L`Académie française – correctrice ou - Phil.
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L`Académie française – correctrice ou - Phil.
Julia Kuen Katja Neubert Julia Reichenberger Elena Wengel L‘Académie française – correctrice ou conseillère linguistique? 1 Table des matières 1. Introduction .......................................................................................................................................... 2 2. Le site Web de l’Académie française................................................................................................... 2 3. L’Académie répond.............................................................................................................................. 5 3.1 Questions de langue ........................................................................................................................... 5 3.2 Courriers des internautes ................................................................................................................... 9 4. Les rubriques Emplois fautifs, Extensions de sens abusives et Néologismes et anglicismes ............. 12 4.1 Emplois fautifs.................................................................................................................................. 12 4.2 Extensions de sens abusives ............................................................................................................. 13 4.3 Néologismes et anglicismes.............................................................................................................. 14 5. Les rubriques Bonheurs et surprises et Bloc-notes ............................................................................ 15 5.1 Structure formelle ............................................................................................................................ 15 5.2 Bonheurs et Surprises ...................................................................................................................... 16 5.3 Bloc-notes......................................................................................................................................... 17 6. Conclusion ......................................................................................................................................... 19 7. Bibliographie...................................................................................................................................... 19 2 1. Introduction L‘Académie française, fondée en 1634 par le Cardinal de Richelieu, a été longtemps considérée comme étant la grande correctrice de la langue française et la gardienne du bon usage. La vieille dame du quai de Conti se donnait l’image d’être responsable de la pureté de la langue française. Sa mission se définissait de la manière suivante : « La principale fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences » (Académie française 1995: 19). Mais au cours des dernières cinq à dix ans, on observe un changement au niveau de l’autoprésentation de l’Académie qui se veut de plus en plus comme conseillère linguistique. Dans ce travail, nous analysons ce changement de paradigme. Nous faisons surtout référence aux rubriques du site web de l’Académie pour examiner dans quelle mesure elle se présente soit comme correctrice, soit comme conseillère en matière de langue. 2. Le site Web de l’Académie française Le site web de l‘Académie française (www.academie-francaise.fr) a été ouvert le 3 décembre 1998 (cf. Académie française : « Les grandes dates »). Il est accessible à toutes et à tous, aux professeurs, aux journalistes, aux personnes qui travaillent avec la langue, mais aussi aux locuteurs profanes. Le site est la propriété de l’Académie qui en est aussi l’auteure. En ce sens, le terme Académie dénomme tous les membres de cette institution (cf. Académie française : « Mentions légales »). Cependant, on ne connait pas toujours les noms des personnes qui ont rédigé les articles. L’Académie se compose, en règle générale, de quarante membres, dont un Secrétaire perpétuel qui est sous la protection du Président de la République. En 2013, on ne compte que 37 membres, dont des hommes de lettres, des écrivains, des historiens, des hommes politiques, des avocats et des généraux (cf. Académie française : « Les immortels » ; cf. Frey 2000 : 3, 19 ss., 77). Le site web se compose de différentes rubriques qui contiennent les souscatégories suivantes: Accueil, L’institution, Les immortels, La langue française, Le Dictionnaire, Les prix et Les fondations ainsi que L’actualité (cf. Académie française: „L’Accueil“). 3 La page d’accueil montre le logo de l’Académie française et les différentes catégories. Il y a aussi des images changeantes du Cardinal de Richelieu, de plusieurs tampons, de la couverture du premier dictionnaire, etc. Il y a aussi de petites annonces qui traitent de l’actualité. En cliquant sur la rubrique L’institution, le visiteur trouve les souscatégories L’histoire, Les missions, L’organisation et Les statuts qui donnent des informations sur l’histoire, sur le développement et sur les dates importantes de l’Académie ainsi que sur la défense de la langue française, sur les réunions de l’Académie et sur ses règlements. La rubrique Les immortels montre les photos des 37 membres actuels (en cliquant sur la photo, une nouvelle fenêtre donne des informations supplémentaires sur la vie et le parcours professionnel de « l’immortel » en question) et elle contient aussi des informations sur la cérémonie de l’introduction à l’Académie, sur les vêtements, sur les discours et sur les publications de ces membres. La rubrique La langue française contient un long article sur la naissance et sur le développement de la langue française. La rubrique Questions de langue montre un exemple d’une question de lecteur qui