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M01 : Analyse de la firme et stratégies industrielles MAITRISE DES SCIENCES ECONOMIQUES, mention Techniques Economiques et de Gestion et Economie Internationale SEQUENCE 1 : Les fondements de la théorie de la firme Objectifs : Etudier le management des organisations nécessite avant tout l'acquisition de compétences pratiques indispensables pour exercer une activité professionnelle. Les étudiants doivent cependant être également sensibilisés aux réflexions théoriques qui s'articulent depuis quelques décennies autour de la firme. L'objectif de la première séquence est donc de proposer un aperçu sur l'évolution de la théorie de la firme qui permet notamment d'observer que jusqu'à une date récente, l'entreprise n'a occupé qu'une place marginale dans la théorie économique. Les développements théoriques récents, au contraire, reconnaissent progressivement la firme comme un acteur véritable doté d'un comportement propre et exerçant une influence sur son environnement. -------------------------------------------SOMMAIRE Introduction CHAPITRE I. La firme appréhendée par la théorie néoclassique A. L'entreprise : "une boîte noire" B. Les limites de l'analyse néoclassique C. Le perfectionnement de la théorie néoclassique de l'entreprise 1. La remise en cause de l'hypothèse de concurrence pure et parfaite 2. Le profit n'est pas toujours maximisé 3. L 'imperfection de l'information 4. L'entrepreneur, un acteur doté d'une rationalité limitée CHAPITRE II. L'approche comportementale de la firme : une rupture décisive CHAPITRE III. Vers de nouvelles théories économiques de l'entreprise A. La théorie des coûts de transaction (Coase et Williamson) 1. Evaluer les coûts de transaction pour rendre la théorie opérationnelle 2. Les hypothèses comportementales : rationalité limitée et opportunisme des acteurs 3. Choisir le mode de coordination le plus efficace entre marché et hiérarchie 4. Une transaction ne doit pas uniquement être considérée comme un coût à réduire B. La théorie des droits de propriété (Alchian et Demsetz) 1. Les droits de propriété : le concept proprement dit 2. Une théorie de la firme fondée sur les droits de propriété 3. Une vision critique des formes d'organisation des entreprises publiques C. La théorie de l'agence (Jensen et Meckling) 1. Le cadre d'analyse : la relation d'agence 2. Les coûts d'agence 3. Une théorie qui légitime le marché D. L'approche dite « évolutionniste » de la firme (Nelson et Winter) 1. Présentation de l'approche évolutionniste de la firme 2. Une théorie qui admet quelques limites E. Le Knowledge Management : un prolongement pratique de la firme évolutionniste 1. Définition et contenu 2. Les deux utilisations stratégiques du Knowledge Management 3. Vers une théorie de la création des connaissances à caractère évolutionniste 4. Les limites du Knowledge Management Conclusion Questions relatives à la Séquence 1 Bibliographie relative à la première séquence du cours -------------------------------------------- Introduction Quelques éléments de définition… Selon une définition courante, l'entreprise désigne tout organisme dont l'activité aboutit à vendre des biens ou des services sur un marché afin de réaliser un profit et de créer de la valeur (pour les actionnaires, les clients et le personnel). Remarque : afin d'atteindre ses buts, l'entreprise doit se structurer et s'organiser. L'entreprise est donc une organisation , soit un ensemble d'éléments en interaction dynamique. L'entreprise – la firme – constitue ainsi un centre de décision indépendant chargé d'assurer la coordination d'un projet productif durable. Mettant en avant la mission productive, cette définition place au second rang, d'autres images possibles de la firme, comme celle de lieu de pouvoir ou de production de normes sociales, qui cependant ne permettent pas de la distinguer des autres organisations. Comparativement aux approches sociologiques qui étudient la firme principalement sous l'angle du pouvoir, les sciences économiques et de gestion, auxquelles sont rattachées les théories de la firme, accordent une place centrale à l'efficience. En d'autres termes, la firme est étudiée relativement à sa capacité de créer de la valeur, de dégager un surplus par rapport à la valeur des ressources utilisées dans le processus productif, d'être rentable. Les recherches sur le fonctionnement de l'entreprise se sont multipliées dès la fin du 19 ème siècle. Mais déjà, dans le courant du 18 ème siècle, les économistes classiques jettent un premier regard extérieur sur l'entreprise. L'entreprise est alors considérée comme un acteur économique sans pouvoir particulier sur les autres agents. Adam SMITH , en analysant la production d'épingles dans une usine d'Écosse, préconise la spécialisation des tâches pour améliorer la productivité. David RICARDO s'intéresse plus particulièrement à la notion de profit, différence entre le total de la valeur créée (mesurée par le travail mis en œuvre) et la part revenant aux salariés pour conserver leur force de travail. Les économistes du début du 19 ème siècle considèrent que le processus de production combine les facteurs de production suivants : le travail , la terre , le capital auxquels Jean-Baptiste SAY ajoute la fonction de l'entrepreneur . Remarque : Jusqu'au début du 20 ème siècle, l'entreprise n'est considérée que comme un centre de création et de répartition des richesses . I. La firme appréhendée par la théorie néoclassique Qu'il s'agisse de la théorie de l'équilibre général ou de celle des marchés, la firme s'y trouve réduite à peu de chose : elle est assimilée à un agent individuel , sans prise en considération de son organisation interne. Elle ne fait que transformer de manière efficiente des facteurs de production en produits et s'adapter mécaniquement à son environnement. Elle est en quelque sorte un objet inexploré, en d'autres termes une boîte noire… A. L'entreprise : "une boîte noire" Dans la théorie néoclassique, le comportement de l'entreprise est assimilé à celui de l'entrepreneur , propriétaire de l'entreprise. L'entrepreneur est un agent rationnel qui cherche à maximiser son profit en minimisant les moyens utilisés . Pour cela, il met en œuvre la combinaison optimale de facteurs de production pour transformer selon une relation technique des flux d'entrée (les inputs) en flux de sortie (les outputs). Cette relation technique est appelée fonction de production . Son profit est maximum lorsque le coût marginal, correspondant à la dernière unité produite, est égal au prix de vente. Remarque : La théorie néoclassique évacue le fonctionnement interne de l'entreprise. Elle n'analyse ni la structure de l'entreprise ni ce qui se passe à l'intérieur. L'entreprise est ainsi considérée comme une " boîte noire " transformant des facteurs de production. L'entreprise est alors réduite à une simple fonction de production . L'économie traditionnelle ne considère donc pas vraiment l'entreprise : la firme y est une « firme point » ou une « firme automate », dotée de réactions parfaitement prévisibles. Elle est conçue comme un organisme réflexe, parfaitement passif, et non comme un véritable acteur pesant sur le cours de choses. Dans ce modèle, la firme n'existe pas en tant que telle. Il n'y a que des individus établissant des relations d'échange entre eux. Ceci explique le fait qu'il n'y a pas de théorie propre de la firme dans l'approche néoclassique qui analyse cette dernière à travers la théorie des prix et de l'allocation des ressources. La place centrale est occupée par la recherche des conditions de l'équilibre général, pour une économie sans friction et donc sans coût de transaction1 . Il s'ensuit que cette théorie a banni de ses préoccupations la stratégie, l'organisation et le management2… Cette vision de la firme se comprend néanmoins si l'on songe à ce qui a été pendant longtemps l'objet central de la micro-économie néoclassique : l'étude des mécanismes de prix. 1 Tout contrat d'achat, de vente ou de sous-traitance implique un coût, puisqu'il faut y consacrer du temps, prévoir l'ensemble des dysfonctionnements possibles, vérifier que le produit livré est conforme à la commande, etc. Dans un certain nombre de cas, il est alors plus rationnel de faire soi-même, au sein de l'entreprise, que de faire faire ou d'acheter. En d'autres termes, l'existence de coûts de transaction explique pour une part l'existence d'organisations qui concentrent en leur sein des tâches qu'elles pourraient confier à des sous-traitants ou à des contractants. (dictionnaire du cédérom Alternatives Economiques , 7 ème édition, octobre 2003, logiciel version 7.0) 2 Martinet Alain Charles, Théories de l'entreprise, management stratégique et réalités des affaires , in Charreaux et al, De nouvelles théories pour gérer l'entreprise , Economica, 1987. B. Les limites de l'analyse néoclassique L'approche en terme de " boîte noire " repose sur des hypothèses réductrices , voire irréalistes : - concurrence et information parfaites ; - divisibilité des facteurs de production ; - rationalité parfaite des agents ; - absence de progrès technique. De plus, le comporte-ment de l'entreprise est assimilé à celui de son propriétaire, lequel est supposé ne poursuivre qu'un seul objectif, la maximisation de son profit. " La théorie néoclassique standard traite comme un agent individuel ce qui est clairement une entité collective, en lui prêtant de plus un principe de comportement, la maximisation du profit, qui est hétérogène au principe d'utilité censé fonder l'ensemble des comportements individuels1 " Il s'agit donc d'une vision très restrictive de la finalité et des buts de l'entreprise qui ne prend pas en compte ni la réalité ni la complexité des comportements. Cette approche présente également l'inconvénient d'utiliser des notions peu utilisées dans les entreprises. Par exemple, le calcul à la marge n'existe pas en comptabilité où seules des grandeurs moyennes sont produites. Le raisonnement en valeurs marginales est cependant pré-sent chez le manager, mais il reste implicite . 