Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements

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Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
Repenser
les
systèmes
Westminster
à
partir
des
Parlements
1. Les caractères des démocraties majoritaires selon Arend Lijphart 2. Les caractères des
démocraties majoritaires en discussion 3. Élections, multipartisme modéré et formation de
gouvernements de coalition ou minoritaires. 4. La codification des règles conventionnelles 5.
L'équilibre entre le Parlement et le Gouvernement 5.1. Le soutien de la majorité parlementaire
au Gouvernement 5.2. La reforme des règlements parlementaires 5.3 Les élections à date fixe
et la dissolution de la Chambre élective 6. Conclusions.
1. Les caractères des démocraties majoritaires selon Arend Lijphart
Dans la pensée de Lijphart les démocraties Westminster sont placées à l’extrémité d'un
hypothétique continuum qui conduit des démocraties majoritaires aux démocraties
consensuelles
(Lijphart,
2001).
Les
Démocraties
majoritaires
présentent
les
caractéristiques suivantes:
1) Centralisation du pouvoir exécutif dans des
Gouvernements
soutenus par un seul parti politique, qui a la majorité des sièges au
Parlement, tandis que la formation de Gouvernements minoritaires (soutenues
par une minorité des sièges) ou de coalition (soutenus par deux ou plus partis)
est une rare exception.
2) Prédominance de l'exécutif sur le Parlement, puisque le Gouvernement
peut s'appuyer sur une majorité parlementaire cohérente et compacte qui
approuve ses propositions.
3) Système politique bipartite, vu qu'il y a deux partis qui sont en dégrée de
gagner la majorité des voix et des sièges et qui diffèrent les uns des autres
principalement par leur position idéologique par rapport à la politique
économique et sociale.
4) Système électoral majoritaire – généralement le first past the post system
– qui devrait être en dégrée d'assurer à un parti la majorité des sièges dans la
Chambre représentative.
5) Système unitaire et centralisé de gouvernement en vertu duquel le
principe de la séparation des pouvoirs est articulé seulement dans sa dimension
horizontale, mais il n’existe pas une articulation des pouvoirs sur le territoire de
l’Etat.
6) Concentration
du
pouvoir
législatif
1
dans
un
Parlement
Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
monocaméral. Le Royaume-Uni ne fait pas exception ayant un bicaméralisme
imparfait où la Chambre haute a moins de pouvoirs que la Chambre basse.
Seulement la Chambre représentative donne la confiance au Gouvernement,
tandis que la Chambre haute ne peut pas indéfiniment bloquer les lois adoptées
par la Chambre basse.
7) Flexibilité de la Constitution, qui peut être modifiée par des lois ordinaires
du Parlement.
8) Absence du contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des lois,
qui dérive du caractère précédent (n. 7), car il n'existe pas une constitution
écrite, rigide et contenue dans un seul document, qui peut constituer le
paramètre pour vérifier la compatibilité des lois approuvées par le Parlement
avec la charte fondamentale1.
2. Les caractères des démocraties majoritaires en discussion
Dans les démocraties majoritaires par excellence – Royaume-Uni, Canada, Australie et
Nouvelle-Zélande qui sont l’objet de cette analyse – sont en cours depuis quelques
années un certain nombre de changements politiques et institutionnels qui mettent en
cause la tenue du modèle originaire ou plutôt sa capacité de lire et d’«intercepter» les
innovations plus récentes. Ces pays, en fait, montrent plusieurs signes d’écart par
rapport aux caractères identifiés par Ljiphart:
1) Le déclin du bipartisme qui comprend soit le déclin électoral des deux
partis principaux, soit l'émersion d'un multipartisme électoral modéré, qui
se reflète – même si faiblement – dans la composition du Parlement. Dans
cette perspective non seulement la participation aux élections des partis
«tiers» devient de plus en plus importante, mais la rémunération en termes
de sièges en faveur des (deux) parties principaux est inferieure par rapport
au passé. Cela étant donné il est plus probable l’élection de Parlements sans
majorité.
2) La formation de gouvernements minoritaires ou de coalition
1
Le modèle de Lijphart fait référence à deux caractères qui ne sont pas pris en considération
dans ce travail: le pluralisme des groupes d'intérêt et la présence d'une banque centrale
contrôlée par l'exécutif qui a les instruments pour influencer la politique monétaire du
Gouvernement.
2
Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
après l'élection de Parlements sans majorité. Dans les deux cas, le parti
majoritaire doit «redimensionner» son programme de gouvernement, ou
parce qu'il a un petit soutien parlementaire (Gouvernement minoritaire), ou
parce qu’il doit conclure une alliance politique avec d’autres partis
(Gouvernement de coalition) en signant accords de coalition pré-électoraux
(Australie) ou post-électoraux (Royaume-Uni). Dans ce dernier cas, on
registre le recours à l’«agreement to differ» selon lequel le Gouvernement
tolère le vote contraire à ses proposition de quelques ministres pour faire
face aux questions politiques plus difficiles à résoudre au sein d’une majorité
parlementaire composite.
3) La tenue du système électoral – le scrutin uninominal majoritaire à un
tour – est accompagnée d'un ample débat sur sa reforme qui a eu
comme conséquence l'adoption d'un système électoral proportionnel
pour la Chambre des Communes en Nouvelle-Zélande (1993) et pour le
Sénat en Australie (1948). Au Royaume-Uni un signe de discontinuité de
la tradition du first past the post system est apparu lors de l'élection des
Assemblées représentatives dévolues, au niveaux infranational, et du
Parlement européen, au niveau supranational. D’autre coté dans le
même pays le référendum du février 2011 a exclu la substitution du scrutin
uninominal majoritaire à un tour avec le vote alternatif, qui par ailleurs
avait fait l’objet d’un agreement to differ au sein du Gouvernement de
coalition entre conservateurs et libérale-démocrates (v. n. 2). En définitive il
semble que le système électoral soit au même temps un élément de
continuité avec le passé et un «front chaud» en ce qui concerne les
prospectives de réforme politique et institutionnelle.
