Lionel Clerc, le mannequin suisse qui veut

Transcription

Lionel Clerc, le mannequin suisse qui veut
Le portrait
Milan, sa
nouvelle ville
Lionel Clerc aime
la majestueuse
cathédrale de la
célèbre place du
Dôme de Milan,
capitale de la mode,
où il a choisi de
s’établir.
Lionel
Clerc
Il a délaissé
sa carrière
d’analyste
financier pour
le mannequinat.
Et ça marche.
Après la Chine,
l’ex-candidat
à Mister Suisse
2007 rêve de
New York.
Texte: Quan Ly
Photos: Claude Gluntz
et Philippe Pache
I
Le mannequin suisse qui veut
conquérir le monde
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L’ILLUSTRÉ 29/08
l ne participera pas aux JO de
Pékin, mais sera pourtant présent à leur ouverture. Il squattera
en effet toutes les télés des foyers
chinois avec la diffusion d’un
spot publicitaire de Coca-Cola qu’il
vient de tourner à Hong-Kong.
Plus d’un milliard d’êtres humains
verront au moins une fois le visage
de Lionel Clerc, 26 ans. Celui qui
n’était «que» premier dauphin de
Mister Suisse 2007 est parvenu
à conquérir le dragon chinois,
animal aussi aquatique que mythique. Rien d’étonnant, au fond,
pour un homme né sous le signe
des Poissons.
N’empêche, si le mannequinat
était une discipline olympique, ce
dernier serait médaillable, tant il
est vrai que ses journées à courir
les castings ressemblent parfois à
un marathon. Et la Fashion Week
que Milan, sa ville d’adoption,
accueille annuellement en juin n’a
pas arrangé les choses. «Une
dizaine de castings éparpillés dans
la ville, avec des horaires quasi
similaires et qui vont attirer des
centaines de mannequins; là, c’est
vrai, on est un peu raide à la fin
de la journée.»
Il assure pourtant apprécier cette
existence trépidante et instable,
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Le portrait
Signe:
Poissons
Milan: les bons plans de Lionel Clerc
Fierté
d’une mère
Au port de Pully, Lionel
échange avec sa mère,
Liliane, un regard plein
de tendresse.
par les autres.» Profil bas,
donc. Ce qui ne signifie pas pour
autant être effacé. Bien au contraire.
Sa soif de voyages et son caractère
indépendant l’ont amené à refuser
d’être lié à une agence mère. Il
préfère envoyer ses photos de topmodèle aux quatre coins du monde.
C’est comme ça qu’une boîte de
Hong-Kong lui a proposé deux
mois et demi de boulot en Chine
pour tourner le spot Coca-Cola et
pour participer à des shows de
marques prestigieuses telles que
Dior, Salvatore Ferragamo, Calvin
Klein, John Richmond ou encore
Longchamp. Et il ne s’en cache pas,
son statut de free-lance lui permet
de «toucher plus d’argent».
Style latino et macho
Père complice
Sœur aînée heureuse
Sœur jumelle
«Depuis que Lionel est dans ce
métier, on est beaucoup plus
proches, malgré ses voyages.»
Pharmacienne à Lausanne, Laurence est
ravie du parcours de son petit frère, qui
«a su concrétiser son rêve».
Avec Aurélie, sa sœur
jumelle, Lionel a fait les
quatre cents coups.
mais où, petit bémol, tout dépend
finalement du client qui décide.
«Du jour au lendemain, tu peux
décrocher des journées de 30004000 euros sans que tu aies fait un
effort supplémentaire. L’idéal, dans
ce métier, est de tomber sur le
jackpot, la grosse campagne de pub
à 100 000 euros pour un parfum,
avec beaucoup de droits derrière,
notamment grâce à l’utilisation de
ton image dans plusieurs pays.»
rangée de pantouflard «d’avant le
concours», celle d’analyste financier, avec son bon salaire, ses bonus,
son chouette appartement et sa
petite Audi S3. Mais, il y a un peu
plus d’un an, il décide de délaisser
les chiffres pour trouver son compte
dans la mode, «un monde qui me
faisait rêver». Et qui correspond
idéalement au principe de vie qu’il
s’est tracé: «Je veux chasser la routine au maximum, toujours changer d’horizon.» Un principe tatoué
jusque dans sa chair: un des idéogrammes chinois sur son épaule
droite signifie découverte. Sur ce
plan, on peut dire qu’il est comblé
«Chasser la routine»
Il nous parle d’argent sans que cela
soit une obsession. Si c’était le cas,
il aurait continué à mener sa vie
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puisque, désormais, le monde est
son bureau: en un an, il a travaillé
dans une dizaine de pays, de la
Turquie à la Grèce, en passant par
l’Allemagne, la Pologne, l’Irlande,
la France et, dernièrement, la
Chine.
