FEMMES ET COMPTABILITÉ

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FEMMES ET COMPTABILITÉ
FEMMES ET COMPTABILITÉ
Claire Dambrin et Caroline Lambert
« Le Mémorial […] est un livre dans lequel le marchand note toutes ses transactions
[…]. Ce livre est tenu dans « la furie des affaires ». Les postes y sont inscrits par le
marchand, ses employés, ses assistants ou les femmes si elles sont capables de le faire en
l’absence des autres. », Luca Pacioli, extrait du premier traité de comptabilité, 1494.
A sa façon, en homme de son temps, Pacioli s'interrogeait sur la capacité comptable des
femmes ...
Si la recherche en comptabilité reste, en France, discrète sur le thème des questions de
« genre », la recherche comptable anglo-saxonne s’y intéresse depuis une vingtaine d’années1.
D’excellentes études ont été réalisées sur l’histoire de la profession comptable et les processus
de marginalisation des femmes qui l’ont jalonnée (Crompton et Sanderson, 1990 ; Lehman,
1992 ; Loft, 1992 ; Kirkham et Loft, 1993). Cette marginalisation des femmes a évolué au
cours du temps, en passant d’une ségrégation horizontale2 (rejet des femmes à l’extérieur de la
profession) à une ségrégation verticale (cantonnement des femmes à des tâches subalternes au
sein de la profession) : l’accès à certaines tâches a été ouvert aux femmes, mais les activités
associées à une rémunération élevée et au prestige sont restées le pré carré des hommes
(Wootton et Kemmerer, 2000).
1
À ce jour (juin 2008), seuls deux articles ont paru dans les revues comptables académiques françaises
(Pesqueux, 1998 ; Dambrin et Lambert, 2006).
2
Il y a ségrégation horizontale lorsque l’on interdit l'accès à une profession sur la base de critères sexuels. Cela
aboutit à la création de professions dites masculines (pilote de chasse, expert-comptable) ou féminines (sagefemme, assistante de direction). En France, l’exclusion des femmes de la profession comptable n’a jamais été
entérinée par un texte de loi. Au contraire, la Grande-Bretagne (Lehman, 1992), le Canada (McKeen et
Richardson, 1998) ou l’Espagne (Carrera, Gutierrez et Carmona, 2001) ont fermé par des lois l’accès à la
profession sur des critères de genre.
1
Dans les années 1990, plusieurs études montrent une faible proportion de femmes au
top management des cabinets comptables alors que les niveaux hiérarchiques inférieurs se
féminisent (Ciancanelli et al., 1990 ; Hooks, 1992 ; Barker et Monks, 1998). Ce phénomène
est souvent décrit comme le résultat d’un « plafond de verre ». L’expression « plafond de
verre » est apparue dans les années 1970 aux États-Unis pour décrire les barrières artificielles
et invisibles, créées par des préjugés organisationnels et individuels, empêchant les femmes
d’atteindre les plus hauts niveaux de l’organisation (Wirth, 2001). Le problème de ce concept
est qu’il suppose l’existence d’un point fixe au delà duquel la progression de carrière serait
impossible. Or il semble que la rareté des femmes se construit progressivement, suite à une
série d’événements tout au long de leur carrière (Wirth, 2001). Laufer (2004) évoque à ce titre
« l’organisation de la rareté » des femmes, c’est-à-dire les moyens, sans cesse renouvelés, de
sélectionner ceux qui intégreront le groupe des happy few et de maintenir les autres à
l’extérieur. Nous nous intéressons donc, dans cet article, aux explications de la rareté des
femmes aux plus hauts niveaux des cabinets comptables3.
Dans un premier temps, une synthèse des données sur la présence des femmes dans la
profession comptable, en France, comme à l’international nous permet de confirmer leur
rareté aux plus hauts niveaux hiérarchiques.
Dans un second temps, nous identifions, à partir d’une revue de la littérature, quatre
hypothèses explicatives de cette rareté. La première évoque le « retard historique » des
femmes dans leur ascension hiérarchique. La deuxième met en avant des traits de personnalité
différents entre hommes et femmes, susceptibles d’expliquer des différences de carrières. La
troisième identifie des barrières organisationnelles (exigences du client, politique de
ressources humaines, etc.) qui pénalisent particulièrement les femmes. La dernière est
3
Pour nous, ce phénomène de rareté n’est pas seulement imputable aux cabinets comptables, car les femmes
elles-mêmes y participent en s’excluant des chemins traditionnels d’accès à l’association (Dambrin et Lambert,
2008).