4) Depuis 1997 le Royaume Uni a introduit dans le système constitutionnel
l'articulation verticale du principe de la séparation des pouvoirs,
avec la conséquence qu'aujourd'hui le seul pays à être «centralisé» reste la
Nouvelle-Zélande (en ayant deux systèmes fédéraux «classiques» au Canada
et en Australie). Au Royaume-Uni la «devolution» a permis d'expérimenter
sur le territoire des systèmes électoraux mixtes et des Gouvernements de
coalition en introduisant des règles institutionnelles et des pratiques
politiques différentes de celles du centre. On peut ainsi comprendre parce
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Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
que le processus de décentralisation a été considérée la plus importante
innovation par rapport au modèle de Ljiphart (Flinders, 2005 et 2010).
5) Le bicamérisme imparfait est un caractère de toutes les expériences
examinées avec l’exception de la Nouvelle-Zélande, où la Chambre haute a
été abolie en 1951. D'autre part il est important de souligner le cas
australien, où la présence d'une deuxième Chambre élective et influente,
bien que non liée au Gouvernement par un rapport de confiance, est l'un des
principaux facteurs de déviation de ce pays du parlementarisme
Westminster. En fait une partie de la doctrine qualifie le système australien
un système «Washminster» pour les éléments de contact qu’il présente avec
l’expérience des Etats-Unis (Thompson, 1980; contra Ward, 2012). Dans ce
cadre il faut aussi remarquer aussi que les études sur le comportement de
vote des membres de la Chambre des Lords britannique après la réforme de
1999 montrent l'indépendance de cette Assemblée par rapport à l’exécutif et
sa capacité d’influencer sur la politique législative du Gouvernement (Russel
Sciara 2007 et Russell, 2013).
6) A part la considération que les constitutions soit disant souples peuvent être
absolument rigides en raison de leur résistance au changement, dans les
dernières années est apparue la tendance à «écrire» les règles
conventionnelles qui régissent le fonctionnement du gouvernement
parlementaire, en particulier en ce qui concerne les pouvoirs de dissoudre la
Chambre élective et de déclencher une élection générale (v. par. 5.3).
7) L'absence du contrôle de la constitutionnalité des lois – qui dérive de
l'absence d'une constitution écrite, rigide et contenue dans un seul
document – est tempérée soit par l'exception du Canada (où il existe un
contrôle de constitutionnalité des lois diffusé), soit par l'introduction d'un
contrôle de constitutionnalité «faible» (selon la définition de Tushnet,
2008) successif à l'introduction de catalogues des droits individuels (au
Royaume Uni et en Nouvelle Zélande) et fondé sur un différent équilibre
dans la relation entre le juge et le législateur, vu que le juge n'a pas le
pouvoir d'annuler la loi et doit l’appliquer même quand il déclare qu’lle n’est
pas compatible avec les droits de l’homme.
Sur la base de ces changements et des conclusions partiellement formulées par la
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doctrine qui a étudié l’évolution récente des systèmes Westminster (Flinders, 2006 et
Rhodes Voulez Weller, 2009), j’ai l’intention de réfléchir sur la position que les
Parlements occupent dans ce type de Gouvernement. Ce choix est lié à la conviction que
certains des innovations en cours limitent les forces hyper-majoritaires du
parlementarisme de matrice britannique en demandant un approfondissement sur le
rôle des Assemblée législative dans ces systèmes de gouvernement. Cette considération
ne veut pas remettre en cause la prévalence du Gouvernement sur le Parlement qui
caractérise cette variante du parlementarisme, mais vise plus simplement a définir (ou
décrire) l’équilibre entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif d’une manière plus
complexe et articulée de ce qu’on peut retrouver dans la dichotomie Parlement faible v.
Gouvernement fort qui est trop souvent associée aux parlementarismes anglosaxonnes.
Etant donné l’impossibilité d’examiner toutes les innovations politiques et
institutionnelles énumérées, je prendrai en considération celles qui affectent le plus la
relation de confiance entre le Parlement et le Gouvernement, vu que l’appui de la
majorité parlementaire au Gouvernement est, au même temps, le principal facteur de
force et de stabilité pour le pouvoir exécutif et de faiblesse pour le pouvoir législatif.
Dans cette perspective j’analyserai:
1. l’évolution des systèmes des partis et ses effets sur l’élection des Parlements et
sur la formation des Gouvernements;
2. l’écriture ou la codification des règles conventionnelles;
3. le rapport entre le Parlement et le Gouvernement en ce qui concerne le rapport
du Gouvernement avec la majorité parlementaire (a); la reforme des règlements
parlementaires (b); l’introduction de la durée fixe de la législature (c).
3. Élections, multipartisme modéré et formation de Gouvernements de
coalition ou minoritaires
Dans les pays examinés au cours des années ’90 du XX siècle émerge un multipartisme
modéré qui se reflète en mesure limitée dans l’élection du Parlement, où la présence de
partis tiers est plus forte que dans le passé. Les manifestations et les raisons de ce
changement sont différentes d’un pays à l’autre.
Au Canada, on peut observer la transformation du système des partis dans une
direction plus complexe et volatile au sein de laquelle la présence des deux partis
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traditionnels (libéraux et conservateurs), capables de remporter la majorité des voix et
des sièges, est accompagnée par l’émersion de partis relativement petits mais avec un
enracinement important sur le territoire qui les rend capables de gagner des sièges à la
Chambre des Communes. Dans ce contexte, la croissance des partis tiers et l'érosion du
consensus en faveur des partis traditionnels (qui depuis les années ’90 arrivent à attirer
«seulement» le 65% des voix contre le 80% qui gagnaient dans les années ’40 et ’50)
casse le bipartisme, tant que du début des années ’90 le Bloc québécois (1993-1997), le
Parti réformiste (1997-2000) et le Nouveau Parti démocratique (2011-2012) ont été
pour certaines périodes le deuxième parti du pays. En conséquence, en 2004, en 2006
et en 2008 les élections générales ont donné au Pays des Parlements sans majorité et
des Gouvernements minoritaires.
