Sur nos monts, enfants heureux

Transcription

Sur nos monts, enfants heureux
MERCREDI 12 FÉVRIER 2014 L’EXPRESS - L’IMPARTIAL
GROS PLAN 3
Connaissez-vous les paroles
LA
QUESTION de l’hymne neuchâtelois?
DU JOUR Votez par SMS en envoyant DUO PARO OUI ou PARO NON
au numéro 363 (FR. 0,30/SMS) ou sur le site www.arcinfo.ch
PATRIOTISME Le groupe UDC propose d’inclure dans le programme scolaire
les hymnes suisse et neuchâtelois. Le Conseil d’Etat est favorable.
Sur nos monts, enfants heureux...
l’hymne neuchâtelois devrait faire
partie des connaissances générales qu’un élève acquiert au cours
de sa scolarité».
Le conseiller général socialiste
– par ailleurs aussi député –
Matthieu Béguelin avait alors
raillé un brin la démarche, se disant «heureux que le groupe PLR
se soucie de la santé de nos chorales», mais estimant que ce type
de démarche devait plutôt être
adressée... au Grand Conseil.
Voilà qui est fait. Sur le fond,
Matthieu Béguelin estimait surtout que ces chants étaient dépassés et que si personne n’en
connaissait les paroles, c’est que
«personne ne se retrouve dans ces
hymnes, qui ne collent plus au
temps d’aujourd’hui.»
FRANÇOISE KUENZI
«L’hymne neuchâtelois, j’en connais juste le début, mais j’aurais
bien voulu l’apprendre à l’école».
C’est le jeune député UDC Lucas
Fatton qui a lancé l’idée: inclure
dans le programme de l’école
obligatoire l’apprentissage des
hymnes suisse et neuchâtelois.
Son idée est devenue une motion du groupe UDC. Elle demande l’apprentissage des deux
hymnes, «dans leur version intégrale», en primaire ou en secondaire, et devrait être traitée au
Grand Conseil la semaine prochaine – pour autant que l’ordre
du jour soit tenu.
Le Conseil d’Etat favorable
«Tous les députés de mon parti
ont été séduits par ma proposition», se réjouit le citoyen de
Fontaines, qui est député suppléant. Motif supplémentaire
de satisfaction: le Conseil
d’Etat propose au Parlement
d’accepter cette motion. «J’ai
vu cela, c’est une très bonne nouvelle, mais en même temps il
s’agit de bons sens, et ma proposition ne coûte rien.»
Lucas Fatton a été déçu, voire
même choqué, dit-il, de n’avoir
jamais appris le Cantique
suisse à l’école. «Je trouve cela
très dommage, car l’hymne d’un
Etat est un élément important
pour la cohésion cantonale ou
Un hymne relooké,
très peu pour lui!
nationale. C’est aussi un facteur
important d’intégration.»
Et de constater qu’aujourd’hui,
«beaucoup de citoyens ne connaissent pas les paroles de l’hymne national, ou alors seulement la pre-
J’entends beaucoup
«de gens
autour de moi
regretter de ne pas avoir
appris les paroles à l’école.»
LUCAS FATTON DÉPUTÉ SUPPLÉANT UDC, FONTAINES
mière strophe. Et encore moins
celles de l’hymne neuchâtelois. Autour de moi, j’entends de nombreuses personnes dire qu’elles regrettent de ne pas les avoir appris à
l’école.»
Le texte de la motion indique
que le Grand Conseil argovien,
en 2008, a adopté un postulat
demandant l’enseignement de
l’hymne national durant les leçons de musique. Et l’an dernier
le Grand Conseil tessinois a rendu son apprentissage obligatoire
à l’école primaire.
Echec en 2011 au chef-lieu
Les députés neuchâtelois
iront-ils dans la même direc-
tion? En ville de Neuchâtel en
tous les cas, une résolution du
groupe PLR avait échoué fin
2011 devant le Conseil général,
qui l’avait refusée par 16 voix
contre 9. Le conseiller général
Alexandre Brodard voulait,
comme le demande Lucas Fatton aujourd’hui, enseigner les
deux hymnes aux élèves, mais
seulement au chef-lieu. Quelques mois auparavant, à l’occasion de la 11e édition des concerts des écoliers neuchâtelois,
plus de 3000 enfants avaient
chanté «avec ferveur», indiquait-il alors, l’hymne neuchâtelois. Il estimait que «la connaissance de l’hymne national et de
QUI ET QUAND?
Le Cantique suisse – «Sur nos
monts quand le soleil...» – a été
composé en 1841 par Alberich
Zwyssig avec les paroles allemandes de Leonhard Widmer. Il
devient hymne national provisoire en 1961 puis définitif en
1981. Le texte officiel français
est de Charles Chatelanat (18331907). De son côté, l’hymne neuchâtelois a été écrit par le poète
vaudois Henri Warnery et composé par Charles North en 1898.
Reproduites ci-dessus, ses paroles sont bien moins connues.
Et là, il tombe en plein dans
l’actu, Lucas Fatton, puisque la
Société suisse d’utilité publique
vient de lancer son concours
pour la création d’un nouvel
hymne national suisse.
