Urbanisme : Le juge administratif toujours créateur de droit
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Urbanisme : Le juge administratif toujours créateur de droit
Urbanisme : Le juge administratif toujours créateur de droit concernant la Loi Littoral. Alexia Robbes Local Partner Baker & McKenzie SCP Par Alexia Robbes, Local Partner, et Emmanuel Guillaume, Associé au cabinet Baker & McKenzie à Paris. Publié le 18 décembre 2015 dans Le Moniteur des Travaux Publics et du Bâtiment. Bientôt trentenaire, la loi suscite encore une jurisprudence riche, sur son champ géographique par exemple. Emmanuel Guillaume Associé Baker & McKenzie SCP Alors que la loi du 3 janvier 1986 est à l’aube de ses trente ans, le juge administratif continue à en préciser les contours de manière innovante. Tant sur l’identification même des communes littorales, que sur la précision des règles imposées aux communes littorales au titre de l’article L. 146-4 du Code de l’urbanisme, le juge administratif poursuit son œuvre créatrice. Les décisions majeures rendues en la matière, depuis notre dernière analyse (« Le juge met le cap sur la protection du littoral », Le Moniteur, 15 août 2014), permettent de se rendre compte de l’apport important du juge dans la protection du littoral. Le caractère « littoral » d’une commune doit faire l’objet d’un débat contradictoire On pourrait penser que, depuis trente ans, les 1120 communes littorales sont pleinement identifiées et qu’il ne subsiste plus aucun doute quant au champ d’application géographique de la loi Littoral. Pourtant, dans un arrêt de principe (CE, 12 novembre 2014, Commune de Pont-Aven, n°369147), le juge administratif a identifié une nouvelle commune littorale, la commune de PontAven. La cour administrative d’appel de Nantes avait annulé un permis de construire au motif qu’il avait été pris en violation de l’article L. 146-4 du Code de l’urbanisme. Le maire de la commune contestait la qualification de commune littorale. La Cour a quant à elle relevé que la limite transversale de la mer à l’embouchure de la rivière Aven avait été fixée par un décret du 3 juin 1899 suivant une ligne tracée le long de la crête du déversoir commun à des moulins situés sur le territoire de la commune, et en a déduit qu’une partie du territoire jouxtant l’Aven en aval de cette limite transversale, la commune devait en intégralité être regardée comme une commune littorale (voir en ce sens, CE, 14 novembre 2012, Société Néo Plouvien, n°347778, cité in « Les juges renforcent l’impact de la loi Littoral », Le Moniteur n°5724, 9 août 2013). Le Conseil d’Etat valide ce raisonnement, rappelant que le juge administratif 1 Urbanisme : Le juge administratif toujours créateur de droit concernant la Loi Littoral. Décembre 2015 peut vérifier même d’office l’applicabilité des dispositions de la loi littoral, mais annule l’arrêt au motif que les parties auraient dû être à même de débattre du raisonnement suivi par la Cour et de la portée du décret du 3 juin 1899 qu’aucune des parties n’avait invoqué. Les maires continuent toutefois de protester contre l’application de la Loi Littoral sur le « rétro-littoral », en particulier sur le littoral breton où de nombreux bourgs sont soumis au respect des dispositions de l’article L. 146-4 du Code de l’urbanisme alors qu’ils sont parfois situés à plus de quinze kilomètres de la mer. C’est ainsi que la commune de Plouvien, marquée par l’arrêt précité du 14 novembre 2012, a cédé 20 hectares à sa voisine Tréglonou pour ne plus être soumise à cette loi (Le Moniteur, 27 mars 2015). Nous ne devrions donc plus retrouver la commune de Plouvien dans les tables du Lebon ! L’espace urbanisé se caractérise par une densité significative de constructions des espaces entourant le terrain d’assiette du projet La Cour administrative d’appel de Nantes (1er juin 2015, Commune d’Arzon, n°14NT01269) a précisé les contours de la jurisprudence Bazarbachi (CE, 22 février 2008, n°280189) dans laquelle le Conseil d’Etat faisait le lien entre l’article L. 146-4-I et l’article L. 146-4-III en considérant que « un espace urbanisé au sens du III [de cet article, c'est-à-dire dans la bande des 100 mètres] appartient, par nature, à une agglomération ou à un village existant au sens du I du même article ». Dans la présente affaire, les requérants tentaient de démontrer le caractère urbanisé d’un espace situé dans la bande des 100 mètres, au motif que cet espace serait situé en continuité avec un village lui-même caractérisé par une densité significative de constructions. En effet, en dehors des espaces urbanisés, toute construction est interdite dans la bande des 100 mètres à compter de la limite haute du rivage. La Cour rejette ce raisonnement en considérant que l’espace à