Présentation de l`Hôtel de Région de Rouen

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Présentation de l`Hôtel de Région de Rouen
T. 02.35.05.68.00 - Août 2005 - © photos : Christophe Kollman/Service régional de l’inventaire, Archives départementales, Alain Caspérini, Hugo Miserey
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à
n o s
j o u r s
l’Hôtel
de Région
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à
n o s
j o u r s
l’Hôtel
de Région
Région Haute-Normandie
5 rue Robert Schuman
Design graphique
BP 1129 - 76174 Rouen cedex 1
Tél. : 02.35.52.56.00 - Fax : 02.35.52.56.56
www.region-haute-normandie.fr
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La création de la caserne
Avec une imposante façade en pierre calcaire, un fronton sculpté aux armes des rois de France, le siège historique
du Conseil régional ne manque pas de panache. C’est au XVIIIe siècle qu’a été édifiée la partie historique de l’Hôtel
Sommaire
de Région qui abritait à cette époque une caserne. La création de ce bâtiment s’inscrit dans un contexte historique
particulièrement marqué par la peur de la guerre civile. En effet, même si au XVIIIe siècle les conflits européens
épargnent l’intérieur du Royaume de France, la ville de Rouen reste marquée par la hantise des conflits civils.
Louis Alexandre de CESSART (Paris 1719-Rouen 1806) :
il entre à l’Ecole des Ponts-et-Chaussées et
devient ingénieur en 1751. Nommé à Tours en
1756, puis à Alençon en 1767, il exerce ses compétences d’ingénieur en chef à Rouen de 1775 à
1783, période où il réalise la caserne Martainville,
les anciens quais de Rouen, les écluses de Dieppe
et du Tréport. Il est ensuite envoyé à Cherbourg en
1783 comme inspecteur général, dans le cadre de
la réalisation de la grande digue de Cherbourg.
Il met au point la technique de comblement
"cônes de Cessart". Déjà novateur lorsqu’il conçoit et
réalise l’un des ponts de Saumur entre 1756 et 1770,
il est l’auteur, en 1801, du pont des Arts à Paris,
l’un des premiers ponts métalliques de France.
3.
La création de la caserne
4.
Architecture.
Pour assurer sa sécurité, Rouen garde donc une impor-
est isolée de la ville par le fleuve et, au printemps, les crues
Une vie quotidienne très spartiate
tante population militaire, que l’intendant Thiroux de Crosne,
de la Seine empêchent fréquemment les communications entre
Alliant histoire et modernité, l’Hôtel de Région associe
représentant de l’autorité royale, décide d’augmenter en 1772
les deux rives. Lorsque la ville doit abriter un régiment supplé-
un bâtiment historique datant du XVIIIe siècle à une
par une garnison. Se pose alors le problème du logement de ces
mentaire, l’intendant Thiroux de Crosne se met en quête d’un
extension résolument moderne. Il accueille chaque jour
soldats souvent turbulents. A la suite de l’ordonnance royale du
nouvel emplacement sur la rive droite pour y implanter une
les 55 élus et 350 agents des services régionaux qui
25 octobre 1716, la construction de casernes se développe en
autre caserne. Son choix se porte sur le Pré aux Loups, terrain
La fin d’une vocation militaire.
travaillent au service des Haut-Normands.
France avec le souci de soulager les habitants d’une cohabita-
bas et marécageux situé entre la Seine et les portes de la ville.
L’arrivée de la Région Haute-Normandie
Avant d’être le siège du Conseil régional, ce bâtiment
tion indésirable, et de soumettre les soldats à une discipline
Les travaux de construction démarrent en 1776, sous la
L’extension de l’Hôtel de Région :
a eu différentes vocations : caserne dédiée aux activités
militaire rigoureuse. En 1773, Thiroux de Crosne achète l’ancien
direction de l’ingénieur du roi Louis-Alexandre de Cessart qui
Malgré son insalubrité, cet espace se révélait être un
une ouverture sur la cité
militaires jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, il a abrité
grenier à sel situé sur la rive gauche, où se trouve actuellement
conçoit un édifice sobre et majestueux, en brique et pierre de
emplacement quasiment idéal car situé à proximité du
ensuite un centre de formation militaire puis diverses
la cité administrative. Mais l’endroit est mal choisi : la caserne
taille de calcaire.
port, des halles et bénéficiant de larges espaces pour les
5.
De la caserne du Pré aux Loups
à la caserne Jeanne d’Arc.
L’occupation allemande
6.
7.
administrations.
exercices militaires. La nouvelle caserne assurait à l’époque une fonction de contrôle social et politique essentielle
pour cette partie de la ville. En effet, le quartier est de Rouen
regroupe alors la population ouvrière et pauvre de la cité.