est accompagné de l’invitation suivante: « Écrivez-nous. Si vous vous posez une question sur un point précis de français ou si vous souhaitez simplement approfondir votre connaissance de la langue française, cette rubrique vous est destinée. » (Académie française : « Questions de langue »). Il se trouve également une liste avec des questions et les réponses correspondantes rédigées par le Service du Dictionnaire. Ni les noms des personnes qui ont posé les questions ni ceux des personnes qui répondent ne sont publiés. On trouve des conseils et des impératifs ainsi que des incitations et des interdictions. Une autre rubrique s’appelle Terminologie & néologie qui comprend le tableau On peut dire – au lieu de. Ce titre souligne le rôle de guide ou de conseiller que l’Académie française veut jouer, étant donné que le mot peut implique une recommandation et non pas une prescription d’utiliser les mots proposés. On trouve entre autres une liste qui comprend des équivalents français à des anglicismes et des liens qui donnent sur des dictionnaires ou sur le site web de Wikipédia, etc. Une autre rubrique de La langue française est intitulée Dire, Ne pas dire. Elle contient aussi un grand nombre de sous-catégories. L’accueil présente le logo de Dire, Ne pas dire en rouge et noir et des exemples de courriers des internautes. 4 La première sous-catégorie s’appelle Emplois fautifs où l’Académie se présente comme réviseure et correctrice de la langue française en déterminant ce qui est correct ou faux en matière de langue. On y trouve des tableaux On dit – on ne dit pas qui contiennent des prescriptions, des interdictions et des permissions qui règlent l’usage de certaines expressions. Il ne s’agit pas de réponses aux questions des internautes et le nom de l’auteur de l’article n’est pas indiqué. La deuxième catégorie s’appelle Extensions de sens abusives et traite de la polysémie de mots. On peut aussi y trouver des tableaux. La catégorie suivante intitulée Néologismes et anglicismes donne beaucoup d’exemples de mots anglais qui ont été francisés. Ainsi, on constate que l’Académie vise à protéger la pureté de la langue française. Il y a de nouveau des tableaux On dit – on ne dit pas. Dans les trois catégories présentées ci-dessus, l’Académie apparait comme réviseure et correctrice de la langue française. Elle dit clairement ce qui doit être considéré comme étant un bon usage et un mauvais usage de la langue française. L’Académie s’appuie sur des dictionnaires et aux règles de grammaire. Cependant, l’Académie joue aussi le rôle d’un guide ou d’une conseillère, ce qui se montre dans les sous-catégories Dire, Ne pas dire et Bonheurs & surprises. Elles contiennent des articles sur divers sujets et une liste des articles les plus récents. La date de publication est indiquée, mais pas le nom de l’auteur. Elles donnent des explications, des descriptions et des conseils sans adopter le rôle d’une correctrice. La sous-catégorie Bloc-notes ne fonctionne pas de la même façon. Il y a des articles qui indiquent le nom et montrent une photo des auteurs. Ceux-ci sont membre de l’Académie et ils présentent des recherches sur un sujet donné avec des exemples et des références précises. La dernière sous-catégorie Courrier des internautes ressemble aux Questions de langue. Les lecteurs posent des questions et l’Académie répond. La personne qui pose la question est identifiée par son prénom et par la première lettre de son nom de famille ainsi que par son lieu de résidence. Par contre, le nom de la personne qui répond n’est pas donné. Celle-ci essaie de répondre d’une manière objective. Cependant, elle donne non seulement des consignes ou des recommandations, mais aussi des règles et des prescriptions. Il reste encore trois rubriques à présenter. La catégorie Le Dictionnaire décrit e la 9 édition du Dictionnaire. Ses nouveautés sont présentées tout en accordant un 5 rôle important au bon usage. De plus, on trouve les neuf préfaces du Dictionnaire et il est possible de s’informer sur la commission du Dictionnaire. Il y a aussi un lien qui offre une consultation en ligne. Dans Les prix et fondations, les prix littéraires et les prix d’œuvres sont présentés ainsi que les règlements des concours et les différents Grands Prix. La dernière rubrique intitulée L’actualité permet une recherche en ligne et se rapporte aux nouveaux articles de Dire, Ne pas dire, aux dernières élections, etc. Une liste des publications de 2013 fait également partie de la rubrique. Dans ce travail, nous analysons la rubrique La langue française. Nous cherchons à répondre à la question de savoir si l’Académie se présente comme correctrice ou comme guide en matière de langue française. Elena Wengel 3. L’Académie répond Nous analysons d’abord les deux rubriques suivantes : Question de langue et Courrier des internautes. Elles décrivent le rôle que l’Académie assume en matière de langue. Ces rubriques ont en commun que l’Académie entre directement en contact avec la population et se présente comme une spécialiste qui est disposée à répondre à des questions. Dans l’analyse suivante, nous nous penchons sur les personnes qui posent des questions et sur la sorte de réponse qu’elles souhaitent. Notre intérêt porte également sur les personnes qui répondent et sur le ton qu’elles adoptent, à savoir un ton plutôt descriptif ou prescriptif. 