En Nouvelle-Zélande, la prédominance des deux principaux partis n'a pas été
contestée jusqu'au 1951, quand la capacité des laboriste et des nationalistes à gagner
votes diminuait, mémé si la capacité des partis tiers à gagner des sièges au Parlement
restait très limitée (arrivant à 1% seulement des sièges malgré l'augmentation du
nombre des suffrages obtenus). Dans ce cadre de la représentation parlementaire
peuvent être trouvées les raisons du changement du système électoral. En 1993 la
population a choisi avec un referendum de substituer le scrutin majoritaire à un tour
avec le système proportionnel du multy party member system. Dans la décennie
suivante un multipartisme modéré a fait son entrée dans la Chambre des Communes,
qui est arrivée à compter jusqu'à huit/neuf partis. Ce changement – sans modifier la
nature majoritaire de la démocratie en question – a eu un impact sur différents aspects
de la constitution: la procédure de formation et la nature du Gouvernement, le rôle du
Gouverneur Général, le rôle du Premier ministre à l'égard des autres ministre, le
système des sources du droit (surtout en ce qui concerne le développement du niveau
des normes secondaires), le processus législatif, le système des commissions
parlementaires qui contrôlent l’exécutif (Palmer Palmer, 2004).
Le cas australien a deux volets intéressants. Tout d'abord, il s'agit d'un pays qui a été
conduit par un Gouvernement de coalition pour plus de 60 ans, bien qu'il s’agissait
d’une coalition avec des caractéristiques particulières (Costar, 2011), tant que une
partie de la doctrine ne la considère même pas une coalition proprement dite (Sartori,
1976). Deuxièmement, en 2010 a été élu un Parlement sans majorité où aucun des deux
principaux partis est arrivé à gagner la majorité des sièges. Soit le parti laboriste, soit la
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coalition nationaliste-libérale a gagné 72 sièges (c’est à dire 144 sièges sur les 150
disponibles). A la suite des consultations menées par les partis politiques pour vérifier
la faisabilité d'une alliance de gouvernement, le Parti travailliste a formé un
Gouvernement minoritaire soutenu par les députés verts et par quelques députés
indépendants. Dans le cadre de ces négociations les forces politiques ont convenu sur la
nécessité de modifier les règlements parlementaires (Ward, 2012 et infra par. 5.2).
Au Royaume-Uni après l’élection générale de 2010 aucun parti n’a gagné la majorité
absolue des sièges à la Chambre des Communes. Les conservateurs avec le 36,1% des
votes ont obtenu 306 sièges, le parti laboriste 258 avec le 29% des voix et les libéraux
57 avec le 23%. Les autres partis ont gagné le 11,9% des voix et 28 sièges, répartis entre
le Scottish National Party (6 avec 1, 7% des voix), les verts (1 avec l’1% des voix ), le
Sinn Fein (5 avec le 0, 6 % des voix), le Plaid Cimru (3 avec le 0,6 % des voix), le
Unionist Democratic Party (8 avec le 0,8 % des voix), le Social Democratic and
Labour Party (3 avec le 0,4% des voix) et la North Ireland Alliance (1 avec 0.1 % des
voix).
Ces résultats confirment les distorsions qui peuvent découler du système électoral
majoritaire à un tour en présence de partis avec un consensus non concentré sur le
territoire, vu que le United Kingdom Indipendence Party et le British National Party
ont obtenu, respectivement, le 3,2% et l '1,9% des voix, mais aucun siège. Les chiffres
nous donnent l’image d'un multipartisme électoral modéré qui se reflète partialement
dans le Parlement, où n'est plus négligeable la présence des libéraux-démocrates et des
partis tiers (Donovan, 2007; Olivetti, 2010; Blackburn, 2011). L'analyse diachronique
des données montre que, par rapport au passé, le système électoral décourage moins
(en termes de sièges remportés) le vote en faveur des partis mineurs et rémunère moins
le vote en faveur des partis majeurs (Curtice, 2010; Paun 2011).
Etant donné ces résultats nous pouvons formuler deux observations:
1) Dans les pays examinés émerge un multipartisme modéré au niveau
électoral qui a des limitées conséquences dans la composition du
Parlement. Cela crée les conditions pour l'élection de Parlements sans
majorité. On peut noter qu’en 2010 – après les élections britanniques – dans
tous les systèmes étudiés il y avait un hung parliament. Cette «homogénéité» a
été interrompue avec l'élection canadienne de 2011, qui a donné au pays une
majorité conservatrice à la Chambre des Communes. Il faut aussi noter que
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dans tous ces pays (avec l’exception de la Nouvelle Zelande) est ouvert un débat
sur la modification du système électoral majoritaire à un tour, visant à
introduire un système de transformation des votes en sièges garantissant une
présence plus significative au Parlement des partis tiers.
2) Après l’élection d’un Parlement sans majorité, il est possible de
créer ou un Gouvernement minoritaire ou un Gouvernement de
coalition. L’option du Gouvernement minoritaires a été choisie plus souvent
au Canada, en Nouvelle-Zélande et dans l’histoire britannique. Au RoyaumeUni et en Australie, autrement, ont été créées des gouvernements de coalition
avec des caractéristiques différentes. Dans le premier cas il s’agit d’une coalition
organique entre partis traditionnellement non proches du point de vu du
idéologique et du positionnement politique, tandis que dans le second il s’agit
de coalitions siglées parmi des acteurs politiques contigus dans le système
politique. Dans le deux cas le Gouvernement de coalition au niveau national a
des précédentes au niveau territorial. Cela démontre que la présence de la
division territoriale du pouvoir détermine un conditionnement réciproque entre
les niveaux de gouvernement, qui est en degrée d’influencer le cadre politique et
institutionnel nationale. Naturellement il faudra vérifier dans quelle mesure la
résilience de la culture politique majoritaire affecte l'adoption de solutions
politiques et institutionnelles de nature et de tradition consensuelle, vu que –
par exemple – les études concertantes les Gouvernements de coalition
régionales au Royaume Uni montrent une forte continuité de la culture
politique Westminster oriented qui a été en dégrée d'assurer des Gouvernement
fort et stable quand même (Matthews, 2011; pour un similaire argument sur la
Nouvelle Zelande v. Boston Church Bale, 2003).
