L`art contemporain africain fait aujourd`hui l`objet d

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L`art contemporain africain fait aujourd`hui l`objet d
L’art contemporain africain fait aujourd’hui l’objet d’un intérêt certain. Mais quel
regard le public occidental pose-t-il sur ces œuvres ? Depuis la fin des années 1980, les
professionnels et passionnés de la culture africaine tentent de changer ce regard souvent trop
ethnocentriste qui se complait dans une appréciation exotique ou misérabiliste. En 1989,
Pierre Gaudibert et Jean-Hubert Martin présentent l’exposition « Les Magiciens de la terre »
au Musée National d’Art Moderne. C’est la première fois que des œuvres d’art contemporain
des pays dits du Sud sont présentées au même titre que celles des grands noms du monde
occidental. L’année suivante, le Ministère de la Coopération et du Développement, dirigé par
Jacques Pelletier, est à l’initiative du programme « Afrique en créations », lancé par un
colloque qui regroupa 350 créateurs et producteurs culturels français et africains1.
L’introduction du colloque exprime ainsi la volonté commune qui réunie alors tous ces
acteurs : « une réflexion sur les besoins de la création contemporaine et une volonté de
favoriser toutes les expressions culturelles (…) marqueront une étape essentielle de cette
réflexion en mettant en lumière le dialogue culturel et les différents modes de la création,
dans leur lien avec l’œuvre de développement entreprise par les Africains et leurs partenaires
français. »2 L’objectif de ce colloque est de réfléchir sur les modes d’action à mettre en
œuvre, dans un souci de collaboration, pour participer au développement des arts d’Afrique et
au dialogue entre les différentes cultures.
Comment sont considérés les arts visuels de l’Afrique sur le territoire français ? Dans
un premier temps, nous verrons de quels furent les premiers objectifs de l’association
« Afrique en créations », ainsi que leur évolution. Puis, nous étudierons comment ceux-ci ont
été mis en œuvre, notamment sur le territoire français, et dans quelle mesure ils ont contribué
à la mise en valeur de l’art contemporain africain.
I- Programme « Afrique en créations ».
A) Colloque « Afrique en créations », 15 et 16 janvier 1991.
A l’initiative du Ministère, ce colloque est préparé dès le mois de mai 1989, par
l’association Africréation, qui se lie avec la société de production Eurékam, présidé par
Bernard Mounier. Il est sous-titré : « Création artistique, dialogue des cultures,
développement : les enjeux de la coopération et du développement ». Cet intitulé exprime
bien leur volonté commune de faire un bilan de la création en Afrique dans les différents
domaines artistiques, pour essayer de trouver des solutions adaptées et de mettre en place des
projets qui permettraient à l’Afrique de se construire dans ses propres territoires, mais aussi de
trouver sa place au niveau international.
1-Situation de la création en Afrique.
L’artiste africain est dans un premier temps pénalisé par un manque considérable de
moyens matériels. Les rares écoles ont des difficultés à fournir aux élèves le nécessaire pour
qu’ils puissent travailler dans de bonnes conditions. Il faudrait alors inciter les initiatives
privées de création d’ateliers ou de sponsoring en nature dans les écoles de Beaux Arts. Le
1
Principaux acteurs de ce colloque : Alfa Oumar Konaré, président de l’ICOM (président du Mali), Hervé
Bourges, président de la SOFIRAD, Jack Lang, Catherine Tasca, Erik Orsenna (conseiller culturel de
Mitterrand), Pierre Gaudibert,…
2
Afrique en Création, Création artistique, dialogue des cultures, développement : les enjeux de la coopération
culturelle, Ministère de la Coopération et du Développement, Paris, 15-16 janvier 1991, p.15.
colloque met également l’accent sur les difficultés juridiques que rencontre l’artiste. Il n’a pas
réellement de statut défini, ce qui créé des problèmes sur les questions d’imposition, de droits
d’auteur ou encore de réglementation de la sortie des œuvres du pays. Une autre grande
difficulté de l’artiste contemporain africain est qu’il est isolé de son propre pays, cherchant à
s’éloigner de l’art traditionnel, sans être pour autant intégré dans un réseau international. Il
n’existe pas réellement d’échanges au sein même de l’Afrique : il y a peu de collectionneurs
et les quelques musées, notamment celui d’Abidjan et celui de Niamey, ne possèdent pas
d’œuvres contemporaines en quantité significative. Il existe d’ailleurs très peu de grands
musées. Ils ont besoin d’une reconnaissance de leur valeur et de leur identité sur le plan
interafricain et international.
