1 Camille et Yolanda Pièce de Théâtre En deux Actes

Transcription

1 Camille et Yolanda Pièce de Théâtre En deux Actes
Camille et Yolanda
Pièce de Théâtre
En deux Actes
Deux personnages féminins
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
ISBN : 978-1-4716-3394-2
Dépôt légal : 2012
© Daniel Pina
Note de l’auteur.
Les didascalies sont volontairement rares afin de laisser libre cours à l’imagination, à la
personnalité des comédiennes et du metteur en scène.
Durée approximative 90 minutes
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ACTE 1 - SCENE UNE
Camille - C’est à cette heure-là que tu arrives ?
Yolanda - Bonjour l’accueil ! Je te rappelle à toutes fins utiles que j’entre du travail, que je
suis tributaire des transports où je passe une heure trente en moyenne de mon temps par jour, que
je suis crevée et que j’ai faim.
Camille – Oui bon ! Ce n’est pas parce que tu as du boulot que tu dois te plaindre. Qu’estce que je pourrais dire dans ces conditions, hein ?
Yolanda – Je sais. Tu vas me répéter pour la énième fois que j’ai une chance inouïe d’avoir
un job… et nanana !
Camille – Non pas nanana, toi tu voudrais rester à la maison et tu travailles et moi
j’aimerais travailler et je suis obligé de rester cloîtrée entre ces quatre murs. Tu avoueras que la
vie est mal faite quand même ?
Yolanda – Oui j’avoue, là ! Je travaille et pas toi, désolée ma vieille mais je ne suis pas
responsable de ta situation.
Camille – Je n’ai pas dit ça non plus.
Yolanda – C’est exact, tu ne l’as pas dit… tu me l’as reproché.
Camille – Mais oui… mais, que veux-tu à force je culpabilise, je sclérose, je déborde, je
m’ennuie quoi !
Yolanda – Tu oses me dire ça ?
Camille – Oui pourquoi ?
Yolanda – Je n’ai pas une minute à moi et tu grognes parce que tu ne sais pas quoi faire de
tes journées ?
Camille – Je ne grogne pas, je…
Yolanda – Non, tu râles !
Camille – Hé ! Je le fais bien ?
Yolanda – Quoi ?
Camille – Râler. féline Oh oui, je râle, ça je sais faire ça, ça me plaît, je rouspète d’être
fauchée, je gueule après les feux de l’amour, Derrick et la boutique où même ce qui est à
cinquante pour cent de réduction m’est inabordable, je me plains d’être obligée de faire des
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grâces matinées, je roucoule de déplaisir, je grogne d’énervements, je geins d’ennuis à passer des
heures étendue sur le canapé à attendre une hypothétique visite d’un beau mec qui après avoir
sonné viendrait s’allonger près de moi pour récupérer de sa longue et difficile journée.
Yolanda – l’imitant Oh oui c’est vachement excitant ça.
Camille – Ça va hein, on a le droit de rêver.
Yolanda – Tu es complètement sonnée ma vieille, ça te monte à la tête, tu devrais changer
d’air, trouves toi une occupation.
Camille – Mannequin je pourrais, mais manger un brocoli plaqué entre deux feuilles de
salade, non merci !
Yolanda montre ses fesses – Fais gaffe, parce qu’à force de rester inactive tu pourrais te
retrouver sur les podiums à défiler pour monsieur de gros sac.
Camille – Quand bien même ! Tu les trouves belles ces gonzesses avec leurs miches en
goutte d’eau et les seins en gant de toilette ?
Yolanda – C’est le critère en vogue.
Camille – Ce n’est quand même pas normal qu’on ne puisse pas y accéder au-dessus de
trente-deux kilos. C’est de la ségrégation. Elles ont les cotes mal taillées.
Yolanda – Peut-être, mais elles ont aussi les tailles bien cotées.
Camille – Fortes ou minces, nous sommes toutes logées à la même enseigne.
Yolanda – À savoir ?
Camille – Subir les désirs, que dis-je le dictat des hommes, des clients, des fortunés de ce
monde.
Yolanda – Tu mélanges tout là, les hommes, les clients, les riches, c’est quoi cet
amalgame ?
Camille – Ouh là ! Tu vis sur la planète Terre depuis combien de temps ? Qui sont les
grands couturiers ?
Yolanda – Des… z’hommes ?
Camille – efféminée exagérément Exact mon chou. Dis-moi ma grande tu as pris au moins
quinze grammes ce week-end, encore quinze comme ça et je te remplace, je veux un défilé de
haute couture chérie, pas celui du carnaval de Clermont-Ferrand compris ? Certaines de mes
créations sont cochonnes mais pas celles qui ME représentent, vous travaillez pour Meua, pas
pour Cochonou. Vous êtes la France, vous êtes Meua, soyez fortes… dans la tête seulement.
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Yolanda – Oh tu exagères, ils ne sont pas tous comme ça.
Camille – Ce sont ceux qui ne sont pas comme ça qu’on remarque, tu peux me croire.
Yolanda –Tu ne serais pas un peu… jalouse ?
Camille – Le mot est lancé.
Yolanda – Quoi, je n’ai rien dit de mal.
Camille –Tu penses sincèrement que je peux être jalouse de ces mecs-là ?
Yolanda – Non. Des filles peut-être !
Camille – Dis donc, t’es championne pour remonter le moral, je me sens vraiment mieux
maintenant, vraiment.
Yolanda – J’ai faim. Tu as préparé quelque chose ?
Camille – Je suis Camille ok, pas Conchita.
Yolanda – Raciste.
Camille – Antiféministe.
Yolanda – Moi, alors… qu’est-ce qui te permets de dire ça, hein ? Explique !
Camille – Alors sous prétexte que je suis à la maison toute la journée parce que je ne trouve
pas de travail, je devrais te cuisiner de bons petits plats ?
Yolanda – Ça serait vachement sympa, ouais !
Camille – J’y crois pas !
Yolanda – Moi non plus, d’ailleurs je n’y ai jamais cru.
Camille – Oh eh ! On n’est pas mariées il me semble, ni pacsées il me semble, ni même
ensemble il me semble, nous sommes juste colocataires ok ! Rien de plus.
Yolanda – C’est bon, je n’ai pas dit le contraire.
Camille – Je ne suis pas là pour ça ok ?
Yolanda – Oui, j’ai compris.
Camille – Je ne suis pas la bonne, ok ?
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Yolanda – Je ne demanderai plus rien. Voilà !
Camille – Voilà !
Yolanda – Voilà !
Chacune va dans son coin, silencieuse, plusieurs secondes.
Rolanda inspire fort pour prendre la parole, Camille la devance.
Camille – J’suis désolée.
Yolanda – Ah non hein, c’est moi qui suis désolée.
Camille – Non c’est moi.
Yolanda énervée – Non c’est moi, tu veux toujours être le centre d’intérêt c’est vraiment…
tu sais, mais alors, vraiment hein !
Camille – J’suis désolée !
Yolanda – Moi aussi.
Camille énervée – Moi d’abord.
Yolanda – D’accord tu as raison, je suis injuste de vouloir t’ôter ce privilège.
Camille – Privilège, quel privilège ?
Yolanda – Tu es la maîtresse des lieux, c’est normal d’ailleurs, tu passes ton temps dans cet
appart à veiller à ce que chaque chose soit à sa place, je le comprends tout à fait, quand on a rien
d’autre dans sa vie on se rabat sur des futilités.
Camille – Quoi ? Mais tu te fous de moi en plus !
Yolanda – C’est ta vie ici, ton univers, restreint certes, mais ton univers.
Camille – En attendant, tu es bien contente de le trouver mon univers.
Yolanda – Il faut t’occuper l’esprit sinon tu vas sombrer dans les méandres de la
mélancolie, puis tomber dans le tourbillon de la déprime, c’est ce qui arrive pour les inactifs qui
n’ont, de surcroît, pas de quoi subvenir à leurs besoins.
Camille – Alors là je n’en crois pas mes oreilles. Tu me considères comme un boulet vivant
à tes crochets, un parasite de la société, je suis une merde à tes yeux, c’est tout ! Tu ne me vois
que comme ça ?
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Yolanda – Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas encore dis.
Camille – Mais qui tu es pour me parler sur ce ton, hein ? Tout ça parce que madame à un
job lucratif, qui lui permet d’acheter ce qu’elle veut quand elle le veut sans avoir à compter.
Yolanda – Oui et alors ? Qui paie le loyer, les factures, la bouffe et tout le reste ? C’est
toi ? Qui se lève tous les matins pour aller gratter toute la semaine, c’est toi ? Je n’en ai pas
l’impression, alors j’ai mon mot à dire que je sache.
Camille – C’est bas… c’est vraiment bas… mesquin… vraiment méchant.
Yolanda – Je suis désolée.
Camille – Ah non hein, c’est moi qui suis désolée.
Yolanda – Non c’est moi !
Camille – Ouais, tu peux !
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ACTE 1 - SCENE DEUX
Yolanda – Tu comptes me faire la tête encore combien de temps ?
Camille – Moi ? Mais je ne suis pas comme ça, je ne boude pas, je suis juste un peu vexée.
Yolanda – Manger arrangerait peut-être un peu les choses ?
Camille – Je n’ai pas faim. Mais oui, pourquoi pas !
Yolanda – Tu nous prépares quoi ?
Camille – Tu ne manques pas d’air.
Yolanda – Je ne demande pas la lune il me semble.
Camille – Je ne suis pas ta servante, ok ?
Yolanda – Arrêtes à la fin, je ne te considère pas ainsi voyons, qu’est-ce qui te fait dire ça ?
Camille – Juste ton attitude envers moi.
Yolanda – Voilà, tu exagères encore pour changer, on ne peut vraiment rien te demander.
Camille – N’importe quoi. Demande-moi autre chose et tu verras.
Yolanda – C’est toi qui vas payer le loyer.
Camille – Sandwiche ou pizza ?
Yolanda – Pizza.
Camille s’absente…
Yolanda parle fort afin que Camille puisse l’entendre – J’ai rencontré le voisin de palier ce
matin, il n’est pas mal du tout tu sais. Jeune, élégant, vraiment beau gosse. Je suis sûre qu’il te
plairait.
…puis revient avec deux assiettes.
Camille – Je le trouve super mignon.
Yolanda – Tu le connais ?
Camille – Nous nous sommes croisés il y a quelques jours, la vache il est super canon, il
s’est arrêté pour me serrer la main.
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Yolanda – Alors tu as une vie sociale ?
Camille – Très drôle. N’empêche qu’il était troublé quand je lui ai parlé.
Yolanda – Tu lui as dit quoi pour le déstabiliser ?
Camille – Votre braguette est ouverte.
Yolanda –Tu as vraiment une vie sociale alors !
Camille – On va dire ça !
Yolanda – Ah oui, belle entrée en matière. Tu l’as mis mal à l’aise, ce n’est pas bien.
Camille – Ce n’est quand même pas ma faute, je ne pouvais décemment pas ne pas lui dire,
tu aurais fait quoi à ma place ?
Yolanda – Moi ? Rien !
Camille – Ooooh ! Tu l’aurais laissé déambuler avec la porte du garage ouverte ? T’es
gonflée.
Yolanda – Alors, quelle couleur ?
Camille – Quelle couleur quoi ?
Yolanda – La bagnole.
Camille – Quelle bagnole ?
Yolanda – Oh là là t’es lourde par moment, tu n’as vraiment aucun humour, son slip
évidemment, de quelle couleur était-il ?
Camille – J’en sais rien, comment veux-tu que je le sache ?
Yolanda – Quoi ! Tu n’as pas jeté un œil ?
Camille – Ben si, j’ai jeté un regard furtif, attiré qu’il était par quelque chose qui clochait,
c’est tout.
Yolanda – Je ne te comprends vraiment pas. Qui était attiré ?
Camille – Mon regard.
Yolanda – Et tu n’as pas insisté ?
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Camille – Non. Je ne vois pas ce qu’il y a de si important ?
Yolanda – Tu es désespérante.
Camille – Là, c’est moi qui ne te comprends pas.
Yolanda – Tu croises un homme avec la braguette ouverte et tu perds une occasion de le
regarder, tu n’es pas normale.
Camille – Si je l’ai regardé.
Yolanda – Mais pas à l’endroit stratégique.
Camille – Qu’est-ce que je me fous de savoir de quelle couleur sont les sous-vêtements de
notre voisin de palier ?
Yolanda – Il n’en portait peut-être pas.
Camille – Ah ! C’est ça qui t’intrigue à ce point. Effectivement, il n’en portait pas.
Yolanda – Il n’avait pas de sous-vêtements ?
