grossesses non voulues chez les jeunes filles de moins de 20

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grossesses non voulues chez les jeunes filles de moins de 20
RAPPORT FINAL DE L’ETUDE
« GROSSESSES NON VOULUES CHEZ LES
JEUNES FILLES DE MOINS DE 20 ANS »
Août 2001
Gabriela PIG-LAGOS
SOMMAIRE
Introduction
p.5
Contexte de l’étude
p.5
Grossesses précoces et progrès sanitaire et social
p.5
Grossesses précoces et éducation
p.6
Grossesses précoces et rationalité technique
p.7
Première partie : La mise en place de l’étude
p.9
I. Origine et financement du projet
p.10
2. Population concernée
p.11
3. Méthodologie d’action
p.11
3.1 La mise en place de cette étude comportait plusieurs phases
p.11
3.2 Recueil des données
p.13
3.3 Les difficultés rencontrées lors de ces phases préparatoires
p.13
3.4 Cinq sites dans les cinq départements
p.16
Le Département de la Gironde
p.16
Le Département des Landes
p.16
Département du Lot et Garonne
p.18
Département de la Dordogne
p.19
Département des Pyrénées Atlantiques
p.19
3.5 Les rapports intermédiaires
p.20
3.6 Travail de retranscription des entretient
p.21
Deuxième partie : présentation des résultats
p.22
Analyse socioculturelle
p.23
I – Hypothèses
p.23
2 – Les caractéristiques sociodémographiques de notre population
p.24
3 – Répartition en fonction de l’âge
p.25
4 – Répartition en fonction de la situation familiale
p.25
5 – Répartition en fonction du lieu d’habitation
p.26
6 – Répartition en fonction de la profession du père
p.26
7 – Répartition en fonction de la profession de la mère
p.27
8 – Répartition en fonction du niveau de formation des jeunes filles
p.28
9 – L’information à propos de la sexualité (contraception) dans la
famille et dans les établissements scolaires
p.29
10 – Connaissance de la contraception
p.30
11 – Utilisation de la pilule et du préservatif
p.31
12 – Fréquentation d’un service spécialisé ou d’un gynécologue avant
la grossesse
p.32
13 –Connaissance et/ou utilisation de la contraception d’urgence
p.32
14 -L’âge des parents ou des proches au moment de leur première
grossesse
p.33
Analyse psychologique
p.35
1 – Hypothèses
p.35
2 – L’expérience de la grossesse
P.36
2.1 Les désirs en rapport avec la fécondité
p.36
Approche quantitative
p.36
Approche qualitative
p.37
Désir de différenciation à l’égard de la mère
p.40
3 – Les exigences de la réalité vécue
p.42
3.1 Analyse quantitative
p.42
3.2 Approche qualitative
p.45
3.3 Synthèse
p.47
4 – L’expérience de la contraception
p.49
4.1 –Différentes pratiques contraceptives
p.49
4.2 –Les scénarios imaginaires de la contraception
p.51
4.3 Les enjeux imaginaires accompagnant l’arrêt de la pilule
p.54
4.4 L’usage du préservatif ou la recherche d’un compromis
imaginaire entre deux formes de sexualité
p.60
4.5 Synthèse
p.65
Conclusion
p.67
Annexes
INTRODUCTION
Contexte de l’étude
Il convient, pour comprendre la problématique de cette recherche de
procéder dans un premier temps à une mise en perspective. En effet, qu'une
demande d'enquête à ce sujet émane des pouvoirs publics tend à signaler que
nous sommes en face d'un problème social et de santé publique; ou plutôt que
nous sommes en face d'un fait qui pose problème pour notre mode de
fonctionnement sanitaire et social. Tentons de dégager quelques uns des termes
de ces problèmes.
* Grossesses précoces et progrès sanitaire et social
L'histoire récente de ce que l'on a appelé la libération de la femme était
portée par un certain nombre d'idées. Dans ce contexte le libre choix de la
femme par rapport à la maternité est apparu comme une valeur centrale. La
possibilité de choisir d'enfanter et donc éventuellement de refuser, sans mettre
en danger sa santé voire sa vie, devait assurer les conditions pour un
accomplissement de la liberté individuelle de la femme. Le contrôle des
naissances est un droit fondamental des femmes. L’accès à l’interruption
volontaire des grossesses est reconnu par la Loi Veil N° 75.17 du 17 janvier 1975.
La décision, politique, de légalisation de la contraception et de l'interruption
volontaire des grossesses s'inscrit bien évidement dans le contexte de cette
évolution idéologique. L'autre décision, politique elle aussi, de prise en charge par
la sécurité sociale de ces deux pratiques en est l'aboutissement. La sécurité
sociale, en effet, est ou a été au cœur de nos représentations modernes du
progrès social.
5
Dans le cadre de ce modèle, de cette vision du progrès, les grossesses
précoces interrogent, créent de la perplexité. Les jeunes filles enceintes ontelles fait un choix ? Dans les conditions sociales actuelles, de liberté
d'information, de gratuité de la prise en charge médicale, comment ont-elles pu
se laisser surprendre ?.
Là où le groupe social a voulu les conditions pour l'avènement d'un choix libre
et responsable apparaissent des conduites qui échappent à nos représentations
de la liberté et de la responsabilité.
* Grossesses précoces et éducation
Une certaine conception de l'éducation est indissociablement liée à la
représentation du progrès social que nous avons décrite à grands traits. En fait,
dans la conscience des responsables sanitaires et sociaux l'éducation constitue
un relais. C'est elle qui doit permettre la transmission des valeurs du progrès
social.
Sa fonction est alors double. D'une part elle doit permettre un accès à la
connaissance
(éducation
sexuelle,
information
sur
les
méthodes
de
contraception...). D'autre part elle doit participer à la formation d'individus
libres et responsables, des individus qui décident en toute connaissance de cause.
Or, les jeunes filles enceintes prématurément s'inscrivent difficilement dans
cette représentation de l'éducation. Soit parce qu'elles semblent ne rien savoir
ni de la sexualité ni de la contraception ( l'éducation est-elle insuffisante ou bien
inefficace dans certains cas ?). Soit, comme nous l'avons déjà dit, parce qu'elles
vivent cette situation malgré ou en dépit de leurs connaissances. Ce qui pose une
question bien plus épineuse : se pourrait-il qu'il existe en l'individu des désirs qui
le poussent à agir au mépris de ce qu'il sait ?
* Grossesses précoces et rationalité technique
Un petit détour historique nous permettra de mieux comprendre les
différentes rationalités qui ont traité de cette question à travers le temps.
Ainsi au moyen âge, au XVIè siècle, la maternité précoce était une règle
assez répandue. Il n’était pas rare que des filles de 14-16 ans accèdent au
mariage aboutissant à la maternité très rapidement.
Puis au XIXème
siècle, un changement des mentalités se produit, les
grossesses avant l’âge de 20 ans étaient très soumises à la critique sociale, ce
qui amenait les jeunes filles à les cacher et, dans les cas de naissances, les
conduisait parfois à abandonner l’enfant. Pour certaines jeunes mères
célibataires, la solution était de se placer comme nourrice dans les grandes
familles, en ville, comme une manière d’échapper au jugement familial.
Dans ce contexte le sénateur Paul Strauss (1852-1942) décide de venir en
aide à ces jeunes mères en créant les premières maisons maternelles.
A l’époque contemporaine des changements s’opèrent surtout après la mise
en place de la scolarisation obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans, les libertés
sexuelles, et le progrès de la technique médicale dans la maîtrise des processus
de la reproduction biologique. Cela peut paraître une évidence : ce sont les
progrès de la rationalité technique qui ont rendu possible la mise au point de
certaines méthodes de contraception.
Pourtant, là ne se trouve certainement pas l'essentiel. En effet l'avortement
et la contraception n'ont pas été seulement légalisés, ils sont également devenus
l'affaire de la santé. En quittant le champ de l'illégalité ou des pratiques de
"bonnes femmes", ils sont entrés dans le champ de la rationalité technique. Le
législateur a compris d'emblée que cette dernière ne suffirait certainement pas
à la prise en charge sociale de ce problème. Ainsi dans le cas de l'IVG, les
travailleurs sociaux sont-ils entrés en scène comme intermédiaires entre la
demande et l'acte médical.
Les grossesses précoces viennent en quelque sorte rappeler un aspect
essentiel de la reproduction humaine. Elle ne saurait se réduire à ses aspects
biologiques que, par ailleurs, la technique maîtrise de mieux en mieux.
PREMIERE PARTIE :
LA MISE EN PLACE DE L’ETUDE
I. Origine et financement du projet
Cette étude menée par le Comité Régional d’Aquitaine d’Education pour la
Santé (CRAES), fait suite à une commande émanant de l’Etat, Ministère de
l’emploi et de la solidarité, représenté par le Préfet de la Région Aquitaine,
Préfet de la Gironde, ordonnateur de la dépense, sur proposition du Directeur
Régional des Affaires Sanitaires et Sociales d’Aquitaine.
Cette étude, entrant dans le cadre des actions régionales de périnatalité
devait comprendre :
-
l’élaboration d’une grille d’enquête,
-
la formation des enquêteurs,
-
la coordination et le suivi du déroulement de l’enquête,
-
la mise en place d’actions de prévention de la grossesse chez
l’adolescente par la formation et l’information des personnes relais.
Pour mener à bien la mission qui lui était confiée, le Comité Régional
D’Aquitaine d’Education pour la Santé devait mettre en œuvre les moyens
suivants :
-
mise à disposition du personnel,
-
secrétariat.
Un bilan qualitatif et quantitatif de l’action devait être établi par le CRAES
et adressé à Madame le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales
d’Aquitaine.
Cette étude a été initiée sous l’impulsion des directeurs du CRAES (M.
LARROSE B.) et de l’ORSA ( M. GARROS B.) puis menée à bien sous la
responsabilité de Mme. PIG-LAGOS Gabriela, de formation psychologue.
2. Population concernée
Ce projet avait comme objectif la réalisation d’une enquête auprès de 50
jeunes filles, enceintes, de moins de vingt ans, dans les cinq départements de
l’Aquitaine afin de déterminer des axes de prévention.
Les résultats obtenus devaient être traduits en terme de formation ou
d’information des professionnels relais afin d’améliorer l’approche préventive des
grossesses chez les adolescentes.
3. Méthodologie d’action
3.1 La mise en place de cette étude comportait plusieurs phases :
1- Une phase préparatoire consistant à interviewer des professionnels travaillant
dans des Centres de Planification Familiale.
Lors de cette phase nous avons rencontré 4 professionnelles autour d’un
entretien qui a duré 3 heures, sur leur lieu de travail : Mme. Le CHEVALIER
Lilianne, conseillère conjugale à la Maison des Jeunes et de la Santé de Bordeaux
(MJS), Mme. Le Docteur TANDONNET Brigitte, Présidente de l’association
CACIS (Centre d’Accueil Consultation Information Sexualité) à Bordeaux, Mme.
VILLANUEVA Ingrid, Educatrice des jeunes enfants au Centre Départemental
Enfance et Famille (Foyer des jeunes mères célibataires) à Talence et Mme
BARTHELEMY Laurence, Conseillère Conjugale du Mouvement Français pour le
Planning Familial à Bordeaux.
2- Ces quatre entretiens préliminaires réalisés auprès des professionnels nous
ont permis dans un premier temps de dégager une problématique et de formuler
nos premières hypothèses concernant le thème des grossesses non désirées chez
les jeunes filles de moins de 20 ans.
3- La troisième étape s’appuyant sur la première a consisté en la conception d’un
questionnaire et d’un entretien semi-directif s’adressant à des jeunes filles
enceintes.
Le questionnaire a été construit en fonction du thème de recherche et en
fonction du type de population étudiée. Il comporte 17 questions à réponses
fermées, pré codées qui s’articulent autour de deux parties :
1. les données sociodémographiques classiques.
2. les données familiales.
L’entretien semi-directif composé de deux thèmes explore :
1- les circonstances de la grossesse à partir d’une question générale et des
questions de relance.
2- L’accès à l’information et à la contraception avec une question générale et
des questions de relance
Afin de respecter les règles éthiques de passation d’un questionnaire et d’un
entretien semi-directif nous avons rédigé un document explicatif et détaillé de
notre travail ainsi qu’une feuille de consentement éclairé à proposer à chaque
jeune fille voulant participer à l’étude. Ce consentement permettait aux jeunes
filles de savoir exactement à quoi elles participaient et leur garantissait
l’anonymat.
Ce travail de mise en place de l’action a nécessité un temps de réflexion. De
nombreuses corrections ont été apportées aux écrits initiaux étant donné la
complexité du sujet à traiter.
