Sherlock Holmes et le coffret de la Brande des Mottes
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Sherlock Holmes et le coffret de la Brande des Mottes
Jeu conçu et réalisé par ©Thierry Saint-Joanis, président de la Société Sherlock Holmes de France ([email protected]) 1er octobre 1910. pour Tourisme en Pays d’Huriel (6, rue des Calaubys 03380 Huriel) et l’association Tourisme en Pays d’Huriel Gratuit Sherlock Holmes et le coffret de la Brande des Mottes Fin du compte rendu de l’enquête par John H. Watson, médecin et biographe du détective britannique. E 1908, comme je l’ai détaillé dans l’édition du 1er juin dernier de L’écho du pays d’Huriel, j’accompagnais mon ami Sherlock Holmes dans une enquête soumise par Monsieur Eustache Sartin de Saint-Sauvier, un bourg proche de Montluçon dans le centre de la France. Nous étions sur le point de nous lancer dans une chasse aux indices devant nous permettre de rassembler cinq chiffres formant une combinaison indispensable pour ouvrir un coffret métallique. Le risque qu’il soit piégé imposait de ne commettre aucune erreur au moment de positionner la roue du système d’ouverture sur les emplacements choisis par le propriétaire le jour où il avait fermé son coffret. Pour savoir ce qu’il renfermait, il fallait impérativement connaître ces cinq chiffres et l’ordre dans lequel les utiliser. – Il suffit de résoudre les énigmes du message trouvé dans l'enveloppe qui était nichée dans le mur de la cuisine de la maison familiale des Sartin, mon cher Watson, résuma en souriant mon ami en portant la feuille de papier à hauteur de son visage. Un almanach de la région devrait nous aider... Le tenancier de l'hôtel Paul Lamoine où nous résidions, en sortit un de derrière son comptoir. Holmes se pencha sur la liste des communes voisines et compara les noms avec ceux des personnes citées dans le message. – Vous voyiez, Watson, le propriétaire du coffret s’est amusé à mélanger les lettres des noms de cinq villages pour créer des anagrammes ayant l’apparence de noms propres. Quand on lit « Prenez autant de branches qu’il y en a à l’étoile de la porte de l’église d’Aude Laplache », il ne s’agit pas de trouver une église associée à une demoiselle Aude Laplache, mais celle du village de La Chapelaude. – élémentaire ! souffla Sartin. L’église du Roi Cusac, c’est celle de Courçais. Et Denis Saiter, c’est l’anagramme de Saint-Désiré. Je pris part au jeu en traduisant un Sam Chaize en Chazemais et une Marina Istenint en SaintMartinien. n août – Nous avons nos cibles, Watson. Allons maintenant visiter les églises des communes révélées et il devrait nous suffire de compter les éléments mis en avant dans le message pour obtenir nos cinq chiffres. Comme d’habitude, tout semblait facile en compagnie de Sherlock Holmes. – John, demandez donc à l’hôtelier où nous pouvons louer un véhicule pour nous déplacer. Notre ami Sartin n’en possède pas. Malheureusement, à part une voiture à cheval qui servait à transporter des barriques de vin, le patron n’avait rien d’autre à nous offrir. – Et vous ne trouverez rien de mieux dans tout le village. Le mécanicien automobile est en déplacement à Montluçon pour la journée. Demain, il pourra vous conduire où vous voudrez. Comme je l’imaginais, cette solution ne fit pas le bonheur de Holmes qui avait des fourmis dans les jambes. Il sortit précipitamment, incapable de se résoudre à passer la journée enfermé sans pouvoir poursuivre son enquête. J’envisageais de passer un appel téléphonique à un garage de Montluçon pour faire venir une automobile avec chauffeur au plus vite quand je vis Holmes rentrer dans l’hôtel en tirant un inconnu par la main. – Aubergiste, votre meilleure chambre pour mon ami, Monsieur... Allez, donnez votre nom ! – Soibel ! Pascal Soibel... Mais je n’ai pas prévu de faire étape en ce lieu, mon brave... – Soibel, vous avez noté, aubergiste ? Du Café de la Paix à Paris. Accompagné de madame... Allons, Soibel, son nom, vite ! – Hein ? Oui, euh... Mademoiselle Renée Duval... – Ballerine à... l’Opéra de Paris ? ajouta Holmes. C’est bien cela ? – Mais oui ! Comment savezvous tout cela ? Nous connaissons-nous ? Qui êtes-vous ? s’inquiéta l’inconnu totalement déboussolé par la situation. – Enregistrez-vous, déposez vos bagages et quittons cet endroit au plus vite. Je vous expliquerai quand vous serez au volant de votre automobile. Dans la confusion qui avait régné depuis le retour de mon ami, accompagné de sa connaissance parisienne, je n’avais pas remarqué la jeune femme qui avait aussi franchi le pas de la porte de l’hôtel. Sa grace et son élégance naturelles luttaient contre une vive envie d’exprimer son indignation. Visiblement mal à l’aise, elle cherchait maintenant à attirer l’attention de l’inconnu de la façon la plus discrète possible. Les tenues de voyage de ces deux personnes trahissaient leurs origines. Ils n’étaient pas de la région et je l’aurais déduit sans difficulté si Holmes n’avait pas annoncé qu’ils étaient parisiens. Quand, à mon tour, je tentais d’interroger Holmes pour obtenir quelques éclaircissements, j’eus droit à la même réponse : – Quand nous serons en voiture ! Nous eumes satisfaction une fois installés dans la limousine De Dion-Bouton de M. Soibel. Pris dans le tourbillon créé par Holmes, notre chauffeur et sa compagne avaient été littéralement pris en otage et il leur fallut quelques minutes pour enfin exprimer violemment leur désaccord. – Enfin, messieurs, allez-vous m’expliquer ce qui se passe ? Je traverse un village dont je n’ai même pas retenu le nom, je fais une pause pour vous demander aimablement ma route et voilà que vous m’empoignez, me tirez hors de mon véhicule, me traînez contre mon gré dans un hôtel où je suis inscrit pour une nuit, délesté de mes bagages avant d’être remis au volant de mon automobile pour une destination inconnue. C’est un kidnapping ? à ce mot, la jeune femme qui avait pris place avec Sartin à mes côtés sur la banquette arrière du véhicule, poussa un cri de panique. Assis à l’avant, à la droite du chauffeur, Holmes se tourna aussitôt et lui adressa un regard à la fois sévère et aimable alors que son index levé barrait ses lèvres pour appeler le silence. – Il n’est pas question de kidnapping, rassura Holmes. Nous sommes... la police ! Oui, la police... anglaise. N’est-ce pas, Watson ? Et nous avons seulement réquisitionné votre aide et votre automobile pour faciliter une intervention urgente à Sherlock Holmes, Eustache Sartin et John H. Watson à la recherche des chiffres de la combinaison du coffre dans les églises de la région d’Huriel. laquelle vous serez fiers d’avoir apporté votre concours bénévole. Mais avant toute chose, permettez que je me présente. Je m’appelle Sherlock Holmes ! La tension qui régnait dans l’habitacle du véhicule retomba dans l’instant qui suivit l’énoncé de ces deux mots magiques : Sherlock Holmes ! Le célèbre détective pouvait tout se permettre. Sa réputation autorisait tous les excès. De victime d’un rapt, le statut du couple se transforma en celui d’heureux élu. L’angoisse faisait désormais place à l’enthousiasme le plus enfantin. La jeune femme se mit à tapoter frénétiquement les épaules de son compagnon alors que ce dernier reprenait la parole pour savoir où il fallait conduire le maître des détectives. – Direction Saint-Désiré ! annonça Holmes. Sartin vous indiquera la route. En chemin, mon ami livra les explications promises. – En fait, je ne vous connaissais pas avant votre arrivée à SaintSauvier. à la vue de votre voiture, stationnée devant l’hôtel Lamoine, j’ai envisagé que vous puissiez vouloir nous apporter votre aide et j’ai pris les devants. La course dans laquelle nous allions nous lancer risquant d’occuper la journée entière, il m’a semblait judicieux de vous réserver une chambre à notre hôtel ce qui vous permettra de prendre un repos bien mérité ce soir avant de reprendre votre route pour la capitale demain matin. – J’entends bien, mon brave, interrompit M. Soibel, mais comment savez-vous que je travaille au Café de la Paix à Paris et que mademoiselle est ballerine à l’Opéra ? – Ah, ces détails ? répondit Holmes. Mademoiselle porte sa 2 profession. Il suffit de l’observer et de la voir se déplacer. En particulier quand elle doit enjamber une flaque d’eau comme ce fut le cas devant l’hôtel. Elle s’est mise sur