3.1 Questions de langue Dans la rubrique Questions de langue, le visiteur du site est invité à s’adresser directement à l’Académie : Ecrivez-nous. Toute personne qui a des questions linguistiques peut les poser en ligne et le Service du Dictionnaire répond par courriel. En haut de la page se trouve un article dans lequel l’Académie instruit les utilisateurs de ce service sur le bon usage du mot anglais e-mail. Il est constaté que le terme courriel a été approuvé en 2003. Cependant, on ne doit substituer mél à courriel que devant une adresse électronique. Cette mise en garde souligne l’effort que l’Académie investit dans la diffusion d’un usage soigné de la langue française, surtout dans le domaine de l’informatique où les anglicismes sont nombreux. En bas de la page se trouve une liste alphabétique des questions les plus fréquentes 6 accompagnées des réponses du Service du Dictionnaire. Lors de l’été 2013, la liste contient 90 questions, un nombre qui n’a pas changé depuis trois mois. Dans ce contexte, il serait intéressant de connaitre les attentes des visiteurs du site : attendent-ils des recommandations ou des consignes? Cela pourrait influencer l’autoprésentation de l’Académie. Dans cette rubrique, ni les noms des lecteurs, ni les courriers ne sont publiés. En revanche, le sujet de la question est souvent condensé en un seul mot clef ou en une citation elliptique. La plupart des questions traitent de sujet précis, à savoir d’une forme grammaticale, de la prononciation, de l’orthographe, de l’emploi d’une expression ou de son origine. Cependant, il y a quelques sujets, par exemple les anglicismes ou les expressions identifiées dans les médias, qui demandent des réponses plus complexes. Pour ce qui est des réponses, l’Académie n’indique pas le nom des personnes qui ont rédigé ces articles. Il se peut que tous les académiciens n’aient pas les mêmes idées, qu’ils ne se mettent pas d’accord sur le rôle que cette institution riche en traditions devrait jouer, à savoir celui d’un guide discret ou celui d’un défenseur strict. La défense de la langue reste toutefois le but principal. Ainsi, l’académicien Philippe Beaussant est le président de l’Association Défense de la langue française (DLF) et plusieurs immortels en sont membres du comité d’honneur. Les 37 membres de l’Académie française font partie d’une élite intellectuelle qui est censée faire preuve d’une maitrise excellente la langue française. Ils sont principalement des hommes de lettres et des chercheurs en sciences humaines. Cependant, aucun linguiste ne figure parmi les immortels. Nous analysons dans ce qui suit si l’Académie procède d’une manière descriptive ou si elle reste prescriptive et défend un usage de la langue dit correct. L’Académie tient à se présenter comme expert et comme conseillère en matière de langue. Nous pouvons constater que les réponses de l’Académie sont très détaillées. La plupart des articles sont écrits dans un style objectif et explicatif. En cas d’une question précise, l’Académie introduit la règle normative : « Autant que de (besoin, raison) est une forme déformée de en tant que de (besoin, raison), qui est incorrecte ». En outre, elle donne des explications supplémentaires qui fournissent des précisions sur l’étymologie et sur l’emploi d’un mot, surtout à l’aide de citations plutôt littéraires. L’Académie souligne son rôle de conseillère : « En résumé, nous conseillons d’écrire […] », « l’Académie française recommande d’éviter […] ». Elle donne toujours plusieurs expressions qui sont correctes : « En choisissant la 7 forme déchèterie, l’Académie française a marqué sa préférence […]. Il faut néanmoins reconnaitre que la forme déchetterie s’est très largement répandue dans l’usage ». Dans quelques articles, l’Académie s’appuie aussi sur l’avis d’autres institutions ou ouvrages, comme la grammaire de Grevisse, le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale, la Bibliothèque de la Pléiade, le site de la D.G.L.F. et la base de données France Terme : « Vous pouvez également consulter sur le site de la D.G.L.F., le rapport de la Commission générale de terminologie et de néologie sur ce sujet ». Parmis les institutions indiquées figurent aussi l’Institut national de la langue française (INALF), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et l’ISO : « Il existe d’ailleurs une recommandation de l’Organisation internationale de normalisation qui définit les normes ISO ». L’Académie se réfère aussi à une liste publiée par le ministère des Affaires étrangères et européennes et au Journal officiel de la Commission générale de terminologie et de néologie.1 Dans la rubrique Apprentissage du français, l’Académie donne des conseils précis et dirige les locuteurs vers des sources qui sont censées les aider à approfondir leurs connaissances linguistiques. D’abord, l’Académie rappelle qu’elle « n’est pas un établissement d’enseignement et ne dispense pas de cours de langue ». Elle fait référence aux instituts comme L’Alliance française. Le Dictionnaire ainsi que la rubrique Questions de langue sont considérés comme étant des moyens utiles, mais loin d’être les seules ressources utiles. L’Académie recommande une multitude de médias gratuits susceptibles d’encourager et de motiver les locuteurs : « Nous vous souhaitons bonne chance et vous adressons tous nos encouragements dans votre apprentissage de la langue française. » Dans cette rubrique, l’Académie se présente comme conseillère de langue. Cependant, l’Académie ne se contente pas toujours d’un rôle de conseillère et fait preuve d’un protectionnisme, parfois subjectif et prescriptif, qui s’inscrit dans son rôle traditionnel de correcteur et de défenseur de la langue française. Dans la rubrique Questions de langue, le Dictionnaire n’est pas la seule référence proposée pour déterminer si une expression est correcte ou non. Cependant, il est à noter qu’il est toujours la première source citée : « […] comme le font bien 1 Le Secrétaire perpétuel de l'Académie française est un des dix-neuf membres de la commission générale de terminologie et de néologie qui travaille pour la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLF), rattachée au ministère de la Culture et de la Communication. 