2- Quelles solutions ?
Plusieurs idées ont été émises afin de développer un réseau entre les différents pays
d’Afrique pour faciliter la diffusion des œuvres, par un marché interne, et susciter l’intérêt du
public. Les propositions sont nombreuses : créer un annuaire- répertoire des artistes avec lieu
de résidence ; mettre en place une foire des galeries et promouvoir des ventes aux enchères ;
impliquer les Etats africains dans l’acquisition d’œuvres ; créer des département d’art
contemporain dans les musées existants ; construire des maisons d’artistes avec des ateliers de
résidence et de travail, des lieux de rencontre, des bibliothèques et des espaces d’exposition,
…3
Le colloque a également souligné l’importance des projets de coopération entre
l’Afrique et les pays du Nord, ou encore la coopération au sein même du continent,
notamment entre l’Afrique arabophone et l’Afrique noire. Plusieurs propositions sont alors
faites dans cette direction, comme la mise en place d’expositions itinérantes dans le continent
ou entre l’Afrique et l’Europe. Le développement des CCF (Centres Culturels Français) est
aussi un des facteurs essentiels à cette coopération. Il est donc proposé d’augmenter les
budgets de ces structures, afin qu’elles puissent d’avantage s’investir auprès des populations.
Enfin, le jumelage d’ateliers, notamment la résidence d’artistes, peut permettre une réelle
coopération. L’objectif serait faire travailler ensemble des artistes français et africains, sur
l’un ou l’autre continent, dans le but, par exemple, de monter une exposition. Cela permet une
intégration plus facile d’artistes étrangers dans une culture différente, ainsi qu’une ouverture
de ces derniers sur un monde qui n’est pas le leur.
Enfin, la multiplication d’initiatives dans le Nord semble aussi une condition au
développement de l’art africain. Ce dernier doit en effet pouvoir prendre une place dans le
système international, sans être toujours considéré comme un art exotique, un art ritualiste, un
art dit de récupération, ou un art qui ne fait que reprendre, avec quelques années de décalage
les grandes innovations de l’art occidental. L’art traditionnel africain est reconnu, mais
l’occident fait preuve d’un réel scepticisme vis-à-vis de l’art contemporain. On manque
d’informations, il n’y a que très peu d’œuvres dans les musées, et leur présence est très faible
sur le marché intérieur et extérieur. Il faut donc montrer l’art et la culture africaine telle
qu’elle est réellement, par le regard même des Africains. Dans ce but, le colloque propose la
création de centres culturels africains, ainsi que la multiplication des expositions dans
différents types de structures. L’objectif est ainsi définit dans le compte-rendu du colloque :
3
Cf Annexes, Rapport de synthèse de l’atelier, in Afrique en Création, Création artistique, dialogue des
cultures, développement : les enjeux de la coopération culturelle, Ministère de la Coopération et du
Développement, Paris, 15-16 janvier 1991, p.105-107.
« … qui doit franchir le cap d’un succès d’estime ou d’un engouement passager pour avoir
accès à une reconnaissance économique que traduit notamment l’attribution d’une cote. »4
B) Evolution du programme.
1- Rapprochement avec l’AFAA : nouveau programme, janvier 2000.
En 1999, dans une volonté de réformer le dispositif de coopération internationale, le
Ministère de la Coopération et du Développement et celui des Affaires Etrangères fusionnent.
C’est alors que leurs opérateurs culturels, l’association Afrique en Créations et l’AFAA
(Action Française pour l’Action Artistique) se regroupent également, le 1 er janvier 2000. Un
nouveau programme est intégré dans le service de la coopération, de l’ingénierie et du
développement culturel de l’AFAA. Les deux anciens administrateurs d’Afrique en Créations,
Ibrahim Loutou et Bernard Mounier sont nommés au conseil d’administration de l’AFAA.
En 2000, un nouveau colloque s’ouvre à Lille, intitulé « Territoire de la création.