la pointe des pieds pour prendre son élan et a littéralement volé dans les airs en ouvrant les bras avec la grâce d’un oiseau. J’en ai conclu qu’elle était danseuse classique. – Mais comment savez-vous qu’elle danse à l’Opéra de Paris ? – Simple déduction, mon ami. Sous votre manteau, vous avez une veste portant des clefs croisées brodées sur le revers ce qui indique que vous êtes concierge dans un hôtel de grand standing. En m’abordant, devant l’hôtel, machinalement, vous m’avez remis quelques pièces de monnaie pour obtenir votre renseignement sur la direction à prendre pour rejoindre Paris. Parmi elles, se trouvait un jeton métallique de forme octogonale d’une valeur d’un franc utilisé par les limonadiers, frappé sur une face de la mention « Café de la Paix Paris ». Seuls en possèdent les employés de cet établissement qui fait partie du Grand hôtel et a sa terrasse en face de l’Opéra de Paris. Mon hypothèse était la bonne. – En tous points, confirma M. Soibel. Sur le moment, j’ai été surpris, mais en y réfléchissant, tout cela est de l’ordre de l’évidence. Nous arrivions à Saint-Désiré et il était temps d’entamer notre quête des cinq chiffres de la combinaison. Le message disait « prenez autant de chevaliers terrassant un dragon dans l’église de Denis Saiter ». Malheureusement, il n’y avait pas de chevalier dans cette église. Le doute s’afficha alors sur tous les visages. Holmes pouvait-il s’être trompé ou bien le message était-il une fantaisie sans queue ni tête ? Le curé de la paroisse leva heureusement le voile et nous rendit l’espoir. – Elle n’est plus visible car elle fut détruite lors des travaux du siècle dernier, mais il y avait là, sous l’arcature du pilier gauche de l’abside centrale, un saint Michel terrassant le démon. Il n’y a pas d’autre chevalier en ce lieu... Cela nous permit d’ouvrir notre suite de chiffres par le 1. La deuxième étape était à Courçais où nous devions trouver le L’écho du pays d’huriel, 1er octobre 1910. nombre de blasons « aux lions » à la porte de l’église. Il y en avait deux, enchâssés au-dessus de l’entrée. à Chazemais, nous fûmes en quête de croix en pierre plantées sur le toit de l’église. Visiblement, il n’y en avait qu’une. à La Chapelaude, nous comptâmes huit branches sur l’étoile que formait un soleil au-dessus de la porte de l’église. En chemin, Sherlock Holmes nous révéla ce qu’il avait trouvé dès la première lecture du message de Michel Sartin. – Tout est ici affaire d’anagramme, je l’ai déjà signalé, commença-t-il. Les premiers mots fournissent le contexte et confirment que le coffret a un lien avec cette révolte de la Brande des Mottes : « Un véto corse la finira.» En plaçant les lettres dans un ordre différent, on obtient les mots « Révolution française ». – C’est un classique, si je puis me permettre, mon brave, intervint M. Soibel. Je suis féru d’Histoire de France... – Heureux de vous l’entendre dire, reprit Holmes visiblement agacé. Sartin lançait donc un appel à la Révolution française. Il a sans doute écrit ces mots en 1849. Et il donne rendez-vous à ses amis : « Tous à la Brande des Mottes contre Badinguet. » – C’est-à-dire contre LouisNapoléon Bonaparte, coupa encore M. Soibel. C’était son surnom parmi ses opposants. En 1846, après plusieurs années de captivité, il s’est évadé de sa prison en empruntant les vêtements et les papiers d’un peintre nommé Pinguet. Depuis, pour s’en moquer et le ridiculiser, on l’a appelé Badinguet. – Fort bien, reconnut Holmes. J’allais vous le dire. On retrouve ensuite ce Badinguet quand il est question de fixer un ordre à notre suite de chiffres : « Les cinq chiffres dans l’ordre qu’impose la durée de vie de l’oncle de Badinguet, connu pour être un pape serf a sacré le noir démon. » Si Badinguet est Louis-Napoléon Bonaparte, le futur empereur Napoléon III, l’oncle qui nous intéresse est sans doute Napoléon Ier lui-même. D’ailleurs, une ultime anagramme nous confirme ce choix. L’expression « un pape serf a sacré le noir démon » utilise les lettres de « Napoléon, empereur des Français ». Il nous reste à déterminer la durée de vie de Napoléon Ier. – Il est né le 15 août 1769, récita Soibel, et il est