8 sûr tous les dictionnaires, à commencer par le Dictionnaire de l’Académie française […] ». Le Dictionnaire est employé comme un livre de règles tout en étant décrit comme étant « dictionnaire d’usage courant » sans « vocation encyclopédique ». À ce sujet, l’Académie écrit : « Le Dictionnaire de l’Académie française [...] donne une certaine image de la langue soignée, et la caution de ce juge sévère suffit à rendre légitimes des tours que l’on avait critiqués. En revanche, ses mises en garde sont plus d’une fois discutables, parfois même oubliées par les académiciens, aussitôt quitté le quai de Conti. » (Grevisse et Goosse 2008 : 25) En outre, l’Académie révise et modifie ses propres jugements sur le bon usage : « Ce terme a été approuvé par l’Académie française en juin 2003. L’Académie admet […] ». Cependant, nous trouvons un nombre de tournures prescriptives : « Il doit s’utiliser uniquement […] », « […] l’Académie établit la règle actuelle […] », « […] l’usage du symbole […] doit être proscrit dans la mesure où il contrevient à la règle traditionnelle […] ». Si les questions ne se rapportent pas à une expression précise, c’est-à-dire qu’elles concernent un sujet plus vaste qui fait débat dans la politique linguistique, l’Académie se révèle également comme défenseur conservateur de la langue. Ainsi, elle s’oppose à l’introduction de formes féminines pour les titres et les noms de métier: « [Elle] met en garde contre une féminisation autoritaire et abusive ». L’Académie argumente qu’une « féminisation autoritaire et systématique pourrait aboutir à de nombreuses incohérences linguistiques ». L’Académie s’attaque aussi contre l’emploi excessif de néologismes : « Mandature est un néologisme incorrect et totalement inutile […] ». Par contraste, elle opte pour l’invention de nouveaux mots français pour éviter l’emploi d’anglicismes. En 1999, l’Académie a proposé le terme « magistère », mais la forme « master » persiste, comme le montre la réforme du paysage universitaire qui favorise l’emploi des mots licence-master-doctorat : « L’Académie française […] recommande d’utiliser magistère chaque fois que cela est possible et se réserve le droit […] de réexaminer le terme MASTER et la graphie qu’il convient de lui donner ». Dans la rubrique Anglicismes et autres emprunts, l’Académie publie des réponses qui ressemblent à une véritable croisade contre les anglicismes. Bien que la plupart des textes soient écrits dans un ton descriptif, les académiciens se prononcent 9 fermement contre les anglicismes. Leur mission de combattre les anglicismes se manifeste, entre autres, dans l’introduction de nouveaux mots français pour éviter les emprunts à l’anglais. D’un côté, les membres de l’Académie démontrent pourquoi on ne devrait pas parler d’une « invasion des anglicismes ». De l’autre côté, ils soulignent à quel point la plupart des anglicismes sont inutiles, évitables et nuisibles. Selon l’Académie, les emprunts sont souvent « dus à une recherche de la facilité qui ne fait qu’introduire la confusion », mais « heureusement », ce sont souvent juste des phénomènes éphémères. S’il y a un synonyme français, l’Académie propose de l’employer, comme ‘message électronique’ pour mail ou ‘ordinateur’ pour computer ou ‘logiciel’ pour software. En ce sens, « l’Académie française [se] consacre [à contrôler l’usage des anglicismes], par son Dictionnaire et ses mises en garde, et par le rôle qu’elle tient dans les commissions officielles de terminologie et de néologie des différents ministères et au sein de la Commission générale ». Pour ce qui est des anglicismes, l’Académie prend le rôle d’un correcteur de langue. Les « fautes » de langue commises par les médias sont un autre sujet qui est une « source d’agacement ». Ainsi, l’Académie déclare que « conformément à sa mission et à ses traditions, l’Académie française s’attache à défendre notre langue par des déclarations officielles et par les mises en garde qu’elle publie régulièrement ». De même, il est souligné qu’ « elle s’attache également, au travers de son Dictionnaire […] à prescrire et à guider l’usage de la langue en indiquant les emplois corrects et en formulant un certain nombre de remarques normatives […] ». Nous avons vu que dans la rubrique Questions de langue, le rôle de conseiller linguistique est plus important que celui de correcteur. Cependant, l’Académie continue sa mission traditionnelle de défendre la langue et se montre ainsi plutôt comme gardienne de la langue française. 3.2 Courriers des internautes La rubrique Courrier des internautes constitue un recueil de questions posées par les visiteurs du site. Lors de l’été 2013, la rubrique compte sept pages, ce qui correspond à 69 courriers. Il s’agit là de commentaires ou de questions auxquels l’Académie répond. Ils sont rangés par ordre chronologique, avec le courrier le plus récent sur la première page. Le premier commentaire date du 6 octobre 2011. En outre, le site 10 offre un moteur de recherche qui contient toutes les sous-rubriques de Dire, Ne pas dire. Dans cette rubrique, les courriers sont présentés en complet avec le nom du locuteur, sa ville ou son pays. Les personnes qui posent les questions viennent non seulement de France ou de pays francophones, mais aussi d’autres communautés linguistiques. La personne la plus jeune n’a que neuf ans. La majorité des questions porte sur un sujet précis, comme l’orthographe ou la signification de mots, ce qui inclut aussi les synonymes et les antonymes. Les visiteurs du site demandent des réponses qui leur permettraient de faire un bon usage de la langue française dans leur vie professionnelle et privée : « Laquelle est correcte ? », « Quelle serait votre recommandation ? » Les premiers courriers publiés sur le site ne représentent pas des questions, mais des commentaires à propos du travail de l’Académie. Les opinions des internautes sont partagées. Tandis que les uns encouragent l’Académie dans