LE SOLEIL SE LÈVERA-T-IL À L`EST ? Pierre POULLAIN et Marion

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LE SOLEIL SE LÈVERA-T-IL À L`EST ? Pierre POULLAIN et Marion
LE SOLEIL SE LÈVERA-T-IL À L’EST ?
Pierre POULLAIN et Marion BLANCHET
Lycée Notre-Dame du Roc et lycée Sainte-Marie - La Roche-sur-Yon (85) - 2005
« 10 ans, dans 10 ans, je serai mère, nous serons parents. Notre rôle sera d’élever notre enfant dans
le meilleur des mondes, de le protéger des risques. » Combien de jeunes Ukrainiens se sont promis
cela et pour combien le rêve a été brisé ?
Le premier des droits de l’homme, est le droit à la vie. En Ukraine aujourd’hui, il n’est pas d’actualité.
Car comment peut-on encore parler de vie lorsqu’elle a pour fin assurée les quatre murs d’un
hôpital ?
Ces enfants victimes de l’indifférence de tous, nous les avons rencontrés. Depuis trois ans, nous nous
battons pour aider l’hôpital pédiatrique des enfants de Tchernobyl. En allant en Ukraine, en avril
dernier, malgré notre préparation nous n’imaginions pas l’ampleur de la catastrophe. Le choc fut
terrible et nous a marqués au fer rouge. Une seule solution : témoigner, porter toujours plus haut la
voix de ces mômes qui souffrent en silence.
Vous l’aurez compris, Mesdames et Messieurs, plaider aujourd’hui, c’est plus que participer à un
simple concours mais avant tout l’espoir de faire entendre les cris d’appels de ces victimes oubliées.
Le 26 avril 1986, le quatrième réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl explose.
Ce sont ensuite 600 000 jeunes, adolescents, futurs parents qui partent alors déblayer le réacteur. La
radioactivité n’est pas visible, elle ne fait pas de bruit, n’a pas d’odeur ni de goût particulier. Pourtant
elle est omniprésente, interdisant sous peine de mort toute présence humaine. Mais combien sontils au-dessus des gravats, combien sont-ils à vivre autour ? On ne les a pas prévenus du danger, on ne
les a pas prévenus de protéger ce corps qui enfantera plus tard.
Pour établir un constat, bizarrement les avis divergent :
- 32 morts selon les Soviétiques
- 560 000 selon l’ONU
- 2 400 personnes décédées de cancers selon l’URSS
- 75 000 selon l’ONU et encore en Europe un million de cancers et leucémies
- Les cancers de la thyroïde des enfants ont crû de 100 %
- Mais pire encore, dans 70 ans nous verrons apparaître 40 000 nouveaux cas de cancers.
Face à ce bilan accablant l’État n’a fait construire qu’UN seul hôpital pédiatrique pour toute
l’Ukraine ! Hôpital qui n’a reçu que 9 000 euros des autorités en 14 ans. 9 000 euros pour 9 millions
de malades.
Un homme se bat : Ostap Mohylak, chirurgien à l’hôpital. Il donne sa vie pour sauver chaque jour
celles de plusieurs de ces mômes frappés par l’atome Tchernobyl. Dix-huit ans de travail au service
de ces gamins oubliés, dix-huit ans de vie sans vacances ni week-end où chaque jour d’absence
provoque une mort de plus.
Nous le crions haut et fort, mesdames et messieurs, ce drame n’est pas un accident mais une atteinte
au droit de l’homme !
L’un des droits fondamentaux de l’Homme est sa liberté d’expression. Vous connaissez certainement
Youri Bandajevski ? Pour avoir voulu dénoncer les terribles conséquences de l’explosion, le plus
grand scientifique de Biélorussie s’est vu condamner à huit ans de prison. D’après l’ambassadeur de
France à Minsk : « Il a été victime d’une machination, car les travaux qu’il réalisait sur Tchernobyl
étaient inquiétants pour le gouvernement ». Aujourd’hui un de ceux qui pourraient sauver bon
nombre de ces enfants irradiés croupit dans un kolkhoze et cela jusqu’en 2009.
- Combien de morts ces gouvernements ont ils sur la conscience ?
- Comment un gouvernement peut il préférer son intérêt personnel à la vie de milliers de ses
citoyens ?
- Mais ce gouvernement n’aurait-il pas intérêt à minimiser toujours les faits ?
Durant quatre jours avec la complicité des autorités, tout un peuple va vivre au rythme des
manifestations de la fête du travail comme si de rien n’était. C’est la fête… même à Tchernobyl.
Comme vous avez pu le comprendre la nouvelle n’éclate au grand jour que le 2 mai 1986 !
De plus, M. Gorbatchev n’a informé son peuple des risques de Tchernobyl que dix-neuf jours plus
tard.
