CHAPITRE 2 La Seconde Guerre mondiale
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CHAPITRE 2 La Seconde Guerre mondiale
CHAPITRE 2 La Seconde Guerre mondiale : Guerre d’anéantissement et génocide des juifs et des Tziganes. INTRODUCTION ET RAPPELS Comme la Première Guerre mondiale, la seconde est une Guerre Totale qui implique que l’ensemble des sociétés en guerre participent à l’effort de guerre. Cependant, la 2nde Guerre mondiale est d’une ampleur encore plus grande tant par sa violence que par son extension géographique. D’ailleurs le bilan des pertes humaines de ce second conflit mondial est plus lourd, puisque l’on compte 60 millions de morts au total. Les origines de cette guerre résident dans les frustrations nées des traités de paix non négociés au lendemain de la Première Guerre mondiale (surtout pour l’Allemagne) et de l’expansionnisme agressif du Japon et de l’Allemagne. Apres une série de violations du Traité de Versailles de la part de l’Allemagne à partir de l’accession au pouvoir d’Hitler (remilitarisation de la Rhénanie, réarmement, annexion de l’Autriche et des Sudètes) n’ayant pas entraîné de réactions militaires de la part des puissantes garantes du respect de ce traité (Signature des Accords de Munich en septembre 1938), l’attaque de la Pologne par Hitler le 1er septembre 1939 provoque finalement la déclaration de guerre de la France et du RU. Le déroulement de cette guerre peut se résumer en trois phases. PROBLEMATIQUE 1. Quelles idéologies et moyens militaires expliquent l’anéantissement pendant la 2nde guerre mondiale ? 2. Quelle est la singularité historique du génocide des juifs et des Tziganes d’Europe ? PLAN 1. Une guerre d’anéantissement des soldats et des civils. 2. Les facteurs de l’anéantissement. 3. Le génocide des juifs et des Tziganes par les nazis. 1 1. Une guerre d’anéantissement des soldats et des civils. A- L’anéantissement des soldats. Malgré la signature en 1929 de la Convention de Genève*, qui réglemente la guerre, celle-ci est systématiquement violée pendant la 2nde Guerre mondiale. * Convention de Genève du 27 juillet 1929 : La Convention de Genève signée en 1929 porte sur le traitement des prisonniers de guerre et compte 97 articles. Elle pose le principe selon lequel les prisonniers de guerre doivent être traités avec humanité. Ils doivent être protégés contre tout acte de violence, les insultes et la curiosité publique. Il est en outre interdit d’exercer des représailles contre eux. Alors que près de 95% des prisonniers russes ont survécu à leur captivité pendant la Première guerre mondiale, la majorité d’entre eux (58%) sont morts pendant la 2nde GM. Cette différence est le signe d’une évolution radicale dans le traitement des prisonniers de guerre. En effet, pendant ce conflit on ne tient plus compte des règles de la guerre ni de la dignité humaine. D’après les chiffres de la mortalité, le traitement des prisonniers dans le cadre de la guerre entre l’Allemagne et l’URSS est beaucoup plus dur que celui des Britanniques et des Américains prisonniers en Allemagne. Cette différence n’est pas due au hasard, elle est le fait de l’idéologie raciale et raciste nazie qui établit une hiérarchie entre les races et, de ce fait, cherche à anéantir les peuples slaves. A cela s’ajoutait la haine mutuelle qui animait les Allemands et les Russes, liée à une opposition historique et au projet d’expansion de leur « espace vital » par les Allemands. Tant dans la confrontation Allemands/Russes que dans l’affrontement Américains/Japonais, on a affaire à des combattants qui ne se perçoivent comme appartenant à la même humanité. 