«Les jeunes UDC ont été très choqués par cette démarche. Certains
trouvent que l’hymne national a
une connotation trop religieuse?
Eh bien pour nous, elle est importante, cette référence à Dieu, qui figure d’ailleurs en préambule de la
Constitution fédérale: Au nom de
Dieu tout-puissant!» Le président de la section neuchâteloise,
Niels
Rosselet-Christ,
a
d’ailleurs lancé, avec son homologue vaudois Yohan Ziehli, une
action visant à sauvegarder
l’hymne national.
Mais lui, Lucas Fatton, le connaît-il par cœur, cet hymne national? «Jusqu’à la troisième strophe, oui, et la première strophe
aussi en allemand. Je peux vous le
chanter si vous ne me croyez
pas», rigole-t-il. Heu, promis,
on le croit! La Citadelle en chœur
«Un point commun entre tout le monde»
Classe de 5e année Harmos au collège de la Citadelle à La
Chaux-de-Fonds hier après-midi. Le prof nous accueille pour
une brève «leçon» d’introduction à l’hymne national et pourquoi pas neuchâtelois. Les enfants ont huit ou neuf ans. Qui sait
ce qu’est un hymne national? Cinq bras se lèvent.
Pierre: «C’est quand par exemple une équipe de foot gagne. Ils
chantent l’hymne de leur pays. C’est une chanson». Besma
ajoute: «C’est la chanson de notre pays». Les trois autres auraient dit à peu près la même chose. Qui connaît l’hymne national suisse? Noah se lance: «Sur nos monts quand le soleil, annonce un brillant réveil...», chante-t-il. Les autres le regardent
un peu admiratifs. Pierre le double en chœur.
Peut-être un enfant de la classe sait-il un autre hymne national? Besma lève la main: «Je connais un peu l’hymne algérien,
mais pas les paroles sauf un mot». Pas d’autres réactions dans la
classe. Et Noah, à moitié italien? Ne sait-il pas aussi l’hymne
transalpin? Non. Un garçon glisse qu’il savait un peu l’hymne
suédois. Pas parce qu’il est nordique, mais parce qu’il aimait
bien le drapeau bleu à croix jaune.
En revanche personne parmi les enfants ne connaît l’hymne
neuchâtelois. Sauf une fillette qui dit l’avoir entendu une fois.
Le prof lui le sait. Il a dû l’apprendre quand il était élève, raconte-t-il. Avant d’entonner: «Nous sommes les enfants heureux de la plus belle des patries...» l’hymne neuchâtelois, il l’a repris avec ses élèves à l’occasion du 150e anniversaire de la
République.
Cela vous embêterait d’apprendre ces hymnes? «Nooon»,
répondent les gosses en chœur. «J’aimerais bien», ajoute
même une voix. «Quand c’était au programme il y a 20 ans, ça
ne leur plaisait pas du tout», note de son côté le maître. RON
L’hymne national à l’école? Elève en 9e
année Harmos au collège des Terreaux, à
Neuchâtel, Amanda Mbwebwe est pour:
«C’est très important.» La jeune fille de 12
ans est née ici, mais ses parents sont originaires de République démocratique du
Congo. Ne connaissant pas le chant patriotique, elle nous raconte être allée se renseigner sur internet. Elle est tombée sur une vidéo, avec paroles et chant: «Ça m’a plu.»
Par contre, l’hymne neuchâtelois, elle le
connaissait, pour l’avoir appris à l’école primaire.
Sa camarade Newal Abdella voit aussi
d’un bon œil la perspective de chanter
l’hymne à l’école: «Ça ferait un point commun entre tout le monde, ce serait bien.» L’argument est repris par Maéva Buhler. Celleci estime aussi qu’en matière d’hymne,
comme avec d’autres matières, «c’est mieux
d’apprendre vite.» Par la suite, «au moins, on
pourra le chanter pendant les matches de
foot.»
«Un peu vieux»
Marlene Chevalley-Knoepfler n’est pas
aussi conquise: «Ça fait un peu vieux, c’est
nos grands-parents qui faisaient ça.» Elle se
voit mal chanter dans la cour de l’école le
cantique suisse. Le côté anachronique de
Maéva, Newal, Marlene, Tom et Amanda, de gauche à droite, élèves aux Terreaux. SP
ce dernier semble faire l’unanimité. A titre
de comparaison, Tom Vioget relève que «la
Marseillaise en reggae, ça existe», en référence à la version de Serge Gainsbourg.
Newal suggère de renouveler l’hymne tous
les 50 ans, par exemple. S’il pouvait proposer une nouvelle mouture, précisant que
«la dernière votation fait honte d’être suisse»,
Tom écrirait «l’UDC c’est des c...» Dans un
débat politique improvisé, Maéva note que
«l’UDC, ça fait partie du pays.»
Il faut dire que notre bande d’amis a eu
récemment l’occasion de chanter
l’hymne national pour le président de la
Confédération Didier Burkhalter, lors de
sa réception officielle en décembre à
Neuchâtel. Marlene assure que lors de ce
concert, le conseiller fédéral Ueli Maurer a pleuré; pendant un air de Nabucco
et non durant l’hymne: «Il l’a trop entendu», suggère la collégienne espiègle.
FME