Santé publique-PROSPECTIVE - Psydoc

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Santé publique-PROSPECTIVE - Psydoc
La recherche en santé publique à
l’Inserm : Enjeux actuels et futurs
AXES THEMATIQUES
Avant-propos
Cancers : Jacqueline CLAVEL
Cardio-vasculaire, métabolisme, rein : Pierre DUCIMETIERE
Economie, politique et systèmes de santé : Gérard de POUVOURVILLE
Environnement santé travail : Denis HEMON
Expertise et décision publique : Jean-Paul MOATTI
Génétique épidémiologique : Philippe AMOUYEL
Handicap : Jean-François RAVAUD
Inégalités sociales de santé : Marcel GOLDBERG
Infectieux et maladies émergentes : Jean-Claude DESENCLOS
Méthodologie, biostatistique, modélisation : Daniel COMMENGES
Neuroépidémiologie (y compris ophtalmo): Jean-François DARTIGUES
Nutrition : Serge HERCBERG
Périnatalité, santé des enfants et des adolescents : Anne TURSZ
Place et perspective des SHS dans la recherche en santé : Martine BUNGENER
Respiratoire – Allergologie : Francine KAUFFMANN
Santé mentale, psychiatrie (y compris addictions) : Anne LOVELL
Santé publique internationale : Roger SALAMON
Santé sexuelle et reproductive : Alfred SPIRA
Vieillissement (inclus ostéoporose) : Jean-Marie ROBINE
Annexe 1 : liste des abréviations et sigles
Annexe 2 : liste des unités Inserm relevant de la santé publique et des SHS
Annexe 3 : liste des registres de morbidité
Annexe 4 : liste des CIC-EC
Département Recherche en Santé publique
Janvier 2008
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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Avant-propos
Chers collègues, chers amis,
Ce document est l'état des lieux de la recherche en santé publique à l’Inserm, que le Département de
Recherche en Santé Publique (DRSP) a coordonné et auquel nombre d'entre vous ont participé.
Tout d'abord un grand merci à tous ceux qui ont contribué à ce document !
Quand le DRSP a été créé en février 2007, une de ses missions spécifiques était de prendre l’initiative
de ce bilan de la recherche dans notre domaine, d’en analyser les forces et les faiblesses et d'identifier les
enjeux scientifiques et structurels des années à venir. Ce travail, qui n'avait jamais été réalisé, est destiné à
devenir un élément important de la lisibilité d'un domaine très riche mais hétérogène et d'en améliorer la
coordination.
Les réformes en cours dans le champ de la recherche biomédicale et à l'Inserm visent également à
une plus grande coordination à travers la création de plusieurs instituts, dont l'Institut de Santé Publique
dirigé par Gérard Bréart. Une des premières missions de ces instituts est précisément de faire cet état des
lieux à partir duquel sera écrit le contrat d'objectifs et de moyens de l'Inserm. De ce point de vue, la
recherche en santé publique est donc plutôt en avance et l'Institut de Santé Publique pourra s’appuyer sur
ce document. Nous sommes particulièrement heureux de cette continuité et de la valorisation de ce travail
collectif.
Comment avons-nous opéré? Le Comité Directeur du DRSP (sa composition est donnée dans le
rapport d'activité 2007 du DRSP en pièce jointe) a déterminé une liste de 15 axes thématiques et 5 axes
disciplinaires. Pour chacun de ces 20 thèmes, un expert senior a été identifié de façon consensuelle et un
membre du DRSP a été affecté afin de lui servir de binôme.
Les consignes données à l'expert étaient de rédiger une synthèse en quelques pages comprenant : 1)
Les grands enjeux du domaine dans les 5 ans (réalisation probable) et dans les 10 ans (perspectives plus
globales) ; 2) La place actuelle de l’Inserm, ses forces et faiblesses, et son inscription dans un cadre national
et international, en particulier européen ; 3) Des propositions sur les évolutions structurelles souhaitables, le
cas échéant. Hormis ces grandes lignes directrices, carte blanche a été donnée aux experts sur la manière
de réaliser cette synthèse. Ils pouvaient ou non solliciter d'autres chercheurs. En conséquence, les textes
sont de volume et de format variables mais nous avons choisi de les respecter.
Pour avoir une visibilité plus grande sur les structures Inserm travaillant dans chacune de ces
thématiques, il a été adjoint un paragraphe « Qui à l ‘Inserm » à la fin de chaque texte. Les équipes ont été
répertoriées soit à partir des intitulés et des mots-clés donnés par les équipes, en ne retenant que les
équipes relevant d‘une dimension relevant de la CSS3 (santé publique, Sciences Humaines et Sociales).
Un bilan des cohortes à l’Inserm, que nous avons réalisé en collaboration avec Inserm-Transfert,
complète cet état des lieux. L'Institut de Santé Publique vous fera parvenir une première version de ce bilan
dans les semaines qui viennent.
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Nous sommes conscients que ce parti pris de n'avoir parfois qu'un seul expert résumant un domaine et
ses perspectives peut s'accompagner d'une certaine subjectivité. C'était, selon nous, nécessaire pour
réaliser ce bilan relativement rapidement : une majorité de contributions nous ont été livrées en quelques
mois, d'autres ont fait quelques aller-retour auprès de plusieurs chercheurs et ont pris plus de temps que
d'autres. Le choix de l'expert, s'il a été consensuel, n'a pour autant pas toujours été facile car si dans
certains domaines étroits un seul nom pouvait être évoqué, dans beaucoup d'autres, plusieurs experts
auraient pu être sollicités.
Ce document, qui a été transmis à la Direction Générale de l’Inserm début 2008, n’est certes qu’une
première étape. Tous les domaines ne sont pas encore couverts. Il est par nature ouvert et évolutif; charge à
chacun de se l'approprier et de réagir pour l'enrichir et le compléter. N'hésitez pas à faire part de vos
commentaires et de vos réactions à Sylvie Ledoux ou Gérard Bréart car, comme vous le savez, l'Institut de
Santé de Publique est maintenant la structure de coordination unique de la recherche en santé publique.
Malgré ses imperfections, ce document permet d'avoir une première vision d'ensemble de notre
domaine et dans un niveau de détail suffisant pour en apprécier la diversité et la richesse. Il permet d'en
percevoir les grands enjeux et sera d'une grande utilité pour guider une nouvelle organisation.
Nous espérons que vous serez captivés par ce bilan et soucieux de le partager avec vos équipes.
Très amicalement,
Christophe TZOURIO et Didier GUILLEMOT pour le Comité Directeur du DRSP
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Cancers
Jacqueline CLAVEL, DR2 Inserm
U754 : Epidémiologie environnementale des cancers – Inserm/Université Paris Sud 11
LES GRANDS ENJEUX DU DOMAINE
Epidémiologie descriptive – Evaluation des pratiques – Veille sanitaire : les registres de cancer et le
réseau Francim
Les registres de cancer français, regroupés au sein du réseau Francim, couvrent environ 15% du territoire
métropolitain tous âges et tous cancers confondus. Ils couvrent la totalité du territoire métropolitain pour les
cancers de l'enfant de moins de 15 ans. Le désengagement financier de l'Inserm lors de la mise en place du
plan cancer et de la création de l'INCa, très compréhensible d'un point de vue budgétaire, a été
généralement perçu par les équipes responsables des registres comme un désintérêt de l'Inserm vis-à-vis
des registres de cancer, voire de l'épidémiologie des cancers dans son ensemble. Actuellement, si l'Inserm
contribue à l'évaluation et à la qualification de ces registres, cette activité n’est plus réalisée en assemblée
plénière de la Commission Scientifique Spécialisée responsable de la santé publique mais seulement par un
sous-groupe d’experts désignés au sein de cette même commission. L'Inserm reste cependant directement
impliqué par l’intermédiaire de plusieurs de ses équipes de recherche : les registres spécialisés des cancers
digestifs de Bourgogne (équipe de C. Bonithon-Kopp, Dijon) et du Calvados (ESPRI de G. Launoy, Caen), le
registre national des hémopathies malignes de l'Enfant et le Registre National des Tumeurs Solides de
l'Enfant (équipe de J. Clavel, Villejuif), le registre des cancers de Gironde (centre de recherche de R.
Salamon, Bordeaux). Il faut ajouter à cette liste l'implication de l'Inserm dans l'enregistrement de la mortalité
par cancer (Cépi-DC).
Les registres sont des outils incontournables de recherche comme de veille sanitaire et l'Inserm doit y avoir
un rôle moteur autant qu'un rôle d'évaluateur.
Les données produites par les registres de cancer ne sont pas seulement indispensables pour couvrir les
besoins de surveillance et d'évaluation des pratiques de soin, de dépistage et de prévention primaire.
L'étude des variations spatio-temporelles de l'incidence des cancers apporte également un éclairage
indispensable pour orienter la recherche étiologique, à condition toutefois de tenir compte des variations
spatio-temporelles des méthodes de diagnostic, de prise en charge, de dépistage, d'enregistrement ou de
classification des cancers, et des éventuelles causes concurrentes de décès. Le développement de registres
de cancers obéissant aux critères internationaux d'exhaustivité et de standardisation est d'un intérêt majeur
à cet égard et doit être poursuivi en maintenant une forte exigence de qualité.
L'observation des variations géographiques du mélanome, des lymphomes de Burkitt, du cancer de
l'estomac ou de l'hépatocarcinome a ainsi contribué à l'identification et à la compréhension de leurs facteurs
de risque. Aujourd'hui, par exemple, la surincidence des leucémies myéloïdes chez les maoris et les
polynésiens, ou des cancers de la thyroïde en Nouvelle-Calédonie n'est pas élucidée. De même,
l'augmentation actuelle de l'incidence des lymphomes dans de nombreux pays ou celle du cancer du
testicule ne paraissent pas relever d'artefact et n'ont pas encore trouvé d'explication. Les variations
spatiotemporelles peuvent orienter vers des facteurs de risque environnementaux au sens large ou
nutritionnels, mais il faut garder à l'esprit qu'un authentique facteur de risque dont la distribution spatiotemporelle serait stable n'engendrerait pas de variations d'incidence. Il est donc important de souligner que
les priorités en matière de recherche et de facteurs de risque candidats ne peuvent et ne doivent pas être
établies sur des critères exclusifs d'épidémiologie descriptive.
Epidémiologie étiologique
Le cancer contribue lourdement à la morbidité et à la mortalité de notre pays puisqu’il représente près de
280 000 nouveaux cas et 150 000 décès par an. Une part importante de ces cas, dont on pense toutefois
qu'elle ne dépasse pas 50%, pourrait être évitée par l'application de mesures de prévention vis-à-vis des
facteurs liés au mode de vie ou de facteurs environnementaux déjà connus. La recherche de facteurs de
risque nouveaux accessibles à une prévention reste une préoccupation majeure et les expositions générées
par les sources naturelles ou industrielles de notre environnement ou par nos comportements s’imposent
comme des candidats prioritaires de cette recherche.
La recherche de nouveaux facteurs de risque de cancer doit tenir compte de certaines particularités des
cancers : ce sont des maladies hétérogènes, multifactorielles, multi-étapes, dont les temps d'induction et de
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latence sont souvent longs et les étapes intermédiaires rarement détectables. L'approche cas-témoins,
éventuellement au sein de cohortes, est beaucoup plus souvent adaptée à ces caractéristiques que
l'approche longitudinale. Par ailleurs, ce sont des pathologies graves qui font l'objet depuis plusieurs
décennies de politiques de surveillance, et d'un effort international de standardisation des diagnostics.
Facteurs de risque connus et prévention
De nombreux facteurs de risque de cancer font aujourd'hui l’objet de politiques de prévention primaire. Sur la
base de recherches fondamentales multidisciplinaires au sein desquelles le poids des observations
épidémiologiques est majeur, les expertises internationales du Centre International de Recherche sur le
Cancer (OMS) ont classé plusieurs dizaines d'expositions dues à notre environnement ou notre mode de vie
comme cancérogènes certains, et plusieurs centaines d'expositions comme cancérogènes probables ou
possibles. L’épidémiologie des cancers a réellement connu un essor considérable au cours de la seconde
moitié du vingtième siècle, identifiant des facteurs de risque de cancer majeurs liés au mode de vie, comme
la consommation de tabac responsable de cancers du poumon, de la vessie, du larynx et de l'œsophage, la
consommation d’alcool responsable de cancers du foie, du larynx et de l'œsophage, ou l’exposition aux UV,
responsable de mélanomes. De nombreux facteurs de risque ont été découverts dans l’environnement
professionnel, comme le benzène dans les leucémies, les amines aromatiques dans les cancers de la
vessie, l’amiante dans le mésothéliome, les poussières de bois dans les cancers naso-sinusiens, plusieurs
métaux lourds dans les cancers du poumon, le chlorure de vinyle dans l’angiosarcome du foie, les radiations
ionisantes dans différents types de cancer, pour n’en citer que quelques exemples. Le rôle de virus a
également été mis en évidence dans des régions endémiques, comme EBV, responsable de lymphomes de
Burkitt et de cancers nasopharyngés, ou HBV et HCV, responsables d’hépatocarcinomes. La responsabilité
d’Helicobacter pylori dans les carcinomes et les lymphomes de l’estomac, d’EBV dans la maladie de
Hodgkin, d'HCV dans les lymphomes non hodgkiniens, a été démontrée plus récemment.
Plusieurs gènes à forte pénétrance prédisposent au cancer. C'est notamment le cas dans le rétinoblastome
(RB), le xeroderma pigmentosum (XP), le syndrome de Li-Fraumeni (TP53), les cancers du sein, de l'ovaire
et de la prostate (BRCA1 et BRCA2), les cancers du côlon polypoïdes (APC) ou non (MSH2 et MLH1), ou
encore le mélanome malin (CDKN2A). Ils sont probablement en jeu dans une part limitée des cancers en
population générale mais accessibles pour beaucoup au dépistage et à une prévention dans les familles à
risque. Des gènes de susceptibilité à des maladies prédisposant au risque de cancer, comme l'ataxie
télangiectasie (ATM - leucémies et cancers du sein) ou les neurofibromatoses (NF1 - tumeurs cérébrales et
leucémies), sont également de mieux en mieux connus mais leur influence sur le risque de cancer des
porteurs hétérozygotes reste à préciser.
Connaissance des populations exposées aux facteurs de risque environnementaux
La constitution de bases de connaissance sur les expositions environnementales des populations et sur leurs
déterminants est une nécessité absolue pour avancer dans la connaissance des facteurs de risque
environnementaux de cancer. La façon d'échantillonner la population pour couvrir les différentes
circonstances d'exposition et les différentes catégories d'individus, de quantifier les expositions,
éventuellement rétrospectivement sur plusieurs dizaines d'années et, d'une façon générale, l'identification
des paramètres à considérer pour caractériser une population dans le cadre des études épidémiologiques
sont en soi un objet de recherche. Un aspect complémentaire est la recherche de marqueurs individuels
d'exposition, compliquée par les délais entre l'exposition et la détection du cancer, et par les altérations de
certains dosages potentiellement induites par le cancer. Les agences sanitaires, en particulier l'InVS et à un
moindre degré l'Afsset, ont entrepris la construction ou l'amélioration de ce type de base depuis un petit
nombre d'années. Il y a dans ce domaine matière à un partenariat recherche-surveillance de qualité entre
l'Inserm et l'InVS.
Gestion des risques avérés
La mise en œuvre de politiques de prévention efficaces suppose non seulement d'avoir établi un lien causal
entre une exposition et un risque de cancer, mais aussi de pouvoir préciser les populations exposées, leurs
modalités d'exposition, notamment le rôle des co-expositions, et de décrire les relations dose-risque. Elle
nécessite l'étude des comportements individuels et collectifs vis-à-vis des expositions à risque et de l'impact
des différentes formes d'information et d'éducation sur ces comportements. La prévision de l'effet des
politiques de prévention, qui s'appuie sur l'ensemble des points précédents, fait également l'objet de
recherches en sciences humaines économiques et sociales et en modélisation biostatistique.
Recherche étiologique
•
Certaines des hypothèses actuelles sont fondées sur les facteurs de risque déjà connus.
Certaines recherches doivent préciser et quantifier des associations connues et étudier l'influence des
caractéristiques personnelles sur ces associations (interactions avec des coexpositions, avec les
consommations de tabac et d'alcool ou le type d'alimentation, avec tout ce que peuvent recouvrir les
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marqueurs actuels de niveau socioéconomique, avec certains polymorphismes génétiques). Ainsi, les
expositions naturelles, accidentelles ou iatrogènes aux radiations ionisantes sont des facteurs de risque de
nombreux types de cancer, mais les caractéristiques temporelles et les doses des expositions modulent
considérablement ce risque (débit de dose, fractionnement, âge…). Un autre exemple est celui des
différentes formes et modalités d'administration des oestroprogestatifs dont il faut connaître l'impact. On peut
ajouter à cette catégorie de travaux ceux qui cherchent à comprendre l'écart entre les études d'observation
et les essais d'intervention sur le rôle préventif de la consommation de vitamine C, de fibres, ou de calcium.
D'autres recherches dérivent plus indirectement des associations connues et ont pour objet d'estimer le rôle
des expositions des faibles doses de facteurs de risque (tabac passif, radiations ionisantes, pollution
atmosphérique, hétérozygotie vis-à-vis de syndromes récessifs de prédisposition), ou d'évaluer le rôle de
facteurs de risque connus sur des cancers différents (estrogènes et cancers de la thyroïde, tabac et cancers
de l'enfant), ou encore d'étudier les expositions suspectées pour leur analogie avec des facteurs de risque
connus (xénoestrogènes et cancer du sein, fibres minérales artificielles et cancer du poumon).
•
Presque par définition, beaucoup des expositions ou situations classées dans les catégories 2A
(probablement cancérogènes) ou 2B (possiblement cancérogènes) du CIRC demandent des connaissances
épidémiologiques supplémentaires.
Certaines hypothèses concernent des expositions rares, notamment professionnelles, pour lesquelles
l'échelle d'étude doit être internationale. Dans certains cas, la France a généralement les moyens, compte
tenu de sa taille, de contribuer à ces études en populations particulières. Ces études sont souvent à la
frontière de la recherche et de la surveillance et l'InVS et l'Inserm sont susceptibles d'y être impliqués.
Parmi les facteurs classés dans ces catégories se trouvent parfois des expositions très complexes, comme
l'épandage professionnel d'insecticides (2A), qui traduisent l'incapacité actuelle d'identifier des produits
spécifiques au sein d'une activité dont le caractère cancérogène paraît convaincant. L'exposition domestique
aux mêmes produits est tout aussi complexe à préciser et de plus en plus suspectée, notamment dans les
cancers de l'enfant. Les champs électromagnétiques à extrêmement basse fréquence (2B) constituent
également un cas très particulier, le classement reposant sur des observations épidémiologiques
récurrentes sur le risque de leucémie de l'enfant sans substratum biologique connu. Les travaux menés en
parallèle par ceux qui travaillent sur les bases de données environnementales ou sur les marqueurs
biologiques d'exposition s'avèreront particulièrement utiles dans ce type de situation.
•
Gènes à forte pénétrance – prédisposition familiale
Plusieurs cohortes, souvent internationales, de sujets porteurs de gènes de prédisposition ou de porteurs
hétérozygotes de maladies récessives prédisposantes, commencent déjà à apporter des informations sur les
risques de cancers les moins rares.
•
Gènes à faible pénétrance et interactions gène x environnement
La recherche de gènes de susceptibilité à faible pénétrance, en interaction ou non avec les facteurs
environnementaux, s'est énormément développée au cours des deux dernières décennies. Le nombre
considérable de polymorphismes potentiellement impliqués dans la carcinogenèse et l'accès aux capacités
de génotypage à grande échelle ont amené à remettre en question les stratégies ciblées des premières
années qui, parfois perçues comme décevantes, ont été cependant riches d'enseignements
méthodologiques.
Vu sous un angle exclusivement statistique, isoler un signal du bruit de fond des dizaines de milliers
d'associations testées dans les procédures de génotypage génome entier suppose de disposer d'un nombre
élevé d'observations pour pouvoir appliquer les corrections des risques d'erreurs aux inférences issues de
tests multiples. Les organismes internationaux comme le CIRC sont souvent les seuls à même de pouvoir
mettre en place et coordonner les recherches, ou animer des consortiums internationaux. Ces consortiums
sont à la fois des outils puissants et des plaques d'échange indispensables. Pour autant, le risque d'un
certain degré de pensée unique, et d'analyses insuffisamment approfondies n'est pas nul. Dans de
nombreux cas, les enquêtes des laboratoires Inserm apportent d'autant plus qu'elles alimentent à la fois des
travaux collaboratifs et des travaux autonomes.
Les facteurs génétiques qui modulent le rôle des facteurs environnementaux (au sens le plus large) ne sont
pas obligatoirement facteurs de risque par eux-mêmes, ou leur effet propre dans le cancer n'est pas
nécessairement détectable par les stratégies en 2 ou 3 étapes mises en œuvre dans les génotypages
génomes entier. Les recherches visant à connaître et à modéliser les liens physiques et fonctionnels entre
polymorphismes pourraient réduire la complexité des ensembles de facteurs analysés et elles paraissent de
ce fait particulièrement pertinentes. Sont particulièrement concernées a priori les voies de la réparation de
l'ADN, du métabolisme des xénobiotiques, de l'inflammation et de la réponse immunitaire, qui peuvent
moduler la réponse individuelle aux agents physiques, chimiques et biologiques de l'environnement, ou à
des facteurs de risque nutritionnels ou iatrogènes.
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Les unités Inserm ont constitué des échantillons de grande taille, dotés de banques d'ADN constitutionnel
(voire d'ARN) et parfois tumoral, de données cliniques et de données sur les facteurs de risque potentiels,
réalisées selon les meilleurs standards. La gestion de ces collections et a fortiori les génotypages sont des
investissements coûteux mais incontournables pour se positionner de façon compétitive sur le plan
international.
•
Génération systématique d'hypothèses
Le caractère multifactoriel du cancer et l'évolution des comportements et des expositions laissent une part
obligatoire aux travaux générateurs d'hypothèses.
•
Aspects méthodologiques
Les associations étudiées aujourd’hui entre expositions et risque de cancer sont généralement plus faibles
que par le passé, ce qui ne signifie pas pour autant que les risques pour la population sont faibles. Des
risques relatifs faibles peuvent être responsables d'un nombre élevé de cas au niveau des populations, si
des facteurs très prévalents sont en jeu (tabac passif, pollution de l’air, consommation de certains aliments).
D'autres associations faibles doivent être approfondies car elle peuvent refléter des risques relatifs élevés
mais masqués par l'imprécision des mesures d'exposition, ou par le mélange de sous-types de cancers ne
partageant pas la même étiologie, ou encore par le mélange de populations inégales vis-à-vis du risque.
L'intrication des expositions, les difficultés métrologiques, le manque de données environnementales, la
durée parfois très élevée des temps de latence sont quelques exemples des difficultés rencontrées pour
appréhender les facteurs environnementaux ou nutritionnels, et ces difficultés sont amplifiées par le fait que
les enquêtes sur les cancers sont généralement de type cas-témoins, éventuellement au sein de cohortes,
et reposent très largement sur l'interrogatoire et la mémoire.
Cette complexité a des conséquences méthodologiques. Les projets d’épidémiologie étiologique actuels,
nécessitent des effectifs plus élevés que les effectifs nécessaires aux travaux antérieurs. Ils doivent
s’accompagner d’un effort important dirigé vers la définition d’entités diagnostiques au sein desquelles
l’étiologie pourrait être plus homogène, vers une estimation des expositions la plus précise possible afin de
réduire le poids des erreurs de classement, vers une exploitation réfléchie des bases de données
environnementales disponibles. Ils comportent des banques de cellules ou d’ADN permettant de prendre en
compte différents polymorphismes génétiques. Ils nécessitent des développements biostatistiques et
biomathématiques pour exploiter la variété et le nombre des informations à considérer.
L'épidémiologie est une discipline intégrative par essence, et les recherches d'épidémiologie étiologique
impliquent des collaborations entre différents domaines de l'épidémiologie et avec un large spectre de
disciplines (oncologie, hématologie, radiothérapie, anatomopathologie, cytologie, cytogénétique, génétique,
immunologie, virologie et bactériologie, cytogénétique, biologie moléculaire, génétique moléculaire,
immunologie moléculaire, pharmacologie, pharmacogénomique, transcriptomique, bioinformatique,
métrologie, géographie, statistique et biomathématique…).
Epidémiologie évaluative et recherches sur la prise en charge des cancers
Connaissance des effets secondaires à long terme des traitements
L'identification et la quantification des effets secondaires à long terme des traitements anticancéreux
(radiothérapies, chimiothérapies, traitements hormonaux) imposent le suivi prospectif et rétrospectif de
larges cohortes de patients, précisément documentées sur les doses et modalités d'administration. L'Inserm
est impliqué dans plusieurs de ces études. Elles sont indispensables pour l'adaptation des traitements et la
compréhension des risques iatrogènes. Elles apprennent également beaucoup sur l'étiologie et l'histoire
naturelle des cancers. Comme dans les autres domaines évoqués plus haut, la prise en compte de facteurs
constitutionnels modulant le métabolisme des traitements, la résistance aux traitements, la réponse
immunitaire de l'environnement tumoral, la réparation de l'ADN après traitement alkylant ou radiothérapie est
devenue indispensable.
Accès aux soins, qualité de vie
Certains aspects psychosociaux de la prise en charge des cancers font également l'objet de recherches de
l'Inserm. Des études basées sur les registres de cancer concernent l'inégalité territoriale de l'accès aux soins
et de la survie après le diagnostic.
D'autres travaux, en lien avec l'INCa, concernent les conséquences psychosociales de la survenue du
cancer et la qualité de vie des patients traités, et évaluent dans la durée l'impact des modifications de prise
en charge. Cette thématique nécessite des enquêtes ad hoc, rigoureuses, informatives et soutenues dans la
durée pour tenir compte de la multiplicité des facteurs concomitants (ex: enquête DREES-INSEE- Inserm sur
un échantillon national représentatif de 5000 patients). De la même façon, les conséquences psychosociales de la détection d'un risque génétique de cancer (ex : mutation de BRCA1/2), notamment vis-à-vis
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du suivi et du dépistage, doivent être étudiées pour faciliter à la fois la prise en charge précoce de ces
patients à risque, leur qualité de vie et leur vie sociale.
Enfin, en lien avec d'autres structures, l'Inserm peut aussi apporter une contribution à la description détaillée
de comportements de prévention ou de suivis thérapeutiques.
Ces travaux reposent sur des groupes et réseaux de recherche dont les compétences et les collaborations
relèvent là encore de disciplines variées allant de la biologie moléculaire aux sciences humaines et sociales
(économie, sociologie, psychologie de la santé) en passant par différentes spécialités médicales.
PLACE ACTUELLE DE L'INSERM
La recherche en épidémiologie des cancers est un domaine de recherche qui rencontre souvent l'exercice de
la santé publique. Il serait cependant particulièrement dommageable d'attendre de la surveillance de la
population et de l'investigation des situations de crise qu'elles produisent les connaissances originales qui
contribueront à l'expertise et à la prévention de demain. La recherche épidémiologique et statistique en
épidémiologie des cancers est un enjeu majeur, et c'est très largement à l'Inserm qu'elle se fait. L'Inserm
dispose de laboratoires dynamiques et de haut niveau scientifique qui s'investissent dans ce domaine et qu'il
faut absolument renforcer pour qu'ils contribuent en bonne position aux débats internationaux actuels.
Equipes Inserm impliquées dans la recherche épidémiologique sur le cancer
•
Equipes de recherche Inserm en épidémiologie des cancers
L'unité 605 – Epidémiologie des cancers : radiocarcinogenèse et effets iatrogènes des traitements (Florent
de Vathaire, Villejuif) conduit des recherches sur l'effet des radiations ionisantes sur différents types de
cancer et sur la modélisation des relations dose-effet entre radiothérapie et risque de seconds cancers
(Florent de Vathaire, Carole Rubino, Elisabeth Adjadj-Brunel)
L'unité 754 – Epidémiologie environnementale des cancers (Jacqueline Clavel, Villejuif) conduit des
recherches sur les facteurs de risque environnementaux physiques, chimiques et biologiques et sur les
interactions gènes x environnement dans les cancers (aroline. Besson-Maury, Jacqueline Clavel, Pascal
Guénel, Denis Hémon, Florence Menegaux, Isabelle Stücker).
L'ERI-3 – Cancers et populations (Guy Launoy, Caen), centrée sur le registre des cancers digestifs du
Calvados, s'intéresse aux pratiques de soin et dépistage et à l'influence des inégalités socio-économiques
sur les pratiques de soin.
L'ERI-20 – Nutrition, Hormones et Cancer (Françoise Clavel, Villejuif) est organisée autour de la cohorte E3N
des femmes de l'éducation nationale, qui constitue également la partie française de la cohorte internationale
EPIC (Marie-Christine Boutron-Ruault, Françoise Clavel)
•
Equipes de recherche Inserm incluant une thématique en épidémiologie des cancers
L'unité 912 (ex U379) – Sciences Economiques et Sociales, Systèmes de santé, Sociétés – SE4S (JeanPaul Moatti, Marseille) est principalement impliquée dans des travaux d'évaluation des pratiques, de l'impact
sur la qualité de vie et des coûts du cancer et de ses traitements.
L'unité 535 – Génétique épidémiologique et structure des populations humaines (Françoise Clerget, Villejuif)
s'intéresse également de plus en plus aux méthodes d'étude des interactions gène-environnement.
Catherine Bonaïti travaille plus particulièrement sur le cancer.
L'unité 550 – Génétique humaine des maladies infectieuses (Laurent Abel, Paris), travaille notamment sur
les facteurs de prédisposition génétique à des infections à des virus cancérogènes (HTLV1, HBV, EBV)
(Laurent Abel, Sabine Plancoulaine).
L'unité 557 – Nutrition et maladies chroniques : épidémiologie et intervention en Santé. Publique (Serge
Hercberg, Paris), est centrée sur les données d'essais d'intervention en nutrition, notamment SU.VI.MAX.
L'unité 625 – Groupe d'Étude de la Reproduction chez l'homme et les Mammifères (Bernard Jegou, Rennes)
mène une étude sur le cancer de la prostate en Guadeloupe (Luc Multigner).
L'unité 687 – Santé publique et épidémiologie des déterminants professionnels et sociaux de la santé
(France Lert, Villejuif) travaille sur l'influence des conditions de travail et de vie sur la santé. Les travaux de
Danielle Luce portent plus particulièrement sur les risques professionnels de cancer.
L'unité 794 – Méthodologie statistique et épidémiologie génétique des maladies multifactorielles (Florence
Demenais, Paris) conduit des recherches en épidémiologie génétique de plusieurs maladies chroniques, et
notamment sur le cancer par des approches familiales (Nadine Andrieu, Simone Benhamou, Florence
Demenais).
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L'unité 866 – Lipides, nutrition, cancer (Eric Solary, Dijon) est un centre de recherche multidisciplinaire et
l'équipe de Claire Bonithon-Kopp y développe des recherches épidémiologiques sur les cancers digestifs,
leur histoire naturelle, leur prise en charge et leurs facteurs de risque.
Le centre de recherche en émergence – Epidémiologie et biostatistique (Roger Salamon, Bordeaux) inclura
le laboratoire Santé Travail de Bordeaux 2 (P. Brochard, I. Baldi) et les registres de cancer de Gironde. A.
Sasco a rejoint le centre et devrait y coordonner les activités cancer.
•
IFR
L'IFR69 – Santé publique Paris Sud (Denis Hémon, Villejuif) réunit plusieurs unités Inserm (U605, U687,
U754, ERI20, U335) et universitaires travaillant sur la thématique Cancer et développe un axe transversal
consacré aux Interactions Gène x Environnement dans les cancers
L'IFR134 – SHESS-AM Sciences Humaines et Sociales de la Santé d'Aix-Marseille (Jean-Paul Moatti,
Marseille) joue un rôle majeur dans le développement des SHES dans le domaine du cancer.
•
Structuration de la recherche - centres de recherche
Il est devenu de plus en plus clair que les forces des équipes de recherche ne peuvent se maintenir dans la
dispersion. La création de pôles d'excellence réunissant une masse critique suffisante de chercheurs
s'impose, à la fois pour faciliter les échanges et la visibilité nationale et internationale de nos équipes. Pour
que cette structuration s'inscrive dans la durée et attire de nouvelles vocations, elle doit impérativement se
faire en lien avec les enseignements universitaires, masters et école doctorale, qui forment les futurs
chercheurs et maintienne le dynamisme du tissu de recherche existant.
Liens Inserm INCa
L'épidémiologie des cancers a été présentée comme une priorité du plan cancer depuis son origine.
Cependant, les unités d'épidémiologie de l'Inserm n'y ont pratiquement pas été associées jusqu'à une
période récente, probablement parce que l'épidémiologie des cancers est essentiellement connue des
cliniciens par son apport descriptif et son intérêt pour l'évaluation des pratiques et des soins, et beaucoup
moins pour ses productions plus cognitives. Les cancéropôles, à l'exception de l'Ile-de-France, affichent un
axe d'épidémiologie des cancers depuis leur création ou leur renouvellement (Grand Sud Ouest, Grand Est,
Grand Nord Ouest, Rhône-Alpes, PACA) mais aucun ne concerne l'épidémiologie étiologique. Un axe du
cancéropôle Ile-de-France comporte l'épidémiologie génétique et les recherches d'interactions
gène x environnement.
L'Inserm a les moyens humains de s'impliquer plus fortement sur les thématiques prioritaires de l'INCa
(PNES Rein et poumon, PAIRS cancers colorectaux et prochainement lymphomes) par ses travaux
d'épidémiologie des cancers. La nouvelle politique de l'INCa semble aujourd'hui beaucoup plus ouverte à la
recherche épidémiologique créative et exigeante menée à l'Inserm, et ce partenariat doit être résolument
soutenu au niveau institutionnel.
Liens Inserm agences sanitaires
La plupart des unités de recherche Inserm en épidémiologie des cancers apportent de façon pratiquement
permanente leur expertise aux agences sanitaires. Dans l'ensemble, les laboratoires et les agences ont
progressivement installé des modalités de collaboration équilibrées, et leur complémentarité s'est imposée.
Les agences paraissent actuellement conscientes du bénéfice à long terme de la recherche menée à
l'Inserm pour la découverte de nouveaux facteurs de risque, indispensable à la pérennité des politiques de
prévention et de surveillance. Une politique collaborative en épidémiologie des cancers s'est notamment
développée avec les départements Santé-Environnement, Santé-Travail et Maladie Chroniques et
traumatismes de l'InVS et elle doit être encouragée. On peut noter par ailleurs que le positionnement
international des agences sanitaires est de plus en plus organisé et efficace.
Position internationale
Les unités d'épidémiologie des cancers sont toutes fortement impliquées dans des collaborations
internationales bien qu'elles n'y aient généralement pas une position de leader, notamment au niveau
européen, celle-ci étant le plus souvent occupée par le CIRC (organisme international), la Grande-Bretagne
(beaucoup plus ancienne dans le domaine), ou les Etats-Unis. L'influence éditoriale française est également
très limitée.
L'Inserm peut tenir une place importante dans la production de connaissances grâce à la taille de la
population française et à sa diversité, et par la qualité de ses équipes. Cependant, bien qu'il réunisse la
grande majorité des équipes de recherche françaises en épidémiologie étiologique en matière de cancer, la
visibilité de l'Inserm en tant qu'institution reste limitée. Pour certains partenaires, le CIRC à Lyon est perçu
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comme l'organisme de recherche français de référence en épidémiologie des cancers. Pourtant, sa mission
internationale et fédératrice par essence, ne se substitue pas à celle des laboratoires français. Dans d'autres
cas, ce sont les agences sanitaires qui représentent l'épidémiologie des cancers française et la délimitation
recherche-veille sanitaire se fait parfois ténue. Pour occuper et maintenir une position internationale
compétitive, l'Inserm doit à la fois mener une politique de soutien de ses équipes vis-à-vis des partenaires
susceptibles de soutenir financièrement une recherche de qualité en épidémiologie étiologique (l'INCa, l'ANR
voire les agences sanitaires) et contribuer à assurer la visibilité de ses laboratoires et par là-même sa propre
visibilité.
Qui à l’Inserm ?
U535 : Génétique épidémiologique et structure des populations humaines (Dir. : Françoise Clerget) –
Equipe : Interactions gène-environnement dans les populations humaines (responsable : Catherine Bonaïti)
U550 : Génétique humaines des maladies infectieuses (Dir. : Laurent Abel)
U557 : Nutrition et maladies chroniques : épidémiologie et intervention en Santé. Publique (Dir. :
Serge Hercberg)
U605 : Epidémiologie des cancers : radiocarcinogénèse et effets iatrogènes des traitements (Dir. :
Florent de Vathaire)
U625 : Groupe d'Étude de la Reproduction chez l'homme et les Mammifères (Dir. : Bernard Jegou).Equipe : Recherches épidémiologiques sur l’environnement et la reproduction (responsable : Sylvaine
Cordier)
U687 : Santé publique et épidémiologie des déterminants professionnels et sociaux de la santé (Dir. :
France Lert) – Equipe : Epidémiologie des risques professionnels (responsable : Danielle Luce).
U754 : Epidémiologie environnementale des cancers (Dir. : Jacqueline Clavel)
U794 : Méthodologie statistique et épidémiologie génétique des maladies multifactorielles (Dir. :
Florence Demenais) – Equipe : Composante génétique et interactions gènes-environnement dans les
maladies multifactorielles (responsables : Simone. Benhamou, Florence Demenais).
U866 : Lipides, nutrition, cancer (Dir. : Eric Solary) – Equipe : Recherches épidémiologiques et cliniques
en cancérologie digestive (responsable : Claire Bonithon-Kopp).
U897 : Centre « Epidémiologie et biostatistique » (Dir. : Roger Salamon) – Equipe : Epidémiologie pour la
prévention du cancer (responsable : Annie Sasco)
U912 : Sciences Economiques et Sociales, Systèmes de santé, Sociétés (SE4S) (Dir. : Jean-Paul
Moatti) – Equipe : Cancer, biomédecine, et société (responsable : Claire Reynier)
ERI3 : Cancers et populations (Dir. : Guy Launoy)
ERI20 : Nutrition, hormones et cancer (Dir. : Françoise Clavel)
Registre généraux des cancers en Gironde (responsable scientifique : Roger Salamon – U897)
Registre des cancers généraux du Tarn (responsable scientifique : Pascale Grosclaude - U558)
Registre bourguignon des cancers digestifs (responsable : Jean Faivre – U866)
Registre des Tumeurs Digestives du Calvados (responsable scientifique : Guy Launois – ERI003)
Registre multicentrique du mésothéliome à vocation nationale (responsable scientifique : Françoise
Galateau Salle – ERI003)
Registre national des Hémopathies malignes de l'Enfant (responsable scientifique : Jacqueline Clavel –
U754)
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Cardio-vasculaire, métabolisme, rein
Pierre DUCIMETIERE, DRE Inserm
U780 : Recherche en épidémiologie et biostatistique – Inserm/Université Paris Sud 11
INTRODUCTION
Pourquoi ce regroupement ?
Les maladies cardiovasculaires, les maladies métaboliques et les maladies rénales présentent en elles
mêmes une énorme hétérogénéité et c’est seulement un point de vue de santé publique qui permet de
justifier un tel regroupement.
De ce point de vue on peut dire qu’il existe dans chacun des trois domaines, des formes pathologiques
fréquentes dont le développement progressif avec l’avancée en âge est une donnée générale de la biologie
humaine, même si d’importantes susceptibilités individuelles et populationnelles sont présentes. A la
différence d’autres pathologies du « vieillissement », elles ont en commun de se manifester le plus souvent
par des atteintes macro vasculaires, source d’ischémie myocardique avec ou sans nécrose, voire de mort
subite, d’hypertrophie et d’insuffisance cardiaque… d’accidents vasculaires cérébraux de divers
mécanismes… d’anévrysmes et d’ischémie dans d’autres territoires artériels… Elles se traduisent
également, de manière plus spécifique, au niveau micro vasculaire : c’est en particulier le cas du diabète de
type II, la pathologie du métabolisme la plus fréquente et de l’insuffisance rénale.
La physiopathologie de cet ensemble est très complexe et même si beaucoup de mécanismes sont bien
connus, leurs interrelations sont loin d’être élucidées. En particulier les processus pathologiques
interagissent mutuellement avec le temps, sans que l’on soit aujourd’hui capable, dans bien des cas, de
distinguer les chaînes de causalité dans des domaines apparemment aussi étudiés que ceux qui associent
entre eux l’hypertension artérielle, le diabète, et le fonctionnement rénal.
Cette intrication physiopathologique a de nombreuses conséquences qui toutes concourent à l’intérêt de
poursuivre des recherches épidémiologiques communes, par exemple :
•
Beaucoup de leurs facteurs de risque connus sont identiques et désignent des comportements
communs (alimentation, dépenses énergétiques, obésité…). Les cibles pharmacologiques sont
souvent les mêmes ou fortement reliées comme par exemple, dans le cas du système rénineangiotensine…
•
Sur le plan méthodologique, la dimension du temps doit bien entendu être intégrée, conduisant à
privilégier le plus souvent possible, des approches longitudinales
•
Enfin même si les personnes âgées représentent une cible particulière évidente, les recherches
étiologiques doivent s’intéresser à d’autres âges de la vie à la quête de déterminants ou de
marqueurs précoces pouvant intéresser simultanément les domaines cardiovasculaire, métabolique
et/ou rénal.
Les partis pris du présent texte
Il n’a bien entendu pas la prétention de décrire la conjoncture scientifique dans un domaine aussi vaste. Il ne
décrit pas non plus les équipes françaises qui sont dans ce champ et les résultats qu’ils ont obtenus. Toute
mise en perspective, ne serait-ce que bibliométrique, avec les pays voisins, européens ou non, est
également absente, ce qui n’est évidemment pas… dans l’air du temps !
Sur ce plan, contentons nous d’un jugement à l’emporte pièce, en deux assertions qui ne devraient pas trop
étonner le lecteur :
•
Quantitativement et qualitativement la recherche de santé publique dans ce thème est insuffisante
en France même si certains résultats peuvent faire illusion. Faut-il ajouter que la situation actuelle
est particulièrement dramatique quand il s’agit des personnels de recherche ?
•
Historiquement, l’effort de recherche en France dans ce thème a été pris en charge quasi
exclusivement par l’Inserm, en collaboration avec des institutions non académiques, publiques et
privées du domaine de la santé, mettant en évidence les carences évidentes de la culture
scientifique institutionnelle qui demeurent en épidémiologie !
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Le présent texte doit proposer quelques réflexions de politique scientifique dans la thématique pour les 5 à
10 ans à venir à la demande du DRSP de l’Inserm.
N’est ce pas toujours une gageure de vouloir fournir des éléments de prospective dans le domaine de la
recherche ? Qu’en est-il alors, si en plus, les institutions mêmes qui en ont la charge, les EPST et les
Universités doivent être remises en cause dans leur architecture, leurs missions et leurs moyens comme
c’est le cas actuellement !
La seule possibilité a semblé être de prendre parti : il est raisonnable de penser que l’Inserm puisse disposer
à l’avenir, en plus d’une mission de veille scientifique et de coordination de l’ensemble de la recherche
médicale et en santé, d’une mission d’impulsion et de structuration de recherches à moyen et long terme,
coordonnées autour d’outils d’ampleur nationale devant à terme s’intégrer dans des consortiums européens
et internationaux.
C’est précisément de ces missions dont il sera question ici.
Remarquons, dès cette introduction, qu’une telle responsabilité ne peut se concevoir que si l’organisme gère
en direct un ensemble de personnels de recherche, chercheurs, ingénieurs et techniciens, à temps complet,
entièrement consacrés à ces tâches.
LE PASSE RECENT
Cette période a vu à la fois des progrès spectaculaires mais aussi un certain nombre de difficultés dont il
convient de tenir compte pour ne pas rééditer des résultats positifs ou négatifs déjà largement acquis, même
si, en épidémiologie beaucoup de confirmations sont, jusqu’à un certain point, nécessaires.
Etiologie et prévention pharmacologique
D’importants bénéfices de prévention primaire et secondaire par voie pharmacologique ont consolidé des
résultats étiologiques obtenus depuis plusieurs dizaines d’années : confirmation de l’approche
multifactorielle de l’athérosclérose, mise en pratique progressive des recommandations du traitement des
facteurs de risque, qui représente aujourd’hui une part importante de l’activité médicale … sans parler des
budgets de la protection sociale et de l’industrie du médicament.
Que ce soit dans le domaine de l’hypercholestérolémie et de son traitement par les statines ou celui de
l’hypertension artérielle par plusieurs classes pharmacologiques, ces résultats ont été obtenus par des
essais de prévention de taille et de durée importantes visant d’emblée une réduction de la morbi-mortalité
coronaire, cérébrale et plus largement cardiovasculaire. Il est aujourd’hui bien admis que les mêmes
traitements permettent d’abaisser le risque artériel particulièrement élevé associé au diabète et à
l’insuffisance rénale alors que des approches spécifiques comme l’équilibrage glycémique dans la maladie
diabétique ont montré leur efficacité dans la prévention des complications micro vasculaires.
De nombreux travaux d’épidémiologie analytique ont exploré d’autres voies qui ont commencé à recevoir
des développements pharmacologiques. Ces derniers doivent jouer le même rôle en matière de prévention
que l’abaissement de la cholestérolémie et de la pression artérielle : obtenir la preuve du concept quant à la
causalité de la voie étiologique incriminée, préludant, éventuellement à la mise au point de molécules
susceptibles d’avoir des applications en santé publique.
La résistance à l’insuline, si fréquente chez les sujets obèses au cours du développement du diabète peut
ainsi faire l’objet de corrections spécifiques qu’il est possible aujourd’hui d’envisager. Parallèlement, la
démonstration de l’efficacité de l’augmentation du « transport inverse du cholestérol » (élévation du HDLcholestérol) reste encore à effectuer en dépit de l’existence de plusieurs pistes métaboliques en cours
d’exploration. Plus généralement alors que le rôle des facteurs inflammatoires dans le déterminisme de ces
maladies et de leurs complications est de plus en plus documenté, il n’existe pas aujourd’hui d’applications
directes dans le domaine de la prévention.
De nombreux autres domaines biologiques du risque vasculaire, souvent associés à la notion de « syndrome
métabolique » ont fait l’objet de multiples investigations épidémiologiques. C’est le cas, par exemple de la
physiopathologie du tissu adipeux, du rôle des hormones sexuelles endogènes ou non, de la fibrinolyse … et
depuis une période plus récente des marqueurs précoces d’atteinte du fonctionnement rénal. Pour l’instant,
l’apport du syndrome métabolique comme « concept unificateur » n’a pas été réellement montré.
La prévention primaire
L’influence des comportements individuels et collectifs sur la susceptibilité aux maladies cardiovasculaires et
au diabète est bien documentée et l’épidémiologie a systématiquement cherché à relier ces observations
avec les facteurs de risque de nature biologique. Alors que les travaux dans ce domaine sont innombrables,
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la preuve de la causalité s’est révélée particulièrement difficile par la nature même des changements à
introduire afin d’en évaluer les conséquences sur le plan de la prévention.
Les succès récents de la lutte contre le tabagisme montrent que des progrès peuvent être obtenus sur le
long terme. Les modifications des comportements en termes d’alimentation, d’activité physique, voire de
nature psychosociale (stress par exemple) ne peuvent également résulter que d’efforts de longue haleine, en
intrication avec des enjeux sociétaux particulièrement importants.
Dans un domaine où il ne peut exister d’expérience « cruciale », l’évidence scientifique ne peut s’établir que
par des « faisceaux de preuves » dans lesquels l’épidémiologie joue un rôle essentiel. Les approches,
multiples, doivent associer surveillance et évaluation au niveau des populations elles-mêmes et
interventions, souvent plus limitées, mais exemplaires sur le plan de la santé publique.
L’amélioration de la prise en charge des malades
Il s’agit du domaine par excellence de la recherche clinique dont une partie essentielle est consacrée aux
progrès des soins. Les maladies du cœur et des vaisseaux, le diabète et l’insuffisance rénale en ont
particulièrement bénéficié que ce soit sur le plan du diagnostic (imagerie…), des thérapies interventionnelles
(angioplasties…), pharmacologiques ou de suppléance (dialyse, greffes…).
Il a été montré que les gains élevés d’espérance de vie constatés depuis une trentaine d’années sont dus
essentiellement à la baisse de la mortalité d’origine cardiovasculaire, baisse dans laquelle les progrès de
prise en charge des malades prennent une part importante comme cela a pu être évalué dans le cas des
cardiopathies ischémiques.
L’amélioration de la survie a conduit à une augmentation continue de la prévalence des malades atteints de
pathologies relevant de la thématique, le plus souvent âgés et dont l’évolution, pour ne pas parler « d’histoire
naturelle », n’a pas été étudiée de façon adéquate au niveau populationnel. C’est le cas de malades ayant
eu une première poussée d’insuffisance cardiaque, d’une complication micro artérielle du diabète ou d’une
insuffisance rénale débutante. La caractéristique « chronique » de ces affections doit conduire à éviter toute
séparation artificielle entre étiologie et recherche clinique et à faire bénéficier ce secteur des méthodologies
de l’épidémiologie analytique.
Par ailleurs, l’organisation des soins - si importante dans le cas des maladies qui nous intéressent - ne fait
pas l’objet de travaux d’évaluation suffisants. Il s’agit là d’une carence de travaux dans le domaine
« Recherche sur le système de santé » particulièrement sensible en France.
L’ACTUALITE PROSPECTIVE
Dans le cas de pathologies aussi « essentielles » (dans tous les sens du mot), les travaux de recherche
récents, en cours, et ceux qui se développeront dans les prochaines années ne peuvent avoir qu’une grande
continuité. Cependant, il est vraisemblable que la recherche épidémiologique, quel que soit son domaine
d’application, devra s’adapter à des situations nouvelles de la conjoncture scientifique ou sanitaire. Pour
rester compétitive, la recherche épidémiologique dans la thématique devra instituer une veille scientifique et
une coordination efficaces mais également disposer des outils de taille suffisante qui soient mobilisables
pour mener à bien les investigations nécessaires au niveau populationnel.
La recherche étiologique et physiopathologique
Il faut convenir que les éléments de nouveauté qui apparaîtront concerneront au premier chef ce domaine.
a) L’approfondissement des voies étiologiques classiques mais également la mise en évidence de
voies nouvelles, associées à des marqueurs biologiques spécifiques, seront obtenues par la recherche
génétique couplée à la recherche expérimentale. Les prémisses d’une telle évolution sont déjà présentes et
après les déceptions relatives nées de l’approche gène-candidat, précisément dans le cas de la pathologie
coronaire, de l’hypertension artérielle et dans une certaine mesure du diabète, les résultats les plus récents
issus de l’approche « génome entier » sont prometteurs. Ils sont obtenus à partir du rapprochement d’études
cas-témoins, en nombre et en taille souvent élevés pour écarter les associations faussement positives et il
faut reconnaître qu’à ce stade (en quelque sorte préhistorique) il s’agit plus de banques biologiques
réunissant l’ADN d’individus que d’études étiologiques rigoureusement définies.
Les étapes suivantes qui mêleront la recherche d’interactions avec l’environnement et l’application des
résultats de génétique fonctionnelle et de protéomique appliquée au métabolisme feront nécessairement
appel à des enquêtes étiologiques également de grande taille, mais plus rigoureuses sur le plan du recueil
de l’information phénotypique. Celle-ci concerne aussi bien la biologie des individus, les caractéristiques de
leur environnement et de leur mode de vie, que la nature précise des complications cliniques dont ils sont ou
non atteints.
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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Il est facile d’imaginer que la décision, l’organisation, le financement et le maintien d’une étude de ce type
supposent une forte coordination à l’échelle du pays et vraisemblablement un engagement européen ou
international fort. L’Inserm apparaît comme l’organisme incontournable pour assurer cette mission qui devrait
se concrétiser dans les 5 ans à venir.
b) Parallèlement à l’établissement d’une réflexion sur la création d’un tel outil, il est important de
disposer d’études existantes et de collaborations avec des institutions de santé, qui permettent rapidement
d’obtenir des informations épidémiologiques spécifiques de nature biologique ou non et si possible de tester
des hypothèses limitées. C’est en particulier le cas des travaux d’évaluation de technologies non invasives
dans le but de mieux préciser en population, le stade phénotypique de l’évolution des pathologies comme
c’est d’ores et déjà le cas pour l’echo-doppler carotidien ou fémoral, dans l’imagerie rétinienne, en
échographie cardiaque et rénale, dans l’exploration du système sympathico-vagal…
L’expérience a montré que l’association d’équipes de recherche épidémiologique dans le domaine
cardiovasculaire et du diabète avec certains centres d’examen de la Sécurité Sociale (IRSA, IPC par
exemple) pouvait être très fructueuse et une attention particulière doit être portée sur les possibilités
ouvertes par le projet de la cohorte CONSTANCE dans les années à venir, même si son ambition dépasse
celle de la recherche épidémiologique dans les domaines étudiés ici.
c) Ainsi que cela a été rappelé, la nature même des maladies relevant de la thématique donne un
intérêt particulier à l’observation longitudinale et en définitive c’est bien une épidémiologie aux différents
âges de la vie qu’il serait nécessaire de développer (« life course epidemiology »).
Les origines précoces (fœtales, petite enfance) des désordres métaboliques font l’objet de nombreux travaux
et on peut parier que cette approche apportera des résultats importants dans la compréhension de
l’installation du risque vasculaire chez l’adulte. Au delà des travaux en cours comme l’étude EDEN, dont la
dimension s’avère largement insuffisante, il serait souhaitable qu’un volet ambitieux de recherche
épidémiologique longitudinale sur le métabolisme soit installé dans le cadre de la cohorte ELFE et l’Inserm
est particulièrement bien placé pour le définir et le faire exister.
A l’opposé, l’étude de « l’histoire naturelle » des « grandes pathologies » du vieillissement que sont
l’insuffisance cardiaque, les troubles du métabolisme glucidique et l’insuffisance rénale et de leurs
interrelations justifie qu’un suivi longitudinal soit mis en place pour mesurer l’évolution des phénotypes
correspondants, biologiques, para cliniques et cliniques et d’en identifier les déterminants. Le même
protocole et les mêmes examens pourraient être simultanément appliqués à trois volants distincts de sujets
volontaires recrutés à partir de marqueurs précoces pour chacune des pathologies. Il est vraisemblable que
la taille de l’étude en termes d’effectifs mais aussi de durée devrait être élevée. Elle supposerait une
importante collaboration avec la recherche clinique et nécessiterait un effort de coordination qui ne pourrait
s’effectuer que dans le cadre d’un consortium dont l’Inserm serait l’élément moteur.
La prévention primaire
Le développement de bases de données ayant une dimension épidémiologique (registres en particulier)
conditionne la possibilité d’évaluer au niveau global, les progrès de la prévention primaire. La croissance de
l’InVS constitue un élément important de politique scientifique à prendre en compte, ainsi que peut être
d’autres Agences de santé. Il est bien clair que l’épidémiologie à l’Inserm doit coopérer étroitement avec les
Agences dans ce domaine, en particulier sur le plan méthodologique, mais ne doit pas chercher à se
substituer à elles.
Certains thèmes de prévention primaire non résolus ou pour lesquels des évaluations nouvelles
deviendraient souhaitables et possibles… pourraient néanmoins faire l’objet d’essais dont la maîtrise
d’œuvre reviendrait naturellement à l’Inserm. Cela pourrait concerner particulièrement la prévention du
diabète et au delà la prévention cardiovasculaire, dans la perspective d’une croissance de la prévalence de
l’obésité dans la population.
L’amélioration de la prise en charge
Là encore, l’épidémiologie à l’Inserm ne peut pas se substituer aux acteurs principaux, en particulier les
cliniciens des CHU et les institutions propres à la recherche clinique dans notre pays.
Par contre l’expérience a amplement démontré l’intérêt de faire participer les épidémiologistes Inserm aux
groupes de travail ad hoc constitués autour des problématiques d’essais cliniques de phase III, encore
insuffisamment développés en France dans les disciplines envisagées ici. Il conviendrait que l’industrie
pharmaceutique prenne (reprenne ?) confiance dans la réalisation d’essais multicentriques pilotés en France
et l’Inserm pourrait y jouer un rôle important à travers sa participation au CeNGEPS auprès du LEEM et des
DIRRC.
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Il devrait en être de même pour la régulation de la création d’observatoires cliniques temporaires, à l’initiative
de l’industrie, et dont la multiplication anarchique (en particulier auprès de la médecine libérale) nuit au
développement d’une recherche clinique de phase IV authentique.
Par ailleurs, seule une politique volontariste décidée conjointement par les organismes de soins et de
protection sociale, en direction des équipes universitaires, avec l’aide de l’Inserm et des organismes de
recherche en sciences sociales, peuvent conduire à la création des équipes multidisciplinaires de recherche
sur le système de santé qui font aujourd’hui défaut. L’IReSP, qui réunit beaucoup des acteurs concernés,
pourrait être chargé d’une mission exploratoire dans ce domaine.
CONCLUSIONS
On peut considérer que les 5 ans (10 ans ?) à venir, verront dans le domaine cardiovasculaire, du diabète et
des maladies rénales (et sans doute pas exclusivement) un développement important de travaux
épidémiologiques sous au moins trois angles différents :
•
la production de bases de données médicales et de santé de plus en plus nombreuses et complètes
dont il conviendra en permanence de contrôler la validité et d’assurer la disponibilité.
•
la généralisation (pour ne pas dire banalisation) d’études limitées, le plus souvent de nature clinique
mais en grand progrès sur le plan de la qualité méthodologique.