4- La quatrième étape concernait la formation à la passation de l’entretien des
professionnels travaillant auprès de cette population sachant que le thème
abordé était particulièrement délicat étant donné l’âge des jeunes filles et les
sentiments de culpabilité qui pouvaient être, soit réveillés, soit amplifiés.
5- La cinquième étape devait nous amener à constituer l’échantillon des jeunes
filles à interviewer, à choisir les structures d’accueil dans les cinq départements
de la Région d’Aquitaine, les sites de l’action et les professionnels acceptant de
participer à l’étude.
Notre travail est une étude transversale sur un échantillon non représentatif
de 50 jeunes filles de moins de 20 ans, dans 5 sites ( Centres d’Orthogénie,
Centres de Planification Familiale ) dans les 5 départements de l’Aquitaine.
3.2 Recueil des données
Afin de ne pas interférer dans la prise de décision des jeunes filles
concernant l’IVG,. nous avions convenu de faire passer l’entretien à peu près une
semaine après l’intervention (IVG).
Pour ce faire nous avons pensé nous adresser aux Centres de Planification ou
aux Centres d’Orthogénie afin de prendre contact avec les jeunes filles pour
fixer une date de rencontre avec celles qui souhaitaient participer à l’étude.
Etant donné que notre échantillon de 50 personnes (10 jeunes filles par
département) n’était pas représentatif de la population des jeunes filles
sollicitant une IVG, nous avons accordé une place très importante à notre
entretien semi-directif car nous pensions qu’il pourrait nous permettre de
comprendre certains des mécanismes subjectifs accompagnant l’expérience de la
grossesse puis celle de l’IVG.
3.3 Les difficultés rencontrées lors de ces phases préparatoires
Au départ de cette étude nous avons rencontré quelques difficultés. Cellesci étaient en rapport avec la santé de la responsable du suivi de l’étude. En fait
madame PIG-LAGOS a dû s’arrêter pendant trois mois pour cause de maladie.
Suite à sa reprise du travail et après avoir apporté des modifications au
questionnaire et à l’entretien semi-directif il a décidé de faire une pré-enquête
afin de mettre à l’essai ces deux outils.
Pour ce faire nous avions décidé de prendre rendez vous avec quelques
structures pratiquant des IVG (Interruption Volontaire de Grossesse). Nous
avons pris contact avec deux professionnels de Centres de Planification
Familiale : Madame BLAZI Isabelle du CACIS et Mesdames DORTHE Cécile et
DU-VINAGE Marie Paule, directrice et psychologue de la MJS de Bordeaux
(Maison des Jeunes et de la Santé).
Ces deux réunions avaient un double objectif. D’une part présenter notre
étude aux professionnels (Conseillères Conjugales et Familiales, Psychologue,
Directeur), d’autre part comprendre comment ces professionnels pouvaient
intégrer le questionnaire et l’entretien semi-directif à l’entretien pré-IVG. Ces
réunions nous ont permis de prendre connaissance de la complexité du problème
des grossesses non désirées et à partir de ce constat nous avons revu, voire
corrigé, certaines questions contenues soit dans le questionnaire soit dans
l’entretien semi-directif.
Ces professionnels, très intéressés par ailleurs par l’étude, nous ont
cependant, fait part de leur inquiétude quant à la lourdeur du dispositif et des
conséquences qu’il pouvait avoir sur la prise de décision des jeunes filles.
En ce qui concerne le CACIS, notre demande a été étudiée par l’ensemble du
personnel lors d’une réunion d’équipe. A été prise la décision de ne pas joindre
notre questionnaire à l’entretien pré-IVG pour les mêmes raisons citées plus
haut.
Le personnel de la MJS, représenté par la directrice et par la psychologue, a
bien accueilli la demande, cependant les deux professionnelles se posent
certaines questions à propos de la personne qui doit passer l’entretien. Elles
soulignent l’importance de la cohérence dans la prise des notes et dans la
formulation des questions lors de la passation d’un entretien semi-directif.
Ensuite elles nous ont orientés vers des professionnels susceptibles de faire
avancer le projet.
Une réunion entre le Directeur du CRAES et la responsable du suivi de cette
étude (Mme PIG-LAGOS) a eu lieu afin de discuter de la suite à donner au
travail.
C’est ainsi que nous avons décidé de rencontrer monsieur KLEBANER,
gynécologue et obstétricien à la Direction Solidarité Gironde, avec l’objectif de
lui présenter notre projet et de discuter avec lui des modalités de rencontre
avec la population des jeunes filles.
Lors de cette réunion, Monsieur KLEBANER confirme l’inquiétude des
professionnels de la MJS et du CACIS en ce qui concerne la population à étudier.
Il nous a fait également des remarques concernant la forme et le contenu de
notre étude.
Toutes ces observations émanant des professionnels nous ont permis de
remanier nos hypothèses ainsi que l’ensemble du dispositif, notamment la partie
qui concerne le professionnel chargé du recueil des données. Ainsi nous avons
décidé que celui-ci serait la responsable de l’étude, Mme. PIG-LAGOS Gabriela,
formée à la passation des entretiens semi-directifs.
Afin de ne pas interférer dans la prise de décision des jeunes filles,
concernant l’IVG nous avions convenu de faire passer le questionnaire et
l’entretien semi-directif à peu près une semaine après l’intervention (IVG) soit
dans la structure ayant pratiquée l’IVG, soit dans les locaux du CRAES, soit dans
tout autre lieu. Pour ce faire nous nous sommes adressés aux responsables de
Centres de Planification Familiale ou aux Centres d’Orthogénie afin de présenter
plus amplement l’étude et solliciter leur coopération. Celle-ci devait se traduire
par une facilitation du contact entre les jeunes filles et la professionnelle du
CRAES qui devait leur présenter l’étude et fixer une date de rencontre avec
celles qui voudraient participer.
Cette idée a été vite abandonnée car, lors de la pré-enquête, nous nous
sommes aperçus que les jeunes filles ne se présentaient pas au rendez-vous.
Nous avons opté finalement pour proposer un entretien d’une heure environ
au moment de la sortie de l’hôpital.
3.4 Cinq sites dans les cinq départements
* Le Département de la Gironde
Nous avons commencé notre étude dans le département de la Gironde. A cet
effet nous avons pris contact avec Madame DESCHAMPS, surveillante du
Service d’Orthogénie de l’hôpital St. André à Bordeaux avec l’objectif de lui
présenter l’étude. Celui-ci a été très bien accueilli.
Par la suite, Mme. DESCHAMPS, s’est chargée de la présentation du projet
et de la professionnelle du CRAES à l’ensemble du personnel, de la mise en
relation de la professionnelle avec chaque jeune fille et de l’organisation du lieu
de rencontre pour la passation de l’entretien.
Vingt entretiens ont eu lieu dans ce Service, quatre ont été utilisés pour
notre pré-enquête et seize ont été retenus de manière définitive.
* Le Département des Landes
Le CODES des Landes, par l’intermédiaire de sa directrice Mme. RAMIS
Sylvie, nous a mis en contact avec le Docteur SARDA, chef de service de
gynécologie de l’hôpital de DAX afin d’obtenir un rendez-vous conjoint CRAES,
CODES, Centre Hospitalier.
Avant cette rencontre plusieurs courriers, et contacts téléphoniques ont été
nécessaires aussi bien avec le CODES qu’avec le Dr. SARDA afin d’organiser
cette première rencontre.
Le rendez-vous d’une durée approximative de 2 heures, a eu lieu le 4 Octobre
1999. Cette rencontre avait un double objectif. D’une part la présentation en
détail de l’étude et d’autre part l’organisation, sur le terrain, des rencontres
avec les jeunes filles, si le médecin responsable se montrait intéressé et donnait
son accord.
Le docteur SARDA s’est montré très intéressé par cette recherche et s’est
proposé d’annoncer l’objet de notre présence dans le service aux jeunes filles. Il
a procédé également à la présentation des professionnels du CODES et du
CRAES au personnel de santé et administratif de son service afin de faciliter le
travail de recueil des données. Le docteur SARDA nous a présenté Mme.
DANGOUMAUX, secrétaire de son service, qui a été chargée de nous
communiquer par téléphone le nombre de jeunes filles susceptibles de participer
à l’étude.
Les dix entretiens pour le département des Landes ont été réalisés à
l’hôpital de DAX
Les difficultés rencontrées dans ce département
Au début de notre travail dans ce département nous avons pensé réaliser nos
entretiens sur deux sites hospitaliers : Dax et Mont de Marsan. Néanmoins nous
nous sommes vus confrontés à un certain nombre des difficultés avec l’hôpital de
Mont de Marsan et en particulier avec M. DUMOULIN ( directeur administratif )
qui, évoquant des raisons d’ordre éthique, voulait s’assurer du respect du secret
médical concernant les jeunes filles pratiquant cette intervention.
Madame MANETTI Suzanne (Médecin Inspecteur Santé Publique - DRASS)
s’est chargée de rassurer le directeur en lui assurant l’anonymat des entretiens.
D’autres
difficultés
sont
venues
se
greffer.
En
effet,
suite
à
l’éclaircissement de la situation avec l’hôpital de Mont de Marsan nous avons
voulu nous rendre sur place pour mener les entretiens. Ceci a été impossible
étant donné que le secrétariat de l’hôpital nous a annoncé que les IVG avaient
lieu un jour par semaine seulement et que le nombre des personnes pouvant en
bénéficier se limitait à une.
Ce constat nous a amené à renoncer au site de Mont de Marsan et à nous
fixer définitivement à l’hôpital de Dax qui pratique des IVG deux fois par
semaine (Lundi et Vendredi) et qui reçoit plusieurs personnes par jour.
* Département du Lot et Garonne
Dans ce Département nous avons sollicité l’aide du CODES de ce
département par l’intermédiaire de Mme. RICHARD Laurence qui nous a affirmé
ne pas être en mesure de nous mettre en contact avec le chef de service de
gynécologie de l’hôpital.
Nous avons alors sollicité Mme. le docteur FRANCOIS, inspecteur DDASS
d’Agen, qui nous a donné des noms de médecins chefs de service de gynécologie
des hôpitaux d’Agen, de Marmande et de Villeneuve sur Lot, nous conseillant de
nous adresser à eux de sa part. Nous lui avons également fait parvenir un
exemplaire de l’entretien semi-directif de notre recherche.
Nous avons, par la suite, pris contact par courrier avec le Dr. ROULIER, chef
du service de gynécologie de l’hôpital d’Agen. Pour raison de vacances nous
n’avons pu le rencontrer que le 1er Mars 2000 à Agen pour une réunion à laquelle
assistera également le Dr. TAFFET, médecin dans le même service. Les deux
médecins ont donné leur accord pour la réalisation de l’étude tout en émettant
quelques réserves.
Les entretiens débuteront donc à Agen à cette date. Nous avons pu
réaliser que deux entretiens dans ce service, malgré notre insistance
téléphonique auprès du service.
* Département de la Dordogne
Pour ce département nous avons sollicité le CODES de la Dordogne, par
l’intermédiaire de sa directrice Mme SIBERT, qui nous a fait parvenir les noms
du Directeur, ( M. LAVAUD ) et du chef de service de gynécologie( M. ORIGET )
de l’Hôpital Général de Périgueux. Nous avons donc envoyé une lettre de
présentation de l’étude ainsi qu’une demande de rendez-vous.
Une première rencontre a été fixée avec le Dr. ORIGET et le Dr. HADDAD,
gynécologues. Celle-ci nous a permis de présenter l’étude et de discuter à propos
des modalités de réalisation des entretiens auprès des jeunes filles. Les deux
médecins se sont montré extrêmement coopérants. Le Dr. HADDAD a été
désigné comme notre interlocuteur principal.
Les entretiens ont pu être réalisés conjointement à ceux du département du
Lot et Garonne car Mme. NOURY, éducatrice santé au CRAES, a rejoint Mme.
PIG-LAGOS, pour l’aider dans la passation des entretiens. Ceci à partir du mois
de février 2000.
Neuf entretiens ont été réalisés dans le service de gynécologie de
l’Hôpital de Périgueux.
* Département des Pyrénées Atlantiques
En ce qui concerne ce département nous pouvons faire état d’un travail de
partenariat avec le CODES de PAU et en particulier avec sa Directrice, Mme.
LAROUSSE Jeannine, qui a pris contact avec Mme. SAINT-JOSSE, responsable
du Service de Gynécologie Sociale de l’Hôpital de PAU, afin de lui faire part de
notre demande. Mme. SAINT-JOSSE s’est montrée très disponible et
intéressée par l’étude.
