Prise de contact 68 Alors raconte

Transcription

Prise de contact 68 Alors raconte
Alors, raconte !
Prise de contact 68
Avril 2008
Cette fois, c’est mon frère Daniel qui, après mon fils Jean-Robert, m’a dit : « Il faut absolument que
tu continues de nous raconter les différents épisodes de ta vie, notamment ceux de ta jeunesse, afin
que nous puissions garder un souvenir de ce qui fût notre enfance Souvenir, aussi de nos parents,
avec lesquels tu as vécu plus longtemps que nous ! » Il est vrai qu’entre Daniel et moi, il y a 11 ans de
différence … Et ce n’est rien, comparé à Jacqui, mon cadet de 16 ans … Et quand je pense qu’il est de
20 ans plus jeune que le plus âgé d’entre nous : Elie !
Raconter sa vie … Cela semble si facile, sur le moment … Mais quand on se trouve devant la feuille
de papier, on est soudain frappé de l’amnésie la plus profonde ! D’autre part, au travers de tous
mes envois précédents, j’en ai tellement dit que j’aurai bien peur de me répéter … Mais, grâce à un
logiciel, je vais avoir la possibilité « d’entendre » mes écrits : le tout sera de ne pas m’endormir, car la
voix, virtuelle, est d’un monotone ! Mais cela ne fait rien, il me faut le faire !
Autre constatation : j’ai toujours eu pour principe de vivre intensément le moment présent … et
comme il m’est difficile de me rappeler certains épisodes du passé ! Je viens encore d’en faire
l’expérience, ces derniers jours ; je venais de relire un e mail envoyé par une amie, qui me disait :
« Dans tous vos écrits, où est la Colonelle ? Aujourd’hui, je vois que dans votre jeunesse, il y a eu un
vélo comme intermédiaire. Mais elle, est là … » Mais sa réponse a été : « je ne tiens pas à raconter
ma vie ! » Alors, j’ai jeté un coup d’œil dans un dossier qu’elle m’avait laissé, il y a plusieurs années,
et dans lequel il y avait toute une série des messages bibliques qu’elle avait donnés. Mais il y avait
aussi certains courriers, qui m’ont fait l’effet d’un véritable trésor, et dont je ne me souvenais plus du
tout ! A quelle occasion, par exemple, a-t-elle demandé à deux de nos petites filles de mettre par
écrit ce qu’elles pensaient de leur amour pour Jésus, et quel âge pouvaient-elles avoir ? En tout cas,
je n’hésite pas à vous permettre d’en prendre connaissance !
Joëlle est moche mais je l’aime.
Papa me donne trop de fessées mais je
l’aime.
Cédric est embêtant mais je l’aime.
Yohan vomit trop mais je l’aime. Et Jésus
je l’aime car il est bon pour moi et lui, il
m’aime.
Maman est casse-pied mais je l’aime.
Muriel Yapoudjian
Maman fait recopier mais je l’aime
Papa donne trop de coups mais je l’aime.
Caroline est gentille et je l’aime.
Sébastien est méchant, mais je l’aime.
Mais celui que j’aime le plus
C’est Jésus
Lui il m’aime, car il est mort sur la croix
Pour nous sauver.
Domitille Fivaz
…. Je vois soudain que Muriel avait indiqué la date, soit le 13 mai 1989 ; c'est-à-dire qu’elle avait
alors 9 ans, alors que Domitille n’en avait que 7 et demi : ah, les enfants !
Et soudain, une pensée m’est venue à l’esprit, en considérant, justement, leur âge : si jeunes, et déjà
engagées sur le chemin de la vie spirituelle … Ne dirait-on pas, aujourd’hui, qu’elles étaient quelque
peu « conditionnées », dans notre pays de France qui, il y a peu de temps encore, se réclamait du
titre de « mère de l’Eglise » et qui, maintenant, se veut la championne de la laïcité ? Je note cette
réflexion avec un grand sérieux, car il est devenu si difficile d’inculquer quelque valeur « morale », à
défaut de « spirituelle », sans être accusé de faire du prosélytisme, et de ne pas laisser à chacun le
« libre choix » …
Est-ce une réponse à ma remarque ? Quelques instants après avoir écrit ces lignes, voici que le Chef
mondial de l’Armée du Salut, via Internet, nous envoie sa « lettre pastorale n° 7 », dans laquelle,
justement, il parle des enfants :
Dans cette septième lettre Pastorale, je suis amené à considérer avec vous les enfants de notre Armée et ceux du
monde entier. Ce faisant, je vous adresse mes bonnes salutations depuis Londres, où un printemps fleuri a déjà fait
son apparition. L’œuvre de Dieu est incomparable. Son amour l’est aussi, capable de s’étendre et atteindre nos
enfants et ceux du monde entier.
…….
Chaque enfant est un joyau pour Christ. Un enfant qui aime le Seigneur de tout son cœur peut gagner ses parents
pour le Royaume de Dieu. Nous savons que les enfants sont pour nous un modèle de simplicité et de confiance,
comme nous le sommes pour eux en aimant et prenant soin de ceux qui nous entourent.
…….
Aujourd’hui, nous devons protéger l’enfance des forces du mal et de toutes sortes d’abus : les lectures malsaines,
les tentations de l’Internet, des drogues, de l’alcool, ceux qui s’efforcent à leur faire violence, le matérialisme, la
mauvaise opinion de soi, les pressions de toutes sortes exercées par l’entourage, la sexualisation prématurée – et
la liste s’étend.