•
le lancement de «grandes études» ayant un coût élevé sur une durée longue répondant à des
enjeux importants et participant à la compétition internationale en matière de publication scientifique.
La mission de l’Inserm ne peut qu’être différenciée selon ces différents secteurs. Il apparaît clairement que
l’Institut doit assumer un rôle de veille scientifique généralisée au niveau national, qu’il doit assurer une
tâche de coordination et de promotion de l’approche épidémiologique dans tous les secteurs de la santé
publique, qu’il doit enfin prendre en charge la formulation, la planification, la mise en place des
collaborations, la réalisation et la valorisation de « grandes études » que l’on a tenté d’esquisser dans ce
texte pour cette thématique.
L’expérience déjà acquise par certains d’entre nous dans ce domaine montre qu’une telle ambition ne peut
faire l’économie d’un personnel formé à l’épidémiologie, la bio statistique et la santé publique en nombre
suffisant, le retard pris par rapport à d’autres pays se manifestant, avant tout, par un sous encadrement
scientifique et médical évident des équipes.
Et l’Europe ? Si ce texte est resté très discret sur ce point c’est avant tout parce que le pays doit être
considéré dans le domaine comme une « terre sinistrée ». Afin d’aller au-delà des vœux pieux, remarquons
qu’il n’est pas inutile, bien qu’absolument pas suffisant, d’avoir fait vivre un consortium français de recherche
épidémiologique pour avoir l’espoir de décrocher la responsabilité d’un consortium européen !
Qui à l’Inserm ?
U525 : Génétique épidémiologique et moléculaire des pathologies cardiovasculaires (Dir. : François
Cambien)
U557 : Epidémiologie nutritionnelle (Dir. : Serge Hercberg)
U558 : Epidémiologie et analyses en Santé Publique : risques, maladies chroniques et handicaps
(Dir. : Hélène Grandjean) – Equipe : Epidémiologie de l'athérosclérose et des maladies cardio-vasculaires
(responsable : Jean Ferrières)
U744 : Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement (Dir. :
Philippe Amouyel) – Equipe : Santé publique et épidémiologie des maladies cardiovasculaires (responsable :
Philippe Amouyel ) ; Equipe : Recherche des déterminants moléculaires des maladies cardiovasculaires par
analyse protéomique et approches gènes candidats (responsable : Laurence Pinet)
U780 : Recherche en épidémiologie et biostatistique (Dir. : Thierry Moreau) – Equipe : Nutrition, obésité,
diabète, maladie rénale chronique (responsable : Marie-Aline Charles )
U909 : Epidémiologie cardiovasculaire (Dir. : Xavier Jouven)
U921 : Nutrition, croissance et cancer (Dir. : Philippe Bougnoux)
Registre des cardiopathies ischémiques de Lille (responsable scientifique : Philippe Amouyel)
Registre des cardiopathies ischémiques de Haute-Garonne (responsable scientifique : Jean Ferrières)
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Economie, politique et système de santé
Gérard de POUVOURVILLE – Professeur titulaire
Chaire Economie et gestion de la santé - ESSEC
QUELLES RECHERCHES EN ECONOMIE DE LA SANTE A L’INSERM ?
1. La sciences économique étudie les phénomènes de production et d’échange des biens et services, à la
fois avec un programme positif- proposer des lois générales explicatives de la forme prise par ces
échanges- et plus prescriptive – proposer des formes sociales à ces échanges qui assurent une allocation
efficiente des ressources au sein d’une société. Par allocation efficiente des ressources, il faut entendre au
sens large du terme la recherche d’une mise en harmonie entre le bien-être de chaque individu et le bienêtre de tous.
2. D’autres sciences sociales s’intéressent également à la production et l’échange de biens et services,
comme la sociologie ou l’ethnologie. La science économique s’en distingue par les concepts qu’elle propose,
les méthodes de recherche qu’elle utilise et l’angle d’attaque qu’elle adopte pour étudier ces phénomènes.
En particulier, la science économique fait une place toute particulière à l’hypothèse selon laquelle, dans ces
échanges, les individus cherchent leur bien-être personnel. Cette hypothèse n’est en rien exclusive d’autres
hypothèses explicatives des comportements individuels dans l’échange, avancées par les autres sciences
sociales. Mais celles-ci vont généralement l’inclure dans un système d’explication plus large, en relativisant
son importance, alors que la science économique revendique son caractère central pour comprendre les
formes sociales prises par l’échange des biens et services, en particulier dans la création de richesse, de
formation de la valeur et de répartition des richesses créées.
3. Ce programme de recherche s’applique dans le domaine de la santé, comme dans d’autres domaines. Il
est cependant habituel de dire que la production de biens et de services dans ce domaine présente des
caractéristiques qui le distinguent de la production de biens et de services marchands. Les économistes
retiennent en particulier la question de l’incertitude sur la survenue de la maladie et ses conséquences, qui
justifie l’existence de mécanismes assurantiels pour financer les services, ainsi que l’asymétrie d’information
qui existe entre les professionnels qui offrent des services de soins et les patients, enfin l’existence
d’externalités positives et négatives justifiant l’intervention d’une régulation hors marché.
4. D’autres secteurs d’activité économique présentent des caractéristiques identiques. Le domaine de la
santé s’en distingue sans doute par le fait que la santé est un état ou un bien supérieur, sans lequel un
individu ne peut plus exercer pleinement ses facultés de choix, ne peut plus mener à bien ses projets
personnels, est privé d’une capacité de se projeter dans le futur, etc.
5. Ce long et pourtant sommaire préambule a pour but de rappeler que, comme les autres sciences sociales
qui se sont donné la santé comme objet d’étude, la science économique se présente comme une discipline
scientifique avec sa dynamique spécifique, ses concepts et ses méthodes. Ce rappel est important pour
clarifier la question des relations entre l’économie de la santé et la recherche en santé publique.
6. De mon point de vue (partagé par d’autres, me semble-t-il), cette recherche en santé publique se
caractérise plus par ses finalités que par son identité disciplinaire. Je définirai cette finalité de façon assez
large en disant que la recherche en santé publique s’intéresse à la connaissance et à la compréhension des
phénomènes qui peuvent avoir un impact sur la santé de la population. La notion de « santé de la
population » recouvre l’idée que l’objet de la recherche n’est pas l’amélioration de la santé de l’individu,
comme cela peut l’être en recherche en sciences de la vie ou en recherche thérapeutique, qui débouchent
sur des vecteurs de soins nouveaux. L’idée est qu’il existe des phénomènes plus globaux, résultant d’effets
d’agrégation de comportements individuels ou d’autres facteurs, qui vont avoir un impact collectif, et non
plus individuel. En cela, il y a une parenté entre la santé publique et une branche de l’économie (ainsi que
d’autres sciences sociales), qui elle aussi s’intéresse aux effets non attendus de composition de
comportements individuels rationnels, ce qu’elle appelle les externalités. Une autre caractéristique de la
recherche en santé publique est, comme pour l’économie, sa finalité prescriptive : comprendre pour agir.
Bien souvent, les équipes de recherche en santé publique sont sollicitées pour comprendre et pour élaborer
des recommandations de politique publique.
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7. Dans la mesure où d’autres sciences sociales, y compris l’économie, peuvent contribuer à la finalité de la
recherche en santé publique, il est logique qu’elles y soient associées. Elles apportent en effet des concepts
et des outils différents qui permettent d’étudier des facteurs que n’étudient pas a priori les disciplines
fondatrices de la santé publique, comme l’épidémiologie. En économie de la santé, quels thèmes peut-on
identifier ?
8. L’analyse économique des comportements à risque, qui sont un facteur causal important de certaines
maladies chroniques est un premier thème. A l’heure actuelle, les réponses apportées pour lutter contre ces
maladies sont, d’une part, des politiques plus actives de dépistage, de prévention primaire et secondaire,
d’autre part, des politiques de promotion et d’éducation pour la santé. A l’instar de la lutte contre le tabac et
l’alcoolisme, au sein de laquelle une incitation économique simple, la hausse des prix, joue un rôle
important, des travaux visant à développer des modalités nouvelles d’intervention auprès de groupes à
risque, fondées sur la théorie économique, seraient bienvenus.
9. Ceci ne dispense pas naturellement d’étudier l’efficience des dispositifs existants : l’Inserm peut inciter les
équipes à développer des méthodes (et des travaux) d’évaluation des politiques actuelles de dépistage et de
prévention. Ces travaux pourraient intégrer l’étude des incitations économiques requises pour s’assurer de
la participation des professionnels de santé et des personnes potentiellement bénéficiaires à ces actions de
prévention.
10. Le champ de l’évaluation économique des autres vecteurs diagnostiques et thérapeutiques est à l’heure
actuelle mieux couvert que le champ précédent, soit par l’industrie dans le cas du médicament, soit par les
programmes PHRC et de soutien aux innovations thérapeutiques coûteuses. Cela ne dispense pas les
équipes de l’Inserm d’y contribuer, en mettant l’accent sur les questions de mesure des résultats et de
méthodes. Les évaluations économiques des actions de santé requièrent de bonnes connaissances en
épidémiologie, en recherche clinique, en statistiques et en techniques de modélisation. Le potentiel
important existant à l’Inserm pour ces outils méthodologiques est un atout dans le développement de ces
travaux.
11. Un autre thème transversal est celui du fonctionnement des services de santé : la question économique
transversale est celle de la définition de modalités nouvelles d’organisation et de rémunération des acteurs
des services de santé, dans le but de promouvoir des soins plus efficients. Il ne faut pas hésiter dans ce
domaine à promouvoir des expérimentations sur des échelles asses grandes pour qu’elles soient
significatives. Ceci doit concerner aussi bien l’hôpital que la médecine de ville. Egalement, sur ce thème, le
développement de bases de données sur l’activité et les coûts des services de santé est un facteur de
facilitation de travaux économétriques sur le fonctionnement des services de santé, avec pour objectif de
tester empiriquement des hypothèses de comportement économique des acteurs. Si les méthodes
économétriques utilisées ne sont pas toujours les mêmes que celles mobilisées par les biostatisticiens,
néanmoins elles ont une base statistique commune qui favorisera les échanges scientifiques avec les
équipes de santé publique.
12. En dehors du fonctionnement du système de santé, le thème « Travail et Santé », me paraît intéressant
à développer à l’Inserm. D’une part, l’Institut a acquis une forte compétence sur ce thème, tant d’un point de
vue épidémiologique que des sciences sociales : d’un point de vue économique, il peut s’aborder de deux
façons. La première est celle de l’analyse des incitations économiques qui conduiraient les entreprises (et
les administrations) à mieux intégrer les conséquences des conditions matérielles, organisationnelles et
managériales sur la santé de leurs employés. La deuxième est plus positive dans son approche, et viserait à
développer des méthodes permettant de mettre en relation de façon rigoureuse le lien entre travail, santé
des travailleurs, impact sur la productivité et sur les dépenses de santé.
13. L’ensemble de ces thèmes est déjà développé à des degrés divers dans les deux équipes de l’Inserm au
sein desquels pratiquent des chercheurs en économie de la santé. Dans ces équipes, d’autres thèmes de
recherche sont abordés qui ne sont pas mentionnés ci-dessus (développement économique et santé, socioéconomie de l’innovation). Le fait de ne pas les citer ne veut pas dire qu’il ne faut pas les considérer.
L’objectif de cette note est plutôt de mettre l’accent sur les domaines que l’Inserm pourrait contribuer à
renforcer.
14. Ma note privilégie plutôt des travaux de micro-économie, au détriment de recherches en macroéconomie
de la santé (la santé comme facteur de croissance économique, par exemple). Il me semble difficile de créer
un potentiel suffisant à l’Inserm pour initier des approches macro-économiques. A nouveau, il ne s’agit pas
là d’un jugement de valeur sur l’intérêt de ces travaux, mais plutôt d’opportunité de les encourager à
l’Inserm.
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Qui à l’Inserm ?
U707 : Epidémiologie, systèmes d'information, modélisation (Dir. : Guy Thomas)
U723 : Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique (CRESP) (Dir. : Didier
Fassin)
U750 : CERMES Médecine, sciences et société : dynamiques de redéfinition (Dir. : Martine Bungener)
U912 : Sciences Economiques & Sociales, Système de santé, Sociétés (SE4S) (Dir. : Jean-Paul Moatti)
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Environnement – santé – travail
Denis HEMON, DRE Inserm
U754 : Epidémiologie environnementale des cancers – Inserm/Université Paris Sud 11
ENVIRONNEMENT ET SANTE
Les expositions aux agents physiques, chimiques, biologiques, présents dans les milieux qui entrent en
contact avec l'homme (air, eau, sols, aliments, ...) dans ses différents cadres de vie (domestique, général, de
loisir, de travail,...), occupent une place centrale dans les risques pouvant faire l'objet de mesures de
prévention.
L'identification des facteurs de risque, la connaissance de l'exposition des populations et des relations
exposition - risque, l'étude des aspects économiques et sociologiques de la gestion des risques relèvent de
différentes disciplines scientifiques représentées à l'Inserm : disciplines fondamentales et cliniques,
toxicologie, épidémiologie, économie et sociologie. Ce sont autant d'aspects d'une importance majeure pour
guider les politiques de prévention.
Avec la mise en place des "Agences de santé" (Afssa, Afsset, InVS, Afssaps), l'importance des politiques de
prévention des risques liés à l'environnement a été reconnue et associée à des activités de surveillance,
d'alerte, de gestion des risques, d'expertise et de valorisation des connaissances. Elle a été prolongée par la
mise en place des "Programmes Nationaux Santé Environnement" et "Santé Travail" qui comportent chacun
parmi leurs objectifs le renforcement des contributions de la recherche, notamment concrétisé par le
programme "Santé-Environnement, Santé Travail" de l'ANR.
Dans ce domaine, l'implication de l'Inserm est l'une des plus significatives dans notre pays et porte sur des
problématiques majeures :
•
Connaissance des risques liés à l'environnement,
•
Compréhension des mécanismes selon lesquels les facteurs environnementaux interagissent avec
la santé,
•
Identification des variants génétiques et autres facteurs personnels ou contextuels qui modulent ces
risques au sein des populations exposées,
•
Evaluation des bénéfices et des risques associés aux diverses actions envisageables pour prendre
en compte l'existence de segments de la population plus vulnérables (depuis la protection de
l'ensemble de la population, y compris sa fraction la plus vulnérable, jusqu'au dépistage et à la
protection individuelle des sujets les plus vulnérables).
Vingt-cinq Unités de recherche de l'Inserm ayant proposé des projets au programme "Santé-Environnement,
Santé-Travail" de l'ANR en 2005 et 2006 ont été retenues pour un financement : 10 provenant d'unités
travaillant en Toxicologie et Physiopathologie, 12 provenant d'unités travaillant en Epidémiologie et 2
d'unités travaillant en Sciences Humaines et sociales.
Pour significatives qu'elles soient, ces contributions, où, à tout le moins ce qu'on en perçoit et le bénéfice
qu'en retirent les institutions et agents chargés de la prévention des risques liés à l'environnement, restent
cependant nettement en-deça de ce que l'on peut attendre de l'Inserm compte tenu de son potentiel
scientifique en matière de connaissances des pathologies humaines et de leurs déterminants.
Les contributions scientifiques de l'Inserm dans le domaine Environnement - Santé devront être à la fois
renforcées et mieux valorisées.
CONTRIBUTIONS SCIENTIFIQUES A DEVELOPPER AU COURS DES PROCHAINES ANNEES
Connaissance des expositions environnementales
•
Mise au point et validation d'indicateurs biologiques d'exposition permettant de mieux apprécier le
degré d'exposition des individus et/ou des organes cibles, d'intégrer les diverses sources
d'exposition d'un individu à un même agent, d'intégrer l'exposition sur les échelles de temps (le plus
souvent longues) pertinentes,
•
Mise au point de méthodes épidémiologiques permettant de cerner au mieux les expositions
individuelles,
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Connaissances des facteurs de risque environnementaux
•
Mise au point de modèles expérimentaux originaux permettant de détecter les potentialités toxiques
des agents de l'environnement, prenant notamment en compte les évolutions méthodologiques et
technologiques majeures récentes : génomique, protéomique, métabolomique,
•
Mécanismes d'action moléculaires, cellulaires et tissulaires d'interaction des facteurs
environnementaux avec l'organisme, leur interférence avec les voies de signalisation, leur influence
sur les pathologies ; connaissance de l'influence de l'environnement sur le maintien de l'intégrité du
génome et son influence sur la santé des populations ; développement de recherches sur les effets
épigénétiques de l'environnement sur la santé,
•
Recherches épidémiologiques sur les relations entre exposition aux facteurs de risque de
l'environnement et risques pour la santé au niveau des populations.
Connaissance de la nature des risques, marqueurs d'atteinte
•
Détermination des lésions associées à l'exposition aux agents physiques, chimiques, biologiques de
l'environnement,
•
Recherches sur les marqueurs subcliniques d'atteintes prédictives de risque (pour l'individu et/ou
pour sa descendance) et sur leur utilisation pour les études en population humaine,
•
Recherches épidémiologiques sur l'hétérogénéité étiologique des maladies liées à l'environnement.
Connaissances des facteurs de sensibilité, synergies
•
Risques associés à l'exposition conjointe à plusieurs facteurs de risque environnementaux,
•
Existence de populations particulièrement vulnérables aux effets nocifs de certains facteurs de
risque environnementaux du fait de leur âge, leur état physiologique, leur état de santé ou leur
constitution,
•
Interactions entre les modes de vie et la sensibilité aux facteurs de risque de l'environnement.
Gestion des risques : approches économiques
•
Coûts directs (dépistage, soins, ...) et indirects (perte de production, ...) dus à l'existence de risques
pour la santé liés à la présence d'un facteur de risque dans l'environnement,
•
Evaluation économique comparative des rapports coût-avantage des différentes mesures de
protection envisageables (y compris l'absence de toute mesure),
•
Actualisation des coûts des mesures de protection et des avantages.
Gestion des risques : approches sociologiques
•
Modes de diffusion des connaissances sur les risques pour la santé liés à l'environnement,
•
Facteurs intervenant dans la prise en compte ou non des connaissances sur l'existence de risques
liés à l'environnement dans les comportements individuels et/ou les politiques des institutions,
•
Facteurs sociaux, démographiques, culturels, intervenant dans la perception de l'existence de
risques liés à l'environnement, dans la sensibilité aux facteurs de risque de l'environnement,
•
Conditions socio-économiques, démographiques, organisationnelles d'émergence des problèmes
santé-environnement ou de réduction de leur incidence.
LE CADRE GENERAL DE DEVELOPPEMENT DE CES RECHERCHES
Les points forts de l'Inserm vis-à-vis de ces différentes problématiques, devront êtres renforcés ; ils portent
notamment sur les atteintes respiratoires, allergiques, reproductives, sur les risques de cancer et les
atteintes génétiques, sur les pathologies neurologiques, infectieuses ou parasitaires, musculo-squelettiques.
Les recherches sur les atteintes environnementales à la santé de l'enfant et sur les processus par lesquels
les expositions pré- ou post-natales précoces pourraient altérer la santé à moyen et long terme
constitueraient un excellent axe de contribution intégrée de l'Inserm à la recherche en santé
environnementale au cours des prochaines années.
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Un certain nombre de "politiques d'accompagnement" sont indispensables au développement des
contributions de l'Inserm aux recherches en santé environnementale:
•
accroître l'implication de la recherche clinique et fondamentale dans la problématique
"Environnement – Santé" (prise en compte des dimensions environnementales dans les recherches
fondamentales et cliniques, prise en compte des aspects cliniques et fondamentaux dans les
recherches sur l'environnement),
•
promouvoir le développement de programmes de recherche multidisciplinaires,
•
soutenir le développement de partenariats entre l'Inserm et les autres institutions impliquées,
françaises et internationales, tant au niveau de la recherche qu'à celui de la mise en œuvre de
politiques de prévention des risques d'origine environnementale.
Qui à l’Inserm ?
U605 : Epidémiologie des cancers : radiocarcinogénèse et effets iatrogènes des traitements (Dir. :
Florent de Vathaire)
U687 : Santé publique et épidémiologie des déterminants professionnels et sociaux de la santé (Dir. :
France Lert)
U707 : Epidémiologie, systèmes d’information, modélisation (Dir. : Guy Thomas)
U754 : Epidémiologie environnementale des cancers (Dir. : Jacqueline Clavel)
U780 : Recherche en épidémiologie et biostatistique (Dir. : Thierry Moreau)
U794 : Méthodologie statistique et épidémiologie génétique et maladies multifactorielles (Dir. :
Florence Demenais) – Equipe : Composante génétique et interactions gènes-environnement dans des
maladies multifactorielles (responsables : Simone Benhamou, Florence Demenais)
ERI0003 : Cancers et populations : facteurs de risque, dépistage, pratiques diagnostiques et
thérapeutiques (Dir. : Guy Launoy)
ERI0011 : Evaluation et prévention des risques professionnels et environnementaux (Dir. : Denis
Zmirou-Navier)
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Expertise et décision publique : enjeux et difficultés
Jean-Paul MOATTI, PU Sciences économiques
U912 : Sciences Economiques et Sociales, Systèmes de Santé, Sociétés (SE4S),
Inserm/IRD/Université de la Méditerranée
LE CONTEXTE
Depuis les années quatre vingt, le champ de la santé tend à focaliser un ensemble d’enjeux économiques,
culturels et sociaux qui, au-delà de ce champ lui-même, engagent l’avenir des sociétés développées. Sans
prétendre à un recensement exhaustif, on peut citer les enjeux relevant des tendances lourdes d’évolution
suivantes :
•
le poids croissant des intérêts économiques liés à l’industrie pharmaceutique et biotechnologique,
qui demeure le secteur le plus profitable au plan international, avec la branche des assurances, en
dépit du ralentissement régulier du nombre de molécules nouvelles mises sur le marché ainsi que de
leur degré d’innovation,
•
la place de plus en plus centrale que la « culture du risque » tend à occuper dans la vie quotidienne
des sociétés contemporaines,
•
la mise sur l’agenda politique d’un nombre croissant d’enjeux de sécurité sanitaire et les crises de
santé publique qui leur sont souvent associées,
•
la multiplication des politiques nationales et territoriales à visée sanitaire et sociale, accompagnées
de controverses importantes sur la qualification des besoins, sur l’avenir de l’Etat providence et sur
les formes à donner à la justice et à la solidarité collective, que les aléas relèvent de la santé ou du
bien-être,
•
l’internalisation croissante, dans les pratiques de soins et dans l’organisation des systèmes de
santé, des contraintes de maîtrise de la croissance des dépenses de santé,
•
la multiplication, depuis la décentralisation, des compétences administratives concernées par le
sanitaire et le social, sans que la cohérence d’ensemble des dispositifs soit assurée,
•
la tendance à la « chronicisation » du risque maladie sous les effets du vieillissement
démographique, de la prévalence croissante des maladies chroniques et des handicaps associés à
l’âge, ainsi que, simplement, des avancées de la science biologique et du progrès médical,
•
la montée en puissance du « consumérisme » en matière de santé, liée à l’élévation des niveaux
d’éducation et d’accès aux technologies de l’information des populations, qui peut alimenter à la fois
les mouvements sociaux de patients et leur revendication d’un plus grand partage de l’information et
de la décision médicales, l’intégration dans les politiques publiques de la lutte contre les inégalités
d’accès aux soins et d’états de santé comme l’extension des créneaux de marché relevant du
champ sanitaire.
Ces évolutions du contexte socio-économique d’ensemble ont profondément affecté les articulations entre la
recherche biomédicale, la recherche en santé publique (incluant les sciences humaines, économiques et
sociales) d’une part, et l’expertise technico-scientifique mobilisée (formellement ou informellement) dans les
processus et procédures de décision publique.
Les risques pour la santé et l’environnement sont emblématiques de ces articulations nouvelles entre
science, expertise et décision publique. Longtemps associé aux techniques assurantielles, le terme de
risque a vu son usage déborder ce cadre initial à l’occasion d’accidents et de mouvements protestataires qui
ont secoué les sociétés occidentales à partir de la décennie 1970. Au fur et à mesure que son usage s’est
déployé dans différents domaines, deux mouvements concomitants se sont dessinés : d’un côté, le
développement de techniques d’analyse des risques qui entendent définir le risque aussi rigoureusement
que possible ; de l’autre, la multiplication de controverses sociales qui débattent de la nature et de l’ampleur
des risques attribués à une activité et des politiques les mieux appropriées pour « gérer » ces risques.
Comme le notent les sociologues Olivier Borraz et Daniel Benamouzig, « ces deux mouvements, loin de se
contredire, se nourrissent l’un l’autre : le déploiement d’une référence aux risques dans la contestation
d’activités jugées indésirables ou dangereuses (on pense au nucléaire, aux pesticides ou aux organismes
génétiquement modifiés) suscite des efforts de la part des régulateurs, des opérateurs et des experts pour
encadrer l’utilisation de la notion et l’inscrire dans des dispositifs scientifiquement rigoureux. Mais ces efforts
présentent des limites, tenant notamment à la difficulté de réduire les activités à leur seule dimension
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scientifique, qui conduisent à la poursuite des controverses ; celles-ci appelant à leur tour de nouvelles
tentatives de mise en forme de la part des pouvoirs publics ou des opérateurs privés ».
LE PROBLEME CLE : LA CRISE DES MODELES D’EXPERTISE
En matière de risques pour la santé et l’environnement, ainsi que plus généralement pour l’ensemble des
politiques visant à promouvoir et à encadrer le développement de l’innovation biomédicale, les modèles
« classiques » d’utilisation de l’expertise dans une perspective d’éclairage ou d’aide à la décision publique
connaissent des crises successives.
Un premier « modèle », longtemps dominant dans l’administration française de la santé publique (et encore
prégnant dans de nombreuses procédures d’expertise et de décision) consiste en un télescopage entre le
moment de l’évaluation du risque (ou de l’intérêt de telle ou telle innovation) et celui des arbitrages
économiques, politiques et sociaux que supposent inévitablement les politiques de protection sanitaire ou de
promotion/maîtrise de l’innovation. Ce « modèle » se traduisait notamment par une composition « mixte »
des multiples instances consultatives censées « informer » l’administration dans ces décisions, celles-ci
pouvant associer des scientifiques, siégeant au titre de leur expertise, avec des « représentants » des
acteurs et des intérêts concernés avec souvent une ligne de séparation « floue » entre ces deux catégories.
Il avait l’avantage de donner, en définitive, une marge de manœuvre importante au « pouvoir » d’arbitrage
de l’administration et en dernière instance du politique. Certains auteurs comme Stephen Breyer, en
venaient même, au début des années 1990, à opposer au cas des Etats-Unis, exemple selon eux d’une
« judiciarisation excessive » des débats sur les risques, le cas de la France comme offrant une alternative
crédible, dans laquelle la faiblesse des procédures de participation ou de consultation des populations était
compensée par l’existence d’une élite administrative située au-dessus des intérêts partisans.
Force est de constater que ce premier modèle est entré en « crise » profonde au cours de la dernière
décennie. La succession des « affaires » de santé publique venant occuper le devant de l’espace public a
conduit à ce que l’ensemble du système français de régulation des risques sanitaires et environnementaux
soit profondément remanié : des agences d’expertise ont été créées, les ministères et leurs services
déconcentrés ont été transformés, de nouveaux principes d’action ont été introduits, quoique toujours
débattue la référence au « principe de précaution » s’est étendue. Parallèlement, les mobilisations et les
controverses se sont multipliées, des associations de victimes ou de patients se sont constituées et ont
obtenu droit de cité, on assiste à une ébauche de judiciarisation, et des mesures parfois excessives ont été
adoptées pour répondre à un « risque perçu » dans l’opinion publique (comme nous l’avions par exemple
montré avec Sandrine Loubière en matière de dépistage de l’hépatite C dans les dons de sang).
Un second modèle, plus proche de celui qui préside à l’usage de l’expertise dans les pays du Nord de
l’Europe et les pays anglo-saxons, tend aujourd’hui à s’imposer. D’inspiration weberienne (par référence au
sociologue Max Weber), il tend à instaurer la distinction la plus stricte possible entre évaluation et gestion du
risque. Ce modèle se propose de distinguer le moment de l’évaluation du risque (ou de l’évaluation des
impacts probables de l’innovation), qui relèverait de l’expertise dont le rôle consisterait à faire la synthèse de
« l’état de la science » à un moment donné sur un sujet donné, de celui de la gestion qui consisterait à
arbitrer entre les différentes positions en présence (par exemple sur le degré d’acceptabilité de tel ou tel
risque) dans l’arène sociale. Il constitue, me semble t-il, la référence implicite de la pratique des agences
sanitaires en France et de façon quasi-explicite des « expertises collectives » conduites par l’Inserm ou de
l’affirmation de l’OMS qui souhaite devenir une organisation dont les recommandations seraient désormais
« basées sur l’évidence ». En pratique, ce modèle peut s’appuyer, à des degrés divers, sur deux évolutions
dans ses tentatives de mobilisation de l’expertise aux fins de décision publique :
•
d’une part, dans les champs proprement scientifiques de la statistique comme de la théorie de la
décision fondée sur différentes approches de sciences économiques et sociales, sont apparues
diverses avancées méthodologiques dans la façon de synthétiser un ensemble d’informations
scientifiques (méta-analyse des résultats d’essais thérapeutiques, raffinement du calcul économique
de type coûts-avantages, méthodes multi-critères, méthodes de micro-simulation, recherche
opérationnelle etc….) ;
•
d’autre part, les différences instances et organisations devant mettre en œuvre une mobilisation de
l’expertise tendent à codifier et formaliser les procédures à suivre pour parvenir à une synthèse des
informations existantes (tant dans la manière de conduire des revues de la littérature que du choix
des experts et des modalités de travail pour les groupes d’experts consultés) ; depuis les
Conférences de Consensus du NIH américain aux Conférences Citoyennes en passant par les
règles de fonctionnement des Agences Sanitaires, de la Haute Autorité de Santé, du Haut Comité de
Santé Publique, de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques & Technologiques,
etc.
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Ce second modèle se heurte d’emblée à des limites qui tiennent à la difficulté intrinsèque d’une séparation
stricte entre l’évaluation, qui serait du seul domaine de la science, et la gestion, qui ferait intervenir des
arbitrages entre les intérêts et les valeurs. En fait, une telle dichotomie est remise en cause par plusieurs
des phénomènes de fond qui avaient justement conduit à la crise du précédent « modèle » d’expertise, crise
à laquelle ce second modèle n’apporte pas de réponse complète :
•
Tout d’abord, les pratiques de recherche, même la recherche la plus fondamentale, même quand
des dispositifs institutionnels (comme ceux de notre recherche publique) s’efforcent de garantir son
« autonomie », sont insérées de fait dans une société donnée ; elles n’échappent donc pas à
l’influence de facteurs extra-scientifiques (à travers leurs modalités de financement bien sûr mais à
travers l’insertion des chercheurs eux-mêmes dans le monde social concret dans lequel ils vivent). A
l’inverse, les acteurs économiques et sociaux utilisent, aux fins de leurs propres objectifs, tel ou tel
aspect des résultats et de l’expertise scientifique, comme en témoigne la façon dont telle ou telle
divergence d’opinion entre scientifiques peut venir alimenter les controverses sociales.
•
Ensuite, une partie de l’évidence scientifique disponible traite justement du comportement des
acteurs, de la façon dont ils interagissent et dont ils sont façonnés par les contraintes économiques
et sociales, tous phénomènes qui sont au cœur de la gestion des risques et des innovations.
Comme l’a souligné le Advisory Committee on Health Research de l’OMS, l’une des faiblesses
majeures des recommandations émises par cette organisation tient à son insuffisante prise en
compte non seulement de l’évidence biomédicale mais aussi de celle issue des disciplines de santé
publique et des recherches sur les services et systèmes de santé.
•
Enfin et surtout, tant l’évaluation que la gestion des risques et de l’innovation se heurtent aux
difficultés liées à l’incertitude.
L’économie propose une distinction classique entre risque et incertitude, le premier pouvant faire l’objet d’un
calcul de probabilité appliqué à plusieurs résultats possibles, alors que la seconde échappe aux probabilités
de type fréquentistes, en raison de données insuffisantes pour établir une liste complète de résultats
possibles. Selon cette acception, il n’est permis de parler de risque qu’à propos de phénomènes
suffisamment anciens, sur lesquels on dispose à la fois d’un recul et de données d’observation, pour
parvenir à établir une probabilité d’occurrence. Faute de quoi, il n’est question que d’incertitudes, autour
desquelles on peut concevoir des dispositifs ou des principes permettant de se prononcer sur leur degré ou
non d’acceptabilité.
Certes l’incertitude peut être comprise comme un défaut « temporaire » de connaissances, qui peut tenir à
l’absence de données d’observation concernant l’exposition à une substance, l’insuffisance des savoirs sur
une molécule, un manque de recul dans le temps dû à la nouveauté d’une technologie, la complexité des
mécanismes chimiques ou biologiques en jeu, des interactions complexes, … connaissances, lié en général
à un approfondissement des recherches. Or, la sociologie des sciences et des techniques a depuis
longtemps montré que l’accroissement des recherches dans un champ donné aboutit à étendre tout autant
le champ des connaissances que celui des incertitudes (ce que l’on sait que l’on ne sait pas : les « known
unknowns »). Qui plus est, il existe de vastes pans d’incertitudes dont les scientifiques ne sont même pas
conscients (les « unknown unknowns »). Dans ces conditions, il est difficile de procéder à une analyse de
risque sur des sujets comportant de nombreuses incertitudes, sans que n’interviennent des appréciations ou
des jugements à propos de ces incertitudes, lesquels introduisent, au cœur même de la démarche
d’évaluation scientifique, une part de subjectivité, des valeurs ou des principes éthiques. Poussé à l’extrême,
comme dans le recours au « principe responsabilité » chez le philosophe Hans Jonas, l’incertitude peut venir
justifier une escalade de « scénarios du pire » conduisant à la paralysie de toute innovation ou à une
escalade vers la protection maximale contre tout risque. Il n’en reste pas moins qu’un contexte d’incertitude
forte rend caduc un modèle de stricte séparation entre évaluation et gestion des risques et conduit plutôt à
chercher à promouvoir des systèmes d’évaluation en continu permettant e revenir sur certaines décisions au
cours du temps (si des dangers insoupçonnés ou sous-estimés se révèlent), ce qui implique de veiller à
limiter les irréversibilités induites par les systèmes technologiques.
La procédure d’expertise collective Inserm actuelle me semble se heurter, comme l’ont montré des
polémiques récentes dans le champ de la santé mentale, aux difficultés du second modèle d’expertise
évoqué ci-dessus en ce qu’elle va à la fois « trop » et « pas assez » loin. Elle va « trop loin » car il est la
plupart du temps impossible de se limiter à ce qui fait consensus indiscutable dans la littérature scientifique
pour pouvoir répondre à la demande d’expertise adressée à l’Inserm par les partenaires extérieurs et
émettre des recommandations pour l’action publique, le groupe d’experts participant aux travaux devant
inévitablement prendre des risques d’interprétation, d’extrapolation de données plausibles, quoique
discutables, pour être en mesure de produire un rapport « utile ». Il est alors quasi inévitable que dans des
cas de sujets « chauds » sur le plan socio-économique, le résultat de l’expertise puisse, quelle que soit sa
qualité, se retrouver instrumentalisé dans les débats voire les affrontements entre acteurs. Mais, cette
expertise ne va pas non plus « assez loin » pour impacter fortement la décision, et assumer son rôle de
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« cadrage » des débats, en ce que d’une part, elle donne peu de place aux données de sciences humaines,
économiques et sociales, d’autre part elle ne recourt jamais aux méthodes scientifiques formalisées de
synthèse de l’information ; en particulier, l’expertise collective ne va jamais jusqu’à produire une valeur
ajoutée modélisant l’impact potentiel de différents choix alternatifs de politique publique susceptibles de
traiter le problème posé (alors que de nombreuses institutions internationales ont des expériences utiles
dans ce domaine).
QUELQUES ELEMENTS DE SOLUTION (AU MOINS POUR L’INSERM)
Il serait présomptueux de prétendre que l’Inserm peut à elle seule résoudre des problèmes fondamentaux de
l’expertise qui agitent depuis plus de vingt ans de multiples chercheurs de toutes disciplines et les autorités
publiques de la plupart des pays. Plus modestement, quelques avancées pourraient résulter des mesures
suivantes qui impliqueraient qu’un minimum de moyens leur soient consacrés au siège, au niveau par
exemple du Département de la Recherche en Santé Publique :
a) Promouvoir une pratique « moins individuelle » des activités d’expertise « quotidienne » des
chercheurs.
Recenser dans une base de données l’ensemble des responsabilités d’expertise (commissions et
instances diverses notamment) des chercheurs de l’Institut.
Rendre public un « calendrier » des principales réunions, nationales et internationales en matière
d’expertise sanitaire, auxquelles participent les personnels de l’Institut afin que ceux-ci puissent être
contactés par leurs collègues ou/et par la Direction de l’Institut ou/et les administrations autant que de
besoin.
Susciter des réunions préparatoires des personnels concernés avant les réunions majeures (Assemblée
Mondiale de la Santé, Appels d’Offres de l’Union Européenne, HCSP, etc….).
Etablir, par grands domaines, une liste « labellisée » Inserm d’experts mise à disposition des partenaires
extérieurs.
b) Mieux prendre en compte les activités d’expertise dans l’évaluation des activités des chercheurs et
des laboratoires.
Sur ce point, il faut insister sur le fait que les activités d’expertise sont consommatrices de temps et
qu’elles doivent donc être valorisées (au même titre par exemple que l’obtention de brevets) mais veiller
à ce qu’elles n’en viennent pas à se substituer à une véritable production scientifique. En fait,
l’expérience des grandes universités anglo-saxonnes dans leurs relations aux organisations
internationales montre que la présence de leurs membres comme experts dans différentes instances
peut créer l’opportunité de démultiplier les activités de recherche et les publications scientifiques.
c) Promouvoir une réflexion d’ensemble sur l’expertise des organismes de recherche, des Agences
Sanitaires et des autres instances consultatives (HAS, HCSP, INCA, etc.).
Cette réflexion viserait à recenser les expériences de différentes procédures formalisées de recours à
l’expertise qui existent actuellement et d’en faire un bilan afin d’en retirer des principes généraux
consensuels et communs à tous. Ceci pourrait, dans un premier temps, prendre la forme d’un Colloque
qui ferait appel aux expériences étrangères, impliquerait des partenaires de la culture scientifique et
technique (comme la Cité des Sciences de la Villette) et reposerait sur une série d’études de cas de
controverses et de décisions publiques dans le champ sanitaire.
d) Faire évoluer la procédure d’expertise collective Inserm.
Ceci implique notamment d’une part de renforcer la composante d’expertise de santé publique et de
sciences humaines, économiques et sociales sur la plupart des sujets abordés (en envisageant par
exemple un partenariat avec les Universités et le Département SHS du CNRS pour tout ou partie des
expertises) ; d’autre part, de doter le Département de Recherche en Santé Publique d’une capacité
propre de mettre en œuvre les méthodes formalisées de synthèse de l’information (méta-analyse,
analyses de scénario, simulations) permettant d’inclure, autant que nécessaire, dans l’expertise, la
comparaison de l’impact de décisions publiques alternatives. Ce dernier point impliquerait une capacité
du Département, à la fois à réaliser par un Service Commun une partie de ces travaux et à mobiliser le
réseau des laboratoires Inserm et associés pour y contribuer.
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Qui à l’Inserm ?
U723 : Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique (CRESP) (Dir. : Didier
Fassin)
U750 : CERMES Médecine, sciences et société : dynamiques de redéfinition (Dir. : Martine Bungener)
U912 : Sciences Economiques & Sociales, Système de santé, Sociétés (SE4S) (Dir. : Jean-Paul Moatti)
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Génétique épidémiologie
Philippe AMOUYEL, PU-PH Santé publique
U744 : Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement –
Inserm/Université Lille 2/ Institut Pasteur Lille
HISTORIQUE
Toutes les maladies, y compris les maladies infectieuses, sont liées à des déterminants environnementaux
et à des déterminants constitutionnels dont les interactions favorisent la diversité de leur présentation et de
leur évolution.
Deux cas sont donc à considérer, celui des maladies dites héréditaires dans lesquelles la composante
génétique explique la majeure partie de la variance et les maladies communes dans lesquelles existe une
susceptibilité génétique sans modèle simple de ségrégation.
Autant, l’approche des déterminants environnementaux semble accessible, autant, celle des déterminants
génétiques, au-delà de la transmission de certains traits suivant les lois de la génétique mendélienne, s’est
avérée complexe jusqu’au développement de la génétique moléculaire à partir du milieu des années 80. Ces
développements ont permis de commencer à aborder, à l’aide des polymorphismes du génome, l’étude de la
variabilité de maladies héréditaires et non héréditaires.
Les techniques étaient jusqu’au milieu des années 90 lourdes, coûteuses et difficiles à mettre en œuvre et le
plus souvent développées par des laboratoires de biologie et de génétique fondamentale dans des schémas
expérimentaux sommaires et sur des effectifs de sujets très limités.
Pour ce qui est des maladies à composante héréditaire majeure, les polymorphismes du génome, dès leur
référencement par le CEPH, ont permis d’identifier les gènes responsables de ces affections, la seule limite
étant l’obtention de familles de taille et d’informativité suffisantes pour assurer une puissance statistique
convenable. Avec la densification des marqueurs polymorphes, les criblages génomiques systématiques ont
commencé à apparaître accélérant l’identification des chromosomes porteurs du risque.
Pour ce qui est des maladies complexes, les premières études d’association entre des maladies et des
polymorphismes ont commencé à apparaître, mais la faible densité des marqueurs imposait des approches
plus restrictives en l’absence de transmission familiale modélisable. Ainsi, à la fin des années 80, plusieurs
équipes d’épidémiologistes acculturés aux techniques de biologie moléculaire se sont impliquées dans
l’étude des polymorphismes génétiques comme indicateurs de la variabilité génétique des maladies
communes. Des approches cas-témoins ont été mises en œuvre avec la logistique de création de banques
d’ADN permettant d’identifier certains polymorphismes potentiellement intéressants selon des approches de
type gène-candidat au travers d’études d’association. Ces travaux ont donné lieu à des publications de haut
niveau dont un certain nombre issues d’équipes Inserm dans les domaines des maladies cardiovasculaires
et neurodégénératives en particulier.
Face à ces succès, des liens plus fréquents ont eu lieu entre cliniciens et biochimistes qui ont généré un
afflux massif d’études d’associations, mal conçues, de petite taille et qui ont amené a publier des
associations positives rarement répliquées, jetant un certain discrédit sur ces approches dans la
communauté scientifique. A tel point que les éditeurs ont fini par éditer des règles de publications pour
limiter l’afflux de ces manuscrits.
Contexte actuel de la biologie moléculaire
Depuis la fin des années 90, trois grandes avancées technologiques ont modifié significativement les enjeux
de l’épidémiologie génétique :
•
le développement de la génomique à haut débit,
•
le séquençage du génome,
•
la création de consortium d’analyse du polymorphisme humain (ex : hapmap…) à partir des
mutations ponctuelles (Single Nucleotide Polymorphism = SNP).
Parallèlement à ces trois avancées, le coût des technologies a massivement baissé le prix de revient d’un
polymorphisme, mais les volumes de polymorphismes étudiés simultanément (plusieurs milliers) ont
significativement augmenté les coûts globaux. Aujourd’hui il est possible d’analyser jusqu’à 500 000 SNP
pour un individu (Affymetrix) pour $700 voire 1 000 000 de SNP (Illumina) pour $900.
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Compte tenu de ces aspects techniques, les limites de la biologie moléculaire ne posent plus réellement de
problème technologique si ce n’est une question de coût sous réserve d’accès à des plates-formes
spécialisées et compétentes. Ainsi, est-il aisé de réaliser des criblages génomiques sur plusieurs centaines
(voir milliers) de sujets : pour deux mille individus le coût global est de $1 400 000 à $1 800 000 soit environ
1,5 millions d’euros.
Dans ces conditions, sous réserve d’avoir les études ad hoc, il est possible de réaliser des criblages
génomiques pour les maladies communes et c’est ce qu’ont déjà lancé la plupart des grands pays
développés.
Les conditions de l’épidémiologie génétique
Ces outils biologiques permettent donc aujourd’hui, que ce soit dans le cas des maladies à composante
héréditaire majeure ou des maladies communes, de réaliser des recherches de facteurs de susceptibilité
sans aucune hypothèse biologique a priori grâce à un criblage systématique du génome amenant à
l’identification de régions chromosomiques, voire de gènes. Cependant les risques de faux positifs liés à la
réalisation de plusieurs milliers de tests statistiques sur les mêmes échantillons existent et imposent une
grande rigueur méthodologique et d’interprétation.
Compte tenu de la puissance des outils de biologie à notre disposition et des limites des études statistiques,
les conditions du développement de l’épidémiologie génétique reposent sur plusieurs axes de qualité
nécessaires:
•
la constitution d’études et l’échantillonnage de populations permettant d’obtenir des nombres
suffisants de sujets phénotypés de manière homogène,
•
l’existence de centres de ressources biologiques (CRB) susceptibles de gérer des collections
importantes dans les meilleures conditions de sécurité, de confidentialité et de qualité,
•
l’existence de plates-formes susceptibles de réaliser dans les meilleures conditions de sécurité, de
qualité et de confidentialité les analyses génomiques à haut-débit,
•
le développement d’équipes d’épidémiologistes, de statisticiens et de bioinformaticiens susceptibles
d’analyser les volumes gigantesques de données ainsi générés.
Une fois ces axes établis, la découverte de nouvelles cibles dans les affections humaines par l’épidémiologie
génétique doit reposer sur des méthodologies et des stratégies de recherche rigoureuses parmi lesquelles :
•
l’utilisation d’études cas-témoins bien conçues,
•
des tailles d’échantillons homogènes de cas et de témoins d’au moins 1000 sujets par groupe,
•
des possibilités de réplication dans des études indépendantes de conception similaire et de
préférence internationales
•
l’analyse de l’impact dans des études prospectives
Enfin au-delà de l’approche exclusivement génétique des éléments de jugement de causalité doivent être
recherchés. Ces éléments sont multiples et font souvent appel à la biologie fondamentale et aux modèles
animaux. Néanmoins, les technologies de transcriptomique, de protéomique ou de métabolomique à haut
débit peuvent au travers d’approches similaires à celles de la génomique à haut-débit apporter des
informations indépendantes qui si elles convergent avec les données génomiques renforceront
significativement la plausabilité des cibles trouvées. Cette épidémiologie génétique pourra alors s’élargir à
un domaine plus vaste d’épidémiologie génétique et moléculaire.
LES GRANDS ENJEUX A 5 ANS
La plupart des grands pays développés se sont engagés à réaliser des investissements et à prévoir des
budgets qui permettent de réaliser des criblages génomiques (en anglais Genome Wide Scan ou GWS, ou
Genome Wide Association Study ou GWAS) sur les grandes cohortes ou sur des collections de plusieurs
milliers de patients. C’est le cas des Etats-Unis et du NIH qui comptent réaliser des WGAS sur Framingham,
sur la Women Health Initiative, sur certaines études ARIC… D’autres pays comme l’Angleterre se sont
lancés dans le recrutement de gigantesques cohortes de plusieurs centaines de milliers d’individus (UK
biobank) ou financent des GWAS sur des cohortes préexistantes.
Depuis le début de l’année 2007, les premiers résultats de ce GWAS sur des maladies communes sont en
train de sortir. Ces premiers travaux sont intéressants et tendent à montrer que les approches sont
complexes et les résultats parfois en deçà des attentes. Néanmoins, ces travaux sont essentiels et les pays
et organismes qui les ont effectués ont acquis une avance indéniable.
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La France, au-delà de quelques travaux collaboratifs reste encore aujourd’hui en retrait par rapport à ces
stratégies et accumule un retard qu’il sera difficile de rattraper. Ce retard aura plusieurs conséquences au
delà de la simple perte de notoriété et de compétitivité dans le domaine de l’épidémiologie génétique. Ces
travaux permettent en effet d’identifier de nouvelles cibles et des voies métaboliques, parfois totalement
inconnues, à l’origine des maladies. Ces nouvelles cibles sont souvent les bases d’une recherche de
nouvelles voies de traitements pour l’industrie pharmaceutique. Aussi, ces découvertes réalisées à
l’étranger, associées à des brevets spécifiques, limiteront-elles les chances des industries de notre pays de
s’impliquer dans le développement des champs économiques des biotechnologies.
PERSPECTIVES A 10 ANS
Il est toujours difficile de « prévoir » l’avenir surtout quant on se remémore nos propres réflexions
prospectives d’il y a 10 ans et qu’on les compare à ce qui existe aujourd’hui… !. Cependant on peut
raisonnablement imaginer que d’ici 10 ans la plupart des collections existant dans le monde auront été
passées aux cribles génomiques. Cela aura pour conséquences de créer de gigantesques bases
d’information probablement accessibles sur internet. Par ailleurs les évolutions technologiques et la
réduction des coûts permettront probablement de généraliser les criblages voire les séquençages pour
chaque patient avec des objectifs de diagnostic et de pharmacogénétique.
LA PLACE DE L’INSERM
Les faiblesses
Ce sont celles du retard à l’engagement dans cette stratégie de GWAS tant sur le plan outils que sur le plan
cohortes. Il ne semble pas exister au niveau français de volonté politique forte d’aller dans cette
direction. En matière de technologie la France a, comme souvent, centralisé ces approches. La création
des centres nationaux de séquençage (CNS) et de génotypage (CNG) a limité la diffusion et la
connaissance de ces approches. En effet, ces structures ont eu à gérer des programmes « nationaux » qui
ont absorbé massivement leur capacité d’action. Des programmes de moyennes dimensions n’ont pu être
mis en œuvre rapidement. Les conditions d’accès imposées par ces établissements sont souvent restrictives
et très exigeantes limitant encore la diffusion de ces techniques. Des ouvertures ont pu se faire grâce aux
quelques génopoles régionales, mais toujours très limitées en raison de l’absence de budget de
fonctionnement conséquents ciblés sur ces approches. Les champs de l’épidémiologie, de la biostatistique
et de la boinformatique se sont peu développés en France.
Les forces
Elles restent encore nombreuses. L’Inserm et le ministère de la recherche ont déjà lancé par le passé des
programmes recensant et soutenant des mises à jour de cohortes et de collections d’échantillons
biologiques amenant à la création de CRB. L’Inserm est aujourd’hui le seul organisme qui a identifié et
soutient des équipes et des unités dans le domaine de l’épidémiologie. L’Inserm assure avec l’InVS le
fonctionnement et le soutien du Comité National des Registres dont il garantit la qualité scientifique. Des
équipes et des unités de qualité existent au sein de l’Inserm qui peuvent encore s’impliquer dans les années
à venir et essayer de rattraper le retard acquis. L’Inserm vient de prendre la présidence du GIS plates
formes créé à la suite la dissolution du GIP CNRG ce qui lui offre la possibilité de relancer une nouvelle
politique en matière de plates-formes technologiques.
Quelques propositions
Aujourd’hui, les équipes et les collections qui peuvent s’engager dans une stratégie de GWAS et reprendre
la compétition internationale sont peu nombreuses et pour la plupart déjà identifiées dans chacune des
grandes pathologies concernées. Compte tenu de son statut, de ses missions et de ses compétences,
l’Inserm est l’organisme qui a la plus grande légitimité pour s’engager dans un plan ambitieux de
développement de l’épidémiologie génétique tel que présenté plus haut. Les axes à renforcer ou à
développer sont les suivants :
A court terme
•
Identifier les champs de la pathologie dans lesquels des équipes Inserm (seules ou en association
avec d’autres organismes) possèdent des cohortes et des collections susceptibles de réaliser des
GWAS dans les meilleures conditions méthodologiques
•
Renforcer l’engagement de l’Inserm dans les CRB qui gèrent les collections précédemment
identifiées
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•
Favoriser le développement de consortium (regroupement d’études et de collections existantes) en
France et en Europe par des soutiens financiers spécifiques
•
Identifier et favoriser à partir du GIS plates-formes récemment créé le développement de quelques
centres de séquençage et de génotypage ayant une expérience confirmée du haut-débit avec des
exigences de service et de qualité reconnus, dans un objectif de décentralisation et d’amélioration
de la réactivité.
•
Prévoir des budgets de fonctionnement permettant de réaliser ces GWAS (soit en moyenne par
projet un budget de 1,4 à 2 millions d’euros dans l’état actuel des coûts non négociés)
A moyen terme
•
Favoriser le développement d’études épidémiologiques spécifiques
•
Continuer la politique du Comité National des Registres et renforcer les liens avec des unités Inserm
qui pourront s’appuyer sur ces registres pour réaliser des études ad hoc dans les meilleures
conditions
•
Prévoir pour ces études la création de banques biologiques en collaboration avec les CRB identifiés
précédemment
•
Assurer une veille technologique sur les nouveaux outils de la biologie à haut débit au travers des
plates-formes identifiées précédemment
•
Envisager au niveau national un programme destiné à créer un large échantillon de témoins,
précisément phénotypés, et pour lequel des banques de tissus en volume et en diversité suffisants
soient conservées afin de pouvoir plus facilement réaliser les enquêtes cas-témoins ad hoc (en effet,
les chercheurs et les cliniciens en général disposent de banques de cas, mais beaucoup plus
rarement des témoins correspondants !)
•
Renforcer les équipes d’épidémiologistes, favoriser le recrutement d’ingénieurs en bioinformatique
•
Valoriser les publications des chercheurs impliqués dans ces projets (en effet, ces méga études et
ces consortiums font intervenir plusieurs dizaines de chercheurs dont le travail sera concentré dans
une seule publication signée par trente à quarante auteurs. Aussi est-il important de reconnaître ce
travail en tant que tel dans la mesure où être premier, second ou troisième auteur sur ces projets
perd un peu de son sens).
•
Enfin, si l’Inserm veut s’engager dans cette direction, et c’est en France le seul organisme à pouvoir
légitimement le faire, il faut que la mobilisation des moyens pour les objectifs à court terme soit la
plus rapide possible. Passer par des décisions budgétaires et des appels d’offres lourds et
complexes risque d’accuser encore le retard déjà accumulé. Une ouverture au travers d’un prochain
programme ANR ciblé de l’année 2008 est probablement un moyen d’aller assez vite.
Qui à l’Inserm ?
U525 : Génétique épidémiologique et moléculaire des pathologies cardio-vasculaires (Dir. : François
Cambien) – Equipe : Méthodes en épidémiologie génétique (responsable : Laurence Tiret)
U535 : Génétique épidémiologique et structure des populations (Dir. : Françoise Clerget)
U550 : Génétique humaine des maladies infectieuses (Dir. : Laurent Abel)
U605 : Epidémiologie des cancers : radiocarcinogénèse et effets iatrogènes des traitements (Dir. :
Florent de Vathaire)
U613 : Génétique moléculaire et génétique épidémiologique (Dir. : Claude Férec)
U744 : Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement (Dir. :
Philippe Amouyel)
U794 : Méthodes statistiques et épidémiologie génétique de maladies multifactorielles (Dir. : Florence
Demenais-Diao) – Equipe : Méthodes statistiques en génétique (responsable : Nadine Andrieu)
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Handicap
Jean-François RAVAUD, DR2 Inserm
U750 : CERMES Médecine, sciences et société : dynamiques de redéfinition –
Inserm/CNRS/EHESS/Université Paris Sud 11
ETAT DES LIEUX DE LA RECHERCHE SUR LE HANDICAP
Une situation internationale marquée par un intérêt croissant pour ce domaine
On observe un intérêt croissant porté sur ce champ de recherche tant aux Etats-Unis que dans différents
pays anglo-saxons et scandinaves, avec le développement important des sciences de la réadaptation et
l'avènement des disability studies.
L'examen de la situation internationale fait apparaître des instituts spécifiquement dédiés à cette thématique
comme le NIDRR (le National Institute for Disability and Rehabilitation Research) un des instituts des NIH,
aux Etats-Unis, ou l'Institut Suédois du Handicap, des universités qui ont fait de cette thématique l'emblème
de leur excellence tant aux USA (Berkeley, Chicago) qu'en Angleterre (Kent, Leeds). Mais ce sont aussi des
sociétés savantes ou des réseaux de chercheurs qui se sont constitués comme la Society for Disability
Studies outre-atlantique, qui comporte plusieurs centaines de membres, ou encore en Europe le Nordic
Network for Disability Research.
Le domaine de la Rehabilitation correspond à une rubrique identifiée par le Journal of Citation Report du
Web of Science de l’ISI, tant pour le Science Citation Index (27 journaux référencés) que pour le Social
Science Citation Index (49 journaux).
Un développement insuffisant en France
En revanche, l'état des lieux de la recherche française sur le handicap met en lumière un développement
insuffisant qui tranche avec cet intérêt suscité par ce champ de recherche tant outre-Atlantique que dans
plusieurs pays européens et l'intensité des débats scientifiques internationaux.
Cette situation est dénoncée de façon récurrente en France depuis 20 ans et l'on relève la faiblesse de ses
moyens, sa pauvreté en personnels et son manque de visibilité.
Les explications avancées aux difficultés d’émergence de ce milieu de recherche dans notre pays sont
multiples : caractère nécessairement multi- ou interdisciplinaire des recherches, alors que le système
académique français est tout entier organisé selon un découpage disciplinaire, petitesse et éparpillement
des équipes concernées, et flou des limites du champ.
En fait, malgré la création dés 1975 du CTNERHI (Centre Technique National d'Etudes et de Recherches
sur le Handicap et les Inadaptations) sous tutelle du ministère des affaires sociales, notre pays n'a pas
connu de politique incitative à destination des organismes de recherche ou des universités permettant une
structuration de ce champ de recherche.
