Nice News : Local Un mini

Transcription

Nice News : Local Un mini
Lundi 30 Janvier 2012
Nice News : Local
Un mini-Marais à Nice ?
A deux pas de la place
Garibaldi, un petit quartier gay
se développe depuis plusieurs
années le long de
la rue
Bonaparte. Enquête sur un
phénomène qui prend de
l'ampleur.
Place du pin
(Photo : Manon Massaguen)
Ce
ne sont pas les
habitants du quartier qui vous
diront le contraire, la rue
Bonaparte
est
devenue
l'épicentre de la communauté
gay à Nice. Historiquement, les
établissements
homosexuels
tels que le Crazy ou la Civette
ont longtemps été regroupés
dans la vieille ville et le cours
Saleya. Cependant, avec les
années, il y a eu un lent
déplacement vers le quartier du
Port.
Les
raisons
sont
multiples :
un
marché
immobilier saturé dans le vieux
Nice, une proximité avec le
cours Saleya, le Port, la digue
et le Coco Beach, lieux de
rencontres gay par excellence.
En raison de l'ancienne
réputation
populaire
du
quartier,
les
nouveaux
investisseurs ont pu profiter de
tarifs relativement abordables.
Petit à petit, les pionniers se
sont implantés : le Sapore en
2002, le Thyjeff's trois ans
plus tard. En juillet 2009, le
Snake Pit a été remplacé par
un club 100% gay, le
Malabar.
Le mouvement est lancé
Plus récemment, les pouvoirs
publics se sont impliqués.
Côté
municipalité,
l'inauguration par Christian
Estrosi du centre associatif
LGBT (voir glossaire p. 3),
situé tout près, en mai 2011,
le prouve. L'office du
tourisme
œuvre
en
permanence à présenter Nice
comme
une
métropole
totalement ouverte et gayfriendly. Peu après, une place
du Pin totalement réaménagée
a été dévoilée :
semi-
piétonnisation,
dallage,
mobilier urbain neuf, etc. Les
façades ont été repeintes.
« Souvent,
quelques
investissements suffisent à
redonner un coup de jeune à
une rue » affirme un habitant
du quartier. Enfin, durant l'été
2011, la Pink Parade et la
Dolly street (fêtes de rue) ont
été couronnées de succès, avec
environ 3 à 4000 participants.
Autant
d'éléments
qui
accentuent ce développement.
Vers une boboïsation du
quartier ?
Mais une artère rénovée ne
saurait être ressuscitée sans les
boutiques
allant
avec.
Parallèlement, de nombreux
commerces gays se sont
installés tout autour de la place
du Pin. Rien ne manque : bars,
snacks, restaurants, coiffeurs,
fleuriste, etc. Les magasins de
proximité habituels revêtissent
une allure chic et branchée. Il
est logique que l'expression
« petit
Marais
Niçois »
fleurisse dans les magazines
spécialisés. Un réel désir de
s'installer ici apparaît. Joëlle
Belfanti, agent immobilier
installée aux premières loges
depuis 2006 confirme la
tendance : « Tout le monde
souhaite investir dans le coin.
Ce ne sont pas que les gays.
Les Parisiens, les Italiens, les
familles,
apprécient
les
qualités du quartier. Malgré
un foncier rare, de faible
standing, les prix explosent :
environ 4500 €/m² contre
3500 à prestation équivalente
dans le reste de la ville. »
La rue Bonaparte n'est plus
seulement le rendez-vous des
clubbeurs mais un lieu de
mixité sociale et culturelle. Le
quartier brasse désormais les
avantages d'une population
branchée et cosmopolite et une
plus ancienne et populaire.
Cependant, peu osent se lancer
dans une estimation chiffrée.
Interview de Christophe, 30 ans, gay, gérant de la boutique BCM, rue Bonaparte.
Depuis combien de temps
êtes-vous installé ? Et
pourquoi ici ?
« Depuis six mois. Car la
communauté gay est très
présente.
C’est
particulièrement la clientèle
que nous voulons toucher. Ces
commerces récemment ouverts
par des gays sont spécifiques à
cette communauté et tout le
monde s’y retrouve, moi le
premier ! Par ailleurs, ce n’est
absolument pas sectaire».
Quels sont vos rapports avec
les autres commerçants ?
« Il y a de très bonnes relations
entre tous ces établissements.
On communique beaucoup sur
les
promotions,
les
événements…
Chaque saison nous sommes en
partenariat avec le Gossip,
avec la création de défilés.