Néanmoins, un problème restait à résoudre : la distance entre Bordeaux et
Pau suppose que parfois, nous aurions dû nous déplacer pour un seul entretien
sachant que le budget de l’action atteignait ses limites.
Mme. SAINT-JOSSE, de formation Sage-Femme, Conseillère Conjugale et
Familiale, ayant en plus une formation dans le domaine de la Sexologie s’est alors
proposée pour réaliser les entretiens. Une réunion a permis d’étudier en
profondeur l’ensemble du protocole afin que cette professionnelle puisse en
prendre connaissance.
Nous avons décidé de faire un essai avec un entretien dont l’enregistrement
est arrivé par la poste au CRAES au nom de Mme. PIG-LAGOS. Cet entretien
étant très bien mené, nous avons continué à solliciter ses services.
Nous avons réalisé dix entretiens dans ce service.
Les difficultés
La difficulté principale que nous avons rencontré dans la plupart des sites
tenaient à la quasi impossibilité pour les professionnels du CRAES de rencontrer
plus d’une jeune fille par jour.
L’autre difficulté tenait plus aux médecins qui se sont plus au moins engagés
à travailler en partenariat avec le CRAES. Ceux-ci étaient obligés de penser à
l’étude lors de chaque rencontre avec les jeunes filles sollicitant une I.V.G.
Le travail que nous présentons est fait à partir de l’analyse de 47
entretiens réalisés auprès des jeunes filles.
3.5 Les rapports intermédiaires
Les différentes étapes de notre travail dans les services hospitaliers ont
donné matière à produire quatre rapports intermédiaires et un texte pour une
communication lors de la journée d’étude départementale du 15 décembre 2000
dont le thème était : « L’approche globale de la santé et planification familiale ».
Madame MANETTI, médecin inspecteur santé publique DRASS, s’est chargée,
aimablement, de présenter ce texte à l’assistance.
3.6 Travail de retranscription des entretiens
Les entretiens semi-directifs réalisés et enregistrés ont été intégralement
dactylographiés par Mme. PIG-LAGOS aidée par Mme. Gaillard, secrétaire du
CRAES, et plus tard par Mme. NOURY.
Ce travail d’écoute et d’écriture représente un nombre considérable
d’heures.
La rédaction du rapport final a été réalisé par Mme. PIG-LAGOS.
Mme. NOURY a réalisé le travail de calcul de pourcentages et de moyennes à
partir du logiciel « EPI info » et les graphiques à partir du logiciel « EXEL ».
DEUXIEME PARTIE
PRESENTATION DES RESULTATS
ANALYSE SOCIOCULTURELLE
I – Hypothèses
On
sait
que
dans
tout
milieu
professionnel
se
construisent
des
représentations sociales, inspirées des théories des sciences humaines dans les
professions du travail social, ayant pour but d’expliquer la complexité de la
réalité.
Notre pré-enquête auprès des professionnels travaillant autour des
problèmes de la natalité-contraception nous a permis de penser que ceux-ci
disposent de représentations sociales de ce type leur permettant à la fois de
décrire les caractéristiques des jeunes filles enceintes précocement et de se
donner une explication cohérente de celles-ci.
Dans cette première partie de notre travail nous avons choisi de préciser ces
représentations sociales, de les constituer en hypothèses de notre recherche et
de les soumettre à l’épreuve des données récoltées.
Nous retiendrons ici les représentations sociales des professionnels qui
relèvent d’une analyse socioculturelle.
Hypothèse 1 : Un grand nombre de jeunes filles confrontées à une grossesse
précoce ignorent les principes biologiques de la fécondité.
Hypothèse 2 : Cette méconnaissance concernerait également les principes de la
contraception.
Comme on le voit ces deux hypothèses sont supportées par des
représentations qui caractérisent la population des jeunes filles enceintes
précocement.
Venons-en maintenant aux hypothèses supportées par une volonté explicative
de ces caractéristiques.
Hypothèse 3 : Cette méconnaissance des jeunes filles s’explique par leur
appartenance à des milieux défavorisés du point de vue du rapport à la
connaissance et à l’information.
Hypothèse 4 : Ces jeunes filles évoluent dans des familles informés sur ces
questions mais dans l’impossibilité de transmettre l’information et d’aborder les
thèmes relatifs à la sexualité et à la contraception.
2 – Les caractéristiques sociodémographiques de notre population
L’hypothèse 3 conduit logiquement à supposer que les jeunes filles enceintes
précocement appartiennent à un milieu social particulier. Qu’en est-il des jeunes
filles de notre échantillon ?
La partie « recueil des données sociodémographiques » de notre entretien
nous permet de répondre à cette question. Pour la présentation de nos résultats
nous retiendrons six variables : l’âge, la situation familiale, le lieu de vie, le
niveau de formation, la situation actuelle du père, la situation actuelle de la
mère.
Nous présentons par la suite des graphiques correspondant aux variables
retenues. Ceux-ci vont nous permettre de visualiser la répartition de notre
échantillon de 47 filles selon les caractéristiques sociodémographiques.
3 – Répartition en fonction de l’âge
13
13
14
12
9
E ffe c t i
10
7
8
4
6
4
1
0
2
0
13 ans
14 ans
15 ans
16 ans
1 7 a ns
18 ans
19 ans
Age
La moyenne d’âge observée dans l’échantillon des jeunes filles est de 17.26
ans.
Le tableau montre que les jeunes filles allant de 13 à 15 ans sont sousreprésentées, 5 au total, soit 10,6%. Par contre les deux grands pics de
représentation se situent dans les tranches 17 et 19 ans, au total 26 jeunes
filles, soit 55,4%.
4 – Répartition en fonction de la situation familiale
39
40
35
30
Effectif
25
20
8
15
10
5
0
Célibataire
En concubinage
Le tableau montre que la plupart des jeunes filles, 39, soit 83%, sont
célibataires et 8 d’entre elles déclarent vivre avec un concubin, soit 17%.
5 – Répartition en fonction du lieu d’habitation
25
25
20
11
Effectif
15
10
4
3
5
0
En famille
Avec un seul parent
Seule
En foyer
Lieu de vie
La plupart des jeunes filles, 25, déclarent vivre en famille avec leurs deux
parents, soit 51,1%. Puis, 11 d’entre elles disent vivre avec un seul des parents,
soit 23,4%. Seulement 3 jeunes filles vivent seules, (6,4%) et 4 en foyer (8,5%).
Ce qui nous donne un total de 43 jeunes filles sur les 47 interviewées. 4 jeunes
filles n’ont pas répondu à la question.
6 – Répartition en fonction de la profession du père
13
14
11
12
10
7
Effectif
8
6
3
4
3
3
3
1
2
0
O uvrier
Em ployé
Profession
libérale
Retraité
Situation actuelle du père
Les trois catégories les plus représentées sont celle d’ouvrier, 13 personnes
sur 47, soit 27,7%, suivie de la catégorie employé avec 11 personnes, soit 23,4%
et la catégorie cadre avec 7 personnes soit 14,9%.
7 – Répartition en fonction de la profession de la mère
19
20
18
16
12
14
Effectif
12
10
8
6
4
3
2
4
4
1
1
2
0
Ouvrière
Artisane
Employée
Cadre
Profession
libérale
Demandeuse
emploi
Retraitée
Femme au
foyer
En ce qui concerne les professions de la mère nous pouvons observer que la
catégorie employée (19 personnes), est la plus représentée soit, 40,4%, suivie de
la catégorie femme au foyer (12 personnes), soit 25,5%.
8 – Répartition en fonction du niveau de formation des jeunes
filles
9
9
8
7
8
7
6
6
Effectif
5
4
4
3
3
2
2
1
2
1
1
0
5ème
4ème
3ème
2nde
1ère
Terminale
BAC
BAC PRO
CAP
BEP
Les niveaux 2nde (19,1%), BEP (17%), 3ème (14,9%) et CAP (12,7%) sont les plus
représentés.
Discussion
Les graphiques qui précèdent font apparaître des caractéristiques de notre
échantillon quant aux professions des parents :
•
La profession d’ouvrier pour le père et la profession d’employée pour la
mère sont les plus représentées. Cependant on peut noter qu’en ce qui
concerne le père les professions employé et cadre sont aussi bien
représentées.
Chez les mères, les deux catégories les plus représentées sont celles
d’employée et femme à la maison. Les professions requérant des études
avancées ne représentent qu’un faible pourcentage.
Peut-on pour autant considérer que les jeunes filles appartiennent à des
milieux défavorisés du point de vue du rapport à la connaissance et à
l’information comme le suppose notre hypothèse 3 ?
Remarquons que le niveau d’étude des parents doit être nettement
différencié de la question de l’information à propos de la fécondité et de la
contraception.
D’autre part le niveau de formation, graphique 8, des jeunes filles elles
mêmes laisse à penser que nous sommes en présence de jeunes filles ayant
bénéficié des apports de la scolarisation. Nous allons voir que la plupart estiment
avoir été informées au cours de leur scolarité à propos de la sexualité et de la
contraception.
9 – L’information à propos de la sexualité (contraception) dans la
famille et dans les établissements scolaires
36
40
35
21
30
Effectif
25
20
15
6
10
5
0
Famille
Etablissement scolaire
Autre
Lieu de l'information
Le graphique montre que parmi les 47 jeunes filles interviewées 76,6%
disent avoir étés informées à propos de la sexualité dans l’établissement scolaire
et 44,7% dans la famille. D’autres déclarent avoir pris connaissance du sujet par
l’intermédiaires des amitiés.
38,3% disent avoir été informées aussi bien dans l’établissement (12,8%)
scolaire que dans la famille.
Discussion
Les résultats du tableau présenté en 9, à partir d’une lecture superficielle,
vont dans le sens de notre hypothèse 4 selon laquelle les jeunes filles
appartiennent à des familles dans l’impossibilité d’aborder les thèmes relatifs à
la sexualité (contraception).
Pourtant des nuances importantes doivent être apportées. Tout d’abord une
lecture attentive des entretiens semi-directifs montre que les propos des
jeunes filles sont souvent contradictoires sur cette question. Elles déclarent en
un premier temps (début de l’entretien) ne jamais avoir parlé de la sexualité et
de la contraception avec leurs parents. Mais pour autant il n’est pas rare que par
la suite leur récit vienne contredire cette première affirmation. Ainsi peuventelles dire que leur mère leur a expliqué les cycles féminins ou bien leur a parlé de
la pilule ou encore les a conduites à leur premier rendez-vous chez la
gynécologue.
D’autre part à la lumière du tableau 9 il paraît impossible de maintenir
l’hypothèse 2 selon laquelle ces jeunes filles méconnaîtraient les principes de la
de la contraception. En effet 36 filles sur 47 déclarent avoir assisté, dans leur
établissement scolaire à des journées d’informations concernant ces questions
ainsi que la sexualité. (21 disent avoir eu ces informations dans la famille).
Par contre nos résultats ne permettent pas de discuter l’hypothèse 1. Notre
entretien semi-directif ne contient pas des questions suffisamment précises
pour solliciter la mobilisation de la connaissance des principes biologiques de la
fécondité.
10 – Connaissance de la contraception
En revanche nos entretiens nous permettent d’appréhender la connaissance
de la contraception ainsi que des services médicaux en rapport avec elle.
L’analyse des entretiens semi-directifs nous a conduit à retenir 3 indicateurs
de cette connaissance.
•
l’utilisation ou la non utilisation de la pilule et du préservatif
•
la fréquentation d’un service spécialisé ou d’un gynécologue avant la
grossesse.
•
La connaissance ou l’utilisation de la contraception d’urgence (pilule du
lendemain)
11 – Utilisation de la pilule et du préservatif
OUI
NON
Utilisation de la pilule
20
26
Utilisation du préservatif
26
16
20 jeunes filles déclarent avoir utilisé la pilule ( y compris la pilule du
lendemain) à un moment ou à un autre depuis le début de leur vie sexuelle et 26
le préservatif.
A la lumière de ce que nous venons de dire l’hypothèse n°2 selon laquelle les
jeunes filles méconnaîtraient les principes de la contraception s’avère trop
simple. Elle ne rend pas compte de la complexité de la réalité des connaissances
et des pratiques.
Le tableau ci-dessus ne permet pas de caractériser les pratiques dans leur
singularité. Comme nous le verrons dans le cadre de l’analyse psychologique ces
pratiques sont diverses. Nous, nous contentons pour l’instant de quantifier
l’utilisation de la pilule et/ou du préservatif à un moment ou à un autre depuis le
début des relations sexuelles.