Tour à tour, la Commission des Affaires sociales du Sénat a évoqué en 2002 une "grande diversité d’acteurs
confrontés à une insuffisance partagée de moyens financiers", et la Cour des Comptes a déploré en 2003
"un dispositif complexe et une absence de coordination".
L’avis des politiques et des scientifiques converge puisque deux rapports ont été produits en 2004 à la
demande conjointe du ministère de la recherche et du secrétariat d'état aux personnes handicapées par les
Pr M. Fardeau et P. Thoumie. Tous deux dénoncent le faible investissement de la recherche publique sur ce
sujet tant dans les organismes publics de recherche que dans les universités et recommandent que la
recherche sur le handicap soit élevée au rang de priorité de la recherche publique.
Un contexte caractérisé par des évolutions marquantes
Les enjeux sont de trois ordres : enjeux de santé publique, sociopolitiques et scientifiques.
Le Handicap est un nouvel enjeu de santé publique
Le paysage de la morbidité s’est profondément transformé dans les pays occidentaux avec deux grandes
transitions: épidémiologique d’une part, avec une prééminence désormais des maladies chroniques,
démographique, d'autre part avec une augmentation de l'espérance de vie et un vieillissement de la
population.
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Vivre avec des incapacités, que celles-ci soient provisoires ou définitives, de naissance ou acquises, visibles
ou invisibles, qu'elles aient pour origine une malformation congénitale, un accident, une maladie chronique
ou encore le vieillissement constitue un défi auquel sont confrontées nos sociétés.
Le handicap n’est pas un problème de santé parmi d’autres. Plaçant au centre de ses préoccupations les
notions de limitations d’activité et de restrictions de participation, l'approche en termes de handicap porte en
fait un regard nouveau et transversal sur l’ensemble des questions de santé en ce qu’elle porte un éclairage
sur les conséquences (lésionnelles, fonctionnelles ou sociales) des problèmes de santé plutôt que sur leurs
causes. Depuis 30 ans, suite aux travaux de Wood, les débats internationaux accompagnés par l'OMS ont
permis des avancées conceptuelles importantes en ce domaine. L'Assemblée Mondiale de la Santé a
adopté en 2001 la CIF (Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap, et de la Santé) qui est
devenue, avec la CIM, une classification centrale de l'OMS. Cette évolution concrétise l'importance que
prennent les questions liées au handicap dans l'approche mondiale actuelle des questions de santé.
Une question sociale devenue un chantier politique prioritaire
Le deuxième enjeu est sociopolitique. La dimension sociale du handicap fait l'objet d'une approche politique
renouvelée de son traitement par la société. La question du handicap est devenue une préoccupation
croissante de la plupart des pays occidentaux. Les Nations Unies viennent d’adopter une convention
internationale sur les droits des personnes handicapées.
Le handicap s’est retrouvé plus particulièrement sur l'agenda politique français dans le contexte d’un
chantier présidentiel prioritaire. La politique sociale française sur le handicap a fait l'objet d'évolutions
importantes, avec la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi prévoit dans son article 6 que « la recherche sur le
handicap fait l’objet de programmes de recherche pluridisciplinaires associant notamment les établissements
d'enseignement supérieur, les organismes de recherche et les professionnels ». Elle crée en outre un
Observatoire national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap.
Disability studies, rehabilitation sciences, assistive technology : Des champs disciplinaires en plein
développement
Mais les enjeux sont aussi scientifiques car plusieurs champs disciplinaires nouveaux dans le domaine sont
en plein développement.
Les rehabilitation sciences se sont développées de façon tout à fait considérable (voir l’exemple du NIDRR
américain, cf supra). En sciences sociales, on assiste depuis peu dans plusieurs pays à l'avènement des
disability studies qui s’est constituée dans plusieurs pays comme une discipline académique autonome
(avec ses chaires universitaires, ses revues, ses colloques). Enfin, pour ce qui concerne les technologies
d’assistance, la recherche dans les sciences et techniques appliquées à la santé offre des perspectives tout
à fait prometteuses pour la compensation des incapacités et la suppléance sensorielle.
ENJEUX SCIENTIFIQUES ACTUELS
Le handicap est actuellement défini comme une restriction de la participation sociale des personnes
résultant de l'interaction entre leurs limitations d'activité (dans le contexte de la santé) et des facteurs
environnementaux (physiques, sociaux, attitudinaux). Par sa définition même, il permet de poser la question
du rapport complexe entre santé et situation sociale. Chacun des niveaux d’expérience proposés par la CIF
justifie d’une description fine en population générale, les liens entre ces niveaux méritent une analyse
approfondie et les différentes formes d’intervention ou de prise en charge à chacun d’entre eux justifient une
évaluation.
Ne seront pas abordés ici les enjeux scientifiques relevant de la recherche clinique (apprentissage,
adaptation, réadaptation) ou technologique, domaines à développer à l’Inserm, mais ne relevant pas
directement des missions du DRSP. Il restera cependant essentiel de favoriser le continuum entre ces
recherches clinique, technologique, et en santé publique et sciences humaines et sociales.
Plusieurs grandes thématiques sont d’ores et déjà identifiables comme d’importance majeure dans les
années à venir pour différentes disciplines impliquées dans la santé publique : épidémiologie, sociologie,
anthropologie, psychologie, ergonomie, démographie, géographie, économie, droit, sciences politiques,
histoire, éthique, urbanisme, etc :
•
• connaissance de la population handicapée et ses caractéristiques : approches épidémiologique et
démographique (y compris espérance de vie sans incapacité),
•
• conditions de vie des personnes handicapées, expérience du handicap,
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•
• politiques du handicap et leur mise en œuvre, pratiques sociales, systèmes de prise en charge
(évaluation de la mise en place des politiques sociales),
•
• nouvelle place des usagers, nouveaux statuts des personnes, mobilisation et action collective,
•
• les acteurs professionnels ou non (aidants familiaux, nouveaux services à la personne…),
•
• les questions éthiques liées au handicap (diagnostic prénatal, assistance au suicide, fin de vie et
soins palliatifs),
•
• usages et diffusion des technologies au service de la perte d’autonomie, conception et mise en
œuvre d'un environnement pour tous, identification et élimination des barrières environnementales.
PLACE DE L’INSERM
La force de l’Inserm est d’avoir été présent aux différents moments clés qui ont marqué l’histoire de la
recherche sur le handicap ces vingt dernières années. Sa faiblesse est de s’être souvent cantonné à un rôle
d’initiateur sans assurer dans la durée la nécessaire prise en charge du développement de ce champ de
recherche.
Un rôle pionnier
Il convient de rappeler le rôle pionnier joué par le rapport de prospective demandé à Michel Fardeau en
1985 (Réduire les Handicaps, La Documentation Française, 1985). Réunissant plus de 200 chercheurs à
l’initiative de la mission de valorisation de l'Inserm, il a mis pour la première fois en évidence l’écart entre des
préoccupations croissantes et les carences de la recherche française.
Suite à ce rapport, l’Inserm a pris plusieurs initiatives essentielles, avec la création d'une Intercommission
sur le handicap 1987-90, puis sur les Réponses aux problèmes de Vieillissement et de Déficiences,
Prévention et Limitation des Handicaps 1991-94. Cette génération d’Intercommissions qui n’avait aucune
mission vis-à-vis des personnels (recrutements, promotions) a cependant eu un rôle d’animation
déterminant, puisque outre plusieurs colloques et publications (Editions Inserm, Questions en santé
publique, 1996, 1997), elle a été à l’initiative de la construction de deux Instituts Fédératifs de Recherche sur
le Handicap et sur le Vieillissement dés 1995. Si le second a cessé son activité avec la création du GIS
Longévité-Vieillissement, l’IFR Handicap vient d’être renouvelé pour 2007-10 et est devenu un acteur
incontournable du domaine.
Deux chantiers majeurs au plan international : l’harmonisation des Enquêtes Handicap-Santé et la
représentation de l’OMS
La plupart des grands pays occidentaux se sont dotés de grandes enquêtes en population générale sur
le handicap et la dépendance et ce parfois depuis plusieurs années (cf. Enquêtes ESLA au Canada, LSOA
aux USA, de l'ONS en Grande-Bretagne). La France a comblé tardivement son retard avec la réalisation,
confiée à l’Insee de 1998 à 2001 des Enquêtes HID « Handicaps, Incapacités Dépendance », enquêtes
nationales représentatives tant en ménages qu’en institutions. Le chantier de l’harmonisation de ces
enquêtes nationales est une priorité actuelle en particulier au niveau européen. Ce type d’enquête, par son
ampleur et son coût, est assimilable à un équipement lourd. Elle a permis un rapprochement entre l'Insee et
l'Inserm et la conclusion d'un accord de partenariat entre les deux instituts dans le domaine des statistiques
et de la santé. Si quelques chercheurs Inserm ont été associés à la conception de ces enquêtes, c’est
essentiellement dans la phase d’exploitation que l’Inserm s’est surtout impliqué, en particulier avec
l’identification de HID au sein d’un premier appel d’offre « Analyses secondaires de bases de données
épidémiologiques » et surtout le lancement en 2002 d'un appel d'offres en partenariat avec la MiRe-DREES
spécifiquement réservé aux " analyses secondaires de HID". La fusion des Enquêtes Santé et Handicap
réalisées par l’Insee en une grande enquête quinquennale (Enquête Handicap-Santé 2008) harmonisée
avec les autres enquêtes européennes fournira une base de données périodique, permettant des
comparaisons internationales, ressource sans équivalent pour un grand nombre d’équipes de recherche.
L’Inserm devra s’impliquer dans le travail d’animation et de mise à disposition de ces bases de données.
L’OMS s’appuie pour son action en matière de classifications internationales sur des Centres
Collaborateurs (CCOMS). Depuis 1968, ce rôle est confié à l’Inserm pour la CIM (CépiDC) et depuis 1988, le
CTNERHI assure ce rôle pour la CIH (classification internationale des déficiences, incapacités, handicaps).
En 2001, cette classification a été révisée et l'Assemblée Mondiale de la Santé a adopté la CIF
(Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap, et de la Santé) qui est devenue, avec la CIM,
une classification centrale au sein de la FIC (Famille Internationale des Classifications) de l'OMS. Dans un
même temps, l’OMS a imposé un centre collaborateur unique pour la FIC. En France, l’Inserm est depuis
2004 ce centre de référence pour l'OMS, le champ de compétence de la CIF restant de la responsabilité du
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CTNERHI qui en assure la codirection. Il faudra être attentif à ce que les difficultés traversées par ce centre
ne remettent pas en cause la représentation française sur la CIF.
Animation d’un groupe de proposition sur un Institut sans Mur sur le Handicap
Suite aux rapports Fardeau et Thoumie, l’Inserm a initié en 2004 une réflexion sur la création d’un Institut
sans murs en mettant en place un groupe de proposition pluri-institutionnel. Ce groupe réunissant des
acteurs de la recherche, caractérisé par sa diversité tant du point de vue des initiatives déjà prises, des
organismes et disciplines représentées, que des compétences dans différents types de handicap, a travaillé
en lien avec divers partenaires et associations à l’élaboration de propositions stratégiques (vers une
nouvelle forme d’organisation de la recherche sur le handicap en France, 2004). Ces propositions ont gardé
toute leur actualité.
Ce groupe a dessiné les contours d’un programme de recherche sur le handicap (dossier suivi par le DAPS).
Ce programme transversal (santé publique, clinique, technologique) a été proposé et soutenu par l’Inserm et
le Ministère Santé-Affaires Sociales auprès de l’ANR en 2005 puis en 2006, sans succès. C’est pourquoi
l’Institut de Recherche en Santé Publique (IReSP) a lancé en 2007 avec plusieurs partenaires fortement
mobilisés (Inserm, CNSA, DREES, HAS) le premier appel à projets de recherche conséquent dans le
domaine Santé Publique-SHS « Le handicap, nouvel enjeu de santé publique ».
EVOLUTIONS STRUCTURELLES SOUHAITABLES
La nécessité d’une politique incitative forte et durable
La recommandation principale qui découle des différents états des lieux réalisés est simple. Les difficultés
d'émergence de ce milieu doivent être compensées par une politique incitative forte et durable. Un travail de
mise en cohérence et de partenariat devra permettre de dégager une synergie qui augmente les moyens
tant financiers qu’humains consacrés à ce domaine, en s’attaquant à la question cruciale des chercheurs
(recrutements, carrières) et de la formation à la recherche.
Envisager des perspectives de structuration de la recherche sur le handicap impose bien évidemment aussi
une réflexion sur les institutions. La communauté scientifique reste partagée sur la nécessité d’une structure
de recherche dédiée sur le handicap, certains y voyant la seule solution pour impulser une réelle dynamique,
d’autres au contraire craignant un risque de marginalisation. Tous s’accordent en revanche pour penser qu’il
est tout à fait indispensable de développer des partenariats institutionnels durables entre organismes de
recherche et universités d'une part, associations de personnes handicapées ou leurs représentants d'autre
part et le milieu industriel et économique en particulier pour la diffusion des innovations technologiques et
des aides techniques.
Renforcer les liens avec les nouveaux acteurs du domaine
Au vu de l’état des lieux précédemment dressé et du décalage entre l’importance de la demande sociale et
la faiblesse du développement de ce milieu de recherche vient d’être créé l’Observatoire national sur la
formation, la recherche et l’innovation sur le handicap (ONFRIH). L’ONFRIH qui réunit les principaux
opérateurs et financeurs de la recherche ainsi que les principales associations dans le domaine du handicap
aura vocation à apprécier la prise en compte du handicap dans les différents programmes de recherche et
d’émettre des préconisations au regard des besoins de recherche, d’évaluation et de valorisation. Le DG de
l’Inserm est membre de droit du conseil d’orientation de cet observatoire.
La CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) est la nouvelle caisse en charge du financement
de la compensation de la perte d’autonomie. Elle a pour mission de s’inscrire « dans une stratégie globale
de renforcement de la recherche afin de favoriser l’évolution, la modernisation et l’organisation technique
des politiques conduites dans le champ de la gérontologie et du handicap ». L’Inserm est représenté au
conseil scientifique de la CNSA.
Il faudra tisser des liens avec ces deux acteurs nouveaux du domaine.
Eléments de prospective
Mettre en place une Intercommission scientifique spécialisée sur le handicap. Dans ce registre, il faudrait
aussi faire évoluer l’intitulé de STAM (sciences et technologies appliquées à la médecine) vers STAS (ST
appliquées à la santé) pour couvrir les aides techniques à la personne et la compensation de la perte
d’autonomie.
Impulser un Programme National de Recherche sur le Handicap. Ce programme pouvant être porté par
l’ANR ou délégué à l’Inserm.
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Contribuer à une dynamique d’exploitation de l’Enquête Handicap-Santé.
S’impliquer dans la création d’un Institut Sans Murs de recherche sur le handicap sous la forme d’un GIS.
Plusieurs partenaires ont d’ores et déjà manifesté leur intérêt pour une telle démarche.
Atteindre une masse critique est une condition sine qua non à la nécessaire visibilité que doit acquérir ce
champ pour simplement pouvoir exister dans l'arène scientifique internationale en particulier dans la
communauté scientifique européenne. Le fléchage du domaine pour les doctorants (écoles doctorales),
post-doctorants et dans les différentes opérations de recrutement de jeunes chercheurs (Avenir, postes
d’accueil, contrats, concours) apparaît indispensable.
Qui à l’Inserm ?
U149 : Recherches Epidémiologiques en Santé Périnatale et Santé des Femmes (Dir. : Gérard Bréart) –
Equipe : Développement et handicap de l'enfant en lien avec les évènements de la période périnatale et des
premières années de vie (responsables : Monique Kaminski, Béatrice Larroque)
U558 : Epidémiologie et analyses en Santé Publique : risques, maladies chroniques et handicaps (Dir
Hélène Grandjean) – Equipe : Pratiques en périnatalogie, handicaps de l'enfant (responsables : Catherine
Arnaud, Hélène Grandjean)
U750 : CERMES Médecine, sciences et société (Dir. Martine Bungener) – Equipe : Expérience de la
maladie et du handicap, mobilisation et action collective (responsables : Isabelle Ville-Ravaud, Genevièce
Paicheler)
IFR 25 : Institut fédératif de recherche sur le handicap (Responsable scientifique : Jean-François
Ravaud)
IFR 69 : Santé publique Paris-Sud (responsable : Denis Hémon)
Registre des Handicaps de l'enfant de Haute Garonne (responsable scientifique : Catherine Arnaud –
U558)
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Inégalités sociales de santé
Marcel GOLDBERG, PU-PH Santé publique
U687 : Santé publique et épidémiologie des déterminants professionnels et sociaux de la
santé – Inserm/Université Versailles St Quentin
SITUATION ACTUELLE DU THEME DE RECHERCHE
Le constat
On a depuis longtemps fait le constat de l’existence d’une distribution socialement stratifiée, parfois très
fortement, des problèmes de santé au sein des populations, et ceci quels que soient les populations
considérées, les indicateurs de position sociale choisis ou les problèmes de santé, incluant l’accès à la
prévention et aux soins et la qualité de ceux-ci. Ce constat et l’intérêt qui y a été porté sont fort anciens,
mais ils ont pris durant les deux dernières décennies une dimension nouvelle, tant les faits observés de
façon plus fine qu’auparavant ont suscité de nombreuses questions de recherche, se traduisant par une
augmentation exponentielle du nombre des publications traitant des relations entre situation sociale et santé
[1] et par la publication de pas moins de dix ouvrages qui y sont entièrement consacrés entre 1994 et 2002
[2] (plusieurs autres sont parus depuis).
Les inégalités de mortalité entre catégories sociales existent dans tous les pays industrialisés, et les
similarités existant entre différents pays permettent de tirer des enseignements sur l’existence d’inégalités
sociales et de déterminants sociaux multiples. Il existe néanmoins des différences dans l’expression des
inégalités, et on constate des particularités nationales et géographiques, aussi bien dans la description que
dans l’interprétation possible de la relation entre situation sociale et santé qui méritent d’être examinées.
C’est notamment l’observation épidémiologique d’une persistance dans le temps, voire d’une aggravation,
des inégalités sociales pour des problèmes de santé de plus en plus diversifiés qui a amené à poser des
questions renouvelées sur les causes de ces inégalités. La situation de la France est à cet égard
particulièrement préoccupante. Une publication récente de l’Insee [3] rappelle que les inégalités de mortalité
entre les cadres et les ouvriers ont encore augmenté (7 ans actuellement pour les hommes). Les écarts de
mortalité entre les actifs occupés et les chômeurs, les retraités précoces et les autres inactifs se sont accrus,
pour les hommes comme pour les femmes [4]. Il en est de même pour la mortalité par cancer [5]. Parmi les
pays qui ont des données sur cette question, la France est depuis environ 30 ans, le pays d’Europe où les
inégalités sociales de mortalité prématurée sont les plus grandes [6].
La recherche des explications, travail nécessairement pluridisciplinaire
Outre un nombre croissant de travaux descriptifs documentant de façon de plus en plus fine les inégalités
sociales de santé [7], une des questions de recherche principales dans ce domaine est celle des
mécanismes qui relient la situation sociale à l’état de santé. Les facteurs de risque dits « classiques »
n’expliquant pas entièrement l’existence d’inégalités sociales de santé, d’autres facteurs, ou déterminants,
d’ordre social ont été recherchés. De nombreux travaux dans ce domaine, relevant de plusieurs disciplines
scientifiques (sciences biomédicales, comme l’épidémiologie, la physiologie, la toxicologie ou la biochimie ;
sciences sociales, telles que la sociologie, la démographie, la psychologie, l’économie, les sciences
politiques ou l’histoire) ou associant celles-ci selon des modalités diverses, ont cherché à mieux
appréhender les déterminants sociaux de la santé et les mécanismes à l’origine des inégalités sociales de
santé. Celles-ci peuvent être comprises en termes de survenue (distribution différentielle de facteurs de
risque établis pour diverses pathologies, rôle des conditions matérielles par rapport à d’autres types de
mécanismes, rôle « direct » de facteurs sociaux à court et long terme, etc.), de prise en charge sanitaire et
sociale, ou de conséquences médicales, sociales et économiques.
Pour résumer, on peut dire que dans les années 1980-90, on est passé du constat à un travail de
compréhension des inégalités de santé, avec l’introduction de nouvelles théories et de nombreux concepts
[8-9].
Approches actuelles de l’étude des inégalités sociales de santé
Devant la résistance des faits à expliquer les différences sociales de santé uniquement par la distribution
inéquitable des facteurs de risque individuels, il est donc apparu qu’il doit exister des mécanismes plus
complexes, qui relèvent de ce qu’il est convenu d’appeler les « déterminants sociaux de la santé », mieux à
même d’expliquer la genèse des inégalités sociales de santé.
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Plusieurs voies ont été largement explorées en parallèle dans les deux dernières décennies : l’identification
de « nouveaux » facteurs de risque d’origine socio-économique ; l’analyse des mécanismes pouvant
expliquer les différences sociales de santé, incluant la compréhension de la distribution inégalitaire des
facteurs de risque individuels établis, jouant un rôle direct sur la santé, qu’on appellera ici les facteurs
« classiques » (tabac, alcool, alimentation, expositions professionnelles et conditions de travail, etc.). En
parallèle, la recherche méthodologique s’est également développée de façon importante.
Dans ce qui suit, on ne fera que citer quelques mots-clés essentiels, renvoyant à une abondante littérature
récente pour une discussion détaillée.
a) Recherche de « nouveaux » facteurs de risque d’origine socio-économique
De multiples facteurs candidats, d’origine et de nature très variées, ont fait l’objet de travaux. De façon
schématique, on peut considérer ces recherches selon deux critères principaux : (i) le contexte de
l’environnement social où les facteurs étudiés prennent leur origine ; (ii) le mécanisme d’action supposé des
facteurs sociaux : certains d’entre eux sont considérés comme pouvant avoir un effet propre, soit direct, soit
en modifiant la susceptibilité de l’organisme, venant ainsi compléter la liste des facteurs classiques ; d’autres
n’auraient pas un rôle direct sur la santé, mais s’inscrivent plus en amont dans une chaîne de causalité qui
peut aboutir à modifier les conditions d’exposition aux facteurs ayant un rôle direct (c’est pourquoi ils sont
parfois appelés facteurs « distaux », par opposition aux facteurs « proximaux »), ou qui pourraient agir par
des mécanismes d’une autre nature. On se contente ici de lister les principaux « nouveaux » facteurs
susceptibles d’être à l’origine d’inégalités de santé.
Événements précoces et histoires de vie : on connaît l’existence d’effets à très long terme d’événements
précoces de la vie in utero et de la petite enfance, pouvant se traduire par l’occurrence de maladies tout au
long de la vie. Les conditions de la grossesse, de la naissance et de la toute première période de la vie étant
plus défavorables parmi les catégories sociales les moins favorisées, elles seraient à l’origine d’inégalités
sociales de santé dans la vie adulte. Ce constat bien documenté dans divers domaines a donné naissance à
l’approche appelée « life course perspective ». Certains mettent l’accent sur l’effet cumulatif de ces facteurs
précoces associés à des conditions défavorables tout au long de l’enfance, de l’adolescence et de la vie
adulte (conditions matérielles de vie, événements de vie, santé, éducation, statut de l’emploi et carrière
professionnelle, etc.). Cette approche se rattache également à des travaux concernant le rôle des
« événements de vie » de l’âge adulte. Les travaux les plus récents suggèrent que les mécanismes à
l’œuvre sont complexes, et que pour certains problèmes de santé, le rôle des conditions précoces serait
quasi irréversible, alors que pour d’autres la stratification sociale se constitue plus tard dans la vie [10].
Facteurs professionnels : on connaît depuis très longtemps les effets des conditions de travail et des
expositions professionnelles sur la santé. Dans les vingt dernières années, il a également été montré que le
stress au travail (« facteurs psychosociaux au travail ») est également source de problèmes de santé
socialement stratifiés. En particulier, le modèle du « job strain » proposé par Karasek, et celui de Siegrist,
basé sur le déséquilibre entre les efforts fournis et les récompenses reçues ont montré l’importance des
facteurs psychosociaux au travail. Les facteurs professionnels constituent donc un des mécanismes
susceptibles de contribuer aux inégalités sociales de santé, ceci de façon qui peut être très différente selon
les problèmes de santé.
Relations sociales : les travaux concernant le rôle sur la santé des relations sociales des individus, évaluées
par leurs réseaux sociaux ou le soutien social qu’ils peuvent en attendre ont connu un fort développement
durant les deux dernières décennies, avec en parallèle une amélioration de la mesure des relations sociales
(distinguant mieux ce qui relève de la structure du réseau social des personnes, de ce qui caractérise la
qualité des relations), et apportant nombre de résultats montrant l’importance pour la santé de
l’environnement microsocial. Divers travaux ont également mis en évidence des effets sur la santé des
discriminations, qu’elles soient sexuelles, liées au genre ou aux orientations sexuelles, raciales, selon l’état
de santé (handicapés notamment) ou l’âge (enfants, personnes âgées). Les avancées les plus novatrices de
la période récente sont certainement celles qui concernent l’influence de l’environnement social du lieu de
résidence (« Neighborhood »). Des études de plus en plus nombreuses ont mis en évidence un effet, parfois
très important, d’un environnement socio-économique de résidence dégradé sur divers indicateurs de santé,
apportant ainsi une contribution aux inégalités sociales de santé. Dans ces travaux, le contexte socioéconomique de l’environnement de résidence a été caractérisé de différentes façons, par l’intermédiaire de
variables concernant des dimensions socio-économiques très diverses : revenu, patrimoine, éducation,
profession, ethnicité, violences et crimes, comportements électoraux, équipements collectifs, accessibilité
aux soins médicaux, isolement social, logement, etc.
Les inégalités sociales dans la prise en charge des problèmes de santé : au-delà de l’exposition à des
facteurs de risque, l’appartenance sociale est également déterminante du rapport que l’individu entretient
avec son corps et sa santé, ce qui se manifeste notamment par une différentiation sociale dans la
reconnaissance des symptômes de la maladie ou dans le recours aux soins médicaux. Par ailleurs dans
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tous les pays industrialisés, et même en France où le système sanitaire prétend offrir des soins équivalents
à toute la population, l’accès à la prévention, au diagnostic et la prise en charge sont également liés à la
situation socio-économique, constituant ainsi une source d’inégalités sociales de santé. Globalement, on
observe, soit que l’incidence est plus importante dans les catégories les moins favorisées, soit que les
traitements y sont plus tardifs, de moins bonne qualité et moins bien suivis, soit le plus souvent une
combinaison de tous ces éléments.
b) Approches théoriques
La recherche de nouveaux facteurs de risque d’origine socio-économique et de l’analyse de leurs
mécanismes d’action se situe dans le cadre de divers courants théoriques qui tentent de produire des
modèles explicatifs globaux prétendant intégrer et synthétiser l’ensemble foisonnant des résultats
rapidement résumés ici. Deux approches principales se confrontent actuellement : le modèle
« matérialiste », et le modèle « psychosocial » ; plus récemment, le modèle « éco-social » a été proposé
comme un effort de synthèse de ces courants [9]. Il est important de souligner que, malgré la nécessaire
simplification des approches résumées ici, la plupart des chercheurs ne sont pas si éloignés les uns des
autres, et partagent largement des points de vue communs, même s’ils accordent plus d’importance à
certains aspects.
Travaux méthodologiques
L’analyse des inégalités sociales de santé pose de difficiles questions de méthode. On cite ici les principaux
aspects ayant fait l’objet de travaux importants dans la période récente.
Mesure de la situation sociale : des analyses relativement fines montrent que selon le type de problème de
santé, ce ne sont pas exactement les mêmes caractéristiques sociales qui sont pertinentes ; de plus, les
dimensions de la situation sociale les plus pertinentes ne sont en général pas exactement les mêmes pour
les hommes et les femmes [11].
La mesure des différences sociales de santé à l’échelle populationnelle : les difficultés de la quantification,
liées notamment à la répartition de la population entre catégories sociales, pour comparer des pays ou des
périodes étaient déjà, il y a une quinzaine d'années, très bien identifiées et décrites ; les réponses
apportées, fondées sur de nouvelles façons de quantifier et sur des modèles, se sont largement améliorées
pendant la dernière décennie et ont été beaucoup utilisées au niveau international, les questions concernant
les comparaisons entre pays ayant beaucoup contribué à l’amélioration des méthodes, suscitant notamment
des approches originales par modélisation.
Méthodes d’analyse statistique : outre le développement de méthodes visant à améliorer l’analyse des
données longitudinales produites par des études de cohorte de plus en plus nombreuses concernant les
inégalités sociales de santé, l’introduction dans le monde de l’épidémiologie des méthodes statistiques
destinées à tenir compte simultanément de variables individuelles et de contexte, et à estimer leur
contribution respective (modèles hiérarchiques multi-niveaux, notamment), a apporté des outils adaptés pour
répondre aux nouvelles questions évoquées ci-dessus.
Recherche sur les inégalités sociales de santé, interventions de santé publique et recherche
évaluative
Comprendre les inégalités sociales de santé, problème de santé publique de premier plan en France comme
dans d’autres pays industrialisés, suppose une description du problème ainsi que la recherche des
déterminants sous-jacents, dans le cadre de modèles théoriques explicites et grâce à des méthodes de
recherche adéquates.
Mais il est évidemment important d’appliquer les résultats de ces recherches dans les interventions et les
politiques de santé publique. Dans plusieurs pays, notamment européens, des tentatives dans ce sens ont
été faites, accompagnées d’une recherche évaluative tout à fait intéressante. Le moment politique le plus
important a sans doute été le Sommet européen sur le thème « Combattre les inégalités devant la santé Gouverner pour la santé », organisé en octobre 2005 à Londres par le gouvernement britannique dans le
cadre de sa présidence de l’Union européenne, dont il avait fait une de ses principales priorités. Plus de 500
participants, scientifiques et politiques de haut niveau, venant de tous les pays européens assistaient à cette
1
importante manifestation . Les exposés et les débats ont surtout porté sur les principaux domaines à
l’origine des inégalités de santé et les politiques publiques menées dans des champs aussi variés que
l’école et la famille, le travail et la retraite, le développement international, l’alimentation, le développement
1
À l’exception notable de la France : la liste des participants comptait un nombre dérisoire de français,
presque tous invités à titre personnel par des collègues britanniques, et aucun « officiel » de haut niveau.
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économique, le marketing social, ou les consommateurs. Des travaux évaluatifs de qualité ont été
présentés.
On voit aujourd’hui se développer dans plusieurs pays européens de nombreuses initiatives relevant des
politiques publiques visant à lutter contre les inégalités sociales de santé, les séminaires de travail, les
colloques se multiplient, les approches du type « evidence-based policy », associées à la Collaboration
Cochrane, se renforcent… en l’absence de tout chercheur français !
LES ENJEUX DE RECHERCHE SUR LES INEGALITES DE SANTE A 5-10 ANS
Comme toujours, les évolutions qu’on peut attendre dans un avenir prévisible se situent dans la continuation
des recherches actuelles. Il nous a semblé particulièrement difficile de faire la part entre ce qu’on peut
attendre dans les 5 ans et dans les 10 ans, et nous n’avons pas vraiment essayé de faire cet exercice de
façon formelle ; lorsqu’il nous a semblé que certains aspects relevaient clairement du long terme, nous
l’avons indiqué au passage. Nous avons essayé de lister les domaines qui nous semblent prioritaires selon
deux grandes catégories : aspects thématiques et aspects méthodologiques.
Aspects thématiques
a) Orientations générales
En termes de recherche sur les déterminants des inégalités de santé, il nous semble qu’il est nécessaire que
les travaux soient essentiellement orientés vers des pathologies spécifiques. Il est en effet
indispensable que l’étude des déterminants des inégalités sociales de santé prenne en compte l’ensemble
des mécanismes susceptibles d’être à l’origine des problèmes de santé (biologiques, environnementaux,
sociaux…), seule voie pour réellement comprendre la formation des inégalités sociales. La connaissance de
l’épidémiologie « classique » des maladies est nécessaire pour prendre en compte de façon valide ce que
nous avons appelé les « nouveaux » facteurs de risque. Sans rejeter complètement les travaux portant sur
des mesures globalisantes de la santé, importants pour approcher le « poids global » des inégalités de
santé, il faut faire admettre que la compréhension des mécanismes ne peut passer que par une étape
réductionniste, pathologie par pathologie, tant les situations d’inégalité sociale et les facteurs en cause
peuvent différer.
Ceci admis, les voies les plus prometteuses concernent plus particulièrement certains aspects. Nous avons
distingué ce qui concerne les déterminants des inégalités sociales de santé, et les recherches portant sur
des populations ou des problèmes spécifiques ; il faut aussi renforcer les travaux de nature méthodologique.
b) Déterminants des inégalités sociales de santé
L’approche biographique (life course epidemiology) est certainement une voie majeure pour l’étude des
déterminants des inégalités de santé. La prochaine mise en place de la cohorte de naissance Elfe devrait
permettre de disposer enfin en France d’un outil particulièrement adapté ; cependant, il est évident qu’elle ne
pourra être pleinement productive scientifiquement qu’après un très long délai, et il est donc nécessaire de
s’appuyer simultanément sur des cohortes ayant inclus des sujets plus tard dans leur vie, mais assez tôt
pour prendre en compte des parcours de vie suffisamment longs, afin d’étudier le rôle de facteurs diversifiés
d’inégalités sociales de santé.
Parmi ces facteurs, les déterminants professionnels sont certainement d’un intérêt particulier, notamment
si on prend en compte leurs effets cumulatifs tout au long de la vie professionnelle, et leurs effets conjoints.
Pour des raisons diverses, les facteurs professionnels ont été assez peu pris en compte dans les recherches
sur les déterminants des inégalités (hormis les facteurs psychosociaux au travail), alors qu’ils sont
susceptibles de jouer un rôle majeur pour certains problèmes de santé.
De nombreux travaux ont été consacrés aux facteurs psychosociaux, et il reste beaucoup à faire dans ce
domaine. Les travaux de type biologique visant à comprendre comment « le social passe sous la peau » ont
été jusqu’à présent plutôt décevants, mais il est probable qu’à un horizon plus lointain, ils pourront
déboucher sur des mécanismes convaincants pour certaines pathologies.
Les recherches concernant les relations sociales constituent un thème qui semble important, qu’il s’agisse
des relations interindividuelles ou de l’influence de l’environnement de voisinage ; la prise en compte du
contexte de vie ne se résume d’ailleurs pas à celle des relations sociales, et inclut également de nombreux
aspects matériels et psychosociaux. Dans ce domaine, on peut certainement attendre des résultats
intéressants à court et à plus long terme.
Les thèmes qui précèdent sont essentiellement épidémiologiques ; il serait tout à fait important que se
développent également des travaux provenant d’autres disciplines, tant du côté des sciences sociales et
de l’économie que des SHS. Le domaine des troubles musculo-squelettiques en fournit un bon exemple, en
associant des approches épidémiologiques, ergonomiques, psychologiques et économiques ; il serait
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important que d’autres pathologies fassent l’objet de travaux relevant de la même manière de diverses
disciplines. À cet égard, des travaux permettant mieux documenter les inégalités, quantitatives et
qualitatives, du recours au système de soins (considéré soit comme un déterminant des inégalités de
santé, soit comme des inégalités de santé en soi), et d’en identifier les mécanismes sont notoirement
insuffisants.
c) Recherches portant sur des populations ou des problèmes spécifiques
Pour des raisons diverses, tenant notamment à la disponibilité de données pertinentes à l’échelle
populationnelle, les travaux portant sur les inégalités sociales de santé ont majoritairement concerné les
hommes en population générale. Il nous semble important, surtout à long terme, de développer des
approches plus spécifiques de certains segments de la population, qui peuvent présenter des « profils
d’inégalité » particuliers dont les déterminants peuvent différer sensiblement de ce qui connu. À la fois parce
qu’elles n’ont fait l’objet que de trop peu de travaux, que les déterminants et les expressions des inégalités
de santé y sont particuliers et que celles-ci constituent des enjeux importants de santé publique et socioéconomiques, les sous-populations auprès desquelles il conviendrait de développer des recherches en
priorité sont les suivantes.
Les jeunes : l’enfance, l’adolescence et le début de la vie active sont certainement les périodes de la vie où
se constituent et se fixent les modes de vie, l’insertion sociale et professionnelle. On a quelques données qui
montrent que les inégalités sociales de santé sont déjà importantes très tôt dans la vie, et à ce titre l’étude
des jeunes est importante à la fois pour comprendre les mécanismes de constitution des inégalités et pour
envisager des interventions susceptibles d’effets à long terme.
Les femmes : les observations concernant les femmes sont souvent différentes de ce qui est observé chez
les hommes, et difficiles à interpréter pour diverses raisons. Il serait donc intéressant de décrire et d’analyser
plus particulièrement les inégalités sociales parmi les femmes.
Les minorités « ethniques » : on sait très peu de choses en France sur la nature et l’ampleur des inégalités
de santé parmi les personnes issues des diverses immigrations, alors que les discriminations de toute
nature les touchent particulièrement. Les recherches devraient être focalisées sur des catégories
« ethniques » spécifiques, car il est vraisemblable que des facteurs culturels, des modes de vie et des
relations sociales qui sont diversifiés ont des effets qui ne sont pas identiques
Les personnes âgées et le vieillissement : paradoxalement, alors que les recherches sur le vieillissement
sont nombreuses et qu’il est clair qu’existent d’importantes disparités sociales de santé parmi les personnes
âgées, très peu de travaux ont été consacrés aux déterminants du « vieillissement différentiel ». Les
perspectives démographiques rendent ce thème particulièrement important. Il faut souligner que celui-ci ne
concerne pas uniquement les personnes âgées : le vieillissement étant un processus continu, il serait utile
de développer des recherches auprès de personnes encore « jeunes ».
Les inégalités géographiques de santé : dans tout ce qui précède, on s’est intéressé à la situation sociale
des personnes. Des travaux descriptifs ont cependant mis en évidence depuis longtemps des disparités
géographiques importantes, à des échelles très diverses (locales, régionales, internationales). Des
descriptions détaillées de ces inégalités territoriales et l’analyse des facteurs qui y contribuent seraient très
utiles.
Par ailleurs, il nous semblerait particulièrement utile de promouvoir un minimum de culture concernant
les aspects sociaux parmi les « épidémiologistes d’organe ». En effet, l’introduction de variables de
situation sociale pertinentes dans les travaux épidémiologiques « classiques » permettrait souvent, à peu de
frais, de disposer de données qui peuvent être très précieuses pour documenter et mieux comprendre les
inégalités sociales de santé dans de nombreux domaines pathologiques. Ceci peut aussi amener les
épidémiologistes d’organe à s’intéresser également aux inégalités sociales de santé pour les pathologies
qu’ils étudient, ce qui pourrait générer des résultats nouveaux, intégrant une prise en compte optimale des
facteurs de risque dont ces épidémiologistes ont une excellente connaissance. À cet égard, l’initiative
récente de l’ANRS, qui a fait développer un « module social » qui doit être introduit dans toutes les cohortes
qu’elle finance, est un bon exemple de ce qu’il faudrait faire pour maintenir (ou établir) des liens étroits entre
« épidémiologie sociale » et « épidémiologie d’organe » et renforcer la cohérence des approches
épidémiologiques des inégalités sociales de santé.
d) Travaux de nature méthodologique
Là aussi, la recherche doit se développer selon les voies actuelles : des travaux visant à mieux caractériser
la situation sociale et à mieux évaluer les différences sociales de santé à l’échelle populationnelle restent
indispensables ; les comparaisons internationales, incluant les pays en développement, sont toujours
d’actualité et sont source d’amélioration des méthodes et de meilleure compréhension des mécanismes. La
recherche statistique doit permettre d’améliorer encore l’analyse de phénomènes longitudinaux
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particulièrement complexes, où de nombreux facteurs jouant à des niveaux différents, individuels et
collectifs, interagissent simultanément et de façon diachronique.
Deux points nous semblent d’un intérêt particulier : (i) la « modélisation évaluative », souvent seule à
même d’évaluer les bénéfices et les effets indésirables des interventions visant à réduire les inégalités de
santé, dans un domaine où l’expérimentation est rare et où de toutes façons les effets attendus des
interventions sont à très long terme. (ii) La réflexion théorique sur la notion de causalité dans un contexte
où les facteurs « proximaux » des maladies n’ont qu’un intérêt relativement secondaire, les véritables enjeux
de la compréhension des mécanismes se situant largement en amont des facteurs de risque directs (même
si bien entendu la connaissance de ceux-ci est indispensable en termes d’action de prévention, car il est
souvent possible d’agir à leur niveau).
LA PLACE DE L’INSERM
La recherche concernant les inégalités sociales de santé à l’Inserm est à l’évidence faiblement
développée, les travaux importants menés dans les années 70 ayant été pratiquement abandonnés. Depuis
peu d’années, on constate cependant un regain d’intérêt pour ce thème, très majoritairement du fait de
quelques groupes d’épidémiologie, qui ont développé des approches « d’épidémiologie sociale ». Quelques
équipes d’épidémiologie ont explicitement comme thème de recherche principal les déterminants sociaux de
la santé, avec parfois un intérêt plus particulier pour le problème spécifique des inégalités. Sauf omission de
notre part, il s’agit d’équipes actuellement insérées dans les Unités 687, 558, 707, et 822. Dans d’autres
Unités orientées sur des approches par pathologie, des chercheurs produisent également des travaux sur
les inégalités pour les problèmes qu’ils étudient (U 149, notamment). À part l’Unité 723, les formations
Inserm de sciences sociales montrent dans l’ensemble peu d’intérêt pour ce thème, sauf exceptions
individuelles.
2
Sauf omission de notre part , les équipes françaises engagées sur le thème des inégalités sociales de santé
ont assez peu de coopérations internationales structurées dans ce domaine, sauf une équipe de l’Unité
707, et l’Unité 687 qui participe depuis quelques années de façon active à des réseaux européens de
recherche dans le domaine de l’épidémiologie sociale (programme européen « Social variations in health
expectancy in Europe », financé par l’European Science Foundation, coordonné par J. Siegrist, Düsseldorf,
qui a réunit pendant 4 ans environ 80 chercheurs de 16 pays européens de différentes disciplines, alliant les
sciences sociales aux sciences biomédicales ; Four Centers Initiative, qui lui a succédé et qui associe les
équipes de J. Siegrist, M. Marmot - Londres, T. Theorell - Stockholm, et l’U 687) ; l’U 687 entretient aussi
des relations suivies sur le thème des inégalités avec l’École de santé publique de Harvard et l’Université de
Rotterdam (équipe de J. Mackenbach).
Si le nombre de chercheurs travaillant sur les inégalités sociales de santé appartenant à des formations
Inserm nous semble trop faible par rapport aux enjeux scientifiques et de santé publique, ce sont cependant
eux, et de loin, qui constituent la force la plus importante en France dans ce domaine de recherche. Ce sont
essentiellement les équipes Inserm qui ont contribué ces dernières à diverses initiatives visant à développer
le thème : participation importante à l’axe Déterminants sociaux de l’Appel d’offres CNRS – Inserm – MiRe
« Programme Sciences biomédicales, santé et société » en 2004, à l’Appel d’offres « inégalités sociales de
santé » Mire – Inserm - Institut du Cancer en 2005, organisation du Colloque thématique de l’Adelf
« Épidémiologie sociale et déterminants sociaux de la santé » en 2006 à Toulouse qui a donné lieu à un
numéro spécial de la RESP paru en 2007, organisation du séminaire de recherche « EPISOC ».
Cependant, quelques chercheurs d’autres disciplines (démographie, économie, sociologie notamment)
appartenant à l’Ined, à l’Irdes (qui a des coopérations européennes importantes), à l’Insee ou à des
laboratoires universitaires sont également actifs dans le domaine des inégalités sociales de santé. Au total,
un milieu de recherche dynamique s’est constitué ces dernières années, largement pluridisciplinaire, même
si les épidémiologistes de l’Inserm sont majoritaires ; en témoignent notamment le nombre et la qualité des
propositions de communications au Colloque de Toulouse ou aux appels d’offres cités.
PROPOSITIONS POUR DES EVOLUTIONS STRUCTURELLES
Le bilan global esquissé ci-dessus montre qu’il existe aujourd’hui en France un noyau actif de recherche sur
le thème des inégalités sociales de santé, largement animé par des équipes de l’Inserm. Les propositions
d’améliorations structurelles réalistes qu’on peut faire concernent les actions à entreprendre ou à poursuivre
pour animer ce milieu et le développer, et l’aide à la mise en place des dispositifs d’observation nécessaires.
2
Ceci est écrit sous toutes réserves : nous n’avons pas interrogé les autres équipes…
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Animation et développement du milieu de recherche
À court terme, les recettes sont tout à fait classiques : bourses de thèse et de post-doc fléchées sur le
thème, appels d’offres récurrents suffisamment larges et pluridisciplinaires pour entraîner de nouvelles
équipes, aide à l’organisation de séminaires et de congrès, indispensables pour éviter l’éclatement de la
recherche en sous-disciplines sans véritable cohérence scientifique entre elles.
À plus longue échéance, une inter-commission d’émergence permettrait de solidifier le dispositif de
recherche de l’Inserm dans le domaine des inégalités sociales de santé.
Aide à la mise en place de dispositifs d’observation adéquats
L’étude des inégalités sociales de santé nécessite des données de sources diverses. La description des
inégalités repose sur des échantillons représentatifs des populations concernées, alors que l’analyse des
mécanismes qui en sont à l’origine peut reposer sur des échantillons suffisamment contrastés en termes de
structure sociale, sans être obligatoirement représentatifs d’une population particulière. Les études de
cohorte sont l’instrument privilégié, aussi bien pour l’étude des mécanismes que pour décrire les évolutions
temporelles des inégalités de santé, parce qu’elles permettent de tenir compte au mieux de phénomènes
liés au temps : séquence temporelle exposition - effet, effet génération, effet période. Il est ainsi possible de
modéliser l’enchaînement et les effets conjoints des différents facteurs relatifs aux conditions de vie, à
l’environnement et à l’état de santé.
Nous pensons donc que l’Inserm doit soutenir la mise en place ou la poursuite de plusieurs cohortes incluant
des sujets issus de populations diverses, y compris en population générale. L’ampleur des ressources
nécessaires pour ce type de dispositif implique la mutualisation de moyens avec des partenaires intéressés
par la problématique des inégalités sociales de santé et/ou producteurs de données pertinentes pour ce type
de recherche. Le renforcement des relations avec des organismes comme l’Insee, l’Ined, l’InVS, les Caisses
d’assurance maladie et le nouvel Institut des données de santé, qui pourrait être formalisé sous une forme à
définir (GIP, GIS…) nous semble potentiellement particulièrement fructueux, à la fois pour réunir les moyens
nécessaires et pour faciliter l’accès à des données indispensables.
Une autre initiative qui semble indispensable serait de doter d’un statut pérenne les personnels techniques
qui participent à ce type de dispositifs ; on pourrait ainsi imaginer une fonction « d’ARE » (Assistants de
recherche épidémiologique) sur le modèle des ARC.
Remerciements
Ce chapitre a été écrit en collaboration avec Céline Ribet et Annette Leclerc.
Références
1. Kaplan GA. What’s Wrong with Social Epidemiology, and How Can We Make It Better? Epidemiol Rev
2004; 26:124–135.
2. Syme SL, Frohlich K. The contribution of social epidemiology: ten new books. Epidemiology 2002;
13(1):110-112.
3. Monteil C, Robert-Bobée I. Les différences sociales de mortalité : en augmentation chez les hommes,
stables chez les femmes. Insee première ; 2005, 1025 :1-4.
4. Leclerc A, Chastang JF, Menvielle G, Luce D, et le groupe EDISC. Socioeconomic inequalities in
premature mortality in France: Have they widened in recent decades? Soc Sci Med. 2006 ; 2035–2045.
5. Menvielle G, Luce D, Geoffroy-Perez B, Chastang JF, Leclerc A. Social inequalities and cancer mortality
in France, 1975-1990.Cancer Causes Control. 2005;16:501-13.
6. Kunst AE, Mackenbach JP. International variations in the size of mortality differences associated with
occupational status. International Journal of Epidemiology, 1994,23:742-750.
7. Kunst AE. Describing socioeconomic inequalities in health in European countries: an overview of recent
studies. Rev Epidemiol Sante Publique. 2007;55:3-11.
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Découverte, 2000.
st
9. Krieger N. Theories for social epidemiology in the 21 century: an ecosocial perspective. Int J Epidemiol
2001; 30:668-677.
10. Blane D, Netuveli G, Stone J. The development of life course epidemiology. Rev Epidemiol Sante
Publique. 2007;55:31-8.
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11. Ribet C, Melchior M, Lang T, Zins M, Goldberg M, Leclerc A. Caractérisation et mesure de la situation
sociale dans les études épidémiologiques. Rev Epid Santé Publ. 2007 Jun 25; [Epub ahead of print].
Qui à l’Inserm ?
U149 : Recherches Epidémiologiques en Santé Périnatale et Santé des Femmes (Dir. : Gérard Bréart) –
Equipe : Aspects médicaux, sociaux et psychologiques des pratiques autour de la reproduction et de la
naissance (responsable : Béatrice Blondel)
U558 : Epidémiologie et analyses en Santé Publique : risques, maladies chroniques et handicaps
(Dir. : Hélène Grandjean) – Equipe : Maladies chroniques, pratiques de soins et facteurs socio-économiques
(responsables : Pascale Grosclaude, Thierry Lang)
U687 : Santé Publique et épidémiologie des déterminants professionnels et sociaux de la santé (Dir. :
France Lert)
U707 : Epidémiologie, systèmes d'information, modélisation (Dir. : Guy Thomas) – Equipe : Les
déterminants sociaux de la santé et du recours aux soins (responsable : Pierre Chauvin)
U723 : Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique (CRESP) (Dir. : Didier
Fassin)
U822 : Santé reproductive, sexualité, infection à VIH - épidémiologie, démographie, sciences sociales
(Dir. : Jean Bouyer)
U912 : Sciences Economiques et Sociales, Systèmes de santé, Sociétés (SE4S) (Dir. : Jean-Paul
Moatti)
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Risques infectieux – maladies émergentes
Jean-Claude DESENCLOS
InVS, Département des maladies infectieuses
INTRODUCTION
Les maladies infectieuses restent une des premières causes de mortalité et de morbidité dans le monde
mais touchent les pays de manière différente qualitativement, et quantitativement selon les facteurs
géographiques et le niveau de développement. Si en Europe et en France en particulier, la morbidité et la
mortalité des maladies infectieuses connues au début des années 1960 ont considérablement reculées, de
nouvelles questions sont depuis posées : émergence et diffusion mondiale de l’infection à VIH et plus
généralement des infections virales chronique (hépatite C… ), de la résistance aux anti-infectieux, les
infections à prions, les infections acquises lors des soins, les infections dites émergentes dont la menace de
pandémie grippale… Ces évolutions profondes et peu ou pas anticipées jusqu’au début des années 90
remettent en cause, du moins pour une part, notre capacité à prévenir et contrôler les risques infectieux
dans l’avenir.
Si les maladies infectieuses ont une origine unique, l’agent infectieux, le processus infectieux au niveau de
la population implique une coadaptation et interaction antre l’agent pathogène, son véhicule ou vecteur, de
son ou ses hôtes dans un environnement à la fois physique, biologique et social en constante évolution. La
dynamique des maladies infectieuses au niveau populationnel est donc multifactorielle ce qui implique par
nature une approche de recherche en santé publique impliquant l’épidémiologie humaine, et animale,
l’environnement, l’écologie, les sciences sociales (sociologie, anthropologie, économie, sciences
politiques…), la modélisation…
La prévention, le contrôle et la prise en charge des maladies infectieuse nécessitent la disponibilité d’outils
biomédicaux (tests de diagnostic, de dépistage, traitement, vaccination, prophylaxie) et d’interventions
environnementales (hygiène, lutte anti-vectorielle,…) et sociales (éducation pour la santé, éducation
sexuelle, promotion de l’usage du préservatifs, modifications des comportements…) efficaces. Mais le seul
fait d’appliquer des mesures de prévention ne garantit pas en soit une acceptabilité et un impact optimal et
efficient au niveau populationnel. Outre les caractéristiques biologiques, médicales, épidémiologiques, les
instruments biomédicaux disponibles et leur efficacité doivent donc aussi être considérés l’environnement, le
dispositif de soins et de santé publique et le contexte social, économique et politique dans lequel les
maladies infectieuses surviennent. Ces derniers aspects ont montré leur extrême importance pour la mise en
œuvre des programmes de prévention et de prise en charge lors des 20 dernières années que ce soit pour
l’infection à VIH, les infections à prions, les infections acquises à l’hôpital, la résistance aux anti-infectieux, la
vaccination ou lors d’émergences infectieuses récentes. Enfin, l’évolution de la société, des modes de vie,
de la relation entre les citoyens et le monde médical, de la perception du public ont amené à reconsidérer
certaines pratiques réglementaires ancrées dans l’histoire de la santé publique du siècle dernier. On assiste
ainsi à une évolution du concept de vaccination obligatoire vers une recommandation de vaccination, le
dernier mot étant laissé au citoyen en termes de décision de vaccination. De la même manière, certaines
campagnes de prévention visent à donner aux citoyens un niveau d’information suffisant pour pouvoir juger,
du moins en partie, de l’opportunité d’un traitement antibiotique, la prescription pouvant alors devenir l’objet
d’une négociation entre le malade et le médecin.
L’effet externe des maladies infectieuses
Une caractéristique fondamentale des maladies infectieuses les distingue des autres pathologies et doit être
prise en compte dans la perspective des recherches en santé publique à promouvoir. Il s’agit de « l’effet
externe » de celles-ci qui fait que l’infection d’une personne ou d’un groupe de personnes (ou au sens plus
large toute espèce vivante) peut représenter un danger pour les autres individus et/ou d’autres groupes de la
société du fait de la transmissibilité de personne à personne qui caractérisent un bon nombre de maladies
infectieuses. Cet effet externe donne donc une dimension collective particulière à la prévention et la maîtrise
des risques infectieux et ainsi à la recherche en santé publique les concernant. L’effet externe s’applique
aussi aux agents anti-infectieux qui dispensés à un individu ou groupe d’individus peuvent entraîner des
résistances qui sont secondairement transmises et diffusent à d’autres personnes ou populations (l’utilisation
d’antibiotique uniquement chez l’animal pouvant être la source d’une diffusion secondaire de bactéries
devenues résistantes chez l’animal de l’animal à l’homme). Par contre, pour les vaccins, l’effet indirect
résultant de la protection de ceux qui sont vaccinés sur la transmission à ceux qui ne le sont pas est un
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élément favorable de la vaccination au niveau collectif. Il pourrait à l’avenir avoir un impact moindre dans la
mesure où la tendance est de plus en plus vers une décision de vaccination individuelle.
La capacité à émerger et à diffuser rapidement
La capacité d’émergence et la rapidité potentielle de diffusion des maladies infectieuses et le potentiel
épidémique qui en résulte influent directement sur la nature et les modalités de mise en œuvre des mesures
de maîtrise et de prévention collective et individuelle, sur la réaction de la société, des acteurs sanitaire et
des autorités publiques et politiques et sur les représentations, perceptions… La survenue du SRAS et de la
grippe aviaire ont montré à la fois la vulnérabilité des sociétés face aux infections nouvelles et la capacité de
celles-ci à se préparer et se mobiliser de manière réactive. La menace pandémique qui pourrait résulter de
l’épizootie aviaire récurrente à H5N1 depuis 1997 et son impact potentiel sur la morbidité, la mortalité et le
fonctionnement de la société ont amené à la préparation de plan de lutte au niveau mondial, européen et
national avec l’implication des autorités politiques les plus élevées. Cependant, beaucoup de décisions
stratégiques quant à l’orientation de ces plans consentis a priori par les décideurs politiques demeurent
difficiles voire controversées car encore trop peu argumentées par des travaux de recherche, tout
particulièrement en santé publique (modélisation, essai d’intervention (efficacité, efficience et acceptabilité
des masques..), sociologie, analyse économique, organisation du système de soin, sciences politiques,
relations internationales…
En France en 2006, un groupe multidisciplinaire de chercheurs et d’experts issus des grands établissements
de recherche (Inserm, Inra, Institut Pasteur et IRD), de l’Afssa et de l’InVS et réunis au sein de la cellule de
coordination sur les maladies infectieuses émergentes (créée en 2006 par le Ministère chargé de la
Recherche suite à l’épidémie de Chikungunya à la Réunion) a élaboré la définition indiquée en pied de
3
page. Cette définition intègre toutes les dimensions d’agent, d’hôte (animal inclus) et d’environnement dont
l’interaction est à l’origine de la dynamique des maladies infectieuses dans les populations humaines et
animales. Les dimensions sociales et politiques sont aussi déterminantes en termes de perception, de
réaction, de communication et de gestion et peuvent prendre le dessus et conduire à une véritable crise qui
peut aller au-delà de l’émergence elle-même. Enfin cette définition intègre les conditions propices à la
survenue d’une émergence dans une perspective d’anticipation.