Camille – Pas ce jour-là.
Yolanda – Alors tu as regardé ?
Camille – Pas eu besoin, c’est lui qui me l’a dit.
Yolanda – Il a dit ça ? Tu as réellement une vie sociale alors ! Un mec que tu n’as jamais
vu auparavant te salue, bonjour ça va oui merci, oui ma braguette est ouverte, non je ne mets pas
de sous-vêtement ; et l’autre qui ne regarde même pas ! Je rêve.
Camille – Faut te soigner ma vieille.
Yolanda – Pourquoi ce n’est pas tombé sur moi ?
Camille – Et tu aurais fait quoi ?
Yolanda – Alors là le grand jeu, la séduction, l’effet de surprise passé je l’aurais plaqué
contre moi pour qu’il me serre dans ses bras puissants, nous serions allés boire un pot au troquet
du coin, puis à bout de patience réciproque il serait venu chez moi pour une petite sieste
improvisée.
Camille – Pas mal.
Yolanda – Et toi tu as fait quoi ? Vous devriez fermer l’auvent sinon vous allez vous
enrhumer.
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Camille – C’est exact, c’est ce que j’ai dit, et fait ce que toi tu aurais aimé faire.
Yolanda – En clair ?
Camille – Je l’ai plaqué contre moi pour qu’il me serre dans ses bras puissants, nous
sommes allés boire un pot au troquet du coin et on s’est retrouvés chez lui pour une petite sieste
improvisée.
Yolanda – Je veux mourir ! Tu mens là ?
Camille – C’est la pure vérité.
Yolanda – Je te hais, tu entends ?
Camille – Mais pourquoi ?
Yolanda – En restant dans l’appartement tu ne côtoies pratiquement personne et tu as une
aventure avec le premier mec qui passe, moi je sors tous les jours, je croise des milliers de gens et
je n’ai rien absolument rien à me mettre sous la dent, voilà pourquoi.
Camille – Dis-moi, tu ne serais pas un petit peu… jalouse ?
Yolanda – C’est malin, je n’ai plus faim. Je comprends pourquoi tu ne te précipites pas
pour trouver du boulot, tu es bien mieux ici à attendre le prince charmant.
Camille – C’est injuste, le boulot je cherche tous les jours et ne trouve rien.
Yolanda – Tu crois que c’est juste, je cherche un mec tous les jours et n’en trouve pas et toi
qui n’en cherche pas tu en as un.
Camille – Je n’ai pas de mec.
Yolanda – C’est déjà terminé entre vous ?
Camille – Ça n’a jamais commencé.
Yolanda – Il a fait tac tac et puis il est parti ?
Camille – Je n’ai jamais dit qu’on avait fait tac tac.
Yolanda – Conclusion, vous n’avez pas consommé ?
Camille – Une fois arrivée chez lui nous avons discuté, longtemps, son histoire m’a
bouleversée. Mais vraiment tu ne penses qu’à ça ?
Yolanda – Le mal est où ?
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Camille – Nulle part après tout.
Yolanda – Qu’est-ce qu’il a, il est malade ?
Camille – En quelque sorte, c’est un… comment a-t’il dit, intersexuel.
Yolanda – Connais pas.
Camille – J’étais comme toi, mais quand on apprend ensuite la véritable dénomination on
se dit, bon sang mais c’est bien sûr, c’est l’hermaphrodisme.
Yolanda – Ah bon ! Moitié Ken moitié Barbie.
Camille – C’est ça.
Yolanda – Lui est plutôt poupée ou baigneur ?
Camille – Tendance féminine, mais vraiment ce n’est pas facile à vivre, si tu le voyais il est
adorable et très beau.
Yolanda – Donc !
Camille – Donc quoi ?
Yolanda – Donc dis-je, il ne s’est rien passé entre vous ?
Camille – Rien de physique en tout cas, mais depuis que je le connais ma vision de la vie
évolue.
Yolanda – Avec tout le respect que je te dois je n’ai constaté en ce qui te concerne, aucune
amélioration.
Camille – C’est marrant mais, je n’en attendais pas moins de toi.
Yolanda – À ton service.
Camille – Ça devient une seconde nature.
Yolanda – Désolée.
Camille – Ah non ! C’est moi qui suis désolée.
Yolanda – Tu ne vas pas remettre ça hein ?
Camille – Quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, avec toi tout n’est que compétition.
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Yolanda – S’impose pourtant une constatation, nous sommes toujours match nul.
Camille – Mouais ! Mais j’ai bien l’intention de jouer les prolongations.
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ACTE 1 - SCENE TROIS
Camille – Tu rêves parfois à la vie que tu aurais pu avoir si tu avais eu d’autres parents ?
Yolanda – Souvent. On s’imagine être toujours l’inverse de ce qu’on est, riche quand on est
pauvre, beau quand on est moche…
Camille – Intelligent quand on est bête.
Yolanda – Laisse-moi deviner, ça t’aurait plu d’être tout ça n’est-ce pas ?
Camille – Nanana ! Il est où le programme télé ?
Yolanda – Sérieusement, si j’avais le pouvoir de changer les événements, tu voudrais que
je me modifie le cours de ta vie ?
Camille – Comment peux-tu croire que c’est à toi que je le demanderais ?
Yolanda – Parce que nous sommes colocataires, ça crée des liens.
Camille – On se dispute sans arrêt, tu penses vraiment que ça nous rapproche ?
Yolanda – Bien évidemment ! Au moins nous communiquons, ce n’est pas le cas de tous
ceux qui sont obligés de vivre sous le même toit.
Camille – On ne se supporte pas.
Yolanda – Et puis alors ? Nous sommes que tu le veuilles ou non des confidentes.
Camille – Tu trouves ? Ça fait un mois que nous avons emménagé et je ne connais
vraiment pas grand-chose de toi, ni toi sur moi d’ailleurs.
Yolanda – Raison de plus pour y remédier ?
Camille – Tu voudrais qu’on se laisse aller aux confidences, mais c’est notre intimité, notre
domaine réservé.
Yolanda – Pourquoi pas ! On n’est pas obligé de tout raconter, seulement ce qui pourrait
évacuer du stress.
Camille – Le simple fait d’être là m’énerve par exemple ?
Yolanda – C’est ma faute ?
Camille – Non. Pas vraiment. Enfin… oui.
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Yolanda – Ça commence fort.
Camille – Dans ce genre de situation il faut s’attendre à entendre des choses qu’on n’a pas
forcément envie d’entendre.
Yolanda – Y a quoi à la télé ce soir ?
Camille – Ta vie en 3D. Tu vois comme tu es ? Tu lances un défi et au dernier moment tu
te dégonfles.
Yolanda – Cette idée n’est pas aussi bonne tout compte fait, on reste comme ça, ce n’est
pas plus mal.
Camille – Aurais-tu peur que je découvre quelques secrets qui me guideraient vers ta
véritable personnalité ? Tu es peut-être une Mata Hari venue dans le but d’espionner mon
quotidien pour m’envoyer en prison ?
Yolanda – Il est où ce satané programme télé ?
Camille – Dernièrement j’ai fait un rêve…
Yolanda – Ah oui ! Tu étais noire et pasteure !... Tu retrouvais le programme télé !
Camille – En fait, c’était un cauchemar. Je voulais être toi, et à force de le désirer j’étais
réellement devenue toi.
Yolanda – En quoi est-ce un cauchemar ? C’est un rêve que beaucoup de femmes
voudraient voir se réaliser.
Camille – Beaucoup de femmes peut-être, mais pas moi.
Yolanda – Je ne suis pas pire que toi.
Camille – Pas mieux non plus.
Yolanda – Je vais aller m’allonger tiens, je préfère les niaiseries de la télé aux bêtises que
tu débites.
Camille – Camille Claudel !
Yolanda – Toi-même ! Veut sortir
Camille – C’est le meilleur programme de la soirée que j’ai trouvé.
Yolanda fait demi-tour – Je faisais quoi dans ton rêve ?
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Camille – Donc, j’étais devenue toi, Yolanda. Je travaillais pour un salaire de misère et
pour arriver à boucler les fins de mois j’avais deux autres jobs, et malgré ces trois salaires, je n’y
arrivais pas.
Yolanda – C’est quoi le pluriel d’un salaire en France ?
Camille – Un salaire, dérisoire… Donc disais-je, je trimais quinze heures par jour, je vivais
dans une bicoque sans chauffage ni électricité, sans ami, sans famille, et ma seule perspective
était… le suicide… et à toi qui voulais me sortir de ce bourbier je mentais en disant que tout allait
bien, sans besoin de personne. Et tu criais mensonge, mensonge, mensonge !
Yolanda – Ça ne peut pas être moi, je ne suis pas une menteuse.
Camille – Tu ne mens jamais ?
Yolanda – Jamais !
Camille – Tout comme moi.
Yolanda – Je n’ai pas tout compris là. Quand tu dis « et à toi qui voulait me sortir de ce
bourbier »… toi c’était moi ou toi c’était toi ?
Camille – Ben toi c’était toi puisque toi c’était moi.
Yolanda – Donc toi tu étais moi et moi j’étais toi.
Camille –Tu vois ce n’est pas si compliqué.
Yolanda – De toi à moi tu as vraiment fait ce rêve ?
Camille – Je ne mens jamais.
Yolanda – Nous avons au moins ce point en commun. Ce n’est qu’un rêve car je suis issue
d’un milieu assez friqué.
Camille – C’est sûrement pour cette raison que j’ai voulu être toi.
Yolanda – Ah oui ! Tu aimerais réellement ça ?
Camille – Nous voulons toujours ce qu’on n’a pas, être ce qu’on n’est pas, c’est humain, ou
féminin.
Yolanda – Vouloir être moi est ma foi un bon choix, y a pas un seul mec qui aurait pensé à
ça.
Camille – Ouais ! On se demande bien pourquoi ?
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Yolanda – Quelle est la plus grande qualité dont tu aurais voulu hériter de moi ? Ceci, en
toute simplicité.
Camille – Ta richesse… en toute simplicité.
Yolanda – Oui, je comprends, ça doit être difficile d’être pauvre, pauvre chérie.
Camille – Je n’ai jamais dit que je l’étais !
Yolanda – Pas besoin, j’avais deviné et il n’y a pas de mal tu sais, même si j’avoue qu’il est
plus aisé d’être aisé. Ce n’est pas une tare, je te rassure.
Camille –Ta sollicitude me va droit au cœur.
Yolanda – Eh ! J’y suis pour rien moi si t’as pas de fric, pas de boulot et pas de mec.
Camille – C’est vraiment élégant, merci ma vieille, ta gentillesse te perdra. Je sens que je
peux compter sur toi dans les moments difficiles.
Yolanda – T’en fait pas, peut-être qu’un jour tu en auras un des trois.
Camille – Madame est vraiment trop bonne ! Fais gaffe à ton cœur ma vieille, trop de bonté
pourrait nuire à son bon fonctionnement.
Yolanda – La pauvreté ça rend hargneux !
Camille – Et le fric ça rend con.
Yolanda – Jalouse.
Camille – Prédatrice.
Yolanda – Je vais m’allonger, je bosse moi demain.
Camille – Oui tiens à propos, tu fais quoi exactement de tes journées de riche héritière ?
Yolanda – Pourquoi héritière ? Tu ne me crois pas capable d’assurer mes revenus toute
seule ?
Camille – Il y a une différence entre avoir un revenu et gérer une fortune.
Yolanda – Oh je vois ! Tu cherches à me rabaisser par tous les moyens, être envieuse à ce
point est un nouveau motif de déception pour moi, vraiment quelle bassesse.
Camille – Tu vas t’en remettre chérie, les riches se consolent toujours très vite, ce n’est
qu’une question de moyens.
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Yolanda – Je pense vraiment que tu es une pauvre fille, dans tous les sens du terme.
Camille – Affligeant ma pauvre Yolanda. Pas étonnant que tu n’aies pas de mec non plus.
Yolanda – Je peux t’assurer que le type avec qui je sors est tout ce qu’il y a de plus réel, et
masculin.
Camille – Tu le payes combien ?
Yolanda – Tu penses sincèrement que tout peut s’acheter ?
Camille – Oui !
Yolanda – C’est vrai. Mais pas lui. Il m’aime.
Camille – Il te l’a dit ?
Yolanda – Pas besoin.
Camille – Il est gentil avec toi ?
Yolanda – Oh oui !
Camille – Il comble tous tes désirs ?
Yolanda – Parfaitement !
Camille – Il est prêt à tout pour toi, même au mariage ?
Yolanda – Comment le sais-tu ?
