Eurêka! On a la solution de l`emploi
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Eurêka! On a la solution de l`emploi
Hebdomadaire distribué gracieusement à tous les ménages du Canton de Genève, de l’agglomération de Nyon et de toutes les autres communes de la Zone économique 11 (Triangle GenèveGland-Saint Cergue). 168 818 exemplaires certifiés REMP/FRP. Edité par Plurality Presse S.A. Paraît le lundi Directeur-Rédacteur en chef: Thierry Oppikofer Coordination, Publicité, Gestion des annonces: Patrick Gravante Maquette: Imagic Sàrl Carouge, Daniel Hostettler, Sophie Gravante Flashage et impression: Courvoisier-Attinger Arts Graphiques SA Distribution: Epsilon SA 3 novembre 2014 – No 654 © Plurality Presse S.A., 2014 Rédaction, Administration, Service de publicité: 8, rue Jacques-Grosselin • 1227 Carouge Tél. 022/307 02 27• Fax 022/307 02 22 CCP 17-394483-5 E-mail: [email protected] www.toutemploi.ch Eurêka! On a la solution de l’emploi «Absurde, cette solution… ça ne peut pas marcher!», s’étranglait tel ou tel expert en emploi ou en climat à un récent débat (voir plus loin). Mais de nos jours, les formules sérieuses des gens sérieux «marchentelles» mieux que les solutions absurdes des gens absurdes? Tout l’art d’une carrière est de faire passer pour des «solutions» ce qui va – à terme - causer des embrouilles: l’informatique n’est pas seule à user et abuser de «solutions». Coup d’œil et d’ouïe sur les «solutions» qui accablent notre actualité… sans oublier les solutions contraires. L’ emploi, d’abord! Pour nos technocrates et nos pédagogues, le chômage n’a qu’une solution: la formation, qui permet de devenir à son tour… technocrate ou pédagogue; l’Organisation internationale du travail commence à voir le problème ailleurs, et son dernier rapport «Skills mismatch in Europe» montre une Europe divisée entre «surqualification» et «sous-qualification». En Suisse, on a les deux à la fois, avec des médecins trop spécialisés et des informaticiens pas assez (comme le rappelait récemment la presse locale); en France, pour sortir de ce genre d’impasse, le patron de Free a créé une école gratuite (42.fr; voir aussi satw.ch, rencontresint-geneve.ch, esprit.presse.fr et «Education to Employment» sous mckinsey.com). Pas d’emploi sans marché? La solution pour une relance, c’est le libre-échange… la rime le prouve à elle seule, et l’accord «Tisa» sur les échanges de ser- • Les solutions nous mettent souvent dans le bleu. vices le proclame (ou plutôt, le chuchote). Ce qu’a dénoncé la gauche en congrès syndical juste en face de l’Organisation mondiale du commerce, il y a deux semaines (world-psi.org): sa solution passe par l’impôt pour sauver le seul service qui vaille… le service public. La Bourse se défend Comme ni les patrons, ni les ménages n’aiment les impôts… on a trouvé une solution com- mune: récupérer l’argent sale… et la Banque Mondiale orchestre ces jours une conférence à Genève, pour rende leur dû aux pays arabes (star.worldbank. org). Mais les septante-cinq millions identifiés suffiront-ils à nourrir autant d’Egyptiens plus d’une heure? D’autant que la fortune des tyrans est souvent sous forme de compagnies, qui emploient et produisent: doit-on en vendre les murs? Solution inverse du côté de nos Offices des poursuites, qui veulent nous rendre prospérité en effaçant les dettes, lit-on ces jours: alors, l’argent volé des banques doit-il être rendu au prêteur ou offert au failli? L’espace, c’est de l’argent! Faute de grosse fortune, on avait une qualité de vie. Pour sauver ce qu’il en reste, la meilleure solution, c’est de contrôler l’immigration, dit l’Initiative «Ecopop», objet du débat de jeudi cité au début (unige.ch/gsi). A l’inverse, un récent colloque TOUT L’EMPLOI & FORMATION • NO 654 • 3 NOVEMBRE 2014 de l’Organisation internationale pour les migrations (iom.int) n’a vu qu’une solution pour dynamiser l’Europe