Du point de vue de la santé publique et des connaissances, l’étude des épidémies a permis de faire
progresser la compréhension des modes de transmission de nombreux agents infectieux. Une épidémie ne
survient pas au hasard et offre ainsi des opportunités uniques par l’analyse de sa survenue et des facteurs
qui y ont contribué à produire de la connaissance de manière opportune ; aussi des travaux de recherche
plus fondamentaux sont stimulés suite à des épidémies. Ceci fut illustré dans l’épidémie de légionellose
dans le Pas de Calais en 2003 et pour celle de Chikungunya à la Réunion en 2006. Pour permettre aux
autorités publiques de mieux anticiper et faire face à l’avenir à une épidémie importante de ce type une
capacité de recherche en santé publique réactive devrait être préparée en amont par une meilleure interface
entre les agences de sécurité sanitaire, au premier lieu l’Institut de Veille Sanitaire et les structures
publiques de recherche en santé publique. Plus globalement, c’est l’organisation d’une veille prospective
« bidirectionnelle » entre veille sanitaire et recherche qui est posée. Celle-ci devrait pouvoir servir à orienter
les priorités de recherche en santé publique et en veille sanitaire : la mise en place d’une surveillance
sanitaire d’un nouveau risque ou danger nécessite le plus souvent de disposer d’une production de
connaissance suffisante sur la nature du risque, ses facteurs de risque, les moyens de le contrôler ou
prévenir pour surveiller de manière pertinente et appropriée ; par ailleurs la surveillance génère des
hypothèses souvent bien argumentées et crédibles, qui nécessitent en relais des recherches pour les tester.
LES ENJEUX
Les enjeux de la recherche en santé publique sur les risques infectieux sont à la fois de nature cognitive et
appliquée. Ce dernier aspect, dans un pays comme la France, revêt certainement une importance
stratégique particulière au vue de la culture de recherche française et de l’Inserm avant tout attaché aux
aspects biomédicaux et cognitifs. Dans ce contexte français spécifique et européen et sur la base des
évolutions récentes des maladies infectieuses et de leurs caractéristiques propres discutées ci-dessus, les
enjeux de la recherche en santé publique dans le champ des risques infectieux sont multiples.
3
"Un phénomène infectieux (ou présumé comme tel) inattendu en référence à ses propriétés intrinsèques ou les connaissances de sa
biologie touchant l’homme, l’animal ou les deux. Il peut s'agir d'une entité clinique d'origine infectieuse nouvellement apparue ou
identifiée, d'une entité pathologique infectieuse connue dont l'incidence augmente dans un espace ou dans un groupe de population
donné ou d'une modification qualitative et/ou quantitative des caractéristiques de l'agent, de la maladie ou de la population touchée et
de son environnement. Dans une optique d'anticipation, il peut s'agir d'une maladie identifiée dont les conditions d'expansion
deviennent favorables. Habituellement, une incertitude réelle ou perçue quant au potentiel évolutif, la maîtrise du phénomène et l'impact
en santé publique humaine et/ou animale est présente"
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Il s’agit de fédérer et développer une capacité de recherche multidisciplinaire alliant l’approche clinique, la
microbiologie, l’épidémiologie moléculaire, l’épidémiologie, l’entomologie, les mathématiques, la
sociologique, l’économique, les sciences politiques… sur un champ très vaste de maladies touchant tout
aussi bien l’homme et l’animal et pouvant interagir de manière complexe avec les écosystèmes. Sachant
que l’ensemble de ces disciplines ne sont jamais toutes rassemblées dans une même équipe, le
développement des programmes de recherche en santé publique et leur structuration nécessitent par nature
la mise en œuvre de programmes de recherche mixtes et multi-établissements.
Le potentiel émergent et épidémique des maladies infectieuses nécessite donc une organisation a priori de
la recherche en santé publique qui soit pour une part adaptable à cette réalité. La perception et la
vulnérabilité perçue, à tort ou à raison, des risques émergents par la société et les décideurs impliquent une
structuration de la recherche en santé publique dans une optique d’aide à la décision. Les enjeux sanitaires,
sociaux, économiques et politiques pouvant être énormes (Epidémie de SRAS, épidémie de Chikungunya à
la Réunion) voire extrêmes (risque pandémique). L’interface avec les agences de veille et de sécurité
sanitaire est à ce titre indispensable afin de développer des activités de veille prospective commune, de
prioriser les questions émergentes qui nécessitent une programmation et organisation de recherches
spécifiques et de soutenir celles ci. Sans prise en compte de cette dimension, la crédibilité du système
risque d’être mise en cause à la prochaine crise importante. Dans cette perspective, les besoins de
recherche suscités par les manques de connaissance pour préparer la réponse à la menace pandémique et
au bioterrorisme sont à souligner.
Cependant, les préoccupations de sécurité sanitaire discutées ci-dessus, si elles justifient le développement
d’axes de recherche nouveaux, ne doivent pas à l’inverse faire mésestimer les immenses besoins de
recherche en santé publique pour développer, planifier, organiser et mettre en œuvre de manière efficace et
efficiente les politiques publiques sur le long terme (politique vaccinale, résistance aux anti-infectieux,
infection à VIH et par les virus des hépatites, infections alimentaires…). Les enjeux de la recherche en santé
publique à visée décisionnelle sont sur ce sujet majeur pour faire face à la « commande publique » et
« sociale » et aux questions de passage à des programmes de santé publique motivés par les progrès des
connaissances biomédicales (nouveaux vaccins, de tests de dépistages, de traitements…). Le
développement d’une meilleure capacité de recours aux essais d’intervention est ici un enjeu à souligner de
même que l’apport des sciences sociales. L’innovation biomédicale dans le champ des vaccins et des antiinfectieux a un coût de plus en plus important. Pour les nouveaux vaccins par exemple, l’impact de ceux-ci
en terme de vies sauvées et d’effets individuels aisément perceptibles dans les pays développés sont de
moins en moins favorables en terme de balance bénéfice-risque par rapports aux éventuels effets
secondaires. Se pose ainsi à terme la question du prix à payer d’un point de vue social pour un effet devenu
marginal de ces progrès biomédicaux, des risques d’inégalité sociale qui pourraient en découler et de la
recherche décisionnelle pouvant éclairer au mieux ces décisions publiques difficiles.
Les enjeux de santé publique pour les risques infectieux qui diffusent aisément au-delà des frontières avec
la circulation des personnes et des biens sont globaux et auront à l’avenir une gestion de plus en plus
européenne et internationale. La capacité de production de connaissances fondamentales et à visée
décisionnelle en santé publique évolue dans ce sens. Cette évolution va mettre particulièrement à l’épreuve
la compétitivité et l’adaptabilité du dispositif de recherche en santé publique français face à la compétition
européenne et sa capacité à s’insérer dans les grands projets européens et internationaux. Malgré
l’existence de pôles d’excellence, certaines disciplines demeurent quantitativement insuffisantes, notamment
dans le champ de la modélisation dynamique des maladies infectieuses et de la capacité à réaliser des
essais d’intervention pour évaluer les stratégies de prévention, des cohortes, des analyses coût-efficacité…
Les enjeux posés par les risques infectieux à transmission vectorielle, récemment remis à l’ordre du jour,
implique un développement rapide indispensable de la recherche entomologique et de son enseignement
alors que cette discipline est en fort recul.
La globalisation des échanges mondiaux et de la circulation des agents infectieux associées à l’effet du
réchauffement climatique ajoutent une dimension supplémentaire spécifique aux risques infectieux. Outre
les besoins spécifiques de développer une capacité propre de recherche en santé publique dans,
notamment les pays du Sud (VIH, TB, Palu, autres infections tropicales orphelines de traitement disponible,
infections liés aux soins, résistance aux anti-infectieux, hépatites…) et des pays de l’Europe de l’Est et de
l’ex Union Soviétique, les risques infectieux de ces pays interagissent avec la circulation des personnes et
des biens et peuvent affecter par diffusion contigüe les régions voisines ou les pays plus lointains par
transfert direct. Ces deux aspects internationaux doivent donc être intégrés dans la réflexion sur la finalité,
les perspectives de recherche internationale et leur structuration. Dans le contexte de la pandémie grippale,
la question de l’équité entre pays riches et ceux les plus démunis quant à l’accès aux connaissances à la
capacité de détection virologique et aux moyens de lutte (anti-viraux, vaccins…) ont amené certains pays du
sud à envisager de monnayer financièrement et en exclusivité les souches de H5N1 identifiées sur leur
territoire avec certains groupes industriels producteurs de vaccin afin de dégager des moyens pour protéger
leur population, mettant ainsi en grand danger le système mis en place par l’OMS.
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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PRIORITES DE RECHERCHE EN SANTE PUBLIQUE
Les priorités disciplinaires
Epidémiologie :
•
Outils de détection des nouvelles menaces infectieuses : Les outils de détection des événements
infectieux pouvant menacer la santé publique ont connu un développement important dans le
contexte du bioterrorisme, de la crainte des risques émergents et de la mise en application d’un
nouveau règlement sanitaire international. De plus en plus souvent basé sur l’analyse en temps réel
de sources informelles, de systèmes de surveillance syndromique ou non spécifique (recours au
système de soin…), ils n’ont, cependant, peu ou pas fait l’objet d’évaluation de leur performance aux
regards d’épidémies ou émergences réelles et leur valeur ajoutée du point de vue du gain en santé
publique fait l’objet de controverse (« if syndromic surveillance is the answer, what is then the
question ? »). D’autres approches de surveillance ont récemment émergées tel que l’interrogatoire
direct en temps réel des personnes via l’internet (grippe par exemple) et nécessitent tout autant
d’être évaluées et validées.
•
Epidémiologie observationnelle: Il s’agit d’études épidémiologiques en population associées à un
recueil approfondi de données cliniques, épidémiologiques, sociales et microbiologique (moléculaire)
avec constitution de biothèque. La finalité de ces études est à la fois descriptive et étiologique. Il
s’agit d’enquête en population ayant recours à des schéma transversaux, prospectifs ou cas-témoins
nichés sur de grands effectifs et incluant un recueil d’information sociale et comportementale... Sont
particulièrement concernées les infections virales fréquentes, les infections bactériennes graves ou
invasives, en particulier leur relation avec la consommation d’antibiotiques, les infections liées aux
soins, la vaccination, les syndromes de nature infectieuse pour lesquels l’identification d’agents
infectieux nouveaux demeure un objectif (diarrhées, infections respiratoires…). La constitution de
cohortes multicentriques (européennes) de patients hospitalisés pour la recherche en santé publique
sur les infections nosocomiales est à considérer en priorité. Ces études doivent aussi être conçues
pour apporter des éléments quantitatifs précis nécessaires aux modèles mathématiques, discutés ci
dessous. La réalisation de telles études qui doivent être le plus souvent possible être
multicentriques, nécessitent une capacité de monitorage et d’investigation clinico-épidémiologique
importantes (prélèvements, transports, recueil d’informations…) actuellement pas disponibles. Outre
les éléments de microbiologie moléculaire, ces études devront intégrer les éléments de recherche
biomédicale récents, en particulier les développements technologiques dans certains domaines de
l'immunologie (techniques luminex qui permettent de tester plus de cent cytokines simultanément
sur des échantillons de 100 microlitres) et qui peuvent déboucher sur des tests à visée pronostique ;
le développement du screening à haut débit en génétique, permettant les études de susceptibilité
génétique aux infections, au développement des maladies, à la réponse aux anti-infectieux
nécessitant des capacités analytiques et moyens informatiques considérables (voir le nouveau
centre Harvard-MIT).
•
Epidémiologie expérimentale : les essais d’intervention ; Les travaux fondamentaux, la recherche
microbiologique, immunologique, clinique, épidémiologique, biomathématique et en sciences
sociales ont enrichi la compréhension des processus qui sous-tendent la diffusion des infections,
l’efficacité des stratégies de prévention et de prise en charge. Elles offrent de nouvelles perspectives
d’intervention pour rendre les programmes de santé publique plus efficaces. Pour autant les
nouvelles perspectives d’intervention et de prévention issues de ces travaux font encore trop
rarement, d’une manière générale et encore plus en France, l’objet d’évaluation par des essais
d’intervention et des méthodes quasi expérimentales utilisés classiquement dans l’évaluation des
programmes de santé et des programmes d’intervention sociale. Un développement des capacités
des structures de recherche pour mener à bien de tels essais en France est indispensable
notamment sous la forme de centres de coordination et de méthodologie. Cette priorité n’est pas
spécifique aux maladies infectieuses, mais de nombreuses questions actuellement en suspend ne
pourront pas faire l’économie de tels investissements, sauf à ce que ces recherches ne soient que
l’apanage des pays anglo-saxons et nordiques. Une articulation entre essai d’intervention qui vise à
analyser des stratégies de prévention au niveau populationnel et essais cliniques sera à envisager le
plus en amont possible, notamment quand les essais cliniques concernent l’efficacité d’un vaccin au
niveau de la population.
Modélisation mathématique
La modélisation mathématique des maladies infectieuses humaines et animales a connu un développement
très important lors de la dernière décennie. En reproduisant de manière théorique la diffusion d’une infection
et ses conséquences elle permet d’estimer les paramètres fondamentaux de la transmission, d’évaluer a
priori des stratégies de contrôle et d’intervention, d’intégrer des aspects médico-économiques et d’identifier
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les informations nécessaires à recueillir pour affiner les choses. La France, si elle dispose de quelques
équipes de pointe sur ce sujet, doit renforcer sa capacité de recherche dans ce champ. Son développement
nécessite aussi le recours à une capacité de calcul très importante. On peut en particulier lister les questions
suivantes :
•
Valider les modèles "complexes". Les modèles épidémiques évoluent vers plus de complexité
(modèles individu-centré, etc.). Ces modèles présentent une validité "a priori" meilleure car ils
intègrent de multiples données (démographie, transport, etc.). Le niveau de détail injecté dans ces
modèles se traduit-il par une meilleure validité des estimations ? Cette validation implique d'avoir
des données épidémiologiques avec un niveau de détail comparable à celui utilisé dans la
construction des modèles, données souvent manquantes. D'autre part, il sera nécessaire de
comparer les estimations et les valeurs observées, pour simplifier les aspects qui pourront l'être
dans les modèles. Enfin, le développement de ces modèles au niveau de l’ensemble d’une
population nécessite une puissance de calcul et informatique qui n’est pas habituellement disponible
dans les équipes de recherche, posant ainsi la question de l’accès à ce type de plateforme.
•
Prendre mieux en compte la biodiversité des interventions (traitement, vaccination…) affectant plus
ou moins partiellement les populations de pathogènes a des conséquences sur la structure de celleci : l’émergence de nouveaux sous types, résistance... Comment anticiper ces modifications ?
Comment modéliser et résumer cette complexité ?
•
L'hypothèse de mélange homogène des populations prévaut dans la modélisation. Elle n’est,
cependant, pas habituellement vérifiée. Récemment, des descriptions en termes de "réseaux"
sociaux ont été utilisées. Ces données restent statiques ce qui nécessitera d’intégrer les
modifications des comportements qui accompagneraient la survenue d'une épidémie ? Quelle "loi"
régit l'auto-organisation d'une société confrontée à un problème infectieux ? La question se pose
également vis-à-vis du recours à la vaccination : comment est régit l'équilibre entre la prise du risque
immédiat (la vaccination) et du risque différé (la maladie) surtout si la vaccination n'est pas
obligatoire et que la fréquence de la maladie décroit. L’interface avec sciences sociales est ici forte.
•
Couplage animal / homme. L’étude de la circulation des pathogènes lorsque ceux-ci incluent des
réservoirs animaux et environnementaux, par exemple la grippe. La génération de données
d'observation permettant de tracer les transferts entre espèces; la modélisation et l'étude de ces
transferts par la mondialisation, les aspects moléculaires.
•
Le besoin de structures d'observation intégrées. L'informatisation grandissante dans le secteur de la
santé permet d'envisager une informatique de Santé Publique à très large échelle, notamment dans
le domaine infectieux. Pour de nombreuses pathologies, une meilleure signalisation des incidences;
la possibilité de suivis longitudinaux;...Ceci repose sur le développement d'outils de recueil intégrés
à la pratique quotidienne, de standards de description, d'interrogation…
Microbiologie environnementale, écologie microbienne, entomologie
Les interactions complexes entre l’agent, l’hôte, les vecteurs, les écosystèmes, les facteurs climatiques… qui
déterminent la dynamique des infections et leur émergence à la fois humaine, animale ou zoonotique ne
peuvent pas être comprises sans une analyse approfondie de celles-ci. La microbiologie environnementale,
l’écologie microbienne, l’entomologie…y jouent un rôle primordial. La recherche sur les arthropodes comme
vecteurs d’agents infectieux a été délaissée depuis plusieurs décennies et nécessite un gros investissement
de formation de doctorants et de chercheurs.
Sciences sociales
L’approche socio-comportementale qui rassemble des disciplines visant à identifier les facteurs humains
capables d’expliquer la distribution sélective de la transmission à l’homme (hors susceptibilité génétique) est
un complément nécessaire à la recherche biomédicale et quantitative. L’objet est ici d’attirer l’attention sur
l’important déséquilibre (en France particulièrement) entre la production de connaissances scientifiques,
rapide, massive et cumulative, qui caractérise le champ de la seconde approche et celle, réduite, atomisée
et rarement opérationnelle propre au premier. Sans un développement suffisant, coordonné et
scientifiquement structuré des recherches sur les comportements (pathogènes et protecteurs), les
connaissances biomédicales auront un impact non-optimal voire limité en santé publique. Le développement
des « Social and Behavioral Sciences » dans les pays anglo-saxons traduit clairement cette prise de
conscience qui se trouve affirmée par la place qu’elles y occupent.
Il est aussi nécessaire que les sciences sociales puissent prendre leurs distances avec des paradigmes dont
la consistance relève plus d’a priori, politiques, moraux ou philosophiques que de l’observation scientifique,
notamment le paradigme cartésien-utilitariste qui postule que les comportements pathogènes sont
directement induits par un déficit de connaissance (sur l’agent, ses voies de transmission, les facteurs de
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risque, etc.) et donc modifiables par un transfert de connaissances au public. Les faits semblent contredire
ce paradigme ou, à tout le moins, réduire sa capacité à induire le changement de comportement visé,
comme le montre l’exemple du VIH/Sida dans les pays développés (et dans bien d’autres maladies
infectieuses). Alors que de nouvelles pistes prometteuses semblent se dessiner à l’échelle internationale,
une approche scientifique des comportements individuels en relation avec les contextes sociaux et culturels
qui les structurent, devrait conduire à explorer sans tabou ni parti pris tous les facteurs qui : i) expliquent, ou
sont corrélés avec les comportements pathogènes/protecteurs ; ii) permettent d’identifier les voies et
stratégies capables d’accroître la probabilité d’adoption de comportements adaptés à une meilleure
protection contre la transmission d’agents infectieux.
Sciences économiques et politiques
D’un point de vue plus général et dans la lignée du paragraphe précédent, il faut insister sur
l’interdisciplinarité. Nous avons besoin du regard de l’infectiologie, du spécialiste de santé publique, de
l’anthropologue, du sociologue, du psychologue, de l’économiste, du politologue… Il faut ici sortir la santé
publique du strict champ médical et l’ouvrir à l’ensemble des sciences humaines et sociales. Les points cidessous spécifiques aux aspects économiques et politiques nous paraissent particulièrement d’actualité
•
« Epidémiologie économique ». Il s’agit de réfléchir à la manière d’insérer dans les modèles
épidémiologiques ou bio-statistiques classiques des éléments permettant de prendre en compte
l’ajustement du comportement des individus (agents économiques supposés dotés d’une certaine
forme de rationalité) à l’évolution de la situation épidémiologique ou du contexte économique. Il
s’agit d’intégrer dans le modèle de transmission les externalités caractéristiques du domaine des
maladies infectieuses. Dans l’exemple de la vaccination, on suppose dans les modèles classiques
que la couverture vaccinale est exogène (déterminée en dehors du système). Si on considère que la
décision des individus de se faire vacciner dépend du niveau de risque encouru, alors la couverture
vaccinale n’est plus une constante et devient endogène. Ceci peut avoir des conséquences
importantes sur la dynamique de l’infection et sur les prédictions du modèle. Ceci se pose pour la
vaccination HPV lorsqu’il s’agit d’anticiper l’impact de la vaccination sur les comportements de
dépistage… Autre exemple, on peut chercher à anticiper les effets sur la couverture vaccinale d’une
amélioration du taux de remboursement du vaccin ou encore du développement d’un vaccin
multivalent. Cette perspective est aussi importante dans le champ du développement des
résistances aux anti-infectieux (en termes de choix du traitement).
•
L’application du calcul économique au domaine des maladies infectieuses. Il ne s’agit pas seulement
de conduire des études coût/efficacité mais aussi de réfléchir à d’autres approches
méthodologiques, susceptibles d’aider à la révélation des préférences des individus vis-à-vis des
situations d’exposition à un risque et/ou des mesures de prévention (évaluation contingente,
propension à payer, analyse conjointe…).
•
Les processus de décisions et de gestion des situations de crises sanitaires. Par qui et sur quels
critères sont prises les décisions publiques ? Quelles sont les évolutions récentes notables dans la
manière dont les différents pays abordent la question du risque infectieux ? Comment sont
anticipées puis gérées les crises sanitaires ?
•
L’économie industrielle. Quel est le coût du développement d’un vaccin ? Quelles sont les conditions
favorables au développement de nouveaux vaccins ? Comment promouvoir l’innovation (en la
rétribuant à sa juste valeur), protéger les droits de propriété intellectuelle et industrielle sans
concéder aux industriels des rentes économiques coûteuses pour la collectivité ? Comment
promouvoir l’innovation dans des domaines désertés par l’initiative privée (cette question vaut
beaucoup pour les pays du Sud, le VIH mais aussi de nombreux autres médicaments dont
notamment les antituberculeux, les antiparasitaires…).
Les thématiques/sujets prioritaires
Les infections émergentes :
Mécanismes d’émergence et de diffusion au niveau populationnel. Ceci concerne aussi bien les infections
virales que les infections bactériennes en communauté ou en lien avec les soins, notamment celles ayant
acquises une résistance aux agents anti-infectieux. Cela concerne tout autant l’étude théorique (modèle) et
observationnelle de l’introduction de nouveaux agents ou d’agents ayant de nouvelles caractéristiques dans
une population que les conditions de diffusion et de pérennisation. Le passage de l’animal à l’homme est
d’un intérêt particulier avec l’épidémiologie moléculaire permettant de faire les liens entre infection animale
et humaine (qu’il s’agisse d’animaux sauvages ou domestiques), comprendre les mécanismes de
franchissement de la barrière inter-espèces, facilitant ainsi la modélisation de la barrière d’espèces dans la
transmission de l’animal à l’homme. L’impact de l’immunodépression de l’hôte humain dans l’émergence est
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une voie de recherche à approfondir et pourrait aussi être introduit dans les modèles mathématiques
notamment dans la perspective du développement des xénogreffes. Les études épidémiologiques en
population doivent intégrer les outils de diagnostic moléculaire (PCR multiplex, sondes a ADN), avec
approche syndromique permettant d’identifier des agents inconnus responsables de pathologies rares ou
banales, ou de nouveaux agents infectieux. Dans le champ des sciences sociales, l’évaluation des
représentations, de la perception du risque et de la vulnérabilité à ce risque, de l’efficacité des mesures en
amont des crises, en temps réel et après la crise, de la communication sont un enjeu important. Se posent
aussi des questions d’évaluation de l’efficacité, de l’efficience, de l’acceptabilité sociale et de la légitimité
juridique de toute une palette de mesures qui peuvent attenter à la circulation des personnes et des biens
(isolement, quarantaine, contrôle aux frontières, traçabilité des personnes…). La modélisation constitue un
axe de recherche majeur dans cette thématique. Outre les aspects théoriques qu’elle permet d’aborder, son
apport décisionnel et sa contribution à l’orientation des politiques publiques a été à maintes fois confirmés
ces dernières années, par exemple pour la grippe pandémique et le SRAS. Ceci est une raison majeure de
développement des capacités de recherche dans ce champ. Elle permet aussi de développer des méthodes
pour estimer les paramètres de transmission (taux de reproduction, durée d’incubation, temps de latence
intervalle inter génération…) indispensables à l’anticipation et à la maîtrise d’une infection émergente.
Infection à VIH, les hépatites
La recherche dans ce champ est promue, animée et soutenue par l’ANRS et englobe l’ensemble des
disciplines, dont la recherche en santé publique. Deux actions coordonnées de l’ANRS concerne la
recherche en santé publique, l’une dans le champ du VIH et du Sida et l’autre dans celui des hépatites B et
C. Parmi les thèmes de recherche qui demeurent prioritaires et nécessitent que des équipes maintiennent et
développent des travaux de recherche en santé publique, on peut citer :
•
L’observance des traitements et qualité de vie des patients sous traitement au long cours
•
L’évaluation des nouveaux traitements prenant en compte dans les critères d’évaluation, non
seulement l’efficacité clinique et biologique mais aussi les effets secondaires, la qualité de vie et
l’observance. Evaluation de l’intégration de ces critères dans les critères de jugements des essais
thérapeutiques
•
Les barrières au dépistage, prise en charge de l’infection par le VIH, VHC et VHB, notamment dans
les populations socialement précaires…
•
L’analyse des stratégies de dépistage du VIH et des virus des hépatites chroniques dans le contexte
épidémiologique actuel
•
La définition, conceptualisation et évaluation de nouveaux outils de prévention de la transmission du
VIH chez les gays, de la transmission du VIH chez les usagers de drogues…
Grippe et préparation pandémique :
Les besoins de connaissances à la fois théoriques et nécessaires à la préparation des plans de réponse son
énormes et concernent toutes les disciplines de la recherche en santé publique : outils de détection du
passage à la pandémie; aspects organisationnels et politiques ; aspects économiques ; transmission des
virus grippaux chez l’animal et à l’homme ; relations internationales (équité Nord-Sud ; menace de
valorisation financières des souches par les pays du sud vs collaboration OMS) ; propriété des souches ;
capacité d’adaptation du système de soin ; développement, évaluation et validation de critères d’alerte ;
capacité d’évaluation des mesures en temps réel ; évaluation de l’efficacité ; de la faisabilité et de l’efficience
des mesures proposées dans le cadre des épidémies saisonnières ; modélisation et validation de ceux-ci ;
« proof of concept » des résultats des modélisations lors d’épidémies saisonnières ; acceptabilité, efficacité
et efficience des masques dans la transmission de la grippe dans différents lieux (de soins ; foyers ;
travail…) et pour différentes population (soignants ; soignés…) ; aspects éthiques ; représentation ;
perception des différents corps sociaux…
Zoonoses
Le monde animal est pour l'homme une source importante de maladies infectieuses (plus de 1400 agents
infectieux pathogènes pour l’homme, dont environ 60 % d’origine animale). Les agents zoonotiques sont une
source d’infections émergentes et ré-émergentes (les animaux sont à l'origine de près des trois quart des
agents responsables d’infections considérées comme émergentes ou ré-émergentes chez l'homme). Les
animaux sont aussi une source importante de résistances bactériennes par transmission à l’homme de
bactéries ou de mécanismes de résistance acquis chez l’animal, mais l’inverse est probablement vrai aussi.
Cependant, un très petit nombre seulement de ces agents ont montré leur capacité à causer des épidémies
majeures chez l’homme. Plus encore que pour les autres maladies infectieuses, les interactions entre le
réservoir, l’hôte, l’agent et l’environnement et l’éventuel vecteur jouent un rôle primordial dans la dynamique
de la zoonose. Ces interactions en influencent la dynamique, l’extension géographique, et la population
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touchée. La recherche sur les zoonoses nécessite ainsi des approches multidisciplinaires s’intéressant non
seulement à l’épidémiologie chez l’homme, mais aussi à l’agent (épidémiologie moléculaire, résistance aux
anti-infectieux), à l’environnement, aux réservoirs animaux (d’élevage, de compagnie mais aussi
sauvage…), les vecteurs, les écosystèmes sans oublier le contexte social et économique qui a une influence
considérable sur l’ensemble de ces compartiments et ses interactions (comportements alimentaires, modes
d’élevages, d’alimentation des animaux, contacts avec les animaux, loisirs, animaux de compagnie…).
Infections à transmission vectorielle
L’exemple de l’introduction et de la diffusion du virus du Nil Occidental aux Etats-Unis a révélé le déficit en
connaissances sur l’écologie du virus, les populations vectorielles et leur capacité, leurs interactions avec les
réservoirs aviaires… et leurs influences sur la diffusion et la persistance de l’infection. Un grand besoin de
connaissance sur les comportements humains face à ces risques et à l’utilisation des méthodes de
prévention, l’adhésion des populations, et sur l’évaluation de l’efficacité, perception et acceptabilité des
stratégies de prévention individuelle et collective sont apparus et ne sont loin d’être résolu pour le moment.
La comparaison de la situation américaine avec celle du pourtour méditerranéen aurait du sens. On peut
faire un parallèle tout aussi pessimiste pour la dengue dont l’aire géographique de diffusion et les
populations touchées n’ont fait que croître en lien avec les évolutions démographiques, urbaines et
périurbaines. L’épidémie de Chikungunya à la Réunion a révélé cruellement les mêmes incertitudes
scientifiques. Très peu des mesures de lutte ou de prévention mises en œuvre ont réellement fait l’objet
d’évaluation épidémiologique sur la base d’essais d’intervention randomisés ou quasi expérimentaux. Les
interventions basées sur les insecticides ont des effets indésirables humains potentiels et écologiques et
génèrent des résistances de la part des vecteurs et des populations. La perception sociale de ces mesures
est donc un élément d’analyse fondamental. De plus, les immenses besoins en entomologie ne sont pas
couverts par manque de chercheurs et spécialistes. Les Antilles, où la dengue est endémo-épidémique,
offrent un terrain de recherche unique.
Les conséquences des modifications climatiques sur le risque infectieux
Le climat et ses variations dans le temps, notamment saisonnières, et spatiales ont une influence sur la
dynamique des maladies infectieuses par le bais de mécanismes multiples qui sont loin d’être bien compris.
Cela concerne aussi bien les infections virales, bactériennes ou parasitaire, les infections transmises de
personne à personne (respiratoires, entériques, neuroméningées) que celles transmises via une source
commune (alimentaire notamment) ou à partir de l’animal, que celles liée à une transmission vectorielle
impliquant alors une intrication très forte avec les écosystèmes. Le réchauffement climatique par ses
conséquences sur les écosystèmes, associé aux modifications environnementales et démographiques qui
ont lieu en parallèle (ou en conséquence du réchauffement) aura à plus ou moins long terme un impact sur
la dynamique des infections connues (cet impact pouvant aller dans le sens d’une augmentation pour
certaines comme d’une diminution pour d’autres) et les émergences. La thématique «influence du climat sur
la dynamique des maladies infectieuses », dans cette perspective, revêt donc un enjeu prospectif tout
particulier.
L’échappement aux anti-infectieux
L’échappement aux anti-infectieux constitue un des phénomènes infectieux émergents majeurs de la fin du
20ème siècle. Il concerne tant les infections bactériennes, virales, fongiques que parasitaires et à la fois les
médicaments curatifs et préventifs (vaccins). Les délais d’émergence de nouveaux mécanismes de
résistance et de diffusion de pathogènes résistants peuvent être très courts dès après l’introduction en
thérapeutique humaine de nouveaux médicaments. Ces phénomènes doivent dorénavant être considérés
comme inévitables, voire comme un fait principal à prendre en compte et à anticiper lors de la mise à
disposition de toute innovation dans ce domaine.
Les enjeux de recherche concernent la compréhension de l’émergence et des mécanismes biologiques de la
résistance ainsi que l’innovation diagnostique, thérapeutique (nouveaux anti-infectieux) ou prophylactique
(vaccins). Mais concernant plus spécifiquement la recherché en santé publique, ils portent principalement
sur :
•
La prise en charge des infections ayant acquises une résistance aux anti-infectieux et la mesure et
le suivi des conséquences de ces résistances
•
Les difficultés de prise en charge des patients touchés par des infections résistantes ou devenues
résistantes voire multi-résistantes aux agents anti-infectieux (antibiotiques, antituberculeux,
antiviraux, antimycotiques, antiparasitaires). Des travaux de recherche sont nécessaires pour
estimer l’impact sur la morbidité, la mortalité et les coûts et les stratégies à promouvoir, mais aussi
sur l’évaluation de l’intérêt sur la morbidité et la mortalité, des diagnostics spécifiques précoces par
le recours aux nouveaux outils de diagnostic rapide qui sont susceptibles de conduire à des
traitements spécifiques plus rapidement adaptés. A ce titre, il faut souligner l’intérêt de la rapidité du
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diagnostic pour minimiser les temps « aveugles » durant lesquels aucune mesure de prévention ne
peut être prise et pour optimiser la qualité de la prescription (traitements empiriques). Ici les
approches qui sont prioritaires portent sur le développement d’essais d’intervention en population.
•
La compréhension des dynamiques de diffusion des pathogènes résistants notamment la
caractérisation de l’aptitude intrinsèque des pathogènes à diffuser.
•
L’évaluation des stratégies de maîtrise de l’émergence et de la diffusion de ces pathogènes.
•
L’anticipation à court terme de la dynamique d’émergence et de diffusion de pathogène résistant
constitue aussi un défi scientifique des années à venir. Il n’existe à l’heure actuelle aucun outil
finalisé susceptible d’être mis à disposition à la fois des décideurs et des équipes soignantes, pour
piloter les politiques de maîtrise de la résistance aux anti-infectieux tant au niveau des
établissements qu’au niveau régional (hôpital et ville) ou national (voire européen). L’ambition serait
ici à la fois de : 1) faire évoluer les prévisions « macroscopiques » relatives aux phénomènes
épidémiques des bactéries résistantes tels que cela a été le cas dans d’autres domaines, par
exemple les phénomènes climatiques ; 2) mettre au point des outils susceptibles de produire des
prévisions « microscopiques » et d’être mis à disposition pour assurer le pilotage des politiques
locales de maîtrise de ces phénomènes.
Les infections liées aux soins
Les infections liées aux soins peuvent sont aussi un cas particulier des maladies infectieuses émergentes.
Touchant près de 5% des patients hospitalisés les infections liées aux soins représentent un fardeau de
santé publique croissant et de moins en moins acceptable par la société. Si toutes les infections liées aux
soins ne sont pas évitables dans l’état des connaissances et des soins actuels, une proportion non
négligeable d’entre elles, de l’ordre du tiers pourraient être prévenues. Des besoins de connaissances
manquent encore cruellement et leur comblement permettra d’optimiser et d’améliorer les stratégies de lutte
de prévention, de prise en charge actuelle. Ce champ de recherche rejoint partiellement celui de la
résistance aux anti-infectieux. Les axes suivants peuvent être considérés comme des priorités :
•
Mesure et suivi de la morbidité et de la mortalité liées aux soins et leur part évitable ainsi que des
travaux portant sur la performance et de l’efficience des systèmes de surveillance. A ce titre il faut
souligner la nécessité d’une attention particulière sur les infections liées aux soins en
extrahospitalier et aux nouveaux modes de soins (hôpital de jour, hospitalisation à domicile,
chirurgie endoscopique, radiologie interventionnelle…)
•
Evaluation des différentes stratégies de maîtrise, et notamment leur analyse coût-bénéfice,
notamment de l’impact des techniques de diagnostic rapide des infections nosocomiales sur la
morbidité et mortalité ainsi que l’évaluation des stratégies de prévention, notamment pour les
infections respiratoires (vaccination du personnel, exclusion des soignants malades, efficacité,
acceptabilité de l’utilisation des masques en période épidémique…) et entériques. Ici encore la
constitution de cohortes prospectives de patients exposés aux soins, de patients touchés par une
infection nosocomiale ainsi que le développement d’essais d’intervention ou quasi expérimentaux
s’impose.
•
Recherche sur les modes d’organisation du travail susceptible de réduire les infections liées aux
soins, ainsi que des travaux sur la perception et les représentations de ce risque spécifique par les
« acteurs » (malades, usagers, soignants, décideurs, administration hospitalière, relais d’opinion) et
sur les politiques de transparence promues par les pouvoirs publics pour les différents acteurs;
sciences sociales.
Vaccination et politiques publiques vaccinales
Les politiques vaccinales menées par les pouvoirs publics rencontrent de plus en plus de difficultés dans
leurs mises en œuvre. On est passé d’un paradigme collectif autoritaire illustré par la vaccination obligatoire
à celui de la décision individuelle de chacun d’accepter de se faire vacciner en fonction des éléments
d’information donnée par les professionnels de santé. La crise de la vaccination hépatite B en France a
révélé une grande incertitude des autorités de santé publique et des professionnels de santé face à la
vaccination. Ce contexte, qui peut contribuer à remettre en question des programmes de prévention parmi
les plus efficients, offre de nombreuses opportunités de recherche en santé publique dans différents champs
disciplinaires, tout particulièrement celui des sciences sociales et humaines (sociologie, économie, histoire,
science politique…). Par ailleurs, dans ce contexte de nouveaux vaccins sont mis sur le marché et imposent
de disposer des évaluations en population intégrant à la fois le bénéfice épidémiologique, les éventuels
effets secondaires et des considérations sociétales, notamment économiques (coût-efficacité). Parmi les
axes de recherches à promouvoir on peut citer :
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•
L’évaluation a priori des stratégies vaccinales pour les nouveaux vaccins en terme d’efficience et
coût-efficacité sur la base combinée d’essais d’intervention ou de modélisation mathématique.
•
La compréhension des phénomènes d’échappements vaccinaux et de remplacements de souches
sous l’effet de la vaccination et ainsi que leur impact potentiel sur les politiques publiques (ce point
rejoint la partie échappement aux anti-infectieux)
•
La compréhension des déterminants sociaux et psychosociaux de la résistance à la vaccination
dans la population et chez les professionnels de santé
•
L’analyse des éléments de la perte de confiance envers la vaccination en France : histoire de la
vaccination ; représentation sociale ; sociologie de la décision ; impact des médias ; impact sur
l’évolution des politiques publiques…
Pays du Sud et santé internationale
Tout d’abord il conviendra de définir « l’espace géographique » de la recherche en santé publique sur les
risques infectieux. La population française est aujourd’hui plus que jamais internationalisée ou pour
reprendre un terme plus en vogue mondialisée. La multiplicité des voyages, les flux migratoires de
populations et de biens ont globalisé la problématique de santé publique et du même coup le cadre spatial
de cette recherche. Afin de répondre aux enjeux de santé publique, des efforts de transfert avec des moyens
substantiels seront nécessaires pour améliorer la capacité des pays où les risques d’émergence sont
importants. Ceci doit se faire dans une perspective de meilleure prévention vis-à-vis des populations des
pays concernés.
L’approche multidisciplinaire incluant l'épidémiologie observationnelle et expérimentale, les bio statistiques,
biomathématiques (modélisation) et des sciences humaines, sociales et politiques s’y applique de la même
manière. Cette multidisciplinarité nécessite la mise en place de collaboration transversale avec les équipes
et institutions de recherche sur les thématiques prioritaires. Dans le champ du VIH et maintenant des
hépatites B et C, le modèle développé par l’ANRS, sous la forme de politique de site impliquant de manière
équilibrée des équipes du Nord et du Sud, est à ce titre un exemple intéressant à développer. Les initiatives
à prendre en France devrait être élargies aux autres grands « tueurs » (tuberculose, paludisme, infections
évitables par la vaccination…). L’initiative française dans ce champ doit impliquer une coordination interétablissements de recherche et s’intégrer dans une politique européenne plus globale.
Les thématiques délaissées par l’industrie pharmaceutique pour cause de non rentabilité doivent être
abordées en priorité. Cela concerne le développement de nouveaux médicaments mais tout autant la
production et la distribution de médicaments efficaces, quelquefois anciens, dont la rentabilité n’est plus
assurée et dont la fabrication est abandonnée (antiparasitaires…). Alors que la tendance est de renforcer les
liens entre le privé et le public, il est crucial que la recherche en santé publique garde une capacité de définir
un agenda de recherche qui ne soit pas guidé par une politique de marché. Ce schéma a certainement son
sens dans beaucoup d’autres thématiques, mais s’avère inadapté en santé publique et pour beaucoup de
risque infectieux des pays du sud. Une recherche en santé publique s’inscrivant dans l’initiative « drug for
neglected diseases intiative » (DNDI) semble une orientation à privilégier. Dans ce cadre une attention toute
particulière sur l’émergence et la diffusion des résistances aux agents infectieux apparaît urgente. Là
encore, l’étude des résistances ne doit pas se limiter au cadre national ou européen, mais à une approche
plus globale du problème en renforçant la recherche délocalisée sur les aspects microbiologiques,
épidémiologiques… mais aussi la qualité des agents anti infectieux, leurs utilisations, distributions,
prescriptions...
Suite à l’épidémie de Chikungunya à la Réunion et Mayotte, le Centre de Recherche et de Veille sur les
maladies émergentes de l’Océan Indien a été créé à l’initiative des ministères chargés de la recherche et de
la santé sous la forme d’un GIS. Il cible prioritairement les maladies infectieuses vectorielles, en particulier
les arboviroses qui peuvent affecter les deux DOM français de cette région, dans cette zone internationale
propice à leur émergence et diffusion. La création d’une entité similaire en Caraïbe sur la base d’arguments
du même type est discutée. La recherche en santé publique incluant les aspects de sciences humaines et
sociales est primordiale dans ce type d’initiative et doit donc y être considérée et développée prioritairement.
Populations vulnérables et risque infectieux
Il ne s’agit pas ici de faire un catalogue des différentes populations qui pourraient présenter un risque accru
de telle ou telle infection, mais plutôt d’identifier des groupes sociaux chez qui certains risques pour lesquels
la prévention ne peut être appréhendée sans travaux de recherche en santé publique spécifiques. Parmi
ceux-ci les groupes les plus prioritaires sont les personnes en grande précarité sociales et les sans domicile
fixe, les migrants et les usagers de drogues par voie veineuse.
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Quelles modalités d’organisation de la recherche en santé publique
Peu d’équipes de recherche en santé publique que ce soit au sein de l’Inserm ou dans d’autres organismes
ou universités concernent spécifiquement les risques infectieux. Par ailleurs, il n’existe pas de groupes en
France qui rassemblent l’ensemble des disciplines discutées dans les paragraphes ci-dessus. S’il est
raisonnable de reconnaître que la masse critique nécessaire doit être pensée au niveau européen ou
international, des efforts importants n’en demeurent pas moins nécessaires au niveau national, tout
particulièrement dans le champ des approches populationnelles sur grands échantillons, les cohortes, les
schémas expérimentaux, la modélisation et les sciences humaines. Il y a donc lieu de créer à la fois les
conditions d’émergence d’équipes nouvelles sur ces champs et de favoriser des projets et des équipes
mixtes permettant à un établissement comme l’Inserm, très centré sur les aspects biomédicaux,
d’appréhender l’ensemble des dimensions de recherche en santé publique discutés ci-dessus, notamment
dans les aspects d’interaction entre l’homme, le monde animal, l’écologie microbienne, les écosystèmes…
Ceci nécessite pour l’Inserm de développer activement des partenariats structurés et incitatifs avec les
autres organismes français (en particulier l’Institut Pasteur, l’Inra, l’IRD, CNRS, Universités…) et européens
sous des formes adaptées aux thématiques prioritaires retenues.
Les pistes suivantes nous paraissent devoir faire l’objet d’une attention particulière :
•
Pour combler les déficits quantitatifs et « culturels » sur la mise en œuvre d’études épidémiologiques
en population, de cohortes et d’essais d’intervention, le développement de centres de coordination
méthodologique et d’investigation, sur le modèle, et en lien avec ceux, de la recherche clinique
hospitalière est une piste à envisager.
•
Initier un développement fort et une convergence des disciplines biomathématiques et sciences
humaines et sociales avec les disciplines quantitatives classiques. Se donner un objectif de 3 à 5
équipes de ce type répartis sur le territoire.
•
Créer des interfaces de recherche animal-homme réellement opérationnelles qui aillent au-delà des
bonnes intentions, les risques vectoriels s’y prêtant particulièrement.
•
Structurer une meilleure interface entre la veille sanitaire et la recherche en santé publique (InVSInserm, Universités…) permettant de disposer d’une capacité de recherche opérationnelle face aux
émergences et d’anticiper et programmer des travaux de recherches appliqués sur la base des
questions posées par la veille sanitaire ou par les pouvoirs publics à court terme.
•
Parmi les thématiques, les questions de l’échappement aux anti-infectieux et des infections liées aux
soins ont un avenir certain à court et long terme et un caractère prioritaire particulier, de même que
les politiques vaccinales.
•
Les enjeux autour des infections vectorielles imposent de renforcer de manière substantielle la
spécialité de l’entomologie avec des objectifs de création de poste de chercheurs. La question est,
cependant, comment amorcer le mouvement sachant que les équipes sont très limitées d’où une
capacité d’accueil et d’encadrement de doctorant et de post doc insuffisante. Le niveau européen et
international est probablement le plus pertinent pour cela.
•
La question d’une animation et promotion de cette recherche très multidisciplinaire nous paraît
devoir, en parallèle au renforcement des équipes, être considérée. Le modèle mis en place par
l’ANRS dans le champ de la recherche sur le VIH et les hépatites qui englobe toutes les disciplines
et tout autant les questions Nord que Sud paraît pour cela particulièrement pertinent à envisager
plus largement pour la question des maladies infectieuses.
Ce document et les pistes qui y sont discutées n’ont pas fait l’objet de débats collectifs. Il serait souhaitable
qu’il puisse servir de base à une discussion d’un groupe multidisciplinaire en vue d’un séminaire de
prospective sur le futur de la recherche en santé publique sur les maladies infectieuses dans un monde
globalisé. Cela pourrait aussi être le préalable à une mobilisation et une animation d’un réseau d’équipes
multidisciplinaires et multi-organismes qui pourraient être intéressés à s’engager dans la recherche en santé
publique sur les maladies infectieuses…
Remerciements
Ce chapitre a été rédigé avec la contribution de : Arnaud Fontanet, Yazdan Yazdanpanah, Pierre-Yves
Boelle, Benoit Dervaux, Philippe Guérin, Michel Setbon et Yannick Jaffré
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Annexe : Inventaire des équipes :
Il s’agit ici d’un inventaire incomplet, non systématique et probablement biaisé (à développer et structurer
sous une forme à définir):
•
-
Inserm
U707 : Epidémiologie, modélisation, analyse économique : F Carrat, PY Boelle, AJ Valleron, A Falhault
U720 : Epidemiologie clinique et thérapeutique de l'infection à VIH : D Costagliola : (épidémiologie,
biostatistique, biomathématique)
U687 - France Lert (UDIV, sciences sociales) ; B Auvert
U Kremlin Bicétre : L Meyer ; Nathalie Bajos ; J Wasawski
D Fassin (U Paris Nord, EHESS, sciences sociales),
UBordeaux, ISPED (R Salmon, F Dabis, G Chéne, épidémiologie)
U JP Moatti (Marseille, sciences sociales, économie)
•
CNRS :
- G Paicheler (CERMES, sciences sociales, VIH)
- Benoist Dervaux (Lille, économie)
- UMR 7625 (J Van Baalen, modélisation)
•
INRA :
- D Torny (sociologie, vaccination)
- Gilles Aumont (santé animale)
- Christian Ducrot (épidémiologie)
•
IRD : Thème: sécurité sanitaire, politique de santé et accès aux soins http://www.ird.fr/unites?CHAMP=5
•
INED : Annabel Desgrées du Lou (CEPED, VIH) ; S Le Cœur (VIH, PTME)
•
-
Universités
Yazdan Yazdanpanah (Lille, épidémiologie, économie)
P Astagneau (Paris VI, épidémiologie, I Nosocomiale)
C Pradier (Nice, épidémiologie)
F Ekobo (Marseille, sciences sociales)
D Guillemot (Paris, épidémiologie, RATB, pharmaco-épi)
Dijon/Besançon : hépatites
Lyon : J Fabry (épidémiologie, I noscomiales) ; P Vanhems (épidémiologie)
C Brun Buisson (Créteil, I nosocomiale)
Marseille : D Raoult, X De Lamballerie
•
Ecoles vétérinaires
o Lyon (P Sabatier : environnement et prévisions de la santé des populations ; épidémiologie
animale, modélisation)
o Maison-Alfort : M Sanaa : analyse quantitative des risques infectieux alimentaires ; Marc Eloit…
•
Institut Pasteur : A Fontanet (épidémiologie, infections émergentes et hépatites) ;D Guillemot
(Echappement aux anti-infectieux)
•
Centres Nationaux de référence (N = 46, voir http://www.invs.sant.fr)
•
Institut de Veille Sanitaire : Département Maladies Infectieuses
•
AFSSA
•
Structures associatives : Epicentre (P Guérin, épidémiologie et pays en développement) : Programme
de recherche du Samu social (Anne Laporte, épidémiologie, science sociale)
Qui à l’Inserm ?
U657 : Pharmacoépidémiologie et évaluation de l’impact des produits de santé sur les populations
(Dir. : Bernard Bégaud) – Equipe : Pharmacoépidémiologie des maladies infectieuses (Responsable : Didier
Guillemot)
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U687 : Santé publique et épidémiologie des déterminants professionnels et sociaux de la santé (Dir. :
France Lert) - Equipe : Santé publique et épidémiologie de l’infection VIH / Sida en Afrique (responsable :
Bertrand Auvert)
U707 : Epidémiologie, modélisation, analyse économique (Dir. : Guy Thomas) – Equipe : Epidémiologie
des maladies infectieuses (responsable Fabrice Carrat)
U720 : Epidémiologie clinique et thérapeutique de l'infection à VIH (Dir. : Dominique Costagliola)
U723 : Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique (CRESP) (Dir. : Didier
Fassin)
U822 : Santé reproductive, sexualité, infection à VIH – épidémiologie, démographie, sciences
sociales (Dir. : Jean Bouyer) – Equipe : Epidémiologie du VIH et des IST (responsables : Laurence Meyer,
Josiane Warsawski)
U897 : Centre « Epidémiologie et biostatistique » (Dir. : Roger Salamon).
U912 : Sciences Economiques et Sociales, Systèmes de santé, Sociétés (SE4S) (Dir. : Jean-Paul
Moatti)
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Modélisation, biostatistiques, Méthodologie
Daniel COMMENGES, DR1 Inserm
U897 : Centre « Epidémiologie et biosatistique » - Inserm / ISPED - Université Bordeaux 2
DEFINITION ET ENJEUX DE LA THEMATIQUE
Définition des termes
Afin d’évaluer le rôle de la méthodologie, des biostatistiques et de la modélisation en Santé Publique, il est bon
de définir ces termes. Je ne m’attarderais pas à définir « Santé Publique », considérant que tous les travaux
impliquant les statistiques à l’Inserm ont directement ou indirectement à voir avec la santé et donc la santé
publique. Quant aux trois mots définissant la thématique, je privilégierai « biostatistique » tout en portant une
certaine attention à « modélisation » ; « méthodologie » est trop vague : soit il fait référence aux statistique ou à
la modélisation, soit il fait référence à d’autres outils comme l’informatique ou à des questions logistiques de
suivi d’études. Je considère que la méthodologie qui nous intéresse ici est en fait les biostatistiques et ses
applications, incluant en particulier les plans d’études et la modélisation. J’utiliserai le plus souvent la forme
plurielle « biostatistiques » qui semble plus naturelle, comme on préfère généralement la forme plurielle
« mathématiques » (remontant à une forme plurielle grecque employée par Aristote) ; biostatistique (au
singulier) est cependant naturel dans certaine formules.
Biostatistiques
Les biostatistiques sont une spécification des statistiques au domaine biologique (au sens large). Les
statistiques constituent une discipline clairement identifiée. On peut résumer la problématique de la statistique
de la façon suivante. On considère une famille de distributions (c’est ce qu’on appelle un modèle statistique),
indexées généralement par des paramètres et l’on choisit une sous-famille compatible avec les observations,
ou on élimine une sous-famille incompatible avec les observations. L’estimation ponctuelle de paramètres
consiste à choisir un seul modèle dans la famille. Un test consiste à prendre ou non la décision d’éliminer la
sous-famille correspondant à l’hypothèse nulle. On peut développer des théories pour résoudre ces problèmes,
ou bien sûr appliquer les théories validées à des données. Les statistiques ont des applications dans tous les
domaines scientifiques, mais aussi économiques et administratifs. Citons en particulier les applications
industrielles, l’économie (ou elle prend le nom d’économétrie), les sciences sociales, les sciences du vivant (ou
elle prend le nom de biométrie ou de biostatistique) ; les statistiques sont également un outil clé en
bioinformatique. « biométrie » est un terme un peu daté qui est supplanté par « biostatistique ». Dans le
domaine du vivant on peut distinguer des applications à l’agronomie, l’écologie, la génétique, la biologie,
l’épidémiologie, la pharmacocinétique, l’imagerie médicale. L’application la plus directement liée à la santé
publique est l’épidémiologie, cependant les autres applications concernant la santé humaine sont aussi à
prendre en compte.
Modélisation
Qu’est-ce que la modélisation ? Nous avons dit qu’un modèle statistique est une famille de distributions (ou plus
généralement de mesures de probabilités). On peut dire que la modélisation est l’art de se donner un ou
plusieurs modèles qui sont pertinents dans une application donnée. Donc un statisticien appliqué fait
nécessairement de la modélisation. Le terme « modélisation » évoque cependant des modèles d’un certain
degré de complexité. On peut distinguer des modèles descriptifs et des modèles explicatifs, cependant la
distinction n’est pas très claire. Des modèles qui ne saisissent pas les mécanismes biologiques à l’œuvre ont
qu’en même un côté explicatif : le rétrocalcul utilise le fait que le SIDA apparaît après un temps de latence
suivant l’infection par le VIH, pour estimer l’incidence de l’infection à VIH à partir de registres de SIDA ; le
modèle de Cox est un modèle standard en épidémiologie qui permet d’évaluer l’importance de facteurs de
risque codés par des variables dites « explicatives ». Certains modèles se veulent plus mécanistiques. C’est le
cas des modèles pharmacocinétiques, des modèles épidémiques et des modèles d’interaction hôtepathogènes. Cette approche mécanistique passe en général par l’écriture d’équations différentielles. Cependant
les modèles développés dans le domaine du vivant ne sont pas parfaits, donc ne sont pas entièrement
explicatifs. Le terme « modélisation » évoque souvent ces modèles mécanistiques. La complexité de la
structure de ces modèles basés sur des équations différentielles rend difficile l’approche statistique, en
particulier lorsque le système d’équations différentielles n’a pas de solution analytique. Beaucoup de travaux
portant sur de tels modèles ignorent l’approche statistique. Il y a des travaux théoriques de biomathématiciens
qui étudient le comportement des modèles (nombre et nature des états d’équilibre) et leur identifiabilité, et
d’autre part des travaux de simulation, en particulier en épidémiologie. Cependant ces systèmes ont des
comportements qui dépendent évidemment de la valeur des paramètres et l’approche statistique, bien que
difficile, est centrale car elle permet d’estimer ces paramètres à partir d’observations.
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Bioinformatique
Il faut également dire un mot de la bioinformatique qui utilise aussi massivement les statistiques dans le
domaine du vivant. Donc la limite entre biostatistique et bioinformatique est floue. La bioinformatique comme
son nom l’indique utilise des outils empruntés à l’informatique. Cependant la plupart des travaux utilisent des
méthodes statistiques qui sont programmées, donnant lieu à des logiciels. Les domaines d’applications sont le
plus souvent au niveau moléculaire. On peut citer l’alignement de séquence, l’analyse de l’expression des
gènes, l’interaction protéine-protéine et la modélisation de l’évolution.
Les enjeux
Il faut distinguer la recherche en biostatistique et l’application des biostatistiques.
La recherche en biostatistique est très active et l’on peut distinguer des recherches générales en statistiques et
des recherches spécifiques à la biostatistique, certaines recherches étant intermédiaires. L’apparition de
nouvelles méthodes a un impact important sur la pratique. Prenons quelques exemples. En 1972 David Cox a
proposé le modèle qui porte son nom pour analyser l’effet de variables explicatives sur le risque de survenue
d’un événement. Il a proposé à la fois un modèle et une méthode spéciale d’estimation des paramètres dans ce
modèle. A ce jour, l’article de Cox a été cité 9445 fois, pour la plupart par des articles de recherche clinique ou
d’épidémiologie. Cependant il y aussi des applications dans d’autres domaines (en fiabilité par exemple) et sa
méthode d’estimation a un caractère de statistique générale. Le modèle de Cox est passé au bout d’une dizaine
d’années dans la pratique courante des épidémiologistes. Après des recherches théoriques actives durant cette
période, il appartient désormais aux statiques appliquées. Son impact sur la recherche épidémiologique est
majeur. Laird et Ware (1982) ont introduit une méthode générale pour traiter des données longitudinales
quantitatives. Il s’agit aussi d’un modèle standard appelé « modèle linéaire mixte », qui a eu un impact
important en épidémiologie. Dans les années 1990, des modèles ont été développés qui permettent l’analyse
conjointe d’événements et de données quantitatives. Tous ces exemples ont trait à l’analyse de données
longitudinales qui a une grande importance en épidémiologie. L’importance de ce domaine est que les
phénomènes biologiques se déroulent dans le temps et dans l’espace ; cependant la dimension spatiale peut
souvent être négligée, et l’ordre temporel est plus directement et simplement lié à la causalité que les
arrangements spatiaux.
Pour autant il y aussi des recherches dans le domaine de l’analyse de données spatiales. On peut chercher des
clusters de maladie en épidémiologie ou faire de l’analyse d’images médicales. L’imagerie médicale est en effet
en plein essor. L’analyse spatio-temporelle reste assez peu développée à cause de la complexité du sujet.
Le rôle des approches statistiques dans l’analyse des relations causales intéresse de plus en plus de
chercheurs. Cela ne concerne pas que les biostatistiques. Clive Granger a eu un prix Nobel d’économie en
2003 en partie grâce a ses travaux sur la causalité (Granger, 1969). La réflexion sur la causalité est dominée
par l’école de Harvard (Robins, 1997) qui a développé une approche dite « contrefactuelle ». Une autre
approche, plus européenne, est basée sur les modèles dynamiques (Aalen, 1987) et a plus d’affinité avec les
propositions pionnières de Granger.
Les recherches sur les plans d’études épidémiologiques appartiennent plus spécifiquement aux biostatistiques.