Camille – Il n’a pas de famille, pas de job, pas de femme, pas d’enfant, pas d’argent.
Yolanda – Et je l’aime.
Camille – Alors laisse tomber.
Yolanda – Quoi ! T’es malade !
Camille – C’est un gigolo qui n’en veut qu’à ton fric.
Yolanda – Mais pas du tout.
Camille – Tu lui as laissé entendre que tu avais du fric ou pas.
Yolanda – Mais oui. Mais non, ce n’est pas pour cette raison, il a eu le coup de foudre
pour… merde… pour mon compte en banque !
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Camille – Pauvre chérie, je le crains.
Yolanda – Et ça ne te réjouit pas.
Camille – Tu trouves qu’il y a de quoi jubiler sur ton malheur ?
Yolanda – Moi je l’aurais fait.
Camille – Je sais.
Yolanda – Tu es meilleure que moi.
Camille – Oui !
Yolanda – C’est d’être riche qui me rend aveugle.
Camille – Et aussi égoïste, bête, méchante, capricieuse, chiante…
Yolanda – Oui bon ça va, je n’ai pas toutes les tares non plus. Je suis désolée.
Camille – Ah non tu vois, là c’est moi qui suis désolée.
Yolanda – Non c’est moi !
Camille – Mais si vraiment, je suis désolée pour toi.
Yolanda – Ouais, tu peux !
Rideau ou obscurité
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ACTE 1 - SCENE QUATRE
Yolanda – Tu sais ça me démange de me replonger dans les études.
Camille prend un magazine et le jette sur les genoux de Yolanda – Commence toute de
suite.
Yolanda – C’est quoi ?
Camille – Le programme télé.
Yolanda – Ah c’est malin !
Camille – Je veux être sûre que tu puisses tout comprendre.
Yolanda – Sérieusement tu en penses quoi ?
Camille – Dans quelle branche aimerais-tu t’orienter ?
Yolanda – Psycho !
Camille – Rien que ça ! Moi j’aurais voulu être esthéticienne.
Yolanda – Sans rire ?
Camille – Oui, les ongles, les yeux, la bouche, transformer les femmes, les rendre plus
belles, plus désirables, plus féminines c’est un beau métier je trouve.
Yolanda – Oui c’est vrai, c’est un travail au poil.
Camille – Je ne te crois pas, tu dis ça rien que pour te moquer de moi.
Yolanda – Non je t’assure, ça me plaît.
Camille – J’aimerais vraiment apprendre, je pourrai ensuite m’entraîner sur toi.
Yolanda – Tu ferais ça ?
Camille – Bien sûr, avec tout ce qu’il y a à refaire j’aurais de quoi m’entraîner.
Yolanda – Bien sûr !
Camille – On ouvrirait un cabinet commun.
Yolanda – Tu délires complètement. Deux disciplines aussi différentes ne peuvent
cohabiter.
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Camille – Pourquoi ? Qu’est-ce qui pourrait empêcher de travailler au même endroit ? Tu
aurais ton cabinet, moi le mien.
Yolanda – C’est tout simplement impensable.
Camille – Je ne trouve pas. Une fois analysée par tes soins elles viendraient se détendre
pour les leurs. Soins du visage et de l’âme. C’est pas mal ça ! Toi tu leur tritures le cerveau et moi
je nettoie en profondeur leur peau.
Yolanda – Bien dans sa peau, bien dans sa tête.
Camille –Belle dans sa tête, belle dans sa peau.
Yolanda – Tu sais qu’en fin de compte ça pourrait marcher ton idée !
Camille – Mais oui j’y crois. Camille et Yolanda, soins du corps et du cœur.
Yolanda – Yolanda et Camille, éthique et esthétique.
Camille – Je vois une belle vitrine toute illuminée, attirante. Et puis à l’intérieur des
cabines confortables où je dispenserai soins du corps et du visage, épilations, massages,
maquillages en tous genres.
Yolanda – Après une séance de psychologie la luminothérapie, Yolanda et Camille, deux
expertes, complémentaires pour la santé.
Camille – Avec une enseigne lumineuse, où serait inscrit en grand : épile et psy.
Yolanda – Indispensables soins dans ces moments de crise.
Camille et Yolanda en même temps – pas mal !
Camille – Mais voilà, nous sommes là à nous lamenter comme deux âmes en peine, à
redouter les lendemains.
Yolanda – Oh eh parles pour toi hein ! À t’entendre on dirait que ne nous sommes que deux
pauvres gourdes larguées qui nous lamentons sur notre pauvre sort.
Camille – Ce n’est pas ce qu’on est ?
Yolanda – Si !
Camille – Ben oui !
Yolanda énervée – C’est ta faute aussi à vouloir changer le monde moi j’y ai cru, et
maintenant j’ai le moral à zéro, merci hein, merci bien.
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Camille énervée – Personne ne pourrait faire équipe avec toi, rêve pas ma vieille, car tu es
insupportable, in-vi-va-ble.
Yolanda – Tu te crois supérieure à moi peut-être avec tes grands airs de révolutionnaire de
salon ? Tout en gueule, c’est tout. C’est une épilation du cerveau qu’il te faudrait, ça te rendrait
peut-être plus humaine… ma vieille !
Camille – Psychologue de mes fesses ! Tu devrais commencer par te faire psychanalyser
parce que dans ta tête c’est … c’est… l’euphorie.
Yolanda – L’œuf au riz ? Tu as raison je vais faire attention, ça fait vachement grossir.
Camille – C’est ça, prends tout ce que je dis à la dérision, n’empêche que tu n’es pas nette
dans ta tête.
Yolanda – Parce que toi tu l’es ? C’est équilibré de prendre pour le petit déjeuner un café
de céréales ou un bol de thé vert bourré d’antioxydants, de boire du lait de chèvre au lait de soja,
des flocons d’avoine ou de châtaigne, agrémentés de purée de quinoa ou d’amandes à tous les
repas ?
Camille – C’est bio et végétarien.
Yolanda – C’est surtout parfaitement dégueulasse.
Camille – Je ne critique pas la façon de t’alimenter moi, et pourtant j’aurais de quoi dire.
Yolanda – Je mange sainement et normalement, rien à dire sur la manière.
Camille – Le constat ne s’applique pas sur la manière, mais sur le résultat.
Yolanda – Tu dis ça mais tu envies mon corps.
Camille – Je t’en prie, cesse de te prendre pour le centre de l’univers.
Yolanda – Tu ne peux pas lutter contre la beauté et l’intelligence, c’est inné.
Camille – Le plus grave c’est que tu penses ce que tu dis, c’est lamentable.
Yolanda – Depuis le premier jour, dès que j’ai mis un pied dans cet appart tu as été jalouse
de ce que je suis, parce que tu vois en moi ce que tu aurais voulu être mais en sachant que tu ne le
seras jamais.
Camille – J’espère de tout mon cœur ne jamais te ressembler.
Yolanda – Tu n’as pas de mec, pas d’ami, pas de vie sociale, rends-toi à l’évidence,
personne ne veut de toi. Et pourtant tu rêves d’être à ma place, ce n’est sûrement pas sans raison.
21
Camille – L’interprétation de nos songes est très aléatoire, ce n’est pas contrôlé, un rêve
n’est pas un désir.
Yolanda – Pour toi les désirs sont des rêves ma vieille, tu loupes tout ce que tu entreprends
parce que tu es sans personnalité, sans goût et sans âme, une fille quelconque qui vit sa vie par
procuration à travers la mienne, tu n’as aucun charisme, pas de cœur et aucune volonté de t’en
sortir, tu n’es rien d’autre qu’une ratée.
Plusieurs secondes s’écoulent, pesantes et silencieuses.
Camille – Je vois. La situation est claire, je sais ce que je dois faire pour ne plus
empoisonner ton existence.
Yolanda – Camille excuse-moi !...
Camille – …dès demain…
Yolanda – …je n’aurais pas dû…
Camille – …je vais disparaître…
Yolanda – …je suis allée trop loin…
Camille –…tu seras tranquille désormais…
Yolanda – …je ne voulais pas…
Camille –…je ne reviendrai jamais…
Yolanda –…s’il te plaît…
Camille –…ça fait trop mal…
Yolanda –…ne fait pas de connerie…
Camille – …adieu…
Yolanda – …ça n’en vaut pas la peine…
Camille –…j’ai fait les courses, le frigidaire est plein…
Yolanda –…tu veux dire le réfrigérateur !
Camille en criant – Non, je dis le frigidaire, et tu sais pourquoi ? Parce que j’ai envie de
dire fri-gi-daire d’accord ?
Yolanda – D’accord !
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Camille en criant – Tu me piétines, tu me rapetisses, tu me déglingues, mais surtout tu me
gonfles Yolanda tu sais ça, tu me gonfles.
Yolanda – Je ne suis pas sourde, enfin je ne l’étais pas jusqu’à maintenant.
Camille en criant – Tu sais ce qu’on va faire, tu ne sais pas ce qu’on va faire, et ben je vais
te le dire, tu sais ce qu’on va faire, c’est toi qui t’en va… eh ! C’est toi… c’est toi… ah mais !
Yolanda – Tu veux que je m’en aille ?
Camille – C’est toi qui pars.
Yolanda – Tu es sûre de le vouloir… vraiment ?
Camille – C’est moi qui reste.
Yolanda – C’est ton dernier mot ?
Camille – J’espère que non.
Yolanda – Je n’ai pas droit à une autre chance, en souvenir de nos disputes !
Camille – Nous avons joué, tu as perdu.
Yolanda – C’est toi qui fixes les règles alors ?
Camille – Oui ! Mais tu sais j’ai l’habitude de louper tout ce que j’entreprends…
Yolanda – Je suis désolée, sincèrement.
Camille – Pas moi.
Yolanda – Je comprends.
Camille – Tu as tout gâché.
Yolanda – C’est toi qui as tout gâché avec ton obstination et…
Camille – N’insiste pas Yolanda, je ne reviendrai pas sur ma décision.
Yolanda – Cette fois j’en ai bien l’impression. Alors c’est moi vraiment qui perds ? J’aurais
préféré que ce soit toi.
Camille – Il faut savoir perdre pour pouvoir gagner.
Yolanda – Qu’est-ce que j’ai à gagner de perdre ?
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Camille – Je ne sais pas. La maturité.
Yolanda – C’est toi qui dis ça !
Camille – Je suis désolée.
Yolanda – Je n’en crois rien.
Camille – Tu as raison.
Yolanda se dirige vers la sortie puis se retourne vers Camille.
Yolanda – N’empêche qu’on dit réfrigérateur.
Rideau ou obscurité
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ACTE 1 -
SCENE CINQ
Camille est seule. Elle met de la musique… puis l’arrête, choisi un livre qu’elle lit quelques
secondes… puis le ferme et le range, saisit la télécommande de la télé… puis la pose, fait les
cent pas dans l’appartement… prend son mobile, compose un numéro… puis le ferme. S’assied
enfin complètement dépitée. La porte d’entrée s’ouvre, apparaît Yolanda.
Camille reste assise.
Camille – Ah c’est toi ! Je pensais ne jamais te revoir.
Yolanda – Eh bien tu avais tort. Et moi aussi d’ailleurs, c’est pour cette raison que je suis
revenue.
Camille se lève d’un bond.
Camille – Il doit rester de la crème au chocolat dans le… frigidair-rateur.
Se regardent, sourient, et se jettent dans les bras l’une de l’autre.
Yolanda – Tu m’as manqué tu sais.
Camille – Oui mais de peu !
Yolanda – J’avoue.
Camille – Je suis… merci… c’est bien, c’est bon de te revoir.
Yolanda – Je le pense également.
Camille – Il y a une chose pour laquelle j’avais raison, j’ai l’habitude de louper tout ce que
j’entreprends…
Yolanda – Sur ce coup-là j’en suis ravie.
Camille – Je suis vraiment désolée, j’ai été stupide.
Yolanda – Oh oui !
Camille – Ehhhhh !
Yolanda – Non c’est moi qui suis sincèrement désolée.
Camille – Non c’est moi.
Yolanda – Non c’est moi.
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Camille – D’accord ! Nous sommes désolées.
Yolanda – Parle pour toi !
Camille – Quoi ?
Yolanda – Je plaisante.
Camille – C’est rare.
Yolanda – Tu as devant toi la nouvelle Yolanda. Tin-tinnnnnn !
Camille – Au premier abord je ne constate aucun changement.
Yolanda – Mais, au deuxième rabord… bon c’est vrai ce n’est pas flagrant, mais c’est làdedans qu’il y a du changement en tapotant son crâne avec ses doigts.
Camille – Eh ben, ça promet !