2 Aussi, se sont généralisés les actes de cruauté comme par exemple : Massacre des élites : à Katyn, en Pologne en 1939, 22.000 officiers polonais sont tués par les Soviétiques. Lors de l’invasion de l’URSS par les Allemands, 3,5 millions de prisonniers de guerre soviétiques sont volontairement affamés, un programme de pillage et d’extermination par la famine est mis en place en Biélorussie (la population passe de 9,2 à 7 millions d’habitants dont 3 millions de sans-abri). Cette mortalité élevée est le résultat de la combinaison d’un double objectif : pragmatique (ravitailler l’armée en pillant les ressources des pays occupés) et idéologique (hâter l’extermination des Slaves). Généralisation de pratiques barbares sur le front Pacifique dans les deux camps : mutilations de cadavres, prélèvements d’organes… Lors de l’avancée soviétique en Allemagne, viol systématique des femmes. B- Les civils au cœur de la violence de guerre. Pendant cette guerre, la distinction civils/ militaires tend à s’estomper. Dans les pays occupés, les civils organisent la résistance (armée ou non). Elle est plus minoritaire en France mais massive en URSS. Les civils constituent 60% des pertes humaines : c’est un basculement historique majeur. Avec la 2nde Guerre mondiale, les civils sont devenus des cibles à part entière: Tactique de bombardement des villes initiée par l’Allemagne en Angleterre (Bataille d’Angleterre) en 1940, reprise ensuite par les Alliés à la fin de la guerre (bombardement de Dresde en février 1945, bombe atomique de Hiroshima et Nagasaki au Japon en août 1945) : Au début de la guerre, l’Angleterre est la principale cible des bombardements allemands : entre juillet 1940 et mai 1941, la « Bataille d’Angleterre » désigne les bombardements systématiques (Le « Blitz ») des villes anglaises, surtout Londres, Coventry, Liverpool, 3 Portsmouth, Manchester... Cette opération est destinée d’abord à détruire la Royal Air Force et la production aéronautique britannique et à anéantir les infrastructures aéroportuaire dans l’objectif final d’envahir la GB. L’Allemagne cherche aussi, à l’aide de cette opération, à terroriser la population britannique afin de pousser le gouvernement britannique à signer la paix avec l’Allemagne. En effet, face à la farouche résistance de la Royal Air Force, le 15 septembre 1940 Hitler renonce à débarquer en Angleterre et décide d’engager une campagne de bombardements stratégiques sur les grandes cites industrielle et les ports de façon à paralyser l’économie de guerre ennemie. Entre août 1940 et mai 1941, 40.000 civils britanniques sont tués. Les Britanniques dénoncent un crime de guerre et les Allemands justifient les bombardements car leurs cibles abritent des industries militaires. A partir de 1942, la GB emploiera des procédés identiques sur les villes allemandes A partir de février 1942, le Premier ministre britannique W. Churchill autorise les bombardements massifs étendus aux zones urbaines. Churchill espère de cette façon dresser la population allemande contre Hitler. On estime le nombre de victimes allemandes à 305.000 morts et 780.000 blessés. Dans la France occupée, les bombardements britanniques auraient causé 20.000 morts. Le bombardement de Dresde (Allemagne orientale) les 13 et 14 février 1945 marque le paroxysme de cette stratégie. Outre ses richesses artistiques et architecturales, la ville abritait une population de près d’un million d’habitants, dont beaucoup de refugiés. Actuellement, les historiens estiment à environ 35.000 le nombre de morts. Le tiers de la ville est détruit. Massacres de civils présentés souvent comme des représailles aux actes de résistance. Ex : massacres commis par la 2e division Das Reich à Tulles (99 morts le 9 juin 1944) et Oradour-sur-Glane (642 morts, le 10 juin 1944). Ces pratiques, rares à l’Ouest étaient beaucoup plus courantes sur le front de l’Est. 4 2. Les facteurs de l’anéantissement A- Le poids des stratégies militaires et des technologies utilisées. BLITZKRIEG Les premiers mois de la 2nde Guerre mondiale sont marqués par les victoires rapides de l’armée allemande grâce à la stratégie de la Blitzkrieg, fondée sur des offensives rapides très intenses appuyées par les chars et l’aviation chargés d’enfoncer les premières lignes. Son efficacité doit permettre d’éviter de mobiliser toutes les forces dans une guerre totale (Ne pas oublier que l’Allemagne sait qu’elle ne peut pas soutenir une guerre