L’invention de la randomisation par Ronald Fisher dans les années 1930, des plans d’études cas-témoins dans
les années 1950 puis des cas-témoins nichés dans des cohortes dans les années 1970-80 ont eu un impact
majeur en épidémiologie. Toute une recherche est spécifique aux essais thérapeutiques : les plans adaptatifs,
optimisation des protocoles. Les essais adaptatifs visent à rendre plus efficaces les essais thérapeutiques, par
exemple utiliser moins de patients en moyenne pour prouver la supériorité d’un traitement ; les méthodes
statistiques peuvent être utilisées pour l’objectif plus ambitieux d’optimiser le traitement.
Des modèles plus explicatifs sont développés en pharmacocinétique/pharmacodynamique, concernant
l’interaction hôte-pathogènes et pour la propagation des épidémies dues à des agents transmissibles. En
particulier la modélisation mathématique de Ho et al. (1995) a eu un impact majeur sur la compréhension de la
pathogénicité du VIH. L’inférence statistique dans ce type de modèles soulève de difficiles problèmes
numériques. La modélisation de maladies émergentes a pris une importance particulière depuis 25 ans, avec
l’apparition du SIDA, du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jacob, du SRAS, de la grippe aviaire…
Dans le domaine de la génétique, il y a un développement des méthodes concernant l’association génétique,
les études de liaison, les études d’expression de gènes, les arbres phylogénétiques. En particulier, les analyses
d’expression de gènes ont connu un développement impressionnant, dû au développement des biopuces
(microarrays) et d’un changement de paradigme d’inférence adapté à la situation générée par ces nouvelles
techniques biologiques, proposé par Benjamini et Hochberg (1995).
En conclusion, les biostatistiques sont un sujet de recherche actif et les nouvelles méthodes ont un impact
majeur sur la recherche en santé publique. L’impact dépend aussi de la capacité des acteurs de la recherche
en santé publique d’appliquer ces méthodes. Les épidémiologistes et autres chercheurs dans le domaine de la
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santé doivent pouvoir s’approprier ces méthodes ou/et travailler avec des ingénieurs ou des chercheurs qui
maîtrisent ces méthodes.
ETAT DES LIEUX DE LA THEMATIQUE A L’INSERM
Inventaire des forces de l’Inserm
Un petit nombre d’équipes Inserm affichent clairement les biostatistiques ou la modélisation comme leur thème
principal : l’U897 Equipe Biostatistique (ex u875) (D Commenges), l’U717 Biostatistique et Epidémiologie
Clinique (Sylvie Chevret), l’U780 Recherche en Epidémiologie et Biostatistique (Thierry Moreau) dont seul le
thème 4 (Michel Chavance) est focalisé sur les biostatistiques, l’U794 Méthodologie Statistique et
Epidémiologie Génétique des Maladies Multifactorielles (Florence Demenais-Diao), l’U738 Modèles et
Méthodes de l’Evaluation Thérapeutique des Maladie Chroniques (France Mentré), l’U707 Epidémiologie,
Systèmes d’Information, Modélisation (Guy Thomas). Citons aussi deux statisticiens renommés, Sylvia
Richarson (installée en Angleterre) et John O’Quigley (rattaché à un laboratoire de l’Institut Curie), qui figurent
sur la liste des personnels Inserm mais ne sont pas rattachés à une unité Inserm.
Pour d’autres unités, les biostatistiques sont un des thèmes, ou sont importantes dans leurs recherches : l’U720
Epidémiologie Clinique et Traitement de l’Infection à VIH (Dominique Costagliola), l’U888 Pathologie du
Système Nerveux : Recherche Epidémiologique et Clinique (Karen Ritchie) mais dont seul le thème 6 (Isabelle
Carrière et Jacqueline Scali) est concerné, l’U535 Génétique Epidémiologique et Structure des Populations
Humaines (Françoise Clerget-Darpoux), l’U550 Génétique Humaine de Maladies Infectieuses (Laurent Abel),
l’U754 Epidémiologie Environnementale des Cancers (Jacqueline Clavel), l’U726 Bioinformatique Génomique et
Moléculaire (Catherine Etchébest), l’ERM 206 dont le thème 2 (Denis Thiéffry) est focalisé sur la
bioinformatique, l’U514 dont le thème 3 (Noël Bonnet) porte sur Modélisation et Traitement Informatique en
Imagerie Cellulaire, l’U525 dont le thème 2 (Laurence Tiret) est Méthode en Epidémiologie Génétique, le CEC1
(Eric Jougla) Centre d’Epidémiologie sur les Causes de Décès., l’U669 Troubles du Comportement Alimentaire
de l’Adolescent (Bruno Falissard).
Pour toutes les équipes d’épidémiologie, les biostatistiques sont un outil majeur et toutes les unités utilisent les
statistiques. Certaines unités disposent d’ingénieurs ayant des compétences en statistiques.
Il est probable que beaucoup d’unité manquent de tels personnels et ont donc des difficultés à produire des
analyse statistiques de qualité.
Place de l’Inserm en France et dans le monde
En France, on peut distinguer quatre acteurs principaux en biostatistique : l’Inserm, l’Inra, le CNRS et
l’Université qui peut avoir des laboratoires non homologués par un de ces instituts. En particulier, l’Inra est actif
en biostatistiques dans le secteur de l’agronomie (qui ne concerne pas directement la santé publique, mais qui
la concerne indirectement). J’ai analysé les publications de ces instituts depuis 1991 dans deux journaux
représentatifs de la recherche en biostatistique : Biometrics et Statistics in Medicine. Biometrics est un journal
général de biostatistique tandis que Statistics in Medicine est, comme son nom l’indique, focalisé sur le
domaine médical. Le Tableau 1 indique le nombre d’articles dans les deux journaux portant la mention Inserm,
CNRS ou Inra pour l’un des auteurs. Biometrics a publié 2550 articles sur la période et 88, soit 3,4% ont au
moins un auteur français. Statistics in Medicine a publié 4214 articles et 146, soit 3,4%, ont un auteur français.
Le pourcentage est le même pour les deux journaux. Dans Biometrics l’Inserm et l’Inra font à peu près jeu égal
et devancent le CNRS ; dans Statistics in Medicine l’Inserm est de loin le principal acteur. J’ai également
analysé les publications de Bioinformatics, le journal leader en bioinformatique. Là c’est le CNRS qui est le
principal acteur tandis que l’Inserm et l’Inra font à peu près jeu égal.
Il est clair que l’Inserm est le principal acteur en biostatistique appliquée à la santé publique.
Une des limites de cette analyse est que certains articles ne sont pas détectés parce que l’affiliation n’a pas été
correctement indiquée. D’autre part il est difficile de repérer les auteurs appartenant à une Université mais qui
ne sont rattachés à aucun organisme de recherche. On peut penser que le nombre d’auteurs publiant dans ces
journaux qui sont dans ce cas est faible.
Le retard historique de la France par rapport au monde anglo-saxon
Evaluation du retard
Si on l’évalue la part de la France par la proportion d’articles ayant un auteur français dans Statistics in
Medicine sa part est moins de 3,4% de la production mondiale. Par comparaison 57% des articles ont un auteur
américain, 16% un auteur anglais, 4% allemand. L’analyse du numéro de Juin 2007 de Biometrics fait
apparaître que sur 35 articles, 29 soit 80% ont un auteur américain, 5 soit 14% un auteur anglais, et aucun n’a
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un auteur français. Les biostatistiques sont dominées par les Etats-Unis, l’Angleterre ; elles sont également bien
développées dans les autres pays de l’ex Common Wealth (Canada, Australie, Afrique du Sud,...). La position
française semble être encore pire en épidémiologie : moins de 2% d’articles publiés dans The American Journal
of Epidemiology ont un auteur français. Il faudrait faire une analyse bibliométrique exhaustive et détaillée dans
le domaine de la santé publique, incluant les biostatistiques, qui dépasse l’ambition de ce rapport. La
domination des pays de l’ex Common Weatlth en biostatistique et en épidémiologie est un phénomène
historique qui remonte à la fin du XIXème siècle. Alors que deux des grands pionniers des statistiques, Laplace
et Poisson, sont français, la France est pratiquement absente du développement des statistiques modernes
durant le début du XXème siècle. Un autre indicateur de la faiblesse des biostatistiques en France est le
nombre d’adhérents à la Société de Biométrie Internationale (les français représentent moins de 3% de l’effectif,
ce qui est cohérent avec la proportions d’articles publiés).
En France, et en particulier à l’Inserm, certains domaines d’application sont peu abordés ; citons en particulier
la génomique (voir Annexe ci-après). Il en est de même de certaines approches méthodologiques, comme
l’approche bayesienne. Le faible nombre de biostatisticiens entraine nécessairement que certains domaines
d’application ou certaines approches méthodologiques ne sont pas couverts de manière satisfaisante.
Raisons du retard
Les raisons de ce retard sont difficiles à décrypter. Peut-être l’ « esprit » français favorise-t-il plus les disciplines
abstraites (mathématiques pures, probabilité, statistiques théoriques) que des disciplines plus appliquées
comme les biostatistiques, tandis que le « pragmatisme » anglo-saxon à l’inverse favoriserait ces dernières.
Dans ce contexte de faiblesse des statistiques appliquées, le développement de l’école française d’ « analyse
de données » dans les années 1970 a nuit à la formation générale en statistique d’une proportion importante
d’étudiants dans cette discipline. On a donné trop d’importance à l’enseignement de méthodes telles que
l’analyse factorielle des correspondances ou l’analyse en composantes principales. Ces méthodes ont une
utilité dans certaines applications particulières mais n’occupent pas une position centrale dans les statistiques
ou les biostatistiques. Actuellement le problème de la formation reste majeur. Trop peu de jeunes formés en
mathématiques sont ouverts vers les applications, en particulier dans le domaine du vivant. Les laboratoires
universitaires privilégient les statistiques mathématiques, qui certes sont importantes, au détriment des
biostatistiques. Depuis quelques années, une certaine désaffection des jeunes pour les carrières scientifiques
aggrave le problème en amont. A cette pauvreté du vivier d’étudiants, se rajoute la rareté des propositions de
thèses dans ce domaine. Il y a peu de chercheurs capables d’encadrer des thèses de biostatistiques et de plus,
leur capacité de formation est souvent bridée par les écoles doctorales qui limitent, parfois à un, le nombre
d’étudiants en thèse par HDR. Cette mesure a été prise pour éviter des abus, pour gérer la pénurie d’allocations
et pour ne pas aggraver le sous-emploi des diplômés. Malgré ces bonnes raisons cette politique peut être
qualifiée de malthusienne : pour limiter les abus point n’est nécessaire d’être exagérément restrictif ; il vaut
mieux lutter pour obtenir plus d’allocations que de gérer la pénurie ; finalement si une proportion trop importante
de docteurs connaît le chômage, ce n’est pas le cas en biostatistiques. Les biostatisticiens sont noyés dans des
écoles doctorales de biologie ou les enjeux spécifiques (en particulier la demande de biostatisticiens sur le
marché du travail) de la discipline sont ignorés.
Il semble qu’il y ait aussi un défaut de structuration des forces en France et à l’Inserm, avec relativement peu de
collaborations entre les équipes qui ont des compétences en biostatistique.
PROPOSITIONS ET EVOLUTIONS STRUCTURELLES SOUHAITABLES
Pour prendre le contre-pied de toutes les limitations évoquées plus haut, il faudrait plus de jeunes intéressés
par les carrières scientifiques, plus de mathématiciens ouverts sur les applications dans le monde du vivant,
plus de formations, plus de postes. Il y a aussi la possibilité de former des étudiants en médecine aux
biostatistiques.
Propositions :
-1. Action de sensibilisation aux biostatistiques et à la modélisation en premier cycle d’études mathématiques et
médicales.
-2. Recruter en M1 plus d’étudiants, soit avec une formation mathématique, soit avec une formation médicale :
les premiers devraient suivre des cours de biologie, les seconds, de mathématiques.
-3. Augmenter le nombre d’étudiants, et donc de stages, de M2 ;
-4. Augmenter le nombre de thèses en biostatistique, et donc le nombre de thésards par HDR ; cela suppose
une augmentation du nombre d’allocations de thèse et l’abandon des politiques trop restrictives des écoles
doctorales ; réfléchir à la création d’écoles doctorales de Santé Publique incluant les biostatistiques, séparées
des écoles doctorales de biologie.
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-5. Augmenter le nombre de postes de chercheurs et de professeurs en biostatistique. Trouver des moyens
pour attirer dans nos équipes de modélisateurs des physiciens et des mathématiciens ouverts sur les
applications.
-6. Augmenter le nombre d’ingénieurs statisticiens. Il y aurait intérêt à ce que ces ingénieurs soient regroupés et
gardent si possible un lien avec les unités de recherche en biostatistiques. Dans chaque centre de recherche il
pourrait y avoir un service de statistique.
-7. Réfléchir à une meilleure structuration des forces existantes, non seulement à l’intérieur de l’Inserm mais
aussi en développant des collaborations avec les autres instituts comme le CNRS, l’Inra et l’INVS. Signalons la
création récente d’un GDR « Statistique et Santé » (http://gdr.statsante.fr). C’est une structure CNRS qui
regroupe des laboratoires de différents instituts dans ce domaine qui intéresse au premier chef l’Inserm. Peutêtre pourrait-on proposer un co-parrainage de cette structure par l’Inserm, pour augmenter les moyens de cette
structure et pour que l’Inserm y soit plus présent. L’Inserm pourrait créer un IFR de Biostatistique mais cela
risque de faire double emploi avec le GDR.
-8 Lancer des appels d’offres spécifiquement orientés vers les biostatistiques ; en particulier il est très difficile à
des équipes de statistiques d’avoir des post-doctorants.
L’Inserm a un rôle clé à jouer dans le développement et l’application des biostatistiques en Santé Publique. Les
propositions avancées ici sont à retravailler de manière collective pour leur donner une forme plus concrète.
Remerciements
L’auteur remercie les personnes qui m’ont fait part de leurs suggestions et commentaires et qui m’ont aidé à
améliorer la première version de ce rapport.
Références :
OO Aalen. Dynamic modelling and causality. Scandinavian Actuarial Journal, 1987, 177-190.
Yoav Benjamini, Yosef Hochberg (1995). Controlling the False Discovery Rate: A Practical and Powerful
Approach to Multiple Testing. Journal of the Royal Statistical Society. Series B, 57, 289-300.
D. R. Cox (1972). Regression Models and Life-Tables. Journal of the Royal Statistical Society. Series B, 34,
187-220.
C. W. J. Granger. Investigating Causal Relations by Econometric Models and Cross-spectral Methods.
Econometrica, Vol. 37, No. 3 (Aug., 1969), pp. 424-438
David D. Ho, Avidan U. Neumann, Alan S. Perelson, Wen Chen, John M. Leonard & Martin Markowitz. Rapid
turnover of plasma virions and CD4 lymphocytes in HIV-1 infection. Nature 373, 123 - 126 (1995).
Nan M. Laird, James H. Ware. Random-Effects Models for Longitudinal Data. Biometrics, Vol. 38, No. 4 (Dec.,
1982), pp. 963-974.
Robins, J. M. (1997). Causal inference from complex longitudinal data. In Latent Variable Modelling and
Applications to Causality, Lecture notes in statistics, Vol. 120, (ed. M. Berkane), pp. 69--117. Springer-Verlag,
New York
Tableau 1 : Evaluations des productions de l’INSERM, de l’INRA et du CNRS dans trois journaux.
Nombre d’articles
publiés 1991-2007
Au moins un
auteur français
Inserm
Inra
CNRS
Biometrics
2550
88 (3,4%)
25
27
18
Statistics in Medicine
4214
146 (3,4%)
76
1
10
Bioinformatics
3771
209 (5,5%)
31
36
99
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Annexe : Biostatistique Génomique (par Philippe Broet)
Si la production de données dites de génomique à haut débit utilisant des biopuces ou microarrays (e.g.
génomique / CGHarrays / SNParrays ; transcriptomique / DNAarrays; protéomique / puces protéiques /
spectrométrie de masse…) est de plus en plus répandue dans le cadre des études de recherche clinique et
d’épidémiologie, la méthodologie d’analyse de telles données représente actuellement un facteur limitant et
pénalisant pour la recherche biomédicale. En effet, les nouvelles biotechnologies de la génomique à haut débit
ont, par la quantité simultanée d’informations apportées (informations conjointes de milliers de SNP, clones,
transcripts, protéines) pour un même prélèvement, conduit au développement d’un axe nouveau de la
méthodologie biostatistique (biostatistique génomique). Ce domaine de recherche est très actif sur le plan
international comme en témoigne le nombre d’articles publiés au cours des cinq dernières années. L’exemple le
plus connu est celui relatif aux comparaisons multiples et concerne le False Discovery Rate (FDR). Introduit en
1995 par Benjamini et Hochberg (BH, 1995, cité 2943 fois dans Google Scholar) comme un critère d’erreur
alternatif au classique Familywise error rate, l’essor du FDR tant du point de vue méthodologique (e.g. critères
associés: positive FDR, FNR, conditional FDR; procédures d’estimation et de contrôle ;…) qu’applicatif date du
début de cette décennie (528 référence dans PubMed pour False Discovery Rate) et est principalement mais
non exclusivement (e.g. imagerie médicale) lié à l’essor de la génomique en biomédecine. Cette thématique
(les comparaisons multiples) représente maintenant un axe très actif de la biostatistique. D’autres axes de
recherche ont également été stimulés par les nouvelles questions posées par la génomique à haut débit dont
en particulier celui ayant trait à la prédiction.
Dans ce nouveau domaine, la très forte inter-relation entre la méthodologie et les applications des
biotechnologies font que des procédures issues de la recherche biostatistique et développées dans des centres
académiques deviennent les procédures de référence pour l’industrie (e.g. Affymetrix ) et la recherche
Biomédicale (e.g. standards de publication : MGED, Ball et al., 2002 ; software : Bioconductor, Gentleman et al.,
2004). Si auparavant, il fallait attendre plusieurs années avant que ces transferts entre recherche biostatistique
et recherche clinique biomédicale ne soient effectifs, les besoins exprimés en génomique ont réduit
considérablement ces délais entraînant de fait une compétitivité internationale extrême dans ce domaine.
Malgré une évolution croissante de la demande, ce champ d'application de la biostatistique souffre d’un déficit
de structures de recherche et de formations. Ce phénomène est cependant assez généralisé puisqu’aux EtatsUnis, bien que de nombreux départements de Biostatistique aient fait de la recherche en génomique l’une de
leur thématique prioritaire, un certain nombre de chercheurs dans ce domaine ont manifesté leur inquiétude
quand à une pénurie de compétence dans ce domaine dans les années futures.
On notera cependant que si de nombreuses structures de bioinformatique ont vu le jour dans les cinq dernières
années en France, il n’existe à notre connaissance très peu d’équipes constituées spécialisées dans la
méthodologie biostatistique en génomique avec applications à la recherche clinique et épidémiologique en
pathologie humaine.
Une telle situation, associée aux remarques faites précédemment, semble justifier :
•
La création de structures de recherche ayant des thématiques incorporant la biostatistique génomique ;
•
Le renforcement des liens avec les universités ayant des structures de recherche impliquées dans ce
thème ;
•
La création de cours spécifiques de niveau Master (M1 et M2) permettant à de futurs doctorants de se
diriger vers ce domaine de la biostatistique.
Références
1. Ball CA, Sherlock G, Parkinson H, Rocca-Sera P, Brooksbank C, Causton HC, Cavalieri D, Gaasterland T,
Hingamp P, Holstege F, Ringwald M, Spellman P, Stoeckert CJ Jr, Stewart JE, Taylor R, Brazma A,
Quackenbush J; Microarray Gene Expression Data (MGED) Society. Standards for microarray data. Science.
2002 Oct 18;298(5593):539.
2. Gentleman RC, Carey VJ, Bates DM, Bolstad B, Dettling M, Dudoit S, Ellis B, Gautier L, Ge Y, Gentry J,
Hornik K, Hothorn T, Huber W, Iacus S, Irizarry R, Leisch F, Li C, Maechler M, Rossini AJ, Sawitzki G, Smith C,
Smyth G, Tierney L, Yang JY, and Zhang J. (2004) Bioconductor: open software development for computational
biology and bioinformatics. Genome Biol. 5(10):R80
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Qui à l’Inserm ?
U514 : Dynamique cellulaire et moléculaire de la muqueuse respiratoire (Dir. : Philippe Birembaut) –
Equipe : Modélisation et Traitement Informatique en Imagerie Cellulaire (responsable : Noël Bonnet)
U525 : Génétique épidémiologique et moléculaire des pathologies cardiovasculaires (Dir. : François
Cambien) – Equipe : Méthode en Epidémiologie Génétique (responsable : Laurence Tiret)
U535 : Génétique épidémiologique et structure des populations humaines (Dir. : Françoise ClergetDarpoux),
U550 : Génétique humaine de maladies Infectieuses (Dir. : Laurent Abel)
U669 : Troubles du comportement alimentaire de l’Adolescent (Dir. : Bruno Falissard)
U707 : Epidémiologie, systèmes d'information, modélisation (Dir. : Guy Thomas)
U717 : Biostatistique et épidémiologie clinique (Dir. : Sylvie Chevret),
U720 : Epidémiologie clinique et traitement de l’infection à VIH (Dir. : Dominique Costagliola),
U726 : Bioinformatique génomique et moléculaire (Dir. : Catherine Etchébest),
U738 : Modèles et méthodes de l’évaluation thérapeutique des maladie chroniques (Dir. : France Mentré)
U754 : Epidémiologie environnementale des cancers (Dir. : Jacqueline Clavel),
U780 : Recherche en épidémiologie et biostatistique (Dir. : Thierry Moreau) – Equipe : Biostatistiques :
données censurées et survie, modèles non linéaires, données correlées, Pharmaco-épidémiologie,
observations incomplètes (responsable : Michel Chavance)
U794 : Méthodologie statistique et épidémiologie génétique des maladies multifactorielles (Dir. :
Françoise Demenais-Diao),
U888 : Pathologie du système nerveux : recherche épidémiologique et clinique (Dir. : Karen Ritchie) –
Equipe : Modélisation biostatistique (responsables : Isabelle Carrière et Jacqueline Scali)
U897 : Centre « Epidémiologie et biostatistique » (Dir. : Roger Salamon) - Equipe : Biostatistique
(responsable : Daniel Commenges)
ERM 206 : Technologie avancée pour le génome et la clinique (Dir. : Catherine Nguyen) – Equipe :
Bioinformatique (responsable : Denis Thiéffry)
CEC1 : Centre d’Epidémiologie sur les Causes de Décès.(Dir. :Eric Jougla)
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Neurologie
Jean-François DARTIGUES, PU-PH Santé publique
U897 : Centre « Epidémiologie et biostatistique » - Inserm/ISPED - Université Bordeaux 2
LES MALADIES NEUROLOGIQUES EN EPIDEMIOLOGIE ET SANTE PUBLIQUE
En raison du vieillissement de la population les maladies neurologiques sont de plus en plus fréquentes en
France notamment les démences, les accidents vasculaires cérébraux et les syndromes parkinsonniens.
Cette tendance ne fera que s’accroître dans les dix années à venir. Par ailleurs ces affections sont de
diagnostic difficile et souvent sous médicalisées justifiant des méthodes d’enquêtes particulières qui ont
justifié le terme de « neuroépidémiologie », voire des développements méthodologiques propres dans
l’analyse statistique des données. Les maladies neurologiques posent toutes de difficiles problèmes de
prises en charge, avec une dépendance impliquant souvent les familles en tant qu’aidants. A la frontière
entre le sanitaire et le médico-social, leur prise en charge est souvent mal étudiée parce que les recherches
sont mal financées et que les approches doivent être nécessairement multidisciplinaires associant
épidémiologistes et chercheurs en sciences humaines. Nous aborderons ici seulement les six groupes de
pathologies neurologiques les plus fréquentes : les démences, les accidents vasculaires cérébraux, les
syndromes parkinsonniens, la sclérose en plaque, les épilepsies et les céphalées.
Les démences et la maladie d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer (MA) et les « syndromes apparentés », c'est-à-dire les autres causes de démences
(démence fronto-temporale, maladie des corps de Lewy, maladie de Creutzfeldt-Jakob, etc.) et les troubles
cognitifs légers (MCI) sont maintenant reconnues comme un problème majeur de santé publique et une
priorité. La MA a été choisie par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, comme une de ses priorités
d’action en matière de santé avec le Cancer et les soins palliatifs, pour les cinq ans à venir dans le
prolongement de deux plans « Alzheimer » gouvernementaux successifs (B Kouchner 2001-2004 ; P
Douste-Blasy 2004-2007). Un Plan Alzheimer vient d’être présenté au Président de la République par le
Professeur Joël Ménard. Le gros intérêt d’un plan national du Président de la République est de mobiliser en
peu de temps toutes les ressources de la nation sur un sujet donné, alors que les acteurs de la recherche,
du soin, du médico-social et de la formation collaborent ou communiquent habituellement très difficilement.
Les chercheurs de l’Inserm ont contribué très largement à l’élaboration de ce plan. Une expertise collective
Inserm a été réalisée en 2006-2007 qui vient d’être publiée. Plusieurs membres des Unités Inserm faisaient
partie des experts consultés par la Commission chargée de la rédaction du plan (P Amouyel, B Dubois, J
Touchon, JF Dartigues, JM Orgogozo, C Tzourio, etc.). Selon les propositions du plan, l’Inserm devrait jouer
dans l’avenir un rôle prépondérant dans l’organisation en France de la recherche sur la MA et notamment
dans la Fondation de Coopération Scientifique qui devrait être créée pour gérer les fonds de recherche.
Le plan a fait le point sans concession sur les forces et des faiblesses de la recherche française dans le
domaine. L’épidémiologie fait partie des points forts, mais reste encore en deçà de ses possibilités. Parmi
les mesures proposées pour un meilleur développement de cette recherche, on peut citer :
•
la « pérennisation » des cohortes comme Paquid ou l’étude des Trois Cités ce qui signifie l’octroi de
financements structurels pour au moins dix ans permettant le suivi de ces cohortes avec une
évaluation régulière ;
•
le financement d’une grande étude cas-témoins française pour l’analyse à haut débit des
polymorphismes du génome humain ;
•
la création d’un service commun de méthodologie de la recherche clinique dans le domaine de la
MA de manière analogue aux services communs existant pour le SIDA,
•
le développement de l’approche multidisciplinaire de la recherche, notamment en épidémiologie et
sciences humaines, avec participation de chercheurs de ces disciplines à la constitution de
protocole, au recueil et à l’analyse des données notamment des cohortes ;
•
le développement de l’évaluation des pratiques usuelles de soin et médico-sociales, notamment au
niveau des mesures proposées dans le plan lui-même à titre expérimental (gestionnaire de cas par
exemple) ;
•
le développement de la formation à la recherche, notamment de la formation à l’épidémiologie
clinique pour les neurologues, les gériatres et les psychiatres des Consultations Mémoire.
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L’Inserm jouera un rôle clef dans la réalisation de tous ces projets. La MA et les syndromes
apparentées représentent un cas particulier un peu privilégié par rapport aux autres maladies neurologiques,
mais l’organisation qui est proposée par le Plan peut représenter un modèle pour les autres pathologies. Il
faut noter que le plan Alzheimer est un plan intégré recherche-soin-formation. Plusieurs Unités à
Bordeaux, Lille, Montpellier, Paris, Toulouse en particulier, seront directement impliquées pour la recherche,
la formation, la valorisation.
Les accidents vasculaires cérébraux.
Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) représentent également un problème majeur de santé publique
en étant la cause la plus importante en termes de durée d’hospitalisation et une des affections les plus
invalidantes. Ils ont fait l’objet en 2007 d’un rapport de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Politiques de
Santé (OPEPS) et sont donc reconnus par le Parlement comme prioritaires. L’approche épidémiologique
populationnelle des AVC n’est pas aisée en raison du caractère très hétérogène du phénotype mélangeant
de multiples causes d’accident ischémiques et hémorragiques et une présentation clinique très variable de
l’accident ischémique transitoire au coma profond. Il existe en France un Registre des AVC à Dijon reconnu
par l’Inserm et dirigé par M Giroud qui fonctionne très bien mais paraît sous-exploité malgré quelques
publications de qualité.
Compte tenu de la fréquence de la pathologie, l’effort en épidémiologie devrait porter sur des registres
hospitaliers pour les sujets jeunes, et des cohortes populationnelles couplées aux études sur la démence
pour les sujets âgés. L’épidémiologie des AVC devrait ainsi profiter du Plan Alzheimer. L’étude des
interactions entre les facteurs génétiques et les facteurs d’environnement, notamment nutritionnels, devrait
être favorisée. Ce sont ces directions qu’ont choisis les unités 508 à Lille et 780 à Villejuif.
Un autre domaine est encore insuffisamment investi : l’analyse de l’impact des AVC en terme médicoéconomique et sociologique, et l’évaluation des modes et des structures de prise en charge. Dans le même
ordre d’idée, l’évaluation de la prise en charge des facteurs de risque d’AVC, notamment l’hypertension
artérielle, le diabète et les cardiopathies emboligènes devraient être beaucoup plus développée.
La Sclérose en Plaques
Bien que moins fréquente que les pathologies précédentes, la SEP reste un domaine privilégié de la
recherche épidémiologique des pathologies du Système Nerveux Central en raison de l’âge auquel elle se
développe, des hypothèses physiopathologiques et de ses conséquences en terme de dépendance. Là
encore, l’hypothèse d’interactions entre gène et environnement est privilégiée. Les travaux sur l’hypothèse
hygiénique, développée en particulier à la Martinique par P Cabre montrent tout l’intérêt de l’épidémiologie
dans le domaine.
Les travaux sur la génétique de la SEP sont également très actifs dans notre pays, notamment à l’Unité 546
à Rennes et à l’Unité 535 à Villejuif.
Toutes ces recherches doivent être maintenues dans le futur, notamment avec la pérennisation de cohortes
hospitalières bénéficiant d’un dossier informatisé comme, le système EDMUS.
Là encore, l’étude de l’impact de la SEP sur la vie des malades et des aidants, des modes de traitement et
de prise en charge sur notre territoire mériterait un développement plus important.
Les syndromes parkinsonniens
La maladie de Parkinson (MP) et les syndromes parkinsonniens sont un des points forts de la recherche
médicale française en Neurosciences. Dans ce domaine, la collaboration entre neurobiologistes et cliniciens
est excellente. La recherche épidémiologique sur la maladie de Parkinson est également de qualité,
notamment en génétique et à l’Unité 708 à Paris.
Dans la MP, la mode est également à la recherche sur les interactions entre génétiques et environnement,
notamment sur l’exposition aux pesticides. Il faut approfondir ces recherches, en s’associant aux chercheurs
de la Médecine du travail, notamment en milieu agricole. Dans le même ordre idée, les recherches menées
en Guadeloupe sur les syndromes parkinsonniens atypiques sont très prometteurs.
Comme les AVC, l’épidémiologie de la MP devrait bénéficier du Plan Alzheimer par le suivi de cohortes
populationnelle de sujets âgés.
Comme pour les autres pathologies neurologiques, il existe un manque d’études sur le management de la
MA sur le territoire, d’autant plus préjudiciable qu’il existe un réseau de neurologue disposé à travailler, et
des moyens thérapeutiques performants.
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Les épilepsies
Paradoxalement, la recherche épidémiologique française sur les épilepsies est plus développée à l’étranger,
notamment en Afrique par l’équipe de PM Preux à Limoges. Cette recherche doit être encouragée en raison
de la relative modicité du coût des traitements efficaces même en Afrique. Comme les AVC, les épilepsies
sont difficiles à étudier en épidémiologie populationnelle, avec précision, en raison de l’hétérogénéité des
phénotypes et du caractère tabou persistant de la pathologie.
L’impact des épilepsies et des prises en charge sur la qualité de vie des malades devrait être étudiée au
niveau national.
Les céphalées
L’épidémiologie des céphalées et des migraines est bien développée en France surtout grâce à
l’investissement de l’industrie pharmaceutique. La migraine est la maladie neurologique la plus fréquente et
malgré son caractère de bénignité, elle altère la qualité de vie des patients tant sur le plan familial que
professionnel.
C’est dans ce domaine que l’impact de la pathologie est le mieux connu, avec des traitements efficaces,
mais onéreux. Contrairement aux autres pathologies, les domaines de recherche en santé publique ont été
investis par les chercheurs français, bien que relativement peu nombreux à l’Inserm (Unité 897). C’est
certainement un exemple à suivre pour le futur.
A côté de ces pathologies, d’autres affections neurologiques ont fait l’objet d’études épidémiologiques
« sporadiques » : sclérose latérale amyotrophique, polyneuropathies, troubles du sommeil etc. L’impact du
Plan Alzheimer est prépondérant dans cette note parce qu’il représente pour moi un exemple à suivre pour
l’avenir à l’Inserm avec l’intégration réelle de l’effort de recherche dans une politique de prise en charge et
de prévention d’une maladie au niveau national.
PROSPECTIVES EN EPIDEMIOLOGIE OPHTALMOLOGIQUE
Dans les pays industrialisés, les principales causes de cécité sont : la dégénérescence maculaire liée à l’âge
(50% des cas), le glaucome (18%), la rétinopathie diabétique (17%), la cataracte (5%) [1]. L’épidémiologie
ophtalmologique est une science encore récente, les toutes premières études, réalisées aux USA, ayant
débuté il y a environ 30 ans. Au cours des années 90, une dizaine de grandes cohortes ont été mises en
place dans les pays industrialisés (USA, Australie, Europe), dont, en France, l’étude POLA (Pathologies
Oculaires Liées à l’Age) [2]. Depuis l’an 2000, l’épidémiologie ophtalmologique s’est étendue aux pays en
voie de développement, en particulier en Asie (Inde et Chine principalement).
En ce qui concerne la France, il existe un manque presque total de données descriptives concernant les
troubles visuels, les principales maladies oculaires, et leurs conséquences socio-économiques. Dans la
plupart des cas, on est contraint d’avoir recours aux données internationales pour évaluer leur prévalence
dans notre population. De même, les conséquences socio-économiques, en termes de pertes d’activité, de
pertes d’autonomie chez les personnes âgées, mais aussi d’accidents de la route, ont fait l’objet d’un
nombre d’études plus que restreint.
En ce qui concerne l’épidémiologie explicative, le panorama de la DMLA a été révolutionné depuis quelques
années. En 2001, un grand essai randomisé américain montrait l’efficacité d’un complément alimentaire à
base d’antioxydants (vitamines C et E, béta-carotène, zinc) pour réduire l’incidence de la DMLA [3]. En
2005, l’association de la DMLA avec le polymorphisme du Complement Factor H était mise en évidence,
avec un risque attribuable de 50 % [4]. Depuis l’association de cette pathologie avec deux autres
polymorphismes fréquents dans nos populations a été identifiée [4]. Enfin, de nouveaux traitements, à visée
anti-angiogénique, permettent, pour la première fois, d’améliorer la vision dans un nombre important de cas,
alors que les générations précédentes de traitements permettaient au mieux de stabiliser la vision (en
général déjà fortement diminuée) [5]. La compréhension physiopathologique et la prise en charge de cette
pathologie ont donc changé radicalement ces dernières années. Elle apparaît désormais comme une
pathologie résultant d’une interaction gène-environnement, la nutrition jouant très certainement un rôle
important du côté des facteurs environnementaux (avec le tabagisme, premier facteur causal clairement mis
en évidence). Il est également probable qu’on s’oriente à terme vers un dépistage de cette pathologie, car la
précocité du traitement est un facteur limitant de sa capacité à restaurer la vision. Ce dépistage pourrait
reposer sur l’analyse du fond d’œil (certaines anomalies asymptomatiques étant fortement prédictives de
l’apparition des formes sévères, liées à une perte de la vision), éventuellement associé à des tests
génétiques. Il apparaît déterminant de mettre en place de grandes cohortes épidémiologiques sur la DMLA,
ayant la puissance nécessaire pour analyser les interactions entre facteurs génétiques et nutritionnels [6] et
pour identifier les meilleurs critères de dépistage. Les cohortes existantes, au niveau mondial, n’abordent en
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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majorité que certains de ces aspects. En particulier, peu de grandes études épidémiologiques disposent
simultanément de données génétiques (souvent, pas de prélèvements biologiques) et nutritionnelles.
L’épidémiologie du glaucome a par contre subi peu d’avancées importantes ces dernières années.
L’hypertonie oculaire est le principal facteur causal mis en évidence pour cette pathologie neurodégénérative
du nerf optique [7]. Il n’existe pas de facteur génétique ou environnemental majeur identifié à l’heure
actuelle. Pourtant, seuls 30 % des sujets atteints d’hypertonie développeront un glaucome au cours de leur
vie. Et environ un tiers des patients atteints de glaucome présentent une pression intra-oculaire normale. Il
existe donc très probablement des facteurs de susceptibilité non encore déterminés. Le traitement est fondé
sur l’abaissement de la pression intra-oculaire, par des moyens médicamenteux (essentiellement sous forme
de collyres) et/ou chirurgicaux (incluant des techniques laser). Le principal problème de santé publique
réside dans le dépistage du glaucome, puisque environ 50 % des cas de glaucome ne sont pas
diagnostiqués, dans la plupart des pays industrialisés [8-10]. La situation française n’est pas connue
précisément, même s’il semble que ce pourcentage soit également applicable à notre population. Pourtant,
un dépistage précoce du glaucome est le seul moyen efficace d’éviter les pertes visuelles dues à cette
maladie, les traitements étant très efficaces dans la prévention des troubles visuels, mais ne permettant que
rarement de restaurer la vision. La mesure de la pression intra-oculaire n’est pas un bon critère de
dépistage, qui doit reposer sur l’état structurel (excavation papillaire) et fonctionnel (anomalies du champ
visuel) du nerf optique [7]. Jusqu’à récemment, ces examens étaient difficilement praticables en dehors
d’une consultation ophtalmologique. De nouveaux appareils, permettant de prendre des photographies du
nerf optique sans avoir recours à la dilatation pupillaire (rétinographie non mydriatique) ou d’effectuer un test
rapide de dépistage des anomalies du champ visuel, sont testés dans des programmes de dépistage du
glaucome en population générale. Il apparaît important d’identifier les meilleures stratégies de dépistage (en
particulier au sein d’études épidémiologiques en population générale) et de les évaluer sur le terrain.
La rétinopathie diabétique résulte des effets néfastes de l’hyperglycémie sur les petits vaisseaux de la
rétine. L’hypertension est également un facteur aggravant. La prévention des pertes visuelles dues à la
rétinopathie diabétique passe essentiellement par le contrôle métabolique et tensionnel [11]. Elle passe
également par une détection précoce des anomalies rétiniennes, plusieurs essais ayant démontré la très
grande efficacité du traitement par laser, permettant d’éviter les troubles visuels dus à la néovascularisation
et à l’œdème maculaire [11]. Comme dans le cas du glaucome, cette prévention ne peut passer que par un
dépistage avec examen de la rétine. Or, les diabétiques ont un suivi ophtalmologique nettement insuffisant
[12]. Comme dans le cas du glaucome, des programmes de dépistage de la rétinopathie diabétique, réalisés
à l’aide de rétinographe non mydriatique sont actuellement en cours d’évaluation. De plus, à la suite des
succès remportés dans le domaine de la DMLA, des recherches sont menées sur le rôle des facteurs
angiogéniques (et l’efficacité des traitements anti-angiogéniques) et de l’inflammation dans cette affection.
Ceci pourrait dans le futur déboucher sur de nouveaux traitements, complémentaires du traitement par laser.
La cataracte est très certainement la plus fréquente des affections oculaires liées à l’âge. L’efficacité des
procédures chirurgicales permettant de remplacer le cristallin par un implant artificiel a permis de réduire
considérablement le nombre de cas de cécité dus à cette pathologie, au moins dans les pays industrialisés,
puisque la cataracte représente encore à l’heure actuelle la première cause de cécité au niveau mondial. En
ce qui concerne les pays industrialisés, les recherches portent essentiellement sur l’amélioration des
techniques chirurgicales, afin de diminuer au maximum les effets secondaires de la chirurgie. La principale
complication à court terme est l’endophtalmie, aboutissant souvent à une perte sévère et irréversible de la
vision. Sur le moyen et long terme, certaines études épidémiologiques ont mis en évidence une
multiplication par 3 à 5 du risque de DMLA sévère chez les sujets opérés de cataracte [13]. Ceci soulève un
important questionnement, auquel l’épidémiologie doit contribuer.
Enfin, l’extraction du cristallin représente un coût socio-économique important, puisqu’elle est actuellement
la procédure chirurgicale la plus fréquente dans tous les pays industrialisés (400 000 opérations par an en
France [14]). La démarche préventive a donc tout son intérêt dans cette pathologie. Ses principaux facteurs
de risque sont : l’âge, le sexe féminin, le tabagisme, le bas niveau socio-économique, les yeux foncés,
l’exposition aux ultraviolets, le diabète, les corticoïdes oraux. Des facteurs nutritionnels jouent très
probablement un rôle important, ce qui pourrait représenter à l’avenir, un bon levier pour la prévention de
cette pathologie, en association avec les campagnes de prévention du tabagisme et de l’exposition
excessive aux ultraviolets. Ces facteurs restent cependant à préciser, et il est donc essentiel de réaliser des
études de cohorte, mais également interventionnelles dans ce domaine.
En conclusion, la recherche épidémiologique dans le domaine des maladies oculaires devrait se
focaliser sur les points forts suivants :
•
études descriptives en population, permettant d’estimer de manière valide la prévalence des
déficiences visuelles et des principales maladies oculaires (DMLA, glaucome, rétinopathie
diabétique, cataracte), ainsi que la proportion de cas non diagnostiqués de glaucome et de
rétinopathie diabétique.
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•
Etude sur les conséquences socio-économiques des troubles visuels (pertes d’activité, pertes
d’autonomie chez les personnes âgées, accidents de la route, etc…)
•
Etudes explicatives, en particulier en ce qui concerne la DMLA et la cataracte, avec un accent sur
les aspects génétiques et nutritionnels, et leurs interactions. Les études de cohorte sont encore peu
nombreuses au niveau mondial, et un très petit nombre d’entre elles combinent des données
biologiques et génétiques avec des données nutritionnelles.
•
Etudes d’évaluation de stratégies de dépistage de la rétinopathie diabétique et du glaucome.
La recherche en épidémiologie ophtalmologique est encore peu structurée, au niveau international, à
l’exception des Etats-Unis où plusieurs grandes équipes dirigent un nombre important d’études. Dans les
autres pays industrialisés, les recherches dans ce domaine reposent sur un très petit nombre d’équipes.
Outre le financement d’études spécifiques, il paraît donc important de renforcer le soutien structurel à cette
discipline, en aidant l’émergence et la consolidation d’équipes spécialisées.
Remerciements
La partie « Epidémiologie ophtalmologique » a été rédigée par Cécile Delcourt
Références :
1. Resnikoff S, Pascolini D, Etya'ale D, et al., Global data on visual impairment in the year 2002, Bull World
Health Organ, 2004, 82, 844-851
2. Delcourt C, Diaz JL, Ponton-sanchez A, Papoz L and The Pola Study GROUP, Smoking and age-related
macular degeneration: The POLA study, Arch. Ophthalmol., 1998, 116, 1031-1035
3. Areds, A randomized, placebo-controlled, clinical trial of high-dose supplementation with vitamins C and
E, beta carotene, and zinc for age-related macular degeneration and vision loss: AREDS report no. 8, Arch.
Ophthalmol., 2001, 119, 1417-1436
4. Haddad S, Chen CA, Santangelo SL and Seddon JM, The genetics of age-related macular degeneration:
a review of progress to date, Surv Ophthalmol, 2006, 51, 316-363
5. Rosenfeld PJ, Brown DM, Heier JS, et al., Ranibizumab for neovascular age-related macular
degeneration, N Engl J Med, 2006, 355, 1419-1431
6. Delcourt C, Application of nutrigenomics in eye health, Forum Nutr, 2007, 60, 168-175
7. Weinreb RN and Khaw PT, Primary open-angle glaucoma, Lancet, 2004, 363, 1711-1720.
8. Weih LM, Nanjan M, McCarty CA and Taylor HR, Prevalence and predictors of open-angle glaucoma:
results from the visual impairment project, Ophthalmology., 2001, 108, 1966-1972
9. Mitchell P, Smith W, Attebo K and Healey PR, Prevalence of open-angle glaucoma in Australia. The Blue
Mountains Eye Study, Ophthalmology., 1996, 103, 1661-1669.
10. Ekstrom C, Prevalence of open-angle glaucoma in central Sweden. The Tierp Glaucoma Survey, Acta.
Ophthalmol. Scand., 1996, 74, 107-112.
11. Frank RN, Diabetic retinopathy, N Engl J Med, 2004, 350, 48-58.
12. Johanet G, Allemand H, Fender P, Weill A and Ricordeau P, La prise en charge des diabétiques
exclusivement traités par hypoglycémiants oraux en 1998, CNAMTS - Echelon National du Service Médical,
1999.
13. Wang JJ, Klein R, Smith W, Klein BE, Tomany S and Mitchell P, Cataract surgery and the 5-year
incidence of late-stage age-related maculopathy: pooled findings from the Beaver Dam and Blue Mountains
eye studies, Ophthalmology., 2003, 110, 1960-1967.
14 Baubeau D, Bousquet F and Joubert M, Le traitement chirurgical de la cataracte en France. Un
développement encore limité de la chirurgie ambulatoire, Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, 2001
Qui à l’Inserm ?
U535 : Génétique épidémiologique et structure des populations (Dir. : Françoise Clerget)
U558 Epidémiologie et analyses en Santé Publique : risques, maladies chroniques et handicaps
(Dir. : Hélène Grandjean) – Equipe : Epidémiologie et sociologie du vieillissement (responsables : Alain
Grand, Bruno Vellas)
U708 : Neuroépidémiologie (Dir. : Christophe Tzourio)
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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U744 : Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement (Dir : Philippe
Amouyel)
U888 : Pathologies du système nerveux : recherche épidémiologique et clinique (Dir. : Karen Ritchie)
Equipe : Epidémiologie et clinique des maladies neurodégénératives (responsables : Claudine Berr, Jacques
Touchon)
U897 : Centre « Epidémiologie et biostatistique » (Dir. : Roger Salamon) – Equipe : Epidémiologie et
neuropsychologie du vieillissement cérébral (responsable : Jean-François Dartigues)
Registre des Accidents vasculaires cérébraux de Dijon (responsable scientifique : Maurice Giroud)
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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Nutrition
Serge HERCBERG, PU-PH Santé publique
U557 : Unité de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle –
Inserm/Inra/Cnam/Université Paris 13
PLACE DE L’INSERM, SES FORCES ET FAIBLESSES et son inscription dans un cadre national et
international, en particulier européen
Place de l’INSERM au niveau national :
L’Inserm constitue le principal acteur développant des recherches dans le domaine de l’épidémiologie
nutritionnelle et de la nutrition de santé publique. Depuis quelques années, par le souhait de l’Inra d’un
développement fort de la Nutrition Humaine un certain nombre de ces travaux sont réalisés dans le cadre
d’unités mixtes de recherche (UMR) et/ou des Centres de Recherche en Nutrition Humaine (notamment le
CRNH Ile-de-France). A noter que l’Inra développe également aujourd’hui une activité de recherche
importante sur les déterminants socio-économiques des comportements alimentaires (avec des applications
en santé publique) et sur les facteurs économiques influençant les politiques nutritionnelles (en lien avec
certaines recherches de l’Inserm). Le CNRS a quelques activités dans le domaine de la sociologie de la
nutrition, essentiellement avec l’EHESS. L’IRD développe quelques activités d’épidémiologie de la nutrition
(plutôt descriptives et régionales) et est impliqué dans l’analyse des déterminants des choix des politiques
nutritionnelles en Europe.
Depuis la mise en place de l’ANR et des appels d’offre ciblés « Nutrition » du Programme National de
Recherche sur l’Alimentation (PNRA), sur environ 80 projets financés, 8 concernent l’épidémiologie
nutritionnelle et la santé publique (soit environ 10 % des projets), auquel il faut rajouter un projet financé
dans le cadre de l’Appel d’offre « blanc ». Sur les 6 projets financés par le PNRA, 4 sont pilotés par l’Inra et
Dans deux supplémentaires sont impliquées des équipes Inserm.
Liste des projets « épidémiologie/santé publique » financés par l’ANR
PNRA 2005 : S. Hercberg, COMPALIMAGE/SU.VI.MAX2, U557 Inserm/U1125 Inra/Cnam/P13, CNRH Ilede-France (associe U476 Inserm et U755 Inserm)
PNRA 2005 : P. Bontemps, POLNUTRITION, INRA GREMAQ Toulouse (associe U557 Inserm/U1125
Inra/cnam/P13, CNRH Ile-de-France et U476 Inserm)
PNRA 2005 : D. Lanzmann, CANCERALCOOL, GESVAB Bordeaux
PNRA 2006 : P. Barberger-Gateau , COGINUT, Inserm U897, Bordeaux
PNRA 2006 : S. Cordier, TI-MOUN, GERM-Inserm U625, Rennes
PNRA 2006 : S. Nicklaus, OPALINE, INRA FLAVIC, Dijon
PNRA 2007 : J-M. Oppert, ELIANE Inserm U557 Inserm/U1125 Inra/Cnam/P13, CNRH Ile-de-France
PNRA 2007 : L.G. Soler, ALIMINFO, INRA-ALISS (associe U557 Inserm/U1125 Inra/Cnam/P13, CNRH Ilede-France)
ANR Blanche 2006 : M-A. Charles, EDEN, Inserm U780, Villejuif
Place de l’Inserm au niveau européen et international
Bien que nous ne disposions pas d’études bibliométriques récentes dans le domaine, et bien que la
recherche en épidémiologie de la nutrition se soit développée à l’Inserm au cours des 10 dernières années,
la place de l’Inserm parait assez limitée au niveau international et européen, comme en témoigne le faible
nombre de projets européens impliquant des équipes Inserm dans ce domaine.
A noter cependant l’implication d’équipes françaises dans des grands programmes européens (ERI 20 dans
le projet EPIC, U557 Inserm dans le programme européen LIPGEN).
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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Forces à l’Inserm :
•
Une certaine expérience dans le suivi de cohortes dans le champ de la Nutrition (dans les domaines
de l’observation et de l’intervention) et de la gestion de grandes banques de données nutritionnelles.
Plusieurs unités Inserm ont mis en place depuis plusieurs années des larges cohortes avec un suivi
précis sur le plan phénotypique et des banques biologiques.
•
Des cohortes « existantes » avec une forte composante thématique nutritionnelle (SU.VI.MAX,
EDEN, E3N, PAQUID, 3C, PRIME, DESIR, ….) ou potentiellement utilisables pour des recherches
nutritionnelles (GAZEL, Haguenau,…) ou encore en cours de mise en place avec la possibilité de
greffer des volets nutritionnels (ELFE, CONSTANCE,…). Il existe un potentiel important d’accès à
des populations et notamment des cohortes « actives » mises en place depuis de nombreuses
années.
•
Des compétences et des équipes ou chercheurs ayant une bonne reconnaissance internationale
dans le domaine de l’étude, par une approche épidémiologique, des relations nutrition et cancer,
maladies cardiovasculaires, obésité, vieillissement,…
•
Des équipes développant des travaux épidémiologiques intégrant l’activité physique dans le
domaine des études d’observation et d’intervention.
•
Une bonne maîtrise des outils de l’épidémiologie nutritionnelle : méthodes d’enquêtes alimentaires
et d’évaluation de l’activité physique, méthodes statistiques de définition des typologies alimentaires,
tables de composition alimentaires adaptées à la recherche épidémiologiques, savoir-faire dans la
collecte et la conservation des échantillons biologiques, méthodes d’évaluation anthropométrique,…
•
Une assez bonne articulation entre recherche épidémiologique, clinique et mécanistique dans le
champ de la nutrition, entre autre par la mise en place (avec l’INRA et l’Université) des Centres de
Recherche en Nutrition Humaine (CRNH).
•
L’existence de banques biologiques (sérums, plasma, buffy-coat, ADN,…) sur des cohortes bien
phénotypées, notamment sur le plan des apports alimentaires et du statut nutritionnel.
Faiblesses à l’Inserm :
•
Globalement le nombre d’Unités dédiées spécifiquement à la recherche en Nutrition et Santé
Publique ou en Epidémiologie Nutritionnelle est assez faible avec un nombre de chercheurs et d’ITA
trop limité pour faire face aux contraintes de l’approche épidémiologique : étude sur des larges
échantillons de population, suivi sur de nombreuses années…
•
Malgré les efforts faits par les chercheurs des équipes de recherche Inserm qui sont en contact
fréquents, il demeure une insuffisance de standardisation des méthodes et de mutualisation des
outils d’épidémiologie nutritionnelle,
•
Absence de plate-forme commune phénotypique et de moyens permettant la gestion de banque
biologique pour les cohortes nutritionnelles,
•
Difficultés à pérenniser les cohortes dans le temps (pérennité du personnel, maintien des banques
biologiques, moyens adaptés aux aspects spécifiques de l’épidémiologie nutritionnelle,…),
•
La nature et le niveau des budgets dans les appels d’offre nationaux sont souvent insuffisants par
rapport à la taille des projets épidémiologiques, et les durées des financements sont inadéquates
par rapport au fonctionnement des cohortes dont l’intérêt est le suivi sur de nombreuses années,
•
Certains thèmes sont peu, voire pas du tout, couverts au niveau de l’Inserm :
- Recherche sur les relations entre nutrition et ostéoporose
- Toxicologie nutritionnelle
- Déterminants sociologiques, psychologiques et économiques des comportements alimentaires,
de l’état nutritionnel et des maladies nutritionnelles
- Evaluation des interventions nutritionnelles en santé publique
- Recherches épidémiologiques (notamment dans le domaine des études d’intervention) sur le
rôle de certains nutriments « émergents » susceptibles d’être impliqués dans la prévention
nutritionnelle : polyphénols, omégas3/omégas 6, folates/Vitamines du groupe B,…
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LES GRANDS ENJEUX DU DOMAINE DE LA NUTRITION DANS LES 5 ANS (réalisation probable) ET
DANS LES 10 ANS (perspectives plus globales),
Parmi les grands thèmes émergents, on peut citer, en termes de réalisation probable, compte-tenu des
moyens existants (à condition d’une politique de soutien volontariste) :
1. les travaux sur Nutrition et vieillissement : prévention des troubles cognitifs, relation entre facteurs
nutritionnels avec la qualité du vieillissement, pathologies liées au vieillissement, fonctions cognitives, qualité
de vie… Il existe au sein de l’Inserm des équipes ayant acquis des compétences dans ce domaine (U557,
U897) et ayant en charge des cohortes (SUVIMAX, PAQUID, 3C,…) offrant le potentiel pour participer au
développement des recherches au niveau international.
Ce domaine trouve sa justification dans le problème général du vieillissement de la population (dans les
pays industrialisés) et la nécessité d’identifier des facteurs de risque ou de protection sur lesquels il est
possible d’agir pour favoriser la qualité du vieillissement (vieillissement réussi), ce qui est le cas des facteurs
nutritionnels.
2. les travaux sur la Nutrition précoce (alimentation pendant la grossesse et pendant les premières années
de la vie). Là encore il existe dans ce domaine une expertise (notamment au sein de l’U780 et de l’U690) et
des outils épidémiologiques parfaitement adaptés à ces recherches (cohortes EDEN, ELFE,…).
La justification de ce thème repose sur les hypothèses fortes apparues au cours des dernières années sur
les facteurs pré et postnatals précoces (facteurs d'exposition et d'état de santé maternels pendant la
grossesse, développement du fœtus in utero, état de l'enfant à la naissance et dans les premiers mois de
vie) susceptibles d’influencer le développement et la santé ultérieure de l'enfant et des futurs adultes.
3. les travaux d’épidémiologie interventionnelle dans le domaine de la Nutrition :
•
dans le domaine étiologique de l’étude des relations causales entre facteurs nutritionnels (typologies
et scores alimentaires, aliments et groupes d’aliments, nutriments spécifiques,…) et pathologies
(maladies cardiovasculaires, cancer, obésité, diabète, HTA, ostéoporose, …) ou grandes fonctions
(vieillissement, reproduction, immunité,…),
•
dans le domaine de l’évaluation d’intervention nutritionnelle de prévention au niveau individuel,
collectif et environnemental, en terme d’efficacité : évaluation sur la santé des populations,
évaluation des processus.
Ce thème est justifié par l’importance des grands enjeux de santé publique dans lesquels sont impliqués les
facteurs nutritionnels. Ces grands problèmes de santé publique (cancers, maladies cardiovasculaires,
obésité, diabète, HTA, ostéoporose,…) ont un coût humain, social et économique considérable. Leur
importance est telle que la plupart des pays développés ont mis en place au cours des dernières années des
politiques nutritionnelles de santé publique (comme le Programme National Nutrition Santé, PNNS, en
France). Pour aider les autorités de santé publique à adapter leur politique, il est essentiel de pouvoir
évaluer, avec une méthodologie rigoureuse les actions et mesures potentielles et leurs conditions de succès
ou d’échec.
A plus long terme, devraient se développer des axes de recherches concernant :
•
les interactions génétiques/environnement. Cette recherche, par l’ampleur des moyens à mettre
en oeuvre, ne peut se concevoir aujourd’hui que dans un cadre international et notamment
européen,
•
les recherches en métabolomique, dans le cadre de collaborations avec l’Inra (s’appuyant sur
l’apport de l’approche épidémiologique d’observation ou d’intervention développée à l’Inserm et les
compétences dans le domaine des signatures biologiques des équipes de l’Inra),
•
les recherches en toxicologie Nutritionnelle : en collaboration avec l’Inra, Afssa, Afsset, InVS.