Yolanda – Tu n’es pas au bout de tes surprises.
Camille – C’est bien ce que je crains.
Yolanda – Adieu l’ancienne Yolanda manipulatrice, précieuse, égoïste et mytho.
Camille – Ah bon tu étais tout ça ?
Yolanda – Place à la nouvelle version 3D, directe, déterminée, et… euh ! Et… ben zut !
Camille – Dingue ?
Yolanda – ??? fait non de la tête
Camille – Dominatrice ?
Yolanda – ??? fait non de la tête
Camille – Avec un « D » je ne vois pas.
Yolanda – Mais si, comment on dit déjà… heu ! … franche.
Camille – Tu es en mode recherche la bonne fréquence ou quoi ?
Yolanda – Plus d’entourloupe, plus de secret, table rase sur le passé, la Yolanda nouvelle
génération est arrivée.
Camille – en chantant Elle est née la divine enfant.
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Yolanda – Sans tambour ni trompette, tout dans la musette.
Camille – Je ne sais pas ce qu’il y avait dedans, mais ce n’est pas triste.
Yolanda – Mais tout ne sera peut-être pas agréable à entendre.
Camille – De quoi parles-tu ?
Yolanda – Vient t’asseoir près de moi et ensuite tu décideras si je peux rester ou si tu me
jettes.
Camille – C’est si grave que ça ?
Yolanda – J’ai bouletté.
Camille – Tu as quoi ?
Yolanda – J’ai bouletté, et j’en ai gros sur la potétosse. Je regrette tu sais, c’était pas bien
de mentir, j’en conviens, mais c’est de ta faute aussi !
Camille – Oh ben oui dis donc, c’est ce que j’étais en train d’ me dire !
Yolanda – Mais oui.
Camille – Ben tiens !
Yolanda – Avec ton air miséreux, tes fripes démodées, ton allure molle et ton chômage…
Camille – T’as oublié mon air bête et ma vue basse.
Yolanda – Ah non je n’ai pas oublié, c’est qu’je n’ai pas eu l’temps !
Camille – Trop aimable.
Yolanda – Moi non plus je ne suis pas fortunée, mes parents sont pauvres, ma sœur aussi,
et moi-même par la même occasion.
Camille – C’est par lots en général ces… trucs.
Yolanda – Alors j’ai fait ma fière tu vois, parce que je ne voulais pas te ressembler, j’ai
voulu t’en mettre plein la tête…
Camille – Et ça continue.
Yolanda – …en espérant que ma situation change, mais elle n’a pas changée. Je savais que
tu n’as pas plus de fric que moi mais je voulais que tu payes pour… tout ça… cette mélasse dans
laquelle je suis tombée…
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Camille – C’est pour ça que tu as bouletté.
Yolanda – Tout juste ! Pardon, pardon, pardon, pardon !
Camille – Mouais !
Yolanda – Te plaît !
Camille – D’accord mais, tu promets de ne pas recommencer.
Yolanda – Avant de prêter serment je voudrais ajouter encore deux ou trois petites choses.
Camille – Ce n’est pas tout ?
Yolanda – Voilà, je… là encore j’ai bouletté je crois.
Camille – Vas-y, j’ t’écoute !
Yolanda – Bon je me lance, tu l’auras voulu.
Camille – Pour sûr, je ne demande que ça !
Yolanda – Comment dire, j’attaque la phase la plus critique, celle où tu es en droit de te
mettre en colère, de m’en vouloir à mort.
Camille – Allez !
Yolanda – Celle où j’avoue mon crime, cet acte délictueux pour lequel tu vas me maudire
parce qu’emprunter de l’argent dans la cagnotte des économies de sa coloc ça ne se fait pas.
Camille – Tu as fait ça ?
Camille se dirige vers la boîte dans laquelle elle mettait son argent.
Camille – Alors là j’y crois pas ! Comment as-tu pu me faire ça ?
Yolanda – Oh c’est pas dur tu sais !
Camille – Il n’y a plus rien, t’en as fait quoi ?
Yolanda – Bon usage, ça tu peux me faire confiance.
Camille – Tu voles mes économies et tu voudrais que je te fasse confiance ?
Yolanda – Je te les rendrai.
Camille – C’est ça oui ! Je vais appeler mon avocat.
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Yolanda – Pour si peu ? rit
Camille – C’est un peu de trois mille euros quand même.
Yolanda – Tu es une pauvre qui se porte plutôt bien.
Camille – Oh ça va hein ! N’inverse pas les rôles tu veux ! J’appelle mon avocat.
Yolanda – Attend. Réfléchis une minute, même si tu obtiens satisfaction tes frais seront
plus élevés que la somme que tu m’as généreusement prêtée dans une période où j’étais au fond
du gouffre et qui m’a miraculeusement sauvée la vie.
Camille – Tu ne manques vraiment pas d’air tu sais.
Yolanda – Les avocats sont des carnivores, bec crochu hyper tranchant, une bonne vue, de
l’odorat… des rapaces.
Camille – Tu exagères comme toujours.
Yolanda – Demandes autour de toi, vas-y, allez ! Interroge les gens qui se trouvent là par
exemple…
Aparté.
…y en a-t-il parmi vous qui pensez comme moi ?...
quel que soit le résultat
… tu vois, tous !... y a-t-il un avocat présent ?...
quel que soit le résultat
…deux ? Ce n’est pas votre jour les gars, vous n’auriez pas dû venir. Voilà ce que nous
allons faire, ceux qui n’ont rien contre les avocats regardent Camille, les autres regardent les…
drôles d’oiseaux. Je récapitule, les regards pour les avocats vers Camille, contre les avocats, vers
eux.
Camille – Tu ne vas pas t’en tirer comme ça ma vieille.
Yolanda – Oh mais toi non plus.
Camille – Ça veut dire quoi ?
Yolanda – Tu n’as pas été aussi honnête que tu veux le dire.
Camille – Euh ! Bon, il ne te reste pas un peu de mon argent à dépenser ?
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Yolanda – Justement j’y pensais, je vais y retourner.
Camille – C’est ça, retourne. va remettre la boîte en place Tu es encore là ?
Yolanda – Tu n’avais pas parlé de crème au chocolat ?
Rideau ou obscurité
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ACTE 2 - SCENE UNE
Camille – Dès que j’ai visité cet appartement il m’a plu, pas toi ?
Yolanda – Si, si !
Camille – Il plaisait également à mon petit ami, il le trouvait très bien agencé.
Yolanda – Qu’est-il arrivé ?
Camille – Il m’a largué comme un vieux bateau rouillé qu’on ne désire plus voir naviguer.
Yolanda – C’est pour ça que tu es devenue une épave ?
Camille – Je savais que je pouvais compter sur toi pour me remonter le moral.
Yolanda – Franchement tu t’es vu ? Tu ne sors pas, tu te laisses aller, tu fais quoi de tes
journées ici ? Tu te lamentes sur ton sort, voilà ce que tu fais.
Camille – Faut bien que quelqu’un le fasse.
Yolanda – C’est à cause de lui que tu es dans cet état ?
Camille – Et à cause de toi.
Yolanda – Moi ? Qu’est-ce que je viens faire là-dedans ?
Camille – Depuis que tu as emménagé ici rien ne va plus pour moi.
Yolanda – Tu dérives complètement.
Camille – Oui je le sens bien, je suis même en train de sombrer.
Yolanda – Remues-toi ma vieille, les mecs ce n’est pas ce qui manque.
Camille – Mais lui me manque.
Yolanda – Oh là là ! Chiale un bon coup ça ira mieux.
Camille – Tu réagis comme une fille qui ne s’est jamais fait larguer.
Yolanda – Parce que c’est le cas. J’ai toujours pris les devants, je bas en retraite pour ne
pas subir l’assaut final.
Camille – Stratégie militaire ?
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Yolanda – Désertion !
Camille – Les hommes sont des salauds, des mufles et des sauvages.
Yolanda – Il faudrait pouvoir leur faire payer les préjudices moraux qu’ils provoquent.
Camille – Ils n’auraient pas assez d’une vie pour payer ce qu’ils nous doivent.
Yolanda – Il faut porter plainte.
Camille – À quoi bon ! La société est régie par les hommes, je n’aurais aucune chance.
Yolanda – se tourne vers la salle si tu veux je connais un ou deux avocats.
Camille – J’en ai marre de la vie.
Yolanda – Mais non, tu ne vas pas déprimer à cause d’un mec, surtout que ce n’est pas un
bon coup.
Camille – Qu’est-ce que tu en sais ?
Yolanda – Moi ?
Camille – Toi tu me caches quelque chose !
Yolanda – Alors juste une petite… Je ne suis pas certaine que tu sois apte à entendre cette
nouvelle révélation.
Camille – Avec toi je m’attends à tout.
Yolanda – Voilà, Benjamin a rompu avec toi à cause de moi.
Camille – Tu racontes n’importe quoi.
Yolanda – J’ te jure.
Camille – Tu as dit quelque chose sur moi qui l’a contrarié ?
Yolanda – Je n’ai rien dit de mal, j’ai juste couché avec lui.
Camille – Couché avec lui ?
Yolanda – Oui même que bon, pas terrible hein !
Camille – Mais pourquoi t’as fait ça ?
Yolanda – Pour l’argent !
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Camille – Pour de l’argent ?
Yolanda – Ça va ! Arrête de répéter tout ce que je dis.
Camille – Mais… mais qu’est-ce que je t’ai fait ?
Yolanda – Rien pourquoi ?
Camille – Tu t’acharnes sur moi, je ne comprends pas.
Yolanda – Rien de personnel tu sais.
Camille – Je suis rassurée.
Yolanda – Tu dramatises.
Camille – Il t’a payé pour coucher avec lui !
Yolanda – Oh ! C’est pas beau de penser une telle chose, tu m’en crois capable ?
Camille – ???
Yolanda – Elle le croit.
Camille – Pourquoi tu m’en veux.
Yolanda – Tu te fais des idées, je ne t’en veux pas.
Camille – Encore une chance, qu’est-ce que ça serait. Tu as couché avec mon mec ou je me
fais des idées ?
Yolanda – D’accord je l’ai détourné de toi et je l’ai fait en toute conscience.
Camille – Pourquoi ?
Yolanda – Pour qu’il arrête de te fréquenter.
Camille – Pourquoi ?
Yolanda – Parce qu’on me l’a demandé.
Camille – Qui ça ?
Yolanda – Une personne qui ne voulait pas que tu poursuives ta relation avec lui.
Camille – Qui est-ce ?
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Yolanda – Pourquoi ?
Camille – Parce que je te le demande compris !
Yolanda – C’est dingue comme tu peux être curieuse ! Je préfère ne pas te le dire.
Camille – Pourquoi ?
Yolanda – Parce que ça va te faire un choc, enfin moi perso de savoir un truc pareil…
Camille – Si tu ne me le dis pas je t’assomme.
Yolanda – Tu l’auras voulu.
Camille – Surveille tes expressions tu veux ?
Yolanda – C’est fou ce que tu es susceptible en ce moment.
Camille – Yolanda !
Yolanda – C’est ton père.
Camille – C’est…
Yolanda – Ton père.
Camille – Mon père ?
Yolanda – Ton père.
Camille – C’est mon père ?
Yolanda – Arrête de répéter tout ce que je dis, tu es agaçante à la fin.
Camille en hurlant – Et toi tu es quoi ?
Yolanda – Celle qui se fait engueuler ?
Camille – Comment tu connais mon père d’abord ?
Yolanda – Ça c’est le chapitre d’une autre histoire.
Camille – Eh bien tu vas me la raconter du début à la fin, pigé ?
Yolanda – Oui !
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Camille – Sans rien omettre, d’accord ?
Yolanda – Je te dois bien ça.
Camille – Tu as bien dis que c’est lui qui ne voulait plus que je fréquente Benjamin ?
Yolanda – Mots pour mots. C’est lui qui m’a payé pour que je le détourne de toi.
Camille – Et tu l’as fait, sans scrupule ?
Yolanda – Sans scrupule, sans scrupule c’est vite dit quand même.
Camille – Je n’arrive pas à comprendre son attitude, et encore moins la tienne.
Yolanda – C’était pour la bonne cause.
Camille – C’est ça, donne-toi bonne conscience !
Yolanda – Non ça je m’en fous, c’était pour t’empêcher de commettre la plus grosse bêtise
de ta vie.
Camille – C’est ça oui !
Yolanda – Mais oui c’est vrai, parce qu’il y a des choses qui ne se font pas.
Camille – Et qu’aurais-je fait qui ne se fait pas ?
Yolanda – Tu es tombée amoureuse de ton frère.