2
davantage centrée sur les stéréotypes, normes et valeurs associés traditionnellement à chacun
des sexes, diffusés au niveau de la société en général.
1.
LA RARETÉ DES FEMMES AU SOMMET DE LA PROFESSION
La plupart des recherches sur la rareté des femmes dans la profession comptable ont
été réalisées en prenant comme terrain les grands cabinets d’audit. En effet, l’accessibilité des
données (existence et disponibilité de statistiques sur les minorités dans les pays anglosaxons), la lisibilité des strates hiérarchiques et des carrières types (modèle up or out) et la
puissance du modèle organisationnel des grands cabinets qui déteint sur l’ensemble de la
profession (Ramirez, 2005) facilitent l’identification d’un éventuel plafond de verre.
Rares sont les articles s’intéressant aux différences entre les hommes et les femmes
dans la profession comptable qui concluent à l’absence d’un plafond de verre. Certaines
études font toutefois exception et l’on peut citer celle de Trapp et al. (1989) qui, dans leur
enquête sur les cabinets d’audit américains, soutiennent qu’il n'existe de plafond de verre, ni
en termes de salaires, ni en termes d'opportunités de carrière pour les femmes. Selon eux, si
les femmes ont l’impression qu’elles ont moins de chance que les hommes de devenir
associées ou qu’elles n’obtiennent pas les mêmes conditions salariales que leurs homologues
masculins, cela ne traduit pas une réalité factuelle mais s’explique par des lacunes de
communication de la part de la direction des cabinets. Cette propension à nier la
responsabilité de l’organisation dans l’existence d’un plafond de verre peut en partie être
imputée au fait que les femmes, au moins dans le monde occidental, sont de plus en plus
nombreuses dans la profession comptable. À ce sujet, certains auteurs soulignent que les
progrès en termes de progression de carrière des femmes sont plus nets dans la profession
comptable que dans d'autres domaines dits masculins (droit, ingénierie, sciences physiques),
essentiellement grâce au fait que la profession est régulée par le diplôme d'expert-comptable
3
(Certified Public Accountant) et qu'elle connaît un fort taux de croissance numérique dans les
années 1970 et 1980 (French et Meredith, 1994). Si la féminisation de la profession
comptable est indiscutable, un bref aperçu des données concernant l’évolution de carrière des
femmes dans différents pays montre que la rareté des femmes aux plus hauts niveaux des
cabinets demeure une question d’actualité.
Aux États-Unis, la part des femmes comptables diplômées est passée de 28 % à 50 %
entre 1977 et 1992 (Reed, Kratchman et Strawser, 1994). D’après les données de l’AICPA
(Accounting Institute of Certified Public Accountants), les femmes représentent 52 % des
nouveaux entrants dans la profession en 2002, c’est-à-dire des nouveaux diplômés joignant
l’association professionnelle, contre 45 % vingt ans plus tôt. En revanche, elles représentent
38 % des nouveaux embauchés et seulement 14 % des associés, ou détenant des parts dans
une organisation (AICPA, 2005, p. 11). En 1996, en Nouvelle-Zélande, le constat est
identique : les femmes représentent 38 % de la profession mais seulement 7 % des associés
(Kim, 2004). En France, les femmes sont également moins représentées dans les plus hauts
échelons de la hiérarchie des cabinets comptables. Elles représentent 50 % des assistants
débutants mais seulement un tiers des directeurs de missions (Hantrais, 1995).
La situation semble relativement similaire si l’on étend l’analyse à l’ensemble de la
profession. Les femmes représentent une large part des effectifs des postes de comptables
faiblement qualifiés (INSEE, 2005) et peu nombreuses sont celles qui poursuivent leurs
études jusqu’à l’obtention du diplôme d’expert-comptable. Alors qu’elles représentaient 12 %
des experts-comptables en 1990, elles n’en représentent toujours que 13 % 8 ans plus tard, en
1998 (Daniel in Audusseau-Besson, 2000)4. Une dernière statistique laisse entrevoir une
4
S. Daniel, « Les représentations que les femmes experts-comptables ont des carrières féminines dans la
profession », mémoire de DEA, Université Paris Dauphine, in Audusseau-Besson (2000).