son travail et se plaignent de la récurrence d’usages fautifs et d’anglicismes, les autres estiment les avertissements de l’Académie superflus. Cependant, les commentaires positifs sont prédominants. Les gens sont ravis que les académiciens partagent leur savoir, ce qui est souligné par les commentaires suivants : « Je vous écris simplement pour vous féliciter et vous remercier pour ce site », « C’est comme si les académiciens venaient jusqu’à moi, j’en suis touchée. » « Bravo pour votre initiative », « [Votre Dictionnaire] est ma référence et je vous en remercie ». Nombreuses sont aussi les voix qui se plaignent des « tics de langue » des médias et des anglicismes. Elles demandent plus d’interventions normatives : « Je suis tellement lasse et exaspérée d’entendre ou de lire un français mal utilisé, écorné, rabougri et pour tout dire abîmé », « Il faut combattre ceux qui massacrent la langue sans faiblir, sans honte, sans répit. Le français est suffisamment riche et divers pour pouvoir tout exprimer » ; « Je commençais à me sentir un peu seul à lutter contre toutes ces dérives linguistiques ». Contrairement à ces opinions, il y a d’autres internautes qui reprochent à l’Académie un « immobilisme en matière de norme de la langue » et une « hypercorrection élitiste » : « L’Académie ne pourrait-elle pas commencer par balayer devant sa porte ? », « Vous fustigez les racines anglo-saxonnes et louez les grecques et latines. », « Que dire aussi de ce que vous nommez les ‘emplois abusifs’ : ils enrichissent tout autant la langue qu’ils la trahissent : c’est aussi comme cela 11 qu’une langue évolue, par ‘dérivation’ ». Nous constatons que tous les internautes perçoivent l’Académie comme correctrice de langue et la plupart d’entre-eux la considèrent aussi comme conseillère d’une grande importance. Comme nous l’avons vu dans la rubrique précédente, les académiciens s’efforcent de donner des réponses détaillées. De nouveau, les noms des académiciens ne sont pas indiqués. Ils s’adressent directement aux questionneurs et les réponses y sont en général moins longues que dans la rubrique Questions de langue. Quant au style, nous constatons que l’Académie tend à donner des explications descriptives. Dans le fond, la plupart des réponses sont prescriptives, étant donné qu’elles se réfèrent explicitement à des règles de grammaire et d’orthographe : « Je nettoie est la seule forme correcte. » Les réponses comprennent des explications qui s’appuient sur l’étymologie ainsi que sur des usages exemplaires qui illustrent le bon usage. Il est aussi indiqué le registre de langue auquel une expression est attribuée. Dans ce contexte, les académiciens s’appuient sur une multitude d’ouvrages de référence, comme la grammaire de Grevisse, le Trésor de la langue française (TLF) et notamment leur propre dictionnaire. En outre, ils repèrent beaucoup d’exemples littéraires, étant donné que l’Académie se rapporte toujours à un modèle de langue qui se définit par rapport à la langue des ‘auteurs classiques’ : « A. Camus écrit : [Je crois l’expression Faire de l’essence]. » « On trouve déjà, en 1593, dans le Dialogue d’entre le Maheustre et le Manant, de François Cromé : ‘Le duc de Guise perdit ses nerfs’ ». Pour ce qui est des correspondances de la rubrique Courrier des internautes, nous concluons que l’Académie se présente plutôt comme conseillère et non pas comme défenseure de la langue. Les visiteurs du site demandent pour la plupart une réponse précise qui donne des éclaircissements sur le bon usage d’une expression donnée. Pour eux, l’Académie constitue une autorité linguistique crédible. Dans ce contexte, l’Académie présente ses réponses d’une manière objective tout en imposant desemplois normatifs. Nous ne trouvons pas de remarques sur sa mission de protectrice de langue. Après avoir analysé les deux rubriques Question de langue et Courrier des internautes, nous concluons que l’Académie reste toujours une correctrice de langue dont la mission est la diffusion du bon usage. Cependant, ceci n’empêche pas son 12 travail de conseillère de langue. Les internautes s’intéressent aux recommandations de l’Académie et depuis deux ans environ, une très courte période compte tenu de sa longue tradition, l’Académie entre en contact direct avec les internautes. Ce développement indique une certaine ouverture, ce qui souligne son rôle de conseillère de langue que l’Académie veut se donner elle-même depuis peu de temps. Julia Kuen 4. Les rubriques Emplois fautifs, Extensions de sens abusives et Néologismes et anglicismes 4.1 Emplois fautifs Comme l’indique son titre, la catégorie Emplois fautifs traite de mots, d’expressions ou de collocations que l’Académie estime incorrects. L’Académie publie plusieurs articles par mois. Ceux-ci ne peuvent pas être commentés par les visiteurs du site qui ne peuvent pas non plus choisir les mots analysés. Les articles sont toujours publiés au début de chaque mois. Normalement, il y en a quatre par mois à l’exception de février 2012, de mars 2012, d’avril 2012 et de mai 2012 où il y en a eu juste deux. La structure de la rubrique est simple et compréhensible, mais pas toujours homogène. Au début de chaque article se trouve une explication qui traite du sens du mot et de son étymologie pour illustrer comment la signification du mot a changé au fil du temps. L’explication est suivie d’un exemple. Cependant, les articles ne sont pas toujours accompagnés d’un tableau qui contient des exemples supplémentaires. Les tableaux se divisent en fonction des catégories On dit et on ne dit pas. L’exemple suivant illustre l’objectif que l’Académie vise à atteindre dans cette rubrique : La locution adverbiale En fait signifie « réellement, vraiment » et « contrairement aux apparences » : c’est le sens qu’elle a dans des phrases comme « Il est en fait maître du pays » ou « La Confédération helvétique est en fait une fédération ». Un regrettable tic de langage se répand qui consiste à l’employer en lieu et place de la conjonction de coordination mais, voire à employer les deux à la fois. Il convient d’éviter cette confusion et de conserver à la locution en fait son sens plein. (cf. Académie française : « Emplois fautifs»). Cet article a été publié le 6 juin 2013. Il commence par l’explication du sens du mot et du contexte dans lequel il est utilisé. Ensuite, on illustre le changement du 13 sens que le mot a connu au fil du temps. Après ces explications suit le tableau On dit et On ne dit pas : On dit On ne dit pas Je suis passé le voir, mais il était absent Je suis passé le voir, en fait il était absent Il était là hier, mais il est déjà reparti Il était là hier, mais, en fait, il est déjà reparti (cf. Académie française : « Emplois fautifs ») L’exemple montre que l’Académie n’accepte pas les usages qui diffèrent des emplois recommandés. Elle dit clairement ce qu’il faut dire ou ne pas dire. Il est évident que l’Académie oscille entre le rôle de conseillère et celui de correctrice qui critique les changements linguistiques. Les tableaux On dit et On ne dit pas soulignent l’intention prescriptive de l’Académie. Elle n’utilise pas d’expressions du genre « il serait mieux de dire… » ou « on dirait mieux… ». Elle distingue clairement le bon usage du mauvais usage de la langue. Dans les descriptions, on remarque des ambivalences par rapport aux positions défendues par l’Académie. D’un côté, elle vise à donner des conseils en utilisant des expressions comme « L’emploi d’une langue juste rendrait peut-être la chose plus aisée » (voir l’article intitulé en interne, en externe paru le 4 octobre 2012) ou « on préfèrera dire […] » (voir l’article intitulé au jour d’aujourd’hui publiée le 1er décembre 2011). Elle souligne toutefois qu’il serait mieux d’utiliser une certaine expression. Celle-ci est presque toujours accompagnée d’exemples qui illustrent le bon usage. De l’autre côté, on trouve des expressions comme « il s’agit là d’un déplaisant tic de langage » (voir l’article intitulé c’est tendance paru le 2 mai 2013) ou « est une faute que l’on doit éviter » (voir l’article intitulé jouer un disque publiée le 2 mai 2013). On remarque que l’Académie se présente comme gardienne de la langue française. 4.2 Extensions de sens abusives Cette catégorie traite de mots ou d’expressions qui ne sont plus utilisés selon leur signification originale, mais qui adoptent au fur et à mesure un autre sens, parfois celui d’autres expressions. Par analogie à la catégorie précédente, l’Académie publie depuis octobre 2011 deux articles mensuels sur des sujets précis. La structure ressemble aussi à celle des Emplois fautifs, c’est-à-dire qu’on y trouve d’abord une 14 explication qui introduit des définitions, des exemples et des corrections. On peut parfois trouver un tableau On dit et On ne dit pas. Ces tableaux donnent plusieurs exemples qui sont censés faciliter la compréhension du bon usage. Avec le temps a eu lieu un changement dans la présentation des articles. D’abord, ils s’appuyaient sur des explications qui n’étaient pas regroupées à l’aide de tableaux. Les exemples étaient directement intégrés dans le texte. Depuis novembre 2012, la plupart des articles contiennent des explications insérées dans des tableaux. On peut de nouveau conclure que l’Académie adopte le rôle d’une autorité en matière de langue qui définit le bon usage. Cependant, elle essaie de se présenter comme conseillère qui évite de se montrer trop offensive, ce qui est démontré par les exemples suivants : « Ne serait-il pas possible d’éviter ce génial passe-partout et de varier les expressions en usant de formes comme tant mieux, c’est une bonne nouvelle, quelle chance, etc. ? » (voir l’article intitulé génial publié le 7 mars 2013). En effet, l’Académie ne force personne à éviter l’expression génial. À première vue, elle ne donne qu’un conseil pour montrer qu’il existe d’autres manières de s’exprimer. Un autre exemple en est la question suivante : « Doit-on se résigner à une telle pauvreté de langage alors que la langue ne manque pas de substituts plus précis ? » (voir l’article intitulé jubilatoire publié le 2 mai 2013). Tout en posant une question, l’Académie ne laisse pas le choix aux locuteurs de décider eux-mêmes ce qui est bon ou mauvais en matière de langue. Les tableaux soulignent le rôle de réviseur et de correcteur que l’Académie adopte dans cette rubrique. 4.3 Néologismes et anglicismes On ne peut pas nier que la langue anglaise ait une influence sur les autres langues du monde que l’Académie essaie de minimiser pour ce qui est de la langue française. La catégorie Néologismes et anglicismes se penche sur des expressions empruntées à d’autres langues. Elle vise à présenter des alternatives françaises aux expressions anglaises. Chaque mois, l’Académie publie deux articles qui offrent aux locuteurs aussi des propositions pour améliorer leur usage de la langue française. La catégorie Néologismes et anglicismes se base sur le même mode de présentation que l’on a déjà vu chez les deux autres catégories présentées dans ce chapitre. On y trouve d’abord des explications qui sont suivies d’un exemple et d’un tableau intitulé On dit et On ne dit pas qui contient des exemples supplémentaires. Depuis novembre 2012, les articles sont toujours accompagnées d’un tableau, de 15 sorte que la présentation soit désormais plus homogène qu’auparavant où il n’y avait pas de tableaux. En effet, les articles sans tableaux étaient plus fréquents et intégraient les exemples directement dans le texte, comme le montre l’exemple suivant qui illustre le mot opportunité. L’article explique d’abord le sens fautif du mot pour introduire ensuite le sens qui correspond au bon usage. De