1 Coriat B., Weinstein O., Les nouvelles théories de l'entreprise , livre de poche, 1995. C. Le perfectionnement de la théorie néoclassique de l'entreprise Par souci de réalisme et devant l'importance croissante du rôle du management présentant l'entreprise comme une organisation complexe, les écono-mistes ont reformulé plusieurs hypothèses de la théorie néoclassique : - l'hypothèse de concurrence parfaite ; - la maximisation du profit comme objectif unique ; - l'hypothèse de l'information parfaite ; - la rationalité parfaite des agents. 1. La remise en cause de l'hypothèse de concurrence pure et parfaite La situation théorique de concurrence pure et parfaite se caractérise par l'atomicité de l'offre et de la demande (multiplicité des offreurs et des demandeurs). Selon cette hypothèse, une déci-sion individuelle n'a pas d'influence sur le marché et l'entreprise n'a pas de stratégie de prix. Dans la réalité, les décisions prises par un agent économique peuvent affecter la satisfaction des autres. La concurrence est dite alors " imparfaite " Exemple : situation de concentration sur le marché (fusion Carrefour-Promodes, quasimonopole de Microsoft…). 2. Le profit n'est pas toujours maximisé Dès 1933, A . A. Berle et G. C. Means avaient attiré l'attention sur le fait que l'une des caractéristiques de la firme "moderne" était la séparation entre les propriétaires (ou actionnaires détenant le capital de la société) et les dirigeants (managers) salariés de l'entreprise, qui eux mêmes sont à l'origine d'importantes décisions. La séparation croissante entre les propriétaires ou actionnaires et les dirigeants-managers a des effets sur le niveau de profit atteint. Si les détenteurs du capital recherchent la maximisation du profit, les managers peu-vent privilégier leurs propres intérêts (croissance de l'entreprise, prestige personnel). En 1959, l 'auteur américain W. Baumol fait paraître un ouvrage "Business Behavior, Value and Growth" dans lequel il formule l'hypothèse que, dans de nombreuses situations, l'objectif de la firme est avant tout de maximiser les ventes globales de l'entreprise et non le profit. Si les dirigeants estiment que leurs revenus dépendent davantage des ventes que du profit réalisé, ils privilégieront cet objectif. L'hypothèse de Baumol est que, un niveau de bénéfice étant posé et considéré comme suffisant pour assurer le niveau de rémunération minimum attendu par les actionnaires, l'objectif de la firme sera de maximiser ses ventes ce qui peut être assimilé a l'objectif d'accroître (ou au moins de maintenir) ses parts de marché. Depuis que la maximisation du profit n'est plus considérée comme l'unique hypothèse, de nouvelles hypothèses vont être suggérées pour démontrer la diversité des contraintes qui pèsent sur les gestionnaires et pour expliquer leur comportement. Dans son célèbre ouvrage portant sur Le capitalisme managérial, Robin Marris (1964), affirmera que le véritable objectif de la firme est celui de la maximisation de son taux annuel de croissance. Avec cette hypothèse, il prouvera que les vagues de concentration industrielles constatées aux Etats-Unis ayant souvent conduit à la baisse des taux de profit, se justifient plutôt par l'objectif de maximisation de croissance. 3. L 'imperfection de l'information Dans un marché de concur-rence pure et parfaite, les producteurs et les consommateurs ont une connaissance parfaite et sans coûts de l'ensemble des transactions, des prix proposés. Il est désormais plus réaliste de considérer que l'accès à l'information n'est pas gratuit . De plus, à l'intérieur des entreprises, tous les agents ne dispo-sent pas du même niveau d'information, certains agents étant mieux informés que d'autres. Il faut donc prendre en compte les " asymé-tries d'information1 ". 1 Une asymétrie d'informations désigne la situation d'un marché dans lequel une des parties prenantes détient une information que les autres ignorent ou dont ils ne sont pas persuadés. Par exemple, le vendeur d'une voiture en connaît les points faibles, mais peut se garder de les révéler aux acheteurs potentiels, en espérant que ceux-ci ne les remarqueront pas. Cédérom Alternatives Economiques , 7 ème édition, octobre 2003, logiciel version 7.0 4. L'entrepreneur, un acteur doté d'une rationalité limitée Selon le modèle néoclassique, l'individu est caractérisé par un agent choisissant en parfaite connaissance de cause la solution qui lui procure la plus grande satisfaction. Cependant, en réalité, la collecte et le traitement des données sont limités par les capacités intellectuelles de l'homme. Ce dernier ne peut avoir qu'une connaissance approximative des choix possibles. L'homme ne cherche pas alors à atteindre le choix optimal, mais seulement un certain niveau d'aspiration. La rationalité mise en jeu n'est que subjective et relative. C'est la naissance du concept de la rationalité limitée ou procédurale que Simon substitue à la rationalité substantielle de l'approche néoclassique. Des conséquences importantes sur la théorie de la firme… Avant Simon, compte tenu du caractère réducteur du modèle néoclassique de la firme (boîte noire), la distinction entre l'entreprise et l'entrepreneur n'était pas nécessaire. Le seul et unique objectif de la firme était la maximisation du profit. Désormais, l'entrepreneur omniscient de la théorie néoclassique, est remplacé par un ensemble de décideurs qui coopèrent mais dont l'action rationnelle ne peut être que limitée . Le manque de connaissance sur les conséquences de leurs décisions ainsi que leurs liens personnels et sociaux contribuent à cette rationalité limitée. La décision de ces personnes révèle moins la recherche de la meilleure solution que celle du niveau de satisfaction qu'ils désirent atteindre. II. L'approche comportementale de la firme : une rupture décisive Un ouvrage paru au début des années 601 est à l'origine d'une approche dite "behaviouriste" (comportementale). C'est à ces auteurs, R.M. Cyert et J.G. March que l'on doit le passage définitif de la firme "point" à une organisation ou interviennent de nombreux groupes d'intérêt donc impliquant des processus de prise de décision complexes. Coriat-Weinstein (1995) soulignent les trois points essentiels caractérisant l'analyse behaviouriste : La firme est une organisation complexe . "Au total, la firme apparaît comme une coalition de groupes dont le destin est commun mais qui manoeuvrent chacun pour son propre compte". La firme est le lieu de processus de prise de décision et d'apprentissages collectifs . "L'entreprise est ainsi définie comme un lieu de négociations implicites ou ouvertes où se distribuent des récompenses monétaires et non monétaires". Les auteurs soulignent l'importance des procédures organisationnelles et les "routines" mises en place pour faciliter la prise de décision. Le fonctionnement de la firme suppose un " biais managérial " et un " budget discrétionnaire ". Cyert et March mettent en évidence la nécessité de l'existence d'une certaine " réserve de gestion " dont dispose les dirigeants. Cette réserve les aide à convaincre les employés à adhérer aux objectifs de l'entreprise. Finalement Cyert et March considèrent l'entreprise comme une coalition d'individus ou de groupes dont chacun a ses propres aspirations. La firme est analysée comme un ensemble de processus de décisions prises pour résoudre les problèmes qui se posent. Remarque : Deux hypothèses traditionnelles des théories économiques de la firme sont remises en cause par ces auteurs : - celle de la rationalité parfaite , à laquelle Simon oppose l'idée d'une rationalité "limitée", plus réaliste en raison des imperfections de l'information et des limites humaines de capacité de traitement ; - celle de la maximisation du profit , présentée comme objectif unique de l'entreprise ; Cyert et March pensent que cette hypothèse ne tient pas compte de la réalité des comportements réels des agents et de leurs objectifs propres qui ne coïncident pas toujours avec ceux de l'organisation. L'approche comportementale des organisations met l'accent sur des dimensions (sociologique, psychologique, politique) totalement négli-gées dans le modèle économique néoclassique de la firme et marque un processus d'émancipation avec la pensée néoclassique dominante . 