longue). Toutefois, cette tactique échoue lors de l’invasion de l’URSS (immensité du territoire, farouche résistance des Partisans Russes, conditions climatiques extrêmes). BOMBARDEMENTS STRATEGIQUES Une autre spécificité des guerres du XXème siècle est le rôle de la ville que l’on détruit de loin et depuis les airs. Cela a commence durant la Premier Guerre mondiale. Puis, entre les deux guerres le général Douhet élabore la théorie du bombardement stratégique. La 2nde Guerre mondiale met en application cette théorie et le bombardement stratégique contribue à la radicalisation de la violence de guerre. Les bombardements stratégiques posent une question éthique puisque malgré la cible militaire désignée, ce sont les populations civiles que l’on bombarde massivement. 5 B- Le rôle des violences idéologiques et racistes DOCUMENT Discours d’Himmler devant des officiers supérieurs SS à Poznan les 4 et 6 octobre 1943. Je voudrais aussi vous parler très franchement d'un sujet extrêmement important. Entre nous, nous allons l'aborder franchement, mais en public, nous ne devrons jamais en parler, pas plus que du 30 juin 1934, date à laquelle nous n'avons pas hésité à faire notre devoir comme on nous l'avait ordonné, et à mettre nos camarades qui s'étaient montrés indignes, contre un mur et à les exécuter. C'était pour nous une question de tact de n'en avoir pas discuté, de n'en avoir pas parlé. Chacun en a été effrayé, et pourtant, chacun sait qu'il le fera à la prochaine occasion, si on lui en donne l'ordre et si cela est nécessaire. « Je me réfère à présent à l'évacuation des juifs, à l'extermination du peuple juif. C'est une des choses qu'il est aisé d'exprimer : "Le peuple juif est en train d'être exterminé," déclare chaque membre du Parti, "Effectivement, c'est une partie de nos plans, l'élimination des juifs, l'extermination, nous l'accomplissons... peuh! Une bricole! Et puis ils viennent, 80 millions de braves Allemands, et chacun a son « bon » Juif. Evidemment, les autres, ce sont des porcs, mais celui-là, c'est un Juif de première qualité. Pas un d'eux n'a vu [les cadavres], pas un n'était sur place. La plupart d'entre vous savent ce que c'est que de voir un monceau de cent cadavres, ou de cinq cents, ou de mille. Etre passés par là, et en même temps, sous réserve des exceptions dues à la faiblesse humaine, être restés corrects, voilà ce qui nous a endurcis. C'est là une page de gloire de notre histoire, une page non écrite et qui ne sera jamais écrite. » (4 octobre 1943) « Je vous demande avec insistance d'écouter simplement ce que je dis ici en petit comité et de ne jamais en parler. La question suivante nous a été posée: « Que fait-on des femmes et des enfants? » - Je me suis décidé et j'ai là aussi trouvé une solution évidente. Je ne me sentais en effet pas le droit d'exterminer les hommes -dites, si vous voulez, de les tuer ou de les faire tuer- et de laisser grandir les enfants qui se vengeraient sur nos enfants et nos descendants. Il a fallu prendre la grave décision de faire disparaître ce peuple de la terre. » (6 octobre 1943) 6 L’AUTEUR. Heinrich HIMMLER : (1900-1945) Chef de la SS, principale organisation du régime nazi, d’abord chargée de la protection rapprochée d’Hitler, puis accumulant de plus en plus de fonctions (répression, contrôle des camps de concentration…). Il s’est suicidé en mai 1945 tandis que la guerre est perdue par les Allemands, afin d’échapper à toute forme de procès. Il est le principal responsable de la liquidation de l’opposition en Allemagne et du régime de terreur instaurée dans les pays occupés pendant la guerre. Les camps de concentration et d’extermination étaient directement sous son autorité et il mit en œuvre la « Solution finale ». Himmler évoque dans ce discours une raison pragmatique (la nécessité de mettre les civils au service de l’effort de guerre allemand), mais aussi une raison idéologique (dans le cadre d’une guerre des « races », certaines ne méritent plus de vivre), pour justifier l’élimination systématique des