Rideau ou obscurité
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ACTE 2 - SCENE DEUX
Yolanda – Tiens bois ça ! C’est un remontant. Je t’ai menti.
Camille – Ce n’est pas mon frère ?
Yolanda – Ah si ! Mais lui et moi n’avons pas consommé… si vous deux par contre vous
l’avez fait, tu vas avoir des problèmes.
Camille – Parce que tu crois que j’en n’ai pas là ?
Yolanda – Alors !
Camille – Alors quoi ?
Yolanda – Alors vous l’avez fait ?
Camille – Mais non !
Yolanda – Bon ! Alors tout va bien.
Camille – Si tu l’ dis !
Yolanda – C’est quand même moins grave que si vous l’aviez fait, sinon bonjour la
réaction du père.
Camille – Oui tiens à propos de mon père…
Yolanda – Déjà cette heure-là, bon je te laisse je dois m’en aller.
Camille – Pas question tu restes ici.
Yolanda – Comment ça ?
Camille – Tu ne sortiras pas de là avant de me dire ce que mon père et toi avez en commun.
Yolanda – Bon ! C’est le jeu de la vérité alors !
Camille – Ça serait bien oui.
Yolanda – Es-tu sûre de vouloir entendre tout ce que j’ai à dire ?
Camille – Me cacherais-tu encore des choses ?
Yolanda – Ça se pourrait !
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Camille – Je vais devenir folle.
Yolanda – Je ne suis pas ta colocataire par hasard, c’est ton père qui me l’a demandé.
Camille – C’est pas vrai !
Yolanda – Si ! Il me paye en quelque sorte pour veiller sur toi…
Camille – C’est pas vrai !
Yolanda – Si ! Il regrette ce qu’il a dit et surtout ce qu’il a fait, il n’aurait jamais dû se
mettre en colère et te laisser partir de chez lui.
Camille – C’est pas vrai !
Yolanda – Si ! Il m’a demandé de veiller à ce qu’il ne t’arrives rien, à ce que tu ne manques
de rien. Il te sait fragile et vulnérable.
Camille – C’est… pas faux !
Yolanda – Il a ajouté que tu es sa fille chérie et qu’il t’aime.
Camille – C’est vrai ?
Yolanda – Non ! C’est pas vrai. Tu peux cesser de dire ça, c’est vraiment agaçant.
Camille – C’est vrai… j’arrête tout de suite.
Yolanda – C’est pas vrai !
Camille – Si ! Mais pourquoi t’a-t-il demandé ça, à toi ?
Yolanda – Je pense qu’il a confiance en moi.
Camille – Jamais tu ne m’as dit que tu le connaissais.
Yolanda – L’occasion ne s’est pas présentée, c’est tout.
Camille – C’est tout, et tu crois que tu vas t’en tirer avec un « c’est tout ».
Yolanda – Je l’espère en tout cas.
Camille – Comment l’as-tu trouvé
?
Yolanda – Plutôt pas mal !
Camille – Je parle de l’adresse.
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Yolanda – Très agile de ses mains.
Camille – Te fous pas de moi tu veux, je sais que mes questions te gênent, je commence à
te connaître.
Yolanda – Oui, tu me connais tellement bien que je te mène par le bout du nez depuis que
je vis ici. Comment je m’appelle ?
Camille – Yolanda tiens !
Yolanda – Tu connais mon nom ?
Camille – Non !
Yolanda – Mon âge ?
Camille – Non !
Yolanda – Tu ne sais rien de moi, de mes antécédents familiaux, de mon travail, de mes
revenus, de mes amis et de mes petits copains, et tu sais pourquoi tu ne sais rien de moi ?
Camille – Parce que tu as honte de toi.
Yolanda – Parce que tu ne penses qu’à toi, qu’à tes problèmes, qu’à ta petite personne,
ceux qui t’entourent ne comptent pas, tu ne les voies pas, tu ne me voies pas, je suis invisible,
inodore, transparente…
Camille – Ce qui est sûr c’est que tu n’es pas muette.
Yolanda – Tu ne vis que pour toi sans te soucier des autres, qu’importent qu’ils souffrent
ou qu’ils aient des soucis, les tiens sont toujours plus importants, ta vie est plus importante.
Camille – C’est pas vrai !
Yolanda – Si ! Tu es tellement axée sur toi-même que tu ne m’a posé aucune question me
concernant, pas une seule fois.
Camille – Justement j’en ai une, il y a quoi entre mon père et toi ?
Yolanda – Que vas-tu imaginer encore ?
Camille – Tu me reproches de ne jamais te poser de question et quand c’est le cas tu ne
veux pas répondre.
Yolanda – Je n’ai pas dit que je ne voulais pas.
Camille – Tu ne le dis pas mais tu le fais.
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Yolanda – Écoute !
Camille – Non toi écoute, tu viens de m’avouer que mon père te paye pour vivre en
colocation avec moi, tu m’as piqué mon petit ami et mon argent, alors je pense Yolanda que tu
n’as plus ta place dans cet appart, c’est tout.
Yolanda – Camille écoute-moi !
Camille – Je ne veux plus t’écouter, tu as fait suffisamment de mal comme ça.
Yolanda – Je t’ai empêché de coucher avec ton frangin.
Camille – C’est toi qui le dis ! Tu es sûre que Benjamin est mon frère, quelle preuve as-tu
qui confirmerait ces dires ?
Yolanda – Merde ! Je dois bien avouer que tu as raison, j’ai fait confiance à Henri sur ce
coup-là.
Camille – À Henri ! Tu m’as l’air bien intime avec mon père, aurais-tu une autre nouvelle à
m’annoncer vous concernant ?
Yolanda – Oui !
Camille – Je m’en doutais.
Yolanda – Ce n’est pas ce que tu penses.
Camille – Comment peux-tu savoir ce que je pense ?
Yolanda – C’est vrai, je suis désolée.
Camille – Ah non tu vois, c’est moi qui suis désolée.
Yolanda – Non c’est moi.
Camille – Non c’est moi, je suis désolée de t’avoir accordé ma confiance, mon amitié et
mon hospitalité.
Yolanda – Ne joue pas la princesse outragée s’il te plaît, tes petits malheurs ne pèsent pas
lourds à côté des miens.
Camille – Bien sûr, sous prétexte que tu as un job et que tu magouilles avec mon père tu
penses avoir le droit de me rabaisser.
Yolanda – Je veux juste dire que tu as les moyens de vivre sachant que c’est ton père qui
gère tes finances.
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Camille – C’est faux ! L’argent des factures provient de mon propre compte.
Yolanda – Oui, compte alimenté par ton père.
Camille – Mais non !
Yolanda – Mais si ! D’où vient cet argent sinon ?
Camille – C’est une… donation.
Yolanda – De ton père.
Camille – Et puis après, qu’est-ce que ça peut te faire ?
Yolanda – C’est vrai, je ne devrais pas m’en mêler, c’est une affaire de famille n’est-ce
pas !
Camille – Je ne te le fais pas dire.
Yolanda – C’est là où ma présence prend toute sa signification.
Camille – Ça veut dire quoi ça encore ?
Yolanda – Ça veut dire que mon intervention n’est pas dénuée d’intérêts.
Camille – Que vas-tu m’annoncer, ton futur mariage avec mon père ?
Yolanda – C’est une chose totalement impossible.
Camille – Impossible dans ta bouche me semble impossible.
Yolanda – Madame je sais tout, je maintiens ce que je dis, c’est impossible.
Camille – Et pourquoi après tout ne pourrais-tu pas l’épouser, je te sais capable de tout.
Yolanda – Parce qu’Henri est mon père.
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ACTE 2 - SCENE TROIS
Camille – Alors là ! Je suis dégoûtée de la vie.
Yolanda – Faut pas. La vie est un cadeau.
Camille – La vie peut-être…
Yolanda – Vas-y, crache ton venin tu en crèves d’envie.
Camille – Non ce n’est pas ça mais !
Yolanda – Je comprends, ça ne doit pas être facile à accepter.
Camille – Ce qui me met hors de moi c’est que tu m’aies joué la comédie depuis le début.
Yolanda – Ce n’était pas si terrible !
Camille – Parle pour toi ma vieille, tu as bien dû te marrer.
Yolanda – Oui !
Camille – Eh bien pas moi. Tu t’es moqué de mes sentiments et ça je ne te le pardonnerai
jamais.
Yolanda – Ne le prend pas comme ça petite sœur.
Camille – D’abord je le prends comme je veux, ensuite je ne suis pas ta petite sœur ok.
Yolanda – Ça va, ça ne fait que quelques minutes que tu le sais et tu es pire que si on avait
grandi ensemble.
Camille – Ne parle pas de malheur !
Yolanda – Ça se serait peut-être bien passé.
Camille – N’importe quoi !
Yolanda – J’aurais bien aimé. Partager nos vies, nos secrets, avoir des complicités, nous
révolter contre nos parents, se piquer nos petits amis.
Camille – En ce qui te concerne, c’est déjà fait.
Yolanda – Je t’assure qu’il ne s’est rien passé entre nous.
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Camille – C’est possible mais le résultat est qu’il est bel et bien parti.
Yolanda – Tu en trouveras un autre plus beau, plus riche, plus amoureux, et puis n’oublie
pas que c’est ton frère… et qui sait, peut-être aussi le mien !
Camille – Sais-tu qui est sa mère ?
Yolanda – Je n’en sais rien.
Camille – Il va falloir que mon père vienne s’expliquer avant que je sombre dans la folie.
Yolanda – Je ne suis pas certaine que sa visite puisse empêcher ça.
Camille – Très drôle, petite demi-sœur.
Yolanda – Oh alors là je déteste cette expression. Demi-sœur, c’est comme si tu disais
demi-portion, ce n’est vraiment pas sympa.
Camille – Je m’en fous ! Je t’en veux. Tu n’es qu’une menteuse et une manipulatrice.
Yolanda – Et toi tu es sainte Camille évidemment.
Camille – Je n’ai pas accepté de fric pour berner ma colocataire moi !
Yolanda – Ton père… mon père… notre père lui a proposé du fric à lui aussi tu sais.
Camille – Tu mens.
Yolanda – Tu sais combien tu vaux aux yeux de ton chéri ?
Camille – Arrête ton cirque.
Yolanda – Tu ne me crois pas n’est-ce pas ! Il t’a largué pour trois mille euros.
Camille – C’est faux ! Pourquoi ferait-il une chose pareille ?
Yolanda – C’est vrai ! Mais qu’est-ce que tu crois ? Que les mecs sont purs et intègres ?
Bon j’ai menti…
Camille – Je m’en doutais.
Yolanda – Juste un peu, ce n’est pas Henri qui lui a proposé de te quitter pour du pognon,
c’est moi.
Camille – Tu es complètement folle ma pauvre !
Yolanda – Et tu sais quoi ?
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Camille – Non, mais je ne vais pas tarder à le savoir.
Yolanda – Il est parti avec ton argent.
Camille – Ce n’est pas possible… ne me dis pas que les trois mille euros de la boîte…
Yolanda – C’était un vaurien ce type, tu n’as rien à regretter.
Camille – Et ça te fait rire. Mais tu es qui ?
Yolanda – Ta petite sœur !
Camille – Que veux-tu à la fin ?
Yolanda – Eh ! Je suis de ton côté ne t’inquiète pas, maintenant nous sommes deux pour
affronter les problèmes. Je t’assure qu’il n’en voulait qu’à ton compte en banque.
Camille – Comment le sais-tu ?
Yolanda – Je lui demandé tiens ! Il savait qu’Henri est un riche antiquaire qui n’a pas que
des amis.
Camille – Qu’est-ce que tu racontes encore ?
Yolanda – Henri, ton père, mon père, n’est pas à proprement parler un honnête citoyen, il
aurait trempé dans des combines pas très claires, et Benjamin le savait.
Camille – Et alors !
Yolanda – Il voulait le faire chanter.
Camille – Et alors !
Yolanda – Alors ? Je t’ai sauvé la vie petite sœur.
Camille – Je ne comprends rien à ce que tu racontes.
Yolanda – Son plan était de te kidnapper pour obtenir une rançon.
Camille – C’est tout ce que tu as trouvé pour me faire peur ?
Yolanda – C’est la stricte vérité. Il savait qu’Henri et toi n’étiez pas en bons termes, il
voulait en profiter.
Camille – Raison de plus pour qu’il ne paye pas.
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Yolanda – On ne le saura jamais.
Camille – En admettant que ce soit vrai, tu l’aurais fait fuir à toi toute seule ?
Yolanda – Avec dix mille il était d’accord pour te ficher la paix et s’expatrier.
