Rocky I, II et III

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Rocky I, II et III
La Séance
du mois
Octobre 2006
Les modèles idéologiques
de la Guerre froide dans
Rocky I, II et III
> Histoire
> Terminales S, ES, L
Rocky, film américain écrit par Sylvester Stallone et réalisé par J.G. Avildsen, fait une sortie remarquée aux Etats-Unis en 1976. Monument du cinéma populaire, il remporte trois oscars en 1977
(meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur montage).
Largement diffusé dans le monde occidental, ce film est le début d'une longue série promise, elle
aussi, à un grand succès (les recettes du seul Rocky IV s'élèvent à 438 millions de dollars au milieu
des années 1980).
Ce large succès ne s'explique pas tant par la qualité des scenarii de ces films, au demeurant assez
simples, mais par leur faculté à répondre aux attentes d'un public américain déboussolé à la fin des
années 1970. Décrivant l'ascension sociale d'un pauvre boxeur, les scenarii des trois premiers Rocky
réaffirment les valeurs du modèle américain sévèrement mises à mal lors de la décennie précédente. Ils constituent dès lors un vribrant plaidoyer visant à démontrer toute la vivacité du rêve américain, auquel s'accroche fermement l'Amérique reaganienne.
A ce titre, leur étude peut s'inscrir directement dans le programme d'histoire des terminales générales, portant sur les modèles idéologiques de la Guerre Froide.
Fiches techniques des films
Rocky I : Réalisateur : JG Avildsen ; date : 1976 ; durée : 119 mn ; scenario : S. Stallone ; producteurs :
J. Winkler et R. Chartoff ; compositeur : B. Conti.
Rocky II : Réalisateur : S. Stallone ; date : 1979 ; durée : 119 mn ; scenario : S. Stallone ; producteur :
J. Winkler et R. Chartoff ; compositeur : B. Conti
Rocky III : Réalisateur : S. Stallone ; date ; 1982 ; durée : 120 mn ; scenario : S. Stallone ; producteurs :
J. Winkler et R. Chartoff ; compositeur : B. Conti.
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Contexte historique
La belle ordonnance du modèle américain est bousculée au cours des années 1960. Beaucoup d'Américains
estiment que les changements tardent trop. L'intégration difficile des minorités ethniques fait douter d'un
modèle qui ne peut supprimer les discriminations. Les minorités ethniques (Noirs, Indiens, Américains d'origine
hispanique) subissent aussi les handicaps de la pauvreté, du chômage et d'un accès difficile à l'enseignement. Le problème noir (émeutes urbaines en 1965, lutte pour les droits civiques avec M.L. King, radicalisation
du mouvement avec le Black Power) révèle à lui seul toute l'ampleur de l'échec du melting pot américain.
La contestation s'étend chez les étudiants, qui réclament plus de démocratie dans les universités et surtout
s'opposent à la guerre du Viêt Nam, qu'ils comprennent mal. Des chanteurs de rock et de folk (Joan Baez,
Bob Dylan) contestent à leur manière la société d'abondance (en se rendant notamment au festival de
Woodstock à partir de 1969, symbole par excellence de la contre-culture américaine).
Le consensus sur lequel reposait le modèle américain dans les années 1950 vole alors en éclats. Le tissu social
se déchire et l'image des Etats-Unis dans le monde au début des années 1970 en souffre.
La première moitié des années 1970 renforce le malaise américain. L'affaire du Watergate ternit considérablement la fonction présidentielle (les Américains découvrent que leur président a menti et que les libertés
individuelles ont été bafouées).
A la crise morale s'ajoute la crise économique. Elle provient d'une inflation supérieure à 10 % par an, d'une
baisse de la production industrielle et du premier choc pétrolier. La position internationale des Etats-Unis est
également ébranlée : de Saïgon à Téhéran (en 1979), une vague d'anti-américanisme, alimentée par l'URSS
et les intégristes musulmans, déferle sur la planète.