juifs. Les forces de l’Axe (Allemagne, Italie et Japon) ont une volonté expansionniste, fondée sur la certitude d’appartenir à une civilisation supérieure et sur une vision positive de la guerre, de la force et de la violence, dans l’objectif de construire un homme nouveau. Cette idéalisation de la force est d’ailleurs présente dans les expressions artistiques de ces pays (Cf. Futurisme italien, Cinéma de Leni Riefenstahl, artiste nazis par exemple). Dans le cas particulier du nazisme, il s’agit d’une idéologie fondamentalement raciste et antisémite : pour Hitler, la guerre est un moyen pour conquérir « l’espace vital » (Lebensraum) des Allemands vers l’Est. En outre, Hitler veut débarrasser la population allemande de toute présence étrangère (Slaves, Tsiganes et juifs constituent pour les nazis les populations les plus néfastes), mais aussi de toute population allemande mais jugée indésirable et « inferieure » (handicapés, alcooliques, délinquants …). Ainsi, c’est à la lumière de cette idéologie qu’il faut analyser l’invasion de l’URSS par l’Allemagne alors que militairement cette opération (« Opération 7 Barbarossa ») a affaibli l’armée allemande : en effet, cette attaque est conçue comme une guerre d’anéantissement du « judéo-bolchevisme » et l’invasion a pour objectif de détruire la société soviétique ainsi que son idéologie. 3. La singularité du génocide des juifs et des tziganes par les Nazis. La spécificité du crime nazi est liée à l’ampleur du massacre, à l’idéologie qui en constitue le cadre et aux méthodes employées. Il s’agit du plus grand génocide de l’histoire. A- Le temps de l’exclusion et des premiers massacres. Déjà avant son arrivée au pouvoir le 31 janvier 1933, Hitler se fixe comme objectif de mettre la population allemande à l’abri des juifs. Ce souci repose à la fois sur un antisémitisme radical et sur la volonté de créer un homme nouveau. La politique d’extermination s’étend sur trois phases : Avant la guerre : émigration forcée. Il s’agit de rendre la vie impossible aux juifs en Allemagne pour les forcer à partir : Lois discriminatoires, violences. De la conquête de la Pologne à l’enlisement en URSS (Août 1939 – Hiver 1941) : transplantation de tous les juifs dans un territoire conquis : le gouvernement General de Pologne ou la Sibérie : o Début de la concentration des juifs dans des quartiers fermés (ghetto) en Europe de l’Est (44.500 dans celui de Varsovie en 1941). o Adoption de lois discriminatoires envers les juifs dans plusieurs Etats satellites de l’Allemagne, dont la France. A partir de l’invasion en URSS (juin 1941) : Basculement dans une politique d’anéantissement systématique : extermination de tous les juifs et Tziganes d’Europe. 8 B- L’industrialisation de la mort de masse a partir de 1941. Il se produit une radicalisation progressive de la violence dans le cadre de la guerre d’anéantissement en URSS : La « shoah par balles » : entre 1941 et 1944, environ 1,3 millions de juifs d’Ukraine assassinés par les Einsatzgruppen (« Groupes d’intervention ») : bataillons de police chargés de liquider systématiquement communistes et juifs en arrière du front. Ces techniques de mise a mort apparaissent insuffisamment efficaces. Une date-clé marque le basculement vers des techniques d’extermination plus massives : le 20 janvier 1942, lors de la Conférence de Wansee est organisée la « Solution finale ». L’organisation en est confiée la SS qui regroupe l’élite du parti nazi et dirigée par Himmler. Quinze hauts fonctionnaires du parti nazi et de l’administration allemande sont réunis dans une villa de la banlieue de Berlin pour coordonner et organisée l’extermination des juifs. D’autres acteurs sont impliqués, tels que des Etats collaborateurs (France de Vichy), la police, l’armée, des médecins et la Compagnie de Chemins de fer. Une organisation en aval devient nécessaire pour rendre possible la mise en œuvre de la « Solution Finale » : on accélère le recensement, la discrimination, la concentration des juifs (ainsi en France lors de la Rafle