Artistes, institutions et opérateurs culturels. Pour un développement durable », sous la
direction d’Ibrahim Loutou. Différentes questions vont être posées : Quel rôle la culture peutelle jouer dans une évolution sociale vers la démocratie et le développement ? Comment les
nouvelles technologies de l’information peuvent-elles contribuer à une diffusion mondiale de
la création africaine ? Quelles formes de collaboration mettre en place ? Après un bilan de
l’action menée durant la décennie, un nouveau programme est mis en place pour une période
de trente mois, s’inscrivant dans le cadre du Fonds de Solidarité Prioritaire, pour un montant
s’élevant 2 200 000 euros. Son financement se fait en majeure partie par le Ministère, à
50,1%. Les autres participants sont l’Union européenne, les Ministères de la Culture africains
et français, l’AIF, ainsi qu’une quarantaine de donateurs, tels que la Fondation de France,
différents festivals, ou des collectivités territoriales. Les objectifs de ce nouveau programme
sont dans la suite de l’action de l’association : mise en réseau des opérateurs culturels,
professionnalisation des filières artistiques, soutien aux manifestations structurantes de la
création en Afrique, renforcement les savoirs et savoir-faire des artistes et entrepreneurs
culturels.
Cette fusion de deux organes distincts semble avoir été positive pour les deux parties.
En effet, l’AFAA motive son engagement dans le développement culturel en Afrique, et
Afrique en Créations profite d’un réseau déjà important et d’une meilleure mise en œuvre des
projets. En décembre 2000, les statuts de l’AFAA sont modifiés, possédant une nouvelle
mission : « le soutien à la création et au développement des expressions artistiques africaines
et francophones contemporaines, ainsi que leur promotion et leur diffusion en Afrique, en
France et dans le monde. »
2- Depuis 2003.
Un nouveau programme est mis en place en 2003, sur une durée de trois ans, porté par
un second Fonds de Solidarité Prioritaire mobilisateur, d’un montant de 5,9 millions d’euros.
Afrique en Créations souhaite élargir son périmètre d’action en y incluant le Maghreb et les
Caraïbes (Cuba, Haïti et Saint Domingue). Il cherche également à renforcer ses relations avec
4
Afrique en Création, Création artistique, dialogue des cultures, développement : les enjeux de la coopération
culturelle, Ministère de la Coopération et du Développement, Paris, 15-16 janvier 1991.
les établissements culturels français, ainsi qu’avec d’autres partenaires, tels que les
collectivités territoriales.
Deux programmes poursuivent ce projet de coopération. « Visas pour la création »
vise à développer les résidences d’artistes en Afrique et en France, sur des périodes de trois à
six mois. Dans ce cadre, l’artiste namibien Hercule Viljoen va travailler au sein de l’Ecole des
Beaux-Arts de Marseille. Sur 37 postulants, 10 ont été retenus pour ce type d’expérience. Le
second programme, « Ateliers du monde » s’attache à continuer la formation dans le cadre
d’ateliers régionaux.
II- Réalisations liées au programme.
Dans quelle mesure les propositions visant à développer la place de l’art contemporain
africain sur le territoire français ont-elles appliquées ? Afrique en Créations seule, puis en lien
avec l’AFAA, participe à plusieurs expositions de grande ampleur 5. De plus, certaines
propositions qui s’inscrivent sur le long terme sont mises en œuvre.
A) Quelques grandes expositions.
Les expositions promues par Afrique en créations ont toujours comme ligne
conductrice une volonté de faire évoluer la perception de l’art africain en France, de
promouvoir les artistes contemporains africains et de mettre au mieux cet art en valeur dans sa
diversité. En 1994, l’association rentre en contact avec l’Institut du Monde Arabe. Ils
proposent alors « Rencontres Africaines », qui s’intéresse au dialogue interafricain, marquant
une volonté de multiplier les échanges entre l’Afrique arabophone et l’Afrique noire. Brahim
Alaoui et Jean Hubert Martin en sont les commissaires et expriment ainsi leur désir
d’échanges : « Cette exposition s’inscrit dans la vaste réflexion engagée internationalement
dans les milieux artistiques au sujet de possible dialogue entre les différentes expressions
artistiques contemporaines relevant ou pas de la modernité occidentale »6. Ils prennent le
parti de laisser à deux artistes le soin de choisir les œuvres à exposer, dans une volonté
d’échapper à tout ethnocentrisme. Farid Belkahia et le malien Abdoulaye Konaté, artistes
ayant déjà fait preuve d’une grande ouverture et d’une connaissance importante du milieu
artistique, choisissent ainsi les œuvres de leurs contemporains. Cette exposition cherche à
mettre en avant le fait qu’il n’y a pas qu’un seul art africain, mais de multiples tendances. De
plus, elle considère qu’il ne faut plus aborder cette création d’un point de vue anthropologique
et sociologique, mais d’un point de vue d’historien d’art et de critique d’art.