Les Etats-Unis éprouvent ainsi le besoin de se rassurer dès la fin des années 1970. Ronald Reagan le comprend
et rappelle par son slogan "America is back" combien il entend redonner toute la puissance à sa nation pour
mieux affronter l'URSS. Il invite dès lors ses compatriotes à être fiers de leur passé, de leurs valeurs et de leurs
vertus. C'est dans ce contexte volontariste qu'il faut apprécier la richesse du témoignage historique des trois
premiers volets de la série des Rocky. Réaffirmant les valeurs américaines des années 1950, contestées tout
au long des quinze dernières années, ces films sont le symbole d'une nation cherchant à retrouver sa fierté et
à présenter au monde toute l'efficacité du rêve américain.
Suggestions pédagogiques
Objectifs
- Faire établir aux élèves les principaux fondements du modèle américain
- Faire comprendre qu'ils sont le reflet d'une période où les Etats-Unis cherchent à se rassurer en se tournant
vers les valeurs qui ont fait leur force au début de la Guerre Froide.
- Rappeler à ce propos la nécessité d'inscrire toute analyse dans une perspective historique (ici en l'occurence
les débuts de la Guerre Fraîche).
Propositions pédagogiques.
- Rappeler les enjeux d'une étude portant sur un modèle idéologique (il faut l'apprécier notamment sur tous
les plans historiques : social, économique, politique, religieux...).
- Lire les scenarii des trois premiers Rocky.
- Poser les questions suivantes
° 1 : Présenter les documents (auteur, nature du document, public, contexte historique)
° 2 : Relever les différentes étapes de l'ascension de Rocky.
° 3 : Quelles valeurs ont permis au boxeur d'affronter avec courage ses épreuves ?
° 4 : Dans quelle mesure la nation américaine a offert à un tel boxeur l'opportunité de gravir l'échelle sociale ?
° 5 : Critiquer ces documents à l'aune de notre thème : quels sont les aspects du modèle américain n'apparaissant pas dans ces trois scenarii ?
° 6 : Récapituler dans un tableau les fondements du modèle américain développés dans ces textes (importance de la religion et de la famille ; la liberté et l'égalité des chances ; la foi dans la réussite et le progrès ;
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l'importance de l'argent ; l'individualisme ; le mythe du melting pot (Rocky est italien ; Apollo est noir) ; l'importance de la société de consommation ; la démocratie libérale)
° 7 : Etablir les problématiques du cours portant sur le modèle américain (les fondements du modèle, son évolution historiquer à apprécier en fonction des critiques internes à la société américaine comme des relations
internationales)
Documents
Les trois premiers Rocky (extraits tirés de A. Buache, Dictionnaire du cinéma américain , Paris, 1984)
Rocky : JG Avildsen, 1977
Un boxeur floué qui aborde la trentaine se sent fini ; il traîne la nuit dans les bars louches, gagne quelques dol lars en devenant l'encaisseur d'un petit maître du rackett et s'exhibe au cours de matches minables ; le visage
bleu d'ecchymoses, il traîne sa solitude, tente vainement de séduire la vendeuse timide et bourrue d'un
magasin d'animaux, rentre chez lui pour regarder ses deux tortues dans un bocal. C'est un homme découragé,
qui accepte sa défaite dans la vie. Or, un jour, la chance lui sourit. Le champion du monde, Apollo, se trou ve privé de rival. Pour une rencontre destinée à fêter le bicentenaire de l'Amérique, il imagine magnifier l'ex traordinaire libéralisme de son pays en choisissant de se battre contre un adversaire qui n'a pas grimpé, d'un
combat à l'autre, tous les degrés de la hiérarchie. Ce ringard, appelé "l'étalon italien", correspond à ce qu'il
attend : la rencontre est préparée à grands renforts de publicité.