Camille – Mais tu n’avais que trois mille, non ?
Yolanda – Henri m’a donné les sept mille euros manquants.
Camille – Il t’a donné sept mille euros comme ça, cash ? Quand je pense qu’il rechignait à
me filer de l’argent de poche.
Yolanda – Bon, quand je dis donné… ce n’est pas exactement le terme… si, mais pas
spontanément.
Camille – Tu lui as piqué !
Yolanda – Nonnnn ! Pour qui tu me prends ?
Camille – C’est lui qui me les a remis, en mains propres, après l’avoir fait un tout petit peu
chanter.
Yolanda – Tu as fait quoi ?
Camille – Cesse de t’offusquer, Benjamin ne reviendra pas de sitôt, c’est bien non ?
Yolanda – Génial ! Sauf qu’il était en train de monter une entreprise et qu’il m’a demandé
de l’aider pour le financement.
Camille – Quoi ?
Yolanda – Ah ! Tu vois ! Toi aussi tu…
Camille – Combien lui as-tu donné ?
Yolanda – Vingt mille.
Camille – Vingt mille ?
Yolanda – Tu n’es pas obligé de répéter tout ce que je dis.
Camille – Quand je pense que tu m’as fait tout un souk pour trois.
Yolanda – C’était mon argent quand même.
Camille – Il nous a bien eues.
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Yolanda – J’en ai bien l’impression.
Camille – C’est du fric qu’on ne reverra jamais ça ! Et lui non plus.
Yolanda – Je pense que non en effet. Remarque, il n’a pas intérêt à se repointer ici.
Camille – Quel salaud ! Pour avoir agi de la sorte ça ne pouvait pas être mon frère.
Yolanda – Tu as raison.
Camille – Mais le tien !
Yolanda – N’empêche qu’il est fort le bougre.
Camille – Je trouve aussi. Bon, n’en parlons plus.
Yolanda – Tu n’as plus l’air fâché !
Camille – C’est vrai. Je suis ... soulagée.
Yolanda – Oui, de vingt-trois mille euros.
Camille – Ça aurait pu être pire.
Yolanda – C’est possible. Dis donc, on forme une bonne équipe non !
Camille – Mouais ! Pas mal. Je pense sincèrement qu’on pourrait faire beaucoup mieux.
Yolanda – Que veux-tu dire ?
Camille – Je me demande bien pourquoi mon père… ton père… notre père nous a fait
croire que ce pourri de Benjamin était mon frère.
Yolanda – Mais c’est vrai ça, il s’est servi de moi également.
Camille – Les affaires pas claires dont tu parlais tout à l’heure ?
Yolanda – Certainement.
Camille – Quand tu lui as demandé l’argent il a discuté, je veux dire il a fait beaucoup de
difficultés ?
Yolanda – Aucunes, il a acquiescé quasiment tout de suite.
Camille – Nous avons raison de penser qu’il n’est pas clair.
Yolanda – Et alors, on fait quoi ?
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Camille – Nous allons élaborer un plan.
Yolanda – Pour quoi faire ?
Camille – Je veux voir jusqu’à quel point mon père est attaché à moi.
Yolanda – Tu ne crains pas d’être déçue ?
Camille – Je me suis blindée de ce côté-là ces dernières heures. Et puis, j’ai ma sœur à mes
côtés non !
Yolanda – Je te laisse ma vieille.
Camille – Tu vas où ?
Yolanda – Tu as vraiment le comportement d’une sœur toi ! Je dois réellement faire une
course dans le quartier, je ne devrais pas être longue.
Camille – S’il te plaît en sortant surtout ne claque pas la… porte !
Camille compose un numéro sur son mobile.
Camille – Papa ! Oui c’est moi… tu as l’air surpris de m’entendre ? Je voulais te dire que je
regrette que nous nous soyions quittés un peu… énervés. Je sais oui… oui je sais … oui je suis
désolée… non c’est moi… je sais oui… non c’est moi… bon oui… je sais… non… c’est moi…
d’accord ! Je vais bien, enfin presque bien. Dis-moi… je sais… dis-moi… je sais oui… dismoi… oui je sais… dis-moi pourquoi… oui je sais… dis-moi pourquoi ne m’as-tu rien dit ?... eh
bien à propos de Yolanda tiens ! Yo-lan-da papa ! Ne fais pas l’innocent papa, elle m’a tout
raconté, je sais tout… comment ça tout quoi ? Tout, sur elle, sur toi. Que dis-tu ? Tu ne connais
aucune Yolanda ? Ta fille… non pas moi l’autre fille, Yolanda. Pourquoi tu me mens papa… tu
ne mens pas… tu n’as qu’une enfant et c’est moi ? Comment ça tu vas passer sous un
tunnel…papa… allô ! Allô ! C’est pas vrai. Quel baratineur celui-là, ça ne fait aucun doute, c’est
bien lui le père.
Rideau ou obscurité
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ACTE 2 - SCENE QUATRE
Yolanda – On n’est pas bien là ?
Camille – Si.
Yolanda – Quand je te dis que la vie est belle, je n’ai pas raison ?
Camille – Si.
Yolanda – Qu’est-ce que tu as encore, tu es de mauvais poil ?
Camille – Oui.
Yolanda – Je suis prête à parier que je suis responsable de ta mauvaise humeur.
Camille – Comment as-tu deviné ?
Yolanda – Allez raconte, qu’a donc fait la méchante Yolanda pour que tu sois dans cet
état ?
Camille – J’ai eu mon père au téléphone.
Yolanda – Tu veux dire mon père.
Camille – Non ! Je dis « mon » père, puisqu’il m’a certifié qu’il n’est pas le tien.
Yolanda – Impossible !
Camille – Il ne sait même pas qui tu es.
Yolanda – Et tu l’as cru ?
Camille – Franchement, je crois qu’il ment.
Yolanda – Aller prétendre ne pas me connaître, c’est sûrement pour ne pas te faire de
peine.
Camille – C’est possible. Et ta mère, elle est comment ?
Yolanda – Comment pourrais-je la décrire ? Un peu caractérielle, un brin jalouse, un
tantinet possessive, tu rajoutes un soupçon de schizophrénie, ainsi qu’une dose de folie
héréditaire. C’est un véritable cocktail détonnant ma mère, elle passe du rire aux larmes en une
seconde et du tac au toc puis du toc au tique.
Camille – C’est tout ?
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Yolanda – Ah non ! Elle est aussi psychotique, nymphomane, alcoolique, brutale, très jolie
et de très mauvaise foi.
Camille – En un mot, elle ressemble à toutes les mères.
Yolanda – En somme oui ! Et la tienne, elle est comment ?
Camille – Comment pourrais-je la décrire ? Un peu hypocrite avec tout le monde, un brin
mielleux, un tantinet effacée, tu rajoutes un soupçon de snobisme, ainsi qu’une dose de connerie
épaisse comme ça. C’est une véritable chiffe molle ma mère, incapable de prendre une décision
sans demander l’avis des autres, elle est inexistante, bête mais très jolie.
Yolanda – C’est tout ?
Camille – Ah non ! Elle est mièvre, sans odeur, sans idées, tout juste bonne pour la cuisine
et le ménage et boire le thé avec ses copines de misère, elle est capable d’exaspérer en une
seconde tous ceux qui l’approchent.
Yolanda – En un mot, elle ressemble à toutes les mères.
Camille – En somme oui !
Yolanda – Ça ne donne pas envie d’être mère quand même.
Camille – Non, mais
avec ces femmes-là !
nous on n’est pas comme ça, nous n’avons aucun point commun
Yolanda – Heureusement pour nous.
Camille – Tu crois que c’est pour cette raison qu’on n’a pas de mec ?
Yolanda – J’en suis sûre.
Camille – Quelle galère la vie, on se donne un mal de chien pour être au top et ça ne suffit
toujours pas.
Yolanda – Alors que nos mères avec leurs tares s’en sont trouvées au moins un, nous qui
sommes normales on n’en a pas.
Camille – C’est injuste, vraiment trop.
Yolanda – Remarque, faut vraiment être dérangée pour vouloir faire toute sa vie avec un
type.
Camille – Le pire c’est qu’elles ont eu des enfants.
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Yolanda – Oui, pauvres mômes !
Camille – Et les hommes, tu ne crois pas qu’ils sont malades ? Une femme ne leur suffit
pas, ils font tout pour multiplier les problèmes en prenant une maîtresse.
Yolanda – Mais oui !
Camille – Nous on ne peut pas comprendre.
Yolanda – Pourquoi ?
Camille – On n’est pas mariées.
Yolanda – C’est sûrement pour ça.
Camille – Quand même, j’espère qu’on ne deviendra pas ce qu’elles sont aujourd’hui ?
Yolanda – Non, je pense qu’on ne pourra pas devenir comme ça.
Camille – Tu en es sûre ?
Yolanda – Ben oui, pour la bonne raison que nous sommes déjà comme elles.
Camille – Tu trouves ?
Yolanda – Complètement.
Camille – C’est vrai j’ai hérité de sa beauté, je m’en sors plutôt pas mal d’ailleurs.
Yolanda – Hinnnn ! De sa beauté intérieure alors !
Camille – Ça veut dire quoi, que je suis moche ?
Yolanda – Noooon !
Camille – Tu t’es regardé dans un miroir dernièrement ? Ce n’est pas possible que tu sois la
fille de mon père car il est beau, lui !
Yolanda – Alors là, chapeau bas princesse Camille, les deux neurones qui te restent ont
réussi à se mettre en route.
Camille – Qu’est-ce qu’il y a encore, de quelle tirade vas-tu accoucher ?
Yolanda – Non ma vieille pas de tirade, ni de bravade mais le coup de grâce, princesse tu
as gagné, je suis découverte…
Camille – Oui ben pas trop quand même …
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Yolanda – …le masque tombe, la pièce se termine sur l’implacable vérité, Camille je
l’avoue, je ne suis pas ta sœur.
Camille – ???
Yolanda – Tu ne sembles pas me croire.
Camille – C’est que… je m’étais faite à cette idée maintenant.
Yolanda – J’ai par contre une autre révélation importante à te faire.
Camille – Oh non, ça ne se terminera donc jamais !
Yolanda – C’est vrai je ne suis pas ta sœur, mais ton père est bien le mien…
Camille – …nous n’avons pas la même mère…
Yolanda –… c’est exact, suis-moi bien princesse, ma mère a couché avec ton père donc ton
père est bien mon père mais, ta mère a couché avec mon père qui du coup ne l’est plus, donc ton
père n’est pas ton père mais le mien, et le mien est le tien, capice ?
Camille – Heinnnn !
Yolanda – Avec le décodeur ça donne que, ton père est le mien, mon père est le tien
puisque nos mères se sont apparemment trompées de mecs.
Camille – Comment elles ont pu faire ça ?
Yolanda – Je t’expliquerai quand tu seras grande.
Camille – Comment dans ces conditions puis-je ressembler à mon père ?
Yolanda – C’est pour ça que je me demande d’où te viens cette beauté.
Camille en criant – Je me fiche complètement de ma beauté tu piges ?
Yolanda – Quoi qu’à bien y réfléchir ce n’est pas possible que tu sois la fille de mon père
car il est beau, lui !
Camille – Je veux mourir.
Yolanda – Cyanure, ciguë, mort au rat ?
Camille – Comment peux-tu plaisanter dans un moment pareil ?
Yolanda – Ce n’est pas dramatique.
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Camille – Si ça l’est. Je suis dégoûtée de la vie.
Yolanda – Il ne faut pas, la vie est un cadeau.
Camille – Mais pas nos parents.
Yolanda – C’est leur vie pas la nôtre. Qu’est-ce qu’on s’en fiche après tout de savoir lequel
des deux est notre père ou pas, ce qui importe c’est que nous soyons bien dans notre peau, et dans
la tête, et qu’il nous aime
Camille – J’ me sens pas bien.
Yolanda – Respire à fond… Je t’ai menti.
Camille – Encore !
Yolanda – Que tu sois la fille de mon père ou du tien, tu es très jolie.
Camille – Merci Yolanda, c’est vraiment très gentil de ta part, mais je vais te faire un aveu,
je n’en ai jamais douté.
Yolanda – Bon alors on est frangine ou on n’est pas frangine ?
Camille – Je n’en sais plus rien.
Yolanda – Nous restons des copines ? Des demi-colocataires ?
Camille – Des amies sans connaissance ou des connaissances sans ami ?
Yolanda – Que penses-tu de… colocamies ?
Camille – Yes sœur !
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ACTE 2 - SCENE CINQ
Camille – Je vais tout plaquer et partir à l’étranger.
