ça
c’est l’idéal, lorsqu’on arrive à aller
voir le frère contre lequel on s’est
mis en colère. Au moment même, on
est très content d’avoir sorti tout ce
qu’on avait à dire. Mais ensuite, on
n’est pas fier du tout. Si je peux aller
trouver le frère, lui dire : «excusemoi, j’ai été grossier», et s’il accueille
mon pardon, c’est merveilleux, ça
consolide les relations. Mais ce n’est
pas toujours aussi simple.
Il y a aussi tous les frottements quotidiens. Il y a mon voisin qui toujours
claque sa porte, qui fait du bruit pendant que je fais la sieste. Et si je le
lui dis, il fait un effort pendant une
semaine, puis il oublie et recommence.
Ce sont tous ces petits agacements,
ceux qui m’agacent mais aussi ceux
que je provoque et dont je ne suis
pas conscient, qui demandent beaucoup de miséricorde. Saint Benoît
demande de supporter les infirmités
les uns des autres. C’est vrai dans
les familles aussi. Et soit on en fait
un lieu de souffrance et d’agacement et de rancune ou de médisance
et on ronge son frein, soit on essaie
d’en faire un lieu de miséricorde et
d’amour de l’autre. Et c’est vrai que
ce n’est jamais évident pour personne. C’est aussi le test que notre
vie monastique est vraie. C’est dans
la mesure où nous arrivons à vivre
ensemble comme des frères malgré
ces différences que notre recherche
de Dieu est authentique. Saint Jean
l’évangéliste dit ceci : « celui qui dit
qu’il aime Dieu et qui n’aime pas son
frère est un menteur. »

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