Point sur les recherches du Pr Hamel et Viki Kalatzis (Inserm U1051)

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Point sur les recherches du Pr Hamel et Viki Kalatzis (Inserm U1051)
Point sur les recherches du Pr Hamel et Viki Kalatzis (Inserm U1051)
AG France Choroïdérémie – 24 mars 2012
Le Dr Viki Kalatzis qui mène le programme de recherche sur la choroïdérémie au
sein de l'Inserm U1051, sous l'autorité du Pr Hamel a préparé une présentation de
vulgarisation du programme de recherche sur la thérapie génique, de l’état
d'avancement des recherches en cours et des perspectives pour l'année à venir. (cf.
présentation sous format Powerpoint sur le site Web de l'association).
Tout d'abord qu'est-ce que la thérapie génique? Il s'agit d'introduire un nouveau
gène dans le noyau de la cellule défectueuse en utilisant un virus rendu inoffensif (appelé alors vecteur viral).
Dans le cas de la thérapie génique de la choroïdérémie, il s'agit donc d'introduire un gène CHM sain dans le
noyau de la cellule de façon à ce que son ADN puisse produire la protéine nécessaire à son fonctionnement.
Mise au point d’un modèle cellulaire humain
Normalement la thérapie génique nécessite le recours à un modèle animal avant d'entreprendre les essais
cliniques chez l'homme. Or dans le cas de la choroïdérémie, les modèles souris et poisson-zèbre « knock-out1 »
ne sont pas viables. Le Dr Seabra à Londres a néanmoins créé un modèle souris « knock-out conditionnel2 » qui
reproduit en grande partie la maladie. Toutefois, les causes de l’atrophie de la choroïde et le rôle de l’épithélium
pigmentaire rétinien dans la maladie restent encore très imprécis. C'est pourquoi l'Inserm U1051 a décidé de
mettre au point un modèle cellulaire humain. L'idée est ensuite d'utiliser ce modèle de cellules rétiniennes CHM,
non seulement pour tester la thérapie génique mais également pour mieux comprendre les mécanismes de la
maladie chez l'homme.
Or les cellules rétiniennes affectées par la CHM ne peuvent être obtenues par prélèvement direct sur les
patients (la rétine est un tissu trop précieux). Une technologie nouvelle, maitrisée à Montpellier, permet
aujourd'hui d’utiliser, non pas des cellules souches embryonnaires (dont l'utilisation est très encadrée par la Loi
de Bioéthique) mais des cellules dites iPS (=cellules souches pluripotentes induites) obtenues à partir de simples
cellules de peau de patient CHM.
C'est le programme poursuivi par l'équipe du Dr Kalatzis depuis l'été 2010 où des prélèvements de peau ont été
faits sur deux patients atteints de choroïdérémie (CHM1 et CHM2). Les fibroblastes ainsi obtenus ont ensuite
été traités selon deux protocoles distincts: CHM1 dans un laboratoire spécialisé à Montpellier et CHM2 au sein
d'iSTEM3 en Région Parisienne.
Dès l'été 2011, les premières colonies de cellules iPS ont été obtenues à Montpellier pour CHM1. Puis, à travers
divers tests et manipulations techniques, les chercheurs se sont employés à vérifier plusieurs points:
les cellules obtenues sont-elles des clones des cellules d'origine? Présentent-elles le même ADN que les
fibroblastes du patient CHM1?
Sont-elles pluripotentes comme les cellules souches embryonnaires? (= ont-elles la capacité de se
différencier en plusieurs types cellulaires et de s'auto-renouveler à l'infini?)
Leurs types de protéine sont-il caractéristiques des cellules iPS?
Une fois ces confirmations validées, les scientifiques se sont employés à transformer les iPS en cellules
rétiniennes, et plus précisément en cellule d'EPR (épithélium pigmentaire rétinien). A chaque stade, les
observations doivent être validées par une batterie de tests. Par exemple, les cellules EPR créées présentent
une pigmentation accentuée caractéristique et elles semblent évacuer l'eau comme dans le fonctionnement
normal dans l'œil.
En ce début d'année 2012, les cellules rétiniennes obtenues sur le patient CHM1 ont validé tous les tests et
constituent donc un véritable modèle cellulaire CHM.
1
"Knock-out" pour un gène signifie que tout le gène est rendu inactif (en général il a été enlevé de l'ADN) pour qu'il n y ait
aucune protéine produite.