4. La codification des règles conventionnelles
Dans les pays examinés le gouvernement parlementaire s’est affirmé sur une base
conventionnelle. Les conventions constitutionnelles sont des règles non écrites et non
juridiques qui régissent l'exercice des pouvoirs discrétionnaires des titulaires des
organes constitutionnels. Elles donnent flexibilité à un cadre normatif rigide afin de
permettre l'adaptation des institutions du gouvernement aux changements sociales et
politiques,
en
rendant
ainsi
possible
le
8
fonctionnement
de
la «machine»
Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
institutionnelle.
Dans chacun des pays considérés il y a une tendance à l’écriture des règles
conventionnelles à travers l'adoption de règles juridiques ou de codes de soft
law. Dans les deux cas l’écriture est fonctionnelle à clarifier les obligations qui
s’imposent aux titulaires des plus hautes fonctions de l'Etat. Le fin est de garantir la
«certitude de la règle», soit pour les titulaires des fonctions publiques (qui sont
aussi les «auteurs» des règles dont on est en train de parler), soit les citoyens
(Rawlings, 2000). Dans le premier cas pour préciser le contenu des obligations
découlant des conventions, en particulier en correspondance de contingences
institutionnelles rares ou peu fréquentes (comme c’était, par exemple, au Royaume-Uni
l'élection d'un Parlement sans majorité). Dans le second pour permettre un contrôle
efficace sur l’exercice des fonctions publiques par l’opinion publique.
Seulement la «traduction» des règles conventionnelles en normes juridiques change la
nature des règles en question, qui deviennent applicables par les juges. L'écriture
affecte également la modification de la règle et sa flexibilité, parce que après sa
codification la règle pourra-t-être modifiée dans le respect des normes sur la
production normative, en devenant forcement plus rigide.
La «transformation» des règles conventionnelles en normes juridiques peut se produire
au niveau constitutionnel ou législatif du systèmes des sources du droit. Deux exemples
de codification constitutionnelle sont l’art. 6 de la Constitution de la Nouvelle-Zélande
(1986), qui a transposé la règle selon laquelle les ministres doivent être membres de la
Chambre des Communes et a implicitement aboli le pouvoir du Souverain ou du
Gouverneur Général de refuser la sanction royale, et la procédure de révision de la
Constitution canadienne, qui a accueilli le principe conventionnel selon lequel les
Provinces ont le droit de participer à la révision de la Constitution qui affecte leur
compétences constitutionnellement garanties (v. partie V de la Loi constitutionnelle de
1982). Les lois ordinaires qui disciplinent la durée de la législature et limitent le
pouvoir d’initiative du Premier Ministre en ce qui concerne la dissolution de la
Chambre élective, et la conséquente convocation d'une élection générale, sont un
exemple de codification de règles conventionnelles à travers l’instrument de la loi
ordinaire du Parlement (v. par. 5.3).
Enfin, les règles conventionnelles peuvent être codifiées en dehors des règles juridiques
sur la production normative, à travers l'adoption de codes visant à réglementer la
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conduite des ministres et du Gouvernement. Dans ce cas il n’y a pas une juridification
de la règle conventionnelle, qui reste dans la «disponibilité» des destinataires/auteurs
relativement à sa modification, ayant les codes de soft law tout simplement
«enregistré» les ajustements développés dans la pratique. Le Ministerial Code au
Royaume Uni, le Guide for Ministers and Ministers of State au Canada le Cabinet
Manual en Nouvelle Zelande et le Federal Executive Handbook en Australie se situent
dans cette seconde hypothèse.
Le processus en question ouvre un certain nombre de questions. D'une part, la
codification favorise certainement la connaissance des règles conventionnelles, en étant
capable de faire connaître les règles moins fréquentées par les acteurs politiques aussi.
D'autre part, l’écriture est susceptible d'être peu utile quand elle intervient dans des
domaines où la définition des contraintes imposées par les conventions est incertaine,
soit parce qu'elle peut se traduire dans des dispositions indéterminées, soit parce
qu'elle pourrait choisir une interprétation de la convention en excluant les autres. De
cette manière la codification finit par nier le caractère consensuel de la règle
conventionnelle, qui est l'un de ses éléments structuraux. Comme a été affirmé: «there
is a tension inherent in the idea of codifying constitutional conventions that becomes
greater the less clarity or consensus that surrounds them» (Blink, 2014, p. 196). Cette
considération soutient le point de vue de ceux qui estiment que la codification des
règles conventionnelles est une contradiction en termes, car «[it] would raise issues of
definition, reduce flexibility, and inhibit the capacity to evolve. It might create a need
for adjudication, and the presence of an adjudicator, wheather the court or some new
body»2.
Le processus en question intéresse cet étude pour deux raison au moins: d’un coté,
parce qu’il implique l’approbation de normes juridiques relatives à la séparation des
pouvoirs, une matière classiquement considérée de caractère constitutionnel dans des
pays qui ont une relation «spéciale» avec l’écriture des normes matériellement
constitutionnelles. De l’autre, parce que l’écriture des réglés juridiques relatives aux
rapports entre les pouvoirs de l’Etat rende «naturellement» plus rigide la relation entre
eux (Pace, 1995) et «ouvre la porte» à l’intervention du juge pour résoudre les conflits
que jusqu’à ce moment étaient décidés par voie politique.