1 R. M. CYERT, J. G. MARCH, A Behavioural Theory of the Firm , Prentice Hall, Englewood Cliffs, 1963. III. Vers de nouvelles théories économiques de l'entreprise Coase1, Pionnier des théories de la firme… Comme nous avons pu le montrer précédemment, les économistes néoclassiques se focalisent sur les marchés et leurs mécanismes. Ils laissent par contre de côté les firmes jugées comme des boîtes noires dans lesquelles entrent des ressources et ressortent des biens. Certains les ont tout de même évoqués mais sans réellement se pencher sur le fait qu'à l'intérieur d'une firme c'est un entrepreneur qui assure la coordination et non un mécanisme de prix. Marshall considérait l'organisation comme un facteur de production. Adam Smith attribuait à l'entrepreneur un rôle d'organisateur de la division du travail. Ronald Coase fut le premier à s'intéresser de façon importante à la firme. Il avança le fait que les transactions avaient un coût qui justifiait la création d'une firme . Outre l'attrait « d'être son propre maître » l'entrepreneur décide donc d'avoir recours à la firme pour des raisons économiques. « La principale raison qui rend plus avantageuse la création d'une firme paraît être le fait qu'il existe un coût lié à l'utilisation du mécanisme des prix » 2 (le mécanisme des prix correspondant au marché) Ronald COASE Remarque : Si la firme peut donc s'avérer plus intéressante que le marché. Pourquoi ne trouve t'on pas que des firmes ? Voire une seule et unique firme ? La réponse avancée par Coase est que la fonction d'entrepreneur peut connaître des rendements décroissants. Plus une firme grossit plus augmente le risque d'erreurs . D'autre part les coûts d'organisation tendent à augmenter avec le volume des transactions. A terme la limite de la firme apparaît lorsque les coûts de transactions internes supplémentaires sont égaux aux coûts des transactions sur le marché ou aux coûts de transactions obtenus par un autre entrepreneur (donc une autre firme). Dans le premier cas il convient alors en effet de passer par le marché. Dans le second de déléguer à l'autre entrepreneur (sous traitance). Les grands principes de la théorie de COASE peuvent donc se résumer par les affirmations suivantes : - L'entrepreneur crée une firme (outil de coordination interne) pour répartir les ressources à moindre coût (en économisant par rapport au recours au marché). - Plus on effectue de transactions3 en interne plus la firme grossit. Le fruit de son travail sera repris et donnera naissance à la théorie des coûts de transactions . 1 Né en Angleterre Coase passa une bonne partie de sa vie aux Etats Unis. Diplômé d'économie il s'intéressa tout particulièrement aux firmes et à la logique de leur existence. Son autre domaine de recherche fut également le service public. C'est d'ailleurs grâce à ces travaux dans ces deux domaines et notamment à ses deux ouvrages majeurs : « La Firme , le marché et le droit » et « Le problème de coût social » que l'académie royale de Suède lui attribua le prix Nobel d'économie en 1991. 2 COASE R.H., « The Nature of the firm », in Economica , vol. 4, p. 386, 1937. 3 L'importance de la notion d'unité supplémentaire (ici une transaction) renvoie au raisonnement marginaliste des classiques (Coase étant issu de ce mouvement de pensée). A. La théorie des coûts de transaction (Coase et Williamson) La théorie des coûts de transaction voit dans la firme un mode de réduction des coûts de coordination et de lutte contre l'opportunisme . Elle trouve son origine dans les travaux de Ronald Coase (1937) qui pose les questions suivantes : - Pourquoi, dans le monde réel, contrairement au modèle néo-classique, les marchés n'assurent-ils pas la coordination de l'ensemble des activités économiques ? Autrement dit, pourquoi la firme existe-t-elle ? - Quelles sont les raisons qui poussent une firme à internaliser (ou intégrer) une activité, à en assurer la coordination par le pouvoir hiérarchique, bref à « faire soi-même » plutôt que de « faire faire », c'est-à-dire plutôt que de laisser une autre firme assurer cette activité, en se coordonnant avec elle, via le marché, au moyen du système des prix ? Une activité est intégrée s'il est moins coûteux de la coordonner par la hiérarchie que par le marché . En effet, contrairement aux hypothèses du modèle néo-classique, la coordination par le marché n'est pas gratuite ; les coûts sont liés à la découverte des prix, à la négociation, à la rédaction et à l'exécution des contrats nécessaires aux échanges. L'internalisation réduit les coûts car, en soumettant la coordination des ressources et des activités productives à l'autorité de l'entrepreneur, elle confère une plus grande flexibilité pour s'adapter aux événements imprévus. Par exemple , la gestion d'un travailleur pourra offrir plus de flexibilité si elle passe par un contrat de travail et un statut de salarié, plutôt que par un contrat de louage de services et un statut de travailleur indépendant. Remarque : l'ensemble des activités économiques ne peut pas être réuni au sein d'une seule entreprise –ce qui conduirait à éliminer tous les marchés intermédiaires – car la coordination hiérarchique induit ses propres coûts. Lorsque la firme croît et se complexifie, la coordination hiérarchique perd de son efficacité en raison des capacités limitées des dirigeants et des coûts de la bureaucratie. Oliver Williamson1 (1975, 1985) propose d'analyser l'activité économique à partir de la notion centrale de transaction, dont la firme, le marché et les différents hybrides2 ne représentent que des modes de coordination alternatifs. 1 O. E. WILLIAMSON, Markets and Hierarchies, Analysis and Antitrust Implications, The Free Press, New York, 1975 ; The Economic Institutions of Capitalism, The Free Press, New York, 1985 (Les Institutions économiques du marché, trad. R. Cœurderoy, Éditions d'organisation, Paris, 1994). 2 Un mode hybride de coordination est une forme de compromis entre marché et hiérarchie. Par exemple, l'organisation en réseau peut être analysée comme un mode hybride de coordination (entre marché et hiérarchie) au sein duquel la confiance joue un rôle déterminant. L'avantage du marché c'est la stimulation économique liée à la concurrence. L'avantage de la hiérarchie, c'est l'absence d'opportunisme. L'organisation en réseau est une forme de compromis entre le marché et la hiérarchie pour concilier ces deux avantages. 1. Evaluer les coûts de transaction pour rendre la théorie opérationnelle Le souci d'évaluer les coûts conduit à identifier un certain nombre de dimensions jugées critiques pour caractériser les transactions : - leur fréquence ; - l'incertitude qui les entoure et qui les rend plus ou moins prévisibles ; - la spécificité des actifs qu'elles impliquent. Une fréquence élevée , c'est-à-dire la répétition de transactions similaires, entraîne pour l'agent une familiarité avec les propriétés de cette transaction. Il en résulte un abaissement des coûts de transaction et donc un accroissement du volume des transactions. Cependant, si la fréquence produit des effets non ambigus sur le niveau des coûts de transaction, ses conséquences sur le choix du « mode de coordination » sont moins nets. En effet, d'un côté l'abaissement des coûts de transaction devrait favoriser le recours au marché, mais de l'autre la familiarité avec les caractéristiques des transactions récurrentes facilite le développement de routines dont l'entreprise intégrée peut tirer avantage. Les recherches empiriques ne permettent pas de trancher entre ces deux effets. En ce qui concerne l'incertitude , qui peut être d'origine exogène, due aux états imprévisibles du monde, ou endogène, liée aux comportements stratégiques des partenaires de la transaction, la théorie prédit que l'augmentation du degré d'incertitude se traduit par un accroissement des coûts de transaction liés au recours au marché. Les agents tentent alors de se prémunir contre cette incertitude soit par des contrats plus complexes, soit par l'intégration des transactions dans une entité qu'ils contrôlent. Un actif est spécifique à une transaction si sa réallocation entraîne une perte de valeur ou, autrement dit, s'il n'est pas parfaitement « redéployable ». La spécificité, qui rend les propriétaires des actifs vulnérables à l'interruption d'une transaction, incite les contractants à agir de façon opportuniste. Un tel comportement peut être néfaste à la création de valeur, par exemple en provoquant l'abandon d'investissements mutuellement profitables. 2. Les hypothèses comportementales : rationalité limitée et opportunisme des acteurs Williamson considère que les comportements dépendent de deux critères : - la capacité cognitive limitée des acteurs (à l'instar de Simon) ; - la modalité de recherche d'avantages personnels. Concernant le critère lié à la capacité cognitive, Williamson met l'accent sur le principe de rationalité limitée ou procédurale mis en avant par Herbert Simon. Selon lui, c'est justement le caractère limité des connaissances individuelles qui justifie l'existence des organisations et en particulier de la firme. La rationalité limitée implique notamment l'incomplétude des contrats : de ce fait les conditions du déroulement réel d'une relation contractuelle deviennent fondamentales. L'incomplétude susmentionnée des contrats conduit aussi à des comportements qualifiés d'" opportunistes " par Williamson et représentent la deuxième hypothèse comportementale qu'il a retenue. L'opportunisme signifie que chacun recherche son intérêt personnel en recourant à la ruse et à diverses formes de tricherie. Un tel comportement repose sur l'existence d'asymétries d'information entre les agents. Remarque : Il existe deux formes d'opportunisme : - L'opportunisme ex ante (tricherie lors de la passation d'un contrat). Comportement rendu possible par l'asymétrie d'information entre les parties. - L'opportunisme ex post (tricherie lors de l'exécution du contrat). Comportement susceptible de soulever le problème du risque moral1 (quand il y a impossibilité de prouver si un agent n'a pas respecté ses engagements (ou si la preuve en est trop coûteuse). Les comportements opportunistes augmentent évidemment les coûts de transaction, ils incitent à internaliser la transaction et invitent à réfléchir sur l'efficacité des modes de coordination. 