2
Un modèle "knock-out conditionnel" veut dire que le gène est rendu inactif seulement dans certains tissus.
3
’Institut des cellules Souches pour le Traitement et l’Etude des maladies Monogéniques (I-Stem)
CR Point Recherche - AG FCHM 24/03/2012
~1~
Perspectives
Les prochaines étapes consistent à étudier les différences dans le fonctionnement de ces cellules rétiniennes
CHM et des cellules rétiniennes "contrôle" et à valider le résultat sur d'autres patients CHM. Il faudra aussi
valider les iPS et les cellules d’EPR du patient CHM2.
Dès lors, l'Inserm U1051 a développé un modèle cellulaire CHM qui lui permet de lancer son propre programme
de thérapie génique avec la création d'un vecteur viral pour le gène CHM qui serait ainsi testé sur les cellules
rétiniennes CHM modélisées.
Le Dr Viki Kalatzis (à gauche sur la photo) présente l’équipe impliquée
dans le projet, autour d'elle:
Marie Pequignot, post-doctorante, financée par la Fondation de
France (au centre)
Aude Conscience, ingénieur d’études (2ème en partant de la droite).
En 2011 Aude a reçu un financement de la part de Retina France et de
l'AFM. France Choroïdérémie a accepté de compléter les coûts à
hauteur de 22 000 € (dont 15 000 € déjà versés en 2011 et 7 000 € à
verser en 2012) pour couvrir son salaire jusqu’en août 2012,
Cécile Hilaire, maître de conférence universitaire de l’Université de
Montpellier 1 (à droite),
Nicolas Cereso, étudiant en thèse dont nous avons partiellement couvert le salaire après le départ de Lorenne
Robert et qui est financé, depuis Octobre 2011, par l'association américaine, Choroideremia Research
Foundation (CRF).
Au-delà des aides financières pour les charges salariales mentionnées ci-dessus, se rajoutent les subventions de
la Fondation Terre Plurielle (obtenues par l'intermédiaire de France Choroïdérémie) et de la Fondation pour la
Recherche Médicale qui couvrent les charges de fonctionnement du programme de recherche.
Pour 2012, simultanément au projet de thérapie génique, le Dr Viki Kalatzis envisage le développement d'un
nouveau projet de thérapie pharmacologique en partenariat avec le Dr Mariya Moosajee, rencontrée lors du
Symposium de septembre 2011. Le projet sera mené en parallèle à Londres par le Dr Moosajee sur des embryons
de poisson-zèbre CHM et à Montpellier, sur le modèle cellulaire CHM. Une demande de financement a été
déposée auprès de la CRF pour couvrir les coûts de fonctionnement (177 000 $). Le Dr Kalatzis sollicite France
Choroïdérémie pour supporter à hauteur de 34 000€ par an, l'embauche d'une nouvelle personne, une assistante
ingénieur, pour travailler sur les deux projets.
Questions des adhérents présents :
Grâce à la thérapie génique, les patients pourront-ils guérir véritablement de la choroïdérémie ou
l’évolution de la maladie sera-t-elle stoppée seulement?
Le Dr Kalatzis explique que la thérapie génique permettra aux cellules CHM de la rétine, déficientes mais
encore vivantes, de produire à nouveau des protéines pour fonctionner normalement mais elle ne permettra pas
de reconstituer les cellules déjà détruites. Toutefois, ils semblent qu’il existe, chez les patients atteints de
choroïdérémie, un certain nombre de cellules rétiniennes devenues inertes et qui pourraient être réactivées par
la thérapie génique redonnant ainsi aux patients une amélioration sensible de leur vision.
Seule la thérapie cellulaire4 permettrait de repeupler la rétine avec de nouvelles cellules saines en
remplacement des cellules détruites. Dans les cas de choroïdérémie les plus avancés, la thérapie cellulaire à
l’aide de cellules rétiniennes dérivées de cellules souches semble prometteuse mais demande encore de longs
développements.
Le Pr Hamel souligne que les thérapies géniques, cellulaires et pharmacologiques seront complémentaires et
viseront à soigner la choroïdérémie à des stades et pour des cas différents. Il est donc important que des
scientifiques travaillent sur ces trois pistes.
4
La thérapie cellulaire vise à soigner un organe ou un organisme par l'apport de cellules, obtenues et modifiées le plupart du
temps à partir de cellules souches, pour remplacer ou suppléer des cellules défaillantes.