12 – Fréquentation d’un service spécialisé ou d’un gynécologue
avant la grossesse.
Fréquentation d’un service
Nombre
Centre de planification familiale
15
P.M.I.
1
Mission Locale
2
Gynécologue dans le privé
11
Sur les 47 jeunes filles interviewées 29 déclarent avoir connu un service
spécialisé avant leur grossesse.
Comme nous le verrons avec l’analyse psychologique, connaître un service,
l’avoir fréquenté ne conduit pas forcément à recourir à la pilule de manière
régulière. Le tableau ci-dessus est donc simplement un indicateur d’une
familiarité avec les services et personnels spécialisés.
13 –Connaissance et/ou utilisation de la contraception d’urgence
Connaissance
Pilule du
R.U. 486
lendemain
connue
41
20
Non connue
6
27
Un nombre relativement important de jeunes filles a donc une certaine
connaissance de la contraception d’urgence mais 7 seulement ont utilisé la pilule
du lendemain. Deux ont bénéficié de la pilule abortive R.U. 486.
Discussion
Notre étude a permis de déceler un décalage entre la connaissance des
moyens contraceptifs et leur usage. En effet il apparaît que, bien qu’ayant une
certaine connaissance des moyens de contraception et les ayant déjà
éventuellement utilisés, 35 jeunes filles de notre échantillon ne recouraient à
aucun moyen de contraception au moment du rapport sexuel fécondant. (Nous
verrons plus loin qu’il est possible de caractériser des pratiques contraceptives).
14 -L’âge des parents ou des proches au moment de leur
première grossesse
Avons nous les moyens de comprendre ce décalage dans le cadre de notre
analyse socioculturelle ?
Une piste d’analyse nous est apparue lorsque nous nous sommes aperçu que
31 jeunes filles sur 47 déclaraient avoir dans la famille quelqu’un qui a eu un
enfant précocement( mère, père, sœur aînée, frère, tante ou cousine ).
Ce résultat donne à penser que, dans leurs familles, l’âge où l’on a des enfants
est relativement bas. En ce qui concerne, uniquement, les mères des jeunes filles,
nous constatons, que parmi les 47 mères, 18 (38,2%) ont accouché de leur
premier enfant avant l’âge de 20 ans et que 10 (21,3%) d’entre elles ont eu leur
premier enfant entre 20 et 22 ans.
On peut faire l’hypothèse que cela correspond à une sorte de « culture
familiale ». Pour la génération de leurs mères, notamment, obtenir un diplôme et
donc différer le moment de la première grossesse ne constituait pas
nécessairement un modèle « existentiel » fortement valorisé.
En revanche pour les jeunes filles rencontrées ce modèle existentiel
s’impose,
par
l’intermédiaire
du
discours
des
parents
mais
aussi
par
l’intermédiaire de la société en général. C’est un modèle fortement valorisé.
Jusqu’à quel point les jeunes filles l’ont-elles intériorisé ? Jusqu’à quel point
la grossesse précoce n’est-elle pas pour elles l’occasion de s’inscrire dans le
modèle culturel de leurs parents, même si ceux-ci le dévalorisent, de manière
consciente tout au moins ?
L’analyse socioculturelle nous permet seulement de soulever ces questions.
Mais il faut d’ores et déjà insister sur un point. Les hypothèses expliquant les
grossesses
précoces
par
un
manque
de
connaissance
(des
contraception, des principes de fécondité) s’avèrent trop simples.
moyens
de
ANALYSE PSYCHOLOGIQUE
1 – Hypothèses
Hypothèse 1 : Nous faisons l’hypothèse selon laquelle l’annonce de la grossesse
pour les jeunes filles entre en interaction avec deux tendances psychiques
opposées. La première serait de l’ordre du désir. La seconde serait de l’ordre de
l’exigence de la prise en compte de la réalité vécue par les jeunes filles : réalité
de leur âge, de leur situation professionnelle, de la relation amoureuse actuelle.
En ce sens il est possible d’envisager que la décision d’avorter est
l’aboutissement, dans la plupart des cas, d’un difficile travail de confrontation de
soi avec soi, de soi avec le groupe familial, de soi avec la réalité vécue.
Hypothèse 2: Les pratiques contraceptives elles même s’inscrivent sur le plan
psychique dans le cadre d’un conflit entre deux tendances opposées. L’une relève
du pôle des désirs, désirs de grandir et donc de jouir d’une vie sexuelle. L’autre
relève plutôt du pôle de l’interdit et plus précisément de l’interdit de vivre une
sexualité pleinement adulte.
A partir de ces deux hypothèses nous analyserons grâce à une méthode
compréhensive et interprétative le discours obtenu par l’intermédiaire des
entretiens semi-directifs.
Nous procèderons en deux temps :
-
Analyse de l’expérience de la grossesse
-
Analyse des pratiques contraceptives
2 – L’expérience de la grossesse
2.1 Les désirs en rapport avec la fécondité
Approche quantitative
Nous avons mis au point un type d’analyse de contenu qui nous permet une
forme de quantification des thèmes qui, dans le discours, sont en rapport avec ce
que nous pouvons appeler le « pôle des désirs ».
Le tableau ci-dessous présente les résultats de notre analyse de contenu
pour les 47 entretiens semi-directifs.
Expérience de la grossesse
Nombre de jeunes filles
Disent qu’elles étaient contentes
17
Disent avoir voulu garder l’enfant
13
Disent qu’elles ont déjà pensé avoir un enfant
28
Disent qu’elles voulaient un enfant
6
Disent qu’elles étaient contentes de savoir qu’elles
9
peuvent avoir un enfant
Comme on le voit la somme des chiffres obtenus est supérieure à 47. Cela
s’explique par le fait qu’une même jeune fille peut, par exemple, dire qu’elle a
pensé garder l’enfant et qu’elle voulait un enfant.
Il est important de souligner que sur les 47 entretiens trois seulement ne
laissent pas apparaître « des sentiments positifs » à l’égard de la fécondité ou
de l’annonce de la grossesse.
Notons que ces « sentiments positifs » s’accompagnent généralement de
tristesse, de peur, d’inquiétude ou d’angoisse. L’exemple de Mlle. I, p. 46, que
nous présentons dans l’analyse qualitative, l’illustre parfaitement.
Approche qualitative
En nous appuyant sur des extraits des entretiens semi-directifs nous
caractériserons les différents désirs qui sous-tendent les propos dégagés par
notre analyse de contenu.
Nous ferons apparaître comment ces propos peuvent être mis en relation soit
avec :
-
un désir d’enfant
-
un désir de grossesse (s’assurer de sa propre fécondité)
-
un désir d’autonomie
-
un désir de différenciation à l’égard de la mère
Pour mettre en évidence ces différents désirs nous nous appuierons sur les
travaux de M. Bydlowski
1
qui insistent sur la complexité des sentiments et des
désirs associés à la fécondité chez la femme.
Nous retiendrons avant tout que la fécondité n’est pas seulement en relation
avec le désir d’enfant. A plus forte raison chez les femmes aussi jeunes que
celles que nous avons rencontrées.
* Projet d’enfant
Le projet d’enfant c’est un projet partagé dans un couple. Ce projet ne
recouvre pas nécessairement le désir d’enfant. C’est une idée claire et souvent
planifiée grâce à la contraception. Par exemple, on peut avoir le projet d’un ou
deux enfants selon l’idéal de chacun, de la famille ou de l’idéal social.
Le projet d’enfant est conscient et construit. C’est lui qu’étudient les
recherches démographiques, par exemple, lorsqu’elles demandent aux personnes
combien elles veulent d’enfants. Comme nous allons le voir, nos entretiens
permettent d’appréhender autre chose que le projet d’enfant. Ils nous
1
Monique Bydlowski - Je rève un enfant – Ed. Odile Jacob, février 2000
permettent de nous faire une idée à propos des désirs en rapport avec la
fécondité, désirs qui sont, pour une part importante, de nature inconsciente.
* Désir d’enfant
Chez l’humain le désir d’enfant résulte du désir sexuel qui aurait comme
fonction la reproduction de l’espèce comme chez tous les vivants.
Selon Bydlowski, « il s’agit d’un vœu suprême où peuvent culminer tous les
autres. Tous les désirs du petit enfant peuvent converger vers ce projet. Mettre
au monde un enfant ou, d’une manière non déterminable, l’engendrer ».
Exemple : Mlle A. a 19 ans. Elle dit qu’elle et son copain voulaient avoir un
enfant. Ils sont ensemble depuis 6 mois.
Lorsqu’elle est tombée enceinte son copain lui a dit que ce n’était pas le
moment, qu’il ne voulait plus, qu’ils se marieraient plus tard,. Elle s’est dit à ce
moment là « je garde mon enfant et je laisse tomber mon copain »
Elle raconte « toutes mes cousines ont des bébés et c’est moi qui m’en
occupe. Elles savent que je m’en occupe très bien et savent que c’est tout le
temps moi qui les garde, elles savent que je m’en occupe bien ».
Pour Mlle A le désir d’enfant est en rapport avec la présence de deux types
de figures : des figures féminines et maternelles (les cousines) et la figure du
petit ami. On peut penser qu’il correspond à son vœu de prendre sa place parmi
les figures féminines et d’offrir un enfant au petit ami. Le changement du petit
ami la conduit à renoncer à la satisfaction de ce désir.
Monique Bydlowski – La dette de vie – Ed. PUF, 3ème édition, mars 2000
* Désir de grossesse
Le désir d’enfant et le désir de grossesse peuvent ne pas surgir
simultanément. Ainsi certaines femmes éprouvent le désir d’être enceintes
comme une façon de s’assurer de leur fécondité.
Exemple : Mlle B a 19 ans. Elle a des rapports sexuels avec son copain depuis
8 mois sans aucun moyen de contraception.
Elle a commencé à s’inquiéter du fait qu’elle ne tombait pas enceinte. « je
pensais que j’avais un problème, que je ne pouvais pas avoir d’enfant, je ne savais
pas trop » « avec mon copain on aimerait bien le garder mais on ne peut pas. Elle
dit qu’elle avait peur car « ne pas avoir d’enfant c’est triste quand même ».
Actuellement elle est rassurée car « maintenant je sais que je peux avoir un
enfant ».
Son copain, lui, était content de savoir qu’elle était enceinte et par la suite ils
ont réfléchi ensemble.
Cet exemple montre que Mlle. B, au départ, éprouvait plus un désir de
grossesse qu’un désir d’enfant. La grossesse, non voulue consciemment, semble
réaliser le désir de s’assurer de sa propre fécondité.
* Désir d’autonomie
Ces termes désignent un désir profond de séparation vis à vis des parents.
Ainsi, lors de nos entretiens, nous avons pu déceler que certaines jeunes filles
expriment clairement ce désir et qu’il est en relation avec la grossesse.
Exemple : Mlle. C. a 16 ans et demi et dit « Déjà je désirais avoir cet enfant,
donc on a essayé et au bout de 2 mois on a réussi. Donc, moi je voulais cette
grossesse pour être…pour prendre mon autonomie quoi, pour partir parce que je
voulais partir vivre ma vie tranquille sans personne derrière, avec mon copain,
mon enfant. Donc c’est pour ça que je désirais.
A l’adolescence le désir d’autonomie peut donc venir se cristalliser autour de
la fécondité. Avoir un enfant peut signifier sur le plan imaginaire une conquête du
statut d’adulte.
* Désir de différenciation à l’égard de la mère
Exemple : Mlle D, 17 ans, a une relation avec son copain depuis 4 mois. Elle a
parlé avec sa mère au moment où elle s’est rendu compte qu’elle était enceinte.
Elle dit : « J’ai parlé avec ma mère dès le début et elle m’a dit,on fera un test et
si tu es enceinte, si on a la certitude que tu es enceinte je t’emmènerai à l’hôpital
et on fera ce qu’il faudra pour te faire avorter ». Mlle. D dit : « à ce moment là
je n’étais pas trop sûre , mais bon, j’y suis quand même allée pour voir en quoi
cela consistait, à quoi il fallait que je m’attende. Donc je suis venue avec ma mère
et j’ai passé tout de suite l’examen et un formulaire à remplir et j’avais rendezvous pour la semaine d’après pour me faire avorter ».
« En sortant j’ai eu plusieurs problèmes avec ma mère, on s’est embrouillées,
on va dire, parce que j’étais plus très claire dans ma tête, je voulais à tout prix le
garder, je ne sais pas pourquoi, mais je ne voulais plus l’enlever, parce que je ne
savais plus où j’en étais. Donc j’ai téléphoné à l’hôpital et j’ai annulé mon IVG ». .