4
marginalisation plus subtile : seuls 13,52 % des diplômés d’expertise-comptable exerçant sous
forme libérale sont des femmes (Chambre, 2004). La tendance de ces dernières années (1995
à 1999) ne vient que très peu nuancer ce constat, puisque « seul un nouvel inscrit sur cinq à
l’Ordre des Experts-Comptables est une femme » (Chambre, 2004, p. 25). Le constat au
Canada, est identique puisque seulement 13% des associés et des indépendants sont des
femmes (Tabone, 2005). Si l’on ne peut assimiler cette situation à celle d’un plafond de verre,
le fait que la plupart des femmes semblent exclues ou s’excluent de l’aboutissement
professionnel et social que représente l’installation en indépendant n’est pas sans poser
question. Une des explications possibles est la difficulté rencontrée par les femmes pour
s’imposer dans un contexte social où les valeurs associées à l’entrepreneuriat restent perçues
comme « masculines » : prise de risque, leadership, responsabilités…
2.
COMMENT EXPLIQUER CETTE RARETÉ ?
Quatre hypothèses sont fréquemment présentées dans les recherches sur la rareté des
femmes aux plus hauts niveaux des organisations comptables : l’hypothèse du retard
historique, celle des différences « naturelles » entre hommes et femmes, celle des obstacles
organisationnels et celle des stéréotypes.
L’hypothèse du retard historique
Une explication de la rareté des femmes peut être conjoncturelle : les différences de
carrières ne proviennent pas de discriminations particulières à l’encontre des femmes. Le
faible nombre d’associées femmes s’explique simplement par un phénomène de "pipeline" :
beaucoup de femmes ont débuté récemment leur carrière dans la comptabilité libérale et n’ont
pas eu le temps de se hisser au sommet. Laufer (2004) souligne que cette analyse se rencontre
5
dans d’autres contextes organisationnels (en dehors de la profession comptable) et nomme ce
type d’explication « retard historique ».
L’argument avancé par les auteurs tels que Kanter (in Ciancanelli et al., 1990) est que
les femmes entrant dans une organisation dominée par les hommes font face à des difficultés
similaires à celles des nouveaux immigrants : arriver sur un terrain où les règles ont été
définies par le groupe dominant. L’argument sous-jacent est que c’est la rareté et non le fait
d’être une femme qui explique les difficultés rencontrées par les femmes. L’augmentation de
la population féminine règlera donc de fait les problèmes rencontrés par les femmes. Ces
recherches adoptent, souvent implicitement, une perspective libérale et ont recours à des
méthodologies quantitatives de collecte de données. Toutefois, ce type d’approche, très
fortement critiqué, se révèle de plus en plus rare. La plupart des recherches évoquent ce type
d’analyses pour les déconstruire et les réfuter, comme Hull et Umansky (1997).
Cependant, ce phénomène mécanique ne suffit pas à expliquer la ségrégation à
laquelle les femmes sont encore confrontées (Roberts et Coutts, 1992). Il semble ainsi que,
dans les grands cabinets d’audit, le plafond de verre se situe entre le grade de manager
confirmé et celui d’associé. En Grande-Bretagne, dans la tranche 36-45 ans, 34 % des
hommes sont associés contre 25 % des femmes (Ciancanelli et al., 1990). En France, dix ans
après le constat réalisé par Hantrais (1995), les femmes restent moins représentées dans les
plus hauts échelons de la hiérarchie des cabinets comptables, constituant toujours 50 % des
assistants débutants et seulement de 7 à 20 % des associés selon les cabinets (Laigneau et
Vandermeirssche, 2006). Ainsi, l’analyse selon laquelle le plafond de verre n’existe pas dans
la profession comptable n’est pas tenable. Si le plafond s’élève, il ne disparaît pas.
L’hypothèse des différences hommes/femmes
De nombreuses études expliquent la rareté des femmes au sommet des cabinets par le
fait qu’elles seraient simplement différentes des hommes. Les obstacles auxquels elles sont
6
confrontées sont inhérents à leur sexe. Ces obstacles concernent les attributs et les savoirfaire, la motivation, les traits de personnalité. L’absence des femmes aux plus hauts niveaux
de l’organisation s’explique par des perceptions du métier et des motifs de satisfaction
différents de ceux des hommes (Reed, Kratchman et Strawser, 1994 ; Hunton, Neidermeyer et
Wier, 1996). Ces différences aboutiraient à un désengagement progressif des femmes (Barker
et Monks, 1998), ce qui expliquerait leur turnover comparativement plus élevé que celui des
hommes (Hunton, Neidermeyer et Wier, 1996). Certains de ces obstacles individuels relèvent
de choix de vie des femmes présentés comme délibérés par les chercheurs. Par exemple,
Bernardi (1998) analyse le turnover des femmes comme la résultante d’un choix de vie centré
sur la famille. Par anticipation, elles investiraient moins dans leur formation et n'acquerraient
donc pas les qualifications requises pour suivre une carrière linéaire.