décédé le 5 mai 1821. – Ce qui nous fait, très exactement une durée de cinquante-etune années, huit mois et vingt-etune journées. – 51, 8 et 21 ! résuma Sartin. Cela correspond aux chiffres que nous avons trouvés dans les églises. – C’est drôle, pouffa Soibel. Avez-vous remarqué que cette durée est inscrite, d’une certaine façon, dans la date de décès de l’empereur ? Il est mort en mai, le cinquième mois de l’année 1821, ce qui peut s’exprimer sous la forme 51821 et renseigne, au jour près, sur sa durée de vie. Je m’en souviendrai pour amuser les clients du Grand Hôtel ! Chez Sartin, Holmes prit le coffret et le porta dans le jardin, à l’écart de l’habitation pour prévenir les dégâts que pourrait entraîner une éventuelle explosion. Il conseilla à tout le monde de se mettre à l’abri. Pour ma part, je décidais de l’accompagner afin de pouvoir lui apporter les premiers soins au cas où l’engin se révélerait piégé au moment de la tentative d’ouverture. Sherlock Holmes prit la roue crantée entre son pouce et son index et me lança un regard interrogateur. – John, vous avez confiance en mes compétences ? Il est encore temps de renoncer à entrer ma combinaison pour ouvrir ce coffrefort. Si je me trompe, ne serait-ce que d’un seul chiffre, la machinerie qu’il contient va exploser ou détruire le contenu ! Je n’envisageais pas une seconde qu’il ait pu se tromper en déchiffrant le code fournissant la combinaison de chiffres qu’il s’apprêtait à utiliser. En croisant néanmoins les doigts dans mon dos, je lui signifiais mon accord en opinant de la tête. Holmes tourna alors la molette pour la positionner sur le 5, puis sur le 1, le 8, le 2 et enfin le 1. Un simple cliquetis assurant que le système était déverrouillé valida la tentative de mon ami. Une pression sur la poignée et le coffre s’ouvrit sans difficulté. à l’intérieur, Holmes trouva une lourde bourse contenant des pièces d’or ainsi qu’une page de registre de comptes où apparaissaient des noms, et une fiole d’acide reliée à un savant mécanisme conçu pour détruire le contenu du coffre. – Cette liste doit être celle des conjurés, interpréta mon ami. Et la bourse contient sans doute leur cotisation ou bien une prise de guerre. Un billet trouvé au fond de la bourse confirma l’hypothèse. L’argent était destiné à financer un éventuel soutien aux condamnés si la révolte tournait mal. – Ce fut le cas, confirma Sartin. Et la police a arrêté 43 personnes ayant pris part à l’émeute. Elles ont été jugées mais déclarées non coupables. Philippe FarginFayolle, le fameux Sommerat, lui, a été déclaré coupable. Il s’est d’abord enfui en Suisse avant de se constituer prisonnier en 1850. Condamné à cinq ans de prison, il a été libéré au bout de trois ans pour être déporté en Algérie en 1858. Amnistié en 1859, de retour au pays, il a été élu maire de La Chapelaude. – Vous voilà désormais le seul héritier d’un petit trésor, conclut Holmes, et d’une liste qui, en son temps, aurait pu porter préjudice aux conjurés, offrant à la justice une preuve d’un complot organisé. Heureusement, il y a prescription aujourd’hui. Je crois que vous pouvez disposer de cet argent comme bon vous semble. – Je vais utiliser ces fonds pour conserver vivante la mémoire de cette révolte en souvenir de mon arrière-cousin. Cependant, je me permettrai dès ce soir d’y prélever quelques pièces pour vous offrir le meilleur dîner à l’hôtel Lamoine et une petite compensation afin de vous remercier pour l’aide apportée. – Vive la République, s’écria M. Soibel. Et god save the king ! Enfin, à Saint-Martinien, l’astuce était plus originale. Il s’agissait de trouver « ce romain, la tête à l’envers sur l’église ». Sur un blason, sculpté au-dessus de la porte, on distinguait clairement des chevrons. – Considérons, chers amis, proposa Holmes, que nous avons la lettre V à l’envers. Et le signe V vaut pour un cinq en chiffre romain. Je crois que nous avons les éléments de notre combinaison. Il ne reste plus qu’à les mettre dans le bon ordre et tester notre formule sur le coffre. Chauffeur, à Saint-Sauvier, chez notre ami Sartin, je vous prie. Photo prise par le docteur Watson lors de son passage à Saint-Martinien.