avachie: mettre un max de lions d’Afrique dans son enclos… ce fut dit quasi texto (dans la même salle où fut lancé en 2009 le film «Last Supper for Malthus»). Le temps, c’est la misère! L’Afrique, c’est bien sûr la solution contre la rechute, après que l’Europe, puis l’Amérique, et désormais la Chine se sont essoufflées: à Genève, une agence onusienne pour le Sud ne parle que d’elle, ces temps (par forum tenu à mi-octobre ou par rapport sorti début juillet; voir unctad. org et afdb.org). Pour l’Afrique, chacun y va de sa solution, en Egypte ou au Kenya, au Rouanda ou au Congo… avec des mythes contraires. Un symbole chasse l’autre: la Poste allemande met des billes en Afrique du Sud, juste quand le patron malien de l’Union internationale des télécom cède sa place à un • 42 Chinois. Mais comment savoir, la semaine passée au Palais des Nations, si la réunion dénonçant le régime d’Angola biaisait, ou si les photos de Luanda – à une expo officielle ouverte au même instant un étage plus haut – trompaient? L’Angola vient de reprendre à nos banques 40 millions «volés»: de quoi payer sa solution aseptique pour nettoyer ses rues (voir «Take That Filth Away» sous hrw.org; à comparer avec facebook.com/ cleanmumbai). Rester au moins en vie! Gardez encore les deux yeux ouverts, pour ces deux ma- • F O R M AT I O N nières contraires de voir quelle solution a foiré à Dacca. Comment – dans un pays où le peuple vote, où des partis crient, où la presse vit, et dont les agences officielles «de prévention des catastrophes» font parfois le voyage de Genève – peut-on forcer des milliers d’ouvrières à entrer dans une usine qui branle et finit par tomber sur elles? «Ce sont les patrons locaux qui ont traîné les pieds, pas les grandes marques mondiales». Alors, que font les syndicats? «Ce n’est pas leur rayon… ils défendent les salariés, pas les informels!» Quoi? Mais ces femmes qui vont chaque jour à l’usine sont des salariées! «Non… elles sont fournies chaque jour par des agences… «informel» ne veut pas dire dans la rue». Voilà ce que j’ai entendu d’un podium d’employeurs et syndicalistes au Forum public de l’Organisation mondiale du commerce, il y a un mois (wto.org). La valeur ajoutée des mauvaises solutions Le but de cet article n’est pas de faire un catalogue des avis contraires: à la rigueur, de montrer que quand il n’y a plus de bonnes «solutions», on en fabrique en repeignant des bidons. Il faut bien vivre… même Michael Sandel, venu jeudi parler à l’Uni des «limites morales» de l’argent, a refusé de céder ses droits pour mettre son discours en ligne. La veille, à la Maison de la Paix, des artistes russes (et un prof anglais) nous mettaient en garde: «Quand la rue chassera Poutine, c’est Poutine qu’on regrettera». Au seuil du pire, ces artistes voient dans l’art «humain» d’AprèsGuerre le seul espoir de conjurer notre présent Avant-Guerre. Alors, allez voir les grosses vagues de Maxim Kantor dans la Vieille Ville (galerieart21. ch). Des pubs dans nos trams vantent «la culture, créatrice de valeur»: encore une «solution» rentable? n Boris Engelson • C A S P R AT I Q U E Des prestations de chômage suite à un divorce? Peu de temps après son mariage en 1985, Anne a mis au monde un petit garçon et a arrêté de travailler pour s’occuper de lui.En 2009, Anne a déposé auprès du Tribunal une requête en mesure protectrice de l’union conjugale et les époux ont été autorisés à vivre séparés. Le 25 juin 2010, le Tribunal a prononcé le divorce et ratifié la convention sur les effets accessoires conclue entre les parties. L e 19 août 2010, Anne s’est inscrite au chômage à 50%, en précisant qu’elle demandait les prestations de chômage en raison de son divorce. Ce droit lui a été refusé, au motif qu’elle n’avait pas cotisé et qu’elle ne se trouvait pas dans une situation économique rendant nécessaire la prise d’une activité lucrative, puisqu’elle