Premières victimes des mauvaises récoltes, les habitants
de ce quartier suscitent de fréquents troubles (notamment lors des famines de 1775 et 1776) que l’Etat est bien
résolu à combattre. ■
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Architecture
Une vie quotidienne
très spartiate
De la caserne du Pré aux Loups
à la caserne Jeanne d’Arc
L’ingénieur articule le bâtiment autour d’un pavillon central basé sur trois niveaux, d’une profondeur de 19 mètres
La caserne du Pré aux Loups se conforme aux exigences
À peine construite, la caserne du Pré aux Loups, nommée aussi caserne Martainville, ne donne pas entière
et surmonté d’un comble brisé. Deux corps de bâtiment de 39 mètres de long sur 9 mètres de large se développent
militaires. Les soldats généralement rompus à l’hébergement
satisfaction en raison du manque d’espace. Seules deux compagnies peuvent s’y installer. Dès 1784, on pense
de part et d’autre du pavillon central, légèrement saillant. Les deux pavillons occupant les extrémités du bâtiment
modeste des couvents plus ou moins bien convertis en caser-
à modifier l’ensemble en ajoutant deux pavillons latéraux. L’opération financée par la vente de la caserne
selon le projet initial seront réalisés entre 1785 et 1790, bien après la construction de 1776.
nes profitent du gain d’espace et de meubles que leur offre le
de la rive gauche, l’ancien grenier à sel, commence en 1785 par l’élévation du pavillon gauche, suivie
bâtiment. La chambre se compose de deux ou trois lits, d’une
cinq ans plus tard par l’édification du second édifice.
Faubourg Martainville vers 1946
L’ornementation principale se concentre sur le fronton du
construction destinée à loger un grand nombre de personnes,
table avec bancs et de planches pour déposer les vêtements.
pavillon central marqué par les armes de France. Elle est le
qu’il s’agisse d’une abbaye, d’un hôtel-dieu, d’un château ou
À l’époque, au sein de toute institution collective, les lits sont
À partir de la Révolution, les soubresauts politiques du
placée sous le patronage de Jeanne d’Arc s’agrandit en
fruit du travail d’un Rouennais : Mathurin Nicolas Jaddoulle.
d’une caserne. Selon ces préceptes, il convient d’allier har-
conçus pour recevoir deux à trois personnes. Dans la caserne
pays n’affectent pas la vie de la caserne. Rouen reste une
1886 avec l’édification de bâtiments supplémentaires qui
Ce bas-relief entouré de guirlandes de fleurs affirme la
monieusement certains éléments : fonctionnalité, régularité,
Martainville, les 972 soldats disposent de seulement 324 lits,
métropole militaire importante, marquée par la vie de gar-
augmentent sa capacité à 631 hommes. ■
propriété royale de l’édifice. Ainsi le nom du roi et la date de
luminosité, salubrité, espaces de circulation larges et aérés et
soit exactement un lit pour trois, et d’une chambre pour dix. Les
nison. La caserne Martainville constitue avec la grande ca-
construction sont gravés en latin sur le tympan "LUDOVICUS
présence d’un escalier de prestige monumental.
officiers disposent des avantages accordés à leur rang. Quinze
serne de Cavalerie Bonne Nouvelle, l’essentiel du logement
XVI : ANNO DOMINI ; MDCCLXXVI".
Ces normes d’ordonnancement et de luminosité sont forte-
chambrées sont destinées aux capitaines et lieutenants. Chaque
militaire rouennais. Au fil des années, la caserne va perdre
La façade ordonnancée, rythmée par les travées tant-pleines-
ment présentes dans l’architecture de ce bâtiment doté d’une
officier jouit d’un cadre plus confortable : il peut en effet dormir
en confort. Même si les grands lits sont remplacés par des
que-vides, les pilastres à bossages et le pavillon central for-
façade sobre et rythmée par de hautes baies. Le plan interne
seul dans un lit. Les lieutenants partagent à deux une même
couchettes individuelles en 1824, l’édifice se révèle trop
Au XXe siècle, le bâtiment est occupé par les Allemands lors de la Seconde Guerre mondiale. L’armée allemande
mant un avant-corps percé de fenêtres à consoles, répondent
est fonctionnel : plusieurs escaliers desservent, à chaque
pièce et les capitaines bénéficient d’une chambre individuelle.
étroit, et l’armée est de nouveau obligée de se loger dans
y interne des prisonniers britanniques dans l’aile gauche et peint d’immenses croix rouges sur le toit pour
aux règles de l’architecture classique alors en vigueur.
étage, deux "chambrées" de 12 hommes, ce qui explique
Pendant la Révolution et l’Empire, l’afflux de troupes sans cesse
les établissements religieux de la ville.
signaler certainement aux bombardiers ennemis la présence de blessés et de prisonniers. Malgré la proximité
À cette époque, en effet, de nouvelles idées président à toute
d’ailleurs l’étroitesse du bâtiment. ■
plus nombreuses altère la qualité de vie des occupants. ■
Façade ordonnancée : façade présentant un ou plusieurs axes de symétrie. Travée : superposition d’ouvertures sur le même axe. Lorsque ces ouvertures ont la même largeur que la maçonnerie qui les séparent,
les travées sont dites tant-pleines-que-vides. Pilastre à bossages : colonnes qui présentent des saillies d’un élément sur le nu de la maçonnerie. Avant corps : partie d’un bâtiment en avancée sur l’alignement
de la façade. Comble brisé : comble dont chaque versant est formé de deux pans, dont les pentes sont différentes, ce qui permet d’établir un étage supplémentaire.