PROPOSITIONS SUR LES EVOLUTIONS STRUCTURELLES SOUHAITABLES
Il est indispensable que soit développée une politique volontariste dans le domaine de l’épidémiologie
nutritionnelle qui devrait être une politique développée dans ce domaine de façon commune avec l’Inra :
•
soutien aux unités, équipes et CRNH impliqués dans le domaine de la recherche en épidémiologie
nutritionnelle, avec des moyens fléchés permettant de pérenniser les cohortes nutritionnelles
existantes, d’intégrer une approche nutritionnelle dans les cohortes générales existantes et de
favoriser la mise en place de larges cohortes utilisant des technologies modernes facilitant la
collecte de données en grand nombre à faible coût (internet,…) pour s’intéresser aux déterminants
nutritionnels des grandes pathologies de santé publique ou grandes fonctions,
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•
considérer les cohortes comme des plates-formes « technologiques » d’accès à des populations,
leur permettant (comme pour du matériel physique) de leur dédier des moyens adéquats pour
l’entretien, le maintien, le personnel spécifique de gestion,
•
mettre en place, en fournissant un minimum de moyens d’animation et de fonctionnement, des
réseaux d’équipes gérant des cohortes ou des bases de données pour mutualiser les outils et les
bases de données scientifiques,
•
développer des biothèques régionales dédiées au matériel biologique collecté dans les études
épidémiologiques nutritionnelles. Il serait nécessaire de développer des Centres de Ressource
Biologique dédié aux études d’épidémiologie nutritionnelle Ces plates-formes permettraient de
répondre aux besoins spécifiques de la conservation des échantillons biologiques collectés dans le
cadre des études épidémiologiques : lieu de conservation et de gestion centralisée des collections
biologiques (plasma, sérum, urines) provenant de plusieurs cohortes et d’études transversales
réalisées sur de larges populations,
•
Lancer des appels d’offre (qui pourraient être communs avec l’Inra, l’InVS et l’Afssa) pour stimuler la
recherche épidémiologique nutritionnelle, l’optimisation des cohortes et des bases de données
épidémiologiques.
Remerciements
Ce chapitre a été rédigé avec la contribution de Pilar Galan
Qui à l’Inserm ?
U557 : Epidémiologie Nutritionnelle (Dir. : Serge Hercberg)
U744 : Santé Publique et Epidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement (Dir. : Philippe
Amouyel) – Equipe : Santé Publique et Epidémiologie des maladies cardiovasculaires (responsable : Jean
Dallongeville)
U780 : Recherche en Epidémiologie et Biostatistique (Dir. : Thierry Moreau) – Equipe : Nutrition, Obésité,
Diabète, Maladie rénale chronique (responsable : Marie-Aline Charles)
U897 : Centre « Epidémiologie et biostatistique » (Dir. : Roger Salamon) - Equipe : Epidémiologie de la
Nutrition et des comportements alimentaires (responsable : Pascale Barberger-Gateau)
ERI20 : Nutrition, hormones et cancer : Epidémiologie et Prévention (Dir. : Françoise Clavel-Chapelon)
D’autres équipes de recherche INSERM ou bénéficiant d’un soutien de l’INSERM développent des recherches
en épidémiologie nutritionnelle :
- Serge Briançon : Centre d’Investigation clinique : Epidémiologie clinique/Essais cliniques (Nancy)
- Chantal Simon (Réseau INSERM de Santé Publique)
D’autres Unités sont à l’interface de recherche en épidémiologie la nutrition :
U872 : Centre de recherche des Cordeliers (Dir. : Wolf-Herman Fridman) – Equipe : Nutrition et obésité :
Approches génétique et transcriptomique (Responsable : Karine Clément),
U690 : Diabète de l’enfant et développement (Dir . : Claire Levy-Marchal)
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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Périnatalité – Santé des enfants et des adolescents
Anne TURSZ, DR1 Inserm
U750 : CERMES Médecine, sciences et société : dynamiques de redéfinition –
Inserm/CNRS/EHESS/Université Paris Sud 11
LES AGES EN QUESTION
Dans ce texte (qui inclut la période périnatale) sont pris en compte la grossesse et l’accouchement. La
définition de l’enfance est mouvante et varie selon les organismes (par exemple « moins de 18 ans » pour
l’Unicef, « moins de 15 ans » pour les services hospitaliers de pédiatrie) et la limite d’âge supérieure de
l’adolescence est également variable selon les travaux (bien souvent il est fait référence aux « adolescents
et aux jeunes », soit les 15-24 ans, selon le découpage des statistiques de mortalité). Dans ce document il
sera donc globalement question de problèmes de santé touchant des femmes enceintes et des sujets dont
l’âge va, selon les études, de la période périnatale à 24 ans.
L’ETAT DES LIEUX STATISTIQUE ET EPIDEMIOLOGIQUE
Les données de mortalité montrent que :
•
Dans les pays développés (France, Europe, Continent nord américain), comme dans les pays
pauvres, la mortalité maternelle est notoirement sous-estimée [1]. D’après les données les plus
récentes en France (période 2000-2002), les taux de décès ont baissé par rapport à la période
1995-1999 pour toutes les classes d’âge des mères après 20 ans. C’est en particulier le cas des
mères de 40 ans et plus. On est ainsi passé entre les deux périodes d’un taux pour 100 000 de 10,0
à un taux de 7,5 (367 cas et 173 en terme d’effectifs, soit environ 73 à 58 cas par an). Enfin, il faut
noter que la situation en France est intermédiaire par rapport à celle des autres pays européens.
•
La mortalité dans le premier mois suivant la naissance diminue de manière régulière en France ; en
revanche, on ne peut plus évaluer l’évolution de la mortinatalité (mort-nés) car la limite
d’enregistrement qui permet de distinguer un avortement tardif d’une naissance a changé
récemment. Les comparaisons internationales sont difficiles en raison des variations de cette limite
d’enregistrement ; cependant on peut dire que la mortalité à la naissance et dans le premier mois est
nettement supérieure à celle des pays scandinaves (Finlande, Suède) [2].
•
On observe entre 1 et 14 ans les taux de mortalité les plus faibles de toute la vie (20,7 p 100 000
pour les 1-4 ans et 10,8 pour les 5-14) mais le taux de mortalité infantile atteint 390,7 p 100 000 et il
existe un pic de mortalité par accidents de la circulation chez les 15-24 ans responsable d’un taux
global de 48,8 (données CépiDc [3] ; 2004).
•
Les principales causes de décès restent stables dans leur répartition depuis de nombreuses années.
Avant 1 an, les affections d’origine périnatale et les malformations congénitales représentent 60%
des causes de décès, la MSN 9%, les morts de « causes inconnue » 4% ; entre 1 et 4 ans, les
accidents représentent 28% des causes de décès, les tumeurs 14%, les morts de « causes
inconnue » 8% ; entre 5 et 14 ans : les accidents représentent 29% des causes de décès, les
tumeurs 27%, les morts de « causes inconnue » 6% ; entre 15 et 24 ans : les accidents représentent
65% des causes de décès, les tumeurs 9%, les suicides 16%, les morts de « causes inconnue » 7%
(il s’agit en général de morts violentes pour lesquelles les données médico-légales n’ont pas été
transmises au CépiDc) (données 2004). Avant 1 an, le taux d’homicides est le plus élevé de ceux
observés tout au long de la vie (et ceci depuis de très nombreuses années). Globalement l’analyse
des composantes de la mortalité infantile post-néonatale est malaisée du fait de la probable sousestimation du taux d’homicides et des possibles confusions entre divers diagnostics (MSN, accident,
« cause inconnue », homicide), lors de la certification des décès [4, 5].
•
Ce qu’on observe est donc un tableau dominé par la pathologie accidentelle à partir de l’âge de 1 an
et de difficiles problèmes d’interprétation des chiffres avant 1 an.
•
On note une évolution favorable dans le temps pour toutes les tranches d’âge, en particulier pour
celle où les taux sont les plus élevés (les 15-24 ans) : taux global de 106,6 p 100 000 et de 11,3
pour les suicides en 1980, 48,5 et 7,2 respectivement en 2005. En ce qui concerne les accidents de
la circulation chez les jeunes de 15-24 ans, la diminution du taux est franche entre 1980 et 1995
(passage de 40,8 p 100 000 à 26,8) mais on observe une stagnation du taux depuis (24,3 en 2000,
25,2 en 2005).
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•
Les comparaisons avec les pays européens montrent que les taux globaux sont voisins (OMS année
2000 [6]) : mortalité infantile de 4,5 p 1000 en France, 4,4 en Allemagne, 5,2 aux Pays-Bas, 3,5 en
Suède et 5,5 au Royaume Uni versus 7,4 aux USA. Dans les autres tranches d’âge, le tableau est le
même avec des chiffres beaucoup plus élevés aux USA et nettement plus faibles en Suède que
dans les autres pays européens, la différence concernant principalement les accidents
La mortalité n’est certainement pas un bon indicateur, en tous cas entre 1 et 14 ans. En revanche, il y a à
l’évidence des recherches à mener sur la fiabilité et le sens des données mortalité.
Les données de morbidité sur l’enfant sont éparses et d’une fiabilité variable. En termes d’état de santé
global les données de routine (Certificats de santé/PMI, Éducation nationale/Drees, hospitalisation…) sont
plus nombreuses que les données de recherche (qui concernent plutôt des maladies particulières).
L’analyse des quelques données existantes montre bien que la santé somatique dans l’enfance (au-delà de
la période néonatale) et l’adolescence reste peu préoccupante à l’exclusion de la pathologie accidentelle
ère
(1 cause d’entrée à l’hôpital dans le sexe masculin, et de handicap acquis), de pathologies potentiellement
graves dont on ignore la fréquence réelle (conséquences de la maltraitance, certains troubles du
comportement, alimentaire notamment, troubles psychologiques en général) et de pathologies en pleine
expansion actuellement telles que l’asthme ou l’obésité.
En ce qui concerne l’adolescent, leur santé mentale est devenue une question prioritaire dans la majorité
des pays. En effet, dans les pays industrialisés où la santé physique est globalement satisfaisante et les
taux de mortalité faibles, les problèmes de santé « psychosociale » se situent au devant de la scène, avec,
en particulier, la consommation de substances psychoactives, l’accidentalité (en particulier celle de la route),
l’obésité, les troubles alimentaires, la violence, le suicide, la dépression. Comparée aux autres pays
européens, la mortalité par accidents de la route des adolescents est en France plus élevé qu’ailleurs, en
particulier que dans les pays anglo-saxons et scandinaves [6]. Quant aux données de morbidité, elles
montrent que les adolescents français viennent en tête, en Europe, pour la consommation de cannabis et de
médicaments contre la nervosité ou insomnie [7, 8]. En revanche la consommation d’alcool et notamment le
« binge drinking » sont beaucoup plus rares que dans nombre de pays européens.
ÉTAT DES LIEUX GENERAL DE LA RECHERCHE SUR LA SANTE DE L’ENFANT ET DE
L’ADOLESCENT A L’INSERM
En France, un intérêt de la part des chercheurs (notamment à l’Inserm) s’est précocement développé autour
de la périnatalité, dès les années 70 (principalement à l’U149), dans le cadre de la rationalisation des coûts
liés à la naissance. Puis, dans les années 80, on a vu émerger une recherche dans le domaine des troubles
observés à l’adolescence, les adolescents étant vécus comme socialement perturbants (travaux de Marie
Choquet et Sylvie Ledoux). A l’inverse la petite enfance (après la période néonatale et avant la
préadolescence), sans doute moins dérangeante et rarement malade sur le plan somatique, est la grande
oubliée de la recherche en santé publique. A l’Inserm toutefois, on a commencé récemment à s’intéresser à
l’état de santé des enfants grâce à plusieurs expertises collectives réalisées dans le cadre d’une convention
avec la Canam.
Le jeune enfant n’est qu’exceptionnellement un interlocuteur à part entière dans le système de soins et il ne
peut exprimer ses opinions et ses plaintes qu’à travers un tiers, généralement ses parents qui ne sont pas
nécessairement objectifs. Par ailleurs, la récente controverse qu’a suscité l’expertise collective sur les
troubles des conduites a laissé le sentiment fâcheux qu’elle correspondait autant (sinon plus) à la défense
d’intérêts professionnels qu’à celle de l’intérêt de l’enfant [9]. Dans l’abondant et vif débat médiatique, on a
en effet plus souvent assisté à une querelle entre des professionnels de soins défendant « une pratique
médicale française » et des chercheurs défendant une valeur universelle de la littérature scientifique, qu’à
une défense de l’intérêt de l’enfant. Il y a là, outre les carences en connaissances, une raison
supplémentaire pour que des chercheurs en santé publique ne délaissent pas le champ de la petite enfance,
d’autant que ces chercheurs sont souvent à même de jouer un rôle important de conseil pour les politiques
publiques.
A l’heure actuelle, à l’Inserm, dans le domaine de la morbidité des enfants, si des travaux de recherche en
santé publique ont été et/ou sont toujours menés sur des pathologies particulières (malformations
congénitales/Babak Khoshnood – U149 ; asthme /Isabella Annesi Maesano – U707 ; cancers de
l’enfant/Jacqueline Clavel – U754, Florent de Vathaire – U605 ; obésité/Marie-Françoise Cachera – U557,
Marie-Aline Charles – U780 ; transmission mère enfant du VIH/Valériane Leroy – U897 ; accidents,
maltraitance/Anne Tursz – U750…), il existe une carence évidente en données épidémiologiques sur l’état
global de santé des enfants, sur la répartition des différentes pathologies et sur les facteurs de risque et
déterminants de nombre d’entre elles. Des domaines entiers restent très peu explorés (la santé mentale
principalement) ou sont l’objet d’une recherche épidémiologique débutante (la maltraitance par exemple).
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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Dans le champ de la santé mentale du jeune enfant, l’Inserm s’est récemment investie presque uniquement
à travers ses expertises collectives sur les troubles mentaux ou sur ceux susceptibles d’affecter la santé
mentale ainsi que sur leurs stratégies d’identification (rythmes scolaires, troubles mentaux, trouble des
conduites, troubles des apprentissages, dépistage). S’il y a eu un débat passionnel sur les attitudes à
adopter face à certains troubles, il existe un consensus sur l’existence d’une souffrance psychique chez de
nombreux enfants. Il est regrettable que la dernière étude en population générale soit celle d’Éric Fombonne
(CR1 Inserm, actuel titulaire, depuis plusieurs années, de la Chaire de recherche du Canada en psychiatrie
de l'enfance et de l'adolescence à l’Université Mac Gill), à Chartres en 1994, sur plus de 2 000 enfants âgés
de 6 à 11 ans. Cette enquête a donné une estimation de la fréquence de l’ensemble des troubles mentaux à
cet âge de l’ordre de 12,4%) [10].
A travers les résultats de travaux récents d’équipes Inserm, les données des expertises collectives et celles
de la littérature internationale, on peut identifier un certain nombre de domaines pathologiques prioritaires
pour la recherche en santé publique. Il convient de s’interroger aussi sur les approches et les disciplines à
mettre en œuvre, les méthodes et les outils à utiliser, le niveau où mener les travaux (national, européen,
international), les relations à développer avec les autres acteurs de la santé de l’enfant : le milieu clinique, le
système de santé publique qui lui est dédié (PMI, santé scolaire), les institutions collectrices de données
(InVS, Drees), et les responsables des politiques de santé publique en faveur de l’enfance.
DES DOMAINES PATHOLOGIQUES PRIORITAIRES : TRAVAUX ACTUELS ET DEVELOPPEMENTS
SOUHAITABLES
On entend ici par prioritaires des pathologies graves ou de fréquence croissante ou des domaines pas ou
très peu explorés à l’Inserm.
La pathologie maternelle
La moitié des décès maternels sont considérés comme « évitables » car liés à des soins non optimaux. Les
preuves scientifiques existent pourtant de l’efficacité de telle ou telle pratique obstétricale, mais les preuves
sont également nombreuses de leur non-application dans l’activité quotidienne. De plus, on commence à
redouter les méfaits de l’hypermédicalisation de la grossesse et de l’accouchement (exemple,
l’augmentation du taux de césarienne, acte en lui-même porteur de risque de décès pour la femme [11]).
Jusqu’à présent, l’Inserm a été leader dans l’étude de la mortalité et de la morbidité maternelle et leurs
causes (travaux de Marie-Hélène Bouvier et Catherine Deneux), notamment au niveau européen (projets
MOMS et EUPHRATES), comme en témoignent les éditoriaux de revues où ont été publiés les résultats des
travaux de l’Inserm [12].
Il semble important dans l’avenir de développer des recherches selon deux axes prioritaires : 1) recherche
étiologique sur certaines pathologies maternelles sévères et parfois rares ; 2) développement de l’évaluation
des soins et de leur impact sur la santé maternelle. Ceci suppose le maintien de collaborations européennes
car il s’agit de pathologies rares qui nécessitent d’être étudiées à une échelle supra nationale, le
renforcement du travail en réseaux associant des cliniciens (anesthésistes-réanimateurs, obstétriciens) et
des chercheurs en santé publique, le développement de méthodes d’évaluation des soins.
A plus ou moins long terme, il est également important de développer des recherches associant la santé
publique à la neurologie, la psychologie et la psychiatrie et portant sur : 1) les multiples formes de
dépression, dont certaines se révèlent avec violence au cours de l’état gravido-puerpéral, et qui sont
particulièrement délétères pour l’établissement de la relation mère-enfant et donc pour l’enfant lui-même
(risque de maltraitance notamment) ; 2) les aspects vasculaires, car les décès maternels par accidents
vasculaires cérébraux sont de plus en plus nombreux [13].
La pathologie de la naissance
La morbidité périnatale et la prise en charge médicale des femmes et des nouveau-nés
La prématurité est une des principales causes de mortalité et de handicap de l’enfant et a tendance à
augmenter. Une grande diversité de mécanisme est en cause ; il est nécessaire de préciser ces différents
mécanismes et l’interaction entre les facteurs concernés, pour mettre en œuvre des mesures de prévention
adaptées. Le même type de questions se pose pour les retards de croissance in utero. On connaît encore
mal les répercussions à long terme des différentes atteintes observées à la naissance (prématurité,
hypotrophie, certaines anomalies congénitales), en particulier dans leurs formes les moins sévères qui
représente la majeure partie des cas observés. De plus on dispose de peu de résultats sur les effets
bénéfiques d’interventions réalisées après la naissance pour atténuer les effets de ces atteintes. Des études
longitudinales sont donc actuellement indispensables pour mesurer les conséquences de ces atteintes et
évaluer leurs effets.
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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Face à l’évolution constante des pratiques médicales, des moyens diagnostiques et des services à la
disposition des soignants dans la période périnatale, il est nécessaire de conduire des recherches
évaluatives non seulement pour estimer les effets bénéfiques de ces interventions, mais aussi pour estimer
les effets à long terme de mesures ayant prouvé leur efficacité à court terme, ou encore pour définir des
conduites à tenir pour utiliser de manière optimale les moyens disponibles.
Dans le domaine périnatal, les recherches ne peuvent pas porter uniquement sur des groupes à haut risque
ou sur des pathologies, dans la mesure où la plupart des mères et des enfants pris en charge dans les
hôpitaux ne présentent pas de troubles de la santé. Les recherches doivent donc aussi s’orienter sur les
effets des interventions de santé dans les situations à bas risque, en suivant des méthodologies et des
questionnements adaptés à cette population. Ces recherches permettront de répondre à une attente sociale
forte pour une meilleure prise en compte des besoins des usagers ; elles doivent également contribuer aux
réflexions sur de nouvelles organisations des soins, tenant compte des contraintes démographiques des
professions médicales
Les malformations congénitales
Les anomalies congénitales constituent une des principales causes de mortalité infantile, de morbidité et de
handicaps dans les pays industrialisés. A quelques exceptions près, l’étiologie des anomalies congénitales
reste inconnue. En revanche, d’importants progrès ont eu lieu dans le dépistage prénatal des anomalies
congénitales, notamment pour la trisomie 21 et la France se caractérise par une politique de dépistage très
active par rapport à d’autres pays [14].
Dans ce contexte il est important d’étudier les pratiques de dépistage prénatal des anomalies congénitales
et la prise en charge des enfants atteints, en utilisant les bases de données françaises existantes ou à
venir : les registres de malformations congénitales ; les enquêtes nationales périnatales ; la cohorte Elfe,
portant sur un échantillon national représentatif de 20 000 naissances, projet dans lequel plusieurs
chercheurs Inserm sont impliqués au niveau des groupes thématiques. En effet, en 2009, une nouvelle
enquête périnatale sera conduite en conjonction avec la cohorte et inclura des informations sur le diagnostic
anténatal.
Certaines orientations de recherche apparaissent d’ores et déjà prioritaires dans le domaine des
malformations : 1) le développement de la recherche étiologique, aussi bien dans le domaine génétique que
dans celui des expositions, notamment à de nouveaux médicaments ; 2) l’évaluation du devenir à long
terme, sur une base populationnelle, de cohortes d’enfants atteints de malformations pour lesquelles le
diagnostic anténatal et la prise en charge à la naissance (médicale et chirurgicale) ont beaucoup progressé
récemment ; 3) l’évaluation continue de l’impact des changements dans la pratique et la politique de
diagnostic anténatal ; 4) le développement et l’évaluation de nouvelles stratégies et techniques de dépistage
anténatal, avec un intérêt tout particulier pour les techniques non invasives ; 5) l’évaluation en population de
stratégies préventives, en particulier la supplémentation en acide folique pour prévenir les anomalies de
fermeture du tube neural [15].
L’asthme
La prévalence de l’asthme dans l’enfance ne cesse d’augmenter et la recherche internationale tend à
s’orienter de plus en plus vers le rôle des interactions gènes-environnement. Une des questions clés dans
ce domaine est la question de la fenêtre d'exposition environnementale et de la fenêtre d'expression de la
maladie. Des études longitudinales avec un recrutement de femmes enceintes et une très bonne
caractérisation de l'environnement in utero, périnatal et de l'enfance sont donc nécessaires. Les études
d'interactions gènes-environnement nécessitent plus que d'autres des collaborations (notamment sur le plan
européen) afin d'atteindre la puissance statistique nécessaire. La période in utero et la petite enfance sont
considérées comme des périodes critiques pour l'asthme et l'allergie. Les hypothèses actuellement les plus
débattues portent sur les contacts avec les agents infectieux (dont l'absence ralentit la maturation
immunologique normale, hypothèse dite hygiéniste) et l'alimentation de la mère. L'adolescence est, elle, une
période sensible (au sens des approches vie entière) avec la fin de la croissance pulmonaire, les
modifications hormonales, les modifications des comportements alimentaires, l'activité sportive, et les
expositions environnementales stricto sensu que les adolescents peuvent rencontrer lors de stages
professionnels, ainsi que le tabagisme actif et la pollution atmosphérique. Les interactions candidates
concernant l'asthme de l'adolescent ne concernent donc pas actuellement les mêmes facteurs
environnementaux. C'est à l'adolescence que se croisent les courbes d'incidence de l'asthme chez le garçon
et la fille (augmentation chez la fille) et il serait bon de conduire des recherches sur les interactions gène
environnement selon le sexe.
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L’obésité
Actuellement, dans les pays industrialisés, des générations d’enfants grandissent dans un contexte tout à
fait nouveau pour l’évolution humaine qui est caractérisé entre autres par une abondance alimentaire et une
sédentarisation croissantes. Il s’agit une situation récente, inédite, avec un potentiel pour des conséquences
à long terme importantes pour la santé des populations et très peu de données expérimentales pour
proposer des interventions.
Il n’existe pas en France de données nationales représentatives récentes sur l’obésité des enfants et des
adolescents, à l’exclusion des résultats des études menées par la Drees (pour la période 1999- 2003) chez
ème
ème
l’enfant scolarisé examiné à l’occasion des bilans de santé de la 6
année, du CM2 et de la classe de 3 .
Sur le plan de la recherche en santé publique, plusieurs axes méritent d’être développés et l’Inserm s’est
er
déjà investi dans les trois premiers. Le 1 concerne l’épidémiologie descriptive et les connaissances
acquises doivent beaucoup aux travaux pionniers de Marie Françoise Cachera [16] qui ciblent cependant
essentiellement les enfants d’âge scolaire. Des études d’épidémiologie descriptive sur les enfants avant trois
ans restent à développer. Le deuxième axe, celui de l’étude des déterminants de l’obésité infantile,
nécessite de privilégier la recherche de ces déterminants pendant la période pré et post natale précoce [17,
18]. Sur le plan méthodologique, cette recherche repose sur des études de cohortes à recrutement dès le
début de la vie pour permettre de documenter l’histoire naturelle précoce de l’obésité. L’étude Eden [19],
menée par l’IFR 69 et coordonnée par Marie Aline Charles, s’inscrit tout à fait dans cet axe. Elle a pour
particularité de cibler plusieurs aspects du développement et de la santé de l’enfant (l’obésité ne représente
que l’un d’entre eux) et d’aborder un ensemble assez large de déterminants allant du domaine biologique
aux aspects sociaux. Le projet Elfe est tout à fait complémentaire d’Eden puisqu’il inclura 10 fois plus
d’enfants, vise la représentativité et un suivi prolongé. Son apport sur les déterminants précoces de l’obésité
sera probablement moindre que celui d’Eden pour les déterminants fréquents (notamment du fait de
prélèvements biologiques pour l’instant prévus comme limités) mais Elfe pourra permettre d’étudier l’effet de
certains facteurs de risque dont la fréquence est trop faible pour être abordée dans Eden (par exemple,
certains polymorphismes génétiques). Les potentialités d’Elfe sont surtout importantes pour le suivi à long
terme avec la possibilité d’étudier les conséquences du développement précoce de l’obésité de l’enfant sur
ème
axe concerne les
le plan de la santé ultérieure mais aussi sur le plan scolaire, familial, social… Le 3
études d’intervention à visée préventive, les orientations actuelles étant plutôt de tester des interventions
modifiant l’environnement de l’enfant en termes d’offre alimentaire et de possibilités de pratique d’activité
physique dans le contexte scolaire mais aussi extrascolaire. L’intervention familiale ciblée en cas de facteurs
de risque, notamment de prise de poids rapide, est également une piste possible mais aucune équipe
Inserm n’est actuellement porteuse de projet dans ce domaine ; de façon plus ponctuelle des chercheurs
sont certainement impliqués dans des actions loco-régionales engagées dans le cadre du PNNS, une des
faiblesses de l’Inserm restant certainement son peu d’investissement dans les études de prévention en
population générale. Enfin un axe reste à développer, celui de l’évaluation des réseaux de prise en charge
de l’obésité. Des chercheurs Inserm (Marie Françoise Cachera à l’U557, Namanjeet Alhuwalia à l’U558
Toulouse) collaborent avec des cliniciens sur ce thème.
La violence envers les enfants
La violence, phénomène social souvent identifié à travers ses effets sur l’état de santé, est de plus en plus
traitée comme un problème sanitaire, notamment depuis le développement, à partir des années 90, de la
victimologie. Toutefois, quel que soit l'âge des victimes, le chiffrage des faits de mauvais traitements est
pour l'instant irréalisable en France. Dans le domaine de la maltraitance envers les enfants, une première
approche a été réalisée au Cermes (Anne Tursz) à travers une étude visant à identifier la fréquence et les
caractéristiques des homicides de nourrissons de moins de 1 an [4]. Ce travail qui révèle la large sousestimation du problème dans les statistiques officielles de mortalité, notamment par sous-investigation des
cas par la médecine comme par la justice, réticence des médecins à signaler à la PMI ou à la justice et
certification sous d’autres causes de décès, et qui montre aussi l’absence de rôle de facteurs socioéconomiques [20], ouvre la porte à de nombreuses questions de recherche. Elles concernent les facteurs de
risque d’homicides et plus généralement de mauvais traitements, avec pour objectif d’identifier des familles
et des enfants vulnérables, ainsi que l’analyse des pratiques professionnelles dans le but de réfléchir aux
stratégies de sanction/réhabilitation des auteurs les plus à même d’éviter les récidives d’atteinte grave à
l’enfant. Le champ tout entier de la maltraitance étant actuellement un désert en matière de recherche, il
faudrait aussi développer des travaux d’évaluation des pratiques de signalement et de placement, en
réalisant un suivi à long terme des enfants et une évaluation de leur devenir, ce qui à l’Inserm n’a pour
l’instant été abordé que dans les travaux d’Annick Dumaret – U750 [21].
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Les troubles mentaux de l’enfant
La recherche en épidémiologie psychiatrique chez l’enfant est actuellement inexistante à l’Inserm (celle sur
les adolescents est un peu plus développée, comme décrit dans le paragraphe suivant). Compte tenu de la
gravité de certains troubles, on peut définir comme thématiques prioritaires, dans l’avenir à moyen terme,
l’autisme et plus généralement les troubles neuro-développementaux survenant chez les enfants [22]. À plus
long terme, le thème général des troubles psychiatriques et de la santé mentale devrait être abordé. En ce
qui concerne l’autisme, il y a un déficit d’information, de service et d’expertise en France en général. Ceci est
reflété également à l’Inserm où très peu de chercheurs mènent des travaux dans ce domaine. Ceci est en
contraste marqué avec les évolutions depuis 10 ans dans le cadre du MRC en Angleterre ou dans les
Instituts Canadiens de Recherche. Aux États-Unis on observe une augmentation massive du financement
par le NIH sur cette thématique. En ce qui concerne les domaines de recherche plus spécifiques, il y a de
grands mouvements dans la recherche génétique sur l’autisme (travaux de Marion Leboyer, Inserm U 513),
mais ce qui manque en France ce sont des études épidémiologiques, une surveillance épidémiologique de
la prévalence de l’autisme et des troubles associés, des études cliniques longitudinales identifiant les
facteurs pronostiques et le devenir à l’âge adulte de ce trouble envahissant du développement (TED). Des
développements récents (hors de France) en épidémiologie et dans le domaine de la détection précoce
dans les quatre premiers semestres de vie ont permis (notamment dans le cadre d’une grande cohorte
norvégienne de 100,000 femmes enceintes) d’utiliser des instruments de dépistage précoce de l’autisme à
l’âge de 12, 14, 16, 18 mois de façon à améliorer le dépistage de l’autisme dans la population générale. Une
autre direction de recherche est d’étudier les enfants nés dans les familles où un enfant autiste est déjà
diagnostiqué. Ces études d’échantillons à haut risque de développer l’autisme permettent d’identifier de
façon précise les symptômes précurseurs de l’autisme dès l’âge de 12 mois chez des frères et sœurs qui
sont diagnostiqués plus tard à l’âge de 3 ans. De façon plus large, au-delà du problème de l’autisme, il est
plus que temps d’entreprendre des études épidémiologiques en population générale, visant à identifier les
troubles mentaux de l’enfant, notamment ceux qui, présents dans la toute petite enfance, peuvent, en
l’absence de prise en charge appropriée, compromettre gravement la santé mentale du futur adulte,
notamment les troubles du comportement et les troubles internalisés (anxiété, dépression). Enfin tout reste
encore à faire dans le domaine de l’évaluation de l’organisation des services et de l’efficacité des prises en
charge.
La santé mentale des adolescents
A l’Inserm, les premiers travaux sur la santé globale des adolescents remontent au début des années 90
(Marie Choquet et Sylvie Ledoux). A l’heure actuelle, il persiste beaucoup de propos convenus qui n’ont
aucune base scientifique. Ainsi, on parle beaucoup des troubles des conduites alimentaires sans avoir
aucune donnée française récente. Souvent on mentionne que les jeunes qui vont mal consultent peu et sont
peu enclins à parler de leurs problèmes, ce que dément une étude menée auprès des infirmières scolaires
[23] qui a montré que les jeunes suicidants consultent plus et plus souvent que les autres les professionnels
de santé et qu’ils sont aussi plus désireux de parler de leur mal-être pour peu qu’on leur pose des questions
précises. Souvent on a attribué le manque de suivi psychologique des jeunes à des facteurs socioéconomiques. Or, dans une enquête auprès des suicidants hospitalisés, on a montré que le suivi
psychologique post-hospitalier ne dépendait pas tant du niveau d’études des parents ou de la distance entre
la maison et le système de soins, que du fait, qu’avant la sortie de l’hôpital, on leur avait ou non proposé une
date précise de consultation [24]. Il y a donc un besoin réel 1) d’une nouvelle d’enquête sur la santé globale
des adolescents (incluant les troubles des conduites alimentaires, la consommation de substances
psychotropes, la dépression, les troubles corporalisés, l’absentéisme scolaire) ; 2) d’une évaluation de la
prise en charge des adolescents et de son rôle sur leur devenir, notamment dans ces structures nouvelles
que sont les maisons des adolescents. Des pistes nouvelles s’ouvrent également dans le domaine des
facteurs étiologiques des conduites addictives et commencent à être explorées dans l’enquête SAGE
(Susceptibilité-Alcool-Gène-Environnement), réalisée par l’Observatoire Régional de la santé ChampagneArdenne en collaboration avec Marie Choquet - U669 et Philip Gorwood. L’objectif est de pouvoir guider des
interventions à partir d’une meilleure connaissance de la part des facteurs génétiques et environnementaux
dans les comportements addictifs des adolescents.
La pathologie accidentelle
Depuis l’arrêt des travaux d’Anne Tursz, à l’U149, sur ce thème dans les années 90 [25], cette thématique
tout à fait prioritaire a été reprise essentiellement par l’InVS (accidents de la vie courante ; surveillance
épidémiologique plutôt que recherche), et poursuivie à l’Inrets (recherche sur les accidents de la circulation ;
Bernard Laumon pour les aspects épidémiologiques, en collaboration avec François Facy, DR Inserm).
Dans les deux cas il n’y a pas de priorité particulière accordée aux enfants et aux adolescents. La recherche
épidémiologique sur les accidents de la circulation est actuellement relancée à l’Inserm par Emmanuel
Lagarde dans le cadre de l’U897. Les projets actuels concernent principalement les adultes et il serait
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souhaitable que, dans l’avenir, soient développés des thèmes prioritaires tels que la traumatologie sportive
chez l’enfant et l’adolescent, les accidents et addictions chez l’adolescent, les conséquences à long terme
des accidents (somatiques, sociales, psychologiques, économiques), ou l’évaluation de campagnes de
prévention, notamment en direction du jeune enfant.
La prévention de la transmission mère-enfant du VIH
La recherche sur la transmission mère-enfant (TME) du VIH s’est surtout développée en PED
(essentiellement en Afrique) pour d’évidentes raisons de priorité de santé publique, le risque de transmission
postnatale du VIH étant en effet particulièrement important en Afrique où l’allaitement maternel prolongé est
la norme. L’expertise Nord acquise dans le domaine, notamment quant à l’utilisation des antirétroviraux,
mérite d’être partagée avec le Sud pour transférer des connaissances dans des conditions de terrain au Sud
mais également pour acquérir des connaissances qui se posent spécifiquement aux populations issues des
pays du Sud. L’unité U897 de l’Inserm (Valériane Leroy, François Dabis) a joué un rôle majeur dans la
démonstration de l’efficacité dans les Pays du Sud de différentes stratégies d’utilisation des antirétroviraux
dans des essais cliniques randomisés et des cohortes thérapeutiques en réduisant d’un à deux tiers la TME,
estimée de 20% à 45% en l’absence de toute intervention. On note ainsi un taux de transmission à six
semaines de vie pouvant varier de 5% à 12% en Afrique [26]. Si, aujourd’hui, les interventions de prévention
de la TME (PTME) du VIH permettent de réduire efficacement le risque dans les pays du Nord comme en
Afrique, au moins à court terme, la réduction de la transmission postnatale liée à l’allaitement et la mise en
œuvre opérationnelle de la PTME n’en demeurent pas moins, en 2007, un des défis les plus importants de
la lutte contre le VIH/SIDA dans les pays à ressources limitées. En effet, le travail des chercheurs n’a
malheureusement pas été relayé au niveau attendu par les décideurs et les responsables de programmes
de santé publique à l’échelle internationale et nationale et, si la recherche dans le domaine de la PTME du
VIH s’est développée sans précédent depuis 15 ans avec des succès, elle demeure confrontée à des
écueils. En particulier, il persiste aujourd’hui un déséquilibre trop important entre la recherche clinique et la
recherche de santé publique. La recherche clinique s’est en fait développée au détriment d’une recherche de
santé publique impliquant l’ensemble des disciplines (médecine, épidémiologie clinique, et SHS) et cela a
des conséquences aujourd’hui sur la mise en œuvre opérationnelle des interventions, plus spécifiquement
dans les pays du Sud. Il convient donc maintenant de promouvoir une recherche de santé publique
transdisciplinaire.
Dans cette optique, des questions de recherche impliquant la recherche en santé publique apparaissent
prioritaires :
1) Quelles stratégies de communication et de mobilisation sociale emportent l’adhésion des femmes
enceintes pour la PTME ?
2) Quelles stratégies de dépistage du VIH permettent l’offre de la PTME à toutes les femmes enceintes ?
3) Quelles options d’alimentation infantile sont acceptables, réduisent le risque de TME postnatale du VIH à
un niveau proche de 0 et préservent la santé des enfants nés de mères infectées ?
4) Quelles mesures d’accompagnements « communautaires » renforcent les programmes PTME ?
5) Quel(s) type(s) de système de santé favorise(nt) une bonne performance des programmes PTME ?
Il faut convaincre les principaux bailleurs de fonds de la nécessité de répondre à ces questions pour
développer une recherche de santé publique qui soit adaptée à la situation contextuelle.
POINTS FORTS ET POINTS FAIBLES DE LA RECHERCHE ACTUELLE EN SANTE PUBLIQUE SUR
L’ENFANT ET L’ADOLESCENT A L’INSERM
Malgré le faible nombre de chercheurs Inserm oeuvrant dans ce domaine, un champ assez large est couvert
et la renommée des travaux conduits est certaine comme l’attestent les responsabilités dans des projets
européens et les nombreuses activités d’expertise nationales (ministères, HAS, Afssa…) et internationales
(OMS, UE…).
Mais il ne faut pas se dissimuler qu’il y a surtout une grande pauvreté de moyens dans la recherche sur
l’enfance à l’Inserm (à l’exclusion de la recherche en périnatalité, développée depuis plus de 30 ans, active
et très renommée internationalement).
•
Des thèmes prioritaires en terme de santé publique ne sont pas du tout abordés (les accidents, la
santé mentale chez le jeune enfant) ou très peu (la maltraitance)
•
Il n’y a jamais eu, au-delà de la période périnatale, de grande enquête en population d’enfants
(comme celle de 1993 sur la santé des adolescents par exemple)
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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•
L’état de santé dans la tranche d’âge 1 mois - 2 ans révolus est très mal connu
•
Il n’y a pas, pour le moment, de grosses bases de données (la cohorte Eden est de petite taille)
comme celles constituées pour les adultes et les personnes âgées, sauf quelques rares exceptions
comme « les enfants de Gazel » (U687) ou les registres (des cancers de l’enfant/Jacqueline Clavel ;
des malformations congénitales/Catherine de Vigan – U149 ; des handicaps/Catherine Arnaud –
U558). Il n’existe pas encore de vision longitudinale de la santé de l’enfant sur un échantillon
national représentatif qui permette de suivre les effets à long terme de situations médicales ou
sociales défavorables à la naissance, et d’étudier les facteurs de risque de survenue de l’asthme ou
de l’obésité ou de la maltraitance ou des troubles du comportement…
•
Il existe certes des collaborations avec des cliniciens (notamment dans le domaine périnatal), mais
elles devraient être plus développées
•
En matière de facteurs de risque la thématique « facteurs socio-économiques versus facteurs
psycho-affectifs » n’est pas ou peu explorée
•
La recherche sur l’évaluation des soins est insuffisamment développée
•
La masse critique de chercheurs n’existe pas, ce qui explique les carences citées ci-dessus.
Ce dernier problème est préoccupant d’autant que, sur certains sujets, l’attractivité de la carrière de
chercheur est limitée, parce que les chercheurs en santé publique sont souvent dévalorisés au sein du
milieu de la recherche hospitalo-universitaire en pédiatrie ; parce que les bailleurs de fonds sont plus
intéressés par le cancer ou les personnes âgées que par la santé des enfants ; parce que des conflits
professionnels et des intérêts personnels ont rendu récemment une « recherche moderne en santé
mentale » à peu près impossible. On ne saurait en effet cacher que la pédopsychiatrie reste dominée en
France par un modèle qui est opposé à toute classification basée sur une approche purement descriptive, à
toute évaluation, et notamment à l’utilisation d’outils de mesure quantitative, ainsi qu’à toute approche
médicale.
LES DEVELOPPEMENTS NECESSAIRES
Il s’agit de développements dans les approches, les champs disciplinaires, les méthodes, les outils et les
relations avec les autres acteurs de la santé de l’enfant et de l’adolescent, qui paraissent les plus à même
de conduire à une bonne connaissance de l’état de santé et de ses déterminants à ces âges et à évaluer les
pratiques qui le conditionnent.
Approche et disciplines
Analyse des pratiques professionnelles
•
En filigrane dans tous les thèmes exposés précédemment, on sent la nécessité d’une approche de
type « Recherche sur les systèmes de santé » (Health system research) : analyse et évaluation des
pratiques médicales, offre et circuits de soins, qualité des soins. Certains thèmes apparaissent
particulièrement importants : les conséquences de l’hypermédicalisation (prématurité induite,
césarienne et mort maternelle), l’organisation des soins en santé mentale, l’évaluation du dépistage
anténatal et de ses conséquences. Comme on l’a vu, notamment à propos des malformations
congénitales, dans certains domaines, cette dynamique est déjà enclenchée. Par ailleurs un intérêt
croissant doit être porté aux usagers, thème particulièrement important dans le domaine périnatal où
la majorité des femmes et des enfants sont en bonne santé
•
Il est nécessaire de prendre en compte l’émergence de problématiques sociales nouvelles : aspects
éthiques liés à certaines pratiques médicales, implication des familles dans les décisions, relation
médecine/justice (judiciarisation en pleine évolution)
•
L’évaluation des systèmes et services de santé publique (PMI, santé scolaire) est à mettre au point
•
De même que l’évaluation de certaines politiques nationales médicales et médico-sociales (par
exemple l’ensemble des mesures proposées récemment visant à favoriser l’attachement parentsnouveau-né, dans les Plans « Périnatalité », « Psychiatrie et santé mentale », « Violence et santé »,
Recommandations « Périnatalité » de la HAS)
•
Ou encore, l’évaluation des programmes d’éducation sanitaire, à l’école notamment. L’école est un
lieu d’apprentissage qui peut aider à l’appropriation d’une culture « santé » ; certaines interventions
sont déjà incluses dans les programmes, comme l’éducation sexuelle, la prévention des
toxicomanies, la prévention routière, la prévention solaire, l’éducation nutritionnelle dans certaines
régions, … mais sont-elles efficaces ? Quels sont les meilleurs âges ? Les meilleurs supports ?
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Collaborations pluridisciplinaires
•
Recherche étiologique sur les maladies prenant systématiquement en compte les interactions
gènes-environnement physique et social-comportements
•
Collaborations avec les milieux cliniques (afin de bien préserver le contenu médical des problèmes
de santé abordés)
•
Collaboration avec les sciences humaines et sociales (SHS) : association de l’épidémiologie à
l’économie et la gestion (performance des services), à la sociologie (analyse des mécanismes sousjacents aux « inégalités sociales », analyse des phénomènes de judiciarisation), à la psychologie
(évaluation des politiques de soutien à la parentalité, des programmes de prévention de la
dépression du post partum…)… Rappelons que la collaboration entre la clinique, l’épidémiologie et
les SHS est la stratégie la plus à même de rendre opérationnels sur le terrain des résultats de
recherche.
Méthodes et outils
Optimisation d’outils et méthodes existants
De façon générale, les études longitudinales sont à privilégier car elles permettent l’identification précoce de
facteurs de risque étiologiques et, grâce au suivi des sujets, de mesurer des conséquences à court, moyen
et long terme. Le problème des biobanques associées à ces études doit être envisagé pour qu’elles puissent
être mises en place de la meilleure façon possible sur le plan pratique, scientifique et éthique, et contribuer
au mieux au développement de la recherche sur les interactions gêne-environnement. Cette approche
longitudinale est essentielle également en recherche clinique. On reconnaît maintenant que l’évaluation de
toute intervention médicale pendant la période périnatale ou dans la petite enfance doit comprendre un suivi
des enfants sur plusieurs années pour pouvoir faire une balance bénéfice/risque rigoureuse.
•
Les cohortes. Ce sont les meilleurs outils pour identifier : des expositions précoces (in utero ou dans
la petite enfance) ayant des conséquences sur le développement psychomoteur et pouvant
également être à l’origine de pathologies cardio-vasculaires et métaboliques à l’âge adulte ; les
familles vulnérables dès la naissance, les troubles de l’attachement précoce, le risque de
maltraitance ; le début des comportements à risque à l’adolescence ; le début des grandes
pathologies (asthme, obésité…), d’où l’importance de principes méthodologiques stricts : lien fort
avec la clinique, stratégie pour identifier les enfants « cachés » et diminuer le nombre des perdus de
vue (sinon risque de ne jamais atteindre les plus à risque). La cohorte Elfe, portant sur un
échantillon national représentatif de 20 000 naissances, devrait être d’un apport considérable.
•
Les registres sont à développer et améliorer sur le plan qualitatif. Il faut identifier les manques : par
exemple, pour les malformations congénitales, repérer les régions avec des expositions particulières
et pas de registre ; de façon générale, développer les activités de recherche et favoriser
l’épidémiologie génétique ; développer des registres internationaux pour les maladies rares (dont les
cancers de l’enfant). Dans le domaine spécifique des malformations dont les registres actuels ne
couvrent qu’une faible partie du territoire national, il faut que l’Inserm et l’InVS s’investissent dans le
cadre du CNR pour que soient créés de nouveaux registres avec une standardisation dans le recueil
et le traitement des données telle qu’on puisse aboutir à des informations au niveau national. Enfin,
compte tenu de la rareté de la plupart des malformations, il est essentiel que tous les registres
français continuent à fonctionner en parfaite harmonie méthodologique avec le système européen
EUROCAT.
•
La pérennisation des enquêtes nationales périnatales, qui offrent des informations régulières très
utiles pour la recherche, doit être assurée, d’autant que le système français d’information périnatale
est un des moins bon d’Europe (bilan PERISTAT) du fait de l’absence de registre médical des
naissances en France. Par ailleurs il faut améliorer la cohésion entre institutions pour optimiser et
avoir accès à d’autres sources de données (certificats de santé de l’enfant, données scolaires,
SNIRAM … ; voir paragraphe 6. 3).
•
Les expertises collectives, enfin, devraient systématiquement bénéficier de comités scientifiques, de
groupes de travail réellement pluridisciplinaires et de stratégies de communication impliquant les
familles
Mise en place de nouveaux outils et méthodes
•
Réalisation d’enquêtes nationales en population générale (santé de l’enfant, santé mentale)
•
À l’occasion de ces enquêtes, validation de nouveaux outils, particulièrement dans le domaine de la
santé mentale. La pédopsychiatrie française étant encore, on l’a vu, aujourd’hui dominée par le
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modèle psychanalytique, la culture dominante reste hostile aux notions d’évaluation, de
classifications basées sur le comportement, et d’utilisation d’outils de mesures tels que les
questionnaires et les entretiens standardisés. Cette position a notamment pour effet que la
recherche clinique française en pédopsychiatrie est quasiment absente sur le plan international. Le
DSM IV est actuellement traduit en français et son utilisation dans des études françaises permettrait
d’assurer la reconnaissance internationale de tels travaux et la réalisation de comparaisons
internationales dans le domaine de la santé mentale de l’enfant et de l’adolescent. Dans le domaine
des TED, en raison de l’efficacité maintenant reconnue des interventions précoces, plusieurs
instruments de dépistage de ces troubles, utilisables chez les très jeunes enfants, ont été élaborés
et font l’objet d’études visant à évaluer leurs performances [27]. En France, il conviendrait d’étudier
tout particulièrement l’utilisation et la validité du M-CHAT (Modified-Checklist for Autism in Toddlers),
version modifiée du CHAT, premier instrument développé dans ce sens, qui semble posséder les
meilleures qualités métrologiques et qui a été traduit en français. Destiné aux enfants âgés de 24
mois, son utilisation repose uniquement sur les parents et ne nécessite pas l’intervention directe ni la
formation des professionnels. Dans les enquêtes épidémiologiques en population générale,
l’instrument le plus étudié et le plus utilisé à l’heure actuelle est le Child Behavior Checklist (CBCL)
[28]. C’est un questionnaire général, rempli par les parents, qui évalue les aptitudes et les problèmes
affectifs et comportementaux des enfants âgés de 4 à 16 ans. A partir d’une cotation qui tient
compte de l’âge et du sexe, il permet de repérer les enfants présentant une forte probabilité de
présenter des troubles internalisés (affectifs) et / ou externalisés (comportementaux). Cet instrument
a été traduit et validé en français dès les années 80 [29, 30]. Son utilisation dans les enquêtes
épidémiologiques permettrait des comparaisons valides avec d’autres pays. Son utilisation en tant
qu’instrument de dépistage mériterait aussi certainement d’être étudiée.
Dans tous les cas de grandes enquêtes épidémiologiques, quels qu’en soient les méthodes et les outils, il
convient, dans la mesure du possible de prendre appui sur les systèmes de santé publique existants (PMI,
santé scolaire) et, si leur fiabilité est suffisante, sur certaines données recueillies en routine.
Relations avec les autres acteurs de la santé de l’enfant
•
Le milieu clinique : l’impliquer fortement dans l’encadrement scientifique des cohortes (Elfe
notamment)
•
Le système de santé publique dédié à l’enfance (PMI, santé scolaire). Compte tenu des dispositions
légales et réglementaires en France, il dispose d’une somme considérable d’informations que des
chercheurs pourraient aider à rendre exploitables. L’avantage serait double : impliquer ce système
dans des recherches en population générale correspondrait à une reconnaissance du travail de ses
professionnels ; les chercheurs pourraient utiliser dans leurs enquêtes des moments clés comme le
bilan de 6 ans
•
Les institutions collectrices de données (InVS, Drees). La collaboration entre ces institutions et
l’Inserm existe déjà au travers des enquêtes du cycle triennal en milieu scolaire (échantillon national
représentatif dans l’enseignement public et privé) et des enquêtes nationales périnatales avec la
Drees. Les données recueillies sont à la disposition des chercheurs dont certains sont de plus
impliqués dans la conception de l’enquête. Cette collaboration devrait être amplifiée, ce qui
permettrait notamment l’inclusion, par des chercheurs, de modules spécifiques, et l’élaboration en
commun d’hypothèses de recherche et de stratégies d’analyse.
•
La journée d’appel, de protection et de défense (JAPD), obligatoire pour tous les enfants de 17 ans
qui passent alors un examen médical, n’est pas exploitée comme elle pourrait l’être sur le plan
épidémiologique. Les chercheurs intéressés par la santé de l’adolescent pourraient y proposer des
modules spécifiques pour les questionnaires.
•
Les responsables des politiques de santé publiques en faveur de l’enfance : le principal problème à
soulever ici est celui de la reconnaissance et de la valorisation de l’expertise dans cet aller et retour
qui existe entre chercheurs et politiques (demande faite aux chercheurs et conseils apportés par les
chercheurs ; sollicitation des chercheurs, financières, mais aussi d’accès à des documents, de
participer à des actions…).
Formation
Le problème est particulièrement critique dans le domaine de l’épidémiologie psychiatrique et de la
recherche en santé mentale. Il est important que toute initiative de recherche à moyen terme sur une
thématique comme l’autisme (ou les troubles mentaux en général) soit associée à des moyens de
financement garantis pour la formation de jeunes chercheurs pédopsychiatres ou psychologues avec des
perspectives de carrière qui leur seraient offertes à la fin de leur formation. Cette politique de formation
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devrait leur permettre d’aller à l’étranger pour passer du temps dans des laboratoires où ils apprendraient les
méthodes de recherche. Il n’y a pas en effet en France actuellement de milieu suffisamment riche pour
assurer la formation des jeunes, tout au moins rapidement et en visant une masse critique.
Il faut également développer la formation à la recherche dans les pays du Sud, en promouvant
l’enseignement à distance et la formation in situ des professionnels de santé publique dans ces pays.
En résumé, que proposer à moyen terme :
Créer un environnement propice au développement d’une réelle activité de recherche sur la santé de
l’enfant en France, en :
•
Formalisant un réel partenariat avec l’Éducation nationale pour que les recherches en population
générale d’enfants et d’adolescents cessent de relever d’initiatives individuelles, nécessairement
fragiles, pour être le fait d’une concertation institutionnelle
•
Garantissant, sur le plan scientifique, toutes les chances de succès à Elfe (apport clinique et de
génétique épidémiologique, thèmes de sciences sociales, utilisation des structures de santé
existantes et de personnels d’enquête formés, si possible de jeunes médecins…)
•
Facilitant, de façon générale, une recherche de type longitudinal, au niveau de la gestion des crédits
et l’emploi de personnes chargées de la gestion des enquêtes et de leur analyse, et, plus
particulièrement dans le cas spécifique de Elfe, en investissant financièrement par le recrutement
d’un coordinateur santé Inserm qui soit partie prenante du groupe pilote décisionnaire de l’étude et
par un investissement en personnel technique (moniteur d’étude) à la hauteur de celui consenti par
l’Ined et l’InVS
•
Dégageant des moyens financiers par exemple par la mise en place d’un PNR santé de l’enfant,
articulé avec le PNR Pédiatrie et favorisant les collaborations entre recherche clinique et recherche
en santé publique
•
Favorisant l’arrivée de jeunes chercheurs dans ce domaine de recherche grâce au recrutement de
jeunes chercheurs pédiatres et pédopsychiatres et à un effort pédagogique envers les chercheurs
en formation (invitation par les écoles doctorales d’intervenants du domaine « santé de l’enfant » ;
proposition de stages sur des sujets ayant trait à l’enfance pour les internes en santé publique ;
thèses) ; grâce aussi à des stratégies volontaristes du type fléchage de postes ou contrats jeunes
chercheurs spécifiques…
•
Organisant un colloque « état des lieux de la santé de l’enfant en France » ?
Faire reconnaître l’expertise dans le système d’évaluation des chercheurs.
Favoriser le développement de collaborations européennes de façon systématique, et plus
particulièrement dans le domaine des maladies rares.
A plus long terme (dans les 10 ans à venir), la priorité est sans doute de reconstruire tout un champ de
recherche, celui qui concerne la santé mentale des enfants, des adolescents et des jeunes. L’Inserm et
certaines universités devraient jouer un rôle d’avant-garde pour développer une masse critique de
chercheurs de disciplines différentes dans le domaine de la santé mentale en général et assurer une priorité
de financement sur une période suffisamment longue pour que puisse se développer un programme de
recherche qui soit durable. Il faudrait constituer des équipes de recherche sur les différents thèmes
importants en les associant à des unités européennes dans le cadre d’accords bilatéraux qui pourraient être
passés entre le MRC et l’Inserm ou les équivalents du MRC en Hollande, en Allemagne ou dans d’autres
pays. Parallèlement, des liens Inserm-Québec-Canada pourraient être développés. Peut être même faudraitil suggérer la formation d’une unité Inserm délocalisée dans un pays européen ou en Amérique du Nord.
Toutefois la santé somatique des enfants ne saurait être oubliée, notamment dans le cadre d’une réflexion
sur le « bas risque », réflexion délicate car toute politique visant à abandonner la notion de haut risque
potentiel, pour des raisons budgétaires notamment, mais aussi en s’appuyant sur certains résultats de
recherche, recréerait quasi inexorablement des situations à haut risque. Il faut en effet se souvenir que si la
grande majorité des grossesses et des accouchements se déroulent sans encombre, ainsi que les premiers
mois de la vie, les quelques accidents morbides qui peuvent survenir sont souvent si graves qu’ils vont
obérer toute le devenir de l’enfant et ceci suffit à justifier de considérer la grossesse comme un évènement
possiblement à haut risque.
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Une société se construit sur ses enfants, et le désintérêt pour l’état de santé des enfants n’en paraît que plus
surprenant. A l’heure actuelle, plusieurs phénomènes sociétaux irréversibles et non accompagnés des
solutions appropriées (le travail des mères sans mise à disposition systématique de solutions de garde
épanouissantes) ou réversibles espérons-le (la précarité, la détérioration du système éducatif) font que la
santé des enfants de nombreux pays développés est en danger. Les politiques en faveur de l’enfance, de
santé et médico-sociales, ne peuvent que bénéficier de la recherche pour apporter des solutions
satisfaisantes en terme de prévention, de dépistage et de prise en charge.