Ce type d’analyses, relevant d’un féminisme libéral non revendiqué, est également
largement contesté. Ainsi, Ciancanelli (1998) montre que ce que l’on nomme « choix de vie »
est en réalité imposé par des pressions sociales relatives aux responsabilités de la femme dans
le foyer, ou de contraintes financières nouvelles. Ce pseudo libre-arbitre est largement
critiqué : ce que l’on qualifie à tort d’« implication » des femmes au travail est conditionné
par « des arrangements socialement structurés » qui exercent des contraintes sur elles (Roberts
et Coutts, 1992 ; Wajcman, 2003).
Un autre type d’obstacles individuels apparaît dans les études sur les traits de
personnalité ou caractéristiques des femmes. Ces études aboutissent à des résultats
contradictoires. Collins (1993) avance que les femmes sont plus sujettes au stress et qu’elles
quittent la profession pour cette raison. Barker et Monks (1998) expliquent la différence de
progression de carrière entre hommes et femmes en partie par un manque de confiance en soi
caractéristique des femmes. Au contraire, Davidson et Dalby (1993) montrent que « les
comptables femmes sont aussi intelligentes, incisives et entreprenantes, indépendantes,
7
confiantes et sûres d’elles [que les hommes]. Mynatt et al. (1997) montrent également que les
femmes ont plus tendance que les hommes à avoir une personnalité de « Type A » (i.e.
« masculin, blanc, anglo-saxon et protestant »), associée à des positions hiérarchiques élevées
dans les cabinets et de faibles intentions de turnover. Ces études ne valident donc pas
l’hypothèse selon laquelle les femmes auraient des traits de personnalité incompatibles avec
une ascension hiérarchique dans la profession comptable. Par conséquent, ces chercheurs
s’attendent à des progressions de carrières similaires entre les hommes et les femmes. Leurs
anticipations étant infirmées par les faits, ils invitent à considérer d’autres facteurs pour
expliquer la lenteur de la progression hiérarchique des femmes (Davidson et Dalby, 1993 ;
Mynatt et al., 1997 ; Glover, Mynatt et Schroeder, 2000).
L’hypothèse des obstacles organisationnels
Les barrières qui empêchaient les femmes d’accéder à la profession jusqu’au début du
XXe siècle se sont transformées en obstacles internes (Lehman, 1992). Parmi ces obstacles,
les recherches mentionnent, le comportement du client, l’acquisition des savoirs et des
techniques ainsi que des politiques de gestion des ressources humaines défavorables aux
femmes (promotion et rémunération).
Le client apparaît soit comme un obstacle organisationnel réel (ses exigences en
termes de disponibilité et de mobilité prennent le pas sur la qualité de vie souhaitée par les
comptables, hommes ou femmes (Hooks, 1998)), soit comme un moyen discursif pour
justifier les discriminations à l’encontre des femmes dans les cabinets (les membres des
cabinets prétendent que le client préfère travailler avec des comptables hommes) (Loft, 1992 ;
Anderson-Gough, Grey et Robson, 2005).
L’acquisition du savoir et des techniques constitue un autre type d’obstacle
organisationnel. Deux types de connaissances sont nécessaires à la poursuite d'une carrière
comptable : des connaissances formelles ou académiques, sanctionnées par des diplômes, et
8
des connaissances organisationnelles ou savoir du terrain (expérience, connaissance des
informations et traditions informelles de l'entreprise, etc.) (Crompton, 1987). L'acquisition
croissante de qualifications académiques par les femmes ne suffit pas forcément à changer les
modèles de ségrégation existants (Crompton, 1987). La rareté des femmes au sommet est en
effet entretenue par la difficulté d’acquisition des connaissances organisationnelles. Les
auteurs qui identifient cet obstacle mettent l’accent sur les freins informels à l’acquisition du
savoir organisationnel (Crompton, 1987 ; Crompton et Sanderson, 1990 ; Spruill et Wootton,
1995 ; Hammond et (Traduction) Pesqueux, 1998 ; Anderson-Gough, Grey et Robson, 2005).