…….
Je sais que le Seigneur s’adresse aux enfants parce qu’il m’a parlé à 12 ans. Il m’a dit alors ce qu’il attendait de
ma vie …
Mais voici que, sur la feuille où j’avais transcrit les textes de mes deux petites filles, je trouve les
indications suivantes :
1 – travail : homme d’entretien Escoutet
2 – enrôlement jeune soldat Timothée
3 – remarque de Duforeau à Kuhn
4 – remarque de Elie quand il a appris que je me proposais d’entrer dans l’Armée du Salut
« soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même … »
… et, en lisant ces lignes, je me suis interrogé, quant à savoir quelles relations pouvaient avoir entre
eux tous ces points ? Qui était cet homme d’entretien, à Escoutet ? Quel souvenir particulier, lorsque
Timothée a pris sa décision ? Quel rapport entre mon collègue de Session, Duforeau, et Jean Kuhn
qui, instituteur, a décidé, aux environs de la quarantaine, de quitter l’Education Nationale, pour
devenir Officier de l’Armée du Salut ? Quelle remarque mon frère m’a-t-il faite, alors ? Et pourquoi
avais-je inscrit ces paroles, inspirées d’un passage de la Bible ?
Et j’ai réalisé que, si nous omettions de « coucher sur le papier » nos pensées ou expériences d’un
jour, il y avait de fortes chances pour que cela tombe dans les « oubliettes » de notre mémoire :
d’où l’importance de la remarque faite en son temps par Jean-Robert, et reprise par Daniel. Oui,
mais voila : s’il est vrai que l’on souhaite, comme le chantaient si bien les « Compagnons de la
chanson » (mais qui se souvient encore d’eux ?) : « Alors, raconte … », il est possible de répondre par
cette autre, que chantait Jeanne Moreau : « J’ai la mémoire qui flanche, j’me souviens plus très
bien » …
Oui, retrouver des traces du passé … Dernièrement, j’ai reçu une lettre du cimetière d’Issy les
Moulineaux, qui me rappelait que, faute d’un renouvellement de la location de la place occupée
par la tombe de mon père, celle-ci disparaîtrait. Mais il fallait, d’abord, la réparer complètement,
car l’usure du temps avait largement fait son œuvre de destruction. Mes frères sont arrivés à me
convaincre d’avoir à « laisser courir », car il valait mieux avoir son souvenir au plus profond de
nous-mêmes que de contempler une tombe, une fois de temps en temps … Par contre, j’ai été
particulièrement heureux de retrouver la trace des différents métiers qu’il avait exercés de son
vivant, et qui nous a permis de vivre, dans la joie d’une famille particulièrement unie. Ainsi, après
avoir travaillé dans son petit village des environs de Yozgad, en Turquie, comme un simple paysan
… arrivé en France dans le courant de l’année 1923, il a été embauché, en tant que Manœuvre
Ouvrier Spécialisé, à la Société métallurgique du Périgord, à Fumel (47), du 21 février 1924 au 23
février 1926 (c’est au cours de cette période qu’est née ma sœur Marie …) ; puis, toujours comme
MOS, à l’usine de voitures Panhard Levasseur, du 2 juin 1926 au 20 juillet 1926, dans la région
parisienne; à l’usine Renault de Boulogne Billancourt, comme monteur sur machine, du 21 juillet
1926 au 13 avril 1927 ; retour à Fumel, du 21 août 1927 au 13 mars 1928 (c’est au cours de cette
période qu’un certain Khorèn est né, le 18 décembre 1927 …) . Je me souviens, à ce sujet, que ce
second séjour à Fumel avait été nécessité par son état de santé, car il avait contracté une pleurésie.
Maman m’a raconté qu’il aurait été guéri à la suite d’une vision, Dieu lui demandant s’il serait prêt
à abandonner toute activité matérielle pour devenir un propagateur de Sa Parole : ce qu’il fît de
1932 à 1937 … Retour à Issy les Moulineaux, où il travaille à nouveau en tant qu’ébarbeur, du 16 mai
1928 au 26 juin 1930 ; toujours chez Renault, comme MOS, du 15 septembre 1930 au 5 juillet 1932; et
c’est alors qu’il devient colporteur évangélique, jusqu’au 31 mai 1937... Enfin, après un bref
apprentissage, il devient son propre patron, en ouvrant un atelier de cordonnerie, dans lequel il
travaillera jusqu’à ce qu’il soit frappé par cette terrible maladie, qui devait l’emporter, qu’était la
leucémie … Il avait tout juste cinquante ans !
Les espaces de temps entre deux activités n’avaient pas pour objectif de prendre un peu de repos,
mais de « mettre la main à la pâte » pour construire notre maison : il se mettait simplement dans
l’équipe, comme un simple ouvrier …
Et puis, je le rappelle, il était, tout comme notre maman, convaincu de la réalité de Dieu, et tous
deux mettaient en pratique les préceptes de la vie et de la foi chrétienne. Ils étaient abstinents, et il
n’y a rien d’étonnant à ce que j’affirme, personnellement, n’avoir jamais bu une goutte d’alcool.
L’odeur de la cigarette le rendait malade ; aussi n’ai-je eu aucune peine à respecter les règlements
Salutistes, qui bannissent de la vie de leurs adeptes la drogue, l’alcool et le tabac ! Mais jamais je ne
les ai entendus critiquer, encore moins condamner, ceux qui pensaient et agissaient différemment …