L’entraide est très présente, on
se
renvoie
la
balle de
nombreuses fois! »
Quelle clientèle ?
Touristique ? Locale ?
« Durant l’été, de nombreux
Parisiens viennent ici. Pendant
cette période, notre clientèle a
vraiment explosé. L’été ça
bouge énormément, toutes les
terrasses sont ouvertes, je
ferme mon concept store à
23h alors qu’en hiver c’est
19h.
J’ai
également
beaucoup d’habitués. Au
niveau de ma clientèle, j’ai 50
% de gays et 50 %
d’hétérosexuels ».
Comment le quartier va-t-il
évoluer selon vous ?
« Le surnom donné par la
presse du petit Marais Niçois
nous a aidé et depuis la
clientèle ne cesse de grimper.
De nombreux commerces vont
être rachetés en partie par
notre communauté. Et cette
rue Bonaparte va vraiment
devenir
le
centre
par
excellence de Nice pour la
communauté
gay ».
Avec votre arrivée, comment
le quartier est perçu par les
habitants ?
« Depuis la rénovation de la
rue et l’arrivée de notre
communauté, le quartier s’est
amélioré, il est sympathique,
convivial, agréable. Alors
qu’auparavant,
c’était
l’inverse. Le coin avait une
réputation un peu mal famée,
surtout vers le Port. Nous
sommes très respectueux envers
la population et nous faisons de
notre mieux pour que le
quartier soit bien vu. C’est
beaucoup plus calme que dans
certains endroits dans le Vieux
Nice. Cette rue Bonaparte est
vraiment
l’épicentre
du
quartier gay, tout part d’ici.
Les gens en sont très heureux.
Nous allons finir comme le
Marais Parisien, nous allons
recevoir des familles qui feront
du shopping, des gens qui
viendront s’installer ici pour la
bonne ambiance, l’ouverture
d’esprit … »
Christophe
(Photo :
devant sa boutique
Nawal
Bonnefoy)
ouverture d'un restaurant/café
à quelques mètres du Gossip
Bar : « Nous ne nous en
cachons pas, nous sommes ici
pour faire du business, c'est un
quartier à la réputation
montante où la clientèle est
aisée et cherche à se nourrir
sainement, il y a donc un réel
marché à prendre avec notre
établissement qui se veut haut
de gamme » explique le gérant
du Déli Bo.
Christine
Chiapasco,
patronne du snack Autre chose,
avance une clientèle à 30% gay
la semaine et jusqu'à 100% le
week-end. Tous les atouts
semblent réunis pour faire de la
rue Bonaparte un mini-Marais.
Les perspectives d'avenir
L'effet d'engouement ne semble
pas près de s’essouffler. En
témoigne la récente
Vue de la rue Bonaparte, direction
place Garibaldi
(Photo : Manon Massaguen)
LGBT
Glossaire :
Acronyme : Lesbien, Gay, Bisexuel, Transsexuel.
Gay-Friendly
Établissement qui indique son accueil amical à l'encontre des homosexuels.
Boboïsation
Transformation d'un quartier populaire en quartier plus prisé et tendance, due à
l'installation de population plus aisée.
Marais
Quartier historique Parisien réputé pour sa communauté gay.
Cruising Bar
Littéralement : Bar de drague (anglicisme).
« Un mot sur l'implantation de la communauté gay dans le quartier ? »
Chantal, 46 ans
Gérard, 47 ans
Ahmed, 35 ans
Alain, 68 ans
« J’habite dans ce
quartier depuis sept
ans. Je pense que ce
quartier est prisé car il
est bien situé et beau.
Je trouve que son
ouverture
à
la
communauté gay est un
point positif : cela va
amener
plus
de
créativité et de légèreté.
Moi qui suis folle de
Paris notamment du
Marais, c’est un vrai
plaisir de savoir que
j’habite dans un lieu
qui est surnommé « Le
petit Marais »! »
« Cela doit bien faire
un
an
que
les
commerces
gayfriendly
se
sont
installés dans la rue.
Faisant
moi-même
partie
de
la
communauté gay, je
trouve ça génial. C’est
agréable d’avoir un
endroit où déjeuner, se
promener et sortir sans
se sentir observé. Et le
soir, avec tous les
restaurants et bars, ça
bouge
bien.
L’ambiance est très
bonne et les gens sont
très ouverts d’esprit».
« Il est vrai que le
quartier a beaucoup
changé
récemment.
Cela ne me dérange
pas pour le moment.