Yolanda – Ah bon ! Pour faire quoi ?
Camille – Mais si tu sais, créer un salon d’esthétique.
Yolanda – Tu préfères t’exiler pour travailler plutôt que de continuer à vivre de tes rentes
ici ? Nous ne sommes vraiment pas sœurs.
Camille – Mais oui, je veux être indépendante tu comprends, voler de mes propres ailes, me
prouver que j’en suis capable.
Yolanda – C’est à toi que tu veux le prouver ou à… papa ?
Camille – Ça ne change rien pour moi.
Yolanda – Il doit falloir un paquet de fric pour réaliser un truc pareil.
Camille – Je pense pouvoir réunir la somme. Je dois avant tout trouver un pays où je suis
sûre que ça marchera.
Yolanda – Choisi le Portugal !
Camille – Pourquoi ?
Yolanda – Ça correspond au poil !
Camille – Ah oui ?
Yolanda – Arrête de faire ta blonde tu veux !
Camille – Tu m’énerves à la fin, tu es vraiment pénible.
Yolanda – Si tu ne peux pas me supporter dis-le franchement et je m’en irai.
Camille – Franchement je te le dis je ne te supporte plus.
Yolanda – Alors je pars ?
Camille – Alors tu pars !
Yolanda – Bon ! Dommage, je commençais à m’habituer. C’est sans appel ?
Camille – Je le crains.
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Yolanda – Tu étais là avant moi après tout, je suis désolée d’avoir chamboulé ta petite vie.
Camille – Je le suis également.
Yolanda – Non c’est moi d’accord ? Tu me fiches dehors alors j’ai le droit de l’être, tu me
dois bien ça.
Camille – Moi ? Mais je ne te dois rien, c’est plutôt toi qui m’est redevable avec ce que tu
m’as fait subir. Tu as piqué mon fric, puis mon mec, tu as mis ma vie dans tous les sens, c’est
quoi la suite ?
Yolanda – Une petite révélation ?
Camille – Ah non !
Yolanda – Oh si !
Camille – Pas question.
Yolanda – Une dernière avant de partir.
Camille – Pas question. Tu vas m’annoncer que tu es enceinte et que pour cette raison je
suis obligé de te garder ici ?
Yolanda – Je te rassure. Mais tu dois avoir un don de médium parce que tu n’es pas loin de
la vérité. Ce n’est pas moi mais quelqu’un de proche.
Camille – Oh ! Pauvre chérie je suis désolée pour toi, ta mère… ta mère attend un bébé,
c’est ça, mais le père c’est qui mon père ou le tien ?
Yolanda – Je n’ai pas encore l’info, mais ce dont je suis sûre c’est que ce n’est pas ma mère
mais la tienne.
Camille – Quoi ! Mais non je ne veux pas de ça, il n’en est pas question, pas question du
tout, mais pas du tout du tout tu m’entends ! Qu’est-ce que je vais devenir ?
Yolanda – Une grande sœur.
Camille – Non !
Yolanda – Un petit bébé c’est mignon, et avec un peu de chance ce sera une fille que tu
pourras habiller selon tes goûts.
Camille – Je n’en veux pas un point c’est tout.
Yolanda – Je peux savoir pourquoi tu te mets dans un état pareil ?
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Camille – C’est idiot n’est-ce pas ! Mais…
Yolanda – Mais quoi princesse, je vois bien que tu en as gros sur le cœur, laisse-toi aller à
la confidence, nous sommes colocamies après tout.
Camille – Je suis dégoûtée de la vie.
Yolanda – Je sais, mais ça peut s’arranger.
Camille – Je ne pense pas.
Yolanda – Pourquoi ?
Camille – C’est une longue histoire.
Yolanda – J’ai le temps.
Camille – La vérité c’est que… ma mère je ne la considère pas comme ma mère. Plus
exactement c’est moi qui ne suis pas sa fille.
Yolanda – C’est quoi la différence ?
Camille – Elle m’a mise au monde mais est tombée malade à ma naissance et mon père qui
était capitaine au long cours ne pouvait évidemment pas m’élever à cause de ses fonctions. J’ai
été placée dans un centre pour un ou deux ans.
Yolanda – Le temps que ta mère récupère de sa maladie c’est ça ?
Camille – Exact. J’y suis resté douze ans.
Yolanda – Tant que ça ?
Camille – Je croyais que ma mère était la directrice de l’établissement car la mienne n’est
jamais venue. Ma mère n’est pas ma mère.
Yolanda – Pourquoi elle n’était pas guérie ?
Camille – Mais si évidemment, mais elle a jugé bon de me faire élever par les autres.
Yolanda – Pas possible.
Camille – Elle a préféré payer pour ça plutôt que gâcher sa jeunesse à s’occuper de la
mienne.
Yolanda – C’est pour cette raison que tu as dit que ta mère n’est pas ta mère !
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Camille – Pas exactement. J’avais une amie là-bas, Jeanne, avec qui je partageais tout, les
pleurs, les rires, les rares bons moments. Elle avait perdu ses parents dans un accident et était en
attente d’une famille d’accueil.
Yolanda – Décidemment !
Camille – Le hasard a voulu que nous quittions le centre le même jour et que nous prenions
le même train.
Yolanda – Vas-y, continue.
Camille – Nous étions habillées de la même manière aussi, sans réfléchir, sans se concerter,
nous avons changé nos places auprès de notre accompagnateur.
Yolanda – Elle s’est retrouvée chez toi et toi chez elle.
Camille – Mes parents n’y ont vu que du feu et la famille adoptive n’avait jamais
rencontrée Jeanne.
Yolanda – C’est une histoire rocambolesque non ?
Camille – On peut dire ça !
Yolanda – La famille d’accueil était formidable, des gens charmants et qui plus est plutôt
aisés.
Camille – Comment tu le sais ?
Yolanda – Je connais la petite Jeanne, son histoire, la tienne, je sais tout de sa vie.
Camille – Comment c’est possible ?
Yolanda – Jeanne était le deuxième prénom de cette petite fille, en réalité elle s’appelle
Yolanda Jeanne.
Camille – Tu veux… dire que…
Yolanda – Je dis que.
Camille – Tu es Jeanne, c’est vrai, c’est toi ?
Yolanda – Promis juré. Tu veux cracher aussi ?
Camille – Non pas la peine… je suis si… je peux te serrer dans mes bras ?
Yolanda – Vas-y ma vieille, tu peux !
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Camille – Alors là, si je m’attendais ! Comment c’est possible ?
Yolanda – Je vais te faire une confidence.
Camille – Oh non, je suis si heureuse, ne m’annonce pas une autre catastrophe par pitié.
Yolanda – Je t’ai menti.
Camille – Sans blague ! Ça m’étonne de toi.
Yolanda – Je t’ai fait marcher ma vieille, ta mère n’est pas enceinte.
Camille – C’est vrai ? Ouf !
Yolanda – Enfin elle ne l’était pas la dernière fois que je l’ai vue.
Camille –Tu connais ma mère ?
Yolanda – Oui, très bien.
Camille – J’avoue ne plus rien comprendre.
Yolanda – Parce que je t’ai menti.
Camille – À propos de quoi ?
Yolanda – Mes parents ne sont pas morts, en réalité mes parents adoptifs sont mes
véritables parents.
Camille – Tu es folle !
Yolanda – Au départ du centre la directrice avait interverti les papiers, je m’en étais aperçu
d’après leur conversation mais je ne savais pas quoi faire, si je leur avais dit ils ne m’auraient
sûrement pas cru, alors je pense qu’on a eu la même idée, mais pas pour les mêmes raisons.
Camille – Tu me mentais déjà à l’époque ?
Yolanda – Ma vie devenait un peu plus exaltante.
Camille – Ben voyons !
Yolanda – Je boirais bien un p’tit coup, pas toi ?
Camille – Oui, que je me remette un peu de mes émotions.
Yolanda – C’est sûr ma vieille, surtout que j’ai une autre confidence à te faire.
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Rideau ou obscurité
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ACTE 2 - SCENE SIX
Camille – Comment as-tu pu me berner de la sorte, tu n’as pas honte ?
Yolanda – Non ! De quoi ?
Camille – De me prendre pour une gourde.
Yolanda – Loin de moi cette pensée… ou alors une fois… ou deux.
Camille – Depuis tout ce temps je pensais vivre avec tes parents et toi avec les miens et au
lieu de ça… tu as encore tout gâché.
Yolanda – Oh ça va eh ! Tu n’as pas besoin de moi pour mettre le bazar dans ta vie il me
semble.
Camille – Peut-être mais tu y as beaucoup contribué.
Yolanda – Ils ne sont pas bien tes parents ? Ils ne sont pas charmants ? Riches ?
Camille – Ma mère ne s’est jamais occupée de moi, quant à mon père il est gentil c’est vrai,
mais vieux.
Yolanda – Le mien aussi est vieux et je l’adore.
Camille – Moi aussi je l’adore.
Yolanda – Tu adores mon père ?
Camille – Non le mien.
Yolanda – Ah bon, parce que c’est déjà assez compliqué comme ça.
Camille – Je n’en reviens pas, je suis vraiment dégoûtée de la vie.
Yolanda – Vas-y plains-toi encore et toujours, tu n’arrêtes pas de geindre sur ton sort mais
regarde toi bon sang, tu es une privilégiée, une chanceuse, tu as une vie magnifique, des parents,
un toit, tu ne manques de rien, que te faut-il de plus ?
Camille – Un mec ?
Yolanda – Ah oui !
Camille – Si tu n’avais pas tout gâché encore une fois il serait toujours là.
Yolanda – ça n’engage que toi.
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Camille – Tu dis ?
Yolanda – Que je t’ai menti !
Camille – À propos de quoi encore ?
Yolanda – Bon ! Comment dire, Benjamin… ne t’a pas vraiment quitté.
Camille – Hein !
Yolanda – Il est juste en attente… sur pause en quelque sorte.
Camille – Hein !
Yolanda – On dit comment.
Camille – Comment ?
Yolanda – J’en sais rien moi faudra lui demander.
Camille – Il ne veut plus me voir, par ta faute, comment veux-tu que je lui demande ?
Yolanda – Il est prêt à reprendre une relation…
Camille – Avec moi ?
Yolanda – …non avec la concierge, évidemment avec toi, seulement il y a une condition.
Camille – Laquelle ?
Yolanda – Je dégage d’ici et il vient vivre avec toi.
Camille – Sans blague ! Génial, génial. Et qu’as-tu répondu ?
Yolanda – Ce n’est pas à moi de répondre à une demande en mariage.
Camille – Aaaah ! Il a dit ça ?
Yolanda – À ton avis.
Camille – Tu n’arrêtes pas de baratiner, je ne sais plus ce qui est vrai ou pas.
Yolanda – C’est… vrai !
Camille – Ouiiii !
Yolanda – Il faudra mettre au courant tes parents.
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Camille – Ils se moquent parfaitement de ce que je peux faire.
Yolanda – Non, tu te trompes.
Camille – Je sais ce que je dis.
Yolanda – Moi aussi. À ce propos j’ai une révélation à te faire.
Camille – Mon Dieu, je crains le pire.
Yolanda – Je t’ai menti.
Camille – Marrant, mais ça ne me surprend même plus.
Yolanda – Tes parents t’on menti.
Camille – Hein !
Yolanda – Ta mère, ton père, ton jules, t’ont tous menti.
Camille – À propos de quoi ?
Yolanda – La dispute que tu as eu avec eux, avec ton père, ton départ de chez toi pour venir
t’installer ici, c’était voulu, du cinéma, de la comédie tout ça.
Camille – Tu mens !
Yolanda – Pas cette fois.
Camille – Pourquoi, dans quel but ?
Yolanda –Tu les as serinés pendant des semaines, des mois, que ta vie était plate qu’il ne se
passait jamais rien, nous voulions y insérer un peu d’animation.
Camille – Alors pas de bébé, plus de dispute, pas d’échange de couples, pas de trahison ?
Yolanda – Du flan tout ça, de la mise en scène.
Camille – Alors ils m’aiment toujours ?
Yolanda – Mais oui ! Je me demande bien pourquoi.
Camille – Tu dis ?
Yolanda – Heureusement pour toi.
Camille – Mais oui, et toi ma pauvre Yolanda tu vas aller où du coup ?
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Yolanda – Du coup ça me fiche un coup de partir d’ici, il est joli cet appart, mais t’inquiète
j’ai un pote qui a un studio ça ira pour dépanner.
Camille – Je t’aurais bien proposé de rester mais là, avec Benjamin, tu comprends on va
avoir besoin d’un peu d’intimité.