« Ma mère a eu peur quand je lui ai dit que je ne voulais plus l’enlever et que
je partirais de la maison s’il fallait. Alors au bout d’un mois elle a quand même
accepté que je voulais garder le bébé. Alors je lui ai dit, maman je ne voulais pas
que tu m’imposes ton choix, maintenant je veux me faire avorter, c’est décidé ».
« Oui, j’en avais envie de le garder dans le sens ou c’était un bébé, mais
personnellement je ne pouvais pas l’assumer. Ce n’était pas bien de le faire
naître, c’était égoïste. Donc indirectement, j’ai essayé de rejeter ce besoin de
vouloir le garder sur quelqu’un en m’énervant dessus, en fait c’était contre ma
mère ».
Cet exemple illustre bien le désir de différenciation de la fille à l’égard de la
mère. Mlle. D. s’oppose à la volonté de sa mère car pour elle, ce qui est
insupportable, c’est que sa mère décide à sa place. En un premier temps, garder
l’enfant c’est se différencier de la mère. Dans un deuxième temps, après que la
mère a renoncé à décider pour sa fille, Mlle. D. peut prendre la décision de faire
une IVG. On perçoit ainsi les enjeux de différenciation à l’égard de la mère et
comment la fécondité s’inscrit au cœur de ces enjeux.
Un autre exemple
Mlle. E. a 15 ans, elle vit avec sa mère et a une relation avec son copain depuis
un an et demi. Elle raconte que si elle n’a pas pris la pilule c’est parce qu’il faut
aller voir un gynécologue et que ça la gêne. Elle dit : « je n’aime pas, surtout des
gens que je ne connais pas ».
Quand on lui demande si sa mère lui a déjà parlé de la pilule elle répond :
« Ma mère c’est toujours « je vais te prendre rendez-vous » mais trois ans après
elle ne m’a toujours pas pris rendez-vous. Comme pour mes yeux. Normalement je
dois avoir des lunettes et elle me dit « je te prends rendez-vous » et j’ai
toujours pas de lunettes et toujours pas été voir un médecin. Et comme elle
travaille dans un bloc opératoire elle sait tout. Elle se sent touchée par les gens
et dès que je suis malade elle me dit « non, non, ne va pas voir le médecin, je sais
ce qu’il faut faire ». Moi je préfère aller voir un médecin que ma mère, elle n’est
pas médecin ».
Par la suite Mlle. E raconte comment cela s’est passé au moment où elle
devait aller voir la gynécologue à l’hôpital afin de se préparer pour l’IVG : « ma
mère elle m’a dit « moi je te prends un rendez-vous et tu y vas toute seule ».
« Moi je lui ai dit : non, moi je veux que tu viennes avec moi, surtout la première
fois ».
Puis Mlle. E. raconte, avec une certaine satisfaction, que quand elle est allée
chez la gynécologue sa mère était avec elle.
Cet exemple montre qu’arriver à se différencier de la mère est un problème
assez complexe, surtout à l’adolescence. Devenir « autre », différent, passe par
l’exigence d’une reconnaissance. Dans le cas de Mlle. E. il s’agit de deux
exigences. Exigence que sa mère la reconnaisse en tant qu’enfant qui a peur face
à l’inconnu, la gynécologue, en l’occurrence. Exigence dans le même temps que la
mère reconnaisse qu’elle a droit à une sexualité et donc qu’elle n’est plus une
petite fille. La grossesse apparaît alors comme l’événement qui a permis d’obtenir
de la mère ce que, du point de vue de Mlle E, elle ne consentait pas à donner.
3 – Les exigences de la réalité vécue
3.1 Analyse quantitative
Nous avons procédé à une analyse de contenu visant à quantifier les thèmes
en rapport avec le pôle de la prise en compte des exigences de la réalité vécue.
Pour ce faire nous avons regroupé en trois thèmes les propos des jeunes
filles visant à expliquer pourquoi elles ont décidée de faire une IVG.
•
Thème 1 : Référence à la réalité socioéconomique
•
Thème 2 : Référence au petit ami
•
Thème 3 : Référence au discours des parents.
* Référence à la réalité socioéconomique
Se disent trop jeunes
19
Disent qu’elles doivent d’abord terminer
16
leurs études
Disent
ne
pas
avoir
les
moyens
16
financiers pour élever un enfant
Disent
ne
pas
être
suffisamment
8
indépendantes de leurs parents
Référence au petit ami
disent qu’il ne veut pas l’enfant
20
disent qu’elles ne l’aiment pas
2
disent qu’il n’est pas assez mûr
5
Disent que la décision a été prise d’un
27
commun accord avec lui
Référence au discours des parents
disent qu’ils les ont laissé choisir
16
Disent qu’elles leur ont caché leur grossesse
10
disent qu’ils les ont amenées à avorter
13
Disent qu’ils sont contre l’avortement
2
Les trois tableaux ci-dessus ne permettent pas de comprendre le travail
psychique qui a amené les jeunes filles à prendre la décision de faire une IVG. Ils
nous donnent toutefois un certain nombre d’indications. Nous insisterons sur
trois points.
Tout d’abord la prise en compte du petit ami, de ce qu’il veut, de ce qu’il est
(du point de vue des jeunes filles) joue un rôle important dans la prise de
décision consciente.
D’autre part le statut social joue un rôle important : âge, indépendance
financière, scolarité.
Enfin un nombre élevé de jeunes filles (26) présentent leur décision comme
indépendante de la volonté de leurs parents ; soit parce qu’elles disent leur avoir
caché leur grossesse (10), soit parce qu’elles estiment qu’ils les ont laissé choisir
(16).
Un point important à souligner est que parmi les 47 jeunes filles de notre
échantillon 23 disent que leur père n’a pas été mis au courant de leur
grossesse, soit 48,9%.
A titre d’exemple nous citons un extrait d’entretien : Mlle F. a 17 ans. Elle
nous dit : « Je sais pas, au début c’est un peu un rêve quoi de garder un petit
bébé, mais j’ai pas encore l’âge. Il faut que je continue l’école et puis mon père il
voulait pas. Donc ma mère aussi c’est pareil ».
« Ma mère oui elle est au courant, mais mon père j’ai pas osé lui dire, je
préfère pas parce qu’il est trop sévère » « parce que ça lui arrivait de dire : si
vous avez des rapports et que vous êtes enceinte, vous partez de la maison quoi »
« Je le trouve vraiment sévère quand même, parce que bon, c’est pas une maladie,
ça peut arriver quoi, c’est pas hyper grave je trouve ».
Cette explication de la peur de la réaction du père est souvent évoquée par
les jeunes filles qui décident finalement, en accord avec la mère, de ne pas le
mettre au courant de la grossesse.
3.2 Approche qualitative
Nous allons présenter quelques extraits d’entretiens afin de mieux
comprendre comment le pôle des désirs et celui des exigences de la réalité vécue
sont intimement liés dans le discours des jeunes filles que nous avons
interviewées.
Premier exemple : Mlle G. a 19 ans. Elle a une relation avec son copain, qui a
19 ans également, depuis un an et demi. Elle parle ainsi « ça serait rien que moi
je l’aurais gardé, mais on n’avait pas les moyens pour s’en occuper. Je suis encore
au lycée. Il aurait été trop malheureux et on me l’aurait enlevé, alors je préfère
attendre »
« Malgré que je sois majeure, je voulais pas trop que ma mère soit au
courant, bon elle a été au courant, elle n’a pas apprécié. Oui j’ai eu peur, je me
posais des questions, si jamais j’allais le garder ou non »
Lors d’une conversation, son copain lui a dit « c’est à toi de prendre la
décision. Si jamais tu veux qu’on le garde, eh bien, on essayera de faire en sorte
de s’en sortir pour le garder ». Mlle G. dit : « mais bon… je ne sais pas, on est
jeunes et on a le temps d’avoir des enfants »
Cet extrait d’entretien montre tout le travail de pensée qu’a dû réaliser Mlle
G. avant de prendre la décision de faire l’IVG. Dans un premier temps elle
éprouve le désir de garder l‘enfant, enfant accepté également par le petit copain.
Puis, suite à sa réflexion et à la conversation avec son copain, elle se rend
compte des difficultés à venir.
A l’issue de cette réflexion on peut observer que ce n’est plus la réalisation
immédiate d’un désir qui est primordiale. La satisfaction de ce désir est reportée
à un futur dont Mlle G. pense qu’il lui apportera des conditions plus adéquates
pour élever un enfant.
Deuxième exemple : Mlle. H. a 17 ans. Elle a une relation avec son copain
depuis quatre mois. Elle raconte : « Quand ils m’ont annoncé que j’étais enceinte
j’étais contente parce que je me suis dit « je vais avoir un enfant ! c’est bien
quoi ! et pas trop contente parce que tout le reste ; j’avais pas de travail, il
fallait s’occuper de lui et j’étais trop jeune. Je ne me sentais pas capable
d’affronter tout ça »
« Alors j’ai parlé à ma mère et alors on a parlé toutes les deux pour savoir si
je voulais le garder ou pas. Elle m’a raconté qu’ elle était tombé enceinte très
jeune et elle a gardé l’enfant. Ses parents l’ont mise dehors et elle s’est
débrouillée toute seule parce qu’il n’y avait plus le père de l’enfant. Elle était de
famille bourgeoise. A ce moment là j’ai décidé de ne pas garder le bébé parce que
déjà je n’avais pas un travail fixe et mon copain non plus. On n’avait pas de
logement. Moi, je voudrais bien avoir un enfant mais après avoir un travail, un
logement à moi, pas chez ma mère »
« Maintenant si je veux avoir un enfant j’attends d’avoir un travail et d’être
sûre que mon ami veut rester avec moi »
Cet extrait d’entretien montre le travail de renoncement que Mlle H. a du
réaliser pour arriver à remettre à plus tard son désir d’avoir un enfant car sa
réalité professionnelle venait lui rappeler ses limites.
Nous pouvons aussi constater que sa décision n’est prise que suite à la
conversation qu’elle a eue avec sa mère, comme si elle craignait d’avoir à vivre la
même histoire que sa mère, avoir un enfant jeune et sans père.
Troisième Exemple : Mlle I. a 18 ans. Elle raconte : « Quand on m’a annoncé
que j’étais enceinte j’étais à la fois toute contente et à la fois j’avais le cafard,
parce que j’allais voir mon copain et qu’il allait me dire de ne pas le garder. C’est
vrai que ça m’a traversé l’esprit. Heureusement qu’il me raisonnait en me disant
qu’on pouvait pas et tout ça, parce que j’étais au lycée. J’aurais pas pu m’en
occuper »
« Parce qu’au début, j’étais un peu fixée sur l’idée que j’allais le garder, mon
copain m’a dit :« sois consciente on va pas pouvoir ». Mlle I. ajoute : « c’est
compliqué quoi, mes parents ne sont pas au courant, les siens non plus. Mes
parents sont contre l’avortement ».
Mlle I. est confrontée à trois contraintes contradictoires : d’une part elle
désire garder l’enfant, d’autre part elle évolue dans une culture familiale où
l’avortement est interdit et enfin elle est confrontée à la réalité de sa jeunesse
car elle est encore au lycée donc dépendante de ses parents financièrement.
Mlle. I. ne parle pas de sa grossesse à ses parents et elle décide de faire une
IVG. Sa réalité socio-économique semble avoir un poids important dans cette
prise de décision.
3.3 Synthèse
Les analyses qui précèdent nous permettent de mieux préciser ce qu’il en est
des enjeux subjectifs de la fécondité pour les jeunes filles rencontrées.
Tout d’abord nous dirons que pour ces jeunes filles plusieurs désirs sont
associés à la fécondité mais tout se passe comme s’ils n’étaient pas unifiés en un
désir d’enfant. La possibilité d’être féconde peut ainsi être seulement en relation
avec un désir de grossesse. Elle peut être en relation avec le désir de devenir
autonome ou de se différencier de la mère. Ce serait là une des manifestations
de l’immaturité affective normale liées à la jeunesse.
D’autre part cette même immaturité affective semble rendre extrêmement
précaire la distinction entre les désirs liés à la fécondité et la réalité de la mise
au monde d’un enfant. La plupart des jeunes filles de notre échantillon semblent
n’avoir pu commencer à comprendre la signification de cette réalité qu’à partir de
l’annonce de la grossesse.
