Eurêka! On a la solution de l`emploi

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Eurêka! On a la solution de l`emploi
Hebdomadaire distribué gracieusement à tous les ménages du
Canton de Genève, de l’agglomération de Nyon et de toutes les
autres communes de la Zone économique 11 (Triangle GenèveGland-Saint Cergue). 168 818 exemplaires certifiés REMP/FRP.
Edité par Plurality Presse S.A. Paraît le lundi
Directeur-Rédacteur en chef: Thierry Oppikofer
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Daniel Hostettler, Sophie Gravante
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3 novembre 2014 – No 654
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Eurêka! On a la solution de l’emploi
«Absurde, cette solution… ça ne peut pas marcher!», s’étranglait tel ou tel expert en emploi ou en climat
à un récent débat (voir plus loin). Mais de nos jours, les formules sérieuses des gens sérieux «marchentelles» mieux que les solutions absurdes des gens absurdes? Tout l’art d’une carrière est de faire passer
pour des «solutions» ce qui va – à terme - causer des embrouilles: l’informatique n’est pas seule à user et
abuser de «solutions». Coup d’œil et d’ouïe sur les «solutions» qui accablent notre actualité… sans oublier
les solutions contraires.
L’
emploi, d’abord! Pour
nos technocrates et nos
pédagogues, le chômage
n’a qu’une solution: la formation, qui permet de devenir à son
tour… technocrate ou pédagogue;
l’Organisation internationale du
travail commence à voir le problème ailleurs, et son dernier rapport «Skills mismatch in Europe»
montre une Europe divisée entre
«surqualification» et «sous-qualification». En Suisse, on a les deux
à la fois, avec des médecins trop
spécialisés et des informaticiens
pas assez (comme le rappelait
récemment la presse locale); en
France, pour sortir de ce genre
d’impasse, le patron de Free a
créé une école gratuite (42.fr;
voir aussi satw.ch, rencontresint-geneve.ch, esprit.presse.fr et
«Education to Employment» sous
mckinsey.com).
Pas d’emploi sans
marché?
La solution pour une relance,
c’est le libre-échange… la rime
le prouve à elle seule, et l’accord
«Tisa» sur les échanges de ser-
• Les solutions nous mettent souvent dans le bleu.
vices le proclame (ou plutôt, le
chuchote). Ce qu’a dénoncé la
gauche en congrès syndical juste
en face de l’Organisation mondiale du commerce, il y a deux
semaines (world-psi.org): sa
solution passe par l’impôt pour
sauver le seul service qui vaille…
le service public.
La Bourse se défend
Comme ni les patrons, ni les
ménages n’aiment les impôts…
on a trouvé une solution com-
mune: récupérer l’argent sale…
et la Banque Mondiale orchestre
ces jours une conférence à
Genève, pour rende leur dû aux
pays arabes (star.worldbank.
org). Mais les septante-cinq
millions identifiés suffiront-ils à
nourrir autant d’Egyptiens plus
d’une heure? D’autant que la
fortune des tyrans est souvent
sous forme de compagnies, qui
emploient et produisent: doit-on
en vendre les murs? Solution
inverse du côté de nos Offices
des poursuites, qui veulent nous
rendre prospérité en effaçant
les dettes, lit-on ces jours: alors,
l’argent volé des banques doit-il
être rendu au prêteur ou offert
au failli?
L’espace, c’est de
l’argent!
Faute de grosse fortune, on avait
une qualité de vie. Pour sauver
ce qu’il en reste, la meilleure
solution, c’est de contrôler l’immigration, dit l’Initiative «Ecopop», objet du débat de jeudi
cité au début (unige.ch/gsi). A
l’inverse, un récent colloque
TOUT L’EMPLOI & FORMATION • NO 654 • 3 NOVEMBRE 2014
de l’Organisation internationale
pour les migrations (iom.int) n’a
vu qu’une solution pour dynamiser l’Europe avachie: mettre
un max de lions d’Afrique dans
son enclos… ce fut dit quasi texto
(dans la même salle où fut lancé
en 2009 le film «Last Supper for
Malthus»).