Par exemple, les jeunes femmes bénéficient moins que leurs homologues masculins des
dispositifs de parrainage (Scandura et Viator, 1994). Crompton (1987) cite également
l'exclusion des réseaux d'anciens, généralement très masculins, les clubs réservés aux
hommes, les sports d’équipe masculins (rugby) ou les weeks-ends passés sur les terrains de
golf.
Les conditions de travail relatives à la profession (nombreux voyages, horaires de
travail tardifs, etc.) sont parfois présentées comme un facteur explicatif d’une progression de
carrière plus lente et/ou d’un turnover plus élevé chez les femmes. Récemment, plusieurs
études se sont intéressées aux aménagements du temps de travail proposés par les cabinets
d’audit (Frank et Lowe, 2003 ; Charron et Lowe, 2005 ; Johnson, Lowe et Reckers, 2007). En
1998, Barker et Monks mentionnaient déjà l’impossibilité pour les femmes comptables
irlandaises d’opter pour des aménagements de temps de travail, soit parce que peu de cabinets
en proposaient, soit parce qu’il était mal vu d’en demander. Plus récemment, le succès des
programmes d’aménagement du temps de travail a été mis en question (Frank et Lowe, 2003 ;
Charron et Lowe, 2005 ; Johnson, Lowe et Reckers, 2007). Ces auteurs montrent que, dès leur
développement dans la profession comptable, ces programmes ont été marqués d’un sceau
9
féminin, entraînant une perception défavorable de la profession dans son ensemble. Les coûts
cachés de ces programmes (difficulté à évaluer la personne qui dispose d’un aménagement du
temps de travail, abus potentiels de la personne, situation injuste par rapport aux autres,
éloignement des réseaux et perte de compétence technique) et l’impact défavorable sur la
progression de carrière (horizon temporel de promotion, différence de salaire) expliquent
selon eux leur attractivité encore limitée.
De manière générale, les politiques des ressources humaines méritent une attention
particulière du fait de leur statut ambigu : ces politiques sont-elles des conséquences ou des
causes de la différence en termes de progression de carrière entre hommes et femmes dans les
cabinets ? Par exemple, Bernardi (1998, p. 348-349) considère que les politiques de
promotion de carrière et de rémunération ne devraient bénéficier qu’aux individus qui font
« des choix de vie centrés sur leur carrière ». Il conclut de son étude que les efforts menés par
les grands cabinets comptables pour retenir « les femmes dont les choix de vie sont centrés
sur leur famille sont probablement vains ». D’autres chercheurs les envisagent comme des
facteurs explicatifs de la rareté. Les femmes quitteraient la profession car elles sont moins
reconnues et moins rémunérées que leurs homologues masculins (Lehman, 1992 ; Reed,
Kratchman et Strawser, 1994 ; Barker et Monks, 1998). La promotion et le recrutement sont
de ce fait envisagés comme des processus qui contribuent à la reproduction de la domination
masculine (Grey, 1998). On recrute des gens comme soi et on promeut des gens comme soi,
phénomène qualifié d’homo sociality (Anderson-Gough, Grey et Robson, 2005).
Tout en reconnaissant l’existence d’obstacles organisationnels, certains auteurs
estiment qu’ils sont insuffisants pour expliquer les discriminations à l’encontre des femmes.
Pillsbury et al. (1989) soutiennent que les hommes et les femmes quittent la profession pour
des raisons similaires (temps de travail excessif, manque de responsabilités futures, meilleures
opportunités professionnelles ailleurs). C’est donc dans des obstacles d’une autre nature que
10
sont cherchées les raisons des discriminations : la rareté des femmes est maintenue par des
préjugés véhiculés dans la société en général (Reed, Kratchman et Strawser, 1994). Cela nous
amène à décrypter les obstacles d’ordre social.
L’hypothèse des stéréotypes
Les discriminations rencontrées par les femmes au travail reflètent les valeurs et les
normes perpétuées dans la société en général. Ce sont les stéréotypes associés à chacun des
sexes qui expliquent principalement le plafond de verre (Crompton, 1987 ; Hull et Umansky,
1997 ; Adams et Harte, 1998). On retrouve derrière ces stéréotypes les traits associés aux
deux genres : les hommes incarnent le pouvoir, alors que les femmes représentent l'affectif, le
nourricier et des rôles sociaux prédéfinis (les managers sont naturellement des hommes et les
femmes des mères).
