Aperçus d`Aïkido traditionnel.

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Aperçus d`Aïkido traditionnel.
Aperçus d'Aïkido traditionnel.
Le terme traditionnel est utilisé par de nombreuses écoles d'aïkido, chacune d'entre
elle en a sa propre représentation, qu'elle soit affichée ou implicite, d'autres l'utilise
comme simple argument de marketing. Il appartient à chacun de donner sa définition,
même si celle ci ne reste qu'un aperçu : l'aïkido se pratique.
Didier MEJEAN.
Enseignant dojo de Genay
http://www.aiki-do.fr
L
e fondateur de l'aïkido, Morihei Ueshiba, ne nous a pas légué un produit
manufacturé. Pas de normes, pas de catalogue technique figé. C'est ce qui en fait
la force et l'intérêt, une invitation à la créativité en prenant à contre pied le standard en
vogue qui place la compétition comme moteur de la réussite et de l'épanouissement.
Voici ce qu'il faut préserver.
Il ne peut pas être question de se targuer d'enseigner LE VERITABLE et
AUTHENTIQUE Aïkido, c'est une chimère, une chausse trappe qu'il faut éviter. La
seule voie possible est d'étudier avec une cohérence sans faille, croire en ce que l'on
fait tout en respectant le travail de ceux qui ont choisi une voie différente dans leur
pratique.
TRADITIONNEL, c'est le DO 道 , la manière de faire, qui se décline tant dans la
pratique, que dans son cadre ou dans les concepts pédagogiques qui guident
l'enseignant.
Concepts
pédagogiques.
La pratique,
l'entrainement.
En Japonais, Sensei signifie « professeur, enseignant, instructeur, ... ». La forme
graphique, 先 生 ,apporte la précision : celui qui est né avant, qui a une expérience
antérieure. Enseigner c'est transmettre et reformuler ce que d'autres nous ont appris,
ce n'est pas une fin soi, c'est une étape indispensable dans notre apprentissage de la
discipline.
La transmission et la compréhension d'un art traditionnel passe par l'expérimentation
physique, le vécu. Traditionnel signifie « transmission d'un savoir, d'individu à individu,
principalement par la parole et par le geste. »
L'enseignement est donc individualisé, les conseils sont adaptés à la progression de
chacun des pratiquants.
Afin de préserver une réalité aux situations d'études proposées, c'est un choix délibéré
de ne pas organiser les cours par niveau que ce soit selon des critères techniques,
d'âge, de sexe, de taille, de poids, d'âge, d'expérience ou de savoir faire. C'est cette
diversité et ce brassage qui vont créer la richesse des situations, inciter à approfondir
la biomécanique des mouvements, à modifier la technique en fonction du partenaire,
et permettre de faire des rapprochement avec la vie quotidienne.
La progression d'ensemble doit s'opérer selon les trois stades de l'apprentissage qui,
dans la culture japonaise, sont nommés Shu, Ha et Ri. Shu 守 est le premier stade,
celui de l'imitation des gestes du professeur, Ha 破 le second stade où l'élève sort peu
à peu du moule, il fait ses propres expériences, et enfin Ri 離 qui est l'autonomie. Ces
trois stades se nourrissent les uns les autres, il n'y a pas de frontières temporelles
définitives.
Le cadre de la pratique.
Ce que nous regroupons sous la terminologie « reigisaho », l'étiquette, le rituel (salut,
relations entre les pratiquants, ….) est un socle qui donne une assise à la pratique. Ce
sont à la fois des règles de bon sens pour une pratique en toute sécurité, le véhicule
d'une tradition, d'une histoire et d'une culture. L'observation de ces règles concourt
également à laisser nos préoccupations au vestiaire, c'est un support à la
concentration.
Une approche de la culture japonaise permettra de mieux comprendre ces aspects de
la pratique, de dissiper bons nombres de quiproquos ou malentendus et de déjouer les
velléités de pouvoir et les délires de gourous potentiels....