2
Joint Committee on Conventions House of Lords, Paper 265-I, II - House of Commons, Paper 1212, I, II
(v. http://www.publications.parliament.uk/pa/jt200506/jtselect/jtconv/265/265.pdf).
10
Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
5. L'équilibre entre le Parlement et le Gouvernement
5.1. Le soutien de la majorité parlementaire au Gouvernement
Les parlementarismes Westminster sont traditionnellement encadrés comme des
systèmes de gouvernement dans lesquels le pouvoir exécutif peut compter sur le
soutien de la majorité parlementaire. Dans la plupart des cas, il y a une majorité
monopartite (considérée) compacte et disciplinée au moment du vote des propositions
du Gouvernement. Néanmoins, au cours des dernières années, les études sur le
comportement de vote des députés montrent une relation plus complexe et articulée
entre l'exécutif et la majorité parlementaire en vertu de laquelle la loyauté de la
majorité
parlementaire,
bien
qu’elle
soit
la
règle
des
travaux
parlementaires, n’est pas évidente ni automatique.
Le pays où cette transformation est la plus marquée est le Royaume-Uni. Dans la
«mère» des systèmes Westminster les trois généralisations sur le système
parlementaire majoritaire – Gouvernement majoritaire, cohésion de la majorité
parlementaire et nature épisodique des révoltes des députés contre le Gouvernement –
sont valables entre 1945 et 1970. Après cette date le cadre politique change et la
capacité de l'exécutif à diriger l'activité des Communes, tout en restant efficace,
commence à être affectée par plusieurs variables qui rendent le résultat du vote pas
toujours certain et prévisible.
Après le début des années 70, en effet, le taux des rébellions des députés de la majorité
parlementaire commence à augmenter considérablement. Si au cours des années ’50 il
y a eu une rébellion tous les 50 votes, pendant les années 70, le rapport arrive à une
rébellion tous les 5 votes. Dans la même période augmentent aussi les défaites
parlementaires du Gouvernement: de 1970 à 1979 l'exécutif a souffert 65 défaites contre
les 5 des 25 années précédentes (Norton, 1975, 1978, 1980, 1981 et 1985). Depuis la
situation n’a pas vraiment changée vues les difficultés du Parti conservateur avec la
«question européenne», les problèmes du Gouvernement laboriste avec la guerre en
Irak, les charges universitaires et la législation antiterrorisme (Cowley 2002 et 2005),
pour arriver aujourd’hui aux rébellions contre le Gouvernement de coalition d’une
majorité parlementaire assez animée (Cowley Stuart, 2013).
Les rébellions des députés de la majorité sont «traçables» dans tous les pays
considérés, même si elles se produisent avec des intensités différentes d’un pays à
l’autre. Dans un ordre décroissant du taux des rébellionson rencontre le Royaume-Uni,
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Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Dans une perspective diachronique on
registre des phases dans lesquelles l'unité du parti est la règle et d’autres dans
lesquelles le taux des rébellions augmente sensiblement. Dans chaque pays les taux des
rébellions varient sur la base de certaines caractéristiques spécifiques du système
politique et institutionnel. Au Canada il y a un taux faible mais constante des rébellions
sans doute lié à la fréquence des Gouvernements minoritaire. Au Royaume-Uni et en
Nouvelle-Zélande il y a des pics de rébellions qui interrompent un vote normalement
fidèle au Gouvernement en charge. En Australie, enfin, en dépit d'un Parti laboriste
absolument fidèle à son Gouvernement, il y a un significatif taux des rebellions au
Sénat qui se confirme une fois de plus l’institution spéciale de ce Pays (Kam, 2009).
Les raisons de ce changement ne sont pas facile à déchiffrer. La doctrine a développé
plusieurs explications: certains auteurs soulignent les données historiques qui
encadrent ce phénomène comme entièrement britannique, en étant lié à la nature
spécifique des personnalités et des problèmes politiques impliqués. D'autres soulignent
les modifications plus profondes du système politique: le désalignement du système des
partis – qui voit les électeurs de plus en plus mobiles et non plus liés par une affiliation
idéologique aux partis politiques – et la professionnalisation de la politique. D’autres
encore remarquent l’importance d’un facteur institutionnel comme l'affaiblissement de
la convention constitutionnelle de la responsabilité ministérielle, parce que le
Gouvernement
est
aujourd’hui
capable
de
«survivre»
à
certaines
défaites
parlementaires et les députés pensent de pouvoir voter plus librement que dans le
passé (Kam, 2009).
Il s’agit d’hypothèses qui ne s’excluent pas l’une l’autre et qui mettent en évidence toute
la complexité de la relation entre le Gouvernement et la majorité parlementaire, une
relation qui ne peut pas être considérée donnée une fois pour toutes à la suite des
résultats électoraux. Naturellement la «fidélité» des députés de la majorité est une
variable capable d'affecter la dynamique d’une forme de gouvernement centrée sur la
loyauté du parti majoritaire à son propre Gouvernement.
5.2. La reforme des règlements parlementaires
Dans cette analyse ne doit pas être sous-estimé le niveau de la production normative
correspondant aux règlementes parlementaires: le Parlement est l'arène où le pouvoir
législatif et le pouvoir exécutif se confrontent régulièrement. Dans cette perspective les
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Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
règles que les Assemblées représentatives se donnent sont les règles du jeu
de cette confrontation et elles expriment l'équilibre existant à un certain
moment entre ces pouvoirs.
Parmi les expériences examinées, le pays sans doute plus actif dans ce domaine est le
Royaume-Uni. Non seulement en raison du processus de modernisation du
Parlement entrepris par les Gouvernements travaillistes depuis 1997 (un processus
cependant dont les résultats ne sont pas considérés d’une manière unanime par la
doctrine v. Kelso, 2009a; Flinders, 2007 et 2010), mais aussi parce que les reformes
plus significatives du point de vue du rééquilibrage des rapport entre le Parlement et le
Gouvernement ont été acceptées à contrecœur par le Gouvernement en conséquence de
la pression de l’opinion publique après le scandale des dépenses des députés, qui a été
une véritable policy window pour l’introduction des reformes de matrice parlementaire
(et non gouvernementale) (Kelso, 2009b; Russell, 2011).