1 Terme d'origine américaine (moral hazard, d'où les traductions de hasard moral, ou d'aléa moral que l'on trouve également) désignant une des conséquences de l'asymétrie d'information : certains opérateurs sur le marché peuvent conserver pour eux une information, si bien que l'échange se révèle inefficace. Le risque moral souligne la difficulté d'obtenir une information fiable et, surtout, le risque de voir les comportements se modifier de façon imprévue lorsque l'offre se modifie. Au fond, le problème posé par le risque moral est de savoir jusqu'à quel point je peux faire confiance aux comportements et aux affirmations des autres. On voit que cela peut mener loin. En tout cas, c'est un des cailloux dans la chaussure des libéraux, puisque le moral hazard est une des causes d'inefficience du marché. Cédérom Alternatives Economiques , 7 ème édition, octobre 2003, logiciel version 7.0 3. Choisir le mode de coordination le plus efficace entre marché et hiérarchie La théorie des coûts de transaction oppose deux formes de coor-dination économique : - l'une, par un système de prix (le marché), qui entraîne des coûts de transaction (coûts de négocia-tion, de conclusion et de surveillance des contrats) ; - l'autre, par la hiérarchie (la firme), qui génère des coûts internes de coordination. Les modes de coordination sont avant tout choisis pour leur capacité de réduire les coûts de l'opportunisme. Au vu de ce critère, la coordination hiérarchique constituerait le mode de coordination le plus efficace. Dans la théorie des coûts de transaction, la coordination par le marché est la référence : le marché est le meilleur mécanisme, sauf lorsque les transactions sont incertaines, fréquentes ou, surtout, spécifiques. Cependant, l'origine de l'efficacité de la coordination par le marché n'est pas précisée et les handicaps de la firme, qui limitent sa taille, ne sont évoqués que de façon sommaire (coûts de la bureaucratie, faible pouvoir incitatif, stratégies d'influence visant à s'approprier la valeur créée). Une évaluation fiable des coûts de la coordination hiérarchique devrait tenir compte de l'imbrication et de l'interdépendance des transactions, autrement dit du caractère systémique de la firme. 4. Une transaction ne doit pas uniquement être considérée comme un coût à réduire Dans la théorie de Williamson, la transaction constitue une friction , un coût à réduire . En 1993, Everaere1 suggère d'accorder une valeur économique au temps consacré à la transaction. La transaction est alors considérée comme un investissement avec une dépense initiale liée au processus d'apprentissage collectif et un enrichissement ultérieur, cognitif et financier, qui peuvent favoriser le développement du projet commun. Zajac et Olsen2 (1993) soulignent que la friction peut être envisagée d'un double point de vue : - comme un coût à réduire ; - comme une source de valeur dans la formation d'une relation. Zajac et Olsen mettent en évidence la dimension processuelle des transactions. Par cet apport, ils enrichissent plus qu'ils ne remettent en cause la théorie des coûts de transaction. 1 Everaere C. (1993), " Des coûts aux investissements de transaction. Pour un renversement de la théorie de Williamson ", Revue Française d'Économie, vol. VIII, n °3, été, pp. 149-203. 2 Zajac E. et Olsen C. (1993), " From transaction cost to transactional value analysis : implications for the study of interorganizational stratégies ", Journal of Management Studies, vol. 30, n °1, janvier, pp. 131-146. B. La théorie des droits de propriété (Alchian et Demsetz) Cette théorie est une nouvelle vision néoclassique de la firme : elle envisage de montrer comment différents types et systèmes de droit de propriété agissent sur le comportement des agents individuels et a fortiori sur le fonctionnement du système économique. 1. Les droits de propriété : le concept proprement dit Selon Alchian , tout échange entre agents est un échange de droits de propriété sur des objets (toute relation entre hommes peut être ramenée à des relations entre des choses). Un droit de propriété est donc « un droit socialement validé à choisir les usages d'un bien économique. » L'économie des droits de propriété distingue plusieurs types de droits de propriété : droits de propriété privée, communaux, collectifs, étatiques, mutuels. C'est l'existence de droits de propriété garantis et aliénables1 sur les produits et les ressources qui sont la condition du fonctionnement des économies décentralisées. Les droits de propriété (privés) ont la fonction primordiale d'assurer aux individus des incitations à créer, conserver et valoriser des actifs. Comme les actifs ont différents attributs pouvant appartenir à des personnes distinctes, il est alors possible que plusieurs agents aient des droits spécifiques sur un même actif. Les droits de propriété sont donc partitionnables, séparables et aliénables . La théorie des droits de propriété est liée à celle des coûts de transaction : si les droits ont un coût de transaction nul (transférables facilement et de manière sûre), l'équilibre économique réalisé après allocation des ressources est efficient quelque soit la répartition initiale. Mais comme il existe des coûts de transaction, la forme d'organisation des droits de propriété n'est pas indifférente. 1 Qui peut être transféré à un autre. 2. Une théorie de la firme fondée sur les droits de propriété La firme peut être considérée comme un ensemble de contrats qui établissent une certaine structure des droits de propriété. Celle-ci doit lui permettre à la fois de profiter des avantages de la spécialisation et d'assurer un système d'incitation et de contrôle efficace. Alchian et Demsetz1 analysent en particulier deux types d'entreprise, la firme capitaliste classique et la société anonyme. La firme est une forme d'organisation efficiente du travail en équipe : il est impossible ou coûteux de mesurer les productivités marginales de chacun. Dès lors un comportement de free rider2 est possible. our Alchian et Demsetz , la solution est de charger un agent (le « moniteur ») de contrôler les performances des membres de l'équipe, ayant 1 ALCHIAN A., DEMSETZ H. (1972), "Production, information costs, and economic organization", American Economic Review , vol. 62, p. 777-795. 2 Individu qui profite d'une situation sans contribuer. On parle également de cavalier libre. Celui-ci est incité à surveiller efficacement parce qu'il détient le droit de créancier résiduel (il perçoit ce qui reste une fois payés les fournisseurs et les membres de l'équipe). Il s'agit donc en fait du propriétaire-employeur d'une firme classique : le phénomène de salariat est ainsi la seule structure permettant de résoudre les problèmes d'aléa moral liés à la production en équipe. Remarque : L'existence de sociétés anonymes semble aller à l'encontre de l'analyse par les droits de propriété. En fait, pour Alchian , la S.A. est bien une forme d'organisation efficiente car elle est adaptée à la spécialisation à grande échelle et aux équipes de grande taille. La Société Anonyme correspond à 3 critères : - Une existence légale distincte de celle de ses membres ; - la cotation en Bourse ; - une responsabilité limitée des détenteurs de parts. Cette organisation permet d'exploiter le caractère aliénable et partitionnable (c'est-à-dire que plusieurs individus peuvent avoir des droits sur un même bien) des droits de propriété. 3. Une vision critique des formes d'organisation des entreprises publiques Les représentants de la théorie des droits de propriété stipulent que c'est le système de droits de propriété privés qui constitue la forme supérieure de propriété, les autres formes conduisent à des pertes d'efficience. Ils critiquent notamment les formes d'organisation des entreprises publiques qui impliquent une dégradation des droits de propriété et conduisent en fin de compte à la déficience des mécanismes d'incitation. L'inefficacité de l'entreprise publique est liée à plusieurs facteurs dont le principal est la situation du gestionnaire d'une telle firme qui, ne bénéficiant pas de rendement résiduel, ne dépend plus du système incitatif qui assure l'efficacité de la firme classique. Une question se pose alors : comment pourrait-on assurer la surveillance du gestionnaire public ? Pour Benjamin Coriat et Olivier Weinstein , cette question touche au fonctionnement du système politique. Ces auteurs attirent l'attention sur le fait que bien que les rapports entre l'État, ou les "citoyens", et le manager public puissent être vus comme similaires aux rapports entre actionnaires et managers de la société privée, il y a pourtant une différence notable entre les deux systèmes : l'État ou le citoyen ne peut pas céder ses droits sur la firme publique . C'est cette différence qui expliquerait les carences des contrôles et des incitations pesant sur le gestionnaire public, et à plus forte raison les dérives bureaucratiques et l'inefficience de la firme publique . Dans le cadre de la théorie des droits de propriété, la firme est ainsi définie par un ensemble de droits de propriété, qui définissent les statuts et les relations entre ses membres . L'objectif de cette théorie est de démontrer que la firme est une organisation efficiente, car elle permet de mettre en commun certains droits de propriété, et de bénéficier de certains avantages, tels que des économies d'échelle ou des externalités positives 1 (par exemple certaines machines ne peuvent être effica-cement mises en oeuvre que dans le cadre d'un travail collectif). Il est important de noter que dans la théorie des droits de propriété, la firme ne s'oppose pas au marché, mais elle en prolonge la logique puisque la firme est elle-même un lieu d'échange de droits de propriété . 