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Le programme mené par le Dr Kalatzis est-il en retard ou en ligne avec les prévisions ?
Le Dr Kalatzis estime que les résultats obtenus jusque là sont très satisfaisants, du moins pour les cellules
CHM1. Seul le prélèvement CHM2 connait encore des difficultés de développement.
Pour l’instant les plannings sont respectés.
Pour ses recherches, l’Inserm U1051 a-t-il besoin de nouveaux prélèvements de patients CHM ?
La réponse du Dr Kalatzis est « oui » pour les cas des patients présentant des mutations de type « non-sens ».
Les besoins apparaitront plutôt au 3ème trimestre 2012 lorsque le financement du projet pharmacologique aura
été versé. Au besoin, le Dr Kalatzis relaiera la demande auprès de l’association.
Qu’est-ce qu’une mutation et notamment une mutation « non-sens » ?
On parle de mutation quand il y a altération des gènes impliqués dans le fonctionnement et la régulation des
cellules. Dans le cas de la choroïdérémie, la mutation va interrompre la synthèse de la protéine. Il existe
plusieurs types de mutation du gène CHM :
Les mutations par délétion où une partie du gène manque, ce qui entraine souvent la terminaison précoce
de la protéine (comme dans les mutations non-sens),
Les mutations faux-sens, quand un acide aminé est remplacé par un autre,
Les mutations non-sens quand une erreur dans le gène stoppe la production de protéine (cela concerne
environ 30% des cas de choroïdérémie).
Comment la thérapie pharmacologique pourra-t-elle guérir les cas de mutation « non-sens » ?
Les recherches du Dr Mariya Moosajee menées à Londres sur des poissons zèbres CHM, ont permis de montrer
qu’un certain type d’antibiotique permet de déjouer le signal d’arrêt de la synthèse de la protéine provoqué par
les mutations non-sens et ainsi, après traitement, la cellule fonctionne normalement.
Toutefois, les antibiotiques présentent des inconvénients : d’une part leur administration doit se faire par voie
intraveineuse pour un traitement « à vie » ce qui n’est pas très recommandé et d’autre part ces antibiotiques
sont très toxiques en particulier pour les reins et l’oreille. Le Dr Moosajee travaille actuellement sur un
nouveau type de molécule, l’ATALUREN, qui semble beaucoup moins toxique bien qu’il nécessite aussi des
dosages très précis.
Avec les essais cliniques qui approchent, est-il recommandé de se faire recenser dès maintenant pour être
dans les premières personnes à en bénéficier ?
Le Pr Hamel confirme qu’il est très important de consulter dans un centre de référence car ainsi les patients
figurent sur les listings. Bien sûr, il est plus facile que tout le monde consulte auprès du même centre et en
l’occurrence Maolya à Montpellier. Toutefois, quand les essais commenceront, tous les centres de France seront
avertis.
Comment vont se dérouler les essais cliniques en France ?
La 1ère étape consistera à créer un vecteur viral AAV2.5. Ce vecteur est quasiment prêt.
Puis de mai à septembre 2012, le Dr Kalatzis et son équipe s’emploieront à tester le vecteur sur les cellules CHM
qu’ils ont mis au point à partir de fibroblastes de patient CHM.
Sans attendre la fin de cette étape de test « in vitro », l’étude de toxicologie sera lancée. En effet, avant tout
essai sur l’homme il s’agit de vérifier l’innocuité du traitement sur l’animal et obligatoirement sur un primate non
humain, le singe, dont les caractéristiques sont les plus proches de l’homme. De janvier à juin 2013, neuf singes
recevront la thérapie génique selon des dosages différents puis seront euthanasiés pour rechercher d’éventuels
impacts du traitement.
Puis dés Juin 2013, le dossier complexe du protocole des essais cliniques sera préparé et soumis à l’AFSSAPS 5
dont l’agrément est espéré pour juin 2014.
En parallèle des explorations complémentaires seront menées sur 15 à 20 patients.
Enfin, le démarrage effectif des essais cliniques est prévu pour septembre 2014.
Le Pr Hamel présente le coût de chaque étape de ces essais: 100 000 € pour la production des vecteurs viraux
pour l’étude toxicologique, 400 000 € pour les essais sur les singes, 500 000 € pour la production du lot de
vecteur clinique, 100 000 € pour le montage du dossier et les explorations cliniques préparatoires... Le coût total
estimé pour l’ensemble du programme est donc de 1 100 000 €.