Les paroles de Mlle J, à propos de quatre rapports sexuels sans préservatif,
illustrent parfaitement ce point :
« C’’était pendant la période d’ovulation, donc je savais d’emblée qu’il y avait
de grands risques, mais bon il me fallait une preuve écrite du laboratoire, j’ai eu
quand même un petit choc, parce que ça fait bizarre de se retrouver enceinte du
jour au lendemain. Bon, je vous l’ai dit qu’il n’y avait aucun symptôme physique. Je
n’avais pas trop conscience en fait ».
On voit bien le caractère d’irréalité que peut revêtir la fécondité pour une
jeune fille, bien que par ailleurs elle en connaisse les principes biologiques. Ceuxci n’acquièrent pour elle un poids de réalité qu’au moment de l’annonce (écrite !)
de la grossesse.
Enfin pour les jeunes filles rencontrées la distinction entre la satisfaction
des désirs liés à la fécondité et la satisfaction des désirs sexuels est incertaine.
Tout se passe comme si pour elles la satisfaction sexuelle devait s’accompagner
« naturellement » de la satisfaction des désirs en rapport avec la fécondité. Il
s ‘agit là d’un point important car accéder à une contraception rationalisée
réclame justement cette distinction. Elle réclame de remettre à plus tard la
satisfaction des désirs en rapport avec la fécondité tout en s’autorisant la
satisfaction des désirs sexuels.
Ces précisions amènent à penser que « la réflexion » qui précède la décision
de faire une IVG est une douloureuse confrontation entre les désirs, l’imaginaire
et la réalité. On peut estimer qu’elle les a amenées à effectuer un difficile
travail de renoncement à la satisfaction immédiate de leurs désirs en rapport
avec la fécondité, et donc à distinguer celle-ci de la satisfaction sexuelle. Nous
ne pouvons évidemment rien dire de « la solidité » de ce renoncement et de
cette distinction. Il faut cependant remarquer que l’idée « d’un enfant pour plus
tard » est contenue dans les propos d’un nombre important de jeunes filles.
Accéder à une sexualité sous contraception ne va donc pas de soi. Cela
demande un authentique travail psychique aboutissant à différer la réalisation de
désirs à partir de la prise en compte de la réalité, qui reste précaire à
l’adolescence.
4 – L’expérience de la contraception
4.1 –Différentes pratiques contraceptives
Dans notre partie analyse socioculturelle nous avons abordé de manière
globale les pratiques contraceptives des jeunes filles de notre échantillon. Il
s’agit maintenant de les caractériser aussi précisément que possible. Nous avons
choisi de rendre compte de ces pratiques telles que nous pouvons les repérer
dans les discours, en fonction d’une perspective temporelle.
Le tableau ci-dessous présente ces périodes de pratiques contraceptives
telles que les jeunes filles les reconstruisent au cours de l’entretien semidirectif (47 entretiens)
Tableau pratiques contraceptives
pratiques de contraception
Nombre de
jeunes filles
Explication de la grossesse
rupture préservatif
Oubli
Pilule seule depuis
les premiers
rapports sexuels
2
2
17
11
6
5
3
2
1
1
Préservatifs seul
depuis les premiers
rapports
sexuels
Pilule puis
préservatif
Préservatif puis
pilule
Aucune
Jamais
6
Après arrêt de
11
la pilule
Après arrêt du
4
préservatif
Pilule plus
2
préservatif
* Remarques
Ces différentes périodes de pratiques contraceptives étant reconstruites
par les jeunes filles, il convient d’avoir présent à l’esprit que la réalité a été
certainement plus complexe.
Ces résultats doivent être nuancés en fonction des différences d’âges. Par
exemple n’utiliser aucune forme de contraception n’a certainement pas le même
sens pour une jeune fille qui a des relations sexuelles depuis 5 ans que pour une
jeune fille qui n’a eu que quelques rapports sexuels (cas des plus jeunes)
Malgré ces nuances nous insisterons, à partir du tableau précédent sur les
points suivants :
-
Dans notre échantillon (47) le nombre de jeunes filles recourant à la
pilule de manière continue depuis leur premier rapport est très faible
(2)
-
11 jeunes filles (23,4%) ont pris la pilule puis ont arrêté. Soit pour la
remplacer par le préservatif (5), soit pour ne lui substituer aucun
moyen de contraception (6)
-
Au total 43 jeunes filles ne recouraient pas à la pilule au moment du
rapport sexuel fécondant. (Celles qui y recouraient disent l’avoir
oubliée).
4.2 –Les scénarios imaginaires de la contraception
Venons-en maintenant à l’analyse des scénarios imaginaires accompagnant ces
pratiques contraceptives.
Au début de l’analyse psychologique nous avons avancé l’hypothèse selon
laquelle ces pratiques complexes seraient à mettre en rapport avec un conflit
psychique. Conflit entre le désir d’accéder à une vie sexuelle et l’interdit qui, à
l’adolescence pèse sur le désir.
Afin d’avancer dans la compréhension de ce conflit, nous allons commencer
par montrer comment, pour les jeunes filles rencontrées, il existe deux formes
de vie sexuelle et comment elles sont associées à deux formes de contraception
différentes.
* Deux formes de contraception, deux formes de vie sexuelle
Nous partirons de l’analyse relativement approfondie d’un exemple très
significatif.
Exemple : A quinze ans, Mlle K. est allée voir un médecin avec sa mère, elle a
pris la pilule « mais au bout de quatre – cinq mois je l’avais arrêtée, car elle
m’avait fait prendre énormément de poids et psychologiquement j’étais pas prête
à la prendre, donc j’avais arrêté et voilà ». Par la suite elle a utilisé le
préservatif mais a eu quatre rapports sexuels sans protection avec son petit ami
actuel.
Comme on le voit Mlle K. hésite entre deux explications de son arrêt de la
pilule. D’un côté la pilule l’a faite grossir, de l’autre elle n’était pas prête
psychologiquement. Que veut-elle dire par là ?. Nous allons voir que cette
question va s’éclairer par la suite lorsque Mlle K. va en venir à parler de deux
formes de sexualité.
Lorsque nous lui demandons si elle est allée voir le médecin pour lui dire que
cette pilule la faisait grossir elle répond : « Bé j’ai pas eu trop de rapports avec
les garçons donc je me disais le préservatif…pour le peu de rapports que j’ai c’est
pas la peine de prendre la pilule. J’ai dit au médecin (de famille au moment de
l’annonce de la grossesse), écoutez jusqu’à maintenant j’ai pas eu…cela fait 3 ans
que j’ai pas trop, trop de rapports, je voyais pas trop l’intérêt de prendre la
pilule et puis payer 200 F par mois, pourquoi ? Pour rien du tout en fait. C’est
aussi bien de prendre le préservatif c’est aussi sûr et puis voilà »
A notre question « Il n’y a pas de pilule moins chère que ça ? » elle répond :
« si sûrement mais à cette époque je m’étais pas renseignée, je ne voulais pas
reprendre »
Retenons trois points :
•
Bien que sachant qu’il est possible d’adapter la pilule Mlle K. n’a pas fait de
démarche auprès de son médecin. En fait elle ne voulait pas prendre la
pilule
•
Ce qu’elle explique par le fait que sa vie sexuelle d’alors n’en valait pas la
peine. De son point de vue il existe donc deux types de sexualité : une qui
vaut la peine de prendre la pilule, une pour laquelle le préservatif suffit.
•
On peut penser que si elle ne voulait pas prendre la pilule c’est qu’elle ne
voulait pas de l’autre forme de vie sexuelle.
Le recours à la pilule est donc associé, sur le plan imaginaire, à une forme de
sexualité que Mlle K. semble ne pas avoir souhaité pendant plusieurs années. Mais
que recouvre exactement cette différence entre deux formes de sexualité ?
(Différence complètement indépendante des principes de la biologie). Nous allons
mieux le comprendre à partir de ce que nous dit Mlle K. des « rapports à
risque » :
« J’ai jamais eu à faire à la pilule du lendemain parce que j’ai jamais eu trop
de rapports à risque, sauf pour le dernier j’avais…je suis tombée enceinte ».
Mlle K. considère donc qu’avec la première forme de sexualité elle avait des
rapports sans risque (pour lesquels le préservatif suffit). Avec le petit copain
actuel quelque chose a changé : elle a « des rapports à risque ». On pourrait
penser qu’elle fait là simplement référence au fait qu’elle est tombée enceinte
mais elle ajoute : « Je savais qu’avec lui je pouvais faire quelque chose et qu’à la
limite s’il y avait un bébé, à la limite on pouvait faire quelque chose, mais en fait
j’ai fait une énorme bêtise, j’aurais jamais dû penser ça quoi »
Un rapport à risque c’est donc un rapport sexuel avec un petit copain que l’on
aime suffisamment pour penser qu’avec lui il serait possible d’avoir un enfant. Un
petit copain qui réveille les désirs en rapport avec la fécondité. Mlle K. semble
donc dire que jusque là elle avait rencontré des garçons avec lesquels ces désirs
là n’étaient pas en jeu.
Résumons :
•
Il existe une vie sexuelle à risque et une vie sexuelle sans risque.
•
Avec la sexualité sans risque on est à l’abri des désirs en rapport avec la
fécondité. Le préservatif suffit.
•
Avec la sexualité à risque on n’est pas à l’abri des désirs en rapport avec
la fécondité. Pour cette vie sexuelle là le préservatif ne suffit pas. La
pilule est nécessaire.
Nous considérons l’analyse de cet exemple comme tout à fait illustrative du
conflit psychique dans lequel s’inscrit le recours à la pilule pour la plupart des
jeunes filles que nous avons rencontrées. Quels sont les termes, forcément
contradictoires, de ce conflit psychique ?
Recourir à une contraception programmée permet de satisfaire les désirs
sexuels mais impose de distinguer la satisfaction de ces désirs là de la
satisfaction des désirs en rapport avec la fécondité.
Cette distinction est difficile pour les jeunes filles et se met en place en
elles le refus de recourir à la pilule pour ne pas avoir à assumer cette distinction.
Les analyses ultérieures permettent de mieux comprendre les raison de ce refus.
Un certain nombre d’entre elles « inventent » alors une vie sexuelle
intermédiaire à distance sur plan imaginaire des enjeux de la fécondité. Il s’agit
d’un compromis qui leur permet d’éviter de répondre aux exigences de la
sexualité adulte telle que la conçoivent nos sociétés avec la contraception
programmée. Une vie sexuelle qui n’en serait pas vraiment une en quelque sorte.
4.3 Les enjeux imaginaires accompagnant l’arrêt de la pilule
Nous allons maintenant nous centrer plus spécifiquement sur les enjeux
imaginaires liés à l’arrêt de la pilule. Toutes les jeunes filles dont il va être
question ont recouru à la pilule puis ont cessé de l’utiliser.
* Les jeunes filles dont le recours initial à la pilule était lié à une
prescription médicale destinée à réguler le cycle menstruel.
Les jeunes filles relevant de ce cas de figure (au nombre de 3) ont cessé de
recourir à la pilule une fois la régulation du cycle menstruel obtenue
Exemple : Mlle L. Elle est âgée de 17 ans. Elle a pris la pilule de 15 à 16 ans
et demi. Le rapport fécondant a eu lieu avec un garçon qu’elle venait de
rencontrer. Ils n’ont pas utilisé le préservatif. A la question « qui vous a donné la
pilule ? », elle répond :
« Ma gynéco. Parce qu’enfin j’avais pas de rapports sexuels avec mon petit
copain de l’époque. C’est parce que j’avais des règles irrégulières et le seul moyen
c’était prendre la pilule. Alors ma mère m’a fait prendre la pilule pour ça »
Puis Mlle L. dit qu’elle ne sait pas pourquoi elle a arrêté avant
d’ajouter : « mes règles étaient devenues régulières ».
Ce bref extrait laisse à penser que Mlle L ne s’est pas approprié la décision
de prendre la pilule. Pour elle ce serait plus la décision de sa mère et de sa
« gynéco » que la sienne. Cette non appropriation semble facilitée par le
caractère « thérapeutique » de la prescription. A la faveur de la spécificité de la
prescription Mlle L semble ne pas s’être représenté la pilule comme un moyen de
contraception.
Pour ces jeunes filles tout se passe donc comme si, sur le plan imaginaire, le
recours à la pilule était distinct de la question de la contraception. N’ayant pas
recouru à la pilule pour se prémunir contre la grossesse elles semblent ne pas
avoir effectué le travail psychique permettant d’assumer une contraception
programmée. Le caractère strictement thérapeutique du recours initial à la pilule
semble leur permettre d’éviter d’effectuer ce travail.
* Les jeunes filles qui, au cours de l’entretien semi-directif, parlent de leur
peur de la stérilité.
2 jeunes filles entrent dans ce cas de figure.