1 Avantage dont quelqu'un profite sans avoir eu à en supporter le coût. (dictionnaire du cédérom Alternatives Economiques , 7 ème édition, octobre 2003, logiciel version 7.0). C. La théorie de l'agence (Jensen et Meckling) La théorie de l'agence constitue aujourd'hui le cadre d'analyse dominant des formes d'organisations économiques, et plus particulièrement de la firme, proposé par les développements néoclassiques récents. La théorie de l'agence analyse l'entreprise comme un ensemble spécifique de contrats définis par les interactions entre acteurs économiques qui peuvent avoir des intérêts divergents. 1. Le cadre d'analyse : la relation d'agence Dans un ouvrage publié en 1932, Berle et Means1 évoquent à nouveau le problème de la relation entre propriétaires et gestionnaire-dirigeant d'une société par actions qui avait déjà été soulevé par Adam Smith : " Les directeurs de ces sortes de compagnies étant les régisseurs de l'argent d'autrui plutôt que de leur propre argent, on ne peut guère s'attendre qu'ils y apportent cette vigilance exacte et soucieuse que les associés d'une société apportent souvent dans le maniement de leurs fonds. (...) Les compagnies par actions (...) ont rarement été en état de soutenir la concurrence contre les particuliers qui se sont aventurés dans le même commerce. " Remarque : l'histoire lui a donné tort car les sociétés par actions ont fini par surclasser les entreprises individuelles dans la plupart des domaines où elles ont été en concurrence 2. La relation entre propriétaires et gestionnaire-dirigeant marque la première forme mise à jour de relation d'agence. La définition la plus classique d'une relation d'agence est donnée par Jensen et Meckling3, dans un article de 1976 : " Nous définissons une relation d'agence comme un contrat par lequel une (ou plusieurs) personne (le principal) engage une autre personne (l'agent) pour exécuter en son nom une tâche quelconque qui implique une délégation d'un certain pouvoir de décision à l'agent ". Cette relation recouvre en fait toute relation entre deux individus telle que la situation de l'un dépende d'une action de l'autre : l'individu qui agit est l'agent, la partie affectée est le principal. Ainsi on parle aussi de relation principal-agent . Les problèmes qu'étudie la théorie de l'agence n'apparaissent cependant que dans la mesure où les intérêts des deux parties peuvent diverger, et surtout où il y a information imparfaite et asymétrie d'information entre les parties. La relation d'agence se caractérise alors par l'existence d'un " risque moral " car dans la majorité des cas l'agent est mieux renseigné que le principal sur la mission qu'il est tenu d'accomplir et il va chercher à tirer profit de cette asymétrie pour maximiser son utilité aux dépens de celui-ci. Ces problèmes d'information ne sont pas sans conséquences : le contrat liant les parties est incomplet et le principal ne dispose pas des moyens qui lui permettrait de contrôler parfaitement et "gratuitement" l'action de l'agent. La théorie de l'agence suppose que les parties cherchent chacune à maximiser leur utilité et qu'elles anticipent l'effet d'une relation d'agence sur ses résultats futurs selon une rationalité parfaite. Les intérêts des parties étant rarement convergents, la chance est ainsi faible que l'agent agisse spontanément selon les intérêts du principal. Pour limiter les divergences, le principal devra chercher à mettre en place un système d'incitation adéquat et aussi un système de surveillance afin de limiter les comportements opportunistes de l'agent. La mise en place de ces systèmes génère des coûts. 1 BERLE A.A., G.C. MEANS, 1932, The Modern Corporation and Private Property , Macmillan , New York . 2 La plupart, mais non tous : dans l'agriculture, par exemple, l'exploitation individuelle s'est toujours révélée plus performante que la société par actions. 3 JENSEN M.C., W.H. MECKLING, 1976 : " Theory of the firm : managerial behavior, agency costs, and ownership structure ", Journal of Financial Economics , vol. 3, n° 4, pp. 305-360. 2. Les coûts d'agence Les coûts d'agence sont des dépenses monétaires et non-monétaires que les deux parties doivent supporter impérativement pour mettre en place des systèmes d'obligation et de contrôle. Jensen et Meckling distinguent trois catégories de coûts d'agence : - les dépenses de surveillance et d'incitation que le principal devra inévitablement mettre en œuvre pour s'assurer un comportement de l'agent qui lui est favorable ; - les " coûts d'obligation " supportés par l'agent, c'est-à-dire les dépenses qu'il engagera éventuellement pour pouvoir garantir qu'il ne fera pas certaines opérations désavantageuses pour le principal (ces coûts pourront servir, si nécessaire, à dédommager ce dernier) ; - la perte dite "résiduelle" : dans la plupart des cas il y aura une différence entre le rendement de l'opération réalisée par l'agent pour le principal et ce qu'aurait donné un comportement "optimal" (qui aurait conduit à une maximisation effective du bien-être du principal). Ce coût ne correspond pas à une dépense effective mais à un coût d'opportunité pour le principal. Le problème est donc de réduire autant que possible ces coûts d'agence. Tout va dépendre de la complexité de l'organisation. Deux cas sont à envisager : 1 er cas : si, pour faire fonctionner l'entreprise, une seule personne peut maîtriser l'ensemble des informations nécessaires, il serait absurde de les répartir entre plusieurs. Mais le fait que cette personne détienne toute l'information la rend susceptible de pratiquer avec succès l'opportunisme. Il est également aberrant d'établir une relation d'agence entre les apporteurs de capital et le gestionnaire dans le cas où ce dernier apporte les fonds nécessaires et dirige l'entreprise pour son propre compte. Comme personne n'est omniscient, il est possible que cette concentration du pouvoir entre les mains d'une seule personne soit moins performante que si, pour chacune des fonctions, il avait été fait appel à des spécialistes salariés. Mais, en contrepartie de cette perte relative d'efficacité, on économise des coûts d'agence . Pour ce type d'organisation, la forme " entreprise individuelle " ou la petite société , avec un seul dirigeant apportant à la fois l'essentiel des fonds et la compétence technique, est la plus rationnelle. 2 ème cas : si l'organisation devient complexe et qu'une seule personne ne peut pas raisonnablement maîtriser l'ensemble des informations nécessaires à la bonne marche de l'entreprise, l'embauche de spécialistes devient nécessaire. En raison de la spécificité de leurs tâches et du fait qu'ils disposent d'une information que les autres n'ont pas, il va s'établir une relation d'agence entre eux et le ou les apporteurs de fonds. Ces derniers assument alors les risques résiduels (les capitaux qu'ils apportent sont susceptibles d'être perdus si l'entreprise fait des pertes), tandis que ce sont d'autres (les spécialistes) qui prennent les décisions. Les coûts d'agence sont donc potentiellement élevés, et sont la contrepartie de la spécialisation des tâches engendrée par la complexité de l'organisation . Pour réduire les coûts potentiels, il faut alors mettre en place des systèmes de rémunération incitatifs, amenant les agents à agir dans l'intérêt des principaux : rémunérations variables, mécanismes d'intéressement ou de primes conditionnelles, participation aux résultats, stock-options... 3. Une théorie qui légitime le marché La théorie de l'agence peut se résumer de la façon suivante : pour faire converger les intérêts des différentes parties prenantes dans l'entreprise, des systèmes de rémunération appropriés sont préférables à la multiplication de contrôles coûteux, stimuler vaut mieux que contraindre . La théorie de l'agence s'inscrit dans les conceptions libérales de Hayek : le marché, quand il fonctionne librement, finit toujours par faire émerger les meilleures solutions et éliminer les moins bonnes, par un gigantesque jeu de tri et d'erreurs. L'entreprise en tant que système hiérarchique organisé n'existe pas. Chacun passe librement contrat avec d'autres pour apporter sa contribution spécifique. L'entreprise se réduit à un noeud de contrats , auquel chacun participe librement parce que tel est son intérêt. Les notions de subordination, de rapports de force, de conflit n'existent pas. Seul existe l'échange de volontés caractéristique du contrat. L'entreprise n'est que la continuation du marché : un lieu où l'on apporte quelque chose en vue d'en retirer autre chose. Finalement, la notion même de firme perd beaucoup de son sens, Meckling affirmant même que « la firme, c'est le marché .» D. L'approche dite « évolutionniste » de la firme (Nelson et Winter) À côté des théories de la firme qui conçoivent cette dernière comme " un processeur d'information ", un ensemble d'approches nouvelles prend aujourd'hui de l'épaisseur en portant un regard différent sur la constitution des firmes, en privilégiant une hypothèse commune : l'attribut essentiel de la firme est constitué par "ses compétences" ou ses "capacités organisationnelles" qui se construisent avec le temps. Cette approche dite " évolutionniste " possède un socle commun avec la théorie comportementale, dont elle constitue, à certains égards, une extension. Elle partage notamment la même vision de la connaissance et de la rationalité et accorde également une place centrale à la notion de routine1. Néanmoins, au contraire de la théorie comportementale, centrée sur le comportement interne de la firme, la théorie évolutionniste de Richard Nelson et Sydney Winter2 (1982) propose une analyse à long terme du comportement d'adaptation des firmes à l'intérieur de leur industrie, l'adaptation se faisant par un processus aléatoire de recherche de nouvelles routines plus rentables. L'objectif est de donner une base microéconomique à la notion de concurrence fondée sur l'innovation. La firme évolutionniste se définit ainsi à partir des connaissances obtenues par l'apprentissage , qui constituent la mémoire organisationnelle stockée dans les routines. Pour la théorie évolutionniste, la firme est un répertoire de connaissance productive . 