Les traits attribués aux femmes sont incompatibles avec une profession masculine,
ordonnée par les hommes, pour les hommes (Kirkham, 1992)5. Les femmes qui ont été
cooptées au rang d’associé ont généralement joué le jeu des hommes (Hantrais, 1995). Un des
points les plus intéressants qui ressort des recherches portant sur ces thématiques réside dans
le dilemme auquel les femmes sont confrontées. Si elles se conforment aux stéréotypes
féminins, on leur reproche de donner la priorité à leur famille, de manquer de leadership dans
leur travail. Si elles adoptent des comportements plus dominateurs, on leur reproche
d'outrepasser leur rôle et elles sont évaluées négativement. Les femmes qui souhaitent
progresser dans la hiérarchie seraient donc contraintes d’adopter des comportements qualifiés
de « masculins » au prix d’une souffrance personnelle et d’une inefficience organisationnelle
(Maupin et Lehman, 1994).
Dans un tel contexte, la maternité devient synonyme de ralentissement, voire d’arrêt
de la progression de carrière dans les cabinets (Windsor et Auyeung, 2006 ; Dambrin et
5
Pour une synthèse des travaux sur la profession comptable portant sur la symbolique du masculine, se référer à
Audusseau-Besson (2000).
11
Lambert, 2008). Plus généralement, de nombreuses recherches soulignent la difficulté de
cumuler sereinement vie professionnelle et vie familiale (Collins, 1993 ; Barker et Monks,
1998). La femme-mère n’a pas sa place dans la profession. En revanche, la société attend
d’elle qu’elle soit la « comptable du ménage » et/ou l’épouse attentionnée et compréhensive
de l’expert-comptable (Walker, 1998 ; Llewellyn et Walker, 2000 ; Walker, 2003 ; Carnegie
et Walker, 2007).
*
*
*
Tout au long de cette réflexion, nous avons interrogé la nature des facteurs qui
expliquent l’ascension hiérarchique limitée des femmes. Quatre hypothèses explicatives
émergent de notre analyse de la littérature : l’hypothèse du retard historique, celle des
différences sexuelles, celle des obstacles organisationnels et celle des stéréotypes. Selon
l’hypothèse historique, « les choses » auraient dû se régler d’elles-mêmes avec le temps. Mais
le constat actuel invalide cette perspective. C’est la combinaison d’obstacles organisationnels
et sociaux qui explique le mieux selon nous la sous-représentation persistante des femmes aux
postes de direction dans les entreprises.
Comment rendre compte de ce phénomène de rareté des femmes top managers si l’on
souhaite mieux le contrer ? Il ne faut sans doute pas penser le problème comme étant
spécifique aux femmes. C’est l’identité de tous les comptables qui souffre des stéréotypes
perpétués au niveau social et organisationnel. Des études récentes sur la construction de
l’identité des comptables, hommes et femmes, contribuent au développement de cette
perspective plus holistique (Grey, 1998 ; Anderson-Gough, Grey et Robson, 2005 ; Windsor
et Auyeung, 2006 ; Haynes, 2008a ; Haynes, 2008b).
12
D’un point de vue pratique, lorsque les grands cabinets d’audit développent des
politiques de ressources humaines labellisées « Femme », ne participent-ils pas à la
« ghettoïsation » des femmes et des hommes dans des modèles statiques de carrière ? Plus
généralement, on peut regretter le conservatisme des politiques d'égalité professionnelle dans
lesquelles les stéréotypes sur les qualités et rôles respectifs des deux sexes ne sont pas remis
en question. Orientées vers la protection des femmes, ces politiques ont tendance à les
victimiser et participent ainsi au renforcement des stéréotypes existants. Ni les lois, ni les
mentalités n'évoluent indépendamment des situations concrètes dans lesquelles les individus
sont engagés. À ce titre, beaucoup parient sur la référence à des expériences individuelles de
femmes leaders pour qu’un modèle féminin du pouvoir existe à terme dans les esprits. Cette
approche est tout à fait intéressante. Il semble toutefois également essentiel de combattre les
stéréotypes subis par les hommes autant que par les femmes. Par exemple, si les hommes
avaient les mêmes opportunités que les femmes de s’investir davantage dans leur vie familiale
sans porter préjudice à leur carrière, cela aurait sans aucun doute des répercussions notoires
sur les carrières des femmes. Les entreprises ne pourraient plus implicitement reporter
uniquement sur les femmes la responsabilité de s’adapter aux attentes organisationnelles et
elles seraient sans aucun doute amenées à revoir leurs schémas de carrière.
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