du Vel’ d’hiv’ les 16 et 17 juillet 1942 au cours de laquelle 13.000 juifs sont envoyés dans des camps comme celui de Drancy). Le ghetto de Varsovie regroupe fin 1941 445.000 juifs. Grace à une organisation des transports ferroviaires très efficace, on organise la déportation des juifs d’Europe en direction des camps situés souvent en Pologne. On distingue deux types de camps : extermination et concentration. Camps de concentration : ouverts en 1933, ils sont destinées a ceux considérés comme ennemis du Reich : opposants politiques, homosexuels, Tziganes, juifs. Tous les détenus sont soumis a du travail 9 force dans des conditions inhumaines : maladies, sous-nutrition, sévices, tortures, expérimentations…. La mortalité y est très élevée. Le processus de deshumanisation y est décrit par Primo Levi. Camps d’extermination : construits à partir de l’hiver 1941 en Pologne, dans le but d’éliminer les juifs et les Tziganes par des procédés industriels (Treblinka, Sobibor, Belzec, Auschwitz). Certains camps sont mixtes. C’est le cas d’Auschwitz et de Maidanek. Les camps sont organisés de manière minutieuse et l’élimination des prisonniers y est effectuée de manière industrielle : A leur arrivée, les déportés sont sélectionnés en fonction de leur capacité à travailler. Ceux qui sont jugés inaptes au travail sont tués immédiatement dans des chambres à gaz (Zyklon B) Les cadavres sont brûlés dans des fours crématoires ou des bûchers (hygiène et camouflage du crime). Les déportés jugés aptes au travail sont déshumanisés : rasés, déshabillés, leurs biens sont volés et inventoriés. Près de 6 millions de juifs (50% des juifs d’Europe en 1939) et plus de 200.000 Tziganes sont exterminés. Le projet nazi d’extermination est mis en œuvre grâce à une hiérarchisation de la main d’œuvre chargée de l’exécuter et à une stricte division des tâches qui permet de diluer les responsabilités. Le sale travail est effectué par les kapos et les Sonderkommandos : Kapos : Ce sont les personnes chargées d’encadrer les prisonniers dans les camps. Ils étaient souvent recrutés parmi les prisonniers de droit commun les plus violents. Ce sont qui effectuent les actions les plus violentes à l’égard des détenus. De la sorte, les rancœurs des prisonniers se tournent vers eux, au point de faire passer les vrais gardiens pour plus humains. Ces derniers sont alors moins exposés à la 10 colère des déportés. Dans certains camps, les détenus de droit commun (« Triangles verts ») et les détenus politiques (« Triangles Rouges ») rivalisent pour les postes de kapos. Lorsque les « Triangles Verts » dominaient, le régime du camp était plus dur, tandis que lorsque c’étaient les « Triangles Rouges », la vie du camp y était moins sévère. C’était le cas de Buchenwald, devenu un « camp communiste » comme le décrit Jorge Semprun dans Un si beau dimanche. Sonderkommandos : Ce sont des détenus, pour la plupart juifs, chargés du fonctionnement des fours crématoires, des salles de déshabillage, des chambres à gaz et des fosses d’incinération. Comme ils sont en contact direct avec les installations de cette industrie de la mort, ils sont régulièrement exterminés afin qu’ils ne puissent témoigner. Seuls quelques uns d’entre eux ont survécu car ils étaient encore vivants au moment de la libération des camps par l’armée soviétique, les SS étant saisis par la panique. C- Un bilan génocidaire effroyable (CONCLUSION) EXTERMINATION DES TSIGANES C’est pour des raisons raciales que le régime nazi a persécuté les Tsiganes : internement, travail forcé, assassinat, et déportations dans des camps d’extermination. En 1940, environ 7500 Tsiganes furent déportés vers divers camps d’extermination en Pologne, avant la suspension de ces déportations. Puis, en 1942, Himmler signa un ordre de déportation pour tous les Tsiganes d’Allemagne. Ils furent alors déportés à Auschwitz ou un camp avait été conçu spécialement pour eux : « Le camp des familles gitanes ». Des familles entières y ont été incarcérées ensemble. On estime à 23.000 le nombre de Tsiganes d’Allemagne déportés dans ce camp, parmi lesquels 19.000 moururent. La persécution des Tsiganes s’étendit aussi aux pays occupés par les nazis. 