la solitude du coureur de fond - Devoir-de
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la solitude du coureur de fond - Devoir-de
24 la solitude du coureur de fond L'adolescent dont Alan Sillitoe raconte l'histoire dans La Solitude du coureur de fond est un jeune délinquant, issu d'une famille pauvre de Nottingham. A la maison de redressement où il est envoyé, ses aptitudes à la course sont remarquées et lui valent l'intérêt du directeur, qui favorise son entraînement en vue de la rencontre annuelle avec l'équipe sportive de Gunthorpe, la public-school voisine. Mais l'adolescent refuse de devenir un «bon garçon •· récupérable pour tous les compromis de la vie sociale; il court pour courir, pour se sentir libre, et dans la solitude de sa course, sauvegarde farouchement son intégrité. Je continue ma course en bordure d'un champ que longe le chemin creux, dans l'odeur de l'herbe verte et du chèvrefeuille. et j'ai l'impression de qescendre d'une longue lignée de lévriers dressés à courir sur deux pattes, sauf qu'il n'y a pas de lapin mécanique devant moi, et pas de matraque dans mon dos pour m'obliger à maintenir l'allure. Je dépasse le coureur de Gunthorpe dont le maillot est déjà noir de sueur, et j'ai tout juste le temps de voir le coin du petit bois entouré de sa clôture. où le seul gars que je dois dépasser pour gagner la course donne le meilleur de lui-même pour passer le premier au poteau de mi-parcours. Ensuite il prend son virage et s'enfonce dans une zone d'arbres et de buissons où je le perds de vue, et je ne vois plus personne, et je sais ce qu'est la solitude du coureur de fond. courant à travers la campagne. et je comprends que LA SOLITUDE DU COUREUR DE FOND 189 pour moi en tout cas, c'est la seule chose au monde propre et vraie, et que jamais rien ne viendra changer ça, même si par moments je pense autrement, et même si on essaie de me dire le contraire. Le coureur qui me suit est sûrement loin derrière - tout est si calme. il y a encore moins de bruit et de mouvement qu'à cinq heures du matin, l'hiver. par temps de gelée. C'est dur à comprendre. mais tout ce que je sais, c'est qu'il faut courir, courir, courir sans s'arrêter, sans savoir pourquoi, traverser des champs auxquels on ne comprend rien. s'enfoncer dans des bois qui font peur. passer des collines sans distinguer la montée de la descente, franchir à toute vitesse des rivières froides à couper le souffle de celui qui tomberait dedans. Et ça ne s'arrête pas à la ligne d'arrivée, même si la foule vous fait une ovation, parce qu'il faut continuer avant de reprendre haleine, et on ne s'arrête vraiment que lorsqu'on trébuche sur un tronc d'arbre. qu'on se casse le cou, qu'on tombe dans un puits abandonné, et qu'on s'immobilise à jamais dans le noir de la mort. ALAN SILLITOE. La Solitude du coureur de fond. 1959. Avec l'accord des Éditions du Seuil.