Suivi des Hirondelles de fenêtre en Côtes
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Suivi des Hirondelles de fenêtre en Côtes
© Yann Février Suivi des Hirondelles de fenêtre en Côtes-d’Armor en 2013 Sandy Garandeau La situation de l’Hirondelle de fenêtre est aujourd’hui complexe avec un véritable changement de statut qui s’opère progressivement auprès des habitants de nombreuses régions. Devenue une espèce "gênante" au même titre que d’autres oiseaux urbains, l’Hirondelle de fenêtre subit également les conséquences plus globales des modifications agricoles et naturelles. Cette année encore, l’opération « Comptage des nids d’Hirondelles de fenêtre » en Côtes-d’Armor a donc permis de suivre l’évolution de la population nicheuse mais aussi d’alerter ou de sensibiliser la population au sort de cette espèce. L’Hirondelle de fenêtre, espèce encore commune, pourrait tendre à se raréfier comme le montre le déclin national de 40 % mesuré au cours des 20 dernières années (Jiguet, 2011). Chaque année, nous observons le retour des Hirondelles et admirons leur ballet incessant afin de construire leur nid en forme de coupe, composé de 700 à 1 500 boulettes de boue mélangée à de la salive souvent construit sous le toit (Couzens, 2011). La construction dure deux semaines et nécessite des centaines de kilomètres d’allerretour. Presque entièrement fermé, il n’offre qu’une petite entrée en forme de hublot. Les couples expérimentés cherchent à conserver leur ancien nid si celui-ci n’a pas été détruit durant l’hiver. Il prend souvent appui sur un fil électrique ou téléphonique le long de la façade. Mais nous pouvons observer certaines particularités comme ces hirondelles de Kermoroc’h qui sont se sont installées quasiment sur la fenêtre. Au cours de ces 4 années de prospection, il a été constaté que les Hirondelles de fenêtre pouvaient aussi bien vivre en colonie très denses (une trentaine de nids occupés sur la façade d’un salon de coiffure de Trégueux en 2012), que très isolées (1 seul couple dans certaines communes : Saint-Julien, Calanhel, Plounévez-Moëdec...). Contrairement à ce que l’on aurait pu penser à priori, l’Hirondelle de fenêtre n’est pas présente dans la totalité des bourgs. De nombreuses autres années de prospection seront nécessaires pour en comprendre les raisons, mais nous pouvons d’ores et déjà émettre des hypothèses. La construction du nid nécessite un point d’eau proche et une ressource en terre, ainsi qu’une zone de chasse, les façades doivent posséder un revêtement favorable au maintien du nid, et il ne faut pas de dérangement humain (pose de filet, destruction de nid…). En 2013, la première Hirondelle de fenêtre a été contacté le 9 avril à la Grève des courses (Langueux). Le premier gros passage fut noté le 14 avril, avec 250 Hirondelles de fenêtre passant au dessus de la Cotentin (Planguenoual). Cette année, le comptage des nids s’est échelonné entre le 2 juin et le 14 août. Résultats 2013 © Françoise Le Caro En 2013, 32 participants se sont mobilisés afin de prospecter 144 sites situés sur 126 communes différentes, soit 33,5% des municipalités costarmoricaines. Ce sont 2 233 nids qui ont été comptabilisés avec 73,8% d’entre eux occupés, indiquant la présence d’au moins 1 649 couples nicheurs. A cela s’ajoute 262 nids détruits. L’est, le sud-est ainsi que le nord-ouest du département ont été délaissés malgré un grand effort de prospection des participants. Cette opération a mobilisé 40 % de personnes en moins qu’en 2011 mais le pourcentage de communes prospectées n’a baissé que de 3,5 %. En revanche, elle a mobilisée 23% de personnes supplémentaires par rapport à 2012. Présence de l’espèce sur les communes visitées en 2013 Ce sont également 46 nouvelles communes qui ont été prospectées permettant de compléter la répartition de l’espèce sur le territoire. Seules 6 communes (Languenan, Minihy-Tréguier, Pléguien, Saint-Servais, Tréfumel et Yvias) n’accueillent pas d’Hirondelle de fenêtre cette année, auxquelles s’ajoutent 2 sites (le nord de l’ile de Bréhat et Sainte-Barbe à Paimpol). Les 2 communes de Saint-Servais et Yvias, ainsi que le site de Sainte-Barbe, prospectés les années passées, étaient déjà marqués par l’absence d’Hirondelles. En revanche, ont été colonisés : Loguivy-plougras (3 nids occupés), Paimpol Kerity (1 nid occupé), Paimpol Centre Dunant (3 nids occupés), Troguéry (6 nids occupés) et Saint-Jean-Kerdaniel (2 nids occupés). Beaucoup de communes vides d’hirondelles les années passées n’ont pas été prospectées cette année ce qui ne permet pas de se prononcer sur un éventuel phénomène de colonisation des espaces vacants. Nombre de nids apparement occupés par commune prospectée en 2013 Après une très forte colonisation