A l’occasion du colloque de Lille, de septembre à décembre, de nombreuses
manifestations ont lieu autour de la ville : 200 dans 25 villes du nord. C’est la plus grande
manifestation africaine jamais présentée en Europe, qui tente de se détacher de l’image
occidentale de l’Afrique. Dans la revue Rezo International, François d’Almeida souligne la
difficulté de l’Occident à exposer et comprendre l’art africain : « Alors, montrera-t-on un jour
l’Afrique telle qu’elle est pour les Africains, avec toutes ses contradictions : l’Afrique
chaotique et terriblement vivante, belle et déprimante, cruelle et innovante, diverse et en
mouvement… ? Mais comment montrer l’Afrique hors de son contexte, dans sa diversité
5
Cf Annexe 1, Soutiens d’Afrique en Créations à des initiatives dans le domaine des arts visuels, de 1990 à
2005.
6
Brahim ALAOUI et Jean-Hubert MARTIN, Rencontres africaines, Institut du Monde Arabe, Paris, 6 avril- 15
août 1994, p.8.
artistique, géographique, humaine et historique ? »7 Il faut donc élargir notre regard.
Plusieurs propositions sont avancées lors du colloque, notamment la collaboration d’artistes
ou d’opérateurs sous forme de commande. La mise en place des différentes manifestations
dans les divers secteurs de la musique, danse et arts visuels a permit de toucher un large
public8. Ces événements ont donc touché une grande partie de la population lilloise,
permettant de réels échanges et de nombreux métissages à partir de thèmes universels.
Les résidences d’artistes se multiplient ayant souvent pour but une exposition
collective. « Nouvelles impressions, beautés.afriques@nantes », une exposition regroupant
douze artistes, eu lieu à la suite d’une résidence de cinq semaines en septembre 2004 9. Elle se
pose comme une résonance de la biennale d’art contemporain de Dakar, dans une volonté
d’ouvrir la voie à d’autres échanges et d’autres découvertes, toujours dans un souci de
coopération.
La dernière grande exposition soutenue par Afrique en créations et l’AFAA est
« Africa Remix »10. C’est la première fois que l’art africain contemporain est montré dans une
exposition de grande ampleur qui lui est exclusivement consacrée. Cette volonté de donner la
parole aux artistes, sans les enfermer dans un discours occidental qui ne pouvait leur
correspondre est toujours très présente. Il faut laisser l’Afrique se définir elle-même, dans sa
diversité. Cette exposition regroupait 84 artistes. Simon Njami, ancien rédacteur à la Revue
Noire, en fut le commissaire général. Il affirme ainsi l’importance d’une telle exposition :
« Ce type d’exposition est forcément important puisque ça donne l’occasion de se confronter
non seulement aux professionnels qui peuvent décider de la suite de leur carrière, mais
également à un public qui est en prise directe avec leur travail, et non plus par le prisme de
quelconques spécialistes. »11 Pour la première, une grande institution française présente un
large panorama de la création africaine, dans un désir de la révéler dans son esprit originel.
Cette exposition eu un véritable succès, et fut certainement pour beaucoup de gens l’occasion
de reconsidérer les arts de ce continent.
B) Initiatives sur le long terme.
Les réalisations qui s’inscrivent dans le long terme restent plus marginales. Le
colloque de 1990 proposait différentes actions à mener, et notamment la création de revues,
telles que L’Art en Afrique, revue esthétique tenue par des artistes et critiques africains, ou
encore Soleil Noir, une revue internationale. La fondation Afrique en Créations diffuse une
lettre d’information tous les trimestres au sein de la Revue Noire, créée au début des années
1990, ce qui lui donne une visibilité relative, la revue n’étant lue que par une population bien
précise et minoritaire.
La création d’une banque d’images et de données par la collaboration des CCF avec la
nouvelle bibliothèque de Limoges se met également en place durant la décennie. En effet,
aujourd’hui celle-ci détient un pôle francophone, regroupant des images et surtout des
7
Francisco d’ALMEIDA, « L’Afrique créatrice par elle-même », in Rezo International, n°3, automne 2000, p.48.
8
Quinzaine africaine, L’Afrique à jour, La cour africaine (design).
9
Nouvelles impressions, beautés.afriques@nantes, le Lieu Unique, Nantes, 15 octobre 2004- 9 janvier 2005
10
Africa Remix, Musée National d’Art Moderne, Paris, 24 mai- 8 août 2005.