Sa carrière n’en est qu’à ses prémices, mais le Lausannois a su
tracer son chemin. «Mister Suisse
a été une super expérience, qui m’a
ouvert les portes de la mode et des
médias», reconnaît l’intéressé, qui
juge bon d’ajouter: «Mais, dans le
milieu du mannequinat, ce n’est
pas une chose dont on peut être
fier; je me fais parfois chambrer
Si ses affaires marchent bien, c’est
que son image plaît: un style latino
et macho, assorti d’une barbe de
trois jours savamment entretenue
par ses soins, qui contraste avec
l’expression de douceur que dégagent ses yeux verts. «Je relève plus
du type catalogue commercial que
de la catégorie fashion ou éditoriale; je ne fais ni dans l’androgynie ni dans le trash», explique
Lionel, son book en main. C’est
vrai que, sur ses photos en costard,
il porte le chic avec un naturel
étonnant. A la fois l’incarnation
du dandy «conquérant, léger et
insolent» de Chateaubriand et du
mari ou du gendre idéal. La fierté
en tout cas de ses parents, séparés,
Liliane, employée de la Poste, et
Jean-Pierre, inspecteur des denrées alimentaires.
Dans les rues milanaises, des
regards féminins se tournent furtivement vers ce type de 1 m 88
(pour 78 kg). Avec sa veste urbaine
Diesel, son jean près du corps et
ses godasses Paul Smith laquées
noir et brillantes, ramenées de
Chine, Lionel Clerc soigne son
style, un mélange de rigueur helvétique et de nonchalance italienne qu’il aime tant cultiver. Loin
d’être une image sur papier glacé,
il n’est pas mutique. C’est une
La boîte où il faut être vu?
Le café-bar du créateur Roberto
Cavalli, le Just Cavalli, situé dans
le parc Sempione. Plus insolite,
l’Ice Bar, où il fait –30°C et où tout
est en glace, sauf la boisson. Venir
chaudement habillé!
Carrière internationale
A Istanbul, Lionel pose en charmante compagnie en décembre 2007
pour une marque de jeans.
belle gueule, sans l’avoir grande,
qui pratique la tchatche locale: il
fait se télescoper l’italien, le français, l’anglais et l’allemand en
recourant volontiers aux mains.
Professionnellement, il fait
preuve «d’esprit d’ouverture,
d’adaptabilité et d’enthousiasme»,
relève Manuela Salgo, de l’agence
milanaise Joy. Des qualités essentielles au service d’une ardente
ambition: «Mon objectif, c’est New
York.» Pas moins.
En attendant, notre Guillaume
Tell à la carrure d’athlète, qui rêve
de croquer la Grosse Pomme, court
La bonne adresse pour s’habiller fashion?
patiemment vers le sommet du
podium en sautant les obstacles de
l’alcool et de la drogue qui collent
tant à ce milieu. En ce qui le
concerne, «c’est gym et régime
alimentaire». Spartiate, comme il
se doit. A l’image de son modeste
deux-pièces milanais sans âme, aux
Il faut se rendre dans le quartier
de Porta Genova, notamment à la
Via Forcella, où il y a une petite
boutique pas très connue: le Dna
Magazine Outlet, qui vend de
grandes marques. J’ai par exemple trouvé des T-shirts Dolce
& Gabbana à 25 euros.
La spécialité à déguster?
Il y en a plein! Vous avez l’osso
buco avec risotto à la milanaise.
Pour ma part, je pourrais manger
des pizzas tous les jours, en particulier la Bismarck. Pas une consonance très italienne, mais avec de
la tomate, de la mozzarella, du
jambon et un œuf, c’est pour moi
la combinaison gagnante. Q. L.
murs blancs, que ses nombreux
déplacements lui laissent peu le
loisir de décorer: «Je côtoie le luxe,
mais mon appart m’aide à garder
les pieds sur terre.» Pas de risque
que les strass et les paillettes de la
mode lui montent à la tête. Q. L. J
Photos: Philippe Pache et DR
L’endroit à visiter absolument?
La place du Dôme, évidemment.
C’est un classique, mais qui vaut
vraiment le détour. Avec les beaux
jours, de petits concerts y sont
souvent organisés. Sinon, il y a la
rue piétonne Corso Como, près de
Garibaldi, avec ses bars et ses
discothèques. Très sympa.
Le bambin
de 9 mois au
sourire craquant,
né Poissons, a
«toujours adoré
l’eau», selon sa
mère Liliane.