des falaises de Plouha l’an dernier, et la présence de 139 nids occupés, nous assistons à un déclin de 52% du nombre de nids occupés (73 nids occupés) en 2013 sur ce même site, tombant juste en dessous du niveau de 2011 (86 nids). Cela nous amène à nous demander si l’année 2012 a été particulièrement exceptionnelle, ou s’il y a une cause à ce déclin (report des individus sur des sites urbains, climat...). Seule la poursuite du suivi de ces colonies naturelles pourra peut être nous apporter des éléments de réponse. Malgré cette chute drastique, cette population rupestre reste la plus importante du département, suivie par la colonie urbaine de Plounévez-Quintin avec 57 nids occupés et Penvénan (42 nids occupés). Il est important de noter que 51,7% des sites prospectés ont moins de 10 nids occupés, 76,2% moins de 20. © GEOCA L’état des nids en 2013 Sur les 2 502 nids recensés, nous constatons que la majorité est occupée. Les Hirondelles de fenêtre sont fidèles à leur site et peuvent réutiliser le même nid d’année en année ou effectuer des réparations sur les nids abîmés. La période de prospection fait que très peu de nids sont en construction, les hirondelles étant déjà bien installées. Une concurrence existe avec les Moineaux domestiques mais celle-ci semble faible (moins de 1 % de nids d’Hirondelles « squattés » par les Moineaux). En général, seul 1 ou 2 nids sont occupés par les moineaux par commune, avec un maximum de 6 à Lanvollon. D’autres espèces (Mésange bleue, Martinet noir) peuvent profiter de l’aubaine de nids déjà construits. Cependant, nous avons eu très peu de donnée sur ce phénomène. Ces nids n’ayant pas fait l’objet d’une attention particulière, ces données sont à prendre avec précaution. Pourcentage de nids en fonction de leur état 10,4% 0,4% 0,8% 6,2% Nids en état Nids occupés 16,7% Nids vides 65,5% Nombre de nid moyen par commune 6,34 11,88 nids occupés nids vides Analyse des données de d’Hirondelles de fenêtre en 2013 nids 7,35 nids détruits Nous constatons un écart faible entre le nombre de nids vides et occupés moyen par commune. Les dates de prospections étant assez tardives, certains nids ont pu être abandonnés entre la première et la seconde ponte pour différentes raisons. Une part importante des nids présents dans les communes sont détruits. Certains ont pu l’être naturellement (revêtement de façade non adapté, intempéries…) mais on constate une augmentation des nids détruits volontairement. En effet, une pression nouvelle est apparue chez cette espèce auparavant appréciée symboliquement comme annonciatrice du printemps et pour son utilité en tant que grande insectivore. De nos jours, de plus en plus de riverains voient comme un fort désagrément le fait que leur façade soit fientée. De nombreux nids sont détruits et des demandes récurrentes arrivent au GEOCA pour demander des solutions ou savoir comment procéder pour détruire les nids. Nous rappelons que cette espèce est protégée par la loi qui interdit la capture, la destruction, le transport ou l’atteinte à l’espèce et à ses habitats de reproduction (nids) et ce, en toute période. De plus, des solutions existent comme la pose de planchettes au dessus des fenêtres. Cette année, à Pommerit-le-Vicomte et Callac, des nids situés au dessus de planchettes ont été recensés en plusieurs endroits. Certaines associations préconisent la pose de nichoirs artificiels pour compenser les destructions. Par exemple, à Neuchâtel en Suisse, ces mesures compensatoires se développent à grand train ce qui doit tout de même nous interroger sur notre relation à la nature (Gobbo, 2013). Autres espèces recensées Présence du Choucas des tours, de l’Hirondelle rustique, du Martinet noir et du Moineau domestique sur les communes prospectées en 2013 Au cours des prospections, il a pu être constaté la présence ou l’absence de 5 espèces cibles : le Choucas des tours, l’Hirondelle rustique, le Martinet noir, le Moineau domestique et le Rougequeue noir. La fiche comptage n’ayant pas été systématiquement renseignée, les cartes de répartitions ne sont pas exhaustives. Le Rougequeue noir est peu noté mais il est assez discret et les périodes de suivi ne pas sont favorables à sa recherche. En revanche, les données obtenues pour les 4 autres espèces révèlent et confirment certains points. Le Moineau domestique est quasi systématiquement noté comme un nicheur commun et souvent abondant. Le Martinet noir et l’Hirondelle rustique sont bien présents, leur habitat correspondant à celui de l’Hirondelle de fenêtre. Enfin, le Choucas des tours semble plus présent à l’intérieur des terres et surtout à l’ouest du département où il est visiblement en progression. Evolution du suivi Ce sont 262 communes différentes