11
Louis Magloire KEUMAYON, Entretien avec Simon NJAMI, « Pour la première fois la France a été
contrainte à se confronter à ses démons », in Le Messager, 30 juin 2005.
sommes importantes de théâtre et de poésie. De plus, l’AFAA met en place une
documentation africaine dans son centre de ressource, et propose sur son site internet un
chapitre consacré à la création africaine, permettant d’accéder à trois bases de données dont
une pour les arts visuels. Enfin, la mise en place d’un centre permanent de confrontation de
l’art africain et de l’art occidental, d’une maison des artistes africain, fut aussi abordée.
Toutefois, rien ne semble réellement avoir été fait dans ce sens là.
C) Quelle place prend ce programme dans le paysage de l’art contemporain français ?
De nos jours, l’art contemporain africain connaît une certaine émulation, mais souvent
par le biais d’organisations autres que celle du ministère. En effet, certains grands
collectionneurs y prennent une part très active. André Magnin et Jean Pigozzi déterminent le
prix du marché, privilégiant l’art brut. Ils ont le monopole. Certains collaborent régulièrement
avec eux, comme la Fondation Cartier qui a récemment exposé Chéri Samba, peintre de la
République Démocratique du Congo, ou encore la Galerie Agnès B, ou le Musée Dapper qui
évolue du primitif au contemporain. Un nouveau marché s’ouvre, le primitif étant devenu trop
cher. Certains artistes tels que Chéri Samba qui a vendu à Paris une toile, L’espoir fait vivre, à
32000 euros, ou le sculpteur Ousmane Sow, sont aujourd’hui bien intégrés sur le marché, en
partie grâce à l’action de ces collectionneurs. Certains établissements, comme le Musée des
Arts Derniers, à Paris, se vouent entièrement à cet art. Depuis 2004 ce musée présente une
Foire Internationale des Arts Derniers, qui exposent une vingtaine d’artistes. Il est à
l’initiative d’un artiste Olivier Sultan, passionné par l’Afrique et sa création.
L’action menée par l’AFAA et Afrique en Créations au niveau de la diffusion de l’art
africain en France dans le cadre d’institutions publiques ou privées, est également entreprise
par de nombreuses galeries, associations ou autres institutions. Toutefois, ces derniers restent
souvent dans des initiative d’envergure beaucoup moins importante qui de fait touche
beaucoup moins de monde. Une des vocations de d’Afrique en Créations est de diffuser cet
art à un public large qui n’a que peu de connaissance de la culture africaine.
Conclusion :
Le colloque de 1990 a dressé un bilan plutôt alarmiste de l’état de la création en
Afrique. De nombreux objectifs et projets sont alors définis, dans un esprit de coopération,
afin de participer au développement artistique de ce continent. En 2000, Afrique en Créations
est intégrée au programme de l’AFAA ce qui lui confère un certain poids. Les objectifs
restent similaires, dans une même volonté d’aide à la formation, à la création et à la diffusion.
De nombreuses actions ont été menées en Afrique ou en France. Un des objectifs était de
donner une place réelle à l’art africain dans les institutions françaises, ainsi que de modifier
notre manière de le considérer. Des expositions importantes ont eu lieu, toujours dans une
volonté marquée de mettre en avant la diversité et la particularité de ces créations. Evidement,
tous les projets n’ont pas été mis en œuvre, et les difficultés sont nombreuses pour mener à
bien les objectifs fixés par les différents programmes 12. Cependant, l’art africain commence à
acquérir une petite place dans le paysage artistique français, également soutenu par de
12
Cf Annexe 3, « Synthèse du rapport d’évaluation», Jean-Marie MONTEL et Jean-Daniel BALME, Appui à la
professionnalisation des opérateurs du continent africain, programme Afrique en Créations, Ministère des
Affaires Etrangères, Direction Générale de la Coopération internationale et du Développement, juin 2003, p.710.
nombreuses galeries et associations. Peut-être verrons nous bientôt ces artistes sur les murs
des collections permanentes de nos grands musées d’art moderne ?
