Extrait Petite histoire du cinéma a Tahiti
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Extrait Petite histoire du cinéma a Tahiti
Extrait Difficile de dire, quel a été le premier film tourné en Polynésie. Les voyageurs qui font escale en Polynésie au début du 20ème siècle, ont laissé quelques photographies, de nombreux textes sur la vie locale, des romans, des peintures, mais le « cinématographe » inventé par les frères Lumière en 1895, est une technique souvent trop complexe, fragile, coûteuse et encombrante pour la plupart des voyageurs. Ce que l’on sait, c’est qu’en 1907, Léopold Sutto qui voyageait à bord du même bateau que Jack London a ramené les premières images d’Océanie pour Pathé Frères avec « Pêche à la dynamite dans les îles Salomon » (1909). 1 A Tahiti même, le photographe Max Bopp du Pont (1890/1965) commence à réaliser des prises de vue cinématographiques dès 1912 et envisage de tourner une adaptation cinématographique de « Rarahu » après avoir eu l’autorisation de Pierre Loti 2. En 1913, il filme le 14 juillet à Papeete. « Engagé volontaire le 7 août 1914, il sert sous les ordres du commandant Destremeau. Il filme, au lendemain du bombardement du 22 septembre, lesruines de la ville et la Walkure 3 [...]. Il travaille après la première guerre mondiale comme caméraman et est membre de l’American Society of cinematographers.» 4 1 Les photos de Jack London à Tahiti sont montées dans un documentaire russe intitulé « Jack London » (1976) – Gaumont Arkeion – Référence 0400AKDOC01672. 2 « Les Tahitiens » - Père O’Reilly – Société des Océanistes. 3 Le steamer Walkure est un cargo allemand capturé à Makatea le 13 août 1914. Il sera coulé en même temps que la Zélée dans la rade de Papeete afin que les croiseurs allemands ne puisse s'emparer du port le 22 septembre 1914. 4 « Les Tahitiens » - Père O’Reilly – Société des Océanistes. Les films de Max Bopp du Pont auraient été détruits à Noël 1957 lors d’un incendie. Le film « A trip to Tahiti, in the south Pacific » a également été tourné, puis projeté à Chicago en avril 1912 par la société Selig Polyscope Co. Ce film de 340 pieds est diffusé en première partie de « Bessie’s dream », une historiette exotique tournée sur Catalina island. 5 L’expédition Méliès Gaston Méliès est le frère de l’illusionniste et réalisateur Georges Méliès. Il vit aux Etats-Unis où il s’occupe de la vente des films de son frère, puis devient producteur. En 1911, il déménage la Méliès Film Manufacturing Company en Californie, près de Santa Paula, puis vend 50% de ses parts à la Vitagraph de James Stuart Blackton et Albert E. Smith. L’homme a pour projet une grande expédition dans le Pacifique Sud afin d’y tourner fictions et documentaires inédits. Gaston Méliès et son équipe embarquent à bord du Manuka à San Francisco le 24 juillet 1912. Selon la presse de l’époque 6, il est accompagné de 16 personnes, des acteurs et des techniciens. Parmi eux : le réalisateur Bertram Bracken, les opérateurs Hugh Mac Clung et Gustave Henschen, le régisseur Samuel Wiel, le logisticien John Ortega, le scénariste Edmund Mitchell et des acteurs Henry Stanley, Ray Gallagher, Leo Pierson, Miss Mildred Bracken, Miss 5 Article et publicité parus dans The New-York Clipper du 6 avril 1912. Article écrit le 24 août 1912 par Hanford C. Judson et paru dans Moving Picture World. 6 Fanny Midgley et Miss Hetty Tracy 7. Il est également accompagné de sa femme Hortense de Mirmont. Edmund Mitchell a écrit sur ce voyage. Il raconte ainsi que dès les côtes disparues du champ de vision des passagers, l’équipe prépare le tournage d’une scène sur le passage de la ligne. Cette séquence apparaîtra dans le film « The misfortunes of Mr. and Mrs. Mott on their trip to Tahiti » (sortie en salle le 6 mars 1913 accompagné d’un court documentaire: « The upa upa dance »). D’autres séquences sont tournées entre San Francisco et Tahiti : la première moitié de « A Gypsy’s warning » et « The jugdment of the sea ». Méliès souhaite rentabiliser son expédition dont le budget avoisine les 200.000$, produire des fictions et des documentaires pour les marchés américains et européens. Un autre film est tourné à bord du bateau : « What is sauce for the goose » (sortie en salle le 17 avril 1913). Après avoir eu un coup de foudre, un jeune couple se marie et embarque à bord d'un navire à San Francisco pour une croisière dans les mers du sud. Lorsque la passion des premiers jours s’étiole la jeune femme attise la convoitise des autres hommes du bord. Le mari les rend malade en empoisonnant leur thé avec de l’ipéca 8. Le bateau arrive à Tahiti et c’est au tour du jeune homme de subir les assauts de jeunes Tahitiennes. La meilleure cure qu’il soit pour que le couple se retrouve. Ce film sera distribué en salle le 17 avril 1913 avec un documentaire tourné à Bora Bora « A tahitian fish dive », une grande pêche aux cailloux rassemblant plus de 600 natifs selon Mitchell. 