En 2010 la Chambre des Communes a modifié les règles concertantes la
programmation des travaux, pierre angulaire de la procédure parlementaire car à
travers elle l'Assemblée décide son propre ordre du jour, et la procédure de
sélection des membres des commissions parlementaires qui contrôlent
l’exécutif au fin de la rendre le plus possible indépendante de l’influence du
Gouvernement.
En ce qui concerne la programmation des travaux, la priorité de l’initiative
gouvernementale dans les travaux parlementaires reste, mais une partie de la session
est dédiée au débat des initiatives des backbenchers et le choix des sujets à examiner
dans cet espace est de compétence d'un comité mis en place à cet effet: le Backbench
Business Committee (Howarth, 2011). En ce qui concerne le contrôle sur l’exécutif a été
conclu un difficile processus de réforme des règles relatives à la composition des
commissions de contrôle – auquel le Gouvernement s’était opposé plusieurs fois dans le
passé récente – visant à limiter le conditionnement des party whips (et donc du
Gouvernement) dans le choix des membres et des présidents des organes en question
(Russell, 2011).
Ces réformes trouvent une correspondance dans le Parlement australien. En ce qui
concerne la programmation des travaux, il faut examiner la réforme des standing
orders de la Chambre des Communes approuvée à la suite des élections de 2010 (v. par.
3), quand le parti laboriste a signé l’Agreement for a Better Parliament:
13
Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
Parliamentary Reform afin d'obtenir le soutien des députés nécessaires pour atteindre
la majorité des sièges dans la Chambre basse. Les reformes approuvées après la
convocation de la nouvelle Chambre concernent plusieurs aspects de l’organisation et
de l’activité parlementaire: le rôle du Speaker, le système des comités permanents, le
processus législatif, les interrogations (question time) et la programmation des travaux.
Relativement à la programmation des travaux, ont été étendus soit la composition et les
compétences du Selection Committee, soit les temps à disposition des private members
dans le travaux parlementaires. En faisant une comparaison entre les deux pays, il est
clair que – au-delà des aspects techniques qu’ici il n’est pas possible d’examiner dans le
détail – il y a la double exigence de soustraire au Gouvernement la disponibilité d'une
partie du temps de la session parlementaire et de donner aux «députés simples» la
programmation de cet espace.
Dans les deux cas il est évident que il ne s’agit pas de réformes qui modifient d’une
manière profonde l'équilibre des pouvoirs dans la vie parlementaire, mais certainement
elles brisent le monopole du Gouvernement sur la programmation des travaux et, en
conséquence, limitent les pressions hyper-majoritaires du modèle Westminster.
En ce qui concerne les commissions de contrôle sur le Gouvernement, il est utile de
comparer l'expérience britannique avec celle du Sénat australien. Les deux cas
montrent des points de contact et des différences. Dans les deux pays, le système des
comités est né dans les années ’70 avec l’objectif de concentrer le contrôle sur le
Gouvernement dans des organes permanentes et spécialisés. Le principe qui guide le
travail des collèges est différent: bipartisan au Royaume Uni et partisan en Australie.
Les raisons de cette différence sont faciles à comprendre. Les commissions
britanniques agissent dans la Chambre qui donne la confiance au Gouvernement,
tandis que les comités australiens agissent dans une Chambre qui n’est pas liée au
Gouvernement par un rapport de confiance. Si les commissions britanniques
travaillaient en suivant la contraposition entre majorité et opposition, elles finiraient
par être écrasées par la loyauté de la majorité parlementaire au Gouvernement en
charge. En revanche, les comités australiens fonctionnent dans une Chambre qui – en
étant élue avec un système proportionnel – se caractérise par des équilibres politiques
différents de ceux présentes dans la Chambre des Communes. Dans ce dernier cas,
donc, la logique partisan ne se traduit pas nécessairement dans un aplatissement sur
les opinions de l'exécutif et n’affecte pas l’efficace exercice de la fonction de contrôle.
14
Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
Vu que dans les deux cas la doctrine a souligné l'efficacité du contrôle sur le
Gouvernement réalisé par ces comités (Monk, 2009a; Monk, 2009b; Bach, 2003; Uhr,
1998; Mulgan, 1996; Russell Benton, 2011), nous pouvons conclure que, dans le
Gouvernement parlementaire la réussite du contrôle sur l’exécutif se fonde sur la
construction d’un espace d'autonomie du pouvoir législatif à l’égard du pouvoir exécutif
et sur la rupture/dérogation de la logique classique de la contraposition entre la
majorité parlementaire et l'opposition.
Les deux cas examinés montrent un Parlement qui n’est pas forcement un sujet passif
dans la relation avec le pouvoir exécutif, mais qui est en dégrée de le contrôler et de
limiter – même si d’une mesure limitée – sa prépondérance au cours de l’activité
parlementaire.
5.3 Les élections à date fixe et la dissolution de la Chambre élective
Dans les parlementarismes Westminster le pouvoir de dissoudre la Chambre élective
est de compétence du Chef de l'Etat (la Reine ou le Gouverneur Général) et
(indirectement) du Gouvernement, qui selon une convention constitutionnelle a le droit
de demander les élections. La disponibilité gouvernementale du choix sur la
convocation des élections a été critiquée pour trois raisons (Blackburn, 1990):
1. elle détermine un contestable et injuste avantage pour le parti majoritaire;
2. elle contredit le principe de la souveraineté du Parlement en attribuant au
Gouvernement (ou au Premier Ministre) la décision sur la durée de la
législature;
3. elle risque de compromettre la neutralité du Chef de l'Etat, qui peut se trouver
«au centre» d’une controverse politique difficile à résoudre.