Le temps, c’est la
misère!
L’Afrique, c’est bien sûr la solution contre la rechute, après que
l’Europe, puis l’Amérique, et
désormais la Chine se sont essoufflées: à Genève, une agence
onusienne pour le Sud ne parle
que d’elle, ces temps (par forum
tenu à mi-octobre ou par rapport
sorti début juillet; voir unctad.
org et afdb.org). Pour l’Afrique,
chacun y va de sa solution, en
Egypte ou au Kenya, au Rouanda
ou au Congo… avec des mythes
contraires. Un symbole chasse
l’autre: la Poste allemande met
des billes en Afrique du Sud,
juste quand le patron malien
de l’Union internationale des
télécom cède sa place à un •
42
Chinois. Mais comment savoir,
la semaine passée au Palais des
Nations, si la réunion dénonçant le régime d’Angola biaisait,
ou si les photos de Luanda – à
une expo officielle ouverte au
même instant un étage plus haut
– trompaient? L’Angola vient de
reprendre à nos banques 40
millions «volés»: de quoi payer
sa solution aseptique pour nettoyer ses rues (voir «Take That
Filth Away» sous hrw.org; à
comparer avec facebook.com/
cleanmumbai).
Rester au moins en
vie!
Gardez encore les deux yeux
ouverts, pour ces deux ma-
• F O R M AT I O N
nières contraires de voir quelle
solution a foiré à Dacca. Comment – dans un pays où le
peuple vote, où des partis
crient, où la presse vit, et dont
les agences officielles «de prévention des catastrophes» font
parfois le voyage de Genève
– peut-on forcer des milliers
d’ouvrières à entrer dans une
usine qui branle et finit par
tomber sur elles? «Ce sont les
patrons locaux qui ont traîné les
pieds, pas les grandes marques
mondiales». Alors, que font les
syndicats? «Ce n’est pas leur
rayon… ils défendent les salariés, pas les informels!» Quoi?
Mais ces femmes qui vont
chaque jour à l’usine sont des
salariées! «Non… elles sont
fournies chaque jour par des
agences… «informel» ne veut
pas dire dans la rue». Voilà ce
que j’ai entendu d’un podium
d’employeurs et syndicalistes
au Forum public de l’Organisation mondiale du commerce, il y
a un mois (wto.org).
La valeur ajoutée des
mauvaises solutions
Le but de cet article n’est pas
de faire un catalogue des avis
contraires: à la rigueur, de
montrer que quand il n’y a plus
de bonnes «solutions», on en
fabrique en repeignant des bidons. Il faut bien vivre… même
Michael Sandel, venu jeudi parler à l’Uni des «limites morales»
de l’argent, a refusé de céder
ses droits pour mettre son discours en ligne. La veille, à la
Maison de la Paix, des artistes
russes (et un prof anglais) nous
mettaient en garde: «Quand la
rue chassera Poutine, c’est
Poutine qu’on regrettera». Au
seuil du pire, ces artistes voient
dans l’art «humain» d’AprèsGuerre le seul espoir de conjurer notre présent Avant-Guerre.
Alors, allez voir les grosses
vagues de Maxim Kantor dans
la Vieille Ville (galerieart21.
ch). Des pubs dans nos trams
vantent «la culture, créatrice de
valeur»: encore une «solution»
rentable? n
Boris Engelson
• C A S P R AT I Q U E
Des prestations de chômage suite à un divorce?
Peu de temps après son mariage en 1985, Anne a mis au monde un petit garçon et a arrêté de travailler
pour s’occuper de lui.En 2009, Anne a déposé auprès du Tribunal une requête en mesure protectrice de
l’union conjugale et les époux ont été autorisés à vivre séparés. Le 25 juin 2010, le Tribunal a prononcé le
divorce et ratifié la convention sur les effets accessoires conclue entre les parties.
L
e 19 août 2010, Anne s’est inscrite au chômage à 50%, en
précisant qu’elle demandait les
prestations de chômage en raison de
son divorce.