Rocky n'a pas craint de passer par-dessus toutes ses appréhensions pour gagner l'amour d'Adrian, la ven deuse , et son audace fut payante. Il comprend que, de la même façon, il ne doit pas rater l'occasion qui
s'offre à lui. Il refuse donc son ancienne résignation et commence à se préparer sérieusement. Il écoute les
conseils de son vieux manager, se lève avant l'aube et court dans la ville, améliore sa forme physique ; il suit
le frère de son amie dans les hangars frigorifiques des boucheries de Philadelphie et là prend les quartiers de
boeuf suspendus à leur crocher comme punching-ball. Il frappe sur la viande, ressortant de cet étrange
entraînement les mains en sang. Finalement, au cours d'une soirée mémorable, il résistera courageusement
aux assauts d'Apollo, ne gagnant pas un titre mais beaucoup mieux : l'affection d'Adrian, la considération des
foules et une incontestable promotion sociale.
Rocky II : S. Stallone, 1979
Au terme d'un combat sanglant, Rocky, malgré les conseils de son soigneur, malgré la confiance d'Adrian, sa
fiancée, et malgré sa profonde foi catholique, n'avait pas gagné le match qui l'opposait au terrible cham pion noir, Apollo. Pourtant, sa défaite avait été honorable. C'est pourquoi, souhaitant s'imposer sans équi voque en brisant définitivement son adversaire, le cruel, hautain et cynique Apollo rêve d'une revanche ; Elle
sera facile à prendre, pense le champion, puisque Rocky n'a pas régulièrement suivi son entraînement. Il s'est
marié, puis il a cru perdre Adrian : l'accouchement fut douloureux, elle perdit connaissance pendant plusieurs
jours. Rocky pria beaucoup à son chevet et à l'église ; Enfin, elle rouvrit les yeux ; tout aurait donc pu repartir
pour Rocky. Mais cette rude épreuve l'empêcha de conserver ses qualités d'athlète et simultanément il ne
trouva pas de travail. Va-t-il lamentablement se laisser abattre par les mauvaises circonstances de la vie ?
Non. Sa foi lui dicte la conviction qu'il est un gagneur. Adrian, de son côté, lui murmure à l'oreille qu'elle croit
en sa victoire contre Apollo. Rocky, fort de la bénédiction que lui donne le curé, prend donc une nouvelle
fois le chemin du gymnase où le vieux Mickey l'attend pour lui prodiguer de judicieux conseils, assouplir ses
muscles, lui apprendre à encaisser les coups les plus violents. Les séquences de saut à la corde et de pun ching ball s'enchaînent alors jusqu'au moment du grand combat contre Apollo. Round après round, à plu sieurs reprises Rocky vacille, gravit son calvaire le nez en bouillie, l'oeil en sang, frappant dans le vide, mais en
un suprême effort, à l'ultime instant, la partie étant nulle, Rocky trouve l'énergie d'accomplir un dernier geste
qui le sacre vainqueur. Adrian, Mickey, tout le monde est content.
Rocky III : S. Stallone, 1982
Célèbre, heureux en famille et riche, le champion pourrait se contenter d'une paisible retraite. Sa ville, Phila delphie, vient d'ériger un monument qui l'immortalise. Mais le géant Clubber Lang injurie Rocky, l'accuse
d'avoir obtenu ses titres grâce à des irrégularités, et méchamment, il le défie. A l'évidence, le combat sera
trop inégal et risque de tourner au massacre : ce qui se produit. Rocky n'étant pas de ceux qui se laissent
humilier, prépare soigneusement sa revanche et pendant un match incertain, il la prend, en même temps
qu'un repos bien mérité.
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Prolongements
Quelques pistes de réflexion pour d'autres séquences.
1/ Il est possible de prolonger cette séquence, consacrée aux modèles idéologiques, avec deux autres films
permettant d'établir les principaux fondements du modèle soviétique. On pourrait ici les relever (valeurs
marxistes, toute puissance du parti, économie et société sous contrôle, culte du chef...) et les confronter, dans
un tableau, aux fondements du modèle américain :
La Chute de Berlin, M. Ciaureli, 1949 :
"Le cinéma soviétique a été enrichi par une nouvelle production. Les auteurs du scénario ont donné au
thème de la guerre la forme épique populaire culminant avec la chute de Berlin. Mais le thème réel et
important du film est notre mode de vie, notre peuple et son grand leader, les événements de la guerre
démontrant la brillante stratégie de Staline. Le film commence par une admirable scène montrant l'atmo sphère de labeur pacifique du peuple soviétique. Le métallurgiste Ivanov rencontre l'institutrice Rumianceva.