Mais j’ai peur que
cela devienne trop
caractérisé
« gay ».
On est dans un pays
libre, tout le monde
peut habiter où il veut
sans avoir peur du
jugement,
ils
ne
devraient pas se réunir
qu’ici, et inversement,
les hétéros ont leur
place ici aussi! Il faut
qu’il y
ait des
limites».
« Cela fait 10 ans que
j’habite ici. C’est vrai
que dernièrement, j’ai
remarqué qu’il y avait
pas mal de gays qui
venaient ici. Pour tout
avouer,
cela
me
dérange un peu… Je ne
veux pas qu’ils soient
trop à venir s’installer.
Pour moi ce n’est pas
normal, il faudrait que
leur
nombre
reste
limité. Je n’irai pas non
plus jusqu’à déménager
à cause de ça, mais leur
venue me gêne ».
Rencontre avec Patrick, à la fois spectateur et acteur de l'évolution du quartier
C'est
dans une ambiance
détendue que Patrick Pozuelos
(à droite sur la photo cicontre), trésorier du centre
associatif LGBT, nous reçoit.
Résidant dans le quartier depuis
une quinzaine d'années, il a vu
la rue Bonaparte évoluer, la
population changer, avec une
communauté homosexuelle de
plus en plus présente, et enfin
l'essor des commerces gayfriendly.
« C'est un phénomène récent,
qui remonte à environ deux
ans » raconte Patrick. Avant,
l'engouement était présent mais
non officiel, et la communauté
était plutôt présente sur le cours
Saleya ; elle s'est désormais
déplacée. Il y a d'abord eu les
premiers bars à tendance gay
tels que le ThyJeff's, puis une
explosion
de
boutiques,
Désormais,
la rue
Bonaparte semble bien mériter
son
surnom.
Cependant
certaines voix discordantes se
font entendre.
Risque de ghettoïsation ?
Il y a des habitants à l'esprit
plus conservateur (cf. microtrottoir),
et
même
des
commerçants s'interrogent sur
l'avenir du quartier. Tandis que
certains
voudraient
voir
apparaître de nouveaux nightclubs, d'autres craignent au
restaurants, boîtes des nuit,
cruising bars et sex-clubs.
Commence
donc
l'officialisation du « petit
Marais Niçois », un quartier
semblable au Marais Parisien,
à ses commerces et à ses
habitants. « Ce surnom parle
aux gens, il les attire car ils
savent qu'ils pourront y
trouver une communauté, des
boutiques... ». En deux ans, le
quartier a gagné 20% de
contraire la dégradation de
l'ambiance populaire et calme
des lieux. Anthony Riou, du
restaurant Sapore, se méfie de
l'excès : « Je n'espère qu'une
chose, c'est que ça ne va pas
tomber dans le gay bas de
gamme. Je suis contre le côté
ghetto. Le Marais a une autre
ampleur, « le petit Marais
Niçois » est un terme un peu
prétentieux, il n'a encore rien à
voir
avec
le
quartier
Parisien ». Aujourd'hui, tous
s'accordent
à
dire
que
l'équilibre social semble être
fréquentation
touristique,
notamment des Parisiens et des
Italiens. Nouveauté récente :
Nice est la première ville de
France à avoir mis en place la
Charte Gay confort dans ses
hôtels, qui sont des précurseurs
de voyages et de séjours plus
faciles et accueillants pour les
homosexuels. « Ça évite les
malentendus
lorsque
les
couples gays réservent dans les
hôtels », plaisante Patrick.
Enfin, le rapprochement récent
de la municipalité auprès de la
communauté gay et lesbienne
ainsi que les subventions
accordées au centre LGBT il y a
deux ans ont fini de poser cette
officialisation,
et
la
communauté s'agrandit de plus
en plus, offrant au quartier une
nouvelle vie.
atteint.
Le
risque
d'un
emballement supplémentaire
est possible. La mixité sociale
du quartier pourrait s'en voir
bouleversée. L'augmentation
des prix immobiliers barrerait
l'accès aux revenus les plus
modestes et les commerces de
proximité ne pourraient pas
tous rimer avec luxe et
raffinement.
Rédacteur en chef : Philippe Pierrat
Photographies : Nawal Bonnefoy, Manon Massaguen
Rédacteurs : Victoria Le Glatin, Aurélien Tardieu, Philippe Pierrat,
Nawal Bonnefoy, Manon Massaguen
[email protected] ; [email protected] ; [email protected] ; [email protected] ;
[email protected]

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