1 Les routines peuvent être définies comme le savoir-faire ou les compétences de la firme. Ces compétences sont composées de multiples sous-compétences. Dans le meilleur des cas (ou dans le cas idéal) il faut que face à une situation donnée, les acteurs de la firme donnent des réponses quasi-automatiques. Compte tenu cependant du fait que d'une part l'individu est limité dans ces connaissances, d'autres part les interactions entre les comportements individuels sont complexes, pour qu'une firme survive, il faut qu'elle dispose des routines nécessaires pour faire face aux changements (de son environnement). Ces routines sont le résultat d'un ensemble d'apprentissages qui conduisent par assurer des formes de réponses adéquates. 2 R. R. NELSON, S. G. WINTER, An Evolutionary Theory of Economic Change, Harvard University Press, Cambridge ( Mass. ), 1982. 1. Présentation de l'approche évolutionniste de la firme Pour les tenants de l'approche évolutionniste, les phénomènes d'apprentissage et d'accumulation de savoirs tiennent une place essentielle dans le développement des firmes. Selon l'expression de Nelson (1991), l'analyse invite à placer au cœur de la constitution des firmes, l a création de connaissances nouvelles et les procédures d'apprentissage . L'approche évolutionniste de la firme se distingue tout d'abord par l'utilisation des principes constitutifs de toute théorie de l'évolution qui privilégie l'interaction des mécanismes générateurs de diversité avec des mécanismes de sélection . Plus précisément, l'approche évolutionniste de la firme retient comme principes : - premièrement la permanence ou l'hérédité, des "routines" qui représentent les véritables gènes biologiques de la firme ; ils sont assimilables à des programmes ou des modèles d'activité répétitifs assurant le lien entre les comportements individuels et leur prédictivité ; - deuxièmement, la variation ou la mutation des comportements de "searching"1 des firmes qui sont à la base des mécanismes générateurs de diversité ; plus particulièrement à travers la mise en œuvre de processus d'innovation ; - enfin, des filtres de l'évolution , des mécanismes de "sélection" agissant sur les "gènes-routines" et/ou sur les "mutations-searching", ces mécanismes de mutation dépendant de la nature de l'environnement dans lequel la firme évolue ; dans cette analyse le marché est, par exemple, un mécanisme de sélection parmi d'autres. À côté de ces principes de base propres à toute théorie évolutionniste, l'approche évolutionniste de la firme se caractérise par la reconnaissance du rôle essentiel attribué aux mécanismes cognitifs2. Ceux-ci impliquent le développement d'une base collective de connaissances , la définition d'un ensemble de règles, de codes et de langages communs aux acteurs de l'entreprise. À partir de la notion de routines, l'approche évolutionniste peut définir le concept central de " compétences " qui met en évidence les aspects stratégiques de la firme et son degré de pertinence par rapport à l'environnement extérieur. Les compétences constituent à la fois des ensembles compacts de connaissances et des capacités de combinaisons de ces connaissances . Remarque : Lorsque sur une compétence donnée, la firme dispose par rapport à la concurrence d'un avantage concurrentiel soutenable, on dit que la compétence est " foncière ", au sens de Teece (1988) 3. Toute la dimension stratégique de l'entreprise revient alors à constituer et sélectionner les compétences foncières sur la base des connaissances productives préalablement acquises dans la résolution de problèmes . Celles-ci sont sélectionnées selon la vision ou représentation mentale que l'entrepreneur a de l'environnement de la firme. La notion de compétence tient donc une place centrale dans la théorie évolutionniste de la firme. Comme le soulignent Coriat et Weinstein (1995), l'approche évolutionniste de la firme permet de donner une explication de la définition des firmes à partir de l'ensemble des compétences qu'elles renferment ; de la différence entre firmes avec l'intégration des routines qui sont spécifiques aux firmes et intransférables ; elles sont la base de la différentiation ; de l'évolution des firmes, entre autres par les mécanismes de searching, mais aussi par le jeu d'autres phénomènes évolutionnistes comme la transformation possible des actifs secondaires en actifs principaux à la suite d'opportunités stratégiques. La firme est essentiellement conçue comme un lieu d'agencement, de construction, de sélection et d'entretien de compétences. Remarque : Comme toute organisation, la firme évolutionniste traite l'information (la résolution de problèmes suppose le traitement d'informations). Mais ce qui importe, c'est le mécanisme de production de connaissances issues du traitement de l'information, puis la manière dont ces connaissances se cristallisent dans des compétences nouvelles. Le processus de création de connaissances nouvelles est donc bien central et dépend fortement du contexte organisationnel dans lequel il s'inscrit. Comme le souligne D. Llerena (1996) 4, " dans la mesure où les processus d'apprentissage individuel sont fortement tributaires du contexte et de l'engagement des individus dans les activités cognitives, l'évolution des connaissances au sein de la firme ne peut être appréhendée sans tenir compte du contexte organisationnel dans lequel s'insèrent les individus. Ce contexte guide les activités cognitives des membres de l'organisation et détermine la variété des cadres d'interprétation " ; en particulier en définissant la circulation des informations, les tâches et les possibilités d'interactions, les rapports hiérarchiques et les relations d'autorité. L'un des obstacles majeurs aux processus d'apprentissages collectifs est la difficulté de circulation des connaissances entre les membres de l'organisation, en raison de l'importance parfois excessive du caractère tacite5 des connaissances. Dans ce contexte, Nonaka (1994) préconise la multiplication de la circulation entre savoirs tacites et savoirs codifiés afin de "déployer" l'apprentissage dans des conditions satisfaisantes. 1Scrutateur (qui examine). 2Un mécanisme est dit cognitif si il intervient dans la cognition c'est-à-dire la capacité à connaître. 3D. J. TEECE, « Technological change and the nature of the firm », In G. Dosi, C. Freeman, R. Nelson, G. Silverberg, L. Soete (eds), Technical change and economic theory, Londres, Francis Pinter, and New York, Columbia University Press, 1988. 4D. LLERENA, "The performance of organization and learning : laboratory evidence" (avec Marc Willinger), Colloque L'Evolutionnisme : Fondements, perspectives et réalisations, Sorbonne, Paris I, 19-20 septembre 1996. 5Une connaissance tacite est un savoir non formalisé préalablement et enraciné dans l'action et les routines de travail. Chaque individu met en œuvre un savoir tacite sans y penser et le partage avec ses collègues de façon aléatoire. 2. Une théorie qui admet quelques limites On peut reprocher à l'approche évolutionniste de la firme le manque de référence aux conditions historiques dans le processus d'innovations organisationnelles. Les compétences et capacités organisationnelles de la firme sont ramenées aux limites cognitives des individus qui composent la firme et qui y agissent. On procède ainsi à une surestimation des processus mentaux dans la représentation du monde perçue par les agents, dans la formation de leurs routines comportementales et dans la modification de celles-ci dans le temps (" cognitivisme "). On peut remarquer également que dans l'approche évolutionniste il n'y a pas de prise en compte ni des oppositions d'intérêts entre managers et actionnaires ni de celles existant entre capital et salariat . Dans la critique développée par Coriat-Weinstein (1995), les auteurs soulignent que les évolutionnistes à tord – définissent les routines comme résultant de "trêves", or la plupart des routines essentielles résultent au contraire de conflits majeurs pour les imposer. De plus, à l'origine, la théorie évolutionniste représente plus une théorie du secteur industriel qu'une théorie de la firme. Par ailleurs, le caractère déterministe des routines conduit à sous-estimer la latitude et le comportement proactif des dirigeants en matière stratégique. Cependant, ce courant se développe de façon à proposer une véritable théorie de la firme, au sein de laquelle la notion d'apprentissage occupe une place centrale. L'approche évolutionniste se trouve ainsi à l'origine des études et recherches récentes portant sur la capitalisation des savoirs et savoir-faire couramment appelée Knowledge Management. E. Le Knowledge Management : un prolongement pratique de la firme évolutionniste " Dans l'entreprise moderne, la colonne "moyens de production" ne possède plus qu'une seule entrée. C'est petit, gris et cela pèse 1,3 kg en moyenne : le cerveau est devenu le moyen de production de notre époque1 " Le Knowledge Management devient un thème majeur, et une pratique de plus en plus courante pour les organisations, publiques ou privées, car il rime avec les enjeux du nouveau contexte technologique et économique. 