qui ont été prospectées au fil de ces quatre années soit 70% des communes du département. Selon les années, l’effort de prospection ne s’est pas concentré sur les mêmes zones. L’ouest, délaissé en 2011, fut prospecté en 2012. Au cours des 4 ans, 161 communes n’ont été visitées qu’une seule fois. A l'inverse, le centre et la côte nord-ouest sont prospectés chaque année ou presque. Si l’opération a eu du mal à démarrer en 2010, elle a réussi à prendre son envol et s’inscrit comme un rendez-vous important de la vie de l’association. Depuis, le nombre de communes prospectées chaque année est sensiblement le même (respectivement 139, 112 et 125). Il est important de continuer cette opération à la fois pour recenser les communes orphelines de données, mais aussi et surtout pour mesurer et quantifier l’évolution de l’espèce et mieux comprendre sa dynamique. Au vu de la carte, il semblerait intéressant de focaliser notre attention sur la partie est du département en 2014. Nombre de communes prospectées par an 160 140 120 100 80 60 40 20 0 2010 Nombre d'années de prospection par commune (2010-2013) 2011 2012 2013 Fidélité à l’opération ? Le nombre de participants, essentiellement des adhérents du GEOCA, est en légère baisse sur l’ensemble de la période. La grande majorité des personnes ne participe qu’une fois à l’opération (82/109), tandis que seulement 3 personnes ont participé les 4 Nombre de participants par an 60 50 40 30 20 10 0 2010 2011 2012 2013 années et 9 sur 3 années. Sur ces 9, 8 ont commencé en 2011 et ne se sont plus arrêtées, la dernière personne n’ayant pas fait 2011 mais a repris depuis. Cette année, se sont 11 nouvelles personnes qui sont venues participer à l’opération. Fidélité à l'opération 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1 2 3 4 Années de participation Comment agir concrètement pour la sauvegarde de ces espèces ? A l’échelle individuelle, chacun peut agir sur la préservation des sites de nidification. Il faut d’abord absolument éviter de détruire les nids et même au contraire favoriser leur installation. Pour les espèces cavernicoles comme le Martinet noir, la rénovation de vieux bâtiments peut conduire à la perte de cavités favorables et l’on peut alors mettre en place des cavités de substitution. Pour les Hirondelles de fenêtre, des rebords de toits et de fenêtre suffisamment hauts sont nécessaires. Des planches fixées un peu en dessous permettent d’éviter aux fientes de recouvrir le sol ou de souiller les façades. L’Hirondelle rustique profite, elle, des cheminées et granges ouvertes. Si vous la découvrez dans votre garage, pensez à lui laisser une ouverture, une simple fenêtre ouverte lui permettant d’assurer les allers et retours nécessaires à la bonne réussite de la reproduction. Et évitez de laisser entrer les chats durant cette période. L’aspect sensibilisation est également l’un des points majeurs de l’opération car elle offre une veille sur les relations entre l’homme et l’hirondelle et permet de répondre plus efficacement aux demandes ou problèmes locaux. Conférence De l’Afrique à Langueux… Voyage au pays des hirondelles Le GEOCA et la Mairie de Langueux ont organisé une conférence en juin 2013 afin de mieux faire connaître les mœurs de cet oiseau et sensibiliser la population à sa protection. Ce fut également l’occasion de dresser un tableau des études en cours au niveau local mais aussi national. Une visite dans le centre-ville à la recherche des nids a conclu la soirée comme l’illustre un article issu des Brèves de Langueux. Bibliographie Gobbo D. (2013). L’Hirondelle de fenêtre a besoin de nous. Nos Oiseaux n°513 Vol 60/3 – Septembre 2013. Mairie de Langueux (2013). Conférence : Connaître et protéger les hirondelles. Expression du Conseil municipal n°11. Mairie de Langueux (2013). Faudra-t-il changer le nom de la rue aux Merles ? Brèves de Langueux n°266 de juillet 2013. Jiguet F. (2011), 100 oiseaux communs nicheurs de France. Delachaux et Niestlé, Paris, 224 p. Couzens D. (2011). Top secret : Les oiseaux des jardins Révélation. Delachaux et Niestlé, 192 p. Remerciements Gilles Allano, Patrice Berthelot, Jean-Michel Broudic, René Camus, Philippe Chapon, Yann Février, Jean Heurtel, Guillaume Laizet, Françoise Le Caro, Esteban Le Gall, Hervé Le Goff, Gwenaëlle et Brandan Le Roux, Guilhem Lesaffre, Philippe Lesné, Dominique Marc, Jean-Paul Mathurin, David Menanteau, Bastien Moreau, Jacques Petit, Annick Pierre, Errel et Michel Plestan, Antoine Plévin, Joseph et Andréa Pors, Alain Raffray, Marc Rapilliard, Geoffrey Stevens, Anthony Sturbois, Sébastien Théof et toutes les personnes qui nous ont fournies des informations sur la reproduction des Hirondelles de fenêtre mais également de rivage.