À la lumière de ces considérations et
de certaines discutables décisions
gouvernementales (contestées par l’opinion publique) se sont créées les conditions
pour l'adoption de lois qui disciplinent la durée de la législature et la convocation des
élections, une matière jusqu'ici «couverte» par des conventions constitutionnelles.
Les solutions trouvées par les législateurs britannique et canadien présentent quatre
variantes:
1. la durée de la Chambre élective peut être fixe / flexible;
2. la prérogative royale de dissolution de la Chambre élective est abolie / limitée;
3. la législation discipline / ne discipline pas la relation de confiance entre le
15
Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
Parlement et le Gouvernement;
4. la dissolution anticipée du Parlement implique / n’implique pas le cours d’un
nouveau terme pour la dissolution du Parlement.
Royaume Uni Canada
Durée de la Chambre élective
Fixe
Flexible
Pouvoir de dissolution de la Chambre élective Aboli
Limité
Discipline du rapport de confiance
Non
Oui
Canada
La discipline de la durée de la législature a rencontrée au Canada un obstacle
constitutionnel, puisque l'art. 50 de la Loi constitutionnelle de 1867 fixe en 5 ans la
durée maxime de la Chambre des Communes et donne au Gouverneur Général le
pouvoir de dissoudre d’avance la Chambre élective en affirmant que: «La durée de la
Chambre des Communes ne sera que de cinq ans, à compter du jour du rapport des
brefs d'élection, à moins qu'elle ne soit plus tôt dissoute par le gouverneur-général».
La suppression de tel pouvoir ou sa modulation constitutionnelle aurait eu besoin d'une
procédure de révision constitutionnelle difficile à conclure. Pour éviter un difficile
passage institutionnel, en 2007, le Parlement fédéral a adopté la Loi modifiant la Loi
électorale du Canada. La réforme touche l'art. 56.2 de la Loi électorale en prévoyant que
«sans préjudice du pouvoir de dissoudre la Chambre élective que la constitution donne
au Gouverneur-Général chaque élection générale a lieu le troisième lundi d'octobre de
la quatrième année suivante la date de la dernière élection générale».
Formellement cette disposition ne limite pas le pouvoir du Gouverneur-Général et, en
conséquence, du Premier Ministre, qui selon une convention constitutionnelle a le droit
de demander la dissolution de la Chambre basse au Gouverneur-Générale. La
Constitution fixe donc la durée maxime de la législature (5 ans) et une loi ordinaire fixe
une durée plus courte (4 ans) qui ne viole pas la charte fondamentale parce qu'elle
établit un terme plus court du terme prévu par la Constitution pour la durée maxime.
Cette loi veut limiter l'initiative du Premier Ministre en ce qui concerne la dissolution
anticipée de la Chambre des Communes. En raison de sa difficile inclusion dans le
système de sources du droit, elle ne discipline pas la relation de confiance entre la
16
Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
Chambre des Communes et le Gouvernement et ne comporte aucune intervention du
Parlement. D'autre part, à la lumière de ce qui s’est passé en 2008, il est légitime de
s'interroger sur l'efficacité de cette intervention, qui peut facilement être «contournée»
par les organes constitutionnels et, en particulier, par le Premier Ministre.
Royaume-Uni
Potentiellement la loi approuvée en 2011 au Royaume Uni (Fixed-term Parliaments Act
2011) pourrait avoir un effet beaucoup plus incisif de la loi canadienne sur les
dynamiques du Gouvernement parlementaire. La loi en question fixe la durée maxime
de la législature et abolit la prérogative royale de dissolution de la Chambre basse. Elle
fixe une date pour la convocation des élections générale (le premier jeudi de mai de la
cinquième année suivante les élections précédente) [Art. 1 (3)] et prévoit que le
Parlement va se dissoudre automatiquement le dix-septième jour avant la date de
l'élection [art. 3 (2)].
La dissolution anticipée de la Chambre élective et l'anticipation des élections sont
prévues seulement dans deux cas:
1. lorsque les 2/3 des membres de l'Assemblée approuvent une motion à cet effet
[Art. 2 (1)];
2. lorsque la Chambre des Communes adopte une motion de censure contre le
Gouvernement qui n'est pas suivie par la formation d'un nouveau
Gouvernement dans 14 jours (article 3).
En cas de dissolution anticipée du Parlement le terme de cinq ans a effet à partir de la
date des nouvelles élections. La solution adoptée par Westminster diffère de celle
choisie par le Parlement d’Edimbourg, vu que en Ecosse la dissolution anticipée de
l'Assemblée législative détermine l’élection d’un Parlement qui restera en charge
jusqu’à la fin de la durée du Parlement dissolu.
La première hypothèse introduit un pouvoir d’autodissolution qui permet à une
majorité qualifiée de députés de décider la fin de la législature. Du point de vue
théorique cette option associe la dissolution anticipée au principe de la souveraineté du
Parlement et donne à l'Assemblée un pouvoir qui n’avait pas dans le passé. La loi
introduit une dérogation au principe de la majorité simple – règle d'or du système
parlementaire britannique – qui ne prévoit pas des majorités qualifiées, ni dans le
processus législatif, ni dans la modification du règlement parlementaire. Ce choix est lié
17
Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
à la volonté de soustraire cette décision à la majorité politique qui soutient le
Gouvernement en charge. En conséquence pour dissoudre la Chambre des Communes
le Gouvernement et la majorité parlementaire auront besoin au moins de l’appui du
principal parti de l’opposition.