1Funky Business , par K. Nordström et J. Riddersträle, éd. Village mondial, 2000, p. 17. 1. Définition et contenu Pour les anglo-saxons, le « Knowledge Management » peut se définir comme la création de valeur ajoutée à partir de la mobilisation des actifs immatériels. En France, on distingue trois aspects : - La transmission de la mémoire qui consiste à consigner l'expertise d'un individu pour permettre la transmission de ses savoirs à la collectivité ; - La connaissance et la mobilisation optimale , dès que le besoin se présente, des savoirs individuels des salariés (par exemple, un salarié parle le chinois ; à un moment donné, le besoin de traduire un courrier, un fax, se fait sentir. On explorera d'abord les ressources internes à l'entreprise avant de faire appel à un traducteur extérieur. Dans une certaine mesure, la GRH et la GPRH1ont abordé ce besoin, en créant des bases de données dans lesquelles sont décrits les CV et les compétences des individus). - L'élaboration, le partage, la diffusion des savoir-faire collectifs propre à l'entreprise (il s'agit de modéliser et de systématiser les savoirs qui font la valeur ajoutée de l'entreprise. Par exemple, les opérateurs d'un centre d'appel avaient une compétence technique limitée, et devaient, dans 80 % des communications, renvoyer les appels à des experts. Une base de données collective a alors été créée qui permettait de capitaliser l'expérience des différents opérateurs et d'incorporer les réponses des experts. Au bout de deux ans, les opérateurs pouvaient répondre directement à 64 % des appels. Ce transfert de compétences s'est fait à la satisfaction des deux parties. Les opérateurs avaient beaucoup moins d'appels à transférer et étaient satisfaits de ne plus passer pour incompétents. De leur côté, les experts n'avaient plus besoin d'intervenir pour les problèmes simples. Cette approche n'est pas en soi nouvelle. On peut citer le benchmarking2, la notion de « best practices », ou encore la culture d'entreprise comme autant d'éléments précurseurs du « Knowledge management » dans ce domaine. Remarque : Organiser et piloter la capitalisation et le partage du savoir devient un véritable métier , associant maîtrise d'outils techniques complexes et savoir-faire managérial. C'est pourquoi quelques (grandes) entreprises ont déjà mis en place des knowledge managers . Ils sont choisis notamment pour leurs qualités de négociateur, car ils devront souvent faire preuve de patience et de persuasion. 1 Gestion des ressources humaines, Gestion prévisionnelle des ressources humaines. 2 "Le Benchmarking" est la méthodologie qui consiste à rechercher en permanence les meilleures pratiques afin d'adopter, ou d'adapter leurs aspects positifs et de les mettre en œuvre pour devenir le meilleur des meilleurs. 2. Les deux utilisations stratégiques du Knowledge Management Selon une étude menée pour la Harvard Business Review 1 auprès de cabinets conseils et d'autres entreprises, on peut distinguer la « stratégie de codification » et la « stratégie de personnalisation ». Dans la stratégie de codification , la codification des données et l'utilisation de l'outil informatique (bases de données, systèmes de Geide 2, workflow 3, etc.) occupent une place importante. Il s'agit de pousser à son terme la logique de reproductibilité en systématisant les routines, et d'utiliser les technologies de l'information pour favoriser la duplication et le partage des données. Ceci implique effectivement que l'organisation de l'information soit suffisamment auto-référente , pour pouvoir être détachée d'un utilisateur singulier, et appropriée par n'importe quel consultant se connectant au système. Cela exige donc un important travail en amont pour préparer les supports d'information, les structurer, les informatiser etc. C'est la méthode suivie par exemple par Ernst & Young dans son Center for Business Knowledge. La stratégie de personnalisation vise des savoirs moins duplicables, où la part de connaissance implicite est plus importante, et dont le partage est basé sur une forte personnalisation. Ceci implique un partage à la demande, en fonction du besoin lorsqu'un problème nouveau se déclare. Dans cette perspective, il est moins important de mettre la main sur un document que sur le nom d'un expert que l'on pourra consulter. Dans le cadre de la stratégie de codification , on fait confiance à la formalisation pour assurer le partage et la transmission de l'information, en se basant sur un fort appareillage technologique . Dans le cadre de la stratégie de personnalisation , on vise la créativité par l'échange permanent d'informations entre les individus . Remarque : les modes de recrutement de ces cabinets diffèrent, les premiers (stratégie de codification) recrutent des diplômés de premier cycle qu'ils forment ensuite en interne à la reproduction des procédures et des pratiques ; les seconds (stratégie de personnalisation) recrutent à plus haut niveau des individus capables de théoriser une expérience et de la transmettre à ses pairs. Mais ce qui différencie le plus ces deux types d'entreprises, c'est leur rapport à l'innovation. Les entreprises du premier type ont développé un savoir-faire certain dans la capacité à modéliser , à reproduire et réutiliser des recettes qui marchent ; à l'inverse, elles sont peu à l'aise dans l'innovation conceptuelle et la mise au point de nouvelles méthodes. Les secondes, au contraire, élaborent de nouvelles méthodes et de nouveaux concepts, mais qui sont en permanence adaptés et adaptables aux besoins nouveaux du client, donc peu réutilisables. 1 Hansen, Nohria, Tierney, What's your strategy for managing knowledge ? Harvard Business Review, Mars-Avril 1999. 2 Gestion électronique de l'information et des documents existants. 3 Ensemble de logiciels pro-actifs qui permettent de gérer les procédures de travail, de coordonner les charges et les ressources et de superviser le déroulement des tâches. 3. Vers une théorie de la création des connaissances à caractère évolutionniste Le modèle de création des connaissances repose sur la distinction entre savoir tacite et savoir explicite . Remarque : La notion de connaissance « tacite » a été popularisée par Ikuchiro Nonaka . Cette notion a d'abord été élaborée par Karl Polanyi pour désigner le mode de transmission des savoirs scientifiques entre générations à l'intérieur des laboratoires. Thomas Kühn s'en est ensuite servi pour élaborer ses notions de « science normale » et de « révolution scientifique ». Dans la mesure où ils ne sont pas préalablement formalisés, les savoirs tacites représentent l'un des cœurs de cible des préoccupations et des méthodes du knowledge management. Le savoir tacite est enraciné dans l'action, dans les routines, dans un contexte spécifique (ce qui peut donner la productivité personnelle au niveau individuel et l'avantage concurrentiel au niveau de l'entreprise). Chaque individu met en œuvre un savoir tacite sans y penser et le partage avec ses collègues de façon très aléatoire, selon les relations qu'il entretient avec eux, leur proximité géographique et la façon dont le travail est organisé. Le savoir explicite est la connaissance codifiée, transmissible en un langage formel et systématique (production de données au niveau individuel, et gestion électronique documentaire au niveau de l'entreprise). Dans une entreprise, la création de la connaissance intervient à trois niveaux et se sert de quatre modes de conversion : Les niveaux Au niveau individuel, l'autonomie pour expérimenter; Au niveau du groupe, l'interaction et le dialogue Au niveau de l'entreprise, la compétition pour l'accès aux ressources. Les modes de conversion ● ● ● ● Socialisation , du savoir tacite au savoir tacite (la partage sur le lieu du travail, l'apprentissage) Articulation , du savoir tacite au savoir explicite (métaphores, concepts, hypothèses, modèles, analogies). Combinaison , des savoirs explicites (gestion électronique documentaire, réseaux des connaissances) Intériorisation , du savoir explicite au savoir tacite à un niveau plus élevé (l'organisation apprenante). Remarque : Le processus de création de la connaissance se joue dans les différentes circulations entre l'individu et le collectif, entre savoir tacite et savoir explicite ainsi que l'illustre le schéma suivant. La théorie de la création de la connaissance développée par Nonaka et Takeuchi (1995)1 considère que la fonction première de l'entreprise est de créer un avantage concurrentiel basé sur le savoir collectif et que le rôle des managers est d'orienter les activités de création de la connaissance. 1 NONAKA I., TAKEUCHI H., 1995 : The Knowledge-Creating Company: How Japanese Companies Create the Dynamics of Innovation, Oxford University Press. 