Nous avons eu l’occasion de mettre en évidence que le désir d’enfant et le
désir de grossesse ne coïncident pas obligatoirement. Il s’agit maintenant
d’insister sur le fait que l’usage de la pilule, peut maintenir un doute quand à la
fécondité. Nous allons voir, à l’aide d’un exemple, qu’une histoire particulière peut
« amplifier » ce doute et conduire à l’arrêt de la pilule.
Exemple : Mlle M. a 19 ans. Elle a subi une première IVG à l’âge de 17 ans.
Elle vivait alors à l’étranger et, selon elle, « c’était dans des mauvaises conditions
parce que, là bas, c’est interdit. C’était fait en cachette tout ça et j’avais peur
d’être stérile, de plus pouvoir avoir d’enfant. Alors j’ai réessayé »
Pour Mlle M. le doute est « amplifié » par les conditions du premier
avortement. L’usage de la pilule ne permet évidemment pas de lever ce doute.
Mais au doute lui même s’ajoute un puissant désir de transmettre l’amour que lui
a donné sa mère décédée il y a quelques années. « j’avais envie d’être mère parce
que j’étais gâtée par ma mère. Aussi j’avais besoin de donner un petit peu
d’amour ».
La conjonction du doute avec le désir de transmettre a conduit Mlle M à
cesser de recourir à la pilule, sans en parler à son copain. Elle pense maintenant
que «c’était une bêtise » : « j’ai aucune situation et lui non plus. On serait
dépendants de ses parents et ils ne sont pas d’accord »
* Les jeunes filles qui justifient l’arrêt de la pilule par les troubles de santé
qu’occasionne sa prise.
7 jeunes filles entrent dans ce cas de figure.
Cette justification particulière nous semble devoir être comprise à partir de
ce que nous avons dit jusqu’à maintenant. Les jeunes filles qui évoquent ces
troubles de santé, qu’elles ont sûrement connus, n’ont pas entrepris de démarche
pour modifier la pilule (ce qui est le cas de Mlle K p. 48). En fait les troubles de
santé semblent leur avoir permis de pas effectuer le passage qui mène à une
contraception programmée et aussi de maintenir, sur le plan imaginaire, la
possibilité d’une satisfaction des désirs en rapport avec la fécondité.
Exemple : Mlle N. a 19 ans. Elle n’utilisait aucun moyen de contraception
depuis l’arrêt de la pilule il y a plus d’un an.
« J’avais des gonflements dans la poitrine, j’avais des boutons partout, ça
n’allait pas cette pilule. Puis la pilule je l’ai prise en cachette avant que mes
parents ne le sachent. J’ai été au planning familial et c’était le planning qui l’avait
délivrée et j’ai été la prendre en pharmacie et comme je voyais que ça allait pas
je suis pas retournée au planning et la pilule j’ai arrêté ».
Par la suite Mlle N. explique qu’elle n’a jamais parlé de rapports sexuels à ses
parents « parce que mes parents sont protestants et pour eux il n’y pas d’amour
avant le mariage et pas de rapports avant le mariage non plus ».
Notons qu’au début elle a dit que ses parents sont également contre
l’avortement et que si elle même a été « dans la religion » maintenant elle n’y est
plus.
Ainsi les problèmes physiologiques liés à la pilule sont immédiatement
associés, dans le discours, à l’interdit parental concernant la sexualité. Avoir des
rapports sexuels c’est transgresser l’interdit parental mais aussi se différencier
des parents et de leurs croyances. Mlle N. est allée jusqu’au bout de cette
transgression puisque non seulement elle a eu des rapports sexuels mais en plus
elle n’a pas utilisé de contraception et a dû avorter. Les problèmes physiologiques
apparaissent comme un prétexte fournissant une déculpabilisation à l’égard de
cette transgression. Ce qui n’empêche pas qu’ils peuvent avoir aussi donné le
sentiment à Mlle N. de ne plus être protégée du regard de ses parents (les
boutons sont visibles). (voir à ce propos le cas de Mlle. Q p. 54).
Nous retrouvons avec cet exemple ce que nous avons appelé « un désir
d’autonomie » (qui suppose une transgression) associé à la fécondité. L’exigence
de ce désir d’autonomie n’a pas permis à Mlle N. de distinguer la satisfaction des
désirs sexuels de celle des désirs en rapport avec la fécondité et donc de
recourir à la pilule. L’expérience de la grossesse la confronte à la nécessité de
faire cette distinction.
* Les jeunes filles qui mettent en relation l’arrêt de la pilule avec une
séparation.
4 jeunes filles entrent dans ce cas de figure.
La pilule a été utilisée de manière régulière tout le temps qu’a duré une
relation amoureuse avec un petit copain. Puis est intervenue la séparation et les
jeunes filles ont cessé de prendre la pilule. Par la suite elles ont rencontré un
autre petit copain mais pour autant n’ont pas recouru de nouveau à la pilule. Dans
cette nouvelle relation elles ont utilisé le préservatif qui, selon elles, soit a
« craqué », soit a été oublié.
Exemple : Mlle O. a 19 ans. Voici ce qu’elle dit lorsque nous lui demandons si
elle sait pourquoi elle a arrêté de recourir à la pilule : « Parce qu’en fait j’avais
15-16 ans quand j’ai eu mon premier rapport. Je suis restée 2 ans avec mon
copain. J’étais au lycée, j’avais pas trop envie d’avoir un enfant et en fait on s’est
séparé. J’ai arrêté de la prendre et depuis si je vais… mais c’était avec
préservatif, ça durait pas longtemps et là c’est vrai que c’est moi qui ai peut être
fait une bêtise quoi »
Pendant le temps qu’a duré la première relation la distinction entre la
satisfaction des désirs sexuels et celle des désirs en rapport avec la fécondité
était à l’œuvre. Mlle O. avait accédé à l’expérience d’une vie sexuelle sous
contraception programmée. Mais, pour elle, cette forme de vie sexuelle semble
liée à cette première relation. Dès qu’intervient la séparation elle fait
l’expérience de ce qui pour elle semble être une autre forme de vie sexuelle,
faite de rencontres épisodiques. Et certainement des relations sexuelles où
l’amour n’est pas en jeu et où on est à l’abri des désirs en rapport avec la
fécondité et donc de la contrainte de recourir à la pilule.
Venons-en maintenant à ce que dit Mlle O. de sa relation amoureuse actuelle.
« En fait, ça fait 3-4 mois que je suis avec un garçon et je suis tombée tout
de suite amoureuse de lui et puis en fait…ça faisait longtemps parce que avant je
prenais la pilule… j’ai pas pensé. J’était tellement heureuse, j’ai pas pensé à
reprendre la pilule, j’ai essayé de faire attention mais… et puis dans un sens
j’aurais aimé avoir un bébé de lui mais bon, c’est pas trop possible parce que moi
je tombe toujours sur des cas particuliers »
L’amour réveille donc les désirs en rapport avec la fécondité contre lesquels
Mlle O. ne sait plus se prémunir. Le préservatif qui suffisait pour les rencontres
épisodiques ne suffit plus. On « l’oublie ». Pour Mlle O. la distinction entre les
désirs sexuels et les désirs en rapport avec la fécondité, qui a été opérante lors
de la première relation amoureuse suivie, est à reconstruire. L’expérience de la
grossesse l’amène à se rendre compte que l’actuel petit copain est « un cas
particulier » et qu’elle doit remettre à plus tard la satisfaction de ses désirs en
rapport avec la fécondité.
Les jeunes filles qui arrêtent de prendre la pilule à la suite d’une séparation
permettent donc de comprendre que :
•
L’usage de la pilule peut rester associé à une relation amoureuse et
ne pas être vécu comme nécessaire pour d’autres relations.
•
La distinction entre la satisfaction des désirs sexuels et celle des
désirs en rapport avec la fécondité reste fragile, surtout à l’adolescence.
4.4 L’usage du préservatif ou la recherche d’un compromis imaginaire entre
deux formes de sexualité
Les
jeunes
filles
rechercheraient
donc
d’une
manière
inconsciente
l’expérience d’une sexualité intermédiaire entre l’absence de relations sexuelles
de l’enfance et une vie sexuelle adulte reposant sur un contrôle rationnel de la
satisfaction des désirs en rapport avec la sexualité.
Nous allons maintenant essayer de mieux comprendre comment l’usage du
préservatif entretient des liens avec l’imaginaire d’une sexualité intermédiaire.
* Le préservatif et le partage de la responsabilité de la contraception
Pour un certain nombre de jeunes filles l’usage du préservatif procure le
sentiment de partager la responsabilité de la contraception avec le petit copain.
Elles semblent en revanche vivre l’usage de la pilule comme relevant de leur seule
responsabilité.
Exemple : Mlle P. 15 ans. Sa grossesse est survenue à la suite d’un oubli du
préservatif. Voici ce qu’elle dit de la pilule : « Parce que c’est vrai j’aime pas trop
prendre la pilule et puis je l’oublie tout le temps, donc les trois quarts du temps,
elle marche pas. Et puis c’est chiant, il faut la prendre tous les soirs »
Et maintenant à propos de la réaction de son petit copain au moment de
l’annonce de la grossesse : « Il l’a mal pris, il était pas content. Mais bon il l’a
quand même bien pris. Lui aussi a fait une bêtise ».
Pour Mlle P., avec le préservatif, la responsabilité de « la bêtise » est
partagée. Mais on peut penser qu’est aussi partagée la responsabilité de la
contraception. L’usage du préservatif c’est l’affaire des deux partenaires du
couple alors que la prise de la pilule relève d’une responsabilité individuelle.
Même si des propos comparables n’apparaissent pas dans tous nos entretiens
il n’en reste pas moins que presque toutes les jeunes filles utilisent le « on » pour
parler de l’usage du préservatif (« on n’a pas mis de préservatif, on n’en avait pas
acheté »).
Elles peuvent également utiliser le « il » pour rendre compte des attitudes du
petit copain à l’égard du préservatif (« il n’a pas voulu l’utiliser, il en avait marre
du préservatif »). Ce qui pose d’ailleurs la difficile question de la négociation de
l’usage du préservatif dans le couple. Et pour les jeunes filles la question de la
possibilité de dire « non »
Insistons sur deux points :
•
Recourir à la pilule de manière régulière requiert d’accéder à un sentiment
de responsabilité individuelle.
•
L’usage du préservatif dispense d’avoir à effectuer ce chemin intérieur
difficile.
* L’usage du préservatif pour une vie sexuelle clandestine
Dans certains cas l’usage du préservatif s’inscrit clairement dans le contexte
d’une confrontation avec l’interdit parental. N’ayant pas le sentiment que leur
mère leur a donné l’autorisation de vivre pleinement leur sexualité les jeunes
filles trouvent un compromis : elles s’autorisent une vie sexuelle mais ne
recourent pas à la pilule. Comme si franchir le pas qui mène à l’usage pilule
nécessitait une autorisation maternelle dont on peut éventuellement se passer
pour une sexualité avec préservatif.
Exemple : Mlle Q. a 19 ans. Elle est d’origine maghrébine. Elle dit qu’elle
n’éprouve pas de plaisir pendant les relations sexuelles « je pense à ma mère
d’ailleurs quand je le fais. Je me dis : putain, si elle me voyait, mais elle me dirait,
« qu’est ce qu’elle fait ma fille ? elle aurait honte ! Et moi j’ai honte d’ailleurs
quand je rentre chez moi. Parce qu’elle me fait confiance, elle me laisse sortir et
moi en fait quand je dis « je dors chez Sylvie », je dors avec mon copain et que
je le fasse avec lui, mais ça me dégoûte ».
« Le mariage c’est, il faut être vierge et voilà ! C’est surtout pour mes
parents que je voulais faire ça. Enfin ma mère surtout. J’ai toujours pensé ça et
ma mère elle voulait ça en plus. Elle serait vraiment déçue »
Pour Mlle Q., avoir des relations sexuelles c’est transgresser un interdit
parental. Dans le même temps c’est faire du mal à ses parents, à sa mère surtout.
Le prix à payer pour cette transgression est assez élevé : elle semble avoir
beaucoup de difficultés à éprouver du plaisir pendant les relations sexuelles.
Voici ce qu’elle dit à propos de la pilule : « Moi, j’ai vu des filles au lycée, mais
elles ont pris la pilule, mais elles sont devenues grosses. Je sais pas si
c’est…Peut-être que c’est pas la pilule appropriée pour elles, mais elles ont
vraiment…hé tiens une arabe hé, elle a grossi d’un coup, alors sa mère a dû
remarquer qu’elle devait avoir des rapports, elle. Donc voilà…ça me dit rien ».
