Lis cet extrait de « les fourmis » de Bernard Werber Sateï n`est pas à

Transcription

Lis cet extrait de « les fourmis » de Bernard Werber Sateï n`est pas à
Lis cet extrait de « les fourmis » de Bernard Werber
Sateï n'est pas à proprement parler un port, ce n'est pas non plus un poste
avancé. Mais c'est à coup sûr le lieu privilégié des expéditions belokaniennes qui
traversent le fleuve.
Jadis, lorsque les premières fourmis de la dynastie des Ni se trouvèrent devant
ce bras d'eau, elles comprirent qu'il ne serait pas simple de le franchir. Seulement,
la fourmi ne renonce jamais. Elle se cognera, s'il le faut, quinze mille fois et de
quinze mille façons différentes la tête contre l'obstacle, jusqu'à ce qu'elle meure
ou que l'obstacle cède.
Une telle manière de procéder semble illogique. Elle a certes coûté beaucoup de
vies et de temps à la civilisation myrmécéenne, mais elle s'est avérée payante. A
la fin, au prix d'efforts démesurés, les fourmis sont toujours parvenues à
surmonter les difficultés. À Sateï, les exploratrices avaient commencé par tenter
la traversée à pattes. La peau de l'eau était assez résistante pour supporter leur
poids, mais n'offrait malheureusement pas de prise pour les griffes. Les fourmis
évoluaient sur le bord du fleuve comme sur une patinoire. Deux pas en avant,
trois pas sur le côté et slurp! elles se faisaient manger par les grenouilles. Après
une centaine de tentatives infructueuses et quelques milliers d'exploratrices
sacrifiées, les fourmis cherchèrent autre chose. Des ouvrières formèrent une
chaîne en se tenant par les pattes et par les antennes jusqu'à atteindre l'autre
rive. Cette expérience aurait pu réussir si le fleuve n'avait pas été aussi large et
tourmenté par des remous. Deux cent quarante mille morts. Mais les fourmis ne
renonçaient pas. Sous l'instigation de leur reine de l'époque, Biu-pa-ni, elles
essayèrent de bâtir un pont de feuilles, puis un pont de brindilles, puis un pont de
cadavres de hannetons, puis un pont de cailloux… Ces quatre expériences
coûtèrent la vie à près de six cent soixante-dix mille ouvrières. Biu-pa-ni avait
déjà tué plus de ses sujets pour édifier son pont utopique que toutes les batailles
territoriales livrées sous son règne! Elle n'abandonna pas pour autant. Il fallait
franchir les territoires de l'Est. Après les ponts, elle eut l'idée de contourner le
fleuve en remontant sa source par le nord. Aucune de ces expéditions ne revint
jamais. 8 000 morts. Puis elle se dit que les fourmis devaient apprendre à nager.
15 000 morts. Puis elle se dit que les fourmis devaient tenter d'apprivoiser les
grenouilles. 68 000 morts. Utiliser les feuilles pour planer en se lançant du grand
arbre? 52 morts. Marcher sous l'eau en empesant les pattes avec du miel durci?
27 morts. La légende prétend que lorsqu'on lui annonça qu'il n'y avait plus qu'une
dizaine d'ouvrières indemnes dans la cité et qu'on devait donc renoncer
momentanément à ce projet, elle émit la sentence: Dommage, j'avais encore plein
d'idées…
Les fourmis de la Fédération finirent pourtant par trouver une solution
satisfaisante. Trois cent mille ans plus tard, la reine Lifoug-ryuni proposa à ses
filles de creuser un tunnel sous le fleuve. C'était tellement simple que personne
n'y avait pensé plus tôt.
Et c'est ainsi qu'à partir de Sateï on pouvait circuler sous le fleuve sans la
moindre gêne.
Réflexion...
Quel type de gouvernement ont instauré les fourmis?
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Pourquoi, selon toi, les fourmis ne se sont-elles pas révoltées contre la reine?
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Selon toi, la situation des fourmis décrite dans cet extrait pourrait-elle
s'appliquer à la société humaine? Justifie ta réponse.
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Manuel « Places publiques », Fides