plus, l’Académie fait référence au mot occasion qui correspond à la signification du mot anglais opportunity. L’article est complétée par la phrase : « Opportunité serait impropre dans tous ces exemples ». Le 3 novembre 2011, l’Académie publie un article qui traite du verbe supporter. L’article commence par la phrase suivante : « On évitera d’employer ce verbe, formé à partir de l'anglais ‘to support’, pour parler de rencontres sportives et, à plus forte raison, d'autres compétitions. » (cf. Académie française : « néologismes et anglicismes »). Le mot éviter exprime d’abord un conseil, mais le contexte dans lequel il est utilisé lui accorde la fonction d’une correction qui ne permet pas d’autres variantes. Le tableau renforce encore l’intention prescriptive de l’article. En dessous du tableau se trouve la phrase suivante : « Le substantif Supporteur peut être employé, sous cette forme francisée et non sous la forme anglaise Supporter, dans le langage sportif. » Ici, l’Académie impose des règles univoques qui sont claires et nettes. Katja Neubert 5. Les rubriques Bonheurs et surprises et Bloc-notes 5.1 Structure formelle Les rubriques Bonheurs et Surprises et Bloc-notes se trouvent dans la catégorie Dire, Ne pas dire. Ces deux rubriques visent à une description d’une panoplie de sujets linguistiques pour expliquer des usages fautifs. Le visiteur du site a la possibilité de chercher des articles en fonction de leur titre, de leur date de publication et de la rubrique à laquelle ils appartiennent. Pour une première orientation, on peut trouver une liste des articles les plus récents. Il y a deux articles par mois dans la rubrique Bonheurs et Surprises et un article dans la catégorie Bloc-notes. Les articles sont publiés au début de chaque mois. La période que nous analysons dans ce qui suit va d’octobre 2011 à juin 2013. On observe un nombre de différences qui existent entre ces deux rubriques. Les articles de la catégorie Bonheurs et Surprises sont anonymes, seule la date de 16 publication est indiquée, alors que les Bloc-notes permettent une identification des auteurs : on y trouve même leurs photos en dessus des textes. Les auteurs sont tous des académiciens, c’est-à-dire des philologues, des professeurs d’université, des écrivains ou des journalistes. On constate que la liste des auteurs est très longue, compte tenu du fait que la plupart des personnes n’ont publié qu’un seul texte. 5.2 Bonheurs et Surprises La plupart des contributions de la rubrique Bonheurs et Surprises sont très courtes avec une demi-page de longueur au maximum. Quant au contenu, on trouve plutôt des explications et des définitions de mots, tandis que la rubrique Bloc-notes se penche aussi sur des sujets supra- et extralinguistiques. Les explications et les définitions sont justifiées à l’aide d’exemples tirés de textes de différentes époques. Les auteurs comparent les mots en question avec d’autres langues. Il est remarquable que l’accent soit mis surtout sur le niveau lexical. Nous nous proposons d’analyser un nombre d’articles issus de la rubrique Bonheurs et Surprises pour décrire le positionnement de l’Académie comme défenseure ou comme conseillère de langue. Le premier article publié en mai 2013 traite de la signification du mot ingambe. L’auteur introduit d’abord une définition du mot et explique sa signification. Ensuite, il procède à une critique de l’usage fautif du mot qui semble toutefois très fréquent. Dans ce cas, les lettres ‘in’ n’ont pas la fonction d’un préfixe qui réfère à quelque chose de négatif, mais ils font partie du radical du mot. L’auteur instruit le lecteur de la façon suivante : « … et non, comme on le croit parfois… ». Il est à noter que cette formulation évite d’offenser le lecteur. L’emploi du pronom impersonnel on donne au lecteur l’impression qu’il n’est pas la seule personne qui ignore ce fait de langue. Bien au contraire, l’auteur montre que l’utilisation du mot ‘ingambe’ se révèle très difficile pour tous les locuteurs francophones. On constate que l’Académie française se présente ici comme une instance qui traite de faits de langue d’une façon explicative. Après avoir défini le mot, l’auteur trace son origine à l’aide d’extraits de textes issus de l’époque de la Renaissance. De plus, il expose les autres significations et occurrences du mot. Cet article montre que l’Académie ne joue pas directement le rôle de défenseure de langue. Il s’agit plutôt d’une analyse scientifique qui est truffée de nombreux exemples. 17 L’autre article publié en mai 2013 et intitulé « Les doublets étymologiques » confirme cette approche plutôt descriptive. Le texte se réfère au fait qu’il peut exister deux mots français qui proviennent du même mot du latin dit vulgaire. Ainsi, il ne serait pas toujours possible de décrire l’évolution phonétique et sémantique de tous les mots de la langue française du latin classique au français actuel. Il est parlant que l’article commence de la manière suivante : « Notre langue est doublement redevable au latin ». L’auteur présente la langue française comme étant la base commune à tous les Français. Il ne fait aucune différence entre le français qui est parlé par les académiciens et celui des locuteurs profanes qui sont probablement moins éloquents. Cette formulation indique que l’auteur ne se présente pas comme défenseur omniscient. Cette contribution est de nouveau enrichie de nombreux exemples. On y retrouve des explications étymologiques qui sont présentées d’une manière neutre et descriptive, ce qui souligne que l’Académie joue le rôle d’une conseillère. En outre, il faut ajouter que cette fonction de conseillère neutre n’est pas présente dans toutes les contributions. Un des articles publié en octobre 2011 et intitulé simplement « Oui » dépasse cette fonction, car l’auteur y adopte le rôle d’un défenseur de langue. Cet article très court explicite les mauvais usages du mot ‘oui’ qui devrait, selon l’Académie, exprimer simplement un assentiment. Il est constaté que le mot est de plus en plus remplacé par des adverbes comme absolument, effectivement, tout à fait, exactement ou parfaitement. Selon l’auteur, ces adverbes ont une signification beaucoup plus large que celle de l’expression oui. Ils sont considérés comme étant « excessifs quand il suffit souvent de dire Oui ». L’auteur écrit que : « On évitera de lui substituer… ». On remarque que l’Académie se présente ici comme défenseure d’un seul bon usage. 