Ce droit lui a été refusé, au motif
qu’elle n’avait pas cotisé et qu’elle
ne se trouvait pas dans une situation économique rendant nécessaire la prise d’une activité lucrative,
puisqu’elle venait de percevoir une
importante somme en capital de son
mari, comme «indemnité de divorce».
Une personne sans emploi ne peut
toucher l’indemnité de chômage que
si elle remplit les conditions relatives
à la période de cotisation ou si elle en
est libérée.
Anne ayant cessé toute activité lucrative des années auparavant, elle n’a
jamais cotisé. Elle invoque toutefois
que la Loi sur le chômage prévoit
qu’une personne peut être libérée des
conditions relatives à la période de
cotisation, lorsque elle est contrainte
d’exercer une activité salariée ou de
l’étendre par suite de séparation de
corps ou de divorce, d’invalidité ou
de mort de son conjoint, ou pour des
raisons semblables ou pour cause
de suppression de sa rente d’invalidité. L’événement en question ne doit
toutefois pas remonter à plus d’une
année et la personne concernée doit
avoir été domiciliée en Suisse au moment où il s’est produit.
Les époux ont une
obligation d’entretien
Si la situation financière de l’un des
époux a été influencée de manière
décisive par le mariage et que l’un des
deux n’est pas en mesure de subvenir
lui-même à son entretien, le principe de
solidarité implique que les deux doivent
supporter en commun non seulement
la répartition des tâches, mais également les désavantages financiers qui
ont été occasionnés à l’un d’eux.
En l’espèce, Anne s’est vu allouer par
son mari un capital de CHF 395 000
à titre de contribution d’entretien, un
montant de CHF 135 000 résultant
de la liquidation du régime matrimonial, ainsi que la moitié des avoirs LPP
accumulés durant le mariage. Dans la
mesure où les avoir LPP sont consacrés à la prévoyance, seule la contribution d’entretien en capital et la somme
de CHF 135 000.- entrent en ligne
de compte pour déterminer la nécessité économique de la recourante de
reprendre une activité lucrative au moment où elle s’est inscrite au chômage.
La reprise d’une
activité doit être
nécessaire
Une simple envie de travailler pour
s’occuper ne suffit pas. Un lien de
causalité est nécessaire entre le
motif de libération (ici le divorce) et la
nécessité de prendre ou d’augmenter une activité lucrative. Ce qui est
déterminant, c’est la soudaineté de
la nécessité de reprendre une activité
lucrative et le fait que l’entrée dans la
vie active ou la réintégration de celleci n’avait pas été prévue.
Dans la présente situation, il n’est
aucunement contesté que la volonté
d’Anne de reprendre une activité lucrative est strictement liée à sa situation après le divorce.
Chaque situation est
différente
Financièrement, le «besoin justifiant
la reprise d’une activité lucrative» ne
correspond pas au minimum vital selon le droit des poursuites. En effet, le
Tribunal examine d’avantage s’il existe
un équilibre entre les revenus (y compris les revenus de la fortune) et les
dépenses courantes fixes. La fortune
TOUT L’EMPLOI & FORMATION • NO 654 • 3 NOVEMBRE 2014
disponible doit également être prise
en considération de manière appropriée. S’il apparait que la personne
n’est pas à même de faire face à ses
obligations à court et moyen terme, il
convient d’admettre que la décision
de reprendre une activité est nécessaire et d’autoriser, en conséquence,
la personne à toucher le chômage,
même si elle n’avait pas cotisé préalablement à cette assurance.
Dans le cas présent, après avoir
converti le capital obtenu en rente en
appliquant les tables usuelles, le Tribunal a conclu que ces montants ne
suffisaient pas à couvrir les besoins
de Anne.
Toutes les conditions étaient remplies.
Anne a donc touché, dès lors, des
indemnités de chômage, même si elle
n’avait pas cotisé préalablement. n
Nicole de Cerjat, juriste,
responsable du service juridique
au secrétariat romand de la SEC
Suisse, Neuchâtel
Société suisse des Employés
de Commerce (SEC Suisse)
Case postale 3072 – 2001 Neuchâtel
Tél. 0848 810 910 (membres)
Tél. 0901 555 717
(non-membres: Fr. 2.50 / min.).