Nous retrouvons le problème des effets physiologiques de la pilule. Lorsque
l’on a le sentiment de transgresser un interdit, en s’autorisant une vie sexuelle,
ces effets supposés sont vécus comme pouvant trahir, pour le regard de la mère,
la faute commise. L’usage du préservatif apparaît alors comme une solution
permettant de préserver le caractère « clandestin » de la vie sexuelle.
Cet exemple pourrait être considéré comme trop particulier pour illustrer les
enjeux imaginaires de l’usage du préservatif. Pourtant, plusieurs jeunes filles,
font référence de manière indirecte, à l’autorisation maternelle. Ainsi certaines
disent s’être contentées du préservatif parce que leur mère ne les a pas
« amenées » chez un gynécologue alors qu’elles lui avaient demandé.
Mlle R., dont nous rapportons les propos ci-dessous, explique très bien ces
enjeux compliqués entre la mère et la fille.
Exemple : Mlle R. a 17 ans, ses parents ne sont pas au courant de sa
grossesse et elle ne prend pas la pilule : « parce que je pensais déjà qu’il fallait
que ma mère aille avec moi. Je pensais pas que je pourrais moi, la prendre toute
seule, enfin sans que ma mère le sache »
Quand nous l’invitons à expliquer pourquoi elle ne lui a pas demandé, elle nous
dit : « bé, c’est que je ne sais pas, j’avais peur que quand moi je lui dise, qu’elle ne
soit pas prête à accepter que je lui dise ça »
Mlle R. nous dit que sa mère n‘est pas au courant qu’elle a des rapports
sexuels et elle explique ainsi cette attitude : « C’est qu’elle a tellement compté
sur sa petite fille que j’étais avant et puis que j’ai grandi et ça les parents ils ne
se rendent pas spécialement compte qu’on grandit vite, donc ça elle… pour elle…
Enfin maintenant que je suis avec mon copain, elle se rend compte que je suis plus
sa petite fille. Mais pendant un petit moment ça a été dur quoi de lui faire
comprendre que c’était fini cette histoire, que j’étais plus sa petite fille, que moi
aussi j’ai grandi comme tout le monde »
Quand nous lui demandons si elle va a en parler à sa mère maintenant, elle
nous dit : « Non, parce que je pense qu’on a toujours besoin de sa mère, d’être
proche de sa mère et j’ai peur que si elle le savait, elle me parlerait beaucoup
moins de ses problèmes. Nous avons une bonne relation et elle ne peut pas durer
si oui, si je lui parle de ça ».
Quand nous lui demandons de nous expliquer pourquoi elle n’a pas fait seule la
démarche d’aller voir un médecin pour demander la pilule, Mlle R. nous dit: « Ne
pas prendre la pilule bon, c’est aussi se dire qu’on n’a pas spécialement grandi ».
Prendre la pilule c’est grandir et cela suppose de rendre caduque une
certaine image de la mère et de la relation avec elle. Mlle R. n’était pas encore en
mesure de l’assumer et le désirait pas vraiment.
L’usage du préservatif apparaît comme un compromis : il permet de grandir
mais pas trop, quitte à se priver de certaines satisfactions comme le précise
Mlle R. « c’est peut-être pas grandir parce que bon on ne connaît pas de choses
avec le préservatif. C’est une protection qui enlève des désirs. Bon, c’est quand
même du plastique »
*Le préservatif : moyen de contraception ou protection contre le SIDA ?
Ce que nous allons avancer sous cette rubrique doit être appréhendé avec
prudence. Tout d’abord parce que nous nous appuyons sur les paroles de deux
jeunes filles seulement. Et, d’autre part, parce que nos entretiens n’ont pas été
conçus pour aborder le thème de la protection contre le sida. Ce thème n’est
donc apparu que deux fois et « un peu par hasard ».
Pour ces deux jeunes filles le préservatif a été utilisé de manière régulière
puis abandonné lorsqu’elles ont estimé qu’elles pouvaient faire « confiance » à
leur nouveau petit ami. Elles veulent dire par là qu’elles savaient qu’il n’était pas
séropositif.
Exemple : Mlle S. a 19 ans. Elle n’a jamais recouru à la pilule. Avec ses
premiers petits copains elle a utilisé le préservatif. Voici ce qu’elle dit d’eux : «
Ouais, c’était pas des choses sérieuses. J’ai pas couché avec beaucoup de
garçons. Y avait le préservatif ».
Par contre à propos de son petit ami actuel « c’était pas une relation en l’air,
vu qu’il avait attendu et tout. Ca s’était pas passé comme avec les autres quoi »
Puis : « Je crois qu’il y avait qu’avec mon ami que j’ai pas utilisé le préservatif. Je
faisais confiance. On savait qu’on avait pas le sida, ni lui, ni moi parce qu’on avait
fait des examens pas longtemps avant… »
Avec Mlle S. nous retrouvons cette idée selon laquelle l’usage du préservatif
est associé à des relations pour lesquelles l’amour n’est pas en jeu. Ce qui est
nouveau c’est l’idée de méfiance en rapport avec la séroposotvité. Pour elle
l’usage du préservatif semble être resté associé à cette méfiance. Comme s’il
s’agissait d’un moyen de protection et non, dans le même temps, d’un moyen de
contraception. Dès lors que la méfiance n’a plus de raison d’être, l’usage de
préservatif non plus.
Ainsi Mlle. N. à la faveur de cette conception particulière de l’usage du
préservatif semble avoir évité de se poser des questions à propos de la
fécondité.
4.5 Synthèse
L’idée selon laquelle il existe, dans l’imaginaire des jeunes filles, deux
formes de vie sexuelle nous paraît essentielle.
La première est une vie sexuelle de compromis ou intermédiaire. Rappelons les
bénéfices et les désavantages qu‘elle comporte.
Les bénéfices
•
Elle permet de satisfaire des désirs sexuels
•
Elle permet de ne pas grandir « trop vite » en évitant d’affronter les
questions en rapport avec les désirs liés à la fécondité.
•
Elle permet de ne pas transgresser des interdits parentaux.
•
Mais elle peut aussi permettre de transgresser tous les interdits
parentaux.
•
Elle permet de ne pas recourir à la pilule. Le préservatif suffit.
•
Elle donne le sentiment que la responsabilité de la contraception est
partagée.
Les désavantages
•
Les satisfactions sont limitées parce qu’elle oblige à contrôler les
sentiments amoureux (se contenter des relations épisodiques par
exemple).
•
Le plaisir est limité « à cause » du préservatif.
•
Elle fait courir le risque de ne pas utiliser le préservatif si l’on tombe
amoureuse ou si le petit copain n’en veut pas.
La seconde forme de vie sexuelle apparaît comme plus adulte dans la mesure
où elle passe par l’acceptation de recourir à une contraception rationalisée.
Rappelons quelques unes de ses caractéristiques.
•
Elle suppose de grandir en affrontant les questions en rapport avec les
désirs liés à la fécondité.
•
Elle suppose de remettre à plus tard la satisfaction de ces désirs tout en
la différenciant de la satisfaction des désirs sexuels.
•
Elle suppose d’assumer seule la responsabilité de la contraception.
Les bénéfices
•
Elle permet de satisfaire des désirs sexuels
•
Elle permet de ne pas grandir « trop vite » en évitant d’affronter les
questions en rapport avec les désirs liés à la fécondité.
•
Elle permet de ne pas transgresser des interdits parentaux.
•
Mais elle peut aussi permettre de transgresser tous les interdits
parentaux.
•
Elle permet de ne pas recourir à la pilule. Le préservatif suffit.
•
Elle donne le sentiment que la responsabilité de la contraception est
partagée.
Les désavantages
•
Les satisfactions sont limitées parce qu’elle oblige à contrôler les
sentiments amoureux (se contenter des relations épisodiques par
exemple).
•
Le plaisir est limité « à cause » du préservatif.
•
Elle fait courir le risque de ne pas utiliser le préservatif si l’on tombe
amoureuse ou si le petit copain n’en veut pas.
La seconde forme de vie sexuelle apparaît comme plus adulte dans la mesure
où elle passe par l’acceptation de recourir à une contraception rationalisée.
Rappelons quelques unes de ses caractéristiques.
•
Elle suppose de grandir en affrontant les questions en rapport avec les
désirs liés à la fécondité.
•
Elle suppose de remettre à plus tard la satisfaction de ces désirs tout en
la différenciant de la satisfaction des désirs sexuels.
•
Elle suppose d’assumer seule la responsabilité de la contraception.
Passer d’une forme de vie sexuelle à l’autre n’est pas évident pour les jeunes
filles que nous avons rencontrées. Ce passage engage en fait tout le processus de
maturation de l’adolescence. Il exige d’abandonner les compromis propres à cet
âge, compromis grâce auxquels on obtient des satisfactions de « presqu’adulte »
tout en évitant de renoncer à celles de l’enfance.
CONCLUSION
* Entre la connaissance et l’épreuve de la réalité
Lors de notre analyse socioculturelle nous avons insisté sur le décalage entre
l’information reçue à propos de la fécondité et de la contraception et l’usage
régulier d’une forme de contraception. La plupart des jeunes filles de notre
échantillon ont entendu parler des principes biologiques de la fécondité comme
des moyens de contraception sans pour autant recourir à ces derniers de
manière rationnelle.
Nous pouvons revenir sur ce décalage à la lumière de notre analyse
psychologique. Pour simplifier nous parlerons en termes d’écart.
•
Il existe un écart très important entre connaître les principes de la
fécondité et s’éprouver soi-même féconde, c’est à dire susceptible
d’enfanter. Ce savoir général ne s’incarne pas nécessairement en un savoir
sur le propre corps. De là la difficulté à mesurer les conséquences du non
recours à la contraception.
•
Il existe un écart très important entre le fait de rêver d’un enfant et
réaliser ce que cela signifie dans la réalité. La plupart, des jeunes filles
éprouvent des désirs en rapport avec la fécondité mais ces désirs ne
visent pas un enfant réel. C’est un enfant du rêve, de la fantaisie. Ne pas
recourir à la contraception est une manière de satisfaire ce rêve sans
prendre conscience qu’alors il ne s’agira plus d’un rêve.
Il nous semble que, dans la plupart des cas, la grossesse et l’épreuve de
l’IVG ont des effets importants au niveau de ces deux écarts. La
grossesse impose à ces jeunes filles de faire l’expérience de leur propre
fécondité. Celle-ci n’est plus une notion abstraite. D’autre part elle les
oblige à confronter le rêve à la réalité, les désirs aux conséquences de
leur satisfaction.
* Sur une exigence de la condition moderne
A ces écarts, qui relèvent de la subjectivité, s’ajoute une difficulté propre à
l’époque moderne. N’étant plus soumise à un contrôle strict, comme elle a pu
l’être par le passé, la sexualité est devenue l’affaire de l’individu, elle relève de
sa responsabilité.
La conquête récente de la distinction entre sexualité et fécondité s’inscrit
tout à fait dans ce contexte, puisque c’est à l’individu de décider ce qu’il sera
pour lui du rapport entre ces deux expériences. La contraception vient
évidemment soutenir la possibilité de ce libre choix. L’étude que nous venons de
mener montre combien il est difficile, à l’adolescence, de l’assumer.
Cela tient en grande partie au fait que la vie sexuelle échappe, pour
l’essentiel, aux décisions rationnelles. Nous avons vu également comment les
jeunes filles tentent de ne pas opérer cette distinction en refusant d’assumer
seules la responsabilité de la contraception.
La difficile tâche d’éduquer à la sexualité et à la contraception
Nous n’avons pas évoqué jusqu’à maintenant ce que disent les jeunes filles des
informations qu’elles ont reçues au collège ou au lycée. Certaines d’entre elles
ont livré leurs impressions. Nous terminerons sur deux exemples assez
différents.
L’une de ces jeunes filles nous a dit « à l’école quand on nous parle on
n’écoute pas forcement, à cause de…peut-être de la honte. Y’a les copains, y’a le
professeur, on se chamaille, on rigole » « il y a des garçons timides dans ma
classe »
La honte suppose l’impression qu’on se soumet au regard des autres. Ici le
regard des autres se porte sur ce qui peut-être vécu comme le plus intime par
cette jeune fille. Et ce regard des autres empêche d’écouter.
Une autre jeune fille dit : « Ils nous ont parlé de l’ovule, du spermicide…ça
fait peur quoi. Ca me faisait peur d’apprendre tout ça ». Parler en classe de la
contraception peut faire peur surtout si l’on est à un âge où la sexualité ellemême inquiète…et attire…

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