Remerciements
L’auteur tient à remercier tous les contributeurs sans lesquels ce texte n’aurait pu être écrit :
Daniel Bailly, pédopsychiatre, PU-PH, Marseille (AP-HM)
Juliette Bloch, pédiatre et épidémiologiste, PH, Directeur du Département des maladies chroniques et
des traumatismes, InVS
Béatrice Blondel, épidémiologiste, DR2 Inserm, U149
Marie-Hélène Bouvier, épidémiologiste, DR2 Inserm, U149
Marie-Aline Charles, médecin épidémiologiste, DR2 Inserm, U780
Marie Choquet, épidémiologiste, DR2 Inserm, U669
Éric Fombonne, pédopsychiatre, CR1 Inserm, actuel titulaire de la Chaire de recherche du Canada en
psychiatrie de l'enfance et de l'adolescence à l’Université Mc Gill, Montréal
Francine Kauffmann, médecin épidémiologiste, DR1 Inserm, U780
Babak Khoshnood, pédiatre et épidémiologiste, CR1 Inserm, U149
Valériane Leroy, médecin épidémiologiste, DR2 Inserm, U593
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Qui à l’Inserm
U149 : Recherches Epidémiologiques en Santé Périnatale et Santé des Femmes (Dir. : Gérard Bréart)
U557 : Epidémiologie nutritionnelle (Dir. : Serge Hercberg) – Equipe : Nutrition, obésité, complications
métaboliques et vasculaires (responsable : Marie-Françoise Cachera)
U558 : Epidémiologie et analyses en Santé Publique : risques, maladies chroniques et handicaps
(Dir. : Hélène Grandjean) – Equipe : Pratiques en périnatalogie, handicaps de l'enfant (responsable :
Catherine Arnaud)
U605 : Epidémiologie des cancers : radiocarcinogénèse et effets iatrogènes des traitements (Dir. :
Florent de Vathaire)
U669 : Troubles du comportement alimentaire de l'adolescent (Dir. : Bruno Falissard)
U707 : Epidémiologie, systèmes d'information, modélisation (Dir. : Guy Thomas) – Equipe :
Epidémiologie des maladies allergiques et respiratoires (responsable : Isabella Annesi-Maesano)
U750 : CERMES Médecine, sciences et société : dynamiques de redéfintion (Dir. : Martine Bungener) –
Equipe : Santé publique et politiques de santé : recomposition, coordination efficience et évaluation
(responsable : Anne Tursz)
U754 : Epidémiologie environnementale des cancers (Dir. : Jacqueline Clavel)
U780 : Recherche en épidémiologie et biostatistique (Dir. : Thierry Moreau) - Equipe : Nutrition, obésité,
diabète, maladie rénale chronique (responsable : Marie-Aline Charles)
U897 : Centre « Epidémiologie et biostatistique » (Dir. : Roger Salamon) – Equipe : Epidémiologie du VIH
en Afrique : recherche clinique et de santé publique (Responsable : Fançois Dabis)
Registre des Handicaps de l'enfant de Haute Garonne (responsable scientifique : Catherine Arnaud –
U558)
Registre des Malformations congénitales de Paris (responsable scientifique : Catherine de Vigan –
U149)
Registre national des Hémopathies malignes de l'enfant (responsable scientifique : Jacqueline Clavel –
U754)
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Place et perspective des SHS dans la recherche en santé
Martine BUNGENER, DR2 CNRS
U750 : CERMES Médecine, sciences et société : dynamiques de redéfinition –
Inserm/CNRS/EHESS/Université Paris Sud 11
L’ETAT DES LIEUX
Le domaine santé –maladie est un domaine d’investigation privilégié pour les sciences humaines et sociales.
Le recours à ces disciplines s’impose du fait que si la médecine participe du développement de la société,
elle le met aussi profondément en forme, et cela est encore plus sensible aujourd'hui qu'hier. C’est au CNRS
d’abord, à l’Inserm ensuite et dans certaines universités que la politique contractuelle suscitée par la DGRST
permet, dans les années soixante - soixante-dix, l’émergence d’équipes de SHS qui s’intéressent
prioritairement à ce domaine de recherche. Les ATP CNRS et Inserm relayent ensuite ce mouvement
permettant que se constitue un premier milieu de recherche et que naissent les premières équipes CNRS
spécialisées sur ce domaine. A l’initiative de Philippe Lazar, alors directeur général de l’Inserm, une
intercommission spécialisée en sciences humaines et sociales est constituée en 1984, marquant
symboliquement l’intérêt affiché pour le développement de ces approches au sein de l’Institut et la volonté
de voir émerger des équipes de recherche propres en SHS.
Le développement des travaux en sciences sociales autour de la médecine et de la santé a ensuite
bénéficié du soutien d’appels d’offre récurrents venant notamment de la Mission Interministérielle de
Recherche et d’Expérimentation du Ministère de la Santé et du Travail (MiRe), de l’ANRS qui face à
l’épidémie de sida a fortement sollicité les chercheurs en sciences sociales, et de programmes pluriinstitutionnels tels que récemment le Programme Sciences Biomédicales, Santé et Société CNRS-InsermMiRe-DRESS (2002-2007), ou encore de l’Institut National du Cancer, .
Si la plupart des disciplines de sciences humaines et sociales (économie, sociologie, anthropologie, histoire,
sciences de l’administration, sciences politiques, philosophie des sciences, psychologie, …) se sont alors
progressivement investies dans la compréhension du domaine de la médecine et de la santé, elles ne l’ont
toutefois pas fait de manière équivalente. Et certaines restent très peu présentes. Par ailleurs les chercheurs
s’étant spécialisés sur ce domaine sont également peu nombreux, plus nombreux sont ceux qui mêlent leur
intérêt pour ce domaine avec d’autres domaines connexes ou plus englobants (le champ social)
simultanément ou successivement et ne sont ainsi qu’épisodiquement actifs sur ce domaine d’investigation.
Ce domaine de recherche est marqué par une tension forte entre approches mono-disciplinaires et pluridisciplinaires. Pionnière, la recherche en sociologie de la médecine, de la maladie et de la santé s’est
inscrite en France dans les concepts fondamentaux de la discipline sociologique. L’essor de l’économie de
la santé est concomitante à celle de la sociologie. Cependant les premiers travaux ont été menés par des
chercheurs empruntant d’emblée à plusieurs cultures scientifiques, afin d’investir dans la connaissance
empirique du fonctionnement du système de soins et de produire une connaissance systémique, pluridisciplinaire du système. De ce fait, et même si on a pu observer ensuite un retour à des travaux plus monodisciplinaires notamment en économie, les équipes et unités de recherche spécialisées sur ces thèmes
regroupent pour la plupart des chercheurs de plusieurs disciplines recréant des espaces de confrontation en
sciences sociales appliquées à la santé, et n’ont pas ou plus de discipline majoritaire.
A leur coté, on relève progressivement à mesure que le domaine se développe notamment dans le contexte
universitaire, une dissémination géographique des personnes concernées par ces thématiques et en
conséquence une individualisation des travaux menés qui relèvent de l’ensemble des sciences sociales et
humaines : l’économie et la sociologie, mais aussi l’histoire et l’histoire des sciences, les sciences juridiques
et politiques, les sciences de gestion, l’anthropologie, la psychologie.
On retrouve aujourd’hui à l’Inserm, soit 20 ans après, quatre unités ou équipes de recherche revendiquant
une approche en SHS. Créée en janvier 1986, donc la plus ancienne, le CERMES, sis sur le campus CNRS
de Villejuif, est simultanément une UMR du CNRS et une unité Inserm avec l’EHESS comme partenaire
contractuel principal de l’enseignement supérieur et l’Université Paris XI. Cette mixité Inserm-CNRS a été
initiée dés l’origine dans le cadre d’un statut ad hoc défini d’un commun accord, mais sans texte
réglementaire, entre les directions générales des deux EPST. Le CERMES qui s’est voulu d’emblée
pluridisciplinaire comprend depuis le 1° janvier 20 06 une équipe (n°4) en majorité composée d’économis tes,
issue d’une ancienne unité également mixte CNRS Inserm, le CREGAS, créée en 1988 par le professeur
d’économie Michèle Fardeau et dirigée ensuite par Gérard de Pouvourville, actuellement professeur à
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l’ESSEC. Le CERMES fait partie de l’IFR 69 Epidémiologie, Sciences Sociales et Santé Publique dont le
siège est à Villejuif et qui a lui aussi une multiple tutelle dont CNRS-INSEM-EHESS.
L’unité Inserm 912 (Sciences économiques et sociales, systèmes de santé, sociétés), dirigée par Jean-Paul
Moatti, est pour l’instant la seule unité de sciences sociales reconnue par l’Inserm en dehors de la région
parisienne. Il s’agit d’une équipe pluridisciplinaire créée en 1990 associant cliniciens (Centre de Lutte contre
le Cancer de Marseille), des épidémiologistes (Observatoire Régional de la Santé) et des chercheurs en
sciences sociales, avec en matière de disciplines concernées deux dominantes en économie et dorénavant
en anthropologie. Cette unité est rattachée à l’Université de la Méditerranée (UFR de Médecine et UFR de
Sciences Economiques et de Gestion) et associée à l’IRD mais n’a pas de rattachement CNRS. Elle fait
également partie d’un IFR en sciences sociales.
Les deux autres équipes, toutes deux situées en région parisienne, sont plus récentes. Il s’agit d’une part
d’une équipe dirigée par Didier Fassin (Inserm, Université Paris 13) récemment liée avec une unité
d’anthropologie EHESS-CNRS et donc dorénavant labellisée par les quatre institutions. Il s’agit d’autre part
d’une équipe CNRS-Inserm-Université Paris Descartes, spécialisée autour des questions de santé mentale
et psychiatrie, avec une dominante en sociologie, sous la responsabilité d’Alain Ehrenberg.
Cette diversité institutionnelle est d’abord le fruit des opportunités locales et des relations historiques et
personnelles de collaboration entre individus et équipes et non pas d’un plan de développement concerté
même si le rapprochement CERMES CREGAS s’est opéré volontairement sur une incitation du CNRS et si
une démarche de rapprochement est actuellement en cours entre le CERMES et le CESAMES.
Parmi les autres sites où sont produits des travaux relevant de ce domaine de recherche, on peut citer le
Laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail, unité CNRS à Aix-en-Provence, le LABORES, unité
CNRS à Lille, et certaines équipes de l’IFRESI, Institut de recherches en sciences sociales également à
Lille, l’Université de Toulouse, de Paris X Nanterre, de Paris Nord, de Dijon, de Rouen, le Centre de
Sociologie des Organisations, le GREQAM/IDEP à Marseille, le Graphos à Lyon, le Centre de Gestion
Scientifique de l’Ecole des Mines à Paris, …
QUELLES ORIENTATIONS DE RECHERCHE EN SHS DE LA MEDECINE ET DE LA SANTE ?
Quand les sciences sociales commencent à s’intéresser à la médecine, au milieu du XXème siècle, celle-ci
est dans un mouvement de développement de ses connaissances et des ses moyens d'intervention sur les
individus et les populations qui lui donnent, et de plus en plus, une place considérable dans nos sociétés.
Liée aux développements de la science, elle représente alors l'image même des apports du progrès et
incarne l'espoir de vies meilleures dans un monde plus juste. Son extension, soutenue par l’essor des
sciences biologiques et une efficacité technologique incontestable, repose pour partie sur un large accord
social qui, selon les pays, s’est manifesté dans le développement de différents systèmes de protection
sociale, facteurs d'entraînement de ce développement de la médecine.
Néanmoins, cet accord est depuis quelques années fragilisé par de multiples questionnements qui touchent
la plupart des aspects du fonctionnement des systèmes de santé des pays développés relatifs à l'efficience
des modes de production des soins, leurs coûts sociaux et financiers, leurs défis technologiques,
épidémiologiques et éthiques (montée des atteintes chroniques et conséquences du vieillissement ;
conditions d'exercice de la médecine ; responsabilité des professionnels ; autonomie aux "usagers" du
système de santé ; inégalités persistantes ; intervention de nouveaux acteurs dont les médias….). Tous ces
points ont été bien sûr largement décrits et analysés par les sciences sociales depuis plusieurs années qu’ils
concernent les professions de santé et les processus de spécialisation, l’organisation et la performance de
l’hôpital, le travail médical et les formes inédites de collaboration d'acteurs spécialistes variés telles qu'on
peut les observer dans les réseaux de santé et les filières de soins, l’implication croissante des profanes
dans les prises en charge, les représentations de la santé et de la maladie, l’expérience des malades… Et,
ces travaux doivent être poursuivis en y intégrant des recherches approfondies sur les multiples
changements à l’œuvre dans le domaine avec une volonté d’explorer les incertitudes qui pèsent sur les
transformations des rapports entre médecine-société.
Dans cette perspective, un effort de recherche devrait porter sur les transformations de la place des malades
et de leurs entourages dans les processus de soins eux-mêmes ou face au développement de la médecine
prédictive, et dans les prises de décision qui les concernent (choix thérapeutiques, y compris d'arrêt
thérapeutique éventuel, mais aussi modalités et lieux de vie : long séjour, domicile, USP…). La question
centrale ici est celle de l'information.
Il s’agit aussi d’analyser les multiples effets induits par l’accroissement des capacités d‘intervention sur le
vivant, “ la maîtrise de la génération ” et le développement des biotechnologies qui leur sont liées, qui, audelà du thème de l’appropriation du vivant, à travers de nouvelles pratiques thérapeutiques autour des
corps, bousculent nos représentations de la nature et de l’humain, les définitions mêmes de la personne
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mais aussi les grandes catégories anthropologiques de nos cultures (vie, mort, filiation, identité, plaisir,
douleur…), ébranlant certaine dimensions fondatrices de l’ordre social (par exemple les rapports de
parenté).
Il reste également important d’étudier les transformations induites par les formes inédites d’intervention des
pouvoirs publics que représente la mise en place de nouvelles institutions de décision et de contrôle dans le
secteur de la santé (agences régionales d’hospitalisation, agences spécialisées, institut de veille
sanitaire…).
La plupart des travaux menés jusqu’ici relèvent de domaines disciplinaires distincts et plus encore de
registres d’interrogation cloisonnés et très spécialisés. Mais nombre de ces interrogations qui sont
essentiellement posées de façon dispersée soit en termes financiers, en termes organisationnels ou
technologiques, ou en termes bioéthiques, touchent plus largement à la question des formes de solidarité
sociale que l’on souhaite dans une société, et mettent notamment en cause la manière de traiter des
inégalités sociales. En effet, le fonctionnement de la médecine est de plus en plus tendu entre deux pôles,
l’un bio-technique, l’autre médico-social, et l’existence même de cette tension interroge certains fondements
de nos sociétés, et en particulier leurs formes de domination et de solidarité. Il faut mieux comprendre
quelles personnes, ou quels groupes sociaux, accèdent plus facilement que d’autres ou dans de meilleures
conditions, aux bénéfices potentiels des nouvelles possibilités thérapeutiques, ou sont plus exposés que
d’autres aux différents risques ouverts par leur utilisation. Cette situation entraîne la nécessité d’opérer des
choix sociaux et politiques que les sciences sociales se doivent d’analyser. Il ne s’agit d’ailleurs au bout de
compte rien de moins que de décider : A qui sont nos vies ? Qui en est responsable ? À qui appartient-il de
les gérer ? Comment ? Et quelles formes de solidarité établir entre les personnes et entre les groupes
sociaux? C’est au final la question de la délimitation sociale du mandat de la médecine qui est ouverte :
quelle médecine veut-on ? et inséparablement quelle société veut-on ?, et à laquelle l’ensemble des
sciences sociales peuvent et doivent apporter leur concours en tentant d’ordonner l’ensemble des réflexions,
actuellement dispersées, portant sur la médecine et notre avenir. Il restera –et c’est un des défis les plus
lourds de risque pour l’avenir de notre société– à débattre collectivement de qui peut, sans en perdre la
dimension humaine, formuler ces choix et de qui en décide.
Trois lignes de recherche parmi d’autres
Ce questionnement global permet de situer les multiples enjeux qui conduisent à mobiliser les approches et
outils des sciences sociales pour tenter de déchiffrer les relations complexes entre médecine et société mais
aussi celles qui se déploient à l’intérieur des institutions de santé ou dans le champ particulier de chaque
pathologie qu’il s’agisse des cancers, des atteintes chroniques dégénératives ou encore de maladies rares,
… qu’on les aborde au niveau collectif, au niveau des pratiques et des institutions ou au niveau individuel
selon les problématiques privilégiées. Un exercice de prospective face à une communauté de recherche trop
restreinte en regard de l’ampleur des questions posées, exige néanmoins de décliner de façon un peu plus
précise un certain nombre de lignes de questionnement ainsi que les lacunes repérables sans que les choix
ainsi opérés s’imposent sans conteste. Dans cette perspective, on pourra se reporter encore de façon utile
au rapport de conjoncture établi par le précédent conseil scientifique de l’Inserm sous la présidence du
Professeur Pierre Corvol dont un certain nombre d’axes de recherche proposés sous la rubrique Médecine
et Société reste encore largement d’actualité.
On listera ici sans en postuler l’exhaustivité un certain nombre de thèmes qu’on ne peut éluder aujourd’hui et
qui justifient un renforcement des travaux de recherche à leur consacrer dans le cadre d’une institution
comme l’Inserm et de son département de recherche en santé publique. Bien sûr la plupart de ces thèmes
isolés pour la commodité du propos sont comme on l’a écrit plus haut sont liés et se recoupent donc
largement.
Une première ligne de recherche devrait s’intéresser à la médecine elle-même et à ses pratiques de
recherche comme de soins, bousculées aujourd’hui par l’accroissement continu de ses savoirs et des
technologies induites et par des exigences fortes d’efficacité, enserrées plus étroitement dans des
contraintes financières et des normes d’activité et écartelées entre des attentes très diversifiées renvoyant
d'un côté à une logique scientifique, de l'autre à une logique sociale. Au-delà des questionnements
politiques, éthiques et économiques autour de l’appropriation du vivant, c’est l’extension de la notion même
d’intervention médicale et ses conséquences pour les personnes qui sont à réinterroger, qu’il s’agisse des
possibilités technologiques nouvelles qui visent non plus à réparer ou contrôler les corps mais à les
transformer jusqu’à y inclure de nouvelles propriétés souhaitées, ou de la réponse médico-sociale aux
différentes formes de vulnérabilité sociale.
La médecine au service d’une vie de qualité ? C’est également l’information et la place des malades ou
usagers, la transformation des rapports médecins-malades, les modes de communication et de diffusion des
connaissances scientifiques et médicales, la diffusion des normes de bonnes pratiques, l’application des
NTIC à la prévention des risques et à la prise en charge des pathologies et leurs conséquences sur la
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pratique médicale. Il faut noter ici la faiblesse notoire en France d’un champ de recherche, vivace au
contraire dans la plupart des pays anglo-saxons, dénommé généralement Health services research qui
privilégie les approches évaluatives et dont il importerait de soutenir l’émergence comme cela démarre
lentement pour la recherche en médecine générale. Cette ligne de travaux renvoie également à des travaux
de nature plus économique évoqués par Gérard de Pouvourville.
Une seconde ligne de recherche ne peut négliger des travaux portant sur les patients, les conséquences des
transformations démographiques (vieillissement de la population) et épidémiologiques, et les évolutions
sensibles du paysage pathologique (maladies chroniques, maladies neuro-dégénératives, nouvelles
pathologies infectieuses, formes diverses d’expression du mal-être et de souffrance psychique), l’émergence
de nouveaux groupes à risque, l'augmentation du nombre d'individus handicapés ou dépendants mais aussi
les revendications de démocratie sanitaire, de droit des maladies et le rôle accru des associations. Il n'y a
pas, médicalement et socialement, de règles, de savoir-faire établis, voire même de connaissances
stabilisées disponibles pour prendre en charge les très grands vieillards et leur entourage, les personnes
toxicomanes en marge de toute intégration sociale, les personnes atteintes d'une maladie d'Alzheimer et leur
famille, des individus jeunes sans emploi et sans domicile et dont l'état de santé physique et mentale est
menacé, ou encore des personnes dont le risque statistique de voir s'exprimer une différence génétique
bouleverse leur rapport à eux même, à leur futur et à leur choix de vie, etc. Le chantier de travaux à mener
est immense. On rejoint ici les travaux à poursuivre sur les inégalités de santé.
Enfin les disciplines de SHS sont également partie prenante de toutes les interrogations autour des risques
pour la santé, qu’ils relèvent des conduites et comportements à risques, ou de l’environnement, des
politiques de prévention et des modes de gestion collective de tels risques. Elles se situent alors en
interaction forte avec toutes les disciplines qui concourent à la recherche en santé publique tout en devant
centrer plus particulièrement leurs efforts sur l’analyse des mutations qui marquent le domaine de la santé
publique, la porosité de ses frontières, la multiplication des institutions et des acteurs concernés, les formes
de gouvernance et de délibération qui s’y déploient sans en négliger les aspects rétrospectifs et historiques.
Organiser un soutien institutionnel incitatif au développement de ces recherches.
Ce domaine de recherche des SHS intéressées à la santé et à la médecine dans sa configuration présente
ne peut vivre de façon pérenne que dans un rapprochement délibéré de l’Inserm et du CNRS-SHS et par la
mise en place d’un cadre institutionnel d’échanges réguliers et d’incitation en faveur de la recherche en
sciences sociales dans le champ de la médecine et de la santé. Dans cette perspective, l’incitation à la
création d’un ou deux centres de recherches communs aux deux EPST permettrait une visibilité accrue de
ce domaine mais aussi de la volonté de coopération des acteurs de la recherche sur ces thèmes. Enfin, à
moyen terme, la possibilité de constitution d’une intercommission commune au CNRS et à l’Inserm, évoquée
depuis quelques années par la communauté concernée validerait cette démarche tout en permettant de
rapprocher les cultures différentes de l’évaluation entre les deux organismes.
Qui à l’Inserm ?
U611 : Centre de recherche Psychotropes, Santé mentale, société - CESAMES (Dir.: Alain Ehrenberg)
U723 : Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique (CRESP) (Dir. : Didier
Fassin)
U750 : CERMES Médecine, sciences et société : dynamiques de redéfinition (Dir. : Martine Bungener)
U912 : Sciences Economiques & Sociales, Systèmes de santé, Sociétés (SE4S) (Dir. : Jean-Paul
Moatti)
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Respiratoire – Allergologie
Francine KAUFFMANN, DR1 Inserm
U780 : Recherche en épidémiologie et biostatistique – Inserm/Université Paris Sud 11
DOMAINE SCIENTIFIQUE
La thématique "Respiratoire - Allergologie" comprend les maladies respiratoires obstructives chroniques
(asthme et bronchopneumopathies chroniques obstructives - BPCO) et les autres maladies allergiques,
souvent associées avec l'asthme.
Un problème de santé publique
Les maladies respiratoires obstructives représentent des enjeux majeurs en termes de santé publique, en
termes de mortalité, morbidité, invalidité tout au long de la vie :
•
la prévalence de l'asthme et des allergies a doublé depuis 30 ans, un enfant sur 10 est actuellement
asthmatique, les causes de ces augmentations sont encore mal connues
•
les bronchopneumopathies chroniques obstructives représentent la 5ème cause de mortalité dans
les pays développés. La situation est encore plus dégradée dans les pays en voie de
développement. La mortalité et l'invalidité dues à ces affections sont en continuelle augmentation,
en lien avec le vieillissement de la population. La mesure de la fonction ventilatoire la plus ancienne,
la capacité "vitale" porte bien son nom. L'état de santé pulmonaire prédit très fortement l'état général
de la santé et la mortalité toutes causes.
•
la recherche en épidémiologie permet de définir des déterminants environnementaux de ces
affections. La survenue ou l'évolution de ces maladies peut être évitable.
•
les maladies obstructives chroniques ont des conséquences systémiques maintenant mieux
connues et l'insuffisance de la recherche dans le domaine respiratoire représente un frein à la
compréhension d'autres pathologies (déterminants communs, enchaînement des troubles
respiratoires et cardiaques, ..) et à la mise en oeuvre d'actions de santé publique globalement plus
efficaces.
Une recherche de haut niveau mais insuffisamment développée
Pourtant, le domaine respiratoire fait l'objet d'insuffisamment de travaux de recherche par rapport à leur
importance et au bénéfice que la population peut retirer de la recherche par rapport aux enjeux. Cette
question a déjà été notée en 1998 sur un plan international (Gross, NEJM). Elle perdure à l'Inserm. La
recherche en santé publique représente une proportion notable de l'ensemble de la recherche du domaine
respiratoire-allergologie conduite à l'Inserm. Elle est d'un bon niveau mais devrait être fortement développée.
Une visibilité insuffisante
Le manque de visibilité des travaux réalisés dans le domaine respiratoire est un frein au développement de
la discipline. Dans le rapport annuel de l'Inserm, les pathologies respiratoires ne sont pas représentées.
Elles sont regroupées d'une manière non explicitée avec d'autres affections. Ces aspects de communication
posent des problèmes tant sur le plan national que sur le plan européen. Ainsi les pathologies obstructives
ne sont souvent au mieux que dans les "etc... " des maladies chroniques, ce qui pose des problèmes pour
les appels d'offre publics, associatifs ou dans le FP7. Outre la grande insuffisance d'appel d'offres
spécifiques, ce manque de visibilité n'est pas attractif pour les jeunes chercheurs.
THEMES DE RECHERCHE
Poursuivre les recherches en cours sur l'asthme et les allergies : différentes équipes Inserm conduisent
des recherches approfondies sur ces thèmes dans divers programmes importants centrés sur ces affections
(ECRHS (étude européenne sur la santé respiratoire), ISAAC (international study on asthma and allergy in
childhood), EGEA (étude épidémiologique sur les facteurs génétiques et environnementaux de l'asthme) ou
par le développement de travaux dans des études plus généralistes (EDEN, E3N, PAQUID,.. ). Le
développement parallèle de ces deux types d'études (spécialisées et participation à des études généralistes)
parait fondamental en raison de la redéfinition prochaine possible des entités cliniques (voir ci-dessous).
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Développer des recherches sur les BPCO actuellement insuffisantes en France. Alors qu'il y a 15 ans,
les travaux de recherche en épidémiologie portaient presque exclusivement sur les BPCO, la situation s'est
maintenant inversée et presque tous les travaux portent sur l'asthme. Des études sont à conduire sur les
BPCO, des maladies encore mal comprises au delà de "l'évidence" tabagique. La compréhension des
déterminants des exacerbations fait maintenant l'objet de travaux épidémiologiques à l'étranger. Favoriser la
réalisation de la mesure de la fonction ventilatoire dans les études généralistes (= études épidémiologistes
non centrées sur les maladies respiratoires) : un questionnaire est insuffisant. Ce type d'investigation doit
être conduit chez tous les sujets ou au moins par des études nichées dans les cohortes et la constitution de
collections biologiques. Ceci est fondamental chez l'adulte en raison des BPCO dont la définition est
fonctionnelle.
L'approche vie entière est à développer dans le domaine respiratoire et allergique. Il faut considérer les
différents âges de la vie, de la petite enfance à la vieillesse. Actuellement toutes ces périodes ne sont pas
couvertes. La période in utero et de la petite enfance sont considérées comme des périodes critiques
(maturation immunologique notamment), la fin de l'adolescence et la vieillesse comme des périodes
sensibles. Il y encore à gagner dans de nouvelles études de cohortes mère enfant démarrant durant la
grossesse avec une caractérisation environnementale et phénotypique très approfondie sur le plan
respiratoire et allergique. L'augmentation de la prévalence de l'asthme en particulier chez l'enfant depuis 30
ans va bientôt entraîner une modification de l'histoire naturelle des BPCO, maladies de l'adulte qui vont plus
souvent survenir chez des individus ayant eu un asthme dans l'enfance qu'auparavant. Il y a besoin d'études
dans des populations âgées afin de mieux appréhender les BPCO, avec prise en compte des comorbidités.
Les effets cohortes et la nature fondamentalement longitudinale de la survenue et de l'évolution du trouble
ventilatoire obstructif nécessitent des études longitudinales d'envergure portant sur différents âges de la vie.
Conduire des recherches pour comprendre les réticences du corps médical à réaliser des mesures de la
fonction ventilatoire. Cette question est importante en termes de santé publique et la réponse classique
technique pourrait être limitée. Les apports des sciences sociales seraient intéressants sur ces questions
de mise en pratique des connaissances.
Conduire des recherches approfondies sur différents facteurs environnementaux, en considérant tout à la
fois les facteurs délétères que ceux potentiellement protecteurs. Une phase essentielle de ces travaux est à
conduire dans les 5 ans à venir et la recherche internationale est très active sur ces questions. De nouvelles
hypothèses ont vu le jour ces dernières années (rôle protecteur des contacts avec les animaux de ferme,
nocivité des produits de nettoyage, etc..) et il ne faut pas attendre pour améliorer ces connaissances
pouvant avoir un impact important en santé publique. Des travaux sont à conduire sur le rôle des risques
professionnels, la pollution atmosphérique, l'alimentation (3 types de facteurs ayant changé notoirement
depuis 30 ans). Si l'étude des risques professionnels et la pollution atmosphérique sont relativement
classiques en raison de la porte d'entrée aérienne des expositions, la période la plus récente a vu
l'émergence d'hypothèses nouvelles dans le domaine de l'alimentation, des aspects métaboliques /maigreur
/obésité, du rôle de l'activité physique. Il faut préciser le rôle de ces différents factions, mieux comprendre les
effets immédiats et tardifs de l'environnement de la petite enfance (notamment environnement
fermier/hypothèse hygiéniste), analyser les interactions de ces facteurs entre eux et avec le tabagisme.
Prendre en compte de façon spécifique la question des fenêtres d'exposition. Les expositions
environnementales agressant le poumon ont notoirement changé. Les risques professionnels majeurs ne
sont plus les poussières de charbon. L'asthme professionnel est la première maladie respiratoire
professionnelle et le cortège des produits chimiques inhalés est encore très insuffisamment étudié. Il faut
conduire des recherches pour comprendre les différences de sexe (biologie) et de genre (socio-culturel)
pouvant expliquer la distribution très différente des maladies respiratoires selon le genre durant la vie. Des
travaux sur les facteurs socio-culturels (niveau d'études, catégories socioprofessionnelles) sont à conduire
dans ces affections tant en ce qui concerne la survenue que l'évolution (exacerbations, prise en charge).
- Conduire des recherches approfondies en épidémiologie génétique et étudier les interactions avec les
facteurs environnementaux (voir ci-dessous)
- Intégrer de façon plus systématique une approche biologique dans les études d'épidémiologie
respiratoire afin de disposer des collections biologiques nécessaires pour le développement à venir de la
protéomique. Certaines études vont pouvoir participer à ce type de recherche, avec des études
d'expression, des approches de biologie des systèmes. Pour d'autres études épidémiologiques moins
analytiques, des travaux en aval doivent pouvoir être conduits afin d'améliorer les définitions phénotypiques
et apprécier dans des populations générales l'impact en termes de santé publique des résultats obtenus par
les études très spécialisées.
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STRATEGIES DE RECHERCHE
Intégration multidisciplinaire
Le développement prometteur des approches génomiques actuelles (études d'associations à large échelle
en particulier) laissent penser que dans les deux ans à venir de nouveaux gènes suggérant de nouvelles
voies physiopathologiques pourront être mis en évidence. Immédiatement, le problème de l'excellence des
caractérisations phénotypiques se pose pour comprendre le rôle de ces gènes et déterminer les sous
phénotypes pertinents. On peut considérer que cette phase (en cours) nécessite une multidisciplinarité, ou
plutôt une approche interdisciplinaire où l'épidémiologie a un rôle clé à jouer. Cette phase d'intégration
interdisciplinaire parait essentielle et il faut développer des collaborations avec des cliniciens, des
biologiques, des généticiens, des épidémiologistes travaillant sur d'autres maladies que les affections
respiratoires. Les approches intégrées sont difficiles : il y a besoin de faire comprendre l'apport de
l'épidémiologie analytique dans ces processus de déconstruction/reconstruction des entités cliniques.
L'enthousiasme actuel sur des avancées en génétique doit entraîner une vigilance sur les besoins d'équipe
d'épidémiologie et de santé publique - si un soutien et un développement des équipes existantes avec des
jeunes formés sur plusieurs disciplines ne surviennent pas, les équipes françaises perdront toute chance de
travaux compétitifs.
Disposer des crédits nécessaires pour pouvoir envisager l'introduction en
nouvelles techniques d'investigation (expectoration induite, études
d'imagerie). Les études épidémiologiques dans d'autres domaines (cardio
phénotyper des sujets avec les techniques les plus avancées. Il faut qu'il
respiratoire.
épidémiologie respiratoire de
immunologiques, techniques
- neuro par exemple) ont pu
en soit de même sur le plan
Les avancées de la génomique et les recherches post génomiques vont probablement entraîner dans les 5
ans à venir une redéfinition des phénotypes/entités cliniques. Un intérêt va se développer pour des
travaux portant plus sur certains mécanismes physiopathologiques (par ex stress oxydant, inflammation,
maladies de la barrière épithéliale, ..) qu'avec une démarche spécifique "d'organe". Alors qu'il y a 20 ans, il y
avait un manque d'épidémiologistes spécialisés dans ce domaine clinique, il y a maintenant deux besoins
complémentaires : 1) un besoin "d'épidémiologistes respiratoires" au sens originel connaissant très bien les
maladies et 2) un besoin d'épidémiologistes généralistes, capables d'être des acteurs de recherche dans
cette phase de redéfinition des phénotypes, conduisant à des travaux sur de nouvelles entités cliniques.
La place essentielle de l'épidémiologie respiratoire dans l'épidémiologie environnementale
Les voies aériennes sont une porte d'entrée majeure des agents environnementaux et "traditionnellement"
l'épidémiologie respiratoire et allergique s'intéresse aux facteurs environnementaux. Le manque d'intérêt
pour ces affections vient notamment du fait que l'épidémiologie environnementale, domaine majeur de santé
publique est insuffisamment développée et reconnue. La période à venir offre de nouveaux défis dans le
domaine. Avec la phase probable de redéfinition des maladies, un besoin massif avec une orientation de
santé publique va probablement survenir avec un très fort développement des travaux sur les facteurs
environnementaux. Ces travaux pourraient, après la phase exploratoire encourageante de la génomique,
avoir une phase exploratoire très forte à la recherche de nouveaux risques après cette phase de redéfinition
des maladies. La société aura probablement une demande sur de telles orientations. Après donc une phase
"d'excellence respiratoire et méthodologique", l'épidémiologie dans le domaine respiratoire-allergologie aura
peut être bien besoin d'une phase "d'excellence environnementale". Il n'y a pas lieu d'attendre pour
s'intéresser à l'environnement (et entre autres conduire des travaux pour en améliorer sa caractérisation à
des fins de recherche), mais on peut s'attendre à un développement très fort dans les 10 ans à venir en
raison de la conjonction de l'intérêt scientifique après la phase des progrès de la génomique et de la
demande sociétale sur ces questions. L'épidémiologie respiratoire aura une place essentielle dans cette
"phase environnementale". D'ici 10 ans, on peut penser que l'épidémiologie environnementale devrait
disposer de moyens de l'ordre de ce qui a été mis dans la génomique, car à ce moment là les cartes seront
"redistribuées" (cad les maladies redéfinies).
Interactions gènes –environnement
Par analogie avec la notion de gène candidat (gène pour lequel la littérature suggère des hypothèses
spécifiques à tester), on peut parler d'interactions candidates. Celles-ci peuvent être définies comme le
test d'une hypothèse concernant un facteur environnemental particulier en relation avec la fonction (ou
éventuellement le locus) connue d'un gène donné (par exemple l'endotoxine pour CD14, qui est son
récepteur), ou concernant un gène donné en relation avec le rôle connu d'un facteur environnemental donné
(comme le tabac ou l'ozone). Les premiers types d'étude sont des études d'interaction gène x
environnement (terme habituel). On peut nommer les autres interactions environnement x gène pour
souligner que le point de départ de la recherche est le facteur environnemental. En épidémiologie
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respiratoire, des travaux sont à conduire par les deux approches et en particulier selon la deuxième en
raison du caractère environnemental des affections.
Il serait souhaitable que ces travaux de recherche bénéficient de l'apport des sciences sociales afin
d'appréhender de façon pertinente l'ensemble des questions éthiques et sociétales posées par la
problématique et les résultats de ces travaux.
EQUIPES DE RECHERCHE
Renforcer les équipes existantes pour qu'elles aient une masse critique - Des contrats significatifs sont
nécessaires. Ils ne peuvent remplacer les besoins en personnel pérenne.
Poursuivre l'intégration européenne afin d'atteindre la masse critique des études et des équipes. Il est à
noter qu'à l'Inserm, toutes les équipes impliquées dans le domaine respiratoire- allergologie" ont déjà une
forte intégration européenne, incluant des études communes avec réelle intégration des travaux depuis 10
ans et la création récente d'un laboratoire européen associé.
Former la génération à venir d'épidémiologistes respiratoires : attirer des jeunes scientifiques et orienter
la recherche médicale et en santé publique de façon plus globale vers l'épidémiologie respiratoire.
L'attractivité du domaine porte d'une part sur les possibilités de mettre en évidence de nouveaux facteurs
de risque/protecteurs de ces affections : expositions professionnelles, habitudes alimentaires, activité
physique, pollution atmosphérique, environnement fermier, facteurs sur lesquels (en plus du tabac) on peut
agir et être efficace d'un point de vue de santé publique. Sur le plan analytique, les approches vie entière,
les interactions entre les différents facteurs environnementaux et génétiques, la redéfinition des phénotypes
sont porteurs de défis intellectuels nécessitant des approches nouvelles.
La période à venir va nécessiter le renouvellement des seniors du domaine à l'Inserm. Rendre attractif le
domaine pour attirer des jeunes, donner rapidement les conditions d'une autonomie scientifique pourrait ne
pas être suffisant. Il y a besoin de plus d'épidémiologistes expérimentés dans le domaine en raison de
l'augmentation de son importance en santé publique et des avancées majeures que l'épidémiologie et la
recherche en santé publique peuvent apporter sur ces questions. La réorientation de seniors français ou
étrangers pour les attirer à l'Inserm dans ce domaine de plus en plus passionnant scientifiquement pourrait
se faire à partir de deux orientations. D'une part en rendant attractif le domaine à ceux ayant déjà une
expérience dans d'autres maladies chroniques, d'autre part chez ceux ayant une expérience en
épidémiologie environnementale. Il va y avoir besoin d'épidémiologistes généralistes (au sens tant de
la méthodologie que de ce qu'on entend dans la médecine interne) pour faire face aux questions de la
redéfinition des maladies vers des grands processus physiopathologiques et d'autre part au développement
de l'épidémiologie environnementale en lien avec la demande de la société, la place des aspects
respiratoires et les questions d'interaction gène environnement pour les nouvelles entités cliniques qui
pourraient être définies, comme exposé plus haut.
Qui à l’Inserm ?
U700 : Physiopathologie et épidémiologie de l’insuffisance respiratoire (Dir : Marina Pétrolani)
Equipe : Epidémiologie des allergies respiratoires et des BPCO : étiologie, histoire naturelle et prise en
charge (responsable : Mahmoud Zureik)
U707 : Epidémiologie, systèmes d'information, modélisation (Dir. : Guy Thomas) - Equipe :
Epidémiologie des maladies allergiques et respiratoires - EPAR (Responsable : Isabella Annesi-Maesano)
U780 : Recherche en épidémiologie et biostatistique (Dir. : Thierry Moreau) - Equipe : Epidémiologie en
pneumologie et immunoallergologie (responsable : Francine Kauffmann)
U823 : Institut d’oncologie/développement Albert Bonniot de Grenoble (Dir. : Christian Brambilla) –
Equipe : Epidémiologie pronostique des cancers et des affections rares (responsables : Jean-François
Timsit, Valérie Siroux, Isabelle Pin)
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Santé mentale – psychiatrie
Anne M. LOVELL, DR2 Inserm
U611 : Centre de recherche Psychotropes, Santé Mentale, Société - CESAMES –
Inserm/CNRS/Université Paris Descartes
Dans le domaine de la santé publique, la recherche contemporaine, locale aussi bien qu’internationale, pose
en principe que la santé publique ne peut se réduire à un modèle médical mais doit être comprise
globalement, c'est-à-dire à travers une approche à la fois pluridisciplinaire, politique, orientée vers l’action
collective, et théorique autant qu’appliquée. La santé publique s’intéresse à la prévention des maladies et
aux soins médicaux pour toute la population, et elle est donc concernée par les disparités devant la santé
qui apparaissent à plusieurs niveaux : conditions de vie, contexte social, et accès aux soins...
A l’intérieur de ce domaine, la santé mentale, la psychiatrie, et les addictions ont leur spécificité propre. Les
dimensions sociales et morales y sont présentes de façon plus accusée que, par exemple, dans les
maladies infectieuses et contagieuses (les grippes, le sida) ou chroniques (les cancers) avec des
implications différentes. En outre, les frontières entre le social et la santé mentale à strictement parler sont à
la fois instables et poreuses. La recherche en santé publique doit donc, ici plus encore, tenir compte non
seulement des résultats obtenus dans les sciences de base, de l’épidémiologie et des connaissances
cliniques, mais aussi cheminer en contact étroit avec les sciences sociales : histoire, anthropologie,
sociologie et autres disciplines. C’est à partir de ce point de vue que nous envisagerons les grands enjeux
pour les cinq prochaines années, et que nous présenterons ensuite les perspectives à plus long terme dans
le cadre international.
LES GRANDS ENJEUX DU DOMAINE DANS LES 5 ANS A VENIR (REALISATION PROBABLE)
Recherches axées sur des groupes ou des troubles sur lesquels on sait peu de choses en France.
Certaines recherches en santé publique, adaptées au contexte local, peuvent ne pas avoir la même
pertinence ailleurs. C’est la raison pour laquelle la hiérarchisation prioritaire des problématiques, des
groupes et des troubles qui feront l’objet de recherches à l’Inserm doit être décidée dans un cadre français
aussi bien qu’international. Voici une liste (non exhaustive) des questions que nous avons définies comme
réclamant une attention immédiate en ce qui concerne la santé publique en France :
•
les addictions et l’utilisation problématique de substances psychoactives dans des populations
considérées comme socialement intégrées
•
l’utilisation de substances (alcool, drogues, médicaments) pendant et après la grossesse et leurs
effets sur les nouveau-nés et les enfants au cours de leur développement
•
le dopage
•
la recherche d'amélioration des performances physiques et intellectuelles
•
les addictions sans produits (jeu, internet...)
•
les troubles de l’alimentation, peu connus au niveau populationnel
•
la santé mentale et le stress sur les lieux de travail
•
la violence exercée sur soi-même (suicide, scarifications chez les jeunes, etc…) et sur les autres
•
les types d’invalidité, le handicap psychique qui accompagnent les troubles mentaux graves
•
les troubles psychiatriques émergents et les problèmes de santé mentale qui restent « informes » ou
vagues, constituant des « objets-frontières » entre différents champs, tels que la psychiatrie,
l’éducation, la criminologie, le développement humain etc…
Toutes ces questions présentent un double défi à la recherche en santé publique. Il faut non seulement les
soumettre à un processus de hiérarchisation prioritaire, mais il faut aussi les clarifier et les analyser d’un
point de vue social.
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Etat des lieux en ce qui concerne la santé mentale, les systèmes de services afférents et les
traitements spécifiques
Malgré la récolte minimale de données de routine regroupées par des agences, départements et bureaux
ministériels différents (la DREES), il n’existe pas en France un inventaire ou une base de données
permettant de faire un vrai état des lieux sur le système de soins psychiatriques et en santé mentale et
médico-sociale afférant. Or ces données sont importantes pour l’aide à la décision en santé publique,
l’information aux consommateurs, la génération d’hypothèses et de questions de recherche. Elles sont
nécessaires pour les analyses secondaires sur, entre autres, les types de patients, le recours à et l’utilisation
des services. Nous préconisons, donc, la création et le maintien de ce type de base de données, ce qui fait
partie des activités des instituts nationaux de la recherche dans certains pays.
En même temps, certains types de données ne peuvent être appréhendés à travers la collecte originale
dans le cadre d’un projet de recherche. Ceci est le cas pour :
•
les psychothérapies, modalité de soin dont nous savons très peu en France quant au nombre et
caractéristiques des thérapeutes et des patients ;
•
les nouveaux types d’interventions, d’accompagnement et de traitement pour les patients ayant des
troubles mentaux graves et essayant de vivre en dehors des centres hospitaliers et autres
institutions ;
•
le recours aux soins (y compris attentes, renonciation au bout d’une période d’attente) et le refus de
soins, pour des troubles mentaux, par les jeunes à risque (ou leurs familles), et d’autres groupes
sociaux ;
•
la sous- ou la surconsommation de thérapeutiques et leurs logiques, question traitée au niveau
international depuis quelques années, en termes à la fois de unmet need et en termes des
indicateurs (fonctionnement social, retentissement de la maladie) non strictement cliniques ;
•
les pratiques de la médicalisation, en particulier dans certaines tranches d’âge (jeunes, personnes
âgées) et groupes sociaux ;
•
les différentes pratiques d’hospitalisation sans consentement, lesquelles, en France, semblent
toujours en conflit avec les normes européennes ;
•
la description fine des pratiques en santé mentale et par rapport aux addictions ;
•
les nouvelles formes associatives chez les malades et leur entourage, les pratiques d’accès aux
informations, l’utilisation des thérapeutiques « parallèles » en matière de santé mentale.
Encourager l’émergence de méthodes adéquates pour améliorer la compréhension
problématiques en santé mentale en psychiatrie et dans le domaine des addictions.
des
Les processus qui impliquent la logique sociale (tels que les « feedbacks » en boucle entre les formes de
désocialisation, les conditions sociales et l’expression de la souffrance psychique) aussi bien que certains
problèmes nouveaux (tels que les changements dans le recours aux soins psychiatriques d’urgence, la
nature des comportements suicidaires, les atteintes au corps et la scarification chez les jeunes, les
variations dans l’expression culturelle de la souffrance, l’apparition des troubles psychiques en relation avec
des institutions telles l’école, les contextes de précarisation, etc.) demandent des approches qualitatives
fécondées selon le cas, par la sociologie, l’anthropologie, l’histoire, ou d’autres disciplines des sciences
sociales. Un rapide survol des revues internationales de santé publiques suffit à démontrer l’évolution vers
une intégration de ces approches et leur nouvelle visibilité dans la littérature scientifique. L’orientation
presque exclusivement médicale de l’Inserm peut entraver le développement d’une culture de la santé
publique à moins que cette orientation ne soit compensée par les autres disciplines auxquelles la santé
publique a nécessairement recours. Pour faire avancer l’agenda de la recherche en santé publique dans les
domaines de la psychiatrie, de la santé mentale et des addictions, et pour améliorer son positionnement au
niveau international, l’Inserm devrait renforcer ses liens avec les unités de recherche (CNRS, universités, et
structures indépendantes) spécialisées en sciences sociales, santé et médecine comme le CESAMES, le
CERMES et le CRESP).
En méthodologie quantitative, la connaissance des méthodes comme celles de l’analyse multi-niveaux, déjà
utilisées en France en épidémiologie sociale, et d’autres qui permettent de démêler les rapports entre
facteurs contextuels (distaux et proximaux) et facteurs au niveau individuel, du traitement, et l’ensemble des
phénomènes liés à la santé mentale, devraient être renforcée. La recherche évolue très vite aussi bien dans
ses structures que dans ses méthodes et ses logistiques de gestion (dont certaines sont transdisciplinaires
tandis que d’autres sont spécifiques aux champs de la santé mentale et des addictions), et l’Inserm devrait,
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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en conséquence, évaluer périodiquement les besoins en formation et allouer les ressources nécessaires
pour la formation continue de ses chercheurs.
LES GRANDS ENJEUX DU DOMAINE DANS LES 10 ANS A VENIR (perspectives plus globales)
Depuis cinq ans, plusieurs instituts de recherche en dehors de l’Inserm ont conduit des enquêtes sur la
psychiatrie et la santé mentale, soit en population générale, soit sur des populations particulières (par ex.,
les enfants). Ces enquêtes ciblent soit un problème spécifique de psychiatrie (par exemple, les troubles liés
4
à l’alimentation, la dépression) soit la santé mentale plus généralement . La question reste de savoir si ces
enquêtes sont adéquates ou suffisantes pour produire les informations nécessaires sur l’état de la santé
mentale des français et si elles peuvent contribuer à l’établissement d’une banque de données permettant
de mieux comprendre ce qui contribue à cet état. Sur la base de l’appréciation de ces études mais aussi des
besoins en santé mentale - du point de vue de la santé publique - l’Inserm se doit de décider s’il faut investir
dans une grande enquête d’épidémiologie psychiatrique, portant sur des catégories d’intérêt à déterminer, et
visant à identifier les facteurs qui contribuent à l’émergence ou à la prévalence des troubles mentaux.
L’avantage des enquêtes d’épidémiologie psychiatrique en population générale est qu’elles permettent
d’établir un baseline, une photographie sur laquelle travailler par la suite en menant des comparaisons dans
le temps. Elle se prête aussi à une description assez exhaustive de l’état de la santé mentale du pays et
permet par la suite des explorations sociologiques pour comprendre non seulement les disparités en matière
de santé mentale, de besoins et de recours au soins – actuellement beaucoup étudiés et reportés dans la
littérature internationale – mais aussi de mieux saisir le rapport entre les différents situations sociales et la
santé mentale. Ce type de projet demanderait un investissement extrêmement lourd sur le plan scientifique,
financier et des ressources humaines ; il ne serait pas réalisable en dehors d’un partenariat avec des
institutions et des réseaux au niveau national (ministères, CNRS, universités, INSEE, INED, InVS, etc.).
D’ailleurs, certains partenaires potentiels, comme, en psychiatrie, le Groupement d’intérêt scientifique en
recherche clinique épidémiologique et sociale, œuvrent déjà dans ce sens, en regroupant les données de ce
type collectées par des unités de recherche spécialisées.
Préalablement à la décision de prioriser ce type de recherche, il serait donc nécessaire de faire le bilan des
enquêtes récentes, en se fondant sur leur qualité, leurs résultats, leur pertinence pour la santé publique et
surtout leur degré de comparabilité entre elles ainsi qu’avec des enquêtes similaires européennes et de
niveau international hors l’Europe.
Dans les 10 ans qui viennent, les priorités en termes de santé mentale et santé publique peuvent changer et
les méthodes et problématiques de recherche évoluer, comme cela s’est avéré dans le domaine de
5
l’épidémiologie psychiatrique ces dernières années . Ceci n’empêche de privilégier, dès maintenant,
l’amélioration des connaissances des chercheurs, le développement et la formation en matière de
méthodologie, et les opportunités professionnelles pour les jeunes chercheurs.
LA PLACE ACTUELLE DE L’INSERM, ses forces et faiblesses, et son inscription dans un cadre
national et international, en particulier européen
Il y a plusieurs années, le directeur de l’Inserm d’alors déclara au Lancet que la recherche psychiatrique en
France accusait un retard considérable par rapport à d’autres pays. Depuis lors les questions de santé
mentale et de psychiatrie, y compris la recherche et ses implications, se sont retrouvées au premier rang des
préoccupations du public français, qu’il s’agisse de l’indignation suscitée par la révélation des souffrances
psychiques sur le lieu de travail ou parmi les nouveaux pauvres, ou de la réaction publique au travail
d’expertise collective rendu par l’Inserm à propos de la psychothérapie et surtout des troubles de
comportement chez les enfants, ou des interrogations sur les principes éthiques de la recherche
psychiatrique épidémiologique conduite auprès des écoliers. On a pu constater aussi le début de
l’émergence d’une masse critique d’épidémiologistes psychiatriques dans différentes institutions de
6
7
recherche , l’intégration les indicateurs de santé mentale dans les enquêtes en population générale ,
8
l’introduction d’études et de tableaux de bord sur la santé mentale à différents niveaux territoriales , la
9
prolifération de groupes et de réseaux de non-chercheurs qui s’intéressent à la santé mentale , et les
4
Parmi les enquêtes, citons celles de la MGEN, de l’OFDT, de l’INPES, entre autres.
Par exemple, on montrant que les taux de prévalence étaient généralement surestimés à cause de la mauvais utilisation de critères de
gravités ou de signifiance clinique, ou que certains troubles s’identifient plus facilement que d’autres par ces méthodes, ce qui biaise les
résultats.
6
Par exemple le GIS en recherche clinique épidémiologique et sociale, en psychiatrie
7
Par exemple Baromètre Santé
8
Comme certains des Observatoires Régionaux de la Santé l’ont fait
9
Telle l’Association Nationale des Villes pour le développement de la santé publique, qui place la santé mentale au centre de ses
préoccupations
5
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107/132
10
centres de recherche consacrés uniquement à la santé mentale . L’Inserm a vu augmenter (mais dans
quelle mesure exacte, cela reste à déterminer…) ses activités dans le domaine de la psychiatrie et de la
santé mentale, et l’intégration des dimensions santé mentale et problèmes liés à la consommation de
produits psychoactifs dans d’autres types de recherche (santé et travail, vieillissement, VIH, etc.) ce qui a
certainement accru la visibilité de l’Institut de façon positive.
Reste à savoir si le nombre de chercheurs Inserm travaillant dans ces domaines a augmenté, et si ces
changements ont affecté le positionnement de l’Inserm sur le plan international. Dans les archives de la
recherche de la BIR, on trouve seulement une thématique pour « addiction » et « santé publique », et
aucune pour la combinaison « santé publique » ET « santé mentale » ou « psychiatrie ». Si l’on combine les
mots-clé « addiction », « psychiatrie » et « santé publique », on obtient seulement 11 projets, pour un total
de 6 unités de recherche, IFR ou SC. Les problèmes de catégorisation peuvent être en partie responsables
de ces résultats minimes, mais il est probable que cela reflète aussi l’absence d’une masse critique de
chercheurs en relation avec le paradigme santé mentale, ou dont les recherches ont des implications
reconnues pour la santé publique. Par ailleurs le nombre de chercheurs à l’Inserm, l’EPST et les universités
qui sont formés en santé mentale, psychiatrie et/ou addictions, avec une visée de santé publique, reste
inconnu.
Une force de l’Inserm réside dans sa recherche de fond en neurosciences, qui est devenue dans les
dernières années un des meilleurs atouts de l’institution. Cependant les neurosciences ne représentent pas
la recherche en santé publique. Comment une activité de recherche en neuroscience, basée sur le
laboratoire, peut informer les orientations en santé publique reste une question en suspens.
Récemment, l’Inserm s’est aussi lancé dans l’évaluation de certains domaines d’importance en psychiatrie et
en santé publique, ce qui a donné lieu aux expertises collectives de la psychothérapie et des trouble du
comportement chez les enfants ; même si les perspectives choisies, les méthodes utilisées, et la relation
entre les experts, l’Inserm et le public laissaient beaucoup à désirer. Car il s’agit non seulement de faire
entrer la psychiatrie, la santé mentale et les addictions dans l’agenda de recherche en santé publique de
l’Inserm mais aussi de prêter attention à la gamme d’expertise retenue, de poser les bonnes questions,
d’évaluer avec exactitude l’état actuel des connaissances, d’établir la pertinence au niveau national , de
développer en outre des forums publics sur ces questions (conférence de consensus, etc.) et enfin de
promouvoir et de maintenir une authentique culture de la santé publique.
La faiblesse de l’Inserm au niveau international réside dans sa faible présence dans la littérature
scientifique, dans les domaines de la psychiatrie et de la santé mentale mais aussi dans celui de la santé
publique. La capacité à manier parfaitement, à l’écrit comme à l’oral, la langue anglaise doit être considérée
comme une priorité pour tout le personnel de l’Inserm, de même que le développement dans l’institution des
ressources en services de traduction et en formation linguistique. Une bonne maîtrise de l’anglais doit aussi
être obligatoire pour les doctorants en sciences et en sciences sociales, comme l’est la connaissance d’une
langue étrangère pour être diplômé d’une grande école ou pour obtenir la plupart des PHDs hors de France.
Cependant il conviendrait aussi que l’Inserm s’attache à analyser d’autres raisons possibles de sa faible
visibilité internationale, comme le manque de ressources permettant d’établir des collaborations
internationales, les différences entre le système français de santé publique et celui d’autres nations, en
particulier les systèmes de classification utilisés seulement en France, les variations d’un système
psychiatrique national à un autre, des types de résultats attendus, etc…
DES PROPOSITIONS SUR LES EVOLUTIONS STRUCTURELLES SOUHAITABLES
La recherche sur les services de santé (health services research) n’existe pas en tant que domaine de
recherche per se à l’Inserm, bien qu’elle existe sous cette forme dans d’autres systèmes nationaux
étrangers, comme le NIH. Une attention transversale portée sur ce domaine, ou la création d’équipes de
recherche, accompagnée par la formation de chercheurs, serait un gain important.
L’Inserm devrait développer la formation à la santé publique pour ses propres chercheurs, dans le cadre de
la formation continue, et collaborer étroitement avec les autres écoles de santé publique. En ce qui concerne
la santé mentale, qui, en France, tend à être dominée par des approches cliniques psycho-sociales, il est
important de mettre en lumière tout l’éventail des méthodologies en usage en Europe et au niveau
international, dans le but de mieux renseigner les politiques publiques.
L’intérêt, qui s’est fait récemment jour en France, aux niveaux local et régional, pour la santé mentale et les
addictions, la prolifération de la recherche-action, ainsi que l’implication accrue des consommateurs et leurs
collectifs dans ces domaines devraient inciter l’Inserm à créer des interfaces plus nombreux et plus
10
Par exemple le CESAMES (Centre de Recherche Psychotropes, Santé mentale, Société) le CNRS UMR8136, l’INSERM U611,
PARIS DESCARTES, La Fondation MGEN pour la Santé Mentale, le CCOMS de Lille, l’Observatoire National des Pratiques de Santé
Mentale et Précarité.
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dynamiques à ces niveaux de politique non-centralisée, de gestion administrative et de gouvernance
citoyenne.
Remerciements
L’auteur souhaite remercier Bruno Falissard et Philippe Lemoigne (U669), et les membres et membres
associés du CESAMES (François Beck, INPES, Xavier Briffaut, Françoise Champion, Alain Ehrenberg,
Michel Joubert, Isabelle Maillard, Chantal Mougin, Claudine Perez-Diaz, Laurence Simmat-Durand) pour
leurs suggestions écrites ainsi que le CESAMES plus généralement pour des discussions collectives de ce
texte.
QUI à l’Inserm ?