venait de percevoir une importante somme en capital de son mari, comme «indemnité de divorce». Une personne sans emploi ne peut toucher l’indemnité de chômage que si elle remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou si elle en est libérée. Anne ayant cessé toute activité lucrative des années auparavant, elle n’a jamais cotisé. Elle invoque toutefois que la Loi sur le chômage prévoit qu’une personne peut être libérée des conditions relatives à la période de cotisation, lorsque elle est contrainte d’exercer une activité salariée ou de l’étendre par suite de séparation de corps ou de divorce, d’invalidité ou de mort de son conjoint, ou pour des raisons semblables ou pour cause de suppression de sa rente d’invalidité. L’événement en question ne doit toutefois pas remonter à plus d’une année et la personne concernée doit avoir été domiciliée en Suisse au moment où il s’est produit. Les époux ont une obligation d’entretien Si la situation financière de l’un des époux a été influencée de manière décisive par le mariage et que l’un des deux n’est pas en mesure de subvenir lui-même à son entretien, le principe de solidarité implique que les deux doivent supporter en commun non seulement la répartition des tâches, mais également les désavantages financiers qui ont été occasionnés à l’un d’eux. En l’espèce, Anne s’est vu allouer par son mari un capital de CHF 395 000 à titre de contribution d’entretien, un montant de CHF 135 000 résultant de la liquidation du régime matrimonial, ainsi que la moitié des avoirs LPP accumulés durant le mariage. Dans la mesure où les avoir LPP sont consacrés à la prévoyance, seule la contribution d’entretien en capital et la somme de CHF 135 000.- entrent en ligne de compte pour déterminer la nécessité économique de la recourante de reprendre une activité lucrative au moment où elle s’est inscrite au chômage. La reprise d’une activité doit être nécessaire Une simple envie de travailler pour s’occuper ne suffit pas. Un lien de causalité est nécessaire entre le motif de libération (ici le divorce) et la nécessité de prendre ou d’augmenter une activité lucrative. Ce qui est déterminant, c’est la soudaineté de la nécessité de reprendre une activité lucrative et le fait que l’entrée dans la vie active ou la réintégration de celleci n’avait pas été prévue. Dans la présente situation, il n’est aucunement contesté que la volonté d’Anne de reprendre une activité lucrative est strictement liée à sa situation après le divorce. Chaque situation est différente Financièrement, le «besoin justifiant la reprise d’une activité lucrative» ne correspond pas au minimum vital selon le droit des poursuites. En effet, le Tribunal examine d’avantage s’il existe un équilibre entre les revenus (y compris les revenus de la fortune) et les dépenses courantes fixes. La fortune TOUT L’EMPLOI & FORMATION • NO 654 • 3 NOVEMBRE 2014 disponible doit également être prise en considération de manière appropriée. S’il apparait que la personne n’est pas à même de faire face à ses obligations à court et moyen terme, il convient d’admettre que la décision de reprendre une activité est nécessaire et d’autoriser, en conséquence, la personne à toucher le chômage, même si elle n’avait pas cotisé préalablement à cette assurance. Dans le cas présent, après avoir converti le capital obtenu en rente en appliquant les tables usuelles, le Tribunal a conclu que ces montants ne suffisaient pas à couvrir les besoins de Anne. Toutes les conditions étaient remplies. Anne a donc touché, dès lors, des indemnités de chômage, même si elle n’avait pas cotisé préalablement. n Nicole de Cerjat, juriste, responsable du service juridique au secrétariat romand de la SEC Suisse, Neuchâtel Société suisse des Employés de Commerce (SEC Suisse) Case postale 3072 – 2001 Neuchâtel Tél. 0848 810 910 (membres) Tél. 0901 555 717 (non-membres: Fr. 2.50 / min.).