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L’occupation allemande
de la gare de triage de Sotteville-lès-Rouen, le bâtiment est épargné lors des terribles bombardements alliés.
Vers 1880, la caserne se modernise : si elle peut abriter
A la Libération, elle devient un centre de formation pour les jeunes recrues et un centre de rapatriement
seulement 345 hommes, elle est devenue un établissement
pour les prisonniers et les déportés. En 1948, les qualités architecturales de l’édifice classique sont
fonctionnel, équipé de cuisines, d’une infirmerie, d’une
remarquées : la façade, les toitures et les guérites d’entrée sont inscrites à l’inventaire supplémentaire
prison, d’un gymnase et de magasins divers. La caserne
des monuments historiques. ■
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La fin d’une
vocation militaire
L’arrivée de la Région
Haute-Normandie
L’extension de l’Hôtel de Région :
une ouverture sur la cité
Après la guerre, la caserne est occupée par
Le destin de la caserne Jeanne d’Arc est scellé définitive-
met de restaurer l’ensemble du bâti et les guérites d’entrée
enjeux essentiels : un recentrage des services afin de
offre 5 600 m2 de bureaux et de locaux supplémentaires
des services administratifs qui sont ensuite
ment en décembre 1984 : la Ville de Rouen accepte que le
en mauvais état.
gagner en efficacité et en qualité du service rendu,
comprenant notamment le nouvel hémicycle doté de 237
logés dans la grande "Cité administrative
Conseil régional de Haute-Normandie et ses services s’y
De plus, un fossé drainant est découvert et mis en valeur
doublé d’une réduction des coûts de fonctionnement permet-
places assises et d’un système de visio-conférence et de
Saint-Sever". L’Armée envisage la démolition
implantent. L’aménagement est confié au promoteur im-
le long du boulevard Gambetta. Du côté de la rue Robert
tant de dégager de nouvelles marges de manœuvres pour
retransmission vidéo des débats équipé pour la traduction
de la caserne, mais grâce à son inscription
mobilier Robert Andeave, responsable de la réhabilitation
Schuman, la caserne Jeanne d’Arc est prolongée par un
l’action publique.
simultanée. Ce bâtiment, ouvert sur la ville, est parfaite-
aux monuments historiques, le maire peut
du quartier Martainville.
ensemble de structures en "métal et verre" qui abritent
Les anciennes structures métalliques dénommées
ment intégré dans l’environnement urbain. L’accueil du
refuser de démolir le bâtiment et se porte
Les travaux sont confiés à l’architecte Alain Elie. Le bâti-
entre autres la salle des séances. Ces modifications
"bulles" sont déconstruites et laissent place à une exten-
public est également facilité grâce à l’entrée principale
ainsi acquéreur en juillet 1968.
ment est vidé de ses murs, seules les façades et les toitu-
apportent à la collectivité l’espace indispensable pour
sion dominée par la transparence. Au final, cette extension
située désormais au 5 rue Robert Schuman. ■
La caserne abandonne alors définitivement
res d’origine subsistent. Néanmoins, l’aménagement per-
l’installation de ses services. ■
La restructuration et l’extension de l’Hôtel de Région ont été confiées à l’architecte
sa vocation militaire pour devenir un bâtiment
administratif, elle accueille les services
En 2001, le président de la Région, Alain Le Vern, décide
Stéphane Plantrou du cabinet Artefact.
fiscaux et les douanes. ■
de remanier en profondeur l’ensemble du bâtiment, pour
"La volonté de la Région, maître d’ouvrage de ce vaste chantier, était l’ouverture et la transparence : ouverture
gagner en fonctionnalité, de même qu’en cohérence archi-
sur la ville et transparence pour symboliser l’exercice de la démocratie. Ces deux mots ont donc guidé ma
tecturale et urbaine.
recherche. Ainsi, l’ouverture se retrouve dans la rue intérieure qui est le prolongement de l’espace public. Quant
Démarrés en septembre 2002, les travaux de restructu-
à la transparence, elle se concrétise par le biais de la grande fenêtre de l’hémicycle qui rend perceptible la
ration et d’extension de l’Hôtel de Région ont permis de
salle de l’assemblée régionale de la rue Alsace-Lorraine. Enfin, la Région Haute-Normandie a souhaité privi-
regrouper l’ensemble des services de la Région, alors
légier comme matériau la pierre en référence à la caserne Jeanne d’Arc, corps historique de l’Hôtel de Région.
disséminés dans plusieurs immeubles autour de la place
C’est une façon de marier l’histoire du site avec l’avenir de la Région. C’est une écriture architecturale qui se
Saint-Marc à Rouen. Cette restructuration répond à deux
prolonge dans le temps, l’Hôtel de Région formant un tout."
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