L'échauffement avant l'entrainement.
L' aïkitaïso consiste à préparer le corps à la pratique, à se placer dans des conditions
propices à une activité aux caractéristiques martiales. Cette préparation est centrée
sur des exercices de concentration, de respiration, des mouvements qui mettent en
œuvre l'ensemble des articulations. La source de ce travail est principalement le Qi
Gong, gymnastique de santé dont les origines remontent à la chine ancienne.
Apprentissage
des
techniques d'aïkido.
L'étude se fait du global vers le particulier. L'objectif est d'appréhender la vision
d'ensemble – COMPRENDRE l'objectif global de la technique - et lorsque cela est
propice ou nécessaire, de s'attacher à des points de détails. Le professeur va mettre
en place des situations pour illustrer les principes de base de l'aïkido (Distance, centre,
utilisation de la force du partenaire ou encore étude des atémi). Utilisés comme fil
d'Ariane, ces principes vont permettre à l'élève de construire progressivement les
techniques, d'en découvrir les subtilités et de créer des liens entre elles. Nous avons
tous vécu l'expérience de la redécouverte d'un geste, d'une technique qui nous avaient
été expliqué des dizaines ou des centaines de fois : nous n'assimilons que ce que
nous expérimentons par nous même.
Pour le fondateur Morihei Ueshiba, l'étude des armes selon les principes de l'aïki était
indissociable de la pratique à mains nues : vous serez amené à utiliser le Boken
(sabre en bois), le Jo (bâton) ou le Tanto (couteau en bois) dès vos premiers pas sur le
tatami.
S'entraîner hors du cadre du dojo.
Participer à des stages est une nécessité. En premier lieu il faut rompre les habitudes
en pratiquant avec de nouveaux partenaires. En second lieu, si une étude sérieuse
implique obligatoirement une confiance réciproque entre l'enseignant et l'élève, il
importe que ce dernier maintienne en éveil son esprit critique en participant à des
cours dirigés par d'autres professeurs.
Aller un peu plus loin....
La pratique de l'aïkido est une opportunité pour apprécier les différences et les points
communs avec notre mode de pensée et notre culture occidentale : système d'écriture,
représentation du corps humain, histoire, philosophie....
L'aïkido,
un art martial
et une voie
vers
la conciliation
des opposés.
Le terme martial évoque une activité destructrice, le terme art une activité créatrice.
Cette dualité apparente est omniprésente dans la pratique de l'aïkido où les
techniques sont autant d'outils à double tranchant. Paradoxalement, c'est en exécutant
une technique avec la volonté de préserver l'intégrité physique du partenaire que va
croître l'efficacité martiale, faire mal est beaucoup plus simple que l'inverse.
Cependant les deux attitudes ne peuvent et ne doivent pas être dissociées.
Les schémas de la représentation mentale de binômes tels que « partenaireadversaire », « attaquant - défenseur » vont devoir peu à peu se modifier et se
confondre jusqu'à ce que peut être, la notion « gagnant - perdant » s'estompe au
profit de « gagnant - gagnant ».
L'entraînement vise à mettre en relation et en synergie corps, respiration et mental,
c'est le sens de AIKI 合氣. L'aspect martial nous fait toucher du doigt le handicap de la
dichotomie corps – esprit : réfléchir à la bonne réponse à une attaque est fatal, il faut
que TOUT le CORPS réagisse en bloc d'une manière NATURELLE.. Ici, par corps il
faut avoir la représentation proposée par JF Billeter, « la totalité des facultés, des
ressources et des forces, connues et inconnues, que nous avons à notre disposition et
qui nous déterminent ». Par naturelle, il faut comprendre : simplicité, sans fioritures,
sans gestes inutiles, en accord avec les lois de l'univers...
La technique est un outil pour arriver à l'homme. Sans la technique on peut rien
trouver, mais lorsqu'on l'a trouvée, elle n'a plus de sens.
Morihei UESHIBA.