7 8 « Filmographie Universelle » (Vol.2) de Jean Mitry – IDHEC 1964. Le sirop d'ipéca est un vomitif. Arrivé le 4 août à Tahiti, l’équipe tourne plusieurs courts métrages : « Ballad of the south seas » (sortie en salle 23 janvier 1913), « A tale of old Tahiti » (sortie en salle le 31 janvier 1913), « Unmasked by a Kanaka » 9(sortie en salle le 13 février 1913), « The Stolen Tribute to the King » (sortie en salle le 3 avril 1913), « Old and new Tahiti » ou « How the infant chief was saved » et « A woman mission » tourné à Tahiti et en Nouvelle Zélande et sorti en salle le 4 décembre 1913. A la grande déception de Méliès, Tahiti n’est plus le paradis originel imaginé : « L’île de Tahiti a deux inconvénients : 1 – Il n’y a rien de confortable comme hôtels et 2 – les indigènes sont déjà trop civilisés pour pouvoir servir facilement dans les vues. » 10 Ces films ont été perdus de vue de nombreuses années. Mais disséminés à travers le monde au début du 20ème siècle, les copies de quelques-uns ont été redécouvertes récemment. Dans le Journal de la Société des Océanistes, Patrick O’Reilly raconte « Ballad of the South seas » : « En 1650, affaire sentimentale entre les deux chefs Tavi et Tuiterai au sujet de Taurua, femme du premier». La publicité loue cette « première production du voyage de Méliès autour du monde de n’être pas seulement une succession de danses, de scènes indigènes et de jolies vues locales, mais d’avoir placé dans ce décor une intrigue ». Il décrit également deux autres films « A tale of old Tahiti » et « Unmasked by a kanaka ». Le premier raconte l’histoire d’un jeune officier de la Royale (en 1850) enlevé par des Tahitiens. Il épouse F9 9 « Le documentaire ethnographique en Océanie » de Patrick O’Reilly (1949) Journal de la Société des Océanistes. 10 Georges Méliès de Elisabeth Ezra (citation extraite : Malthête Ed. 1988. 23). Teria la fille du chef Hoahi-aru, mais ses compagnons le retrouvent et le ramènent à bord. Le second narre l’histoire d’un Tahitien qui venge l’honneur de sa jeune sœur maltraitée par un planteur européen. A Tahiti, Gaston Méliès rencontre de nombreuses personnalités de l’époque telles que Tati Salmon, son fils Taura, sa fille Hotutu et la reine Marau. Il est également reçu par Léon Géraud, le gouverneur. Malheureusement pour Gaston Méliès, ses films ne rencontrent pas le succès espéré. Les tensions politiques internationales se font sentir à la fin de leur périple qui doit être écourté et à son retour du Japon en avril 1913, c’est la faillite. Cette même année, Pathé Frères produit le court métrage documentaire « Tahiti, the picturesque ». Le film est distribué aux Etats-Unis par General Film Company le 13 septembre 1913 sur la même bobine que le film d’animation « A jungle flirtation ». Martin et Osa Johnson voyagent dans le Pacifique Sud à peu près à la même époque. De retour aux Etats-Unis, ils commercialisent dix bandes 35mm de cette expédition11 sous le titre : « On the borderland of civilisation ». Il y a quelques vues de Tahiti dans la troisième bobine « The home of the Hula-hula » avec comme sous-titres: « The best dancing scenes where found in Samoa, Rarotonga, Tahiti and Pago Pago ». 12 11 « Le documentaire ethnographique en Océanie » de Patrick O’Reilly (1949) Journal de la Société des Océanistes. 12 Prospectus anglais cité par Patrick O’Reilly dans : Le documentaire ethnographique en Océanie – Journal de la Société des Océanistes. En 1916, Raymond Longford, un réalisateur australien, réalise une première version cinématographique muette de « The mutiny of the Bounty ». D’une durée de 55 minutes, le film défend la cause de Christian et met en avant la tyrannie de Bligh. Filmé en avril 1916 à Rorotua, aux îles Norfolk et à Sidney, les rôles des Tahitiens sont interprétés par des Maoris, notamment Meta Taupopoki (Otoo) et Mere Amohau (Mere). Le film est financé par les distributeurs Stanley Crick et Herbert Finlay, associés à J.D. Williams. Le film est décrit comme la production cinématographique la plus coûteuse jamais réalisée en Australie 13. Ce film est aujourd’hui considéré comme perdu 14. .../... Tome 5, 1949. pp117/144. Pago Pago est écrit « Pango Pango » dans le texte. 13 « Probably the most costly production yet made in Australia.» The Mail (Adelaide, SA : 1912 - 1954) (Adelaide, SA: National Library of Australia). 24 March 1917. p.4.Retrieved 7 January 2012. 14 « New Zealand’s Missing Film History », The Film Archive