Yolanda – Ben oui j’comprends !
Camille – Ben tant mieux !
Yolanda – Ben oui !
Camille – Bon, c’est bien !
Yolanda – Eh bien je vais prendre congé moi, voilà, c’était bien.
Le mobile de Camille sonne.
Camille – Oui papa ! Tu as une drôle de voix… que se passe-t’il ? Comment ! Tu es sûr de
ça ? C’est une catastrophe… oui… d’accord oui à plus tard.
Yolanda – Ça va ?
Camille – Non, c’était mon père, il est ruiné.
Yolanda – Comment c’est possible ?
Camille – Il a fait confiance à un type qui a joué son argent en bourse, et….
Yolanda – Et ?
Camille – Il a tout perdu.
Yolanda – Tout ?
Camille – Absolument tout, la maison, le magasin d’antiquité, tout.
Yolanda – Comment vas-tu faire ma pauvre chérie ?
Camille – Je suis perdue. Il a besoin de quatre-vingt mille euros pour sauver la situation,
mais où allons-nous trouver une somme pareille ?
Yolanda – Il y a sûrement une solution ?
Camille – Je ne vois pas laquelle.
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Yolanda – Tu ne connais personne qui pourrait le dépanner ?
Camille – Non, personne.
Yolanda – Il y aurait bien mon père qui le pourrait éventuellement mais à moi c’est sûr il
refusera, essaye, qu’est-ce que tu risques ?
Camille – Donne-moi son numéro.
Yolanda – Tiens !
Camille se met à l’écart pour appeler.
Elle revient après quelques secondes.
Yolanda – Alors, qu’est-ce qu’il a dit ?
Camille – Je n’en reviens pas, c’est inouï, il va me donner cent mille euros remboursable
dès qu’il pourra.
Yolanda – Super !
Camille – C’est miraculeux tu veux dire.
Yolanda – Eh oui, mon cher père est parfois généreux, surtout quand ça ne m’est pas
destiné. Pauvre Henri il doit être dans tous ses états.
Camille – Je vais lui annoncer la bonne nouvelle.
Elle sort.
Yolanda – Mon cher papa, tu ne peux pas savoir à quel point ton geste me comble de
bonheur. En aparté Ça va vous suivez ? Vous savez où l’on en est, vous désirez un petit
récapitulatif peut-être ? Alors voilà !
Rideau ou obscurité
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ACTE 2 - SCENE FINALE - UNE
Camille en aparté – Je vous sens quelque peu largué. Je pense que Yolanda me mène un
peu en bateau depuis le début. J’ai tout noté… compose un numéro sur son mobile – Benjamin
mon chéri… oui bonne nouvelle, elle est tombé dans le panneau… à pieds joints… les 100.000 €
seront bientôt à notre disposition… nous allons pouvoir réaliser notre rêve… Acapulco ! J’ai
vraiment hâte… adieu tout ça, cette famille, cette médiocrité… à nous la belle vie… je fais ma
valise et j’arrive, moi aussi je t’embrasse.
– Acapulco ! Ah l’Italie !
Elle raccroche et sort.
Arrivée de Yolanda
Yolanda en aparté – Il faut être en forme pour bien suivre n’est-ce pas ? Je vous sens
bien… motivés ! Son mobile sonne – Excusez hein, les affaires reprennent. C’est toi Henri, je suis
contente tu sais… tout se passe comme prévu, mon père a fait don de 100.000€ que nous
pourrons utiliser rien que pour nous… ah Camille t’a contacté, c’est vrai !... pour où ? Je ne sais
pas ! Il y a tellement de destinations de rêves, pourquoi pas Acapulco ? Toi et moi mon gros
nounours en amoureux… Non, Camille ne se doute de rien. J’ai vraiment hâte… adieu tout ça,
cette famille, cette médiocrité… à nous la belle vie… je fais ma valise et j’arrive, moi aussi je
t’embrasse.
– Acapulco ! Ah l’Espagne !
Arrivée de Camille
Camille – Tu es là toi ?
Yolanda – Pourquoi ça te gêne ?
Camille – J’en ai marre de vivre avec une mytho.
Yolanda – Tant mieux, moi j’en ai assez de vivre avec une bonne sœur.
Camille – Alors tire-toi ça me fera des vacances.
Yolanda – C’est ça je me casse et tout de suite.
Se dirigent toutes les deux vers la chambre.
Yolanda – Qu’est-ce que tu fais ?
Camille – Je pars aussi, j’ai besoin de changer d’air.
Yolanda – Moi d’abord ok ! Je fais ma valise, tu feras la tienne après. .
Camille – Génial !
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Yolanda – Cool !
Sortent toutes les deux en même temps.
Reviennent l’une derrière l’autre avec leur valise quelques secondes plus tard.
Camille – J’espère que ton avion va s’écraser.
Yolanda – Je suis sûre que tu n’auras pas cette chance.
Camille – Et pourquoi ça ?
Yolanda – Tu rates tout ce que tu entreprends.
Camille – Au plaisir de ne plus te revoir.
Yolanda – Toi-même !
Rideau ou obscurité
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ACTE 2 - SCENE FINALE - DEUX
Entrent toutes les deux et jettent leur valise sur le côté en même temps.
Yolanda – Quand je te dis que tu rates tout ce que tu fais, tu ne pouvais pas aller dans un
autre aéroport ?
Camille – Et toi tu ne pouvais pas choisir une autre destination ?
Yolanda – Non mais je rêve, tu voulais t’enfuir avec ton ami Ben et le fric de mon père, je
n’aurais jamais cru ça de toi.
Camille – Oh eh ! Ça te va bien de dire ça toi qui voulais partir faire le joli cœur avec
« MON » père.
Yolanda – Et alors, ce n’est que « TON » père, pas ton mari, si quelqu’un a quelque chose
à dire c’est ta mère, pas toi.
Camille – N’empêche que ça ne se fait pas. Non mais j’y pense, tu es complètement
folledingue ma parole, si tu es tombée amoureuse de « MON » père c’est que tu voulais coucher
avec « TON » père.
Yolanda – Mais bien sûr que non, je t’ai menti.
Camille – C’est étonnant !
Yolanda – Il n’est pas mon père, c’était un stratagème
Camille – Un de plus. Vraiment tu exagères, ça ne se fait pas quand même.
Yolanda – Partir avec l’argent des autres non plus.
Camille – L’argent de ton père ne t’appartient pas non plus que je sache.
Yolanda – Tu as tout fait foirer par ta faute, encore une fois.
Camille – Maintenant ma mère va quitter mon père.
Yolanda – Ah oui, la mienne aussi.
Camille – Elle va quitter mon père ?
Yolanda – Non le mien andouille.
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Camille – C’est toi l’andouille, si tu avais été intelligente nous serions toutes les deux sur
une plage d’Acapulco à l’heure qu’il est.
Yolanda – Si toi tu avais été intelligente sachant que j’y allais aussi tu aurais pris une autre
destination.
Camille – Je ne lis pas encore dans les pensées vois-tu !
Yolanda – Tu aurais dû le deviner.
Camille – Tu es complètement barge.
Yolanda – Pas autant que toi espèce de… espèce de…
Camille – Espèce de quoi, hein ?
Yolanda – Maudite colocataire.
Camille – C’est toi l’instigatrice, la responsable de tous nos ennuis.
Yolanda – Ben tiens ! Tu es blanche comme neige peut-être !
Camille – Dis-moi, que ma mère quitte mon père je comprends mais pourquoi la tienne
quitte t’elle le tien ?
Yolanda – Elle attendait depuis longtemps un prétexte pour s’en aller, elle a un amant.
Camille – C’est pas vrai !
Son mobile sonne.
Camille – Allô ! Maman c’est toi… quoi ?... ce n’est pas possible maman… tu ne peux pas
faire ça, avec qui ?... maman…maman…elle a raccroché.
Yolanda – Ça ne va pas ?
Camille – Non. C’est ma mère. Elle s’en va. Aujourd’hui. Et tu sais avec qui ?
Yolanda – Comment veux-tu que je le sache !
Camille – Avec ta mère.
Yolanda – Quoi ? Avec ma mère ? Elles sont ensemble ?
Camille – Elles se sont trouvées un Jules et prennent l’avion avec eux aujourd’hui.
Yolanda – Aujourd’hui ?
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Camille – Bon ça va, arrête de répéter tout ce que je dis.
Yolanda – Pas possible !
Camille – Ce n’est pas juste.
Yolanda – Qu’est-ce qui n’est pas juste ?
Camille – Elles vont à Acapulco.
Yolanda – Aujourd’hui ?
Camille – Aujourd’hui !
Yolanda – Tu as raison, ce n’est pas juste, c’est nous qui devrions être dans cet avion.
Camille – Oui c’est nous.
Yolanda – On fait quoi maintenant ?
Camille – On pleure !
Yolanda – On crie !
Camille – On boit, c’est tout ce qu’on peut faire pour l’instant.
Yolanda – Je vais voir ce qu’il y a dans le frigidaire.
Camille – Dans le réfrigérateur.
Yolanda – Et si moi j’ai envie de dire frigidaire, je dis frigidaire.
Camille – Après m’avoir fait tout un cirque pour ce mot c’est toi qui l’emploies ?
Yolanda – On s’en fiche, le principal c’est ce qu’il y a dedans.
Camille – Tu es aussi pénible qu’un mec.
Yolanda – C’est pour ça que tu ne peux pas te passer de moi.
Camille – Moi ? Tu peux partir quand tu veux.
Yolanda – C’est ça ! Mais toi aussi tu peux partir quand tu veux.
Camille – Mais oui, mais si tu n’es plus là sur qui je vais passer mes nerfs ?
Rideau ou obscurité
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ACTE 2 - SCENE FINALE - TROIS
Camille – J’en ai marre que tu me prennes le chou.
Yolanda – C’est bon arrête de te plaindre, ça ne changera donc jamais !
Camille – Tant que tu seras là, non !
Yolanda – Puisque c’est ainsi je pars.
Camille – C’est ça, bon vent.
Yolanda – C’est dommage tu sais on aurait pu partager.
Camille – Partager quoi ?
Yolanda – J’ai récupéré le chèque de mon père.
Camille – Je ne pensais pas ce que j’ai dit, je m’emporte vite quelque fois c’est dingue ça !
Je suis désolée.
Yolanda – Non c’est moi qui suis désolée, trop tard.
Camille – D’accord je regrette je t’assure, je suis désolée.
Se dirigent vers la sortie.
Yolanda – Non c’est moi, un point c’est tout, tu m’as vexée, tu m’as vexée !
Camille – Oh mais j’y pense, j’ai les 23 000 € que m’a confié Benjamin pour les déposer
sur mon compte, plus ce qu’il me reste ça fait un bon pactole.
Elles reviennent.
Yolanda – C’est vrai ? Alors nous allons pouvoir réaliser notre rêve dis donc !
Camille – Acapulco ?
Yolanda – Notre association.
Camille – Tu ferais ça ?
Yolanda – Quoi ça ?
Camille – Mettre ton argent en commun avec moi ?
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Yolanda – Oui, je vais le faire, nous allons le faire.
Se précipite dans les bras l’une de l’autre.
Camille – On n’est pas ensemble ?
Yolanda – Non on n’est pas ensemble !
Camille – Alors pourquoi on se dispute ?
Yolanda – On ne se dispute pas, on discute.
Camille – Je suis désolée nous nous sommes disputées.
Yolanda – Non c’est moi !
Camille – C’est toi quoi ?
Yolanda – Qui suis désolée.
Camille – Ah non tu vois, là c’est moi qui suis désolée.
Yolanda – Mais si vraiment, je suis désolée pour toi.
Se dirigent vers la sortie, en s’arrêtant à chaque réplique.
Yolanda – Ouais tu peux ! Mais pourquoi es-tu désolée pour moi ?
Camille – Parce que tu te trompes quand tu dis frigidaire.
Yolanda – Mais c’est toi qui dit frigidaire.
Camille – Ah non moi j’ai dit réfrigérateur, c’est toi qui as dit frigidaire.
Yolanda – Oh la mytho c’est toi !
Camille – Non c’est toi.
Yolanda – C’est toi je suis désolée.
Camille – Non c’est moi qui suis désolée.
Yolanda – Ouais, tu peux !
Obscurité
Camille – C’est quoi ça ?
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Yolanda – Une panne de courant ? À moins que…
Camille – Que quoi ?
Yolanda – Tu as payé la facture ?
Camille – C’est toi qui devais la payer.
Yolanda – Non c’est toi, désolée !
Camille – C’est moi qui suis désolée ok ?
Yolanda – Ouais, tu peux !
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