4. Les limites du Knowledge Management Parmi les difficultés que l'on peut rencontrer dans la mise au point d'une démarche de Knowledge Management, on peut noter les écueils suivants : Cas où l'information ou la connaissance est peu formalisable . Tous les savoirs ne sont pas modélisables et formalisables au même degré. Dans bon nombre de procédures, l'importance de la pratique gestuelle , des savoirs informels sont considérables. Leur consignation sous forme de procédures fixées et réutilisables n'est pas forcément possible ni souhaitable. Ex. : savoir raboter correctement une planche ne s'apprend pas dans un manuel, ni sur un CD-Rom multimédia, mais dans l'atelier, aux côtés d'un menuisier confirmé. Trop de formalisation paralyse l'innovation . Apprendre, ou connaître, ce n'est pas forcément toujours se glisser dans des schémas pré-établis, mais parfois au contraire se laisser surprendre par des événements qui suscitent la curiosité, l'interrogation, et le désir de connaissance. Si l'organisation fige le transfert des connaissances dans des cadres trop rigides et des procédures trop formelles, elle interdira à l'individu et au corps social d'explorer les brèches ouvertes par l'événement inattendu. Les anglo-saxons ont un mot pour désigner cela : la serendipity ou découverte hasardeuse et inattendue . Faut-il encore que le contexte organisationnel et culturel permette d'exploiter cette découverte… Jusqu'où l'expérience peut-elle réellement se transmettre ? Dans certains cas, on a beau savoir quelles sont ou quelles peuvent être les conséquences de ses actes, seule la réitération personnelle de l'expérience (et des déboires qu'elle peut entraîner) joue un rôle véritable d'enseignement. Sinon, il n'y aurait jamais de conflit de génération, jamais de conflit professeur/élève, etc. Or, on sait bien que la parole ne suffit pas toujours à convaincre. L'erreur peut également être source d'enseignement. Il est donc en partie illusoire d'imaginer qu'une codification parfaite des expériences passées suffit à garantir leur application. Comme nous avons pu le vérifier, le Knowledge Management vise principalement à repousser la frontière entre le tacite et le codifié. Depuis l'invention du management scientifique, l'entreprise cherche toujours à prendre le contrôle des connaissances tacites qui sont gravées dans le cerveau des travailleurs expérimentés. Le knowledge management est à la fois plus que la simple gestion d'information, et en même temps il ne peut pas se passer des techniques classiques élaborées par les sciences de l'information pour décrire et gérer celle-ci : description, formalisation, structuration, etc. Si le Knowledge Management est aujourd'hui porteur de solutions nouvelles, c'est avant tout parce qu'il reflète une volonté de raisonner sous un angle global, transversal et de prendre en compte les différentes facettes de la gestion des compétences et savoir-faire acquis par les différents acteurs au sein des entreprises. CONCLUSION À l'intérieur du courant standard (néoclassique), plusieurs « théories de la firme » ont été proposées. Pour répondre à la question « Pourquoi les entreprises existent-elles? », la théorie des coûts de transaction. Pour répondre à la question « Comment fonctionnent-elles? », la théorie de l'agence. Pour qui part d'une connaissance empirique des entreprises, ou est familier avec les travaux des chercheurs en gestion, chacune de ces écoles apporte un éclairage utile sur un de leurs aspects. Ce sont bien les organisations complexes que décrivent Cyert et March , où se prennent des décisions conformes à l'image de la rationalité limitée de Simon , pour atteindre des objectifs ambigus comme le souligne Baumol et évoluent en adaptant le catalogue de routines qui définit leur comportement, ainsi que le disent Nelson et Winter . La théorie des coûts de transaction ( Coase , Williamson ) permet d'étudier les frontières de la firme avec son environnement. La théorie de l'agence et des droits de propriété (Jensen, Meckling, Demsetz, Alchian) éclaire les relations entre les agents qui les composent. Relier ces théories entre elles devrait suffire pour donner une base solide à une représentation correcte de l'entreprise. Cette reconstruction permettrait notamment de réconcilier l'économie avec les disciplines de terrain telles que la gestion, le management, ou la stratégie... La construction d'une théorie générale de la firme : réalité ou simple utopie ? Rien ne permet de penser que ces théories sont incompatibles entre elles, ce qui serait le cas si elles proposaient des réponses différentes aux mêmes questions. Elles sont plutôt indépendantes en ce qu'elles concernent des questions différentes, qui toutes se posent à propos de l'entreprise. Pour cette raison, leur cohérence n'est pas donnée a priori . Elle demanderait la construction d'un cadre conceptuel commun et l'ajustement de chaque théorie à ce cadre et aux autres . Ce travail de mise en cohérence reste à faire, mais rien ne peut laisser supposer qu'il est impossible. Néanmoins, il est peu probable de voir un jour toutes ces théories partielles réunies en une théorie générale de l'entreprise et ce pour la raison suivante : Chaque théorie de la firme s'éloigne de l'économie standard sur un point particulier, et n'est valide que si on renonce à une des hypothèses constitutives de la théorie standard. Pour les réunir, il faudrait renoncer simultanément à toutes ces hypothèses, et il ne resterait pratiquement rien de la théorie standard à laquelle adhère le courant dominant de la pensée économique. Force est donc d'admettre que le paradigme 1 dominant de la discipline économique exclut par construction l'entreprise, et conduit donc dans une impasse cognitive. 1Dans son ouvrage sur la Structure des révolutions scientifiques (traduction française, Paris, 1972), l'historien des sciences et épistémologue Thomas Kuhn caractérise comme paradigme de la science à une époque donnée un ensemble de convictions qui sont partagées par la communauté scientifique mondiale. QUESTIONS RELATIVES A LA SEQUENCE 1 Question n°1 : Dans l'approche de l'entreprise de Ronald Coase, quel est le critère sur lequel l'entrepreneur se base pour décider d'internaliser ou d'externaliser une activité particulière ? Réponse 1 : RH. Coase propose d'expliquer l'émergence de l'entreprise par l'existence de coûts de transaction (s'informer, négocier, rédiger des contrats, contrôler leur exécution, etc.). Quand ces derniers se révèlent excessifs, il devient avan-tageux de remplacer les relations marchandes (externalisation) par la coopération (internalisation), et de substituer à la coordination inconsciente effectuée par le marché une coordination par une volonté planificatrice dans le cadre de l'entreprise. Question n°2 : Pour quelle(s) raison(s) dans la théorie des coûts de transaction d'Oliver Williamson, la spécificité des actifs renforce le problème lié à l'opportunisme des agents ? Réponse 2 : Il y a spécificité des actifs quand un investissement durable (matériel ou immatériel) doit être entrepris pour supporter une transaction particulière et que cet investissement n'est pas redéployable sur une autre transaction (ex. : recours à des compétences particulières très spécialisées). La spécificité des actifs renforce le comportement opportuniste des agents dans le sens où la spécificité des actifs change radicalement la nature des relations entre agents. La transaction ne peut plus être ni anonyme ni purement instantanée, il se crée un lien de dépendance personnelle durable entre les parties qui conduit à toute une série de problèmes : contrôle des comportements, respect des engagements… Question n°3 : Dans l'analyse évolutionniste de la firme, pourquoi est-il fondamental pour une entreprise de détenir des compétences "foncières" ? Réponse 3 : Des compétences "foncières" sont des compétences qu'une autre firme ne peut acquérir rapidement car elles sont difficiles à imiter et elles ne peuvent être acquises sur un marché. C'est pourquoi il est essentiel pour une firme d'en détenir car elles offrent à l'entreprise un avantage concurrentiel. Question n°4 : Commentez la phrase suivante : la firme est le lieu d'apprentissages collectifs . Réponse 4 : L'apprentissage peut être défini comme un processus par lequel la répétition et l'expérimentation font que, au cours du temps, des tâches sont effectuées mieux et plus vite, et que de nouvelles opportunités dans les modes opératoires sont sans cesse expérimentés. La firme est un lieu d'apprentissages collectifs dans le sens où l'interaction entre les individus permet un transfert de connaissances. Ce transfert nécessite des codes communs de communication. Remarque : toutes les connaissances ne sont pas transférables (connaissances tacites non codifiables). Question n°5 : Montrez en quoi la théorie évolutionniste peut être considérée comme une remise en question de la théorie des coûts de transaction. Réponse 5 : Dans la théorie évolutionniste, une firme est conduite à choisir entre l'internalisation d'une activité et le recours au marché en fonction des compétences qu'elle détient. Alors que dans la théorie des coûts de transaction, ce n'est pas la détention de compétences qui détermine le recours au marché où à l'entreprise mais la comparaison entre le coût interne de coordination et le coût lié aux relations marchandes. Question n°6 : Montrez en quoi la coordination politique peut-elle nuire à la coordination cognitive de la firme. Réponse 6 : La coordination politique de la firme peut amener des individus à prendre des décisions qui nuisent à la diffusion des compétences entre les membres de l'organisation (ex. : séparation entre ceux qui pensent et ceux qui exécutent…) BIBLIOGRAPHIE RELATIVE A LA PREMIERE SEQUENCE DU COURS ALCHIAN A.A., H. DEMSETZ, 1972 : " Production, information costs, and economic organization ", American Economic Review, vol. 62, n° 5, décembre, pp. 777-795. AOKI M., 1990 : " Towards an Economic theory of the Japanese Firm " in Journal of Economic Litterature, Vol. 26, mars. BERLE A.A., G.C. 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