La seconde hypothèse associe la dissolution anticipée du Parlement à l’émersion d'une
crise politique entre le Parlement et le Gouvernement et touche directement le rapport
de confiance existant entre les deux pouvoirs en ce qui concerne trois volets:
1. la loi prévoit les textes des motions de confiance et de censure que doivent être
approuvées par la Chambre élective [art. 2(4) et (5)], alors que dans la pratique
jusqu'à ce moment, en l'absence de règles de droit positif, la relation de
confiance entre le Parlement et le Gouvernement a été caractérisée par une
pluralité d'actes qui ne sont pas toujours facilement identifiables (Kelly Power,
2010). Dans les prochaines années il faudra vérifier si la loi en question aura des
conséquences ou si ne changera pas l’actuelle «liberté des formes» du rapport
de confiance.
2. La loi prévoit que le Gouvernement formé dans les 14 jours suivants
l'approbation d'une motion de censure soit soumis à un vote d'investiture,
tandis que jusqu’à ce moment la relation de confiance entre le Gouvernement et
la Chambre élective était toujours supposée.
3. La loi enfin codifie la règle conventionnelle du choix entre la démission du
Gouvernement (et la formation d'un nouveau Gouvernement) et la dissolution
de la Chambre élective qui s'ouvre après la défaite de l'exécutif dans un vote de
confiance (v. par. 4).
Le choix entre la démission et la dissolution du Parlement soulève une question sur
l'application de la loi. Techniquement l’art. 3 peut être contourné par le Gouvernement
en charge avec l’aide des députés de la majorité: la majorité parlementaire peut
approuver une motion de censure au fin de dissoudre la Chambre. Cette option
permettrait à l'exécutif de continuer à contrôler la durée de la législature et l'accès aux
urnes. D'autre part, il est difficile d'imaginer que dans une culture politique et
constitutionnelle comme celle britannique le Gouvernement puisse régulièrement
contourner la loi. Au même temps il est vrai aussi que dans cette dernière hypothèse le
Gouvernement aurait toujours besoin de l’appui de la majorité parlementaire.
Les lois examinées limitent le pouvoir du Premier Ministre par rapport à ses
18
Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
concurrents politiques, parce que le privent de la possibilité de décider la convocation
des élections, et à la majorité parlementaire, parce qu'elles lui soustraient la possibilité
d'utiliser la dissolution du Parlement comme un moyen de dissuasion face aux
rébellions des députés. Ces solutions normatives représentent sans doute une
manifestation de la rationalisation de la forme de gouvernement parlementaire typique
de l’Europe continentale, mais avec une significative différence: dans ce cas l’objectif
n’est pas de rendre plus stable le Gouvernement, mais de rééquilibrer la balance des
pouvoirs entre le Parlement et le Gouvernement en faveur du premier (Olivetti, 2012).
6. Conclusions
A conclusion de cette analyse il me semble possible de formuler quatre remarques:
1. Les parlementarismes Westminster sont caractérisés par la prévalence du
Gouvernement sur le Parlement. Au cours des dernières années, cependant, au
sein des pays examinés est émergé un certain nombre de changements
politiques et institutionnels qui semble atténuer le dégrée de cette prévalence,
qui apparait aujourd’hui moins radicale de celle qu’elle était dans le passé ou de
celle qui a été trop facilement décrite par rapport à ces expériences.
2. Les changements politiques et institutionnels dont on a parlé sont en train de se
produire avec des caractères et des temps différents d’un pays à l’autre, mais il
est possible d'identifier une série de points en communs parmi les expériences
examinées: l'émergence d'un multipartisme électoral modéré qui se reflète dans
la formation de Parlements sans majorité qui peuvent aboutir à la création de
Gouvernements de coalition ou minoritaires, l'ouverture – et parfois la
conclusion positive – du débat sur la modification du système électoral,
l'émergence des rébellions des députés de la majorité à l'égard du
Gouvernement, l’approbation de réformes des règlements parlementaires qui
visent à rééquilibrer la relation entre le Parlement et le Gouvernement,
l'influence des secondes Chambres dans le processus législatif et dans le
contrôle sur l'exécutif, l'adoption de lois qui limitent les pouvoirs du Premier
ministre dans la dissolution de l'Assemblée représentative et, enfin, la tendance
à l’écriture des règles conventionnelles relatives aux rapports entre les pouvoirs.
3. Dans ces changements se reflète l’image d'un Parlement qui a une relation
active avec l'exécutif, d’un Parlement qui ne peut pas être «réduit» à un organe
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Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
de ratification des décisions prises par le Gouvernement dans la perspective
plus classique de la contraposition automatique et mécanique entre
Gouvernement/majorité parlementaire et opposition. Cette constatation nous
rappelle la pluralité des relations qui se croisent dans les Assemblées
représentatives (King, 1976) et, en particulier, la centralité, d’une part, de la
relation entre le Gouvernement et la majorité parlementaire et, de l’autre, de la
relation qui partage frontbenchers et backbenchers. La première est au centre
du phénomène des rebellions des députés de la majorité parlementaire, la
deuxième est au centre des reformes de la programmation des travaux au
Royaume Uni et en Australie. En définitive il semble que pour comprendre le
fonctionnement des Assemblées représentatives il faut examiner toutes les
dynamiques qui les traversent et non seulement une d’entre elles.
4. Dans les pays examinés il y a un certain nombre de forces qui visent à équilibrer
la relation entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif en faveur du premier.
Ces forces ne modifient pas la nature majoritaire du Gouvernement
parlementaire de type Westminster, mais limitent ses tendances hypermajoritaires et montrent que la relation entre le Parlement et le Gouvernement
n'est pas donnée une fois pour toutes, mais se caractérise par une tension
constante, dans laquelle l'équilibre en faveur de l’un ou de l’autre pouvoir peut
se déplacer en raison d'un certain nombre de facteurs (politiques, économiques,
sociaux et constitutionnels) et que, compte tenu de cette variabilité, cette
relation devrait être étudiée (Flinders Kelso, 2011).
Francesca Rosa
Chercheur en Droit constitutionnel du Département de Droit de l’Université de Foggia
Proposition pour l’Atelier n. 15
[email protected]
mob. +39 347 9600823
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Repenser les systèmes Westminster à partir des Parlements
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