5.3 Bloc-notes La rubrique Bloc-notes fait également partie de la catégorie Dire, Ne pas dire. Ici, tous les articles indiquent le nom et une photo de leurs auteurs. Les sujets abordés sont plus larges que ceux de la rubrique Bonheurs et Surprises. On identifie des thèmes récurrents, à savoir l’influence de l’anglais, les abréviations et l’emploi d’une langue peu précise. Commençons d’abord avec le texte intitulé « Depuis sa fondation en 1635 ». Il décrit les objectifs de l’Académie depuis sa création. Son auteur s’appelle Dominique Fernandez, un écrivain de 83 ans qui est aussi membre de l’Académie. Cet article nous donne des informations qui facilitent le classement de l’Académie 18 selon les catégories de ‘conseillère de langue’ et de ‘défenseure de langue’. Il constitue une auto-présentation de notre objet d’analyse qui nous permet de vérifier si l’image que l’Académie crée d’elle-même correspond vraiment à la réalité. Selon Fernandez, l’objectif de l’Académie était de protéger la langue et de rappeler son emploi correct. Il souligne que dès le 17e siècle, avant que le français ait été fixé, l’Académie avait établi des règles qui rendaient le français plus précis et clair. Aujourd’hui, la langue serait menacée d’une forte pression qui vient de l’extérieure, ainsi que de beaucoup d’effractions de l’intérieure. L’Académie avait l’objectif de sensibiliser le public à ces déviations et d’imposer des règles qui déterminent l’usage de la langue. Pour l’auteur, ce n’est pas l’élégance de la langue qui compte, mais l’efficacité de l’expression : « Le langage, naturellement, est le fruit de la pensée. Mais la pensée, à son tour, est le fruit du langage ». L’auteur dit qu’on devrait s’exprimer avec la plus grande clarté possible et qu’il faudrait s’efforcer d’éviter des problèmes dus à un manque de précision linguistique. Il en ressort que l’Académie se voit elle-même comme défenseure du bon usage qu’elle vise à promouvoir auprès les locuteurs profanes. En outre, on trouve un autre article du même auteur intitulé « Comment se fait-il que l’Italien ». Fernandez s’emploie à expliquer pourquoi la langue italienne résiste si bien aux anglicismes, qui sont en train d’envahir le français. L’auteur se réfère, entre autres, aux mots « football » et « parking » dont l’équivalent italien n’est pas un emprunt (direct) à l’anglais, à savoir « calcio » et « parcheggio ». Fernandez pose l’hypothèse que les Italiens seraient beaucoup plus créatifs pour ce qui est de la protection de leur langue. Ainsi, ils résisteraient par exemple à la dénomination anglaise du symbole @. Ils l’appelaient « chiocciola » en faisant allusion à sa forme. L’auteur explique cette résistance de l’italien à la langue anglaise d’une manière qui nous permet de confirmer de nouveau l’hypothèse que l’Académie se présente comme défenseure de la langue française. Il écrit que : Peut-être parce que les Italiens connaissent et parlent l’anglais bien mieux que les Français. Ils n’ont donc pas ce complexe d’infériorité qui pousse les Français à compenser leur incompétence linguistique par une vassalité langagière. L’anglais, les Italiens le laissent là où il faut qu’il soit : dans la langue anglaise, et non dans des anglicismes, subterfuge bâtard propre à des ignorants. Julia Reichenberger 19 6. Conclusion L’Académie française a été fondée au 17e siècle pour protéger la pureté de la langue française. Depuis cette période-là, la langue a beaucoup évolué, étant donné qu’elle est utilisée chaque jour par ses locuteurs. Face à cette dynamique, l’Académie est également censée changer. Elle s’est d’abord présentée comme gardienne de la langue française. Cependant, on constate un véritable changement de paradigme au moment où l’Académie a décidé de s’ouvrir aux nouveaux médias et de créer son propre site web. Elle est devenue beaucoup plus accessible à tout le monde. Son site web lui permet d’établir un lien direct avec les locuteurs. À l’inverse, ceux-ci disposent d’un contact direct avec les académiciens. Le site donne aux visiteurs la possibilité de poser des questions, comme il est le cas dans la catégorie courrier des internautes. Ainsi, l’Académie peut se rendre compte des intérêts des locuteurs francophones. Les autres catégories démontrent qu’elle se penche sur une multitude de difficultés et de sujets linguistiques. Pour ce qui est de l’auto-présentation de l’Académie, il est à constater qu’elle n’a jamais arrêté de jouer le rôle d’une réviseure et d’une correctrice. Cependant, elle a commencé à donner des conseils et à formuler des recommandations plus prudentes, étant donné qu’elle ne recourt plus exclusivement à l’impératif. En fin de compte, il est à noter que l’Académie essaie de se rapprocher des locuteurs et de s’adapter aux innovations technologiques. Cependant, elle n’a pas abandonné sa vision initiale qui consiste à protéger la langue française. Katja Neubert 7. Bibliographie Académie française (1995) : Statuts et Règlements. Paris. www.academie-francaise.fr. Frey, Brigitte (2000) : Die Académie française und ihre Stellung zu anderen Sprachpflegeinstitutionen. Bonn: Romanistischer Verlag (= Abhandlungen zur Sprache und Literatur 130). Grevisse, Maurice (2008) : Le bon usage. Bruxelles: De Boeck.