Ces deux personnages modestes sont forts parce qu'ils appartiennent aux grand pays socialiste, parce qu'ils
ont été élevés par le parti communiste sous la direction du grand Staline, en patriotes soviétiques, héros dans
le travail et le combat; Tout ce qui est cher au peuple soviéique est incarné dans le personnage du brillant
chef et éducateur, Staline. La scène où Ivanov rencontre Staline est inoubliable. La simplicité de Staline le
met à l'aise et bientôt le métallo raconte au leader ses joies et ses peines, comme s'il parlait à son propre
père. Quand Ivanov dit : "Excuse-moi si je dis les choses que je ne devrais pas dire", la réponse du camarade
Staline est très significative : "Non, ne t'en fais pas, nous sommes à la maison. Nous pouvons tout nous dire".
On voit la nature des relations entre le chef et son peuple, à travers ces sages paroles de Staline (...). Le thème
central du film est la révélation de l'éclat et de la sagesse des plans stratégiques du camarade Staline. Il est
montré comme le plus grand général du monde et de tous les temps. Le camarade Staline est joué par M.
Gelovani. On reconnaît dans son portrait notre cher leader familier : sa majesté, sa simplicité, son calme, son
amour pour son peuple (...). Dans ces dernières années, le cinéma soviétique a produit de nombreux films
illustrant les faits de notre peuple, films destinés à accroître son prestige bien établi. La Chute de Berlin est l'un
des plus importants".
Pravda, 25 janvier 1950, V. Scerbin.
La Prime, S. Mikaeljan, 1974
"Un grand chantier. Une équipe refuse la prime qui lui est donnée. Pourtant le chantier a dépassé le plan
prévu. Pourquoi ? Les ouvriers, pour commencer, ne donnent aucune explication. L'essentiel du film est occupé
par une réunion de tous les responsables : ingénieurs, directeurs du chantier, responsables de la jeunesse, du
parti. Questions : "qu'est-ce qui ne va pas ? pourquoi , et qui est responsable ?” Les techniciens et respon sables réapprennent à écouter les ouvriers : le plan qui a été dépassé avait pour commencer été réduit. Le
chef d'équipe "contestataire" démontre qu’on a eu tort de commencer par réduire les normes prévues, et
c'est pourquoi , avec son équipe, il a refusé la prime. Finalement ceux qui pensent que tout le chantier doit
commencer par renoncer à la prime pour améliorer tout le fonctionnement du travail, la prise des responsa bilités, le respect de la démocratie, l'emportent. Petit à petit, ce sont les ouvriers et le parti dans son rôle diri geant qui s'imposent et imposent leur volonté de démocratie."
Le cinéma russe et soviétique, Le Centre G. Pompidou Paris, 1985.
2/ Au terme de l'étude des modèles américain et soviétique, il est possible de les confronter dans un cadre
d'une analyse de Rocky IV (Rocky est cette fois-ci opposé à un boxeur soviétique). Outre les différentes
valeurs étatsuniennes et tous les clichés américains sur la société soviétique, le film permet de montrer combien Rocky, en s'entraînant seul, dans les bois et dans la neige, réussit à dominer le boxeur soviétique, entouré
et surveillé par de (trop) nombreux cadres du PCUS, qui lui infligent des séances d'entraînement ultra
modernes, informatisées, coûteuses et inutiles (symbole éventuel de la cherté et de l'inutilité des plans
d'armements soviétiques face aux véritables valeurs des pionniers américains).
Séance proposée par Francis Larran, professeur d’Histoire-Géographie pour Zéro de conduite.net
http://www.zerodeconduite.net
mail : [email protected]
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