« En dix ans, « Afrique en création » a donc pleinement réussi à jouer son rôle de
« pépiniériste », selon l’expression du vice président de l’AFAA, Ibrahim Loutou, à savoir
faire lever les jeunes pousses artistiques et culturelles africaines. Mais pour continuer de filer
cette métaphore biologique, a-t-elle pour autant réussi dans la mission qui est au principe de
toute action de développement, celle de faire fructifier et se reproduire les surgeons issus de
la friche africaine ? »13
Comme le souligne Jean-Louis Amselle, le programme a su développer et accompagner la
création contemporaine africaine, par la mise en avant de certains artistes, par le biais
d’expositions ou encore de résidences. Ils ont donc apporté une réponse à la visibilité de cet
art sur le territoire français, bien que de nombreux autres acteurs y participent également.
Mais la priorité du programme est avant tout la formation des artistes et acteurs culturels, qui
est la condition sine qua non à tout développement. Son rôle est avant tout de s’assurer de la
possibilité de créer, puis de diffuser la création et de la faire connaître au monde occidental.
Jean-Louis Amselle s’interroge sur la justesse de cette action. Il se demande si elle a su mettre
en valeur tous les aspects de cette culture, dans sa très grande richesse et diversité. Cela n’est
pas facile, mais doit rester le souci de tous ceux qui souhaitent donner une place à l’art
africain dans le paysage mondial.
13
Jean-Louis AMSELLE, L’art de la friche, ed. Flammarion, Paris, 2005, p.155.
Bibliographie :
Rapports :
Afrique en Créations, Création artistique, dialogue des cultures, développement : les enjeux
de la coopération culturelle, Ministère de la Coopération et du Développement, Paris, 15-16
janvier 1991.
Afrique en Créations, un partenariat proche des créateurs africains, 1990-1996, Rapport de
l’AFAA, 1998.
Territoire de la création. Artistes, institutions et opérateurs culturels. Pour un développement
durable en Afrique, Actes des Rencontres Internationales de Lille, 26-27-28 septembre 2000.
Jean-Marie MONTEL et Jean-Daniel BALME, Appui à la professionnalisation des
opérateurs du continent africain, programme Afrique en Créations, Ministère des Affaires
Etrangères, Direction Générale de la Coopération internationale et du Développement, juin
2003.
Rapports d’activité de l’AFAA, 2000 à 2004.
Ouvrages :
Pierre GAUDIBERT, L’art africain contemporain, ed. Le Cercle d’Art, Paris, 1991.
Nicole GUEZ, L’art africain contemporain, guide, 2ème édition, 1996.
Joëlle BUSCA, Perspectives sur l’art contemporain africain, ed. L’Harmattan, Paris, 2000.
N’GONE FALL et Jean-Loup PIVIN, Anthologie de l’art africain du XXème siècle, ed.
Revue Noire, Paris, 2001.
Hortense VOLLE, La promotion de l’art africain contemporain et les NTIL, ed L’Harmattan,
Paris, 2005.
Jean-Louis AMSELLE, L’art de la friche, ed. Flammarion, Paris, 2005.
Catalogues d’exposition :
Magiciens de la Terre, Musée National d’Art Moderne, Paris, 18 mai- 14 août 1989.
Rencontres africaines, Institut du Monde Arabe, Paris, 6 avril- 15 août 1994.
Lumières noires, Tanlay, 1997.
L’Afrique à jour, Salle des Amicales Laïques, Lille, octobre- décembre 2000.
La Cour africaine, Hospices Comtesse, Lille, septembre- décembre 2000.
Nouvelles impressions, beautés.afriques@nantes, le Lieu Unique, Nantes, 15 octobre 2004- 9
janvier 2005.
Africa Remix, Musée National d’Art Moderne, Paris, 24 mai- 8 août 2005.
Articles :
« Fondation Afrique en Créations », in La Revue Noire, n°1, printemps 1991, p.10.
« Les premiers pas de la Fondation Afrique en Créations. Entretien avec Patrice Peteuil », in
La Revue Noire, n°3, décembre 1991, p.55.
Francisco d’ALMEIDA, « L’Afrique créatrice par elle-même », in Rezo International, n°3,
automne 2000, p.4-8.
Laurent VEDRINE, « La photographie africaine à la conquête de l’Europe », in Rezo
International, n°4, hivers 2001, p.VII-VIII.
Jérôme NEUTRES, « Afrique en créations, de l’association au programme », in Rezo
International, n°5, printemps/ été 2001, p.17-18.
Louis Magloire KEUMAYON, Entretien avec Simon NJAMI, « Pour la première fois la
France a été contrainte à se confronter à ses démons », in Le Messager, 30 juin 2005.
Sites internet :
www.diplomatie.gouv.fr
www.afaa.asso.fr
www.africultures.com
www.revuenoire.com