11 Les historiens estiment que sur environ 1 million de Tsiganes vivant en Europe avant la guerre, au moins 220.000 auraient été tués. La reconnaissance formelle et officielle du génocide des Tsiganes par l’Etat allemand n’a eu lieu qu’en 1982, alors qu’Helmut Kohl était chancelier et que la plupart des victimes susceptibles de toucher des réparations conformément à la loi allemande étaient déjà mortes. EXTERMINATION DES JUIFS Les responsables de l’extermination ? Il existe un débat entre les historiens au sujet du rôle d’Hitler. Tandis que certains minimisent le rôle d’Hitler et font porter la responsabilité sur les échelons inferieurs, d’autres au contraire considèrent que le génocide n’aurait pu avoir lieu sans l’initiative du dictateur. En fait, si la responsabilité d’Hitler est incontestable, le projet n’aurait pu être mis en œuvre sans la collaboration de décideurs locaux. En outre, il faut tenir compte de la concurrence et des rivalités des lieutenants du Führer qui les poussent à une surenchère dans la violence (approche fonctionnaliste). Cette thèse, se heurte à celle de la planification (approche intentionnaliste) : certains acteurs (Himmler, Goering, Heydrich, Goebbels) se seraient appliqués à mettre en œuvre le projet hitlérien. En fait, ces deux thèses ne sont pas vraiment incompatibles : la responsabilité des prises de décision sont à attribuer à Hitler, mais la concurrence entre les collaborateurs d’Hitler a radicalisé la mise en œuvre. Le peuple allemand porte lui aussi une part de responsabilité. En effet, les historiens identifient 3 types d’antisémites en Allemagne : les antisémites passifs, les plus nombreux, héritiers de l’antijudaïsme traditionnel, les agitateurs, acteurs des pogroms, militants d’extrême droite et les antisémites idéologiques se basant sur des théories pseudo—scientifiques. On peut considérer que l’antisémitisme passif a pu constituer un terreau favorable à la mise en place d’une politique antisémite. La planification du génocide ? Il faut replacer dans son contexte la planification du génocide : elle intervient dans le cadre de l’échec de l’armée allemande en URSS. La « Shoah par 12 balles » qui commence en 1941 en fut la première étape marquante. Puis, Hitler comptait déporter les juifs de l’Ouest vers l’Est dans le but d’un « anéantissement par le travail », or, du fait du recul des positions nazies en URSS, il ne disposait plus de l’espace nécessaire à l’installation de camps de travail. En outre, avec l’entrée en guerre des EUA, la situation se détériore pour l’Allemagne nazie, et face a une dégradation de sa situation militaire, Hitler choisit d’accélérer le processus d’extermination. C’est pourquoi, à partir du printemps 1942, les juifs sont souvent mis a mort immédiatement sans passer par l’étape du travail. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer la Conférence de Wansee. Passivité des Occidentaux ? Voir le film de C. Costa-Gavras, Amen. Les Américains et les Anglais disposaient d’informations précises transmises notamment par des institutions juives. Toutefois, les administrations étasunienne et britannique sont restées inactives, prises entre l’antisémitisme présent jusque dans les cercles du pouvoir et l’influence des juifs. Dimension industrielle du génocide ? Lorsque l’on se réfère au génocide mis en œuvre dans les camps d’extermination, il semble bien que l’on puisse parler de méthodes et d’une échelle industrielles. Toutefois, les recherches plus récentes sur les Einsatzgruppen responsables de la « Shoah par balle » nous obligent à nuancer cette idée. Ces recherches ont prouvé l’importance de ces méthodes puisqu’environ 1/3 des victimes du génocide juif sont morts « par balles » en URSS principalement. Les Commandos spéciaux les traquaient dans des villages reculés, ou l’absence de moyens de transport empêchait de les déporter en masse. 13