5
Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
CR Point Recherche - AG FCHM 24/03/2012
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Pourquoi est-ce si cher, s’étonne une adhérente ?
Le Pr Hamel explique que chaque essai clinique est spécifique et ponctuel. De ce fait chaque procédure est
unique et demande un travail quasiment « sur-mesure »: par exemple, on ne peut pas avoir une production de
masse des vecteurs viraux qui permettrait d’en réduire les coûts de production.
Nous n’en sommes qu’au début de la thérapie génique, sans doute les prix baisseront-ils à l’avenir.
La Fondation des maladies rares, dont la création a été annoncée officiellement le 29 février, Journée
Internationales des Maladies Rares, peut-elle aider pour la demande d’agrément auprès de l’AFSSAPS ?
Le Pr Hamel pense qu’en effet cela pourra faciliter les choses mais il est encore trop tôt pour se prononcer car
la Fondation est très récente.
Comment seront choisis les 1ers malades qui feront partie du programme d’essais cliniques ?
Beaucoup de dossiers de patients sont déjà recensés et il est encore un peu tôt pour procéder à la sélection.
Toutefois il est vraisemblable que les 1ers patients à recevoir les tests de thérapie génique seront des personnes
très atteintes afin que les risques d’effets négatifs sur la vision soient moindres.
Où le Pr Hamel pense-t-il trouver les financements nécessaires pour ces essais cliniques ?
Le professeur espère obtenir une aide de l’AFM mais celle-ci ne sera que partielle. Des donateurs privés
pourraient aussi être sollicités mais pour un tel montant, il faudrait un grand nombre de donateurs, ce qui
semble difficilement atteignable.
Une troisième piste de financement est alors envisagée, la piste industrielle. Pour cela le Pr Hamel envisage avec
l’Inserm et en partenariat avec Nantes qui a de l’expérience dans la production de vecteurs viraux, la création
d’une société appelée VisioGeneX, spécialisée dans le développement de thérapies innovantes pour les maladies
ophtalmologiques rares et qui pourrait attirer des capitaux risques. La création de VisioGeneX a pris un peu de
retard pour des raisons scientifiques et politiques.
Pourquoi l’Inserm souhaite-t-il lancer ses propres essais cliniques alors qu’en Angleterre un programme est
déjà en route ?
Le Pr Hamel confirme que lors du symposium le Dr Seabra qui mène ses essais à Londres a proposé de démarrer
des essais en France sur la même base pour 500 000 $. Certes cela permettrait de gagner sur temps. Toutefois,
le Pr Hamel et le Dr Kalatzis préfèrent privilégier une 2 ème approche. Cela constituera une 2ème chance de
réussite des essais. De plus, un traitement développé en France permettra une meilleure prise en charge des
patients français.
En quoi les essais français seront-ils différents ?
La principale différence repose sur les vecteurs viraux employés lors des essais cliniques:
Les essais anglais utilisent un des premiers vecteurs identifiés, l’AAV2.2 qui présente l’inconvénient
d’induire une réponse anticorps chez l’homme ;
Les essais américains prévoient l’utilisation du vecteur AAV2.8 pour lequel la réponse anticorps est
moindre et qui pénètre mieux la rétine. Toutefois ayant été développé aux Etats Unis, son brevet est
difficile à obtenir en Europe ;
Les essais français s’orientent vers le vecteur AAV2.5 qui est plus efficace et mieux toléré que le
vecteur AAV2.2 tout en étant plus facilement exploitable en Europe.
Le Pr Hamel souligne que cette variété de procédures scientifiques est plutôt un atout car elle permet de
multiplier les chances d’aboutir et de comparer l’efficacité des méthodes entre elles.
Pour finir, en quoi l’association France Choroïdérémie peut-elle aider à la réalisation de ces essais
cliniques français ?
Si les besoins financiers dépassent les capacités des donateurs individuels en lien avec l’association, chacun peut
toutefois tenter de faire jouer ses relations pour trouver de gros donateurs potentiels, privés ou institutionnels
ou des « business angels » prêts à investir dans une technologie innovante.
Une fois VisioGeneX créé, un appel de fonds large sera lancé.
Un grand merci est adressé au Pr Hamel et au Dr Viki Kalatzis pour leur présentation très claire et leur
grande disponibilité.
CR Point Recherche - AG FCHM 24/03/2012
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