U611 : Centre de recherche Psychotropes, Santé mentale, Société CESAMES (Dir. : Alain Ehrenberg)
U669 : Troubles du comportement alimentaire de l'adolescent (Dir. : Bruno Falissard)
U675 : Analyse phénotypique, développementale et génétique des comportements addictifs (Dir. :
Philip Gorwood)
U888 : Pathologies du système nerveux : recherche épidémiologique et clinique (Dir. : Karen Ritchie) –
Equipe : Epidémiologie psychiatrique (responsables : Karen Ritchie, Philippe Boulenger)
ERI0015 : Neuropsychologie cognitive et prise en charge des troubles de la communication
schizophréniques (Dir. : Marie-Christine Hardy-Bayle)
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Santé publique internationale
Roger SALAMON, PU-PH Santé publique
U897 : Centre « Epidémiologie et biostatistique » - Inserm / ISPED - Université Bordeaux 2
DEFINITION DE L’AXE SANTE PUBLIQUE INTERNATIONALE
Préambule
Il convient de préciser que l’on entend ici par « santé publique internationale orientée vers les Pays du
Sud », le développement d’une véritable politique spécifique de recherche en santé publique internationale
qui implique à la fois des critères de thématiques, et de situation géographique certes mais également une
véritable organisation structurelle de la recherche avec des équipes, des structures et une formation à la
recherche en santé publique spécifique orientée vers les Pays du Sud.
Spécificités de la recherche en santé publique internationale
La recherche dans le domaine de la santé publique internationale orientée vers les pays en développement
se définit avec trois spécificités majeures :
•
La première est une spécificité de thèmes de recherche qui privilégie souvent les maladies
infectieuses, la santé materno-infantile, l’organisation des systèmes de soins et les sciences
humaines et sociales dans un contexte de revenus limités.
•
La deuxième spécificité tient au fait que par définition la recherche est conduite dans un ou des Pays
du Sud, hôtes de la recherche avec lesquels il convient de développer un véritable partenariat très
en amont dès la formulation des questions de recherche et impliquant les responsables nationaux
des administrations de la Santé, des comités d’éthique indépendants, des infrastructures ciblées,
des organisations communautaires et les investigateurs Sud.
•
La troisième spécificité est liée au fait que plus que partout ailleurs justement en raison de
l’insuffisance de revenus, la recherche doit tenir compte du contexte pour garantir la mise en œuvre
opérationnelle des résultats obtenus. Cette obligation d’opérationnalisation nécessite d’avoir une
approche multidisciplinaire des questions de recherche en santé publique avec un vrai partenariat
impliquant fortement les sciences humaines et sociales pour en garantir plus qu’ailleurs sa mise en
œuvre opérationnelle.
Ainsi, la recherche sur le VIH/SIDA englobe tout un cortège de problèmes complexes qui doivent être traités
de façon pragmatique dans le contexte spécifique où ils se posent : acceptabilité, faisabilité, accessibilité
des interventions, populations cibles, coût, et problèmes éthiques… Toutes ces questions illustrent
parfaitement celles de la recherche en santé publique dans les pays en développement et actuellement
conduite dans les Pays du Sud [1].
Thèmes de recherche
Les thèmes de recherche prioritaires dans les pays du Sud sont les suivants :
•
Les maladies infectieuses, avec l’infection par le VIH/Sida [2], la tuberculose, les autres maladies
bactériennes et virales avec le paludisme et les hépatites,
•
(La santé mère-enfant avec 11 millions d’enfants et 529 000 mères décédant chaque année dans le
monde, cible des objectifs du « Millenium Development Goals » à atteindre pour 2015 [3],
•
La nutrition,
•
Les maladies chroniques dont le cancer,
•
La santé mentale,
•
L’environnement,
•
L’organisation des systèmes de soins et les politiques de santé [4].
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LA PLACE ACTUELLE DE LA RECHERCHE EN SANTE PUBLIQUE INTERNATIONALE A L’INSERM
Un développement insuffisant et hétérogène
En terme de visibilité bibliométrique internationale, la production scientifique recensée sur Medline entre
1997 et 2007 sur le thème « épidémiologie et santé publique dans les pays en développement » a permis
d’identifier 6 607 articles dont seulement 105 (1,6%) impliquent l’Inserm ce qui est certainement sousdocumenté en raison des affiliations incorrectes de rattachement à l’Inserm d’une part et du manque de
visibilité des SHS sur Medline d’autre part, mais qui reste malgré tout une contribution faible dans l’absolu
sur le plan quantitatif.
Actuellement selon les données de la BIR de l’Inserm, seules trois équipes Inserm travailleraient sur la
thématique « pays en voie de développement » en 2007 : l’IFR 99 avec en son sein l’Unité Inserm 897 (ex
U593) et l’équipe VIH-Afrique. Un chercheur isolé au sein de l’ONUSIDA (B. Samb) et une équipe
d’épidémiologie, Epicentre, intégrée à l’ONG « Médecins Sans Frontières » (L Ferradini) ce qui est loin de
refléter la réalité actuelle.
Les équipes, et structures identifiées Inserm retrouvées dans la littérature scientifique et à partir des
données d’une enquête ad hoc auprès des chercheurs permettent de retrouver plusieurs équipes impliquées
dans la recherche en Santé Publique Internationale à des niveaux très divers et des degrés d’implication très
hétérogènes (Tableau 1). En effet, on peut distinguer trois types d’implications des équipes Inserm dans la
santé publique internationale qui toutes contribuent à valoriser l’Inserm :
•
celles qui ne sont pas identifiées comme travaillant dans les pays du Sud et qui développent un
projet de recherche orienté vers les pays du Sud (par exemple, l’U149 avec ses travaux sur la
mortalité maternelle),
•
celles qui ont un thème spécifique défini « Pays du Sud » (par exemple le thème de B. Auvert
développé au sein de l’Unité 687), et
•
des équipes entièrement structurées autour de la recherche en santé publique, qui portent des
projets de recherche mais également développent une politique de formation autour du thème
« santé publique internationale » avec école doctorale, et formation des chercheurs : soit
principalement trois structures: l’U912 ex U379 (JP. Moatti) , l’U897 ex U593 (R. Salamon) et l’U723
(D. Fassin).
Les thèmes de recherche abordés par les équipes de l’Inserm reflètent la spécificité du contexte : santé
mère-enfant, maladies infectieuses avec essentiellement le VIH/Sida, évaluation des politiques de santé.
Forces
Quelques équipes sont reconnues à l’Inserm dans les domaines des maladies infectieuses, de la médecine
tropicale, de la santé nutritionnelle et des sciences sociales.
Certains travaux conduits par des équipes Inserm avec le soutien de l’Agence Nationale de Recherches sur
le SIDA (ANRS) ont une bonne visibilité qualitative internationale, en particulier dans le domaine du VIH et
peuvent par exemple être retenus comme des faits marquants :
•
Auvert B, Taljaard D, Lagarde E, et al. Randomized, controlled intervention trial of male circumcision
for reduction of HIV infection risk: the ANRS 1265 Trial. PLoS Med 2005;2(11):e298.
•
Anglaret X, Chêne G, Attia A, et al. Early chemoprophylaxis with trimethoprim-sulphamethoxazole
for HIV-1-infected adults in Abidjan, Côte d'Ivoire: a randomised trial. Lancet 1999;353:1463-68.
•
Dabis F, Msellati P, Meda N, et al. Six months efficacy, tolerance and acceptability of a short
regimen of oral zidovudine in reducing vertical transmission of HIV in breast-fed children. A double
blind placebo controlled multicentre trial, ANRS049a, Côte d’Ivoire and Burkina Faso. Lancet
1999;353:786-92.
•
Fassin D, Schneider H. The politics of AIDS in South Africa: beyond the controversies. BMJ
2003;326:495-7.
•
Moatti JP, Spire B, Kazatchkine M. Drug resistance and adherence to HIV/AIDS antiretroviral
treatment: against a double standard between the north and the south. AIDS 2004;18 Suppl 3:S5561.
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Tableau 1 : Les équipes et chercheurs Inserm de la sous-commission santé publique impliquées dans la recherche en santé publique internationale orientée vers
les Pays du Sud en 2007.
Equipe de recherche
Thèmes de recherche
Pays
Sources de
financement
U149, IFR 69, Paris
Mortalité maternelle et santé périnatale
Afrique
OMS
U912, IFR134,
Marseille
Evaluation des systèmes de santé, sciences sociales
Cameroun
ANRS
Evaluation de l’initiative d’accès aux antirétroviraux
Côte d’Ivoire
Prévention des infections opportunistes et prise en charge de l’adulte infecté
par le VIH
Côte d’Ivoire
ANRS
Zimbabwe
SIDACTION
Afrique
NIH
Inserm
Inserm-IRD
U897, IFR99,
Bordeaux
Prévention de la transmission mère-enfant du VIH et prise en charge de
l’enfant infecté par le VIH
Recherche opérationnelle de santé publique
U687, Villejuif
Prévention de la transmission hétérosexuelle du VIH – circoncision
masculine
Afrique du Sud
ANRS
U723, Paris
Politique et Santé : Sida, travail, catastrophes, inégalités, politiques
Afrique du Sud, Botswana,
Rabat, Sénégal, Colombie,
Venezuela
Ecos Nord ANR,
ANRS,
DARES,
Inserm, CNRS, MiRe
Sexualité, contraception, avortement et VIH
Ghana,
Sénégal,
6
Inserm-CNRS
U822, IFR69, Le
Kremlin Bicêtre
Santé de la reproduction dans les pays en développement
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Maroc,
Amérique Latine
Sexualité et VIH
EA3694, Groupe de
Recherche sur la
Fertilité Humaine,
Toulouse
Burkina,
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Côte d’Ivoire, Cameroun
ème
PCRD
ANRS
OMS
L’ANRS représente un modèle tout à fait intéressant dans le soutien et le développement de projets de
recherche avec la constitution d’actions coordonnées sur des thèmes prioritaires permettant de dégager
les priorités de recherches, puis de mobiliser les chercheurs et les ressources nécessaires à la conduite
de véritables programmes de recherche idéalement implantés dans des sites de référence.
Enfin, la contribution des ces équipes de l’Inserm à la formulation des recommandations internationales
de l’OMS dans le domaine de la prévention de la transmission mère-enfant du VIH et de la prise en
charge des personnes infectées par le VIH est perçue comme une force dans la mise en œuvre
opérationnelle des résultats [5-6]
Faiblesses
La couverture des thèmes de recherche reste aussi hétérogène selon les acteurs impliqués. Les thèmes
comme ceux de la nutrition ou du paludisme reviennent plus à des équipes de l’IRD. D’autres comme le
VIH/Sida ou la santé reproductive sont couverts par des équipes Inserm. Mais beaucoup de thèmes
demeurent négligés en particulier ceux des maladies bactériennes dont la tuberculose, les maladies
chroniques dont le cancer, la santé mentale, les maladies cardio-vasculaires, le handicap et les maladies
liées à l’environnement. La recherche sur les politiques de santé, les systèmes de soins, les pratiques des
malades, les risques de nature environnementale ou sociale, les enjeux des maladies et des épidémies
devrait aussi être beaucoup plus développée.
Il persiste malheureusement aujourd’hui un déséquilibre trop important entre la recherche clinique,
prétexte permettant de favoriser l’accès aux soins, difficile dans les pays du Sud et le développement
d’une recherche de santé publique indispensable pour que les résultats obtenus dans leur contexte
deviennent opérationnels. Ainsi, la recherche dans le domaine de la prévention de la transmission mèreenfant demeure confrontée à des écueils malgré des progrès indéniables de la connaissance des
interventions efficaces dans le domaine. Ainsi le travail des chercheurs n’a pas été relayé au niveau
attendu par les décideurs et les responsables de programmes de santé publique à l’échelle internationale
et nationale. A l’échelle mondiale, parmi les deux millions de femmes enceintes vivant avec le VIH, 11%
(8%-15%) seulement des femmes bénéficient d’un régime antirétroviral de prévention de la transmission
mère-enfant du VIH en Afrique [7]. Une partie de ces échecs sont expliqués par le manque de recherche
sur les systèmes de soins proposant les interventions.
En termes d’organisation structurelle, le positionnement de l’Inserm n’est pas assez visible dans la
recherche en santé publique internationale pour plusieurs raisons en partie liées au manque de moyens
humains et matériels mis en œuvre et, en amont, des volontés qui les soutiennent, mais essentiellement
au manque de « leadership » sur ce thème. Les intervenants, maitres d’œuvre des programmes de
recherches sont multiples et n’ont pas toujours une politique de recherche complémentaire qui aboutit
certes à une richesse intéressante dans un contexte démuni, mais parfois dans le pire des cas à des
situations de duplication des projets ce qui est inacceptable. Ainsi les institutions partenaires des pays du
Sud, hôte de la Recherche impliquées peuvent être tour à tour l’Inserm, l’IRD, des universités, l’AP-HP,
l’Institut Pasteur, des organisations non gouvernementales, le Ministère des Affaires Etrangères, des
fondations… Il en est de même pour les chercheurs, travaillant sur le thème, qui sont aujourd’hui
majoritairement recrutés à l’IRD alors que les questions de santé sont ici prioritaires et devraient
logiquement impliquer des chercheurs Inserm, intéressés par la recherche biomédicale et la santé
publique avec une dimension internationale. Les difficultés sont considérables pour formaliser des liens
institutionnels avec d’autres équipes des autres EPST : CNRS, IRD en particulier.
Les bailleurs sont essentiellement dans le domaine du VIH/Sida : l’ANRS, Sidaction, l’Europe, et parfois
les NIH, ou des Fondations comme le Welcome-Trust, EGPAF, Fondation Clinton, Bill et Mélinda Gates.
Mais il est parfois particulièrement délicat de trouver les financements pour des thèmes émergents.
Enfin, la faiblesse de visibilité à l’Inserm traduit plus largement un déficit remarquable de formation
spécifique en santé publique internationale au regard d’autres pays nord-américains et même européens
avec également un manque de visibilité des chercheurs Inserm dans les institutions à l’échelon européen
et international.
LES ENJEUX MAJEURS DE LA RECHERCHE EN SANTE PUBLIQUE INTERNATIONALE
L’Inserm a vocation à mener, bien plus qu’il ne l’a fait jusqu’alors, une politique de santé publique
internationale. Les enjeux de la recherche en santé publique internationale dans les cinq à dix ans sont
majeurs en termes de visibilité pour l’Inserm et peuvent être illustrés dans le Tableau 2.
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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Tableau 2 : Quelques thèmes de recherche prioritaires à développer dans les 5 à 10 ans en santé
publique internationale
Thèmes de recherche à développer
dans les 5-10 ans
Type de recherche
Objectifs de recherche
Epidémiologie descriptive
Décrire l’importance du
Place des maladies chroniques, des
problème et les causes de
cancers, des accidents, des maladies liées
morbidité et de décès dans les
à l’environnement
différentes populations
Epidémiologie étiologique
Comprendre les déterminants
de la santé
Développement et
évaluation d’interventions
Développer des interventions
efficaces et bien tolérées
Proposer les meilleures
stratégies pour améliorer la
santé
Etiologie de la morbidité
Etiologie des cancers
•
Diagnostic et traitement de la
tuberculose et des maladies
bactériennes
•
Nutrition
•
Vaccin préventif ou curatif (antiVIH/sida), anti-paludisme
•
Microbicides
Accès aux antirétroviraux
Impact et évaluation
d’interventions
Mesurer l’impact des
interventions mises en œuvre
Systèmes de santé
Organisation des systèmes de soins
Améliorer l’efficience et
l’applicabilité des interventions Compréhension des déterminants des
efficaces
pratiques et des politiques
Politiques de santé
Analyser et surveiller la mise
en place et la généralisation
des interventions de santé
publique
Couverture du Programme Elargi de
Vaccination
Mobilisation communautaire
« Marketing social »
PROPOSITIONS ET EVOLUTION STRUCTURELLES SOUHAITABLES
Le véritable enjeu consiste à développer activement une politique de recherche de santé publique
internationale telle que définie dans le préambule. Plusieurs axes sont fondamentaux pour promouvoir
cette recherche en santé publique internationale à l’Inserm :
1. Il faut faire reconnaître aux instances dirigeantes de l’Inserm la priorité que doivent être la recherche
en santé publique et sa mise en œuvre internationale.
2. Il faut repositionner la recherche en santé publique dans la perspective de la mise en œuvre
opérationnelle des interventions évaluées qui nécessite de promouvoir plusieurs aspects :
•
Cette recherche opérationnelle doit être développée en faisant évoluer les méthodes : schéma
d’étude pour évaluer des interventions complexes impliquant des méthodologistes,
épidémiologistes.
•
Il faut faire évoluer les outils : cohortes, base de données des indicateurs de santé.
•
Il faut également développer une recherche multidisciplinaire et interdisciplinaire et contextuelle
impliquant à la fois la recherche clinique et les SHS.
3. Dans les pays du Nord, il faut :
•
Améliorer les compétences en santé publique internationale dans les études médicales et les
autres formations en santé publique en France.
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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•
Transposer l’expertise de la formation à la recherche acquise dans les Pays du Nord dans les
sites du Sud pour former aux métiers de la recherche : techniciens, moniteurs, chercheurs.
4. Il faut promouvoir une formation à la recherche clinique et de santé publique des chercheurs des pays
du Sud sans contribuer à la fuite des cerveaux :
•
Faciliter les conditions d’accueil de chercheurs étrangers.
•
Proposer la création de véritables sites de recherche (unité inserm, ou équipe) permettant une
formation à la recherche clinique et de santé publique in situ et répondant aux mêmes critères
d’évaluation scientifique qui président à l’excellence que ceux existant à l’Inserm. Par exemple, le
MRC a ainsi délocalisé deux équipes de recherche en Afrique, en Gambie et en Afrique du Sud
[8].
•
Promouvoir l’enseignement à distance et la formation in situ des professionnels de santé publique
dans les pays du Sud.
5. Il est capital de développer un réseau actif et décloisonné de chercheurs au sein des différentes
institutions de recherche impliquées et des partenaires en liens avec les autres EPST, l’Institut de
Recherche et Développement, le CNRS, l’Institut Pasteur, l’Inra, l’InVS, les ONG, et les différents
organismes onusiens. L’Inserm pourrait jouer ici un rôle fédérateur et
•
Organiser des séminaires de recherche ou universités d’été.
•
Produire des plaquettes de communication sur les activités propres à l’Inserm sur cet axe vers les
autres acteurs ou possibles bailleurs nationaux (ANRS, ANR, MAE, DGS, …), européens et
internationaux.
•
Lancer des appels à projets ou favoriser la structuration des équipes susceptibles de répondre à
des appels à projets de bailleurs internationaux.
•
Participer à l’élaboration des priorités de recherche au sein des institutions bailleurs de
fonds autre que l’ANRS : Europe, ANR, fondations, pour conserver des ouvertures possibles à
des thèmes émergents.
6. Pour conclure sur le plan structurel, il convient aujourd’hui de fédérer et partager activement les
compétences au sein des différents EPST en France avec une association synergique des forces en
présence, et impliquant fortement les équipes de recherche du sud pour développer en partenariat
une véritable politique de recherche en Santé Publique Internationale. Ce partage pourrait être fait
dans la cadre d’une « Agence de Développement de la Recherche Médicale dans les Pays du Sud ».
Conclusion
L’enjeu indispensable demeure le développement d’une stratégie de recherche de santé publique
internationale de qualité au sein de l’Inserm permettant de considérer les problèmes de recherche
médicale dans leur contexte et d'assurer la mise en œuvre stratégique et opérationnelle des résultats
dans un effort de solidarité nationale et internationale.
Références
1.
Salamon R, Anglaret X, Leroy V, et al. [HIV infection in Africa. Clinical and therapeutical
research]. Presse Med 2000;29(3):146-52.
2.
WHO. World health report 2004: changing history. Geneva: World Health Organization; 2004.
3.
WHO. World health report 2005: make every mother and child count. Geneva: World Health
Organization; 2005.
4.
WHO. The World Health Report: working together for health. In: WHO; 2006.
5.
World Health Organisation. WHO HIV prevention and treatment guidelines.
Guidelines for co-trimoxazole prophylaxis for HIV-related infections in children, adults and adolescents
Inserm – DRSP : Janvier 2008
116/132
in resource-limited settings: recommendations for a public health approach. Geneva: WHO; 2006.
6.
World Health Organisation. WHO HIV prevention and treatment guidelines.
Antiretroviral drugs for treating pregnant women and preventing HIV infection in infants, towards universal
access:
recommendations for a public health approach. Geneva: WHO; 2006.
7.
World Health Organisation, UNAIDS, UNICEF. Towards universal access: scaling up priority
HIV/AIDS interventions in the health sector. Progress report, April 2007. Geneve: World Health
Organisation; 2007 April 17th 2007.
8.
Horton R. Health research in the UK: the price of success. Lancet 2006;368(9530):93-7.
Remerciements
L’auteur veut remercier Jean Bouyer, Didier Fassin, Marc-Eric Gruenais pour leurs réponses au
questionnaire proposé dans le cadre de cette réflexion et Valériane Leroy pour sa contribution à la
rédaction de ce chapitre.
Qui à l’Inserm ?
U687 : Santé publique et épidémiologie des déterminants professionnels et sociaux de la santé
(Dir. : France Lert)
U723 : Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique (CRESP) (Dir. : Didier
Fassin)
U822 : Santé reproductive, sexualité, infection à VIH, épidémiologie, démographie, sciences
sociales (Dir. : Jean Bouyer)
U897 : Centre « Epidémiologie et biostatistique » (Dir. : Roger Salamon) – Equipe : Epidémiologie du
VIH en Afrique : recherche clinique et de santé publique (responsable : François Dabis)
U912 : Sciences Economique & Sociales, Systèmes de santé, Sociétés (SE4S) (Dir. : Jean-Paul
Moatti)
Un certain nombre d’équipes du champ de la santé publique ont des projets qui peuvent s’inscrire dans le
champ de la Santé Publique Internationale :
U149 : Recherches épidémiologiques en santé périnatale et santé des femmes (Dir. : Gérard Bréart)
U550 : Génétique humaine des maladies infectieuses (Dir. : Laurent Abel)
EA3694 : Groupe de recherche en fertilité humaine (Dir. : Patrick Thonneau)
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Santé sexuelle et reproductive
Alfred SPIRA, PU-PH Santé publique
U822 : Santé reproductive, sexualité, infection à VIH - épidémiologie, démographie,
sciences sociales – Inserm/Université Paris Sud 11
LE CONTEXE
Le domaine « santé sexuelle et reproductive » présente un certain nombre de caractéristiques
spécifiques. Il est tout d’abord multidisciplinaire, associant biologie, recherche clinique, épidémiologie,
socio-démographie, psycho-sociologie, etc.
Le champ de la biologie reproductive connaît par ailleurs depuis 40 ans des évolutions considérables qui
s’inscrivent dans un mouvement général de médicalisation commun à l’ensemble des pays occidentaux.
Ces évolutions concernent l’ensemble des champs de la reproduction, qu’il s’agisse de la régulation des
naissances via des méthodes médicalisées de contraception ou via des procédures d’interruption de
grossesse, ou qu’il s’agisse encore de l’assistance médicalisée à la procréation (AMP) en cas de trouble
de la fertilité.
Le processus de médicalisation est singulièrement marqué en France qui se place au 1er rang mondial
dans l’utilisation des méthodes contraceptives médicalisées réversibles et au 4ème rang dans la pratique
de l’assistance à la procréation. La France enregistre également l’un des taux de fécondité les plus
élevés en Europe.
Il est notable que dans ce contexte de médicalisation croissante, la maîtrise de la fécondité demeure
problématique. Les échecs de contraception sont fréquents, et le recours à l’IVG en France se situe parmi
les plus élevés d’Europe occidentale.
A l’heure actuelle, les femmes se voient administrer des hormones (naturelles ou synthétiques) durant la
plus grande partie de leur vie : contraception hormonale, éventuels traitements stimulant l’ovulation ou la
fertilité, traitements hormonaux substitutifs. Les conséquences sanitaires et socio-économiques de ce
nouveau phénomène sont importantes à connaître et à prendre en compte. Cette prise de conscience a
été, en partie au moins, à l’origine du mouvement des « Women’s Health Studies » développées aux USA
à partir des années 1990. Un phénomène semblable est susceptible de se développer concernant la
santé des hommes, considérée dans ses aspects sexuels et reproductifs.
La sexualité a également fait l’objet d’une médicalisation croissante au cours des dernières décennies.
Une des conséquences de ce phénomène est par exemple la création de novo de pathologies telles que
les « dysfonctions sexuelles ». Cette question est très peu étudiée. Il en va de même des conditions de la
sexualité aux âges avancés, qui a fait l’objet de très peu de recherches jusqu’à maintenant.
Le nombre d’équipes de recherche entièrement consacrées à la thématique « santé sexuelle et
reproductive humaine »est très faible en France (de l’ordre de trois à cinq équipes/unités à l’Inserm, selon
les thématiques et les définitions, très peu dans les autres organismes et les Universités).
Il faut par ailleurs souligner que ce domaine de la recherche est étroitement lié à d’autres domaines
abordés dans cet ouvrage : périnatalité, santé des enfants et des adolescents ; environnement, travail et
santé ; cancer.
Dans ce contexte, les forces et les faiblesses de l’Inserm sont les suivantes :
Forces et originalités:
•
le fait d'intégrer l'ensemble des disciplines et des échelles de la recherche médicale, des aspects
fondamentaux à l'échelle moléculaire jusqu'à la recherche appliquée à l'échelle des populations ;
•
le statut des chercheurs et la relative précocité des recrutements qui peut permettre d'attirer de
jeunes chercheurs européens dynamiques (avec des moyens complémentaires) et de développer
des projets à long terme (à condition cependant que ce statut évolue favorablement, en termes
de rémunération et de statut social en particulier).
Faiblesses, par rapport à d'autres pays (et notamment les pays scandinaves, qui sont plus performants
que la France en épidémiologie de la reproduction / fertilité):
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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•
l'absence ou la limitation des registres existants (registre de naissance, de pathologies, de
recours à l'AMP, …) et le développement tardif de cohortes de grande taille sur ces sujets ;
•
la place très (trop) modeste de la représentation française dans les instances internationales
concernant ces thématiques, qu’il s’agisse du niveau européen ou des ONG, onusiennes en
particulier (OMS, Banque mondiale, etc.).
LES GRANDS ENJEUX DU DOMAINE DANS LES 5 ANS (réalisations probables) ET DANS LES 10
ANS (perspective plus globale), POUR L’INSERM ET POUR LA RECHERCHE FRANCAISE
Améliorer les interfaces entre disciplines et entre organismes de recherche
Il faut continuer à faciliter le rapprochement fécond entre les différentes disciplines qui composent ce
champ de recherche, dans des structures de recherche mixtes associant plusieurs organismes (Inserm,
Ined, Cnrs, Inra, Universités, etc.). Le continuum entre recherche biologique fondamentale
(mécanistique), recherche clinique et recherche en population doit être renforcé. Les inter-commissions et
commissions d’émergence y ont fortement contribué. Ce mouvement doit être continué et amplifié, en
particulier par une animation scientifique appropriée.
Il faut donc favoriser les recrutements de chercheurs et enseignants-chercheurs et la structuration de
nouvelles équipes associant plusieurs institutions (le maintien depuis 2000 de l’unité associant Inserm et
Ined est un exemple qui pourrait/devrait être amplifié). L’interface avec le département SHS du CNRS
pourrait être renforcée. Les besoins sont particulièrement importants au croisement génétique x
environnement, ainsi qu’à l’interface épidémiologie x économie x socio-démographie. Les équipes
disciplinaires existent, il faut favoriser les complémentarités.
Des recherches sur l’évolution des pratiques contraceptives et les conditions de recours à l’avortement se
sont développées dans les dernières années à l’Inserm. Elles nécessiteraient d’être approfondies grâce
au recours à des approches multidisciplinaires.
Une autre direction de recherche insuffisamment développée est celle des liens entre les composantes
psychologiques, la sexualité et la fertilité. Depuis la disparition des équipes Inserm qui étaient consacrées
à ce domaine dans les années 1980-1990, aucun programme de recherche institutionnel n’a été consacré
à ce sujet. Une réflexion spécifique mérite d’être lancée.
Grâce à l’impulsion et au soutien de l’ANRS, les recherches dans le domaine de la sexualité ont connu un
véritable renouveau et un fort développement en France au cours des 20 dernières années, qu’il s’agisse
des approches qualitatives ou quantitatives. Il convient de maintenir et d’amplifier ce mouvement, en
particulier en continuant à favoriser les approches de recherche et de surveillance, associant
épidémiologie et sciences humaines et sociales. La recherche sur les Infections Sexuellement
Transmissibles (IST) a également bénéficié de ce soutien. Cet effort devrait être soutenu et amplifié, dans
une perspective multi-disciplinaire. Les approches conjointes doivent concerner les infections à VIH, VHC
et les autres IST.
Mesurer et comprendre les déterminants des choix de procréation et de contraception
La recherche clinique sur les nouvelles technologies de la contraception est peu développée (en dehors
des travaux récents sur la contraception d’urgence). Des partenariats institutionnels public/privé dans ce
domaine pourraient être favorisés, en tournant le dos aux pratiques qui ont pu associer les industriels du
médicament, les biologistes et les cliniciens autour d’intérêts financiers communs dans le passé. La
problématique du développement technologique et industriel et de ses conséquences en matière de
reproduction humaine doit être abordée.
Le développement des techniques de prise en charge médicale de l’infertilité et d’assistance médicale à
la procréation dont on ne voit pas les limites pour le moment (on estime qu’environ 5% des enfants qui
naissent ont été conçus après AMP dans les pays développés, et ceci pourrait considérablement
augmenter du fait des modifications de l’environnement et du recul de l’âge à la procréation) impose de
se doter des moyens adéquats pour en réaliser une évaluation permanente et complète, du point de vue
sociologique (représentations, conditions de recours), économique (coûts) et épidémiologique
(conséquences sur la santé des femmes et des enfants en particulier). Les applications et conséquences
des nouvelles avancées des connaissances biologiques (diagnostic pré-implantatoire, etc.) doivent être
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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analysées et évaluées en termes de santé publique. L’Agence de la Biomédecine devrait être
particulièrement intéressée et devrait être associée à cette programmation. Ces évolutions doivent être
anticipées.
Il faut également signaler que les recherches sur la contraception masculine sont quasiment inexistantes
à l’heure actuelle, ou en tout cas elles ne font pas l’objet de programmations concertées. Ce domaine
mérite un développement spécifique, en particulier en ce qui concerne ses aspects de Santé Publique.
Se doter d’outils performants
La compréhension des déterminants évoqués plus haut repose, entre autres, sur la constitution de
cohortes ouvertes de suivi sur le très long terme (de la conception au décès), dans le double objectif de
recherche et de surveillance. Celles-ci permettront également de suivre l’évolution des déterminants de la
fertilité (interaction entre les différents déterminants, environnementaux en particulier) et d’étudier les
conséquences sur la santé à long terme des conditions de la conception, de la grossesse et des phases
initiales du développement (Develomental Origins of Health and Diseases, DOHaD). Ces cohortes
doivent associer les technologies de génomique, protéomique, métabolomique, ainsi que l’épigénétique
(techniques par ailleurs en développement dans d'autres secteurs de l'Inserm). Il s’agit là d’opérations
importantes, dont certaines sont en phase relativement avancée de réalisation (Cohortes Eden, Pelagie),
d’autres en phase de développement (cohorte Elfe). Ces opérations sont très longues et difficiles à mettre
en place et ensuite à poursuivre. Des modalités de suivi et de soutien institutionnels spécifiques doivent
être mises sur pied.
Cette problématique nécessite également de mettre en place des outils qui permettent le recours aux
bases de données médico-administratives et démographiques, en s’entourant des garanties
méthodologiques, réglementaires et éthiques appropriées. Une collaboration institutionnelle avec la
CNAM, l’Ined, l’Insee et l’Institut des Donnés de Santé doit être favorisée (en cours de réalisation sous
l’égide de l’Institut de Recherche en Santé Publique(IReSP)).
Un programme cohérent de recherches a pu être mis en place par l’ANRS pour comprendre et analyser
les conditions de la sexualité et de la reproduction humaine face au développement de l’infection à VIH.
Le savoir faire qui a été développé (en particulier par le suivi de cohortes de sujets infectés) devrait
permettre de surveiller et analyser les conséquences éventuelles d’autres infections, et/ou d’événements
intercurrents survenant pendant la grossesse (survenue de pathologies maternelles ou fœtales et
administration de traitements).
Prendre en compte les enjeux internationaux
Les questions posées ont une très forte composante internationale et peuvent ne pas se présenter de la
même façon dans les pays industrialisés et les pays du sud, compte tenu de particularités
démographiques, épidémiologiques, socio-économiques et culturelles. La position de la France dans ce
domaine de recherche auprès des organismes onusiens (en particulier le programme Human
Reproduction Programme (HRP) de l’OMS) est actuellement affaiblie par rapport aux années 1980-2000.
Il n’y a plus aucun expert français Inserm, alors qu’il y en a eu jusqu’à deux dans le passé. Les enjeux
économiques, sociaux et culturels (éthiques en particulier) européens et internationaux doivent faire
l’objet d’une plus grande attention de la part de la France, et donc de ses organismes de recherche, en
collaboration avec les ministères de la santé et des affaires étrangères. Parallèlement, il n’existe à notre
connaissance qu’un programme de recherche européen dans le domaine coordonné par une équipe
française de l’U822 de l’Inserm, même si plusieurs équipes participent à des programmes de recherche
européens, coordonnés en particulier par des chercheurs du Nord de l’Europe. Un soutien institutionnel
plus affirmé devrait être apporté aux équipes qui sont en mesure d’être leaders dans des programmes
européens et internationaux. Il faut beaucoup plus de réactivité et moyens pour aider aux échanges
internationaux (participation à des études internationales….).
Renforcer la recherche en toxicologie
L’une des difficultés auxquelles se heurte l’épidémiologie environnementale, dans le domaine de la
reproduction humaine comme dans les autres, est celle de l’insuffisance du développement de la
recherche en toxicologie en France. Des actions particulières pourraient être engagées dans ce sens,
pour permettre à cette perspective de recherche de se développer à un niveau compétitif sur le plan
international.
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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PROPOSITIONS SUR LES EVOLUTIONS STRUCTURELLES SOUHAITABLES POUR L’INSERM.
Créations de services communs :
•
service commun "enquêtes en population" (gestion et archivage de bases de données, et outils
de suivi de population) ; ceci pourrait se faire en liaison avec les projets IReSP qui associeront
d’autres partenaires, en particulier la CNAMTS, ainsi qu’avec l’Institut Quetelet ;
•
création d’une biothèque étroitement associée aux études épidémiologiques;
•
développer les recherches sur l’évaluation des pratiques médicales et les essais d’intervention
•
•
participation institutionnelle aux organismes de recherche internationaux dans le domaine,
soutien et aide au montage et à l’écriture de projets internationaux, à leur organisation et leur
suivi.
Plus généralement, il faudrait faire en sorte que l'Inserm soit davantage qu'une superposition de (petites)
équipes travaillant indépendamment les unes des autres. Imaginer des modalités souples de mise en
commun/confrontation d’hypothèses et de projets.
Remerciements
L’auteur souhaite remercier Nathalie Bajos, Valériane Leroy, Caroline Moreau, Luc Multigner, Virginie
Ringa, Rémy Slama, Patrick Thonneau pour leur contribution à la rédaction de ce chapitre
Qui à l’Inserm ?
U822 : Santé reproductive, sexualité, infection à VIH - épidémiologie, démographie, sciences
sociales (Dir : Jean Bouyer)
U149 : Recherches Epidémiologiques en Santé Périnatale et Santé des Femmes (Dir : Gérard
Bréart) – Equipe : Aspects médicaux, sociaux et psychologiques des pratiques autour de la reproduction
et de la naissance (responsable : Béatrice Blondel)
U625 : Groupe d’étude de la reproduction chez l’homme et les mammifères (Dir : Bernard Jégou) –
Equipe : Recherches épidémiologiques sur l’environnement et la reproduction (Sylvaine Cordier)
U897 : Centre « Epidémiologie et biostatistique » (Dir. : Roger Salamon) – Equipe : Epidémiologie du
VIH en Afrique : recherche clinique et de santé publique (Responsable : Fançois Dabis)
EA3694 : Groupe de recherche en fertilité humaine (Dir. : Patrick Thonneau)
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Vieillissement
Jean-Marie ROBINE, DR2 Inserm
EA2415 : Epidémiologie, biostatistiques et santé publique – Université Montpellier 1
Recherches en santé publique sur l’augmentation de la longévité des adultes et l’apparition de
nouvelles classes d’âges (nonagénaires, centenaires et super-centenaires) : implications pour la
recherche en santé publique et la recherche biomédicale.
1. Démographie : L’apparition d’une nouvelle strate de population est un événement majeur dans
l’histoire de l’humanité. De tout temps il y a eu des grands vieillards mais leur nombre était
anecdotique. A titre d’exemple il y avait en France vers 1950 environ 200 centenaires, moins de 5.000
personnes de plus de 95 ans et moins de 40.000 personnes de plus de 90 ans. Aujourd’hui ces nombres
approchent 20.000 pour les centenaires (100+) et dépassent respectivement 125.000 pour les 95+ et
460.000 pour les nonagénaires (90+) [Estimation Insee au 01/01/2007]. Il y a aujourd’hui environ 4 fois
plus de centenaires (100+) qu’il y avait de 95+ vers 1950 et il y aura bientôt en France autant de
centenaires (100+) qu’il y avait de 90+ vers 1950. La dynamique des populations est implacable.
2. Histoire et anthropologie : Les recherches récentes sur les données historiques où sur les populations
naturelles survivantes (cueilleurs-chasseurs d’Amazonie par exemple) ne suggèrent aucun changement
ème
siècle. Les adultes mourraient en cours de
majeur dans la longévité humaine avant le milieu du 20
vieillissement, des suites d’accidents ou de diverses maladies, autour de l’âge de 70 ans avec une plus
ou moins grande dispersion.
3. Epidémiologie : L’étude de l’histoire médicale des centenaires montre que la majorité d’entre eux sont
des survivants (survivors) des principales maladies chroniques, en particulier cardio-vasculaires.
Un second groupe est constitué de ceux qui ont été atteints tardivement par ces mêmes maladies (i.e.
après 90 ans, delayers), alors que seule une minorité peut être classée dans le groupe des sujets
indemnes de maladies (escapers). Il est donc réaliste de considérer les nonagénaires et centenaires
actuels d’abord comme des personnes qui survivent avec des maladies chroniques.
4. Santé publique : Les nonagénaires et les centenaires actuels ont peu bénéficié des progrès de la fin du
ème
20
siècle (scolarisés avant ou pendant la guerre de 14-18…, retraités dans les années 1960 ou 1970).
Les progrès successifs concernant par exemple l’instruction, le développement de l’activité
sportive, l’alimentation et les conditions de travail ne se reporteront que très progressivement sur
les groupes d’âge des nonagénaires et des centenaires. L’inertie des changements
sociodémographiques est considérable.
5. La fragilité des très âgés : Les personnes très âgées sont des personnes fragiles, atteintes de
nombreuses conditions dites gériatriques. Parmi les 850.000 personnes qui seraient atteintes en
France de démence ou de la maladie d’Alzheimer, une grande partie a plus de 85 ans. La fragilité des
très âgés est une condition identifiée depuis longtemps (cf. Shakespeare) dont on ne sait pas grandème
chose sur le plan scientifique. Au 18
siècle, la vieillesse était définie comme une période allant de 40 à
70 ans. Au-delà les individus, peu nombreux, entraient dans l’âge dit «décrépit». Les recherches sur la
fragilité doivent être au cœur des recherches biomédicales modernes concernant les ‘oldest-old’.
6. Les conditions gériatriques : Parmi les principales conditions gériatriques, on peut citer outre la
détérioration cognitive, le ralentissement moteur, la fonte musculaire (sarcopénie), la perte de poids
(cachexie), la perte de vision et d’audition… La fragilité apparaît comme une diminution généralisée
des réserves physiologiques. Elle se double souvent d’une diminution des réserves
psychologiques et des ressources sociales.
7. La perte d’autonomie : Fragilisés par leur parcours de vie (maladies, conditions de travail), les
nonagénaires et les centenaires d’aujourd’hui ont souvent perdu leur autonomie et dépendent de
tiers pour leur survie au quotidien (alimentation, travail ménager) ; ce qui pose des problèmes majeurs
de prise en charge sociale (Long Term Care, LTC).
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8. Prise en charge de la dépendance : L’évolution démographique et l’évolution sociale font qu’il y a
relativement de moins en moins d’enfants potentiellement disponibles pour prendre en charge les
personnes très âgées. La répartition entre prise en charge formelle et informelle est appelée à
changer significativement.
9. Implications : Ces changements qui n’ont pas été anticipés – et qui ne sont toujours pas expliqués
– vont avoir de profondes implications pour tous les champs disciplinaires, démographique,
médical et biologique bien sûr mais social, juridique et philosophique aussi. Jusqu’à quel âge peut
augmenter la longévité ? Comment soigner correctement des personnes de plus de 100 ans, atteintes de
plusieurs pathologies ? Quels sont les bonnes posologies ? Quels sont les mécanismes biologiques qui
permettent de conserver la force musculaire ? Comment prévenir la perte d’autonomie ? Qui s’occupera
des personnes dépendantes ? Quel sera le rôle de la robotique dans le maintien de l’autonomie et de la
vie à domicile ? A quel âge héritera-ton de ses parents ? Qui décidera du moment du décès ?
10. L’équipe Démographie & Santé est l’une des rares équipes au monde qui se sont spécialisées dans
l’étude de la longévité humaine. Ses travaux se situent au niveau populationnel et combinent les
approches démographiques et épidémiologiques. Une attention particulière est portée aux questions de
santé publique (prise en charge de la dépendance) et à la compréhension des mécanismes du
vieillissement en bonne santé en collaboration avec des équipes de biologie ou de génétique.
11. INSERM : Dans les années qui viennent l’Inserm devrait promouvoir et soutenir toutes les recherches
dont la finalité vise à augmenter non pas la quantité mais la qualité des années vécues par les personnes
très âgées et leur entourage :
a. Recherches biodémographiques sur les limites de la longévité humaine en collaboration avec les centres
de démographie formelle pour mieux anticiper les évolutions futures (projections) ;
b. Recherches sur le traitement et la prévention des maladies dégénératives chez des personnes très âgées
(i.e. en présence de dénutrition, de poly-pathologies, de nombreux médicaments déjà prescrits) ;
c.
Recherches sur les conditions gériatriques et sur les mécanismes communs de conservation des
réserves physiologiques en collaboration avec les équipes de biologie et de génétique ;
d. Recherches sur les mécanismes de la perte de l’autonomie et sur la robotique afin de développer des
robots personnels d’aide à la vie quotidienne ; Recherches sur l’acceptabilité des robots par les
personnes âgées en collaboration avec des chercheurs en anthropologie et en psychologie ;
e. Recherches sur la prise en charge sociale de la dépendance et les services de santé afin de s’assurer
que les réponses apportées soient les réponses optimales ;
f.
Recherches sur les indicateurs (santé, activité, prise en charge) adaptés au nouveau contexte.
12. Economie : L’allongement de la durée de la vie, avec l’apparition de nouvelles tranches d’âge, génère un
nombre impressionnant de questions de recherche allant de la démographie à la robotique. Il y a là
matière à de nombreuses thèses et du travail pour plusieurs équipes. Vu sous cet angle, l’allongement de
la vie pourrait contribuer davantage à la croissance économique que constituer un fardeau pour
l’ensemble de la société.
13. Cohorte : En épidémiologie le nerf de la guerre ce n’est pas tant l’argent que l’ancienneté des cohortes
constituées. Beaucoup des questions que nous avons esquissées ne seront résolues que s’il existe des
banques de données conséquentes, permettant par exemple de comparer deux générations (les
centenaires et leurs enfants) où de suivre un groupe d’âges au cours du temps (par exemple les 90 ans),
en combinant des informations environnementales actuelles avec des informations biomédicales
(maladies prévalentes ou bio-marqueurs) et le descriptif du parcours de vie (y compris les conditions de la
petite enfance). La mise en place de telles banques par le Département de Santé Publique de l’Inserm
est sûrement une des conditions nécessaires au développement d’une recherche de qualité sur la
longévité humaine et la population des personnes très âgées.
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Annexe 1 : Abréviations, utilisés dans le document
Afssa : Agence française de sécurité sanitaire des aliments - http://www.afssa.fr/
Afssaps : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé - http://afssaps.sante.fr/
Afsset : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail - http://www.afsset.fr/
Agence de la biomédecine : http://www.agence-biomedecine.fr/
ANR : Agence nationale de la recherche : http://www.agence-nationale-recherche.fr/
ANRS : Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales - http://www.anrs.fr/
CIC : Centre d’investigation clinique
CIF : Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé
CIH : Classification internationale des déficiences, incapacités, handicaps
CIM : Classification internationale des maladies
CIRC /IARC : Centre International de recherche sur le cancer / International Agency for research on
cancer http://www.iarc.fr/indexfr.html
CNG : Centre national de génotypage
CNR : Comité national des registres
CNS : centre national de séquençage
CNSA : Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie - http://www.cnsa.fr/
CRB : Centre de ressources biologiques
CRNH : Centre de recherche en nutrition humaine
CTNERHI : Centre technique national d’études et de recherches sur le handicap et les inadaptations
DGS : Direction générale de la santé EHESP : Ecole des hautes études en santé publique EUROCAT :European surveillance of Congenital Anomalies - http://www.eurocat.ulster.ac.uk/
HAS : Haute Autorité de santé - http://www.has-sante.fr/
HCSP : Haut comité de santé publique - http://www.hcsp.fr/
INCa : Institut National du Cancer - http://www.e-cancer.fr/
Inra : Institut national de la recherche agronomique - http://www.inra.fr/
INSEE : Institut National de Statistique et des Etudes Economiques - http://www.insee.fr
Institut Pasteur - http://www.pasteur.fr
InVS : Institut de veille sanitaire - http://www.invs.sante.fr/
IRD : Institut de recherche pour le développement - http://www.ird.fr/
IRESP : Institut de recherche en Santé Publique - http://www.iresp.net/
Isped : Institut de Santé Publique, d’Epidémiologie et de Développement - http://www.isped.ubordeaux2.fr/
LEEM : Les entreprises du médicament - http://www.leem.org/
MRC : Medical Research Council - http://www.mrc.ac.uk/
NIH : National institutes of health - http://www.nih.gov/
OMS : Organisation mondiale de la santé - http://www.who.int/fr/
ONFRIH : Observatoire national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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OPEPS : Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé
SNIIRAM : Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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Annexe 2 : Unités Inserm relevant de la santé publique, de l’épidémiologie, et des
SHS
U149 : Recherches Epidémiologiques en Santé Périnatale et Santé des Femmes (Dir. : Gérard
Bréart) – Inserm / Université Pierre et Marie Curie Paris 6
U525 : Génétique épidémiologique et moléculaire des pathologies cardiovasculaires (Dir. : François
Cambien) – Inserm / Université Pierre et Marie Curie Paris 6
U535 : Génétique épidémiologique et structure des populations humaines (Dir. : Françoise Clerget)
– Inserm / Université Paris Sud 11
U550 : Génétique humaines des maladies infectieuses (Dir. : Laurent Abel) – Inserm / université Paris
Descartes
U557 : Epidémiologie nutritionnelle (Dir. : Serge Hercberg) – Inserm/ Inra/ /Université Paris 13/CNAM
nd
(mixité 2 )
U558 : Epidémiologie et analyses en Santé Publique : risques, maladies chroniques et handicaps
(Dir. : Hélène Grandjean) – Inserm / Université de Toulouse 3 Paul Sabatier
U605 : Epidémiologie des cancers : radiocarcinogénèse et effets iatrogènes des traitements (Dir. :
Florent de Vathaire) – Inserm / Université Paris Sud 11/IGR
U611 : Centre de recherche Psychotropes, Santé Mentale, Société - CESAMES (Dir. : Alain
Ehrenberg) - Inserm/CNRS/Université Paris Descartes
U625 : Groupe d'Étude de la Reproduction chez l'homme et les Mammifères (Dir. : Bernard Jegou).Equipe : Recherches épidémiologiques sur l’environnement et la reproduction (responsable : Sylvaine
Cordier) – Inserm / Université Rennes 1
U657 : Pharmacoépidémiologie et évaluation de l’impact des produits de santé sur les populations
(Dir. : Bernard Bégaud) – Inserm / Université Victor Segalen Bordeaux 2
U669 : Troubles du Comportement Alimentaire de l’Adolescent (Dir. : Bruno Falissard).- Inserm /
Université Paris Sud 11/Paris 5
U687 : Santé publique et épidémiologie des déterminants professionnels et sociaux de la santé
(Dir. : France Lert) – Inserm / Université Versailles St Quentin
U700 : Physiopathologie et épidémiologie de l’insuffisance respiratoire (Dir : Marina Pétrolani)
Equipe : Epidémiologie des allergies respiratoires et des BPCO : étiologie, histoire naturelle et prise en
charge (responsable : Mahmoud Zureik) – Inserm / Université Denis Diderot Paris 7
U707 : Epidémiologie, systèmes d'information, modélisation (Dir. : Guy Thomas) - Inserm / Université
Pierre et Marie Curie Paris 6
U708 : Neuroépidémiologie (Dir. : Christophe Tzourio) - Inserm / Université Pierre et Marie Curie Paris 6
U717 : Biostatistique et Epidémiologie Clinique (Dir. : Sylvie Chevret) – Inserm / Université Denis Diderot
Paris 7
U720 : Epidémiologie Clinique et Traitement de l’Infection à VIH (Dir. : Dominique Costagliola) - Inserm /
Université Pierre et Marie Curie Paris 6
U723 : Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique (CRESP) (Dir. : Didier
Fassin) – Inserm / / Université Paris 13
U726 : Bioinformatique Génomique et Moléculaire (Dir. : Catherine Etchébest) – Inserm / Université Denis
Diderot Paris 7
U738 : Modèles et Méthodes de l’Evaluation Thérapeutique des Maladie Chroniques (Dir. : France
Mentré) ) – Inserm / Université Denis Diderot Paris 7
U744 : Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement (Dir. :
Philippe Amouyel) – Inserm / Université Lille 2 / Institut Pasteur Lille
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U750 : CERMES Médecine, sciences et société : dynamiques de redéfinition (Dir. : Martine
nd
Bungener) – Inserm / CNRS / / EHESS/ Université Paris Sud 11 (en 2 )
U754 : Epidémiologie environnementale des cancers (Dir. : Jacqueline Clavel) - Inserm / Université
Paris Sud 11
U780 : Recherche en épidémiologie et biostatistique (Dir. : Thierry Moreau) - Inserm / Université Paris
Sud 11
U794 : Méthodologie statistique et épidémiologie génétique des maladies multifactorielles (Dir. :
Florence Demenais) – Inserm / Université d’Evry
U822 : Santé reproductive, sexualité, infection à VIH – épidémiologie, démographie, sciences
sociales (Dir. : Jean Bouyer) - Inserm / Université Paris Sud 11
U866 : Lipides, nutrition, cancer (Dir. : Eric Solary) – Equipe : Recherches épidémiologiques et
cliniques en cancérologie digestive (responsable : Claire Bonithon-Kopp).- Inserm / Université de
Bourgogne/EPHE
U888 : Pathologie du Système Nerveux : Recherche Epidémiologique et Clinique (Dir. : Karen Ritchie)
– Inserm / Université Montpellier 1
U897 : Centre « Epidémiologie et biostatistique » (Dir. : Roger Salamon).- Inserm / Université Victor
Segalen Bordeaux 2
U909 : Epidémiologie cardiovasculaire (Dir. : Xavier Jouven) – Inserm / Université Paris Descartes /
Université Paris Sud 11
U912 : Sciences économiques et sociales, systèmes de santé, sociétés (SE4S) (Dir. : Jean-Paul
Moatti) – Inserm / IRD / Université de la Méditerranée Aix-Marseille II / CLCC Institut Paoli Calmettes
U921 : Nutrition, croissance et cancer ( Dir. : Philippe Bougnoux) – Inserm / Université de Tours
ERI20 : Nutrition, hormones et cancer : Epidémiologie et Prévention (Dir. : Françoise ClavelChapelon) - Inserm / Université Paris Sud 11
ERI3 : Cancers et populations (Dir. : Guy Launoy) – Inserm / Université de Caen
ERI0011 : Evaluation et prévention des risques professionnels et environnementaux (Dir. : Denis
Zmirou-Navier) – Inserm / Université Nancy
CEC1 : Centre d’Epidémiologie sur les Causes de Décès (Dir Eric Jougla) – Inserm / Université Denis
Diderot Paris 7
SC10 : Essais thérapeutiques et infections par le VIH (Dir. : Jean-Pierre Aboulker) – Inserm /
Université Paris Sud 11
Inserm – DRSP : Janvier 2008
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Annexe 3 : Registres de morbidité qualifiés au 1er janvier 2008
Registres de cancers généraux
Responsable
2005-2008 :
2005-2008 :
2006-2009 :
2006-2009 :
2006-2009 :
2006-2009 :
2007-2008 :
2007-2008 :
2007-2009 :
2007-2010 :
2008-2010 :
2008-2011:
Michel VELTEN
Michel HENRY AMAR
Arlette DANZON
Jean Pierre DAURES
Pascale GROSCLAUDE
Marc COLONNA
Simona BARA
Francine BAUMANN
Roger SALAMON
Antoine BUEMI
Michel DRUET CABANNAC
Florence MOLINIE
1974
1978
1977
1985
1982
1977
1994
1977
2004
1988
1998
1999
Mustapha DIEYE
1983
Registre des Cancers du Bas-Rhin
Registre général des Tumeurs du Calvados
Registre des Tumeurs du Doubs
Registre des Tumeurs de l'Hérault
Registre des Cancers généraux du Tarn
Registre des Cancers Généraux de l'Isère
Registre des Cancers de la Manche
Registre des Cancers de Nouvelle Calédonie
Registre général des cancers de la Gironde
Registre des Cancers du Haut Rhin
Registre des Cancers du Limousin
Registre des Cancers de Loire Atlantique
et de Vendée
2008-2011 : Registre des Cancers de la Martinique
Date création
²
Registres de cancers spécialisés
Responsable
2005-2008 :
2005-2008 :
2005-2008 :
2006-2008 :
Jean FAIVRE
Paule Marie CARLI
Alain MONNEREAU
Françoise GALATEAU-SALLE
1976
1980
2002
1998
Guy LAUNOY
Christophe BESSAGUET
Claire SCHVARTZ
1978
1984
1975
Brigitte LACOUR
Jacqueline CLAVEL
Isabelle BALDI
1999
1995
1999
Patrick ARVEUX
1982
Albert COLLIGNON
2004
2006-2009 :
2007-2008 :
2007-2010 :
2007-2010 :
2007-2010 :
2008-2011 :
2008-2011 :
2008-2009 :
Registre bourguignon des Cancers digestifs
Registre Hémopathies malignes de Côte d'Or
Registre des Hémopathies malignes de Gironde
Registre multicentrique du Mésothéliome
à vocation nationale
Registre des Tumeurs digestives du Calvados
Registre finistérien des Tumeurs digestives
Registre des Cancers de la Thyroïde
Marne Ardennes
Registre national des Tumeurs solides de l'enfant
Registre des Hémopathies malignes de l'enfant
Registre des Tumeurs primitives du Système
Nerveux en Gironde
Registre des cancers du sein et des cancers
gynécologiques de Côte d'Or
Registre Hémopathies malignes de
Basse Normandie
Date création
Registres cardio-vasculaires
Responsable
Date création
2005-2008 : Registre bas-rhinois des Maladie cardio-vasculaires
2005-2008 : Registre des Cardiopathies ischémiques de Lille
2006-2009 : Registre des Cardiopathies ischémiques
de Haute-Garonne
2007-2010 : Registre des Accidents vasculaires cérébraux
de Dijon
Dominique ARVEILER
Philippe AMOUYEL
Jean FERRIERES
1984
1985
1984
Maurice GIROUD
1985
Registres de malformations congénitales
Responsable
2005-2008 : Registre des Malformations congénitales de Paris
2007-2008 : Registre des Malformations de Rhône Alpes
2008-2010 : Registre des Malformations congénitale d'Alsace
Catherine DE VIGAN
Emmanuelle AMAR
Bérénice DORAY
Inserm – DRSP : Janvier 2008
129/132
Date création
1981
1976
2005
Autres registres
Responsable
Date création
2005-2008 : Registre des MITD du Nord Ouest EPIMAD
Antoine CORTOT
2006-2009 : Registre des Handicaps de l'enfant en Isère RHEOP Christine CANS
2006-2009 : Registre des victimes corporelles d'accidents
Bernard LAUMON
de la circulation routière dans les Départements du Rhône
2007-2010 : Registre des Handicaps de l'enfant
Catherine ARNAUD
de Haute Garonne
1988
1991
1995
1999
Registres maladies rares
Responsable
2008-2009 : Registre européen du Syndrome d'Ondine
2008-2011 : Registre national de l'Atrésie des voies biliaires
Ha TRANG
Christophe CHARDOT
Inserm – DRSP : Janvier 2008
130/132
Date création
2005
2004
Annexe 4 : Liste des CIC – EC - 2008
CIC-EC HEGP
Gilles CHATELLIER
CIC EC Bichat
Philippe RAVAUD
CIC-EC Robert Debré
Corinne ALBERTI
CIC-EC Bordeaux
Roger SALAMON
CIC-EC Dijon
Claire BONITHON-KOPP
CIC-EC Ile de la Réunion
François FAVIER
CIC-EC Nancy
Francis GUILLEMIN
CIC-EC Saint Etienne
Hervé DECOUSUS
CIC EC Antilles-Guyane
Bernard CARME
Inserm – DRSP : Janvier 2008
131/132
Inserm – DRSP : Janvier 2008
132/132