prendre en considération pour déterminer si le projet se situe dans un espace urbanisé, est constitué par « l’ensemble des espaces entourant le sol sur lequel doit être édifiée la construction envisagée ou proche de celui-ci ». En l’espèce, les espaces alentours ne comportant qu’un habitat diffus, le terrain du projet ne pouvait être considéré comme un espace urbanisé. Les lotissements doivent respecter la Loi Littoral Par un décision du 17 décembre 2014 (Piersanti, n°367134), le Conseil d’Etat a précisé que les lotissements doivent respecter les dispositions de la Loi Littoral. Cette solution est somme toute fort logique : en effet, les lotissements, comme le souligne la Haute Juridiction, « constituent des opérations d’aménagement ayant pour but l’implantation de construction » ; ils « doivent donc respecter les règles tendant à la maîtrise de l’occupation des sols (…) même s’ils n’ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n’existe pas encore de projet de construction, que de permettre le détachement d’un lot d’une unité foncière ». Le Conseil d’Etat valide donc le jugement rendu en première instance, ayant annulé une décision de non opposition portant sur un lotissement délivrée en méconnaissance des dispositions de l’article L. 146-4 I du Code de l’urbanisme, c'est-à-dire dans une zone d’habitat diffus. Il ne serait en effet pas de bonne administration que l’on autorise un lotissement, opération visant à aménager un terrain et constituer des terrains à bâtir, alors que la zone en cause serait inconstructible et qu’aucun permis de construire ne pourrait y être par la suite délivré du fait de la loi Littoral. La constructibilité du terrain doit donc être analysée dès sa division et son aménagement. 2 Urbanisme : Le juge administratif toujours créateur de droit concernant la Loi Littoral. Décembre 2015 Un propriétaire peut être indemnisé de la perte de la valeur vénale du terrain acquis sur la base de son classement illégal par le PLU comme terrain constructible Enfin, le Conseil d’Etat précise la jurisprudence en matière d’indemnisation du fait de l’achat de terrains en réalité inconstructibles par application de la Loi Littoral. Une société a acquis deux parcelles situées dans une zone classée 1NAc de la commune du Crozon, donc constructible. Son permis de construire a par la suite été annulé et la société a demandé à la commune réparation du préjudice subi. Le Conseil d’Etat accueille la demande en considérant que l’achat de parcelles venant de faire l’objet d’une modification du plan d’occupation des sols afin de rendre les terrains constructibles, constituait une assurance suffisante de leur constructibilité future, sans qu’il soit besoin que l’acquéreur ait soumis la vente à l’obtention préalable d’un permis de construire définitif. Le Conseil d’Etat rejoint ainsi la théorie de l’espérance légitime développée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle doit être indemnisé le requérant à qui la législation a pu légitimement laisser espérer qu’un terrain était constructible (CEDH, 29 novembre 1991, Pine Valley developments, aff. n°43-1990). En revanche, il n’est pas certain que cette solution puisse être étendue au cas de la vente au sein d’une opération d’aménagement, hypothèse dans laquelle le Conseil d’Etat avait considéré que la cause du préjudice résultant de l’absence d’obtention d’un certificat d’urbanisme positif ou d’un permis de construire, et non directement de l’application du plan local d’urbanisme (CE, 28 octobre 2009, Commune du Rayol-Canadel, n°299753). Adieu articles L. 146-4 et suivants du Code de l’urbanisme… L’ordonnance n°2015-1174 relative à la partie législative du livre 1er du Code de l’urbanisme codifie à droit constant les dispositions du Code. Dans ce cadre, l’aménagement et la protection du littoral relèvent d’un chapitre spécifique comprenant les articles L. 121-1 et suivants du Code. L’actuel article L. 146-4 est quant à lui scindé en une dizaine d’articles clarifiant les règles applicables entre extension de l’urbanisation en continuité des zones urbanisées sur l’ensemble du territoire, extension limitée dans les espaces proches du rivage et enfin l’interdiction de toute urbanisation dans la bande littorale. Après trente ans d’application, il semblerait que l’application de la Loi Littoral dans les différentes zones des communes littorales soit enfin clarifiée. Le rôle du juge administratif en sera peut être simplifié ! www.bakermckenzie.com ©2015 Baker & McKenzie. Tous droits réservés. Baker & McKenzie SCP est membre de Baker & McKenzie International. Les membres de Baker & McKenzie International sont des cabinets d'avocats présents dans différents pays à travers le monde. 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