Soyons réalistes, le gouvernement français n’a t il pas fait de même ? Pensez-vous réellement que le
nuage s’est arrêté docilement à la frontière ?
Alors pourquoi ce mensonge… ou bien cette omission ?
La Déclaration des droits de l’homme stipule le droit à un environnement sain.
Aujourd’hui 270 000 personnes vivent sur un sol irradié jusqu’à 1m50 de profondeur.
Aux alentours de Tchernobyl, les habitants n’ont été évacués que dix jours après la catastrophe. Il
faut partir, il faut fuir mais pour aller où ? Là encore le gouvernement n’a pas tenu ses promesses.
Faute de pouvoir être relogés, ils ont été contraints de retourner sur leurs terres. La vie recommence
à Tchernobyl… comme si de rien n’était.
Et c’est là que commence la catastrophe.
L’agriculture vivrière tient une place très importante en Ukraine. À Tchernobyl aujourd’hui on cultive
des légumes irradiés, on boit un lait radioactif, on récolte des champignons qui seront ensuite vendus
dans TOUTE l’Ukraine. Les exemples ne manquent pas. Sous l’œil des autorités, un peuple mange sa
propre mort.
Mais mesdames et messieurs, la plus grosse erreur du gouvernement est d’avoir fait fonctionner la
centrale nucléaire de Tchernobyl pendant quatorze ans, en sachant très bien les risques, et de
n’arrêter son activité qu’en décembre 2000.
Les ingénieurs russes décident alors de faire couler une couche de béton sur les débris. Ce
sarcophage devait durer 30 ans. Aujourd’hui il est affecté de trous et de fissures sur plus de 300 m2…
une véritable bombe à retardement.
Mesdames et messieurs, membres du jury, spectateurs, Tchernobyl n’est pas du passé mais un
danger pour demain !
- Bien sûr, nous ne pourrons jamais redonner leurs vies à tous ces enfants.
- Bien sûr, il faudra des années pour que cette terre soit à nouveau cultivable.
Voltaire affirmait que : « D’un mal peut naître un bien ».
Prenons donc en compte les erreurs passées, les vies gâchées au profit du bien-être de certains pour
éviter une nouvelle catastrophe.
RÉVEILLONS NOUS !
- Il est temps de se soucier de ces hommes, de ces femmes et surtout de ces enfants victimes d’un
drame qu’ils n’ont pas connu !
- Il est temps de se soucier de cette centrale prête à répandre son poison mortel à tout moment !
- Il est temps de sauver ces 270 000 innocents victimes d’une politique négationniste !
- Qui aura le courage de les sauver d’une mort évidente ?
- Qui sauvera les vies des milliers d’hommes en faisant enfin disparaître toutes les menaces de
Tchernobyl.
- Est-il temps ? Oui il est temps de secourir les derniers rescapés de la catastrophe de la honte.
Ceci s’est produit il y a maintenant dix-huit ans. Seule l’action immédiate, une oreille attentive portée
aux cris d’appel de ces jeunes victimes permettrait de redonner la vie à ces enfants « morts-nés ».
Dès demain, il faut reloger ces 270 000 personnes, victimes d’un crime passé sous silence.
Dès ce soir, il faut en finir avec ce terrible danger qu’est la centrale.
Enfin, prenons le cas de Medzamor en Arménie, de Kolozduy en Bulgarie ou encore de Ignalina en
Lituanie. Ces centrales datées des années soixante ne respectent pas les conditions minimales de
sécurité ! Non… nous ne sommes pas à l’abri d’un nouvel accident... et si Tchernobyl n’était qu’un
commencement ?
Nous parlions tout à l’heure de souvenirs terribles. En effet, nous avons pu rencontrer ces enfants. Le
plus terrible chez eux ce ne sont pas leurs tumeurs énormes, leurs leucémies ou pire encore, leur
physique de monstres…
Ne soyez pas choqués par ce terme car c’est la réalité. Aujourd’hui en Ukraine certains enfants
naissent avec deux têtes, quatre jambes ou avec des appareils génitaux énormes. Ce n’est pas leur
physique difforme qui nous hante mais leur regard. Toute notre vie nous nous souviendrons du
regard de cette petite fille physiquement vivante et intérieurement morte qui semblait nous dire :
« Je suis déjà partie et qu’avez-vous fait pour éviter ça ? » Cet enfant a été tué par la bêtise humaine ;
pourtant le premier droit de l’homme est le droit à la vie.
Cette plaidoirie est dédiée à toi Ostap.
Mais aussi à tous ceux qui luttent et lutteront pour Tchernobyl. À ceux qui nous donnent envie
d’avancer…
En espérant que pour vous tous, jury, candidats, spectateurs, Tchernobyl ne soit plus une fatalité.
Plaider pour les victimes d’aujourd’hui c’est aussi sauver celles de demain…
« Pour que l’on ne dise plus que l’on ne savait pas ».

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