Just like an... old man !

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Just like an... old man !
Bob Dylan au Zénith à Nantes
> Just like an... old man !
Dylan au bon vieux temps de l’argentique au stade Marcel Saupin à Nantes en 1984 © Pierre IGLESIAS.
Dylan à l’heure du numérique © Stéphane PAJOT.
26 ans après son passage au stade Marcel Saupin, Bob Dylan, le grand Zim, a retrouvé le public nantais lors d’un concert déconcertant où les fans des débuts n’ont même pas pu reconnaître leurs hits préférés...
Après le feu sacré, l’ouragan et les déluges électriques de sons saturés d’un
Neil “ Crazy Horse ” Young... “ Like a Hurricane ”, il y a un an dans la même
salle, Bob Dylan, 69 balais, très loin de son “ Hurricane ” à lui, nous a plutôt
joué les “ Old Man ” en revisitant, sans aucune communion avec son public,
ses hits millésimés méconnaissables, 26 ans après son passage très remarqué au stade Marcel Saupin en 1984, en compagnie de son ex- muse Joan
Baez, de Carlos Santana et de Mick Taylor, l’ex guitariste des Stones...
evant l’énorme paquebot
dédié aux grandes messes
nantaises, situé à deux pas
du centre commercial Atlantis de
Saint-Herblain, James Fortune,
toujours aux abois avec son stylo
et son petit carnet en poche, mène
son enquête avant que le soleil ne
soit à son zénith. Il est bientôt 10 h
30. Et les fans purs et durs sont
déjà là... Comme Joanna, une
enseignante qui vit à San
Francisco et qui suit son grand
Bob à la trace depuis 1986 à raison d’une vingtaine de concerts
par an. Une nouvelle étape donc
pour elle, après Carcassonne, la
veille, de ce “ Never Ending Tour
” (une appellation désapprouvée
par Dylan), entamé il y a vingtdeux ans par notre mystère “
Tambourine Man ”, him-self, qui
revient donc à Nantes.... 26 ans
après son dernier grand show en
compagnie de son ex-muse Joan
Baez, de Carlos Santana et de
Mick Taylor, l’ex-guitariste des
Stones.
19 h. - Sous un soleil de plomb , la
D
foule déjà bien fiévreuse arrive
petit à petit. Essaie de trouver un
arbre libre pour se mettre à l’ombre avant de se laisser avaler par
l’énorme mastodonte de verres et
d'acier où la chaleur est encore
plus torride.
Another side of Bob Dylan
20 h 45. Les 8 300 aficionados,
portables et appareils photos bien
en mains, ont déjà pris possession
des lieux et commencent à s’agiter
comme des malades quand le
groupe composé de deux guitaristes, d’un bassiste à l’allure d’un
Bernardo et d’un batteur, lance les
premières notes de “ Leopard
skin pill-box hat ”, titre figurant
dans l’album
“ Blonde on
Blonde” de 1966. Aminci par les
années de route, le look revanchard, déguisé comme le père de
Don Diégo de La Véga, Zorro
arrive
sans
se
presser.
Zimmerman est sur scène.
Applaudissements. Dans la salle,
la sueur coule à flot. Entre les milliers de flashes et les feux de la
(1) Robert à l’heure du tout numérique !
Après nous avoir fait tous les coups : trois chansons dans la fosse (on
se demande encore qui a inventé ça ?) ou à 100 m (Springsteen),
deux chansons (Neil Young), une chanson, une demie-chanson ou
aucune comme au Festival Hellfest où on nous a trimballé comme un
troupeau, les artistes ne manquent pas d’idée surtout leurs roads
managers. Pour le concert de Dylan, les photographes ont été priés,
tout simplement, de remballer leur matériel pro (merci pour les promos !) et de se munir, comme les spectateurs, d’un compact numérique ou de leur téléphone pour prendre des photos au milieu de la
foule. Résultat de belles photos floues pour une première historique !
rampe, la chaleur monte encore
de plusieurs degrés Farhenheit.
Caché, à droite de la scène, derrière ses claviers comme un vieux
pistolero, sombrero (de l’amer)
bien vissé sur la tête, Robert, sans
états d’âme, dégaine et enchaîne
les titres sans mots dire comme il
le fait, presque chaque soir, depuis
la fin des années 1980 sur les cinq
continents.
Inlassablement.
Comme si de rien n’était. Mou !
Une occasion pour lui de nous
livrer les derniers titres de son 33e
album “ Together through life ”
et de revisiter ses standards en
laissant la part - souvent trop belle à l’improvisation en ne
rejouant quasiment jamais une
chanson de la même façon d’un
soir sur l’autre. Malgré l’artillerie
lourde d’un vieux groupe de rock’n
roll ricain et un guitariste à la lame
bien effilée, les titres boursouflées
d’orgue, paraissent interminables,
lourds et dépassés, à l’image de
son album “ Time Out of Mind ” ,
chronique désespérée mais bien
vivante de la vieillesse d’une
vedette du rock où il pose un
regard sans complaisance sur son
âge. Les temps ont bien changé,
Bob ? The time are changin’. I’m
not there. Another side of Bob
Dylan ! Dans la salle, c’est soit
l’euphorie, soit la stupéfaction.
Zouzou n’en croit pas ses yeux et
surtout ses oreilles. Où est le
grand Zim qu’il est allé voir un jour
à Toulouse en faisant un allerretour Vannes dans la même journée ? Peter Church est stoïque, ne
reconnaît plus son Bob qu’il avait
connu frais et dispo dans un parc
des Princes, pourtant encerclé par
les CRS mais bourré de magie, au
Grand Rex où il avait joué devant
1 500 personnes avec le groupe
de son fils Jonas ou encore ce
fameux 26 juin 1984 où il avait mis
le feu au stade Marcel Saupin
avec ses invités d’honneur...
Malgré quelques sursauts avec sa
Fender grise à la pointe de l’épée,
les titres s’étirent à l’infini entre les
racines du blues et quelques rythmes syncopés reggae, époque Sly
and Robbie. La voix moins nasale
qu’avant, joue les trémolos entre
aigus et graves. Dans le Zénith,
noir de monde, les numériques
n’en peuvent plus d’enregistrer
leurs pixels. Les Iphone, les Lumix
et consorts se prennent pour des
réflex (1)...
Au loin, sur la grande estrade,
Marie suit la scène avec ses
jumelles, essaie de découvrir les
traits du vieil homme, caché par
l’ombre du bord du son... canotier.
Très loin de Neil Young, présent
sur la même scène, il y a presque
un an jour pour jour, le “ Old Man ”
paraît fatigué, lassé... Par instant,
le souffle semble revenir dans les
cris bien reconnaissables de son
harmonica, puis s’en va comme un
slow train... Les fans crient.
Demandent les titres d’antan qu’ils
ne semblent plus reconnaître dans
leurs nouveaux arrangements.
Pourtant, ils sont bien là mais sous
d’autres formes, sous d’autres
couleurs : “ Just like a woman ”,
“ Like a rolling stone ”, “ Blowin’
in the wind ”. Des titres ronflants,
noyés d’orgue, qui n’ont plus rien à
voir avec les originaux. Si les paroles sont les mêmes, les textes sont
souvent incompréhensibles et la
mélodie n’est plus là ! Le public est
perplexe, complètement abasourdi. Perdu. Sans points de
repères. Ce soir Sara et Scarlett
sont en larme, elle savent qu’elle
n’entendront pas leur titre préféré
dans ce show en roue libre qui
laisse vraiment à “ Desire ” (r)...
Une renaissance sans fin
22 h 35. Dylan, l’infidèle, se retire
sur la pointe des pieds comme un
poor lonesome cowboy à la
retraite “ Knockin’ on heaven
door ”, avant de revenir pour un
petit rappel et saluer la foule avec
son groupe. Toujours aussi mollement. Comme d’hab. Pas de rab.
No more time ! Loin de la communion (solennelle), le grand prêtre
mythique de la protest song, le
song-writer à la guitare sèche, le
porte-parole de Greenwich Village
n’est plus que l’ombre de lui
même. Quand les lumières se rallument, le public, dubitatif, entre
doutes et interrogations, sort rapidement. Certains, comme pour
mieux se rapprocher de leurs
vieux souvenirs, loin des pages
retournées du grand Zim, piochent
un tee-shirt estampillé 1965 ou
quelques posters en noir et blanc
d’une jeunesse oubliée... Don’t
look back ! It all over now, baby
blue ! Dehors, James Fortune
continue son enquête, glane quelques impressions plutôt négatives.
“ Qui aime bien, châtie bien ”,
dit-on ! Dans son van rouge très
sixties, comme pour se donner du
courage, Peter Church reprend la
route en écoutant, à fond la
caisse, l’album live du trentième
anniversaire de la carrière du
grand Bob avec des hits revisités à
la puissance 10 par de nombreux
invités. Des hits dans leurs moutures originales. Sublime ! Une belle
renaissance sans fin... Autant en
emporte le vent. It’s just blowin’ in